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#37 Code'Cast : L'autoroute A69, entre exigences d'aménagements et respect de l'environnement cover
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Code'Cast - Parlons droit !

#37 Code'Cast : L'autoroute A69, entre exigences d'aménagements et respect de l'environnement

#37 Code'Cast : L'autoroute A69, entre exigences d'aménagements et respect de l'environnement

10min |12/07/2025|

124

Play
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#37 Code'Cast : L'autoroute A69, entre exigences d'aménagements et respect de l'environnement

#37 Code'Cast : L'autoroute A69, entre exigences d'aménagements et respect de l'environnement

10min |12/07/2025|

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Description

Dans cet épisode de Code’Cast, nous revenons sur le projet controversé de l’autoroute A69, en compagnie d’Eva Mastromarino, doctorante en droit public à la faculté de droit d’Aix-Marseille.

Elle nous apporte un éclairage sur des notions juridiques fondamentales telles que la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ou encore la dérogation relative aux espèces protégées. Un épisode essentiel pour comprendre les tensions entre impératifs d’aménagement du territoire et exigences de protection de l’environnement, et la manière dont le droit public tente de les concilier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Codecast revient avec un épisode dédié à une analyse approfondie de l'actualité juridique environnementale qui sera illustrée par le cas de l'autoroute A69. Une affaire emblématique qui a beaucoup agité les médias pendant ces derniers mois. Pour nous éclairer sur ces problématiques complexes, les problématiques liées à ce dossier, nous avons l'honneur de recevoir Mme Eva Mastromarino. qui est doctorante en deuxième année de droit public au sein de la faculté de droit et de sciences politiques. Eva, bonjour, est-ce que vous pourriez vous présenter, nous dire un peu quelles sont vos thématiques de recherche ?

  • Speaker #0

    Bonjour, tout d'abord merci pour l'invitation. Effectivement, mes travaux de recherche sont menés au sein de l'UMR ADES et du CNRS. Ils portent précisément sur l'encadrement juridique des pratiques d'aménagement à l'aune des enjeux environnementaux, donc des thématiques environnementales et des thématiques liées au droit de l'urbanisme. Et ils sont conduits au sein d'une thèse de chiffres, donc de la métropole Aix-Marseille-Provence, et précisément au sein de la direction aménagement et programmation urbaine.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Donc, sujet qui a l'air passionnant et qui permettra d'éclairer nos étudiants sur la diversité, justement, des branches du droit et des spécialités de recherche qui peuvent être développées. Alors, maintenant, venons-en aux fêtes. Venons-en, justement, à l'autoroute A69. alors Pour débuter cette discussion, est-ce que vous pourriez nous dire quel est le contexte factuel et juridique de cette affaire ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. Pour bien comprendre l'affaire A69, il faut d'abord la replacer dans un contexte plus large. On parle de plus en plus de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire la disparition des espèces et de leurs habitats naturels. La construction de grandes infrastructures comme des routes y contribue fortement. Ce sujet a pris de l'ampleur, notamment après un rapport alarmant du Sénat en 2016. Au cœur de cette problématique, le projet de l'autoroute A69 vise à relier Castres à Toulouse. C'est un projet ancien qui a été déclaré d'utilité publique en 2018. Et plus récemment, en mars 2023, la préfecture du Tarn et de la Haute-Garonne accorde une autorisation environnementale à la société Atosca, concessionnaire du projet. Cette autorisation est un dossier complet qui regroupe 18 procédures pour un projet ayant un impact sur l'environnement. Une autorisation clé de ce dossier... et la dérogation pour la destruction des espèces protégées. Cela signifie qu'on autorise de manière exceptionnelle à détruire des animaux ou des plantes qui sont normalement protégées. C'est cette dérogation espèces protégées que plusieurs associations ont contesté. Leurs arguments ? Pour obtenir une telle dérogation, la loi exige une condition très stricte, la raison impérative d'intérêt public majeur, qu'on appelle communément la RII-PM. Les associations ont estimé que le projet RII-PM A69 ne répondait pas à cette exigence, rendant la dérogation illégale. Ainsi, le tribunal administratif de Toulouse est intervenu et le 27 février 2025, il a rendu son jugement, se posant cette question cruciale, l'autorisation environnementale de l'A69, et notamment la dérogation aux espèces protégées, a-t-elle été légalement accordée au regard de la RIPM ? La réponse du tribunal a été un non catégorique, il a purement et simplement annulé l'autorisation environnementale de l'A69, ce qui a eu un impact immédiat sur le chantier.

  • Speaker #1

    D'accord, c'est clair. Mais concrètement, quels étaient les arguments principaux portés par les opposants, les associations ? Parce qu'il y a plusieurs associations qui s'opposent à ce projet.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors les arguments des associations qui ont été entendus par le juge étaient précis. D'abord, elles ont soutenu que la raison impérative d'intérêt public majeur, donc la RIPM, ne pouvait pas être simplement déduite de la déclaration d'utilité publique, de la DUP donc du projet. Pour elles, la RIPM doit être prouvée de manière spécifique et autonome. Ensuite, elles ont argué que le projet était surdimensionné par rapport aux besoins réels de circulation estimée. En gros, c'était trop grand pour le trafic prévu. Et enfin, elles ont jugé que les bénéfices socio-économiques attendus du projet n'étaient pas suffisants pour justifier les dégâts sur la biodiversité. Le tribunal a donc conclu que la dérogation pour la destruction d'espèces protégées était illégale, et comme cette dérogation était un élément essentiel de l'autorisation environnementale unique, c'est toute l'autorisation qui a été annulée. La conséquence directe a donc été l'arrêt immédiat des travaux.

