- Speaker #0
Code'cast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politique d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Codecast. Aujourd'hui, nous abordons le sujet du don d'organe et cet épisode nous a été proposé par madame Guylène Nicolas, professeure de droit public et responsable pédagogique du master de droit de la santé, encadrement de la recherche, ainsi que par les étudiants de la mention droit de la santé de la faculté d'Aix, représenté aujourd'hui par Gaëtan Maziani, président de l'association étudiante des juristes en droit de la santé, qui aujourd'hui, aux côtés de madame Nicolas, répondra à nos questions. Donc pour commencer par cette première question, Madame Nicolas... Pourquoi venir parler du don d'organes aujourd'hui ?
- Speaker #1
La gouvernance de notre université a été saisie par deux médecins. Le docteur Marco Casurucaruzeli, qui est chef de service de la coordination hospitalière des prélèvements d'organes et de tissus, et sa collègue le docteur Valérie Moal. Ces médecins sont émus du fait que dans notre région, la région sud, et particulièrement dans les bourgeois nés à Marseille, Il est difficile d'obtenir des dons post-mortem. Les chiffres sont nettement plus bas qu'au niveau national. Pour illustrer, les chiffres sont donnés par l'Agence de la biomédecine. Le taux d'opposition aux dons après la mort est en augmentation de façon générale en France. Il était de 36,4% en 2024, ce qui correspond à une augmentation de plus de 9% depuis 2022. Et à Marseille, le taux d'opposition dépasse les 53% et pour la région totale 42%. Donc il y a une opposition importante. Ces médecins sollicitent donc l'aide de notre communauté universitaire pour que nous puissions communiquer sur l'importance du don d'organes pour sauver des vies. Derrière, il y a évidemment des personnes greffées, des personnes en attente de greffons, des personnes qui peuvent perdre la vie si elles attendent trop longtemps un greffon. Il y a une mobilisation générale au niveau national et l'idée c'est qu'AMU puisse être le relais de cette mobilisation, notamment en prévision de la journée du 22 juin 2025, qui est la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe et la reconnaissance aux donneurs. L'idée est d'améliorer l'information sur le don d'organes, car la peur générée par la méconnaissance de la façon dont les prélèvements sont effectués, effectuées, comment se font les transferts. Et cette méconnaissance génère un certain nombre d'oppositions aux dons post-mortem. Alors même que ces dons sont quand même nombreux, il y a de plus en plus de personnes greffées. Plus de 6000 greffes ont été réalisées en 2024. Et dans ces greffes, l'essentiel en fait sont issus de donneurs décédés. Il y a une faible partie pour les donneurs vivants. Autour de 600 greffes dont les prélèvements ont pour origine un donneur vivant. Bien sûr, lorsqu'il s'agit de prélever des personnes vivantes, il n'y a pas de problème d'opposition. Ces personnes sont bien sûr consentantes. C'est vraiment un problème d'opposition pour le don après la mort, le prélèvement, et le don après la mort qui émane plus souvent des familles que du donneur lui-même.
- Speaker #0
Ok, très bien. Et justement, vous parlez d'opposition. Comment se manifestent les oppositions aux dons d'organes post-mortem ?
- Speaker #1
Alors si on veut expliquer d'abord de façon générale comment se passe le don en France pour les éléments et produits du corps humain, il faut rappeler que c'est soumis en fait à des principes de gratuité, d'anonymat, d'interdiction de publicité, ce qu'il ne faut pas confondre avec l'information donnée à l'ensemble de la population qui est basée sur un principe essentiel de solidarité. Et depuis 1976, la loi Kayavé pose le principe du consentement présumé post-mortem, Si nous n'exprimons pas notre refus de notre vivant, nous sommes tous considérés donneurs d'organes après notre mort. La loi de bioéthique du 6 août 2004 a généralisé ce principe du consentement présumé post-mortem pour tous les prélèvements, quelles que soient leurs finalités, qu'il s'agisse de finalités thérapeutiques, donc pour sauver un malade en attente de greffe, ou d'une finalité scientifique, et notamment d'une autopsie qui peut être... qui permet de faire évoluer la science. On ne parle pas bien sûr des autopsies à finalité judiciaire. Donc c'est dans ce principe, je vous lis l'article L1232-1 du Code de la santé publique. Le prélèvement d'organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Donc ce principe généralisé devrait normalement faire en sorte qu'il y ait peu de refus, peu d'opposition après la mort de quelqu'un au prélèvement. Pour autant, il y a une grosse différence entre l'application de la loi et le texte de la loi. Les oppositions se font donc souvent de la part de la famille ou des proches lorsque la personne avant son décès ne s'est pas exprimée clairement. Et pour renforcer en fait cette possibilité de contourner l'opposition qui ne vient pas de la personne prélevée elle-même, le texte a évolué en 2016 avec la loi du 26 janvier 2016. avant cette loi. Le médecin s'est forcé de recueillir auprès des potes auprès des proches, l'opposition aux dons d'organes exprimés par le défunt de son vivant. Depuis la loi du 26 janvier 2016, il y a eu un durcissement qui fait que le médecin, maintenant, doit juste expliquer qu'il va faire un prélèvement sans rechercher une opposition. Je vous lis l'article concerné, c'est donc le nouvel article L1232-1 du Code de la santé publique qui s'applique depuis le 1er janvier. 