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Code'Cast - Parlons droit !

#30 Code'Cast : Cours constitutionnelles : gouvernement des juges ou rempart de l'État de droit ?

#30 Code'Cast : Cours constitutionnelles : gouvernement des juges ou rempart de l'État de droit ?

11min |17/04/2025|

103

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#30 Code'Cast : Cours constitutionnelles : gouvernement des juges ou rempart de l'État de droit ?

#30 Code'Cast : Cours constitutionnelles : gouvernement des juges ou rempart de l'État de droit ?

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Description

Les cours constitutionnelles sont-elles un "gouvernement des juges" ou un rempart de l’État de droit ? Dans cet épisode de Code’Cast, Caterina Severino, professeure de droit public à Sciences Po Aix et membre de l’Institut Louis Favoreu – GERJC, revient sur cette expression controversée et sur le rôle, souvent méconnu, des juges constitutionnels. À travers une approche comparée – France, Italie, États-Unis – nous interrogeons les fonctions, les pouvoirs et les limites de ces juges au cœur des démocraties. Entre garanties fondamentales et dérives potentielles, que révèle vraiment cette critique du "gouvernement des juges" ? À écouter dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode de Legal Checking consacré à une question au cœur des débats actuels. Les cours constitutionnels forment-elles un gouvernement des juges ou sont-elles un rempart de l'état de droit ? Pour nous aider à mieux comprendre ces enjeux et faire un peu de droit comparé, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Katerina Severino, professeure de droit public à Sciences Poëx et membre de l'Institut Louis Favoreux, GERC. Bonjour Madame Severino, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #2

    Merci, merci à vous pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Alors pour commencer, on entend beaucoup parler du terme « gouvernement des juges » dans les médias. D'où vient cette expression et qu'implique-t-elle au sein de nos états de droit ?

  • Speaker #2

    Oui, alors cette expression est empruntée au livre d'Edouard Lambert publié en 1921, intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis, l'expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois » . Et dans cet ouvrage, Edouard Lambert traduit l'expression américaine « Government by Judiciary » et il décrit La lutte des juges de la Cour suprême de l'époque contre la législation sociale aux États-Unis et donc la remise en cause de la séparation des pouvoirs. C'est donc une critique à l'égard de la Cour suprême et de son action. Et en France, à l'époque, nous sommes sous la Troisième République, cette expression sera employée, notamment jusqu'à la Quatrième République, et il raconte l'idée même d'état de droit. et notamment contre l'une de ses conditions essentielles, c'est-à-dire l'existence d'une justice constitutionnelle. Il faut dire qu'en France, on se méfie traditionnellement des juges, c'est une vieille réminiscence jacobine, et cet épouvantail du gouvernement des juges ressurgit régulièrement dans les débats, non seulement politiques, mais aussi médiatiques et juridiques.

  • Speaker #1

    Et donc, que font concrètement les juges constitutionnels dans les États démocratiques comme la France, l'Italie ou encore les États-Unis ? Quel est leur rôle et leur champ d'action ?

  • Speaker #2

    Comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont une condition essentielle de l'État de droit car ils protègent la norme qui se trouve au sommet du système juridique, la Constitution. Et ils font en sorte que l'État de droit soit ainsi respecté et effectif. Et je dois donc préciser en deux mots ce qu'est l'État de droit. Ce qui recouvre cette expression que l'on dénonce, que l'on méprise et que l'on utilise à tort et à travers pour justifier tout et son contraire. L'état de droit est la dernière étape de l'évolution de nos états libéraux et démocratiques, étape qui considère que tous, gouvernants et gouvernés, sont soumis aux règles juridiques adoptées de manière démocratique. Pour les pays européens, dans la période de l'après-guerre, Les sociétés démocratiques et libérales sont passées de l'État légal, qui était soumis à la loi, à l'État constitutionnel de droit, au sein duquel la Constitution, ce pacte fondamental entre les citoyens, est devenue la norme suprême placée au sommet et à laquelle tous les organes sont soumis. C'est l'idée même de la séparation et de la limitation des pouvoirs. Or, il est évident que... Pour vérifier que le droit est effectivement respecté, il faut des juges, des organes tiers et indépendants, et en particulier des juges constitutionnels qui vérifient le respect des règles constitutionnelles par les pouvoirs en place.

  • Speaker #1

    Donc, compte tenu des fonctions attribuées aux juges constitutionnels, pourquoi entend-on si souvent la critique du gouvernement des juges ? Jusqu'où peuvent-ils aller dans l'exercice de leur mission ?