  • Speaker #1

    Merci pour ces éclairages. Alors, on entend dans votre exposé des notions propres au droit de l'environnement et au droit de l'aménagement, avec des termes qui peuvent être assez forts. Je pense notamment à cette dérogation qui permet la destruction d'espèces protégées, ce qui a ses lourds de sens. Pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les grandes notions de droit de l'environnement qui sont vraiment au centre de cette affaire de l'autoroute A69 ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, plusieurs notions clés sont à retenir dans cette affaire. La première, c'est l'autorisation environnementale. C'est la porte d'entrée pour les grands projets, une procédure unique qui vise à simplifier les démarches pour les porteurs de projets tout en assurant une haute protection de l'environnement. Elle regroupe plusieurs autorisations, 18 en réalité, de différents codes comme celles liées aux installations classées, à la loi sur l'eau ou notamment la dérogation à espèces protégées. Et justement, la deuxième notion est cette dérogation à la destruction d'espèces protégées. Le principe fondamental et l'interdiction stricte de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat, telle qu'énoncée à l'article L411-1 du Code de l'environnement. D'ailleurs, quand on parle de destruction, c'est au sens large. Cela inclut la destruction physique, mais également la simple altération ou dégradation de leur milieu de vie, qui est un principe très protecteur. Cependant, la loi prévoit également des exceptions. L'article L411-2 du Code de l'environnement liste trois conditions cumulatives pour obtenir une DEP. Tout d'abord, il ne doit pas y avoir de solution alternative satisfaisante. En clair, aurait-on pu faire autrement pour éviter de nuire à ces espèces ? Puis, le projet ne doit pas nuire au maintien des populations de ces espèces dans leur milieu naturel, c'est-à-dire qu'on ne doit pas mettre en péril leur survie à long terme. Et enfin, la condition la plus débattue dans la 69, la dérogation doit être justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur, la fameuse RIIPM. Cette notion est très large puisqu'elle comprend la santé publique, la sécurité... mais également des raisons économiques ou sociales importantes. Et c'est sur cette notion, justement, que le tribunal administratif de Toulouse s'est concentré.

  • Speaker #1

    Alors justement, revenons-en au jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse. Quel a été le raisonnement retenu par les juges pour annuler l'autorisation ?

  • Speaker #0

    Le tribunal administratif a été très clair. Il a jugé que la dérogation aux espèces protégées était illégale car le projet A69 ne répondait pas à cette fameuse raison impérative d'intérêt public majeur. C'était la condition manquante. Cet arrêt du tribunal administratif de Toulouse a plusieurs implications importantes. En premier lieu, cette décision constitue une indication manifeste d'une application considérablement plus rigoureuse de la condition de RIPM. Nonobstant la validation préalable de la DUP et le rejet de recours extérieur n'ayant pas pu suspendre les travaux, le juge a procédé à un examen minutieux de cette exigence spécifique. Il renforce aussi la distinction entre l'utilité publique et l'intérêt public majeur. La DUP justifie l'expropriation, c'est une décision d'opportunité politique. La RIPM, pour les espèces protégées, est une condition juridique environnementale beaucoup plus exigeante. Cet arrêt pose ainsi la question de savoir si un projet peut être utile publiquement, sans pour autant justifier les atteintes à la biodiversité. Enfin, c'est un signal que le contrôle des projets d'infrastructure devient plus strict. Avant, les annulations intervenaient plutôt en amont, c'est-à-dire au moment de la DUP. Là, le chantier était déjà bien avancé quand l'annulation est tombée. Et cela crée évidemment un risque juridique accru pour les grands projets, avec des conséquences financières et environnementales énormes. Précisément, l'affaire n'est pas finie. Par des jugements du 28 mai 2025, la Cour administrative d'appel de Toulouse a prononcé le sursis à l'exécution des jugements du tribunal administratif de Toulouse. Qu'est-ce qu'un sursis à exécution ? En termes simples, la Cour administrative d'appel a mis le jugement du tribunal administratif en pause. Les autorisations environnementales qui avaient été annulées sont donc remises en vigueur provisoirement. Cela signifie que le chantier peut légalement reprendre en attendant que la Cour administrative d'appel se prononce au fond, c'est-à-dire qu'elle réexamine l'affaire en détail et décide si l'autorisation environnementale était légale ou non. Le rôle du juge du sursis n'est pas de juger du fond de l'affaire, mais bien de vérifier si l'appel contre le jugement du tribunal administratif était sérieux. Et là, la Cour administrative d'appel a estimé qu'il y avait bien un argument sérieux dans l'appel. Ce qui justifiait de suspendre l'exécution du premier jugement et donc de permettre la reprise du chantier en attendant une décision définitive. Ce mercredi 25 juin, au Sénat, la commission mixte paritaire du Parlement a voté la proposition de loi de validation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Et effectivement, on attend encore de nouveaux rassemblements d'associations environnementales sur ce sujet, à l'instar des soulèvements de la terre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cet éclairage. qui permettra à nos auditeurs d'avoir un regard plus pointu, plus précis sur ce sujet qui, comme vous l'avez dit, semble voué à provoquer encore bien des remous médiatiques. Nous nous donnons rendez-vous pour un prochain épisode qui sera encore consacré au droit de l'aménagement. Merci beaucoup pour votre écoute. Au revoir. Merci.

