- Speaker #0
Radio Vostok.ch Complètement débule.
- Speaker #1
Débule ou bien ?
- Speaker #0
On dirait qu'il te manque une case. Débule. Il te manque une case. Complètement débule.
- Speaker #1
L'émission qui parle bande dessinée.
- Speaker #0
Faire renaître le marsupilami autrement. Cool. C'était un peu l'intention derrière la bête. Cette adaptation qui permet de redonner vie au fameux marsupial qui devient ici un vrai animal sauvage et réaliste. Un hommage aussi à Franquin, à la BD Franco-Belge, à Bruxelles et bien plus encore, puisque les connaisseurs seront repérés au fil des pages Ausha ou encore Bernard Heuvelmans, fondateur de la cryptozoologie. C'est quoi ça ? Cette discipline qui désigne la recherche des animaux dont l'existence ne peut être prouvée de manière irréfutable. Le Yeti par exemple, ou encore le monstre du Loch Ness. La bête ? C'est la réinterprétation d'un personnage mythique du 9e art, dans une histoire moderne qui, au-delà des hommages, raconte le parcours d'un animal sauvage perdu dans la société des hommes. Au manette, un certain Zidrou et un excellent Franck Pé que nous avons eu la chance de rencontrer.
- Speaker #1
Salut Franck !
- Speaker #0
Bonjour !
- Speaker #1
Alors Franck, né à une période que les jeunes de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, près de Bruxelles, tu es un pur produit de la BD franco-belge. Influencé notamment par le grand Franquin. Tu fais de la BD depuis... j'ai pas envie de dire l'année... Mais depuis plus de 50 ans. Oui. Un dinosaure ? Non, mais en tout cas un spécialiste du monde animal puisque c'est dans le dessin animalier que tu excelles et te consacres depuis des années, dans des séries comme Broussailles ou Zoho,
- Speaker #0
et plus récemment,
- Speaker #1
dans La Bête, adaptation du Marsupilami. Artiste multifacette,
- Speaker #0
tu sculptes,
- Speaker #1
graves, fais des fresques, tu es un grand fan de Rodin. J'ai oublié des choses pour une courte présentation ou...
- Speaker #2
Des illustrations, je travaille pour le dessin animé, un peu tout quoi. Toute expérience est bonne du moment que ça fait avancer.
- Speaker #1
Bon et dis donc, 50 ans de BD ça fait un bout, t'as trouvé le temps long ?
- Speaker #2
Je n'ai pas vu passer. Mais BD et animaux en même temps, donc c'est deux canaux qui avancent comme ça en parallèle et qui se nourrissent l'un et l'autre, ce qui fait une chouette spécificité en bande dessinée. Il n'y a pas tellement d'animalier en BD, il y en a quelques-uns, mais pas tellement que ça. Alors il y a des spécialistes aussi, ceux qui font les chevaux dans les westerns, ils sont en général très bons. Mais bon voilà, ou des Ausha, des chiens. Et puis les opossums par exemple, il y en a peu qui maîtrisent.
- Speaker #1
Et pendant toutes ces années, tu en as croisé du beau monde, non ? Tu nous parles un peu des grands que tu as croisés, Franquin, tu l'as croisé ?
- Speaker #2
Oui, je l'ai croisé. Qu'est-ce que tu l'as croisé ? Je l'ai croisé après, quand j'étais jeune, professionnel dans la rédaction Spirou. Et puis je l'ai croisé... Et quand moi, j'étais devenu un peu aguerri, c'est lui qui est venu vers moi. Il a été d'une générosité, je ne vais pas donner les détails, mais il a été d'une gentillesse incroyable. On a passé du temps ensemble, il m'a reconduit en voiture à la maison. Il était adorable. Et moi, je n'en revenais pas que j'avais le grand Franquin à côté de moi, qui était si gentil. Alors voilà,
- Speaker #1
on va parler pas mal de lui aujourd'hui, le papa de Gaston. Et puis le papa du marsupilami, on va parler de lui parce que justement, toi, tu as fait une adaptation du marsupilami, La Bête, en deux tomes. Rappelle-nous d'ailleurs, ce personnage du marsupilami, il naît comment sous le trait de Franquin ? Il date de quand ?
- Speaker #2
Franquin, il l'a créé, comme tous ses personnages, Franquin était un obsédé du rire. Parce que dans la famille, c'était une réaction, on ne riait pas dans sa famille. Et très jeune, le petit André s'est dit, la vie, ça ne vaut pas le coup si on ne rigole pas. Et donc tous les personnages qu'il a créés, Marsupilam y compris, étaient conçus pour faire rire. C'est-à-dire c'est des synthèses de dessins faits à base de boules avec des grosses mains, des gros nez. Et il leur faisait faire des scénarios à gag. À aventure, mais surtout à gag. Ça c'est franquin. Mon challenge à moi, 50 ans plus tard, c'est de me dire, oui mais ce Marsupilam... tout le monde l'a en tête, mais ça donnerait quoi si c'était un vrai animal qui existe vraiment ?