  • Speaker #2

    Alors, selon les pays, Les juges constitutionnels peuvent contrôler la constitutionnalité des lois ou des actes ayant force de loi, ça c'est la fonction principale. Ils peuvent aussi contrôler la répartition des compétences prévues par la Constitution, par exemple dans les États fédéraux ou régionaux, comme les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Ils peuvent aussi vérifier le respect des règles électorales, comme en France. Or, l'ensemble de ces attributions des juges constitutionnels touchent à au cœur même de l'exercice du pouvoir. Et comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont là pour vérifier que les règles juridiques qui encadrent et limitent les pouvoirs en place soient respectées. Si tel n'est pas le cas, il sanctionne les actes adoptés en violation de ces règles. Et c'est pour cela que, tout naturellement, les décisions et l'œuvre de ces juges constitutionnels sont critiquées par les pouvoirs eux-mêmes, par certains pouvoirs, pas tous, mais qui supportent mal les limites et surtout qui supportent mal d'être sanctionnés. Concernant ensuite la question des limites que doivent respecter les juges eux-mêmes, C'est une question très difficile. Une réponse très simple serait de dire que les juges devraient s'en tenir à la lettre de la Constitution et ne pas créer des règles de toutes pièces. Cependant, le problème est plus complexe, car les textes constitutionnels sont souvent très vagues. Il s'agit souvent de principes très généraux qui nécessitent une œuvre d'interprétation très poussée afin d'appliquer le principe général à des cas concrets.

  • Speaker #1

    Cette critique du gouvernement des juges revient souvent dans les médias en France. Existe-t-il d'autres pays où elle pourrait être plus fondée en raison d'un rôle plus marqué des juges dans la prise de décisions politiques et institutionnelles ?

  • Speaker #2

    C'est une critique que l'on entend beaucoup dans d'autres pays. Aux États-Unis par exemple, où l'expression est née, ou encore en Espagne, ou encore en Italie, pays que je connais mieux, où des décisions de la Cour constitutionnelle peuvent être fortement critiquées. même s'il est rare que soit employée l'expression « gouvernement des juges » . C'est une expression pas trop utilisée. Quant à la question de savoir si cette critique pourrait être fondée, tout dépend où on place la frontière, la ligne rouge, comme dit un collègue constitutionnaliste qui s'occupe de ces questions, à ne pas franchir par les juges. L'étude du droit comparé montre qu'en France, par exemple, le Conseil constitutionnel est beaucoup plus frileux. et globalement respectueux de la volonté du législateur que dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, où les cours constitutionnels exercent un contrôle beaucoup plus poussé des actes et même des omissions du législateur en les sanctionnant au nom de la protection des droits fondamentaux.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple d'une décision du juge qui n'aurait pas été frileuse dans ses décisions ?

  • Speaker #2

    Oui, je peux vous parler parmi les nombreux exemples, par exemple de la célébrissime affaire Capato en Italie, relative à la fin de vie et à la question de la pénalisation de l'aide au suicide. Il s'agit d'une triste affaire qui concernait le cas d'un homme tétraplégique, conscient et cloué d'un solide hôpital, qui souhaitait mourir dignement et que Marco Capato, membre d'une association militante pour la légalisation de l'euthanasie, avait aidé à mourir. en se dénonçant ensuite aux autorités italiennes pour créer un litige stratégique porté devant la Cour constitutionnelle. Et la Cour a rendu deux décisions très audacieuses. Dans la première, adoptée en octobre 2018, la Cour a inventé un nouveau type de décision processuelle, car après avoir constaté une lacune législative considérée comme contraire à la Constitution, Elle a donné aux législateurs 11 mois pour intervenir, tout en lui enjoignant des directives très précises devant être respectées pour être conformes à la Constitution. La lacune consistait dans l'absence, dans les codes pénales italiens, dans l'article qui punit l'aide au suicide, d'une exonération de responsabilité pour celui qui... aide à mourir une personne qui se trouve dans une situation comparable à celle de cet homme tétraplégique dans un hôpital, donc un cas très concret. Dans la seconde décision, adoptée onze mois après, en novembre 2019, face à l'inertie du législateur italien, le législateur italien, il y a le Vatican, c'est un législateur qui n'adopte pas de loi là où il faudrait, Eh bien, la Cour a adopté un arrêt manipulatif-additif, c'est-à-dire qu'elle-même ajoutait à la loi une partie, cette fameuse exonération pour des cas très concrets qui coïncident avec le cas d'espèce. Et donc, elle a comblé la lacune pour protéger les droits fondamentaux, la dignité de la personne vulnérable. Donc, c'est un arrêt très long et très précis adopté par la Cour en 2019. Bien évidemment, cette jurisprudence a été très critiquée. La Cour a été accusée de s'être substituée au législateur et d'avoir donc dépassé son rôle. Et donc la question qui se pose est la suivante. Qu'est-ce que doit faire la Cour ? Mais la même question s'est posée en Allemagne où la Cour a fait à peu près la même chose. Qu'est-ce que doivent faire les Cours face aux omissions du législateur lorsqu'il y a des droits fondamentaux qui sont en jeu ? doivent-elles laisser la situation telle quelle ou doivent-elles rendre justice constitutionnelle en protégeant les droits fondamentaux des personnes affectées par ces lacunes ? Et donc c'est une question qui est ouverte et qui concerne le rôle des juges constitutionnels. Et donc c'est une question compliquée.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Madame Severino, pour ces éclairages précieux et ce véritable exercice de Legal Checking. Nous espérons que cet épisode vous aura intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours, et pourquoi pas à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

  • Speaker #2

    Au revoir.