Description

Dans cet épisode de Code’Cast, nous revenons sur le projet controversé de l’autoroute A69, en compagnie d’Eva Mastromarino, doctorante en droit public à la faculté de droit d’Aix-Marseille.

Elle nous apporte un éclairage sur des notions juridiques fondamentales telles que la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ou encore la dérogation relative aux espèces protégées. Un épisode essentiel pour comprendre les tensions entre impératifs d’aménagement du territoire et exigences de protection de l’environnement, et la manière dont le droit public tente de les concilier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Codecast revient avec un épisode dédié à une analyse approfondie de l'actualité juridique environnementale qui sera illustrée par le cas de l'autoroute A69. Une affaire emblématique qui a beaucoup agité les médias pendant ces derniers mois. Pour nous éclairer sur ces problématiques complexes, les problématiques liées à ce dossier, nous avons l'honneur de recevoir Mme Eva Mastromarino. qui est doctorante en deuxième année de droit public au sein de la faculté de droit et de sciences politiques. Eva, bonjour, est-ce que vous pourriez vous présenter, nous dire un peu quelles sont vos thématiques de recherche ?

  • Speaker #0

    Bonjour, tout d'abord merci pour l'invitation. Effectivement, mes travaux de recherche sont menés au sein de l'UMR ADES et du CNRS. Ils portent précisément sur l'encadrement juridique des pratiques d'aménagement à l'aune des enjeux environnementaux, donc des thématiques environnementales et des thématiques liées au droit de l'urbanisme. Et ils sont conduits au sein d'une thèse de chiffres, donc de la métropole Aix-Marseille-Provence, et précisément au sein de la direction aménagement et programmation urbaine.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Donc, sujet qui a l'air passionnant et qui permettra d'éclairer nos étudiants sur la diversité, justement, des branches du droit et des spécialités de recherche qui peuvent être développées. Alors, maintenant, venons-en aux fêtes. Venons-en, justement, à l'autoroute A69. alors Pour débuter cette discussion, est-ce que vous pourriez nous dire quel est le contexte factuel et juridique de cette affaire ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. Pour bien comprendre l'affaire A69, il faut d'abord la replacer dans un contexte plus large. On parle de plus en plus de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire la disparition des espèces et de leurs habitats naturels. La construction de grandes infrastructures comme des routes y contribue fortement. Ce sujet a pris de l'ampleur, notamment après un rapport alarmant du Sénat en 2016. Au cœur de cette problématique, le projet de l'autoroute A69 vise à relier Castres à Toulouse. C'est un projet ancien qui a été déclaré d'utilité publique en 2018. Et plus récemment, en mars 2023, la préfecture du Tarn et de la Haute-Garonne accorde une autorisation environnementale à la société Atosca, concessionnaire du projet. Cette autorisation est un dossier complet qui regroupe 18 procédures pour un projet ayant un impact sur l'environnement. Une autorisation clé de ce dossier... et la dérogation pour la destruction des espèces protégées. Cela signifie qu'on autorise de manière exceptionnelle à détruire des animaux ou des plantes qui sont normalement protégées. C'est cette dérogation espèces protégées que plusieurs associations ont contesté. Leurs arguments ? Pour obtenir une telle dérogation, la loi exige une condition très stricte, la raison impérative d'intérêt public majeur, qu'on appelle communément la RII-PM. Les associations ont estimé que le projet RII-PM A69 ne répondait pas à cette exigence, rendant la dérogation illégale. Ainsi, le tribunal administratif de Toulouse est intervenu et le 27 février 2025, il a rendu son jugement, se posant cette question cruciale, l'autorisation environnementale de l'A69, et notamment la dérogation aux espèces protégées, a-t-elle été légalement accordée au regard de la RIPM ? La réponse du tribunal a été un non catégorique, il a purement et simplement annulé l'autorisation environnementale de l'A69, ce qui a eu un impact immédiat sur le chantier.

  • Speaker #1

    D'accord, c'est clair. Mais concrètement, quels étaient les arguments principaux portés par les opposants, les associations ? Parce qu'il y a plusieurs associations qui s'opposent à ce projet.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors les arguments des associations qui ont été entendus par le juge étaient précis. D'abord, elles ont soutenu que la raison impérative d'intérêt public majeur, donc la RIPM, ne pouvait pas être simplement déduite de la déclaration d'utilité publique, de la DUP donc du projet. Pour elles, la RIPM doit être prouvée de manière spécifique et autonome. Ensuite, elles ont argué que le projet était surdimensionné par rapport aux besoins réels de circulation estimée. En gros, c'était trop grand pour le trafic prévu. Et enfin, elles ont jugé que les bénéfices socio-économiques attendus du projet n'étaient pas suffisants pour justifier les dégâts sur la biodiversité. Le tribunal a donc conclu que la dérogation pour la destruction d'espèces protégées était illégale, et comme cette dérogation était un élément essentiel de l'autorisation environnementale unique, c'est toute l'autorisation qui a été annulée. La conséquence directe a donc été l'arrêt immédiat des travaux.