- Speaker #1
C'est ça l'exercice que vous avez fait, c'est totalement le revisiter.
- Speaker #2
Voilà. Comment, à quoi ressemblerait cette bête si Franquin l'avait dessinée en humoristique, mais en face du modèle vivant, réel ? C'est un vrai challenge, et d'autant plus intéressant que je pense que le public a évolué. Ce n'est plus, comme après la guerre, une obsession de rire. Au contraire, on est dans une ambiance tout à fait différente, beaucoup plus réaliste et terre-à-terre. Dans les médias actuellement, on n'a jamais vu autant de bruit de bottes dans tous les sens. Et donc le marsur réaliste, c'est une manière d'être moderne aussi.
- Speaker #1
Alors voilà, après-guerre, c'est un mot aussi que je voulais évoquer avec toi, puisque c'est la période dans laquelle se déroule cette histoire, la bête que vous avez réalisée avec Zidrou, qui lui a écrit le scénario, en deux tomes. Et si j'ai bien compris, vous l'avez aussi écrit parce que les droits étaient disponibles, ils étaient chez Dupuis, et puis personne n'en faisait grand-chose. Et puis un jour, avec Zidrou, ton compère, puisque je crois que vous connaissez depuis longtemps tous les deux, vous a dit on va en faire quelque chose faire renaître ce marsupilami autrement. C'est aussi un peu ça, c'est parce qu'il y avait une histoire de droits disponibles. On sait que les droits se compliquaient avec Franquin, par exemple sur Gaston c'est compliqué. Et sur le marsupilami, il n'y avait pas cette... En tout cas, il y avait cette possibilité de s'approprier à nouveau le personnage. Dupuis,
- Speaker #2
il avait racheté les droits du marsupilami. Et quand j'ai appris ça, j'ai bêtement posé la question, qu'est-ce que vous allez en faire ? Voilà. Et puis ils m'ont dit rien. Il y a des projets de peau de moutarde et de dessin animé, mais en bande dessinée, on continue Baptême, la série nominale. Mais sinon, rien. Je repose la même question un an plus tard. Ils avaient quand même racheté, chers et méchants, les droits de Marçu. Résultat, toujours rien. Je me dis, merde, je rentre à la maison, ce serait quand même super de faire quelque chose de moderne, de revisiter complètement, d'en faire quelque chose qui... qui dégage quoi qui qui où il ya des puces qui sautent de son poil les ingrédients les animaux oui ouais ouais c'est une vraie bête ça me tente d'essayer je fais un petit dossier Et avec des déjà des recherches graphiques et puis et puis une trame d'histoire je voulais que ça se passe à bruxelles en 50 parce que c'est dans cette période là que je suis né et mes plus vieux souvenirs d'êtres humains c'est ce bruxelles gris plus vieux, un peu triste, d'après-guerre. C'est juste avant l'Expo 58, quand même. Et ça, ça m'intéressait. Ça, c'était dans le projet de départ. J'en ai parlé à Zidrou, il était tout de suite partant parce que le marsus était pour lui aussi un phare dans sa jeunesse, le nid du marsupilami. Et voilà, on a montré ça à Dupuis, qui s'est dit... Formidable, oui, ça compensait, évidemment, on va le faire.
- Speaker #1
Et c'est parti comme ça.
- Speaker #2
C'est parti comme ça.
- Speaker #1
Et voilà, ça donne un...
- Speaker #2
C'était très facile, finalement.
- Speaker #1
Ça donne un hommage au marsupilami, à Franquin, mais pas que, à la BD franco-belge, à Bruxelles, à la Belgique, il y a tout ça là-dedans.
- Speaker #2
Oui, parce qu'on voulait évidemment évoquer tous les grands anciens de cette époque-là, qu'on admire tellement, Delporte, Ausha, tout ça, Will, Giger. Mais on ne voulait pas tomber dans le côté citationnel. C'est un peu fastidieux quand on lit une histoire, ça nous sort du récit lui-même. Donc on s'est demandé comment inclure Franquin et les autres dans l'histoire même, et de ne pas les prendre telles quelles, mais d'en faire des sortes de métaphores. Donc M. Boniface est une métaphore de Franquin, il est obsédé par le rire. Mais c'est parce qu'il enregistre le rire de ses petits écoliers, il est prof d'école.
