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Les contes de Perrault : Cendrillon ou La Petite Pantoufle de Verre 🌻 cover
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Carpediem

Les contes de Perrault : Cendrillon ou La Petite Pantoufle de Verre 🌻

Les contes de Perrault : Cendrillon ou La Petite Pantoufle de Verre 🌻

18min |31/08/2024
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Description

Cet été, j'ai choisi de vous partager les grands classiques d'un auteur français du XVIIème siècle : Charles Perrault. Je vous lirai donc au cours des huit prochains épisodes Les contes de la mère de l’Oye. Il s'agit d'un recueil de contes paru en 1697, qui regroupe, malgré ce que l'on pourrait croire, des histoires non seulement pour les enfants, mais aussi pour les plus grands... La moralité de ces contes est parfois plus complexe que ce qu'elle pourrait laisser paraître!


Le cinquième épisode de cette mini-série estivale contera l'histoire de La Petite Pantoufle de Verre, conte bien plus connu sous le nom de Cendrillon!


Si vous voulez en savoir plus au sujet de Ye Xian (葉限) :

  1. Simone Jonker. L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne. 2024. Lien URL : L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne - Vision Times

  2. Lysiane Christen. Yexian, la Cendrillon des contes chinois. Uniscope - Université de Lausanne. Podcast. 2021. Lien URL : Yexian, la Cendrillon des contes chinois – L'uniscope (unil.ch)


Si vous voulez en savoir plus au sujet de ce conte :

  1. Alice Roucloux. Cendrillon ou La petite pantoufle de verre de Charles Perrault : un conte intemporel et contemporain ? Études des adaptations du XIXe au XXIe siècle. 2017-2018. Lien URL : MergedFile (uclouvain.be)

  2. Coryn Jana. Les différents visages du personnage féminin dans les contes de fées. Analyse des contes de Perrault et des frères Grimm et leurs adaptations cinématographiques. 2016. Lien URL : RUG01-002304042_2016_0001_AC.pdf (ugent.be)

  3. Tony Gheeraert. Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l’art de plaire à la cour. 2019. Lien URL : Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l'art de plaire à la cour (hal.science)

  4. France Inter. Psychologie des contes : un autre regard sur Cendrillon. 2022. Lien URL : Psychologie des contes : un autre regard sur "Cendrillon" | France Inter (radiofrance.fr)