  • Speaker #1

    Merci pour ces éclairages. Alors, on entend dans votre exposé des notions propres au droit de l'environnement et au droit de l'aménagement, avec des termes qui peuvent être assez forts. Je pense notamment à cette dérogation qui permet la destruction d'espèces protégées, ce qui a ses lourds de sens. Pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les grandes notions de droit de l'environnement qui sont vraiment au centre de cette affaire de l'autoroute A69 ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, plusieurs notions clés sont à retenir dans cette affaire. La première, c'est l'autorisation environnementale. C'est la porte d'entrée pour les grands projets, une procédure unique qui vise à simplifier les démarches pour les porteurs de projets tout en assurant une haute protection de l'environnement. Elle regroupe plusieurs autorisations, 18 en réalité, de différents codes comme celles liées aux installations classées, à la loi sur l'eau ou notamment la dérogation à espèces protégées. Et justement, la deuxième notion est cette dérogation à la destruction d'espèces protégées. Le principe fondamental et l'interdiction stricte de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat, telle qu'énoncée à l'article L411-1 du Code de l'environnement. D'ailleurs, quand on parle de destruction, c'est au sens large. Cela inclut la destruction physique, mais également la simple altération ou dégradation de leur milieu de vie, qui est un principe très protecteur. Cependant, la loi prévoit également des exceptions. L'article L411-2 du Code de l'environnement liste trois conditions cumulatives pour obtenir une DEP. Tout d'abord, il ne doit pas y avoir de solution alternative satisfaisante. En clair, aurait-on pu faire autrement pour éviter de nuire à ces espèces ? Puis, le projet ne doit pas nuire au maintien des populations de ces espèces dans leur milieu naturel, c'est-à-dire qu'on ne doit pas mettre en péril leur survie à long terme. Et enfin, la condition la plus débattue dans la 69, la dérogation doit être justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur, la fameuse RIIPM. Cette notion est très large puisqu'elle comprend la santé publique, la sécurité... mais également des raisons économiques ou sociales importantes. Et c'est sur cette notion, justement, que le tribunal administratif de Toulouse s'est concentré.

  • Speaker #1

    Alors justement, revenons-en au jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse. Quel a été le raisonnement retenu par les juges pour annuler l'autorisation ?

  • Speaker #0

    Le tribunal administratif a été très clair. Il a jugé que la dérogation aux espèces protégées était illégale car le projet A69 ne répondait pas à cette fameuse raison impérative d'intérêt public majeur. C'était la condition manquante. Cet arrêt du tribunal administratif de Toulouse a plusieurs implications importantes. En premier lieu, cette décision constitue une indication manifeste d'une application considérablement plus rigoureuse de la condition de RIPM. Nonobstant la validation préalable de la DUP et le rejet de recours extérieur n'ayant pas pu suspendre les travaux, le juge a procédé à un examen minutieux de cette exigence spécifique. Il renforce aussi la distinction entre l'utilité publique et l'intérêt public majeur. La DUP justifie l'expropriation, c'est une décision d'opportunité politique. La RIPM, pour les espèces protégées, est une condition juridique environnementale beaucoup plus exigeante. Cet arrêt pose ainsi la question de savoir si un projet peut être utile publiquement, sans pour autant justifier les atteintes à la biodiversité. Enfin, c'est un signal que le contrôle des projets d'infrastructure devient plus strict. Avant, les annulations intervenaient plutôt en amont, c'est-à-dire au moment de la DUP. Là, le chantier était déjà bien avancé quand l'annulation est tombée. Et cela crée évidemment un risque juridique accru pour les grands projets, avec des conséquences financières et environnementales énormes. Précisément, l'affaire n'est pas finie. Par des jugements du 28 mai 2025, la Cour administrative d'appel de Toulouse a prononcé le sursis à l'exécution des jugements du tribunal administratif de Toulouse. Qu'est-ce qu'un sursis à exécution ? En termes simples, la Cour administrative d'appel a mis le jugement du tribunal administratif en pause. Les autorisations environnementales qui avaient été annulées sont donc remises en vigueur provisoirement. Cela signifie que le chantier peut légalement reprendre en attendant que la Cour administrative d'appel se prononce au fond, c'est-à-dire qu'elle réexamine l'affaire en détail et décide si l'autorisation environnementale était légale ou non. Le rôle du juge du sursis n'est pas de juger du fond de l'affaire, mais bien de vérifier si l'appel contre le jugement du tribunal administratif était sérieux. Et là, la Cour administrative d'appel a estimé qu'il y avait bien un argument sérieux dans l'appel. Ce qui justifiait de suspendre l'exécution du premier jugement et donc de permettre la reprise du chantier en attendant une décision définitive. Ce mercredi 25 juin, au Sénat, la commission mixte paritaire du Parlement a voté la proposition de loi de validation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Et effectivement, on attend encore de nouveaux rassemblements d'associations environnementales sur ce sujet, à l'instar des soulèvements de la terre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cet éclairage. qui permettra à nos auditeurs d'avoir un regard plus pointu, plus précis sur ce sujet qui, comme vous l'avez dit, semble voué à provoquer encore bien des remous médiatiques. Nous nous donnons rendez-vous pour un prochain épisode qui sera encore consacré au droit de l'aménagement. Merci beaucoup pour votre écoute. Au revoir. Merci.