- Speaker #1
Alors on va y arriver parce qu'on va parler des personnages avec toi. Tous ces personnages-là sont des formes d'hommage. La résultante de tout ça, pour l'instant, c'est ces deux albums, un diptyque volumineux, de très beaux albums au format un peu particulier, un papier épais qui donne aussi un côté presque charnel. Tu veux nous dire un petit mot de ces choix, le format de l'album et ce papier-là ?
- Speaker #2
Oui, ce ne sont pas des albums de luxe, c'est des albums tout à fait avec des prix normaux et grand public.
- Speaker #1
Non, mais ce ne sont pas des objets.
- Speaker #2
Mais on a travaillé dans le sens de l'objet et surtout dans le sens du contenu. C'est-à-dire que, étant donné que ce marsu est un peu rugueux, on va dire, il fallait, par exemple, un papier qui ait une texture, qui soit épais, qui soit un peu même vieilli. C'est un exemple, mais la même chose pour la couverture, etc. Le format, tout ça concourt à faire un univers déjà rien qu'avec l'objet. Et on adore faire ça.
- Speaker #1
Alors voilà, c'est là que je voulais t'emmener. Et puis je t'ai coupé, donc excuse-moi, mais on va revenir à l'histoire. D'abord, voilà la question un peu bateau, mais de manière générale, si tu pitches l'histoire, tu la présentes comment ? En quelques mots, il s'agit de quoi ? C'est cet animal-là qui est découvert sur un bateau. On ne sait pas trop d'où il vient. et puis il va s'échapper dans Bruxelles. Sa caractéristique, c'est qu'il a une grande queue, c'est comme ça que ça commence ? Oui,
- Speaker #2
je raconte que le marsupilamie, en fait, s'il existe vraiment, c'est une espèce qui existe depuis bien même avant l'arrivée des êtres humains sur Terre, parce que les espèces animales, c'est ça, ça dure longtemps. Donc des marsupilamies, il y en a eu des milliers. Et logiquement aussi, il y a toujours une bête à un moment qui suit un parcours qu'il ne faut pas et qui se retrouve au milieu des hommes. pauvre être vivant et qui va subir toutes les incompréhensions, toutes les erreurs que font les hommes par rapport à la nature. Parce que c'est aussi ça la métaphore de l'histoire, c'est un parcours d'un animal dans la société des hommes dans les années 50, qui était encore peut-être d'une certaine manière pire que la nôtre, parce que le bien-être animal à l'époque ça n'existait pas, et qui va devoir s'en sortir.
- Speaker #1
Et ça se montre très bien dans le tome 2, où justement il est chassé de toute façon. part. Certaines veulent le capturer, d'autres veulent le tuer.
- Speaker #2
L'empailler.
- Speaker #0
L'empailler.
- Speaker #1
Pour revenir d'abord au tome 1, voilà, le contexte, on est dans le port d'Anvers, 1955. Un navire a eu une avarie en pleine mer et doit tromper 17 jours plus 4 jours supplémentaires pour réparer dans ces cales des animaux. Sans être abreuvés et par 40 degrés de température, inutile de dire qu'ils sont morts et que l'odeur est pestilentielle. Il en reste un de vivant, il a un pelage particulier et une queue de 9 à 10 mètres de long. Il va s'enfuir jusqu'à Bruxelles et trouver refuge chez un jeune garçon, un certain François Van Bosch. Est-ce que je me trompe, Franck, si je dis qu'il y a beaucoup de toi dans ce petit François ?
- Speaker #2
Mais Zydrou, c'est un malin. Et il a un petit côté, je ne sais pas, sorcier, chaman, je ne sais pas comment il faut dire, mais il sent très fort les choses, il sent très fort les gens, la psychologie, tout ça. Je ne suis pas passé sur le divan, mais c'est tout comme quoi. Est-ce que ? Tu as dit qu'on se connaissait depuis longtemps, ce n'est pas vrai. Moi, je l'ai rencontré pour la première fois sur le projet de Spirou et Fantasio, donc aussi une reprise, juste avant le Marsu.
- Speaker #1
C'était un vu-part, c'est ça ? Oui,
- Speaker #2
c'est ça. Et il m'a scanné. Je ne lui ai pas raconté ma jeunesse, je ne lui ai pas raconté ma vie à Bruxelles, rien de ma famille et tout. Et quand j'ai vu le scénario arriver, il avait non seulement inclus tout ce que je voulais mettre dedans, donc je pouvais y aller nourrir la bête, si on veut dire. Mais il avait aussi extrapolé, avec tout ce qu'il avait compris et senti, tout ce qui était ma vie de gamin et qu'il a mis dans le petit Franz que moi j'ai pu alors incarner et développer comme si c'était ma jeunesse. Alors voilà. C'est extraordinaire. Quand on est en face de quelqu'un comme ça, on en profite et on passe un super bon temps.