Bonne écoute :)🍀


Contact : xupazcarpediem@gmail.com


Musique : Once again - Musique libre de droits de https://audiohub.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou tout le monde, c'est Xulia, je vous souhaite la bienvenue dans Carpediem. Aujourd'hui nous arrivons au cinquième épisode de cette série de l'été qui regroupe les huit contes de la mère de loi, paru en 1697 et écrit par Charles Perrault. Je clôture ce mois d'août avec l'histoire d'une femme qui avant même de se marier avec un prince était dotée de par sa douceur et sa gentillesse de l'essence même d'une princesse. Condamnée à un quotidien injuste par son affreuse marâtre, son destin bascule lorsqu'elle perd sa pantoufle de verre, après un bal organisé par le prince. Il s'agit du célèbre conte que nous avons tous moult fois lu, vu et entendu, Cendrillon. Mais avant de poursuivre avec le récit, saviez-vous que la version la plus ancienne de ce conte, découverte à ce jour, provient de la littérature chinoise et date du 8e siècle ? Elle relate l'histoire de Ye Xian et du Soulier d'or. Dans ce vieux conte, ce n'est pas d'une marine-fée dont vous entendrez parler, mais d'un poisson. Pourtant, malgré leurs différences, ces deux récits ont beaucoup en commun. Dans la description, vous découvrirez d'autres informations sur cet ancien conte, ainsi qu'un podcast réalisé par le magazine du campus de l'université de Lausanne en Suisse, que je vous recommande absolument. Il s'agit d'une courte interview de Miao Hua, doctorante de la faculté des lettres, qui a analysé et comparé dans sa thèse de nombreux contes de la littérature française et chinoise. Je vous laisse à présent avec la version de l'histoire écrite près de huit siècles plus tard, celle de Charles Perrault. Bonne écoute ! Il était une fois un gentil homme qui épousa en seconde noce une femme la plus hautaine et la plus fière qu'on n'eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille d'une douceur et d'une bonté sans exemple. Elle tenait cela de sa mère qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plutôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. Elle ne put souffrir les belles qualités de cette jeune enfant qui rendait ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la maison. C'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame et de mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquettées où elles avaient des lits les plus à la mode, des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait toute avec patience et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'allait mettre au coin de la cheminée et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis, Cussandron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aîné, l'appelait Cendrillon. Cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtue très magnifiquement. Il arriva que le fils du roi donna un bal et qu'il en pria toutes les personnes de qualité. Nos deux demoiselles en furent aussi priées car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur sierraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui goudronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s'habillerait. Moi, dit l'aîné, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre. Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire, mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or et ma barrière de diamant, qui n'est pas des plus indifférentes. On n'en voyait qu'errir la bonne coiffeuse. pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse. Elles appelaient Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde et s'offrit même à les coiffer, ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elle lui disait, Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ? Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut. Tu as raison, on rirait bien si on voyait un cussandron aller au bal. Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers, mais elle était bonne et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin le rejour arriva, on partit et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put. Lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait. Je voudrais bien, je voudrais bien. Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? Hélas, oui, dit Cendrillon en soupirant. Eh bien, seras-tu bonne fille, dit sa marraine, je t'y ferai aller. Elle la mena dans sa chambre et lui dit, Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et l'apporta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière où elle trouva six souris toutes en vie. Elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière et à chaque souris qui sortait elle lui donnait un coup de sa baguette et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ce qui fit un bel attelage de six chevaux d'un beau gris de souris pommelées. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher. Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelques rats dans la ratière, nous en ferons un cocher. Tu as raison, dit sa marraine, va voir. Cendrillon lui apporta la ratière où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois à cause de sa maîtresse barbe et l'ayant touché, il fut changé à un gros cocher qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vue. Ensuite elle lui dit Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi. Elle ne les eut pas plutôt apportés que la marraine l'échangeant en six laquais qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés et qui s'y tenaient attachés comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon, Eh bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ? Oui mais... Est-ce que j'irai comme cela avec mes vilains habits ? Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits d'or et d'argent, touche amarrée de pierrer. Elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse, mais sa marraine lui recommanda sur toute chose de ne pas passer minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir. Il lui donna la main à la descente du carrosse et l'amena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence. On cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cet inconnu. On entendait qu'un bruit confus. Oh, qu'elle est belle ! Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits pour en faire un peu plus de rire. en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer. Elle alla s'asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés. Elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui donnait. prince lui avait donné, ce qui les étonna fort, car elle ne la connaissait point. Lorsqu'elle causait ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts. Elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait prié. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal. Les deux sœurs heurtèrent à la porte. Cendrillon leur alla ouvrir. Que vous êtes longtemps à revenir ! leur dit-elle en baillant, en se frottant les yeux et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller. Elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elle s'était quittée. Si tu étais venue au bal ! lui dit une de ses sœurs. Tu ne t'y serais pas ennuyée, il y est venue la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir. Elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons. Cendrillon ne se sentait pas de joie, elle leur demanda le nom de cette princesse. Mais elle lui répondit qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine et qu'il donnerait toute chose au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit Elle était donc bien belle ? Mon Dieu, que vous êtes heureuse ! Ne pourrais-je point la voir ? Hélas, mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis. Prêtez votre habit à un vilain Cussandron comme cela ? Il faudrait que je fusse bien folle. Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain, les deux sœurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus paré que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle et ne cessa de lui conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s'ennuyait point et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé. De sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fut encore onze heures. Elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit mais il ne put l'attraper. Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle, bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse, et ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune fille fort mal vêtue et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand les deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elle s'était encore bien divertie et si la belle dame y avait été. Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde, que le fils du roi l'avait ramassée et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On la porta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle. Mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait et qui reconnut sa pantoufle dit en riant, Que je vois si elle ne me serait pas bonne ! Ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon et la trouvant fort belle, dit que cela était très juste et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon et, approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ces deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elle lui avait fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On l'amena chez le jeune prince, paré comme elle était, et il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au palais, et les maria dès le jour même à deux grands seigneurs de la cour. Et voilà, nous arrivons à la fin de cet épisode. Ici encore, le conte est pourvu de deux moralités. La première dit La beauté pour le sexe est un rare trésor. De l'admirer, jamais on ne se lasse. Mais ce qu'on nomme bonne grâce, et sans prix, et vaut mieux encore. C'est ce qu'Ascendrion fit avoir sa marraine, en l'adressant, en l'instruisant, tant et si bien qu'elle en fit une reine. Car ainsi sur ce conte, on va moralisant. Belle, ce don vaut mieux que d'être bien coiffée, pour engager un cœur, pour en venir à bout, la bonne grâce est le vrai don des fées. Sans elle, on ne peut rien, avec elle, on peut tout. La deuxième moralité dit C'est sans doute un grand avantage d'avoir de l'esprit, du courage, de la naissance, du bon sens et d'autres semblables talents, qu'on reçoit du ciel en partage. Mais vous aurez beau les avoir, pour votre avancement ce seront choses vaines, si vous n'avez pour les faire valoir ou des parrains ou des marraines. Cendrillon est décrite par Charles Perrault comme une fille d'une beauté et d'une bonté inégalables. Qu'elle soit drapée de gonilles ou couverte de cendres, elle reste au-dessus des femmes ordinaires. Bien qu'elle ait été traitée comme un objet et un déchet, elle pardonne sa belle-mère et ses deux filles des mauvais traitements qu'elles lui ont infligés. Tue dans les moralités, la thématique du pardon ne passe pourtant pas inaperçue, d'autant plus que de nombreuses versions ne sont pas aussi indulgentes avec les deux sœurs. Par exemple, dans celle écrite plus tard par les frères Grimm, des pigeons crèvent les yeux des deux sœurs qui deviennent aveugles afin de punir leur perfidie. Dans la première moralité, il est dit que la beauté est un atout non négligeable. mais que la bonne grâce, une qualité subtile qui incarne une resplendeur intérieure et des valeurs morales dignes, est encore plus essentielle. Au contraire, Charles Perrault ajoute dans la deuxième moralité que grâce et beauté ne sont d'aucune utilité sans les relations sociales. Certains disent que ces deux morales se contredisent, d'autres qu'elles se complètent. Finalement, qu'en est-il de la duplicité de Cendrillon ? D'une part, elle est portée au nu au travers du récit. Elle est bonne, gentille, indulgente. Dès sa première entrée à la cour, elle fait preuve d'une parfaite connaissance des règles de bienséance. L'étiquette n'a l'air d'avoir aucun secret pour elle. D'autre part, bien que le comte utilise des qualificatifs positifs pour la décrire, ne peut-on pas lire entre les lignes des signes d'hypocrisie, d'espiéglorie et de manipulation ? Voir d'arrivis ? Lorsque ses sœurs rentrent du bal, elle joue les innocentes en faisant mine de s'être réveillée récemment. Quand ses sœurs évoquent la mystérieuse princesse d'une grande beauté, Cendrillon ne manque pas de demander si la princesse était vraiment belle et si elle aurait l'occasion de la voir. Lors du premier bal auquel elle assiste, ne va-t-elle pas parler à ses sœurs sans leur révéler son identité ? Son comportement semble anodin et sans arrière-pensée, mais le récit ne fait jamais allusion à ses véritables motivations pour danser avec le prince, avec lequel elle n'échange d'ailleurs aucun mot. Le prince est-il vraiment amoureux de Cendrillon ? Ou est-il simplement fasciné par sa beauté, tout comme le roi et le reste de la cour ? Quant à Cendrillon, jamais elle ne fait part de ses propres sentiments. Aime-t-elle réellement le prince, ou est-elle simplement ambitieuse, cherchant à élever son statut social ? Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion, car les avis divergent. Par exemple, je n'avais jamais considéré le comte sous l'angle d'une Cendrillon arriviste. Je me rappelle par contre que petite, l'excès de gentillesse de Cendrillon me frustrait. Dans certaines versions de l'histoire où les sœurs et la marâtre étaient particulièrement détestables, je souhaitais de tout cœur qu'elles se rebellent et prennent les choses en main. Qu'elles se réveillent, quoi. Mais vous, préférez-vous que les deux sœurs soient punies à la fin du conte ou qu'elles soient épargnées ? Nous arrivons à la fin de l'épisode, je vous souhaite une bonne semaine, c'était Carpediem et vous avez écouté Xulia. Bye !

