- Speaker #0
Comme un moment de bascule. Un moment où toute femme, après un certain âge, se sent un peu disparaître. Et c'est le thème du dernier album de Cathy Bore, aux éditions d'Argo. Et nous, nous avons eu la chance de rencontrer cette grande dame,
- Speaker #1
autrice un peu genevoise,
- Speaker #0
qui aime raconter en BD la vie des gens ordinaires. Des gens comme nous tous, qui à un moment, dans leur vie, peuvent choisir de prendre une autre voie, pour s'assumer et profiter.
- Speaker #1
Salut Cathy !
- Speaker #2
Bonjour !
- Speaker #1
Cathy, tu es autrice et illustratrice de bandes