- Speaker #1
Voilà le petit Franz, François Van Bosch, qui adore les animaux.
- Speaker #2
Van Don Bosch. Van Den Bosch,
- Speaker #1
excuse-moi, parce que du coup, c'est du flamand. On y viendra, parce qu'il y en a plein des mots en flamand. C'est ça aussi.
- Speaker #2
C'est du bruxellois, c'est le mélange du français et du flamand. Vraiment bien mélangé, comme une mayonnaise. Et c'est savoureux.
- Speaker #1
Et ce petit Franz, il récupère les animaux blessés. Ulotte, Matou, Salamandre, sa pauvre mère n'en peut plus, la maison devient un zoo. Il y a même un dingue dindon qui fait glouglourico. Et on est dans cette ambiance après-guerre. Justement, il y a beaucoup de notions à l'après-guerre. Alors justement, il s'appelle Van den Bosch, parce que c'est un petit Bosch, quoi.
- Speaker #2
Sa mère a picoté avec un soldat allemand et personne ne lui pardonne.
- Speaker #1
Elle a fauté.
- Speaker #2
En tout cas,
- Speaker #1
elle a fauté. On dit qu'elle a fauté.
- Speaker #2
Oui, c'est ça. Et les copains d'école du pauvre petit fils qui en a résulté, lui font bien sentir qu'il n'est pas comme les autres.
- Speaker #1
Alors voilà, on arrive un peu au personnage, ce petit France. Et puis bien sûr, l'autre personnage qui nourrit les pages, c'est Langstart. Comment on dit ?
- Speaker #2
Langstart. Ah,
- Speaker #1
Langstart. Et ça veut dire quoi ça en bruxellois ?
- Speaker #2
Et c'est Longueque.
- Speaker #1
Et Longueque, c'est qui ?
- Speaker #2
Eh bien oui, c'est le marsu, mais avant qu'on l'appelle le marsu, évidemment.
- Speaker #1
Voilà, parce que dans le premier tome, il n'a pas de nom. C'est justement Longueque en bruxellois. Et ce petit France qui noue une relation. avec cet animal qui, lui, vit le petit Franz avec sa maman, qui a un faible pour l'uniforme, comme on l'a dit, et qui est aussi la reine des...
- Speaker #2
La maman, la maman, oui. Oui,
- Speaker #1
la maman qui a un faible pour l'uniforme et qui est aussi la reine des moules à la cassonade. Et puis, on arrive à ce monsieur Boniface, dont tu nous parlais déjà tout à l'heure, nouveau professeur qui aimerait bien manger, justement, les moules de la maman, et j'ai bien dit des moules. Et ce Boniface qui est, voilà, un peu particulier, puisqu'il enregistre les rires avec son gros engin. C'est un peu bizarre,
- Speaker #2
mais une sorte d'enregistreur amélioré.
- Speaker #0
Il appelle ça l'hilarion.
- Speaker #2
Oui, il est bricoleur comme Franquin l'était à travers Gaston.
- Speaker #1
Et alors, parle-nous un peu de lui et justement de cet hommage, parce que c'est Franquin, c'est lui ?
- Speaker #2
Ah, c'est lui, c'est vraiment lui, physiquement en tout cas. Mais donc, comme je disais, c'est une métaphore. Mais on a mis aussi dans ce personnage-là toute la tendresse qu'on avait pour ce grand, grand génie du dessin.
- Speaker #1
Un amoureux de la vie intimide aussi peut-être ? Un amoureux de la vie, du rire des gens, mais aussi intimide peut-être. On le voit un peu pas tôt avec justement la maman du petit Franz, ce qui lui plaît bien, mais c'est difficile pour lui. Oui,
- Speaker #2
oui, tout à fait. On sent, il y a le côté Mlle Jeanne. C'est une époque aussi où les relations entre les hommes et les femmes sont très différentes de ce que c'est maintenant. Je ne vais pas raconter l'histoire parce qu'on découvre un dénouement peut-être inattendu. Mais oui, il aimerait bien trouver les faveurs de Jeanne, mais c'est compliqué.
- Speaker #1
Alors, dans les personnages intéressants, il y a aussi le vétérinaire Bora. Là, il suffit de changer de lettre pour que ce soit au robot, qui suggère d'aller voir un cryptozoologue pour identifier l'animal trouvé, cet animal à longue queue. Là, c'est un autre hommage. C'est Ausha ?