Description

Cet été, j'ai choisi de vous partager les grands classiques d'un auteur français du XVIIème siècle : Charles Perrault. Je vous lirai donc au cours des huit prochains épisodes Les contes de la mère de l’Oye. Il s'agit d'un recueil de contes paru en 1697, qui regroupe, malgré ce que l'on pourrait croire, des histoires non seulement pour les enfants, mais aussi pour les plus grands... La moralité de ces contes est parfois plus complexe que ce qu'elle pourrait laisser paraître!


Le cinquième épisode de cette mini-série estivale contera l'histoire de La Petite Pantoufle de Verre, conte bien plus connu sous le nom de Cendrillon!


Si vous voulez en savoir plus au sujet de Ye Xian (葉限) :

  1. Simone Jonker. L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne. 2024. Lien URL : L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne - Vision Times

  2. Lysiane Christen. Yexian, la Cendrillon des contes chinois. Uniscope - Université de Lausanne. Podcast. 2021. Lien URL : Yexian, la Cendrillon des contes chinois – L'uniscope (unil.ch)


Si vous voulez en savoir plus au sujet de ce conte :

  1. Alice Roucloux. Cendrillon ou La petite pantoufle de verre de Charles Perrault : un conte intemporel et contemporain ? Études des adaptations du XIXe au XXIe siècle. 2017-2018. Lien URL : MergedFile (uclouvain.be)

  2. Coryn Jana. Les différents visages du personnage féminin dans les contes de fées. Analyse des contes de Perrault et des frères Grimm et leurs adaptations cinématographiques. 2016. Lien URL : RUG01-002304042_2016_0001_AC.pdf (ugent.be)

  3. Tony Gheeraert. Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l’art de plaire à la cour. 2019. Lien URL : Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l'art de plaire à la cour (hal.science)

  4. France Inter. Psychologie des contes : un autre regard sur Cendrillon. 2022. Lien URL : Psychologie des contes : un autre regard sur "Cendrillon" | France Inter (radiofrance.fr)