Description

Les cours constitutionnelles sont-elles un "gouvernement des juges" ou un rempart de l’État de droit ? Dans cet épisode de Code’Cast, Caterina Severino, professeure de droit public à Sciences Po Aix et membre de l’Institut Louis Favoreu – GERJC, revient sur cette expression controversée et sur le rôle, souvent méconnu, des juges constitutionnels. À travers une approche comparée – France, Italie, États-Unis – nous interrogeons les fonctions, les pouvoirs et les limites de ces juges au cœur des démocraties. Entre garanties fondamentales et dérives potentielles, que révèle vraiment cette critique du "gouvernement des juges" ? À écouter dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode de Legal Checking consacré à une question au cœur des débats actuels. Les cours constitutionnels forment-elles un gouvernement des juges ou sont-elles un rempart de l'état de droit ? Pour nous aider à mieux comprendre ces enjeux et faire un peu de droit comparé, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Katerina Severino, professeure de droit public à Sciences Poëx et membre de l'Institut Louis Favoreux, GERC. Bonjour Madame Severino, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #2

    Merci, merci à vous pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Alors pour commencer, on entend beaucoup parler du terme « gouvernement des juges » dans les médias. D'où vient cette expression et qu'implique-t-elle au sein de nos états de droit ?

  • Speaker #2

    Oui, alors cette expression est empruntée au livre d'Edouard Lambert publié en 1921, intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis, l'expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois » . Et dans cet ouvrage, Edouard Lambert traduit l'expression américaine « Government by Judiciary » et il décrit La lutte des juges de la Cour suprême de l'époque contre la législation sociale aux États-Unis et donc la remise en cause de la séparation des pouvoirs. C'est donc une critique à l'égard de la Cour suprême et de son action. Et en France, à l'époque, nous sommes sous la Troisième République, cette expression sera employée, notamment jusqu'à la Quatrième République, et il raconte l'idée même d'état de droit. et notamment contre l'une de ses conditions essentielles, c'est-à-dire l'existence d'une justice constitutionnelle. Il faut dire qu'en France, on se méfie traditionnellement des juges, c'est une vieille réminiscence jacobine, et cet épouvantail du gouvernement des juges ressurgit régulièrement dans les débats, non seulement politiques, mais aussi médiatiques et juridiques.

  • Speaker #1

    Et donc, que font concrètement les juges constitutionnels dans les États démocratiques comme la France, l'Italie ou encore les États-Unis ? Quel est leur rôle et leur champ d'action ?

  • Speaker #2

    Comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont une condition essentielle de l'État de droit car ils protègent la norme qui se trouve au sommet du système juridique, la Constitution. Et ils font en sorte que l'État de droit soit ainsi respecté et effectif. Et je dois donc préciser en deux mots ce qu'est l'État de droit. Ce qui recouvre cette expression que l'on dénonce, que l'on méprise et que l'on utilise à tort et à travers pour justifier tout et son contraire. L'état de droit est la dernière étape de l'évolution de nos états libéraux et démocratiques, étape qui considère que tous, gouvernants et gouvernés, sont soumis aux règles juridiques adoptées de manière démocratique. Pour les pays européens, dans la période de l'après-guerre, Les sociétés démocratiques et libérales sont passées de l'État légal, qui était soumis à la loi, à l'État constitutionnel de droit, au sein duquel la Constitution, ce pacte fondamental entre les citoyens, est devenue la norme suprême placée au sommet et à laquelle tous les organes sont soumis. C'est l'idée même de la séparation et de la limitation des pouvoirs. Or, il est évident que... Pour vérifier que le droit est effectivement respecté, il faut des juges, des organes tiers et indépendants, et en particulier des juges constitutionnels qui vérifient le respect des règles constitutionnelles par les pouvoirs en place.

  • Speaker #1

    Donc, compte tenu des fonctions attribuées aux juges constitutionnels, pourquoi entend-on si souvent la critique du gouvernement des juges ? Jusqu'où peuvent-ils aller dans l'exercice de leur mission ?