- Speaker #2
C'est Ausha, et puis le cryptozoologue en question, c'est Bernard Revelemans, qui est le fondateur de la cryptozoologie, qui était belge, et qui a légué, juste avant sa mort, son bureau avec tous ses documents au muséum de Lausanne, pour raccorder à la Suisse. Donc ce personnage-là, qui était truculent, très chouette à mettre en scène, On en a fait un vrai personnage dans l'histoire. C'est un peu le méchant, mais pas si méchant que ça, qui veut mettre la main sur le Marsu et l'ajouter à ses collections.
- Speaker #1
Voilà, et fin du tome 1, le Marsu Pulami se retrouve à la fourrière. Et bien sûr, le jeune Franz va essayer de vouloir le récupérer. Et puis, on en parlait un petit peu tout à l'heure. Ce tome 2, où là, on sent un peu la folie des hommes. On change de rythme. Le Marsu Pulami, il y a de l'action. Il essaie de s'échapper. Et là, c'est vraiment place à des courses-poursuites dans Bruxelles.
- Speaker #2
Avec un vieux tram en bois tout jaune qui crie dans les tournants.
- Speaker #1
Et puis des scènes encore en forme d'hommage, un épisode extraordinaire dans un ancien magasin de tissus qui se situe, je crois, dans le bâtiment Horta, qui habitera quelques années plus tard le centre belge de la BD. Ah oui,
- Speaker #2
on devait passer par là. Le marsu à Bruxelles, dans ces années-là, il passe par les magasins. qui vont devenir le point focal de la BD à Bruxelles.
- Speaker #1
Bon, et puis voilà, alors on ne va pas raconter la fin, mais voilà, l'idée c'est de donner un petit peu l'ambiance de l'histoire, mais j'ai envie de dire que ça finit plutôt pas mal quand même. Oui,
- Speaker #2
c'est une bonne fin.
- Speaker #1
À la fin, justement, ce nom qui émerge et qui vient mettre un coup de tampon, on va dire, sur cet animal inconnu qui devient le marsupilami.
- Speaker #2
Oui, il fallait raccorder avec tout ce qu'on sait, tout ce qu'on connaît, évidemment. Oui, oui. Bon, Zidrou connaît son métier.
- Speaker #1
On a l'impression, Franck, quand on regarde et qu'on feuillette ses pages, que tu t'es fait plaisir au dessin, non ?
- Speaker #2
Mais il vaut mieux. Deux ans de travail, tous les jours, du matin au soir, il vaut mieux faire quelque chose qu'on a dans le beat, quoi. Mais ici, c'était particulier, parce que je savais que j'allais travailler sur ma toute petite enfance, comme ambiance, donc c'est vraiment le jus dans lequel on baigne tout le temps, quoi qu'on dessine. Et animer des personnages qui nous ont tellement émerveillés quand on était gamin, c'est un vrai cadeau de la vie. J'arrêtais pas de dire à M. Franquin, merci, merci, merci, merci. Et quoi de mieux dans la vie que de dire merci ?
- Speaker #1
Bon, et puis des sacrées planches sur les scènes d'action et aussi de contemplation de Bruxelles. Voilà, on laisse place vraiment au dessin. avec parfois même des dessins en double page. Ça, c'est aussi un régal, non, de pouvoir s'exprimer de la sorte.
- Speaker #2
Oui, mais je tenais absolument à ne pas faire des beaux dessins, comme vous dites, mais de rester dans l'histoire. Donc, quand je fais des doubles pages ou des grandes cases, il y en a beaucoup, c'est plus pour marquer, pour marteler presque le moment de l'histoire, l'ambiance. Il y a toujours une vraie raison de cette case-là dans l'histoire. même si elle est très grande. Ce n'est pas pour qu'on s'arrête, c'est pour qu'on rentre dedans le plus possible. J'ai fait un travail particulier sur le découpage. C'est très important. Le public ne se rend pas compte de cette étape-là du travail parce que quand on lit, ça va de soi. C'est un peu comme la mise en scène au cinéma.
- Speaker #1
On remarque que si elle n'est pas bien faite, c'est ça ?
- Speaker #2
Le choix du réalisateur donne le temps. ton du film et va faire en sorte que c'est soit un anard soit un chef d'oeuvre mais comme on voit pas les choix qu'il a dû faire on a que le résultat on a l'impression que ça n'existe pas or c'est fondamental je passe beaucoup de temps là dessus Je prends un plaisir fou à faire le découpage et je suis persuadé que la moitié de la réussite d'un projet comme ça, c'est à ce moment-là.