Bonne écoute :)🍀


Contact : xupazcarpediem@gmail.com


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  • Speaker #0

    Coucou tout le monde, c'est Xulia, je vous souhaite la bienvenue dans Carpediem. Aujourd'hui nous arrivons au cinquième épisode de cette série de l'été qui regroupe les huit contes de la mère de loi, paru en 1697 et écrit par Charles Perrault. Je clôture ce mois d'août avec l'histoire d'une femme qui avant même de se marier avec un prince était dotée de par sa douceur et sa gentillesse de l'essence même d'une princesse. Condamnée à un quotidien injuste par son affreuse marâtre, son destin bascule lorsqu'elle perd sa pantoufle de verre, après un bal organisé par le prince. Il s'agit du célèbre conte que nous avons tous moult fois lu, vu et entendu, Cendrillon. Mais avant de poursuivre avec le récit, saviez-vous que la version la plus ancienne de ce conte, découverte à ce jour, provient de la littérature chinoise et date du 8e siècle ? Elle relate l'histoire de Ye Xian et du Soulier d'or. Dans ce vieux conte, ce n'est pas d'une marine-fée dont vous entendrez parler, mais d'un poisson. Pourtant, malgré leurs différences, ces deux récits ont beaucoup en commun. Dans la description, vous découvrirez d'autres informations sur cet ancien conte, ainsi qu'un podcast réalisé par le magazine du campus de l'université de Lausanne en Suisse, que je vous recommande absolument. Il s'agit d'une courte interview de Miao Hua, doctorante de la faculté des lettres, qui a analysé et comparé dans sa thèse de nombreux contes de la littérature française et chinoise. Je vous laisse à présent avec la version de l'histoire écrite près de huit siècles plus tard, celle de Charles Perrault. Bonne écoute ! Il était une fois un gentil homme qui épousa en seconde noce une femme la plus hautaine et la plus fière qu'on n'eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille d'une douceur et d'une bonté sans exemple. Elle tenait cela de sa mère qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plutôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. Elle ne put souffrir les belles qualités de cette jeune enfant qui rendait ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la maison. C'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame et de mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquettées où elles avaient des lits les plus à la mode, des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait toute avec patience et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'allait mettre au coin de la cheminée et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis, Cussandron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aîné, l'appelait Cendrillon. Cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtue très magnifiquement. Il arriva que le fils du roi donna un bal et qu'il en pria toutes les personnes de qualité. Nos deux demoiselles en furent aussi priées car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur sierraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui goudronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s'habillerait. Moi, dit l'aîné, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre. Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire, mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or et ma barrière de diamant, qui n'est pas des plus indifférentes. On n'en voyait qu'errir la bonne coiffeuse. pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse. Elles appelaient Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde et s'offrit même à les coiffer, ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elle lui disait, Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ? Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut. Tu as raison, on rirait bien si on voyait un cussandron aller au bal. Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers, mais elle était bonne et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin le rejour arriva, on partit et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put. Lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait. Je voudrais bien, je voudrais bien. Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? Hélas, oui, dit Cendrillon en soupirant. Eh bien, seras-tu bonne fille, dit sa marraine, je t'y ferai aller. Elle la mena dans sa chambre et lui dit, Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et l'apporta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière où elle trouva six souris toutes en vie. Elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière et à chaque souris qui sortait elle lui donnait un coup de sa baguette et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ce qui fit un bel attelage de six chevaux d'un beau gris de souris pommelées. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher. Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelques rats dans la ratière, nous en ferons un cocher. Tu as raison, dit sa marraine, va voir. Cendrillon lui apporta la ratière où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois à cause de sa maîtresse barbe et l'ayant touché, il fut changé à un gros cocher qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vue. Ensuite elle lui dit Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi. Elle ne les eut pas plutôt apportés que la marraine l'échangeant en six laquais qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés et qui s'y tenaient attachés comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon, Eh bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ? Oui mais... Est-ce que j'irai comme cela avec mes vilains habits ? Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits d'or et d'argent, touche amarrée de pierrer. Elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse, mais sa marraine lui recommanda sur toute chose de ne pas passer minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir. Il lui donna la main à la descente du carrosse et l'amena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence. On cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cet inconnu. On entendait qu'un bruit confus. Oh, qu'elle est belle ! Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits pour en faire un peu plus de rire. en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer. Elle alla s'asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés. Elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui donnait. prince lui avait donné, ce qui les étonna fort, car elle ne la connaissait point. Lorsqu'elle causait ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts. Elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait prié. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal. Les deux sœurs heurtèrent à la porte. Cendrillon leur alla ouvrir. Que vous êtes longtemps à revenir ! leur dit-elle en baillant, en se frottant les yeux et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller. Elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elle s'était quittée. Si tu étais venue au bal ! lui dit une de ses sœurs. Tu ne t'y serais pas ennuyée, il y est venue la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir. Elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons. Cendrillon ne se sentait pas de joie, elle leur demanda le nom de cette princesse. Mais elle lui répondit qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine et qu'il donnerait toute chose au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit Elle était donc bien belle ? Mon Dieu, que vous êtes heureuse ! Ne pourrais-je point la voir ? Hélas, mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis. Prêtez votre habit à un vilain Cussandron comme cela ? Il faudrait que je fusse bien folle. Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain, les deux sœurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus paré que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle et ne cessa de lui conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s'ennuyait point et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé. De sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fut encore onze heures. Elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit mais il ne put l'attraper. Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle, bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse, et ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune fille fort mal vêtue et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand les deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elle s'était encore bien divertie et si la belle dame y avait été. Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde, que le fils du roi l'avait ramassée et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On la porta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle. Mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait et qui reconnut sa pantoufle dit en riant, Que je vois si elle ne me serait pas bonne ! Ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon et la trouvant fort belle, dit que cela était très juste et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon et, approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ces deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elle lui avait fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On l'amena chez le jeune prince, paré comme elle était, et il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au palais, et les maria dès le jour même à deux grands seigneurs de la cour. Et voilà, nous arrivons à la fin de cet épisode. Ici encore, le conte est pourvu de deux moralités. La première dit La beauté pour le sexe est un rare trésor. De l'admirer, jamais on ne se lasse. Mais ce qu'on nomme bonne grâce, et sans prix, et vaut mieux encore. C'est ce qu'Ascendrion fit avoir sa marraine, en l'adressant, en l'instruisant, tant et si bien qu'elle en fit une reine. Car ainsi sur ce conte, on va moralisant. Belle, ce don vaut mieux que d'être bien coiffée, pour engager un cœur, pour en venir à bout, la bonne grâce est le vrai don des fées. Sans elle, on ne peut rien, avec elle, on peut tout. La deuxième moralité dit C'est sans doute un grand avantage d'avoir de l'esprit, du courage, de la naissance, du bon sens et d'autres semblables talents, qu'on reçoit du ciel en partage. Mais vous aurez beau les avoir, pour votre avancement ce seront choses vaines, si vous n'avez pour les faire valoir ou des parrains ou des marraines. Cendrillon est décrite par Charles Perrault comme une fille d'une beauté et d'une bonté inégalables. Qu'elle soit drapée de gonilles ou couverte de cendres, elle reste au-dessus des femmes ordinaires. Bien qu'elle ait été traitée comme un objet et un déchet, elle pardonne sa belle-mère et ses deux filles des mauvais traitements qu'elles lui ont infligés. Tue dans les moralités, la thématique du pardon ne passe pourtant pas inaperçue, d'autant plus que de nombreuses versions ne sont pas aussi indulgentes avec les deux sœurs. Par exemple, dans celle écrite plus tard par les frères Grimm, des pigeons crèvent les yeux des deux sœurs qui deviennent aveugles afin de punir leur perfidie. Dans la première moralité, il est dit que la beauté est un atout non négligeable. mais que la bonne grâce, une qualité subtile qui incarne une resplendeur intérieure et des valeurs morales dignes, est encore plus essentielle. Au contraire, Charles Perrault ajoute dans la deuxième moralité que grâce et beauté ne sont d'aucune utilité sans les relations sociales. Certains disent que ces deux morales se contredisent, d'autres qu'elles se complètent. Finalement, qu'en est-il de la duplicité de Cendrillon ? D'une part, elle est portée au nu au travers du récit. Elle est bonne, gentille, indulgente. Dès sa première entrée à la cour, elle fait preuve d'une parfaite connaissance des règles de bienséance. L'étiquette n'a l'air d'avoir aucun secret pour elle. D'autre part, bien que le comte utilise des qualificatifs positifs pour la décrire, ne peut-on pas lire entre les lignes des signes d'hypocrisie, d'espiéglorie et de manipulation ? Voir d'arrivis ? Lorsque ses sœurs rentrent du bal, elle joue les innocentes en faisant mine de s'être réveillée récemment. Quand ses sœurs évoquent la mystérieuse princesse d'une grande beauté, Cendrillon ne manque pas de demander si la princesse était vraiment belle et si elle aurait l'occasion de la voir. Lors du premier bal auquel elle assiste, ne va-t-elle pas parler à ses sœurs sans leur révéler son identité ? Son comportement semble anodin et sans arrière-pensée, mais le récit ne fait jamais allusion à ses véritables motivations pour danser avec le prince, avec lequel elle n'échange d'ailleurs aucun mot. Le prince est-il vraiment amoureux de Cendrillon ? Ou est-il simplement fasciné par sa beauté, tout comme le roi et le reste de la cour ? Quant à Cendrillon, jamais elle ne fait part de ses propres sentiments. Aime-t-elle réellement le prince, ou est-elle simplement ambitieuse, cherchant à élever son statut social ? Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion, car les avis divergent. Par exemple, je n'avais jamais considéré le comte sous l'angle d'une Cendrillon arriviste. Je me rappelle par contre que petite, l'excès de gentillesse de Cendrillon me frustrait. Dans certaines versions de l'histoire où les sœurs et la marâtre étaient particulièrement détestables, je souhaitais de tout cœur qu'elles se rebellent et prennent les choses en main. Qu'elles se réveillent, quoi. Mais vous, préférez-vous que les deux sœurs soient punies à la fin du conte ou qu'elles soient épargnées ? Nous arrivons à la fin de l'épisode, je vous souhaite une bonne semaine, c'était Carpediem et vous avez écouté Xulia. Bye !