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Elle nous apporte un éclairage sur des notions juridiques fondamentales telles que la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ou encore la dérogation relative aux espèces protégées. Un épisode essentiel pour comprendre les tensions entre impératifs d’aménagement du territoire et exigences de protection de l’environnement, et la manière dont le droit public tente de les concilier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Codecast revient avec un épisode dédié à une analyse approfondie de l'actualité juridique environnementale qui sera illustrée par le cas de l'autoroute A69. Une affaire emblématique qui a beaucoup agité les médias pendant ces derniers mois. Pour nous éclairer sur ces problématiques complexes, les problématiques liées à ce dossier, nous avons l'honneur de recevoir Mme Eva Mastromarino. qui est doctorante en deuxième année de droit public au sein de la faculté de droit et de sciences politiques. Eva, bonjour, est-ce que vous pourriez vous présenter, nous dire un peu quelles sont vos thématiques de recherche ?

  • Speaker #0

    Bonjour, tout d'abord merci pour l'invitation. Effectivement, mes travaux de recherche sont menés au sein de l'UMR ADES et du CNRS. Ils portent précisément sur l'encadrement juridique des pratiques d'aménagement à l'aune des enjeux environnementaux, donc des thématiques environnementales et des thématiques liées au droit de l'urbanisme. Et ils sont conduits au sein d'une thèse de chiffres, donc de la métropole Aix-Marseille-Provence, et précisément au sein de la direction aménagement et programmation urbaine.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Donc, sujet qui a l'air passionnant et qui permettra d'éclairer nos étudiants sur la diversité, justement, des branches du droit et des spécialités de recherche qui peuvent être développées. Alors, maintenant, venons-en aux fêtes. Venons-en, justement, à l'autoroute A69. alors Pour débuter cette discussion, est-ce que vous pourriez nous dire quel est le contexte factuel et juridique de cette affaire ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. Pour bien comprendre l'affaire A69, il faut d'abord la replacer dans un contexte plus large. On parle de plus en plus de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire la disparition des espèces et de leurs habitats naturels. La construction de grandes infrastructures comme des routes y contribue fortement. Ce sujet a pris de l'ampleur, notamment après un rapport alarmant du Sénat en 2016. Au cœur de cette problématique, le projet de l'autoroute A69 vise à relier Castres à Toulouse. C'est un projet ancien qui a été déclaré d'utilité publique en 2018. Et plus récemment, en mars 2023, la préfecture du Tarn et de la Haute-Garonne accorde une autorisation environnementale à la société Atosca, concessionnaire du projet. Cette autorisation est un dossier complet qui regroupe 18 procédures pour un projet ayant un impact sur l'environnement. Une autorisation clé de ce dossier... et la dérogation pour la destruction des espèces protégées. Cela signifie qu'on autorise de manière exceptionnelle à détruire des animaux ou des plantes qui sont normalement protégées. C'est cette dérogation espèces protégées que plusieurs associations ont contesté. Leurs arguments ? Pour obtenir une telle dérogation, la loi exige une condition très stricte, la raison impérative d'intérêt public majeur, qu'on appelle communément la RII-PM. Les associations ont estimé que le projet RII-PM A69 ne répondait pas à cette exigence, rendant la dérogation illégale. Ainsi, le tribunal administratif de Toulouse est intervenu et le 27 février 2025, il a rendu son jugement, se posant cette question cruciale, l'autorisation environnementale de l'A69, et notamment la dérogation aux espèces protégées, a-t-elle été légalement accordée au regard de la RIPM ? La réponse du tribunal a été un non catégorique, il a purement et simplement annulé l'autorisation environnementale de l'A69, ce qui a eu un impact immédiat sur le chantier.

  • Speaker #1

    D'accord, c'est clair. Mais concrètement, quels étaient les arguments principaux portés par les opposants, les associations ? Parce qu'il y a plusieurs associations qui s'opposent à ce projet.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors les arguments des associations qui ont été entendus par le juge étaient précis. D'abord, elles ont soutenu que la raison impérative d'intérêt public majeur, donc la RIPM, ne pouvait pas être simplement déduite de la déclaration d'utilité publique, de la DUP donc du projet. Pour elles, la RIPM doit être prouvée de manière spécifique et autonome. Ensuite, elles ont argué que le projet était surdimensionné par rapport aux besoins réels de circulation estimée. En gros, c'était trop grand pour le trafic prévu. Et enfin, elles ont jugé que les bénéfices socio-économiques attendus du projet n'étaient pas suffisants pour justifier les dégâts sur la biodiversité. Le tribunal a donc conclu que la dérogation pour la destruction d'espèces protégées était illégale, et comme cette dérogation était un élément essentiel de l'autorisation environnementale unique, c'est toute l'autorisation qui a été annulée. La conséquence directe a donc été l'arrêt immédiat des travaux.