- Speaker #1
Et puis comme tu le disais, ça rappelle le contexte. Moi, j'ai apprécié par exemple cette planche en page 85 du tome 2, où là, c'est simplement une vue sur une rue de Bruxelles avec les cinémas. Et là, tu nous rappelles qu'en fait, en 1955, puisque c'est l'année où se passe l'histoire, c'est l'année de la sortie de La Fureur de Vivre, James Dean. Il l'appelle le clochard. Oui,
- Speaker #2
oui, oui. Quand on regarde les sorties des films, c'est que des classiques les uns sur les autres. C'est incroyable. La même semaine, on pouvait voir des trucs dingues. Oui, oui, oui.
- Speaker #1
Bon, écoute,
- Speaker #2
on a déjà une belle période. Bon, évidemment, toutes les périodes sont belles. Avec le recul, c'est facile à dire. Mais en tout cas, pour des raconteurs d'histoire et pour un dessinateur qui aime la ville, c'est une belle période.
- Speaker #1
Franck P, on parle avec toi de La Bête aux éditions Dupuis. Diptyque, le deuxième tome est sorti, vient clôturer ce qu'on peut appeler peut-être un premier cycle. Je crois que maintenant, en fait, c'est parti, ça va être une série. Il y a d'autres albums qui vont sortir.
- Speaker #2
Voilà, on ne comptait pas faire ça. On voulait juste raconter une histoire avec le Marsu. Et finalement, on s'est tellement bien plu dans cette démarche et l'éditeur était content des chiffres aussi. Il faut bien......
- Speaker #1
Ça a bien fonctionné.
- Speaker #2
Et donc on a trouvé une idée décoiffante pour une autre histoire. Et tout le monde est partant pour continuer. Donc ça devient une série qui s'appellera La Bête, avec un sous-titre. Et chaque fois c'est un marsupilami qui déboule dans la vie des hommes. Mais ce sera à une autre époque chaque fois, dans un autre lieu et avec des nouveaux personnages. Donc c'est le marsupilami. qui crée la colonne vertébrale de la série.
- Speaker #1
Toujours en binôme avec Zidrou, j'imagine ?
- Speaker #2
Toute l'équipe, la Dream Team est derrière et on ne change rien.
- Speaker #1
Le tome 3, alors, c'est pour quand ?
- Speaker #2
Je ne sais pas, je dois encore le faire. Je ne vais pas me mettre la corde au cou, c'est deux ans de travail.
- Speaker #1
C'est du travail, ce sera du même type d'album, même format, volumineux à peu près.
- Speaker #2
En tout cas, même format et on adaptera le papier peut-être, je ne sais pas, au contenu de cette histoire-là. Puisqu'ici, le papier rugueux correspond. Ask me raconte. Peut-être qu'avec cette nouvelle histoire, on choisira un autre papier.
- Speaker #1
Franck, pour finir l'émission, on a l'habitude de poser des questions débules. Con-con-complètement débules.
- Speaker #0
Il te manque une case ?
- Speaker #1
Dans le tome 1, il y a des containers marqués AK-377. C'est quoi ?
- Speaker #2
C'est juste n'importe quoi pour dire qu'il y a un container qui est là où il y avait des singes vivants et on voit qu'il y a des traces en dessous de la... porte de sang c'est je crois l'image la plus glauque de tout le tout le bouquin et on comprend qu'ils sont tous crevé dedans que ça pue et que c'est là qu'ils vont chercher des singes crevés pour nourrir les fauves qui survivent dans une autre cage à côté voilà
- Speaker #1
c'est anecdotique c'est juste pour faire rire et ce fameux bateau dans lequel on retrouve ces animaux s'appelle condor oui avion au panama C'est un hommage au Condor Ferris de Saint-Malo ou rien à voir ?
- Speaker #2
Non, c'est un hommage à une histoire de René Follet qui s'appelle... Oh, ça m'échappe maintenant. Et qui est, je crois, le plus beau dessin de mère agitée qu'on ait réussi en bande dessinée. René Follet, grand maître. Et dans ce bouquin-là... il y a un cargo en perdition qui s'appelle le Condor. Et voilà, je voulais faire un hommage.
- Speaker #1
On a envie d'aller le voir, le dessin, là, maintenant.
- Speaker #2
Ah oui, oui, non, je vous le conseille, vraiment, et ça n'a pas vraiment vieilli. C'est un scénario de TIEU, et ça se lit, waouh !
- Speaker #1
Bonne note prise. C'est quel film de Charlot diffusé au début de l'histoire du tome 1 par Professeur Boniface ?
- Speaker #2
C'est cette fameuse... Je ne sais pas dans quel film c'est, mais... Cette fameuse séquence où Charlot est sur un ring de boxe et il joue le matin mort. Et puis finalement, il a tellement peur qu'il grimpe sur les cordes et il s'accroche à son adversaire.