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Description

Cet été, j'ai choisi de vous partager les grands classiques d'un auteur français du XVIIème siècle : Charles Perrault. Je vous lirai donc au cours des huit prochains épisodes Les contes de la mère de l’Oye. Il s'agit d'un recueil de contes paru en 1697, qui regroupe, malgré ce que l'on pourrait croire, des histoires non seulement pour les enfants, mais aussi pour les plus grands... La moralité de ces contes est parfois plus complexe que ce qu'elle pourrait laisser paraître!


Le cinquième épisode de cette mini-série estivale contera l'histoire de La Petite Pantoufle de Verre, conte bien plus connu sous le nom de Cendrillon!


Si vous voulez en savoir plus au sujet de Ye Xian (葉限) :

  1. Simone Jonker. L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne. 2024. Lien URL : L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne - Vision Times

  2. Lysiane Christen. Yexian, la Cendrillon des contes chinois. Uniscope - Université de Lausanne. Podcast. 2021. Lien URL : Yexian, la Cendrillon des contes chinois – L'uniscope (unil.ch)


Si vous voulez en savoir plus au sujet de ce conte :

  1. Alice Roucloux. Cendrillon ou La petite pantoufle de verre de Charles Perrault : un conte intemporel et contemporain ? Études des adaptations du XIXe au XXIe siècle. 2017-2018. Lien URL : MergedFile (uclouvain.be)

  2. Coryn Jana. Les différents visages du personnage féminin dans les contes de fées. Analyse des contes de Perrault et des frères Grimm et leurs adaptations cinématographiques. 2016. Lien URL : RUG01-002304042_2016_0001_AC.pdf (ugent.be)

  3. Tony Gheeraert. Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l’art de plaire à la cour. 2019. Lien URL : Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l'art de plaire à la cour (hal.science)

  4. France Inter. Psychologie des contes : un autre regard sur Cendrillon. 2022. Lien URL : Psychologie des contes : un autre regard sur "Cendrillon" | France Inter (radiofrance.fr)