2017, le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité, conformément aux bonnes pratiques arrêtées par la ministre chargée de la Santé sur proposition de l'Agence de la biomédecine. Donc, finalement, à partir du moment où le refus du défunt n'a pas été clairement exprimé, exprimé notamment au sein d'un registre tenu par l'Agence de la biomédecine, les médecins... peuvent prélever. Mais on comprend bien évidemment qu'en pratique, lorsque la famille, les proches s'opposent fermement, les médecins ne vont pas l'encontre pour des raisons évidentes d'éthique. Il est difficile de faire un prélèvement en ne tenant pas compte de cette opposition souvent violente, virulente des proches. Donc finalement, en France, il reste une pénurie de greffons du fait de cette opposition formalisée. On comprend facilement dans des contextes très tendus d'une mort souvent sur une personne jeune, même si les prélèvements vont jusqu'à 57 ans en moyenne, une personne jeune, souvent une mort brutale, il est très compliqué en fait face au choc de ce décès, de s'exprimer volontairement pour le prélèvement lorsqu'on ne connaît pas la façon dont il s'effectue et lorsqu'on est parfois même dans le déni de la mort elle-même. C'est pourquoi cette problématique doit être travaillée en amont. Lorsqu'on n'est pas encore concerné, on doit échanger avec ses proches et faire connaître la position qui est la nôtre. C'est un travail qui est réalisé chez nos voisins espagnols. L'Espagne est le premier pays au monde en matière de prélèvements et de dons d'organes post-mortem. Il y a seulement 14% de refus et de dons post-mortem en Espagne. Grâce à un accompagnement important, un accompagnement qui se fait par des campagnes d'information, qui sont finalement plus importantes que celles qu'on peut faire en France. Et puis aussi un accompagnement par des psychologues, lors du constat du décès et de la décision de prélever.
- Speaker #0
D'accord, vous parliez de la communication autour de ça. Merci beaucoup pour vos réponses. Et justement, Gaëtan, comment la communauté universitaire d'Aix-Marseille ? Peut-elle se mobiliser pour améliorer l'information sur le don d'organes ?
- Speaker #2
Cette problématique a trouvé une résonance toute particulière au sein de l'association dont je suis le président. Vous l'avez introduit tout à l'heure, l'AGSAM, l'Association étudiante des juristes en droit de la santé à Aix-Marseille. Notre association a pour but de fédérer les étudiants autour de projets communs, de cohésion notamment, et ce autant en Master 1 qu'au sein des deux Master 2, donc le droit et gestion des institutions de santé et droit de la santé et encadrement de la recherche. mais aussi de participer à la promotion de notre mention, de créer un lien privilégié avec nos enseignants et puis les professionnels du droit comme ceux de la santé. En ce qui concerne plus spécifiquement le don d'organes, nous avons deux actions de prévues. La première consiste en une campagne d'information en ligne dont a parlé Mme Nicolas, qui se tiendra le 22 juin, par l'intermédiaire de l'ensemble des réseaux d'Ex-Marseille Université et particulièrement ceux des associations des étudiants de notre université. Je profite d'ailleurs de cette occasion Pour dire que tout le monde peut agir facilement ce jour-là en relayant d'un simple clic les informations qui seront dispensées en ligne, je vous invite à rester à l'affût, à lire les communications, à les relayer, et particulièrement les communications universitaires et ceux des réseaux sociaux habituels que connaissent bien les étudiants. Pour la deuxième action... Les étudiants d'Aix-Marseille Université, en particulier ceux de l'AgeSAM qui y travaillent depuis quelques mois, souhaitent via leurs associations organiser une journée de mobilisation le 17 octobre, qui est la journée mondiale du don d'organes et de la greffe.
- Speaker #0
Et justement, quelles initiatives allez-vous organiser pour cette journée du 17 octobre ?
- Speaker #2
Eh bien, ce sera un peu le point d'orgue de notre action, si je puis dire. Nous avons prévu d'organiser un colloque qui va rassembler toutes les composantes d'Aix-Marseille Université. Nous visons une grande pluridisciplinarité. qui mettra en lumière les problématiques liées au don d'organes. Ce sera un moment particulier d'échange, ça sera vraiment transversal, d'échange sur les savoirs, les connaissances, les méthodes, et autant entre étudiants que professionnels et enseignants. Le but de cette journée, ce sera de toucher un maximum de publics, avec une réelle volonté de voir évoluer les recherches faites au sein de notre université, notamment en sociologie et psychologie, pour mieux comprendre le mécanisme d'opposition au don, ce qui bien sûr nous enrichira tous dans notre réflexion.
- Speaker #0
Merci infiniment pour vos analyses.
- Speaker #1
Mais c'est nous qui remercions l'ensemble de l'équipe de Codecast d'avoir tendu son micro dans l'intérêt de cette problématique importante du don d'organes post-mortem.
- Speaker #2
Merci à vous.
- Speaker #0
Eh bien, nous comptons sur vous pour être nombreux le 22 juin et le 17 octobre pour le colloque. Nous espérons que cet épisode vous aura intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours et pourquoi pas à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de Codecast.