- Speaker #1
Visuellement, je suis sûr que tout le monde a la scène en tête. C'est quoi la recette des moules à la cassonade ?
- Speaker #2
Eh bien, ça reste un mystère. On la mentionne tout le temps. Rassurez-vous, ça n'existe pas. Ça doit être dégueulasse. Franchement, n'essayez pas. Mais même en Belgique. Mais ça revient dans l'histoire tout le temps. À un moment, il y a même le fumet qui envahit toute la maison, de ces moules à la cassonade. Ça doit être horrible, mais voilà, c'est comme ça. C'est une invention de Jeanne.
- Speaker #1
Franck, il y avait vraiment des pubs pour Myre et la Croix-Javel dans le Bruxelles des années 1950 ?
- Speaker #2
Ah oui, tout à fait, exactement. Je me suis vraiment bien documenté. Mais je n'avais même pas besoin, c'était dans ma mémoire.
- Speaker #1
Tes souvenirs d'enfance ? Oui. Dickeneck, c'est du flamand, traduit Vantard dans la BD. Oui. C'est correct ? Moi, je crois que ça voulait dire grande gueule. C'est un peu pareil, mais...
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #2
c'est pareil. Oui, oui, ça veut dire gros coup, en fait. Dick, c'est gros et Neck, c'est coup. Donc, le gars qui se la gonfle, quoi.
- Speaker #1
Il y a même un lexique à la fin du tome 2, sous les termes utilisés, en flamand. Oui,
- Speaker #2
parce qu'on a eu envie de rester dans la veine régionaliste, parce que d'abord c'est succulent en bruxellois, et je crois que même le francophone qui ne connaît pas peut percevoir le sens. Et je pense que maintenant on est tout à fait prêt à lire ce genre de choses. Par exemple, les ch'tis ont ouvert une porte. On adore écouter des gens du Nord parler. Avant, on aurait tout traduit en français.
- Speaker #1
Mini dindon qui s'appelle Vénus de Milo. Est-ce que c'est vraiment un hommage à la Vénus de Milo, ça ?
- Speaker #0
Non,
- Speaker #2
cette pauvre dinde, elle n'a plus une plume. Elle a ses deux petites pattes avant repliées comme ça. Et c'est le petit gamin qui l'a baptisé comme ça. Vous savez, les enfants...
- Speaker #1
Franck, tu as quoi comme animaux domestiques ?
- Speaker #2
Ah, ça, je ne répondrai pas à cette question.
- Speaker #1
On ne saura pas. Tu es conscient que la BD a été inventée à l'univers ?
- Speaker #2
Vous devez travailler votre imagination.
- Speaker #1
Tu es conscient que la BD a été inventée à Genève ?
- Speaker #2
Il paraît, mais il y a plusieurs hypothèses. Je ne vais pas trancher là-dedans.
- Speaker #1
Je n'ai pas ma vie là-dessus. En tout cas, Franck, c'était un plaisir de t'avoir dans l'émission. Merci, à bientôt.
- Speaker #2
Merci.
- Speaker #0
Et pour finir, la sélection de quelques albums que nous vous conseillons si vous souhaitiez vous caler une petite bande dessinée tout prochainement. On commence avec À la ligne. C'est quoi cette BD ? C'est l'histoire de Joseph, un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Il travaille d'abord dans des usines de transformation et de cuisson, de poissons et de crevettes. Oh la galère ! Il y va pour les sous. Sa servitude est volontaire,
- Speaker #1
presque heureuse.
- Speaker #0
Il se lève au milieu de la nuit pour commencer son labeur. Il pointe, puis attaque les différentes étapes de la crevette. Maréage, écorchage... Découpage, cuisson, putrier, porter,
- Speaker #1
peser,
- Speaker #0
ranger jusqu'à 4 tonnes de crevettes par jour. Des gestes automatiques, des pensées qui vagabondent. C'est la galère. Embaucher, débaucher, se laver de l'odeur du poisson, puis boire, fumer, rire et baiser un peu, puis déjà y retourner. Il est comme un mort-vivant en fait. Une folie que Joseph se prend même à espérer pouvoir continuer par un renouvellement de son contrat intérimaire. Car oui, il a besoin d'argent. Et Joseph va enchaîner les contrats d'intérim justement, dans une usine de poissons panés, puis en abattoir. Il nettoiera même un atelier de découpe de porc, où tout est rouge de sang et blanc de gras. C'est la grosse galère son truc. Il est comme dans une tranchée, en première ligne. Je comprends mieux le titre maintenant. Oui, c'est un soldat de l'usine. Et dans les usines, on s'en fout de qui il est. Il vient faire la merde, c'est tout ce qui compte. Cette BD est comme une claque. qui rappelle la dureté de certains métiers qu'on ne veut pas voir et la condition de travailleurs qu'on n'aime pas regarder. C'est violent. Un scénario fort de réalisme, un dessin froid, détaillé et efficace pour cette BD reportage à mettre entre toutes les mains. À la ligne, c'est de Julien Martinière, d'après le roman de Joseph Pontu, et c'est aux éditions Sarbacane. On continue avec Ressources, un défi pour l'humanité.