Bonne écoute :)🍀


Contact : xupazcarpediem@gmail.com


Musique : Once again - Musique libre de droits de https://audiohub.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou tout le monde, c'est Xulia, je vous souhaite la bienvenue dans Carpediem. Aujourd'hui nous arrivons au cinquième épisode de cette série de l'été qui regroupe les huit contes de la mère de loi, paru en 1697 et écrit par Charles Perrault. Je clôture ce mois d'août avec l'histoire d'une femme qui avant même de se marier avec un prince était dotée de par sa douceur et sa gentillesse de l'essence même d'une princesse. Condamnée à un quotidien injuste par son affreuse marâtre, son destin bascule lorsqu'elle perd sa pantoufle de verre, après un bal organisé par le prince. Il s'agit du célèbre conte que nous avons tous moult fois lu, vu et entendu, Cendrillon. Mais avant de poursuivre avec le récit, saviez-vous que la version la plus ancienne de ce conte, découverte à ce jour, provient de la littérature chinoise et date du 8e siècle ? Elle relate l'histoire de Ye Xian et du Soulier d'or. Dans ce vieux conte, ce n'est pas d'une marine-fée dont vous entendrez parler, mais d'un poisson. Pourtant, malgré leurs différences, ces deux récits ont beaucoup en commun. Dans la description, vous découvrirez d'autres informations sur cet ancien conte, ainsi qu'un podcast réalisé par le magazine du campus de l'université de Lausanne en Suisse, que je vous recommande absolument. Il s'agit d'une courte interview de Miao Hua, doctorante de la faculté des lettres, qui a analysé et comparé dans sa thèse de nombreux contes de la littérature française et chinoise. Je vous laisse à présent avec la version de l'histoire écrite près de huit siècles plus tard, celle de Charles Perrault. Bonne écoute ! Il était une fois un gentil homme qui épousa en seconde noce une femme la plus hautaine et la plus fière qu'on n'eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille d'une douceur et d'une bonté sans exemple. Elle tenait cela de sa mère qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plutôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. Elle ne put souffrir les belles qualités de cette jeune enfant qui rendait ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la maison. C'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame et de mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquettées où elles avaient des lits les plus à la mode, des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait toute avec patience et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'allait mettre au coin de la cheminée et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis, Cussandron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aîné, l'appelait Cendrillon. Cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtue très magnifiquement. Il arriva que le fils du roi donna un bal et qu'il en pria toutes les personnes de qualité. Nos deux demoiselles en furent aussi priées car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur sierraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui goudronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s'habillerait. Moi, dit l'aîné, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre. Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire, mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or et ma barrière de diamant, qui n'est pas des plus indifférentes. On n'en voyait qu'errir la bonne coiffeuse. pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse. Elles appelaient Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde et s'offrit même à les coiffer, ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elle lui disait, Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ? Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut. Tu as raison, on rirait bien si on voyait un cussandron aller au bal. Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers, mais elle était bonne et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin le rejour arriva, on partit et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put. Lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait. Je voudrais bien, je voudrais bien. Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? Hélas, oui, dit Cendrillon en soupirant. Eh bien, seras-tu bonne fille, dit sa marraine, je t'y ferai aller. Elle la mena dans sa chambre et lui dit, Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et l'apporta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière où elle trouva six souris toutes en vie. Elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière et à chaque souris qui sortait elle lui donnait un coup de sa baguette et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ce qui fit un bel attelage de six chevaux d'un beau gris de souris pommelées. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher. Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelques rats dans la ratière, nous en ferons un cocher. Tu as raison, dit sa marraine, va voir. Cendrillon lui apporta la ratière où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois à cause de sa maîtresse barbe et l'ayant touché, il fut changé à un gros cocher qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vue. Ensuite elle lui dit Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi. Elle ne les eut pas plutôt apportés que la marraine l'échangeant en six laquais qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés et qui s'y tenaient attachés comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon, Eh bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ? Oui mais... Est-ce que j'irai comme cela avec mes vilains habits ? Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits d'or et d'argent, touche amarrée de pierrer. Elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse, mais sa marraine lui recommanda sur toute chose de ne pas passer minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir. Il lui donna la main à la descente du carrosse et l'amena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence. On cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cet inconnu. On entendait qu'un bruit confus. Oh, qu'elle est belle ! Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits pour en faire un peu plus de rire. en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer. Elle alla s'asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés. Elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui donnait. prince lui avait donné, ce qui les étonna fort, car elle ne la connaissait point. Lorsqu'elle causait ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts. Elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait prié. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal. Les deux sœurs heurtèrent à la porte. Cendrillon leur alla ouvrir. Que vous êtes longtemps à revenir ! leur dit-elle en baillant, en se frottant les yeux et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller. Elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elle s'était quittée. Si tu étais venue au bal ! lui dit une de ses sœurs. Tu ne t'y serais pas ennuyée, il y est venue la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir. Elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons. Cendrillon ne se sentait pas de joie, elle leur demanda le nom de cette princesse. Mais elle lui répondit qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine et qu'il donnerait toute chose au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit Elle était donc bien belle ? Mon Dieu, que vous êtes heureuse ! Ne pourrais-je point la voir ? Hélas, mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis. Prêtez votre habit à un vilain Cussandron comme cela ? Il faudrait que je fusse bien folle. Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain, les deux sœurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus paré que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle et ne cessa de lui conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s'ennuyait point et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé. De sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fut encore onze heures. Elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit mais il ne put l'attraper. Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle, bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse, et ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune fille fort mal vêtue et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand les deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elle s'était encore bien divertie et si la belle dame y avait été. Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde, que le fils du roi l'avait ramassée et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On la porta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle. Mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait et qui reconnut sa pantoufle dit en riant, Que je vois si elle ne me serait pas bonne ! Ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon et la trouvant fort belle, dit que cela était très juste et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon et, approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ces deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elle lui avait fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On l'amena chez le jeune prince, paré comme elle était, et il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au palais, et les maria dès le jour même à deux grands seigneurs de la cour. Et voilà, nous arrivons à la fin de cet épisode. Ici encore, le conte est pourvu de deux moralités. La première dit La beauté pour le sexe est un rare trésor. De l'admirer, jamais on ne se lasse. Mais ce qu'on nomme bonne grâce, et sans prix, et vaut mieux encore. C'est ce qu'Ascendrion fit avoir sa marraine, en l'adressant, en l'instruisant, tant et si bien qu'elle en fit une reine. Car ainsi sur ce conte, on va moralisant. Belle, ce don vaut mieux que d'être bien coiffée, pour engager un cœur, pour en venir à bout, la bonne grâce est le vrai don des fées. Sans elle, on ne peut rien, avec elle, on peut tout. La deuxième moralité dit C'est sans doute un grand avantage d'avoir de l'esprit, du courage, de la naissance, du bon sens et d'autres semblables talents, qu'on reçoit du ciel en partage. Mais vous aurez beau les avoir, pour votre avancement ce seront choses vaines, si vous n'avez pour les faire valoir ou des parrains ou des marraines. Cendrillon est décrite par Charles Perrault comme une fille d'une beauté et d'une bonté inégalables. Qu'elle soit drapée de gonilles ou couverte de cendres, elle reste au-dessus des femmes ordinaires. Bien qu'elle ait été traitée comme un objet et un déchet, elle pardonne sa belle-mère et ses deux filles des mauvais traitements qu'elles lui ont infligés. Tue dans les moralités, la thématique du pardon ne passe pourtant pas inaperçue, d'autant plus que de nombreuses versions ne sont pas aussi indulgentes avec les deux sœurs. Par exemple, dans celle écrite plus tard par les frères Grimm, des pigeons crèvent les yeux des deux sœurs qui deviennent aveugles afin de punir leur perfidie. Dans la première moralité, il est dit que la beauté est un atout non négligeable. mais que la bonne grâce, une qualité subtile qui incarne une resplendeur intérieure et des valeurs morales dignes, est encore plus essentielle. Au contraire, Charles Perrault ajoute dans la deuxième moralité que grâce et beauté ne sont d'aucune utilité sans les relations sociales. Certains disent que ces deux morales se contredisent, d'autres qu'elles se complètent. Finalement, qu'en est-il de la duplicité de Cendrillon ? D'une part, elle est portée au nu au travers du récit. Elle est bonne, gentille, indulgente. Dès sa première entrée à la cour, elle fait preuve d'une parfaite connaissance des règles de bienséance. L'étiquette n'a l'air d'avoir aucun secret pour elle. D'autre part, bien que le comte utilise des qualificatifs positifs pour la décrire, ne peut-on pas lire entre les lignes des signes d'hypocrisie, d'espiéglorie et de manipulation ? Voir d'arrivis ? Lorsque ses sœurs rentrent du bal, elle joue les innocentes en faisant mine de s'être réveillée récemment. Quand ses sœurs évoquent la mystérieuse princesse d'une grande beauté, Cendrillon ne manque pas de demander si la princesse était vraiment belle et si elle aurait l'occasion de la voir. Lors du premier bal auquel elle assiste, ne va-t-elle pas parler à ses sœurs sans leur révéler son identité ? Son comportement semble anodin et sans arrière-pensée, mais le récit ne fait jamais allusion à ses véritables motivations pour danser avec le prince, avec lequel elle n'échange d'ailleurs aucun mot. Le prince est-il vraiment amoureux de Cendrillon ? Ou est-il simplement fasciné par sa beauté, tout comme le roi et le reste de la cour ? Quant à Cendrillon, jamais elle ne fait part de ses propres sentiments. Aime-t-elle réellement le prince, ou est-elle simplement ambitieuse, cherchant à élever son statut social ? Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion, car les avis divergent. Par exemple, je n'avais jamais considéré le comte sous l'angle d'une Cendrillon arriviste. Je me rappelle par contre que petite, l'excès de gentillesse de Cendrillon me frustrait. Dans certaines versions de l'histoire où les sœurs et la marâtre étaient particulièrement détestables, je souhaitais de tout cœur qu'elles se rebellent et prennent les choses en main. Qu'elles se réveillent, quoi. Mais vous, préférez-vous que les deux sœurs soient punies à la fin du conte ou qu'elles soient épargnées ? Nous arrivons à la fin de l'épisode, je vous souhaite une bonne semaine, c'était Carpediem et vous avez écouté Xulia. Bye !