  • Speaker #1

    Merci pour ces éclairages. Alors, on entend dans votre exposé des notions propres au droit de l'environnement et au droit de l'aménagement, avec des termes qui peuvent être assez forts. Je pense notamment à cette dérogation qui permet la destruction d'espèces protégées, ce qui a ses lourds de sens. Pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les grandes notions de droit de l'environnement qui sont vraiment au centre de cette affaire de l'autoroute A69 ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, plusieurs notions clés sont à retenir dans cette affaire. La première, c'est l'autorisation environnementale. C'est la porte d'entrée pour les grands projets, une procédure unique qui vise à simplifier les démarches pour les porteurs de projets tout en assurant une haute protection de l'environnement. Elle regroupe plusieurs autorisations, 18 en réalité, de différents codes comme celles liées aux installations classées, à la loi sur l'eau ou notamment la dérogation à espèces protégées. Et justement, la deuxième notion est cette dérogation à la destruction d'espèces protégées. Le principe fondamental et l'interdiction stricte de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat, telle qu'énoncée à l'article L411-1 du Code de l'environnement. D'ailleurs, quand on parle de destruction, c'est au sens large. Cela inclut la destruction physique, mais également la simple altération ou dégradation de leur milieu de vie, qui est un principe très protecteur. Cependant, la loi prévoit également des exceptions. L'article L411-2 du Code de l'environnement liste trois conditions cumulatives pour obtenir une DEP. Tout d'abord, il ne doit pas y avoir de solution alternative satisfaisante. En clair, aurait-on pu faire autrement pour éviter de nuire à ces espèces ? Puis, le projet ne doit pas nuire au maintien des populations de ces espèces dans leur milieu naturel, c'est-à-dire qu'on ne doit pas mettre en péril leur survie à long terme. Et enfin, la condition la plus débattue dans la 69, la dérogation doit être justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur, la fameuse RIIPM. Cette notion est très large puisqu'elle comprend la santé publique, la sécurité... mais également des raisons économiques ou sociales importantes. Et c'est sur cette notion, justement, que le tribunal administratif de Toulouse s'est concentré.

  • Speaker #1

    Alors justement, revenons-en au jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse. Quel a été le raisonnement retenu par les juges pour annuler l'autorisation ?

  • Speaker #0

    Le tribunal administratif a été très clair. Il a jugé que la dérogation aux espèces protégées était illégale car le projet A69 ne répondait pas à cette fameuse raison impérative d'intérêt public majeur. C'était la condition manquante. Cet arrêt du tribunal administratif de Toulouse a plusieurs implications importantes. En premier lieu, cette décision constitue une indication manifeste d'une application considérablement plus rigoureuse de la condition de RIPM. Nonobstant la validation préalable de la DUP et le rejet de recours extérieur n'ayant pas pu suspendre les travaux, le juge a procédé à un examen minutieux de cette exigence spécifique. Il renforce aussi la distinction entre l'utilité publique et l'intérêt public majeur. La DUP justifie l'expropriation, c'est une décision d'opportunité politique. La RIPM, pour les espèces protégées, est une condition juridique environnementale beaucoup plus exigeante. Cet arrêt pose ainsi la question de savoir si un projet peut être utile publiquement, sans pour autant justifier les atteintes à la biodiversité. Enfin, c'est un signal que le contrôle des projets d'infrastructure devient plus strict. Avant, les annulations intervenaient plutôt en amont, c'est-à-dire au moment de la DUP. Là, le chantier était déjà bien avancé quand l'annulation est tombée. Et cela crée évidemment un risque juridique accru pour les grands projets, avec des conséquences financières et environnementales énormes. Précisément, l'affaire n'est pas finie. Par des jugements du 28 mai 2025, la Cour administrative d'appel de Toulouse a prononcé le sursis à l'exécution des jugements du tribunal administratif de Toulouse. Qu'est-ce qu'un sursis à exécution ? En termes simples, la Cour administrative d'appel a mis le jugement du tribunal administratif en pause. Les autorisations environnementales qui avaient été annulées sont donc remises en vigueur provisoirement. Cela signifie que le chantier peut légalement reprendre en attendant que la Cour administrative d'appel se prononce au fond, c'est-à-dire qu'elle réexamine l'affaire en détail et décide si l'autorisation environnementale était légale ou non. Le rôle du juge du sursis n'est pas de juger du fond de l'affaire, mais bien de vérifier si l'appel contre le jugement du tribunal administratif était sérieux. Et là, la Cour administrative d'appel a estimé qu'il y avait bien un argument sérieux dans l'appel. Ce qui justifiait de suspendre l'exécution du premier jugement et donc de permettre la reprise du chantier en attendant une décision définitive. Ce mercredi 25 juin, au Sénat, la commission mixte paritaire du Parlement a voté la proposition de loi de validation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Et effectivement, on attend encore de nouveaux rassemblements d'associations environnementales sur ce sujet, à l'instar des soulèvements de la terre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cet éclairage. qui permettra à nos auditeurs d'avoir un regard plus pointu, plus précis sur ce sujet qui, comme vous l'avez dit, semble voué à provoquer encore bien des remous médiatiques. Nous nous donnons rendez-vous pour un prochain épisode qui sera encore consacré au droit de l'aménagement. Merci beaucoup pour votre écoute. Au revoir. Merci.

