Speaker #0Coucou tout le monde, c'est Xulia, je vous souhaite la bienvenue dans Carpediem. Vous entendrez aujourd'hui l'un des contes les moins célèbres de Charles Perrault. Moins connu mais pas moins percutant, Les Fées est un conte paru en 1697 dans les Contes de la Mère de L'Oye, qui aborde une thématique dont M. Perrault fait souvent usage, l'honnêteté. Je souhaitais aussi vous annoncer que nous arrivions au sixième épisode de cette série de l'été, même si à l'heure où je vous parle, il vente et il pleut à verse. L'été cèdera bientôt sa place à l'automne et vous écouterez les contes de la mer de l'oie, non plus dans un décor estival mais parfumés des arômes de feuilles mortes. Enfin, si nous nous trouvons dans le même fuseau horaire bien sûr. Je vous invite à présent à découvrir ou redécouvrir cette histoire brève mais éloquente, celle des fées. Bonne écoute ! Il était une fois une veuve qui avait deux filles : l'aînée lui ressemblait si fort d'humeur et de visage que, qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses qu'on ne pouvait vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son père pour la douceur et l'honnêteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eût su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée, et, en même temps, avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse. Il fallait, entre autre chose, que cette pauvre enfant allât, deux fois le jour, puiser de l'eau à une grande demi-lieue du logis, et qu'elle en rapportât plein une grande cruche. Un jour qu'elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui la pria de lui donner à boire. Oui-dà, ma bonne mère," dit cette belle fille ; et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche afin qu'elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit : "Vous êtes si belle, si bonne, et si honnête, que je ne puis m'empêcher de vous faire un don (car c'était une fée qui avait pris la forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'où irait l'honnêteté de cette jeune fille). Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur ou une pierre précieuse." Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine. "Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d'avoir tardé si longtemps ;" et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants. "Que vois-je là ? dit sa mère toute étonnée ; je crois qu'il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D'où vient cela, ma fille ?" Ce fut là la première fois qu'elle l'appela sa fille. La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants. "Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don ? Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. - Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine. - Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l'heure." Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d'argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C'était la même fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l'air et les habits d'une princesse, pour voir jusqu'où irait la malhonnêteté de cette fille. "Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, po ur vous donner à boire ? J ustement j'ai apporté un flacon d'argent tout exprès pour donner à boire à madame ! j'en suis d'avis : buvez à même, si vous voulez. - Vous n'êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz il vous sortira de la bouche ou un serpent ou un crapaud." D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria : "Eh bien ! ma fille ? - Eh bien ! ma mère ? lui répondit la brutale, en jetant deux vipères, et deux crapauds. - Ô ciel ! s'écria la mère, que vois-je là ? C'est sa sœur qui en est cause, elle me le paiera ;" et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s'enfuit et alla se sauver dans la forêt prochaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra, et, la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule, et ce qu'elle avait à pleurer. "Hélas ! monsieur, c'est ma mère qui m'a chassée du logis." Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles, et autant de diamants, la pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi en devint amoureux, et, considérant qu'un tel dont valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en mariage à un autre, l'emmena au palais du roi son père, où il l'épousa. Pour sa sœur, elle se fit tant haïr que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après avoir bien couru, sans trouver personne qui voulût la recevoir, alla mourir au coin d'un bois. Et voilà, nous arrivons à la fin de l'épisode. Je ne vous surprendrai pas cette fois encore en vous annonçant que le conte est doté de deux moralités. La première dit : "L'honnêteté coûte des soins et veut un peu de complaisance, mais tôt ou tard, elle a sa récompense, et souvent dans le temps qu'on y pense le moins." La deuxième moralité dit : "Les diamants et les pistoles peuvent beaucoup sur les esprits, cependant les douces paroles ont encore plus de force et sont d'un plus grand prix." Ici, Charles Perrault ne tourne pas autour du pot. La première morale souligne les vertus de l'honnêteté, bien qu'elle ne soit pas toujours synonyme de facilité, tandis que la deuxième morale nous enseigne que quoi que les biens précieux puissent jouer un rôle dans les relations sociales, la gentillesse et la bonté d'une personne sauront toujours toucher les esprits. La cadette représente l'honnêteté et la bienveillance de par sa naïveté et sa franchise, alors que sa sœur aînée est fourbe. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez fait attention au récipient dont se servent les deux sœurs pour donner à boire à la fée, mais leur choix n'est pas le fruit du hasard. L'honnêteté de la cadette est mise en lumière par la simplicité de la cruche qu'elle utilise, tandis que la mauvaise foi de l'aîné est illustrée par le flacon d'argent qu'elle lui tend. Finalement, je dois avouer avoir beaucoup ri avec la réaction du prince. D'après la deuxième morale de Charles Perrault, je suppose que les diamants et pierres précieuses qui accompagnaient chaque mot de la fille cadette n'étaient pas les seuls éléments attrayants aux yeux du prince. Enfin, je l'espère. L'histoire ne raconte malheureusement pas si l'amour du prince pour la cadette était désintéressé. J'aurais été curieuse de savoir si le prince était avare ou s'il avait épousé la jeune fille poussé par un amour sincère. Personnellement, j'ai quelques doutes. Quoique si si c'était le cas, nous devrions peut-être plutôt parler de coups de foudre. Car un amour peut-il vraiment être sincère au premier regard ? Un amour sincère ne se construit-il pas au fil du temps ? Je vous laisse en décider. Nous arrivons à la fin de l'épisode. Où que vous soyez, je vous souhaite déjà une bonne semaine. C'était Carpediem et vous avez écouté Xulia. Bye !