Description

Cet été, j'ai choisi de vous partager les grands classiques d'un auteur français du XVIIème siècle : Charles Perrault. Je vous lirai donc au cours des huit prochains épisodes Les contes de la mère de l’Oye. Il s'agit d'un recueil de contes paru en 1697, qui regroupe, malgré ce que l'on pourrait croire, des histoires non seulement pour les enfants, mais aussi pour les plus grands... La moralité de ces contes est parfois plus complexe que ce qu'elle pourrait laisser paraître!


Le cinquième épisode de cette mini-série estivale contera l'histoire de La Petite Pantoufle de Verre, conte bien plus connu sous le nom de Cendrillon!


Si vous voulez en savoir plus au sujet de Ye Xian (葉限) :

  1. Simone Jonker. L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne. 2024. Lien URL : L’origine de Cendrillon : Ye Xian dans la Chine ancienne - Vision Times

  2. Lysiane Christen. Yexian, la Cendrillon des contes chinois. Uniscope - Université de Lausanne. Podcast. 2021. Lien URL : Yexian, la Cendrillon des contes chinois – L'uniscope (unil.ch)


Si vous voulez en savoir plus au sujet de ce conte :

  1. Alice Roucloux. Cendrillon ou La petite pantoufle de verre de Charles Perrault : un conte intemporel et contemporain ? Études des adaptations du XIXe au XXIe siècle. 2017-2018. Lien URL : MergedFile (uclouvain.be)

  2. Coryn Jana. Les différents visages du personnage féminin dans les contes de fées. Analyse des contes de Perrault et des frères Grimm et leurs adaptations cinématographiques. 2016. Lien URL : RUG01-002304042_2016_0001_AC.pdf (ugent.be)

  3. Tony Gheeraert. Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l’art de plaire à la cour. 2019. Lien URL : Une allégorie de la civilité: Cendrillon ou l'art de plaire à la cour (hal.science)

  4. France Inter. Psychologie des contes : un autre regard sur Cendrillon. 2022. Lien URL : Psychologie des contes : un autre regard sur "Cendrillon" | France Inter (radiofrance.fr)