  • Speaker #2

    Alors, selon les pays, Les juges constitutionnels peuvent contrôler la constitutionnalité des lois ou des actes ayant force de loi, ça c'est la fonction principale. Ils peuvent aussi contrôler la répartition des compétences prévues par la Constitution, par exemple dans les États fédéraux ou régionaux, comme les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Ils peuvent aussi vérifier le respect des règles électorales, comme en France. Or, l'ensemble de ces attributions des juges constitutionnels touchent à au cœur même de l'exercice du pouvoir. Et comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont là pour vérifier que les règles juridiques qui encadrent et limitent les pouvoirs en place soient respectées. Si tel n'est pas le cas, il sanctionne les actes adoptés en violation de ces règles. Et c'est pour cela que, tout naturellement, les décisions et l'œuvre de ces juges constitutionnels sont critiquées par les pouvoirs eux-mêmes, par certains pouvoirs, pas tous, mais qui supportent mal les limites et surtout qui supportent mal d'être sanctionnés. Concernant ensuite la question des limites que doivent respecter les juges eux-mêmes, C'est une question très difficile. Une réponse très simple serait de dire que les juges devraient s'en tenir à la lettre de la Constitution et ne pas créer des règles de toutes pièces. Cependant, le problème est plus complexe, car les textes constitutionnels sont souvent très vagues. Il s'agit souvent de principes très généraux qui nécessitent une œuvre d'interprétation très poussée afin d'appliquer le principe général à des cas concrets.

  • Speaker #1

    Cette critique du gouvernement des juges revient souvent dans les médias en France. Existe-t-il d'autres pays où elle pourrait être plus fondée en raison d'un rôle plus marqué des juges dans la prise de décisions politiques et institutionnelles ?

  • Speaker #2

    C'est une critique que l'on entend beaucoup dans d'autres pays. Aux États-Unis par exemple, où l'expression est née, ou encore en Espagne, ou encore en Italie, pays que je connais mieux, où des décisions de la Cour constitutionnelle peuvent être fortement critiquées. même s'il est rare que soit employée l'expression « gouvernement des juges » . C'est une expression pas trop utilisée. Quant à la question de savoir si cette critique pourrait être fondée, tout dépend où on place la frontière, la ligne rouge, comme dit un collègue constitutionnaliste qui s'occupe de ces questions, à ne pas franchir par les juges. L'étude du droit comparé montre qu'en France, par exemple, le Conseil constitutionnel est beaucoup plus frileux. et globalement respectueux de la volonté du législateur que dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, où les cours constitutionnels exercent un contrôle beaucoup plus poussé des actes et même des omissions du législateur en les sanctionnant au nom de la protection des droits fondamentaux.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple d'une décision du juge qui n'aurait pas été frileuse dans ses décisions ?

  • Speaker #2

    Oui, je peux vous parler parmi les nombreux exemples, par exemple de la célébrissime affaire Capato en Italie, relative à la fin de vie et à la question de la pénalisation de l'aide au suicide. Il s'agit d'une triste affaire qui concernait le cas d'un homme tétraplégique, conscient et cloué d'un solide hôpital, qui souhaitait mourir dignement et que Marco Capato, membre d'une association militante pour la légalisation de l'euthanasie, avait aidé à mourir. en se dénonçant ensuite aux autorités italiennes pour créer un litige stratégique porté devant la Cour constitutionnelle. Et la Cour a rendu deux décisions très audacieuses. Dans la première, adoptée en octobre 2018, la Cour a inventé un nouveau type de décision processuelle, car après avoir constaté une lacune législative considérée comme contraire à la Constitution, Elle a donné aux législateurs 11 mois pour intervenir, tout en lui enjoignant des directives très précises devant être respectées pour être conformes à la Constitution. La lacune consistait dans l'absence, dans les codes pénales italiens, dans l'article qui punit l'aide au suicide, d'une exonération de responsabilité pour celui qui... aide à mourir une personne qui se trouve dans une situation comparable à celle de cet homme tétraplégique dans un hôpital, donc un cas très concret. Dans la seconde décision, adoptée onze mois après, en novembre 2019, face à l'inertie du législateur italien, le législateur italien, il y a le Vatican, c'est un législateur qui n'adopte pas de loi là où il faudrait, Eh bien, la Cour a adopté un arrêt manipulatif-additif, c'est-à-dire qu'elle-même ajoutait à la loi une partie, cette fameuse exonération pour des cas très concrets qui coïncident avec le cas d'espèce. Et donc, elle a comblé la lacune pour protéger les droits fondamentaux, la dignité de la personne vulnérable. Donc, c'est un arrêt très long et très précis adopté par la Cour en 2019. Bien évidemment, cette jurisprudence a été très critiquée. La Cour a été accusée de s'être substituée au législateur et d'avoir donc dépassé son rôle. Et donc la question qui se pose est la suivante. Qu'est-ce que doit faire la Cour ? Mais la même question s'est posée en Allemagne où la Cour a fait à peu près la même chose. Qu'est-ce que doivent faire les Cours face aux omissions du législateur lorsqu'il y a des droits fondamentaux qui sont en jeu ? doivent-elles laisser la situation telle quelle ou doivent-elles rendre justice constitutionnelle en protégeant les droits fondamentaux des personnes affectées par ces lacunes ? Et donc c'est une question qui est ouverte et qui concerne le rôle des juges constitutionnels. Et donc c'est une question compliquée.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Madame Severino, pour ces éclairages précieux et ce véritable exercice de Legal Checking. Nous espérons que cet épisode vous aura intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours, et pourquoi pas à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

  • Speaker #2

    Au revoir.