Description

Dans cet épisode de Code’Cast, nous revenons sur le projet controversé de l’autoroute A69, en compagnie d’Eva Mastromarino, doctorante en droit public à la faculté de droit d’Aix-Marseille.

Elle nous apporte un éclairage sur des notions juridiques fondamentales telles que la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ou encore la dérogation relative aux espèces protégées. Un épisode essentiel pour comprendre les tensions entre impératifs d’aménagement du territoire et exigences de protection de l’environnement, et la manière dont le droit public tente de les concilier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Codecast revient avec un épisode dédié à une analyse approfondie de l'actualité juridique environnementale qui sera illustrée par le cas de l'autoroute A69. Une affaire emblématique qui a beaucoup agité les médias pendant ces derniers mois. Pour nous éclairer sur ces problématiques complexes, les problématiques liées à ce dossier, nous avons l'honneur de recevoir Mme Eva Mastromarino. qui est doctorante en deuxième année de droit public au sein de la faculté de droit et de sciences politiques. Eva, bonjour, est-ce que vous pourriez vous présenter, nous dire un peu quelles sont vos thématiques de recherche ?

  • Speaker #0

    Bonjour, tout d'abord merci pour l'invitation. Effectivement, mes travaux de recherche sont menés au sein de l'UMR ADES et du CNRS. Ils portent précisément sur l'encadrement juridique des pratiques d'aménagement à l'aune des enjeux environnementaux, donc des thématiques environnementales et des thématiques liées au droit de l'urbanisme. Et ils sont conduits au sein d'une thèse de chiffres, donc de la métropole Aix-Marseille-Provence, et précisément au sein de la direction aménagement et programmation urbaine.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Donc, sujet qui a l'air passionnant et qui permettra d'éclairer nos étudiants sur la diversité, justement, des branches du droit et des spécialités de recherche qui peuvent être développées. Alors, maintenant, venons-en aux fêtes. Venons-en, justement, à l'autoroute A69. alors Pour débuter cette discussion, est-ce que vous pourriez nous dire quel est le contexte factuel et juridique de cette affaire ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. Pour bien comprendre l'affaire A69, il faut d'abord la replacer dans un contexte plus large. On parle de plus en plus de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire la disparition des espèces et de leurs habitats naturels. La construction de grandes infrastructures comme des routes y contribue fortement. Ce sujet a pris de l'ampleur, notamment après un rapport alarmant du Sénat en 2016. Au cœur de cette problématique, le projet de l'autoroute A69 vise à relier Castres à Toulouse. C'est un projet ancien qui a été déclaré d'utilité publique en 2018. Et plus récemment, en mars 2023, la préfecture du Tarn et de la Haute-Garonne accorde une autorisation environnementale à la société Atosca, concessionnaire du projet. Cette autorisation est un dossier complet qui regroupe 18 procédures pour un projet ayant un impact sur l'environnement. Une autorisation clé de ce dossier... et la dérogation pour la destruction des espèces protégées. Cela signifie qu'on autorise de manière exceptionnelle à détruire des animaux ou des plantes qui sont normalement protégées. C'est cette dérogation espèces protégées que plusieurs associations ont contesté. Leurs arguments ? Pour obtenir une telle dérogation, la loi exige une condition très stricte, la raison impérative d'intérêt public majeur, qu'on appelle communément la RII-PM. Les associations ont estimé que le projet RII-PM A69 ne répondait pas à cette exigence, rendant la dérogation illégale. Ainsi, le tribunal administratif de Toulouse est intervenu et le 27 février 2025, il a rendu son jugement, se posant cette question cruciale, l'autorisation environnementale de l'A69, et notamment la dérogation aux espèces protégées, a-t-elle été légalement accordée au regard de la RIPM ? La réponse du tribunal a été un non catégorique, il a purement et simplement annulé l'autorisation environnementale de l'A69, ce qui a eu un impact immédiat sur le chantier.

  • Speaker #1

    D'accord, c'est clair. Mais concrètement, quels étaient les arguments principaux portés par les opposants, les associations ? Parce qu'il y a plusieurs associations qui s'opposent à ce projet.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors les arguments des associations qui ont été entendus par le juge étaient précis. D'abord, elles ont soutenu que la raison impérative d'intérêt public majeur, donc la RIPM, ne pouvait pas être simplement déduite de la déclaration d'utilité publique, de la DUP donc du projet. Pour elles, la RIPM doit être prouvée de manière spécifique et autonome. Ensuite, elles ont argué que le projet était surdimensionné par rapport aux besoins réels de circulation estimée. En gros, c'était trop grand pour le trafic prévu. Et enfin, elles ont jugé que les bénéfices socio-économiques attendus du projet n'étaient pas suffisants pour justifier les dégâts sur la biodiversité. Le tribunal a donc conclu que la dérogation pour la destruction d'espèces protégées était illégale, et comme cette dérogation était un élément essentiel de l'autorisation environnementale unique, c'est toute l'autorisation qui a été annulée. La conséquence directe a donc été l'arrêt immédiat des travaux.