- Speaker #2
Ça parle de quoi ?
- Speaker #0
Voici une BD qui dresse un état des lieux de notre mode de vie face à la finitude de notre environnement. Croissance limitée ou illimitée ? Il y a deux écoles. Ce qui est certain, c'est que notre croissance en énergie augmente de 3% par an. Et à ce rythme-là, cela veut dire qu'on la double tous les 25 ans. Mais que se passe-t-il alors lorsqu'une demande illimitée se heurte à des ressources, elle, limitées ? Oui, je te vois venir. Le rationnement. J'en étais sûr. Sauf si on trouve encore et toujours des ressources. C'est un peu la croisée entre deux visions. Celle des cornucopiens, qui croient à l'abondance, face à la pensée écologiste. En gros, il y a ceux prêts à conquérir Mars et l'univers à la recherche de la croissance infinie ou ceux qui veulent protéger et défendre la finitude de notre petite planète bleue. Et les deux, c'est pas possible ? En attendant, la combinaison de la démographie et de notre développement économique va nous exposer à de gros ennuis dans un futur pas si éloigné. Et n'imaginons pas que la dématérialisation va nous aider. Ce n'est qu'un leurre, car il faut énormément de matière pour nos outils dits dématérialisés. Par exemple, un smartphone nécessite plus de 1000 fois son poids en ressources et résidus. Voici donc une BD pour apprendre, comprendre et peut-être agir. Philippe Bioui et Vincent Periot nous proposent ici un album éducatif et coup de poing. Une invitation à aller vers du low-tech, qui passe aussi par plus de sobriété, plus de mutualisation et du technodiscernement. Quelques années après Le Monde sans fin de Giancovici sur l'énergie et le climat, voici une BD qui mérite le même succès littéraire sur le thème des ressources.
- Speaker #2
Vraiment une très bonne BD.
- Speaker #0
Une BD qui prône surtout le retour du vivant et invite à remplacer le marketing par la vertu. Ressource, un défi pour l'humanité, c'est de Philippe Bioui et Vincent Periot aux éditions Casterman. Et on finit avec
- Speaker #2
Saïra. Ça parle de quoi ?
- Speaker #0
C'est l'histoire de Eva. C'est qui elle ? Une jeune femme qui a une petite particularité que l'on pourrait nommer maladie mentale. Elle est folle. Ce genre de symptôme qui rend la vie impossible, vous fait passer pour fou aux yeux des autres et surtout vous rend la vie très compliquée. Laine de souffrance. Un petit élément déclencheur. et rien ne va plus. Et Eva a besoin d'ordre et de logique, de repères sans lesquels rien ne va plus. Mais la vie devient trop compliquée pour Eva. Les relations amoureuses ou au travail, plus rien ne fonctionne pour elle. Son ultra-sensibilité, sa singularité pesante et déroutante l'envahissent jusqu'à la limite du supportable. Jusqu'à lui donner envie de commettre le pire. Voici un album qui met en scène le vertige d'une jeune femme et sa solitude face à son trouble psychique. Des sujets souvent tabous et des mots complexes à traiter.
- Speaker #2
C'est pas de bol.
- Speaker #0
Eva d'ailleurs ne trouvera pas si facilement la porte à franchir pour se sentir mieux. Mais au fil du temps, elle apprendra à apprivoiser, dompter et gérer son problème pour ressentir le monde autrement. Et finalement avoir la capacité de distinguer des merveilles de détails qu'elle seule peut voir. Et oui ! Zahira, c'est une BD de... Andia Vicky, traduite de l'allemand par Camille Logo, et c'est aux éditions Antipode. Voilà, voilà, alors bonne lecture ! Et comme on dit dans l'émission, les bulles, il n'y en a pas que dans le champagne, mais aussi plein les BD. Et le 9e art, lui,
- Speaker #1
se consomme sans modération.
- Speaker #0
Alors, soyez débules !
- Speaker #1
Complètement débules !
- Speaker #0
On dirait qu'il te manque une case. Débules ! Il te manque une case. Complètement débules !