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  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

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    Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode de Legal Checking consacré à une question au cœur des débats actuels. Les cours constitutionnels forment-elles un gouvernement des juges ou sont-elles un rempart de l'état de droit ? Pour nous aider à mieux comprendre ces enjeux et faire un peu de droit comparé, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Katerina Severino, professeure de droit public à Sciences Poëx et membre de l'Institut Louis Favoreux, GERC. Bonjour Madame Severino, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #2

    Merci, merci à vous pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Alors pour commencer, on entend beaucoup parler du terme « gouvernement des juges » dans les médias. D'où vient cette expression et qu'implique-t-elle au sein de nos états de droit ?

  • Speaker #2

    Oui, alors cette expression est empruntée au livre d'Edouard Lambert publié en 1921, intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis, l'expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois » . Et dans cet ouvrage, Edouard Lambert traduit l'expression américaine « Government by Judiciary » et il décrit La lutte des juges de la Cour suprême de l'époque contre la législation sociale aux États-Unis et donc la remise en cause de la séparation des pouvoirs. C'est donc une critique à l'égard de la Cour suprême et de son action. Et en France, à l'époque, nous sommes sous la Troisième République, cette expression sera employée, notamment jusqu'à la Quatrième République, et il raconte l'idée même d'état de droit. et notamment contre l'une de ses conditions essentielles, c'est-à-dire l'existence d'une justice constitutionnelle. Il faut dire qu'en France, on se méfie traditionnellement des juges, c'est une vieille réminiscence jacobine, et cet épouvantail du gouvernement des juges ressurgit régulièrement dans les débats, non seulement politiques, mais aussi médiatiques et juridiques.

  • Speaker #1

    Et donc, que font concrètement les juges constitutionnels dans les États démocratiques comme la France, l'Italie ou encore les États-Unis ? Quel est leur rôle et leur champ d'action ?

  • Speaker #2

    Comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont une condition essentielle de l'État de droit car ils protègent la norme qui se trouve au sommet du système juridique, la Constitution. Et ils font en sorte que l'État de droit soit ainsi respecté et effectif. Et je dois donc préciser en deux mots ce qu'est l'État de droit. Ce qui recouvre cette expression que l'on dénonce, que l'on méprise et que l'on utilise à tort et à travers pour justifier tout et son contraire. L'état de droit est la dernière étape de l'évolution de nos états libéraux et démocratiques, étape qui considère que tous, gouvernants et gouvernés, sont soumis aux règles juridiques adoptées de manière démocratique. Pour les pays européens, dans la période de l'après-guerre, Les sociétés démocratiques et libérales sont passées de l'État légal, qui était soumis à la loi, à l'État constitutionnel de droit, au sein duquel la Constitution, ce pacte fondamental entre les citoyens, est devenue la norme suprême placée au sommet et à laquelle tous les organes sont soumis. C'est l'idée même de la séparation et de la limitation des pouvoirs. Or, il est évident que... Pour vérifier que le droit est effectivement respecté, il faut des juges, des organes tiers et indépendants, et en particulier des juges constitutionnels qui vérifient le respect des règles constitutionnelles par les pouvoirs en place.

  • Speaker #1

    Donc, compte tenu des fonctions attribuées aux juges constitutionnels, pourquoi entend-on si souvent la critique du gouvernement des juges ? Jusqu'où peuvent-ils aller dans l'exercice de leur mission ?

  • Speaker #2

    Alors, selon les pays, Les juges constitutionnels peuvent contrôler la constitutionnalité des lois ou des actes ayant force de loi, ça c'est la fonction principale. Ils peuvent aussi contrôler la répartition des compétences prévues par la Constitution, par exemple dans les États fédéraux ou régionaux, comme les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Ils peuvent aussi vérifier le respect des règles électorales, comme en France. Or, l'ensemble de ces attributions des juges constitutionnels touchent à au cœur même de l'exercice du pouvoir. Et comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont là pour vérifier que les règles juridiques qui encadrent et limitent les pouvoirs en place soient respectées. Si tel n'est pas le cas, il sanctionne les actes adoptés en violation de ces règles. Et c'est pour cela que, tout naturellement, les décisions et l'œuvre de ces juges constitutionnels sont critiquées par les pouvoirs eux-mêmes, par certains pouvoirs, pas tous, mais qui supportent mal les limites et surtout qui supportent mal d'être sanctionnés. Concernant ensuite la question des limites que doivent respecter les juges eux-mêmes, C'est une question très difficile. Une réponse très simple serait de dire que les juges devraient s'en tenir à la lettre de la Constitution et ne pas créer des règles de toutes pièces. Cependant, le problème est plus complexe, car les textes constitutionnels sont souvent très vagues. Il s'agit souvent de principes très généraux qui nécessitent une œuvre d'interprétation très poussée afin d'appliquer le principe général à des cas concrets.