Bonne écoute :)🍀


Contact : xupazcarpediem@gmail.com


Musique : Once again - Musique libre de droits de https://audiohub.fr


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Transcription

  • Speaker #0

    Coucou tout le monde, c'est Xulia, je vous souhaite la bienvenue dans Carpediem. Aujourd'hui nous arrivons au cinquième épisode de cette série de l'été qui regroupe les huit contes de la mère de loi, paru en 1697 et écrit par Charles Perrault. Je clôture ce mois d'août avec l'histoire d'une femme qui avant même de se marier avec un prince était dotée de par sa douceur et sa gentillesse de l'essence même d'une princesse. Condamnée à un quotidien injuste par son affreuse marâtre, son destin bascule lorsqu'elle perd sa pantoufle de verre, après un bal organisé par le prince. Il s'agit du célèbre conte que nous avons tous moult fois lu, vu et entendu, Cendrillon. Mais avant de poursuivre avec le récit, saviez-vous que la version la plus ancienne de ce conte, découverte à ce jour, provient de la littérature chinoise et date du 8e siècle ? Elle relate l'histoire de Ye Xian et du Soulier d'or. Dans ce vieux conte, ce n'est pas d'une marine-fée dont vous entendrez parler, mais d'un poisson. Pourtant, malgré leurs différences, ces deux récits ont beaucoup en commun. Dans la description, vous découvrirez d'autres informations sur cet ancien conte, ainsi qu'un podcast réalisé par le magazine du campus de l'université de Lausanne en Suisse, que je vous recommande absolument. Il s'agit d'une courte interview de Miao Hua, doctorante de la faculté des lettres, qui a analysé et comparé dans sa thèse de nombreux contes de la littérature française et chinoise. Je vous laisse à présent avec la version de l'histoire écrite près de huit siècles plus tard, celle de Charles Perrault. Bonne écoute ! Il était une fois un gentil homme qui épousa en seconde noce une femme la plus hautaine et la plus fière qu'on n'eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille d'une douceur et d'une bonté sans exemple. Elle tenait cela de sa mère qui était la meilleure personne du monde. Les noces ne furent pas plutôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. Elle ne put souffrir les belles qualités de cette jeune enfant qui rendait ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la maison. C'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame et de mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres parquettées où elles avaient des lits les plus à la mode, des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait toute avec patience et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'allait mettre au coin de la cheminée et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis, Cussandron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aîné, l'appelait Cendrillon. Cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtue très magnifiquement. Il arriva que le fils du roi donna un bal et qu'il en pria toutes les personnes de qualité. Nos deux demoiselles en furent aussi priées car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur sierraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui goudronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s'habillerait. Moi, dit l'aîné, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre. Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire, mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d'or et ma barrière de diamant, qui n'est pas des plus indifférentes. On n'en voyait qu'errir la bonne coiffeuse. pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse. Elles appelaient Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde et s'offrit même à les coiffer, ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elle lui disait, Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ? Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut. Tu as raison, on rirait bien si on voyait un cussandron aller au bal. Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers, mais elle était bonne et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin le rejour arriva, on partit et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put. Lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait. Je voudrais bien, je voudrais bien. Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? Hélas, oui, dit Cendrillon en soupirant. Eh bien, seras-tu bonne fille, dit sa marraine, je t'y ferai aller. Elle la mena dans sa chambre et lui dit, Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et l'apporta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière où elle trouva six souris toutes en vie. Elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière et à chaque souris qui sortait elle lui donnait un coup de sa baguette et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ce qui fit un bel attelage de six chevaux d'un beau gris de souris pommelées. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher. Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelques rats dans la ratière, nous en ferons un cocher. Tu as raison, dit sa marraine, va voir. Cendrillon lui apporta la ratière où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois à cause de sa maîtresse barbe et l'ayant touché, il fut changé à un gros cocher qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vue. Ensuite elle lui dit Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi. Elle ne les eut pas plutôt apportés que la marraine l'échangeant en six laquais qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés et qui s'y tenaient attachés comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon, Eh bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise ? Oui mais... Est-ce que j'irai comme cela avec mes vilains habits ? Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits d'or et d'argent, touche amarrée de pierrer. Elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse, mais sa marraine lui recommanda sur toute chose de ne pas passer minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir. Il lui donna la main à la descente du carrosse et l'amena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence. On cessa de danser et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cet inconnu. On entendait qu'un bruit confus. Oh, qu'elle est belle ! Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits pour en faire un peu plus de rire. en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer. Elle alla s'asseoir auprès de ses sœurs, et leur fit mille honnêtetés. Elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui donnait. prince lui avait donné, ce qui les étonna fort, car elle ne la connaissait point. Lorsqu'elle causait ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts. Elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait prié. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal. Les deux sœurs heurtèrent à la porte. Cendrillon leur alla ouvrir. Que vous êtes longtemps à revenir ! leur dit-elle en baillant, en se frottant les yeux et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller. Elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elle s'était quittée. Si tu étais venue au bal ! lui dit une de ses sœurs. Tu ne t'y serais pas ennuyée, il y est venue la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir. Elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons. Cendrillon ne se sentait pas de joie, elle leur demanda le nom de cette princesse. Mais elle lui répondit qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine et qu'il donnerait toute chose au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit Elle était donc bien belle ? Mon Dieu, que vous êtes heureuse ! Ne pourrais-je point la voir ? Hélas, mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis. Prêtez votre habit à un vilain Cussandron comme cela ? Il faudrait que je fusse bien folle. Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise car elle aurait été grandement embarrassée si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain, les deux sœurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus paré que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle et ne cessa de lui conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s'ennuyait point et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé. De sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fut encore onze heures. Elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit mais il ne put l'attraper. Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle, bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse, et ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune fille fort mal vêtue et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand les deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elle s'était encore bien divertie et si la belle dame y avait été. Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde, que le fils du roi l'avait ramassée et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On la porta chez les deux sœurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle. Mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait et qui reconnut sa pantoufle dit en riant, Que je vois si elle ne me serait pas bonne ! Ses sœurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon et la trouvant fort belle, dit que cela était très juste et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon et, approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ces deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elle lui avait fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon cœur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On l'amena chez le jeune prince, paré comme elle était, et il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après, il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux sœurs au palais, et les maria dès le jour même à deux grands seigneurs de la cour. Et voilà, nous arrivons à la fin de cet épisode. Ici encore, le conte est pourvu de deux moralités. La première dit La beauté pour le sexe est un rare trésor. De l'admirer, jamais on ne se lasse. Mais ce qu'on nomme bonne grâce, et sans prix, et vaut mieux encore. C'est ce qu'Ascendrion fit avoir sa marraine, en l'adressant, en l'instruisant, tant et si bien qu'elle en fit une reine. Car ainsi sur ce conte, on va moralisant. Belle, ce don vaut mieux que d'être bien coiffée, pour engager un cœur, pour en venir à bout, la bonne grâce est le vrai don des fées. Sans elle, on ne peut rien, avec elle, on peut tout. La deuxième moralité dit C'est sans doute un grand avantage d'avoir de l'esprit, du courage, de la naissance, du bon sens et d'autres semblables talents, qu'on reçoit du ciel en partage. Mais vous aurez beau les avoir, pour votre avancement ce seront choses vaines, si vous n'avez pour les faire valoir ou des parrains ou des marraines. Cendrillon est décrite par Charles Perrault comme une fille d'une beauté et d'une bonté inégalables. Qu'elle soit drapée de gonilles ou couverte de cendres, elle reste au-dessus des femmes ordinaires. Bien qu'elle ait été traitée comme un objet et un déchet, elle pardonne sa belle-mère et ses deux filles des mauvais traitements qu'elles lui ont infligés. Tue dans les moralités, la thématique du pardon ne passe pourtant pas inaperçue, d'autant plus que de nombreuses versions ne sont pas aussi indulgentes avec les deux sœurs. Par exemple, dans celle écrite plus tard par les frères Grimm, des pigeons crèvent les yeux des deux sœurs qui deviennent aveugles afin de punir leur perfidie. Dans la première moralité, il est dit que la beauté est un atout non négligeable. mais que la bonne grâce, une qualité subtile qui incarne une resplendeur intérieure et des valeurs morales dignes, est encore plus essentielle. Au contraire, Charles Perrault ajoute dans la deuxième moralité que grâce et beauté ne sont d'aucune utilité sans les relations sociales. Certains disent que ces deux morales se contredisent, d'autres qu'elles se complètent. Finalement, qu'en est-il de la duplicité de Cendrillon ? D'une part, elle est portée au nu au travers du récit. Elle est bonne, gentille, indulgente. Dès sa première entrée à la cour, elle fait preuve d'une parfaite connaissance des règles de bienséance. L'étiquette n'a l'air d'avoir aucun secret pour elle. D'autre part, bien que le comte utilise des qualificatifs positifs pour la décrire, ne peut-on pas lire entre les lignes des signes d'hypocrisie, d'espiéglorie et de manipulation ? Voir d'arrivis ? Lorsque ses sœurs rentrent du bal, elle joue les innocentes en faisant mine de s'être réveillée récemment. Quand ses sœurs évoquent la mystérieuse princesse d'une grande beauté, Cendrillon ne manque pas de demander si la princesse était vraiment belle et si elle aurait l'occasion de la voir. Lors du premier bal auquel elle assiste, ne va-t-elle pas parler à ses sœurs sans leur révéler son identité ? Son comportement semble anodin et sans arrière-pensée, mais le récit ne fait jamais allusion à ses véritables motivations pour danser avec le prince, avec lequel elle n'échange d'ailleurs aucun mot. Le prince est-il vraiment amoureux de Cendrillon ? Ou est-il simplement fasciné par sa beauté, tout comme le roi et le reste de la cour ? Quant à Cendrillon, jamais elle ne fait part de ses propres sentiments. Aime-t-elle réellement le prince, ou est-elle simplement ambitieuse, cherchant à élever son statut social ? Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion, car les avis divergent. Par exemple, je n'avais jamais considéré le comte sous l'angle d'une Cendrillon arriviste. Je me rappelle par contre que petite, l'excès de gentillesse de Cendrillon me frustrait. Dans certaines versions de l'histoire où les sœurs et la marâtre étaient particulièrement détestables, je souhaitais de tout cœur qu'elles se rebellent et prennent les choses en main. Qu'elles se réveillent, quoi. Mais vous, préférez-vous que les deux sœurs soient punies à la fin du conte ou qu'elles soient épargnées ? Nous arrivons à la fin de l'épisode, je vous souhaite une bonne semaine, c'était Carpediem et vous avez écouté Xulia. Bye !

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