  • Speaker #1

    Merci pour ces éclairages. Alors, on entend dans votre exposé des notions propres au droit de l'environnement et au droit de l'aménagement, avec des termes qui peuvent être assez forts. Je pense notamment à cette dérogation qui permet la destruction d'espèces protégées, ce qui a ses lourds de sens. Pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les grandes notions de droit de l'environnement qui sont vraiment au centre de cette affaire de l'autoroute A69 ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, plusieurs notions clés sont à retenir dans cette affaire. La première, c'est l'autorisation environnementale. C'est la porte d'entrée pour les grands projets, une procédure unique qui vise à simplifier les démarches pour les porteurs de projets tout en assurant une haute protection de l'environnement. Elle regroupe plusieurs autorisations, 18 en réalité, de différents codes comme celles liées aux installations classées, à la loi sur l'eau ou notamment la dérogation à espèces protégées. Et justement, la deuxième notion est cette dérogation à la destruction d'espèces protégées. Le principe fondamental et l'interdiction stricte de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat, telle qu'énoncée à l'article L411-1 du Code de l'environnement. D'ailleurs, quand on parle de destruction, c'est au sens large. Cela inclut la destruction physique, mais également la simple altération ou dégradation de leur milieu de vie, qui est un principe très protecteur. Cependant, la loi prévoit également des exceptions. L'article L411-2 du Code de l'environnement liste trois conditions cumulatives pour obtenir une DEP. Tout d'abord, il ne doit pas y avoir de solution alternative satisfaisante. En clair, aurait-on pu faire autrement pour éviter de nuire à ces espèces ? Puis, le projet ne doit pas nuire au maintien des populations de ces espèces dans leur milieu naturel, c'est-à-dire qu'on ne doit pas mettre en péril leur survie à long terme. Et enfin, la condition la plus débattue dans la 69, la dérogation doit être justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur, la fameuse RIIPM. Cette notion est très large puisqu'elle comprend la santé publique, la sécurité... mais également des raisons économiques ou sociales importantes. Et c'est sur cette notion, justement, que le tribunal administratif de Toulouse s'est concentré.

  • Speaker #1

    Alors justement, revenons-en au jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse. Quel a été le raisonnement retenu par les juges pour annuler l'autorisation ?

  • Speaker #0

    Le tribunal administratif a été très clair. Il a jugé que la dérogation aux espèces protégées était illégale car le projet A69 ne répondait pas à cette fameuse raison impérative d'intérêt public majeur. C'était la condition manquante. Cet arrêt du tribunal administratif de Toulouse a plusieurs implications importantes. En premier lieu, cette décision constitue une indication manifeste d'une application considérablement plus rigoureuse de la condition de RIPM. Nonobstant la validation préalable de la DUP et le rejet de recours extérieur n'ayant pas pu suspendre les travaux, le juge a procédé à un examen minutieux de cette exigence spécifique. Il renforce aussi la distinction entre l'utilité publique et l'intérêt public majeur. La DUP justifie l'expropriation, c'est une décision d'opportunité politique. La RIPM, pour les espèces protégées, est une condition juridique environnementale beaucoup plus exigeante. Cet arrêt pose ainsi la question de savoir si un projet peut être utile publiquement, sans pour autant justifier les atteintes à la biodiversité. Enfin, c'est un signal que le contrôle des projets d'infrastructure devient plus strict. Avant, les annulations intervenaient plutôt en amont, c'est-à-dire au moment de la DUP. Là, le chantier était déjà bien avancé quand l'annulation est tombée. Et cela crée évidemment un risque juridique accru pour les grands projets, avec des conséquences financières et environnementales énormes. Précisément, l'affaire n'est pas finie. Par des jugements du 28 mai 2025, la Cour administrative d'appel de Toulouse a prononcé le sursis à l'exécution des jugements du tribunal administratif de Toulouse. Qu'est-ce qu'un sursis à exécution ? En termes simples, la Cour administrative d'appel a mis le jugement du tribunal administratif en pause. Les autorisations environnementales qui avaient été annulées sont donc remises en vigueur provisoirement. Cela signifie que le chantier peut légalement reprendre en attendant que la Cour administrative d'appel se prononce au fond, c'est-à-dire qu'elle réexamine l'affaire en détail et décide si l'autorisation environnementale était légale ou non. Le rôle du juge du sursis n'est pas de juger du fond de l'affaire, mais bien de vérifier si l'appel contre le jugement du tribunal administratif était sérieux. Et là, la Cour administrative d'appel a estimé qu'il y avait bien un argument sérieux dans l'appel. Ce qui justifiait de suspendre l'exécution du premier jugement et donc de permettre la reprise du chantier en attendant une décision définitive. Ce mercredi 25 juin, au Sénat, la commission mixte paritaire du Parlement a voté la proposition de loi de validation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Et effectivement, on attend encore de nouveaux rassemblements d'associations environnementales sur ce sujet, à l'instar des soulèvements de la terre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cet éclairage. qui permettra à nos auditeurs d'avoir un regard plus pointu, plus précis sur ce sujet qui, comme vous l'avez dit, semble voué à provoquer encore bien des remous médiatiques. Nous nous donnons rendez-vous pour un prochain épisode qui sera encore consacré au droit de l'aménagement. Merci beaucoup pour votre écoute. Au revoir. Merci.

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