  • Speaker #1

    Cette critique du gouvernement des juges revient souvent dans les médias en France. Existe-t-il d'autres pays où elle pourrait être plus fondée en raison d'un rôle plus marqué des juges dans la prise de décisions politiques et institutionnelles ?

  • Speaker #2

    C'est une critique que l'on entend beaucoup dans d'autres pays. Aux États-Unis par exemple, où l'expression est née, ou encore en Espagne, ou encore en Italie, pays que je connais mieux, où des décisions de la Cour constitutionnelle peuvent être fortement critiquées. même s'il est rare que soit employée l'expression « gouvernement des juges » . C'est une expression pas trop utilisée. Quant à la question de savoir si cette critique pourrait être fondée, tout dépend où on place la frontière, la ligne rouge, comme dit un collègue constitutionnaliste qui s'occupe de ces questions, à ne pas franchir par les juges. L'étude du droit comparé montre qu'en France, par exemple, le Conseil constitutionnel est beaucoup plus frileux. et globalement respectueux de la volonté du législateur que dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, où les cours constitutionnels exercent un contrôle beaucoup plus poussé des actes et même des omissions du législateur en les sanctionnant au nom de la protection des droits fondamentaux.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple d'une décision du juge qui n'aurait pas été frileuse dans ses décisions ?

  • Speaker #2

    Oui, je peux vous parler parmi les nombreux exemples, par exemple de la célébrissime affaire Capato en Italie, relative à la fin de vie et à la question de la pénalisation de l'aide au suicide. Il s'agit d'une triste affaire qui concernait le cas d'un homme tétraplégique, conscient et cloué d'un solide hôpital, qui souhaitait mourir dignement et que Marco Capato, membre d'une association militante pour la légalisation de l'euthanasie, avait aidé à mourir. en se dénonçant ensuite aux autorités italiennes pour créer un litige stratégique porté devant la Cour constitutionnelle. Et la Cour a rendu deux décisions très audacieuses. Dans la première, adoptée en octobre 2018, la Cour a inventé un nouveau type de décision processuelle, car après avoir constaté une lacune législative considérée comme contraire à la Constitution, Elle a donné aux législateurs 11 mois pour intervenir, tout en lui enjoignant des directives très précises devant être respectées pour être conformes à la Constitution. La lacune consistait dans l'absence, dans les codes pénales italiens, dans l'article qui punit l'aide au suicide, d'une exonération de responsabilité pour celui qui... aide à mourir une personne qui se trouve dans une situation comparable à celle de cet homme tétraplégique dans un hôpital, donc un cas très concret. Dans la seconde décision, adoptée onze mois après, en novembre 2019, face à l'inertie du législateur italien, le législateur italien, il y a le Vatican, c'est un législateur qui n'adopte pas de loi là où il faudrait, Eh bien, la Cour a adopté un arrêt manipulatif-additif, c'est-à-dire qu'elle-même ajoutait à la loi une partie, cette fameuse exonération pour des cas très concrets qui coïncident avec le cas d'espèce. Et donc, elle a comblé la lacune pour protéger les droits fondamentaux, la dignité de la personne vulnérable. Donc, c'est un arrêt très long et très précis adopté par la Cour en 2019. Bien évidemment, cette jurisprudence a été très critiquée. La Cour a été accusée de s'être substituée au législateur et d'avoir donc dépassé son rôle. Et donc la question qui se pose est la suivante. Qu'est-ce que doit faire la Cour ? Mais la même question s'est posée en Allemagne où la Cour a fait à peu près la même chose. Qu'est-ce que doivent faire les Cours face aux omissions du législateur lorsqu'il y a des droits fondamentaux qui sont en jeu ? doivent-elles laisser la situation telle quelle ou doivent-elles rendre justice constitutionnelle en protégeant les droits fondamentaux des personnes affectées par ces lacunes ? Et donc c'est une question qui est ouverte et qui concerne le rôle des juges constitutionnels. Et donc c'est une question compliquée.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Madame Severino, pour ces éclairages précieux et ce véritable exercice de Legal Checking. Nous espérons que cet épisode vous aura intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours, et pourquoi pas à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

  • Speaker #2

    Au revoir.

Description

Les cours constitutionnelles sont-elles un "gouvernement des juges" ou un rempart de l’État de droit ? Dans cet épisode de Code’Cast, Caterina Severino, professeure de droit public à Sciences Po Aix et membre de l’Institut Louis Favoreu – GERJC, revient sur cette expression controversée et sur le rôle, souvent méconnu, des juges constitutionnels. À travers une approche comparée – France, Italie, États-Unis – nous interrogeons les fonctions, les pouvoirs et les limites de ces juges au cœur des démocraties. Entre garanties fondamentales et dérives potentielles, que révèle vraiment cette critique du "gouvernement des juges" ? À écouter dès maintenant !


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Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode de Legal Checking consacré à une question au cœur des débats actuels. Les cours constitutionnels forment-elles un gouvernement des juges ou sont-elles un rempart de l'état de droit ? Pour nous aider à mieux comprendre ces enjeux et faire un peu de droit comparé, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Katerina Severino, professeure de droit public à Sciences Poëx et membre de l'Institut Louis Favoreux, GERC. Bonjour Madame Severino, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #2

    Merci, merci à vous pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Alors pour commencer, on entend beaucoup parler du terme « gouvernement des juges » dans les médias. D'où vient cette expression et qu'implique-t-elle au sein de nos états de droit ?

  • Speaker #2

    Oui, alors cette expression est empruntée au livre d'Edouard Lambert publié en 1921, intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis, l'expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois » . Et dans cet ouvrage, Edouard Lambert traduit l'expression américaine « Government by Judiciary » et il décrit La lutte des juges de la Cour suprême de l'époque contre la législation sociale aux États-Unis et donc la remise en cause de la séparation des pouvoirs. C'est donc une critique à l'égard de la Cour suprême et de son action. Et en France, à l'époque, nous sommes sous la Troisième République, cette expression sera employée, notamment jusqu'à la Quatrième République, et il raconte l'idée même d'état de droit. et notamment contre l'une de ses conditions essentielles, c'est-à-dire l'existence d'une justice constitutionnelle. Il faut dire qu'en France, on se méfie traditionnellement des juges, c'est une vieille réminiscence jacobine, et cet épouvantail du gouvernement des juges ressurgit régulièrement dans les débats, non seulement politiques, mais aussi médiatiques et juridiques.

  • Speaker #1

    Et donc, que font concrètement les juges constitutionnels dans les États démocratiques comme la France, l'Italie ou encore les États-Unis ? Quel est leur rôle et leur champ d'action ?

  • Speaker #2

    Comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont une condition essentielle de l'État de droit car ils protègent la norme qui se trouve au sommet du système juridique, la Constitution. Et ils font en sorte que l'État de droit soit ainsi respecté et effectif. Et je dois donc préciser en deux mots ce qu'est l'État de droit. Ce qui recouvre cette expression que l'on dénonce, que l'on méprise et que l'on utilise à tort et à travers pour justifier tout et son contraire. L'état de droit est la dernière étape de l'évolution de nos états libéraux et démocratiques, étape qui considère que tous, gouvernants et gouvernés, sont soumis aux règles juridiques adoptées de manière démocratique. Pour les pays européens, dans la période de l'après-guerre, Les sociétés démocratiques et libérales sont passées de l'État légal, qui était soumis à la loi, à l'État constitutionnel de droit, au sein duquel la Constitution, ce pacte fondamental entre les citoyens, est devenue la norme suprême placée au sommet et à laquelle tous les organes sont soumis. C'est l'idée même de la séparation et de la limitation des pouvoirs. Or, il est évident que... Pour vérifier que le droit est effectivement respecté, il faut des juges, des organes tiers et indépendants, et en particulier des juges constitutionnels qui vérifient le respect des règles constitutionnelles par les pouvoirs en place.

  • Speaker #1

    Donc, compte tenu des fonctions attribuées aux juges constitutionnels, pourquoi entend-on si souvent la critique du gouvernement des juges ? Jusqu'où peuvent-ils aller dans l'exercice de leur mission ?

  • Speaker #2

    Alors, selon les pays, Les juges constitutionnels peuvent contrôler la constitutionnalité des lois ou des actes ayant force de loi, ça c'est la fonction principale. Ils peuvent aussi contrôler la répartition des compétences prévues par la Constitution, par exemple dans les États fédéraux ou régionaux, comme les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Ils peuvent aussi vérifier le respect des règles électorales, comme en France. Or, l'ensemble de ces attributions des juges constitutionnels touchent à au cœur même de l'exercice du pouvoir. Et comme je vous le disais, les juges constitutionnels sont là pour vérifier que les règles juridiques qui encadrent et limitent les pouvoirs en place soient respectées. Si tel n'est pas le cas, il sanctionne les actes adoptés en violation de ces règles. Et c'est pour cela que, tout naturellement, les décisions et l'œuvre de ces juges constitutionnels sont critiquées par les pouvoirs eux-mêmes, par certains pouvoirs, pas tous, mais qui supportent mal les limites et surtout qui supportent mal d'être sanctionnés. Concernant ensuite la question des limites que doivent respecter les juges eux-mêmes, C'est une question très difficile. Une réponse très simple serait de dire que les juges devraient s'en tenir à la lettre de la Constitution et ne pas créer des règles de toutes pièces. Cependant, le problème est plus complexe, car les textes constitutionnels sont souvent très vagues. Il s'agit souvent de principes très généraux qui nécessitent une œuvre d'interprétation très poussée afin d'appliquer le principe général à des cas concrets.

  • Speaker #1

    Cette critique du gouvernement des juges revient souvent dans les médias en France. Existe-t-il d'autres pays où elle pourrait être plus fondée en raison d'un rôle plus marqué des juges dans la prise de décisions politiques et institutionnelles ?

  • Speaker #2

    C'est une critique que l'on entend beaucoup dans d'autres pays. Aux États-Unis par exemple, où l'expression est née, ou encore en Espagne, ou encore en Italie, pays que je connais mieux, où des décisions de la Cour constitutionnelle peuvent être fortement critiquées. même s'il est rare que soit employée l'expression « gouvernement des juges » . C'est une expression pas trop utilisée. Quant à la question de savoir si cette critique pourrait être fondée, tout dépend où on place la frontière, la ligne rouge, comme dit un collègue constitutionnaliste qui s'occupe de ces questions, à ne pas franchir par les juges. L'étude du droit comparé montre qu'en France, par exemple, le Conseil constitutionnel est beaucoup plus frileux. et globalement respectueux de la volonté du législateur que dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, où les cours constitutionnels exercent un contrôle beaucoup plus poussé des actes et même des omissions du législateur en les sanctionnant au nom de la protection des droits fondamentaux.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple d'une décision du juge qui n'aurait pas été frileuse dans ses décisions ?

  • Speaker #2

    Oui, je peux vous parler parmi les nombreux exemples, par exemple de la célébrissime affaire Capato en Italie, relative à la fin de vie et à la question de la pénalisation de l'aide au suicide. Il s'agit d'une triste affaire qui concernait le cas d'un homme tétraplégique, conscient et cloué d'un solide hôpital, qui souhaitait mourir dignement et que Marco Capato, membre d'une association militante pour la légalisation de l'euthanasie, avait aidé à mourir. en se dénonçant ensuite aux autorités italiennes pour créer un litige stratégique porté devant la Cour constitutionnelle. Et la Cour a rendu deux décisions très audacieuses. Dans la première, adoptée en octobre 2018, la Cour a inventé un nouveau type de décision processuelle, car après avoir constaté une lacune législative considérée comme contraire à la Constitution, Elle a donné aux législateurs 11 mois pour intervenir, tout en lui enjoignant des directives très précises devant être respectées pour être conformes à la Constitution. La lacune consistait dans l'absence, dans les codes pénales italiens, dans l'article qui punit l'aide au suicide, d'une exonération de responsabilité pour celui qui... aide à mourir une personne qui se trouve dans une situation comparable à celle de cet homme tétraplégique dans un hôpital, donc un cas très concret. Dans la seconde décision, adoptée onze mois après, en novembre 2019, face à l'inertie du législateur italien, le législateur italien, il y a le Vatican, c'est un législateur qui n'adopte pas de loi là où il faudrait, Eh bien, la Cour a adopté un arrêt manipulatif-additif, c'est-à-dire qu'elle-même ajoutait à la loi une partie, cette fameuse exonération pour des cas très concrets qui coïncident avec le cas d'espèce. Et donc, elle a comblé la lacune pour protéger les droits fondamentaux, la dignité de la personne vulnérable. Donc, c'est un arrêt très long et très précis adopté par la Cour en 2019. Bien évidemment, cette jurisprudence a été très critiquée. La Cour a été accusée de s'être substituée au législateur et d'avoir donc dépassé son rôle. Et donc la question qui se pose est la suivante. Qu'est-ce que doit faire la Cour ? Mais la même question s'est posée en Allemagne où la Cour a fait à peu près la même chose. Qu'est-ce que doivent faire les Cours face aux omissions du législateur lorsqu'il y a des droits fondamentaux qui sont en jeu ? doivent-elles laisser la situation telle quelle ou doivent-elles rendre justice constitutionnelle en protégeant les droits fondamentaux des personnes affectées par ces lacunes ? Et donc c'est une question qui est ouverte et qui concerne le rôle des juges constitutionnels. Et donc c'est une question compliquée.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Madame Severino, pour ces éclairages précieux et ce véritable exercice de Legal Checking. Nous espérons que cet épisode vous aura intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours, et pourquoi pas à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

  • Speaker #2

    Au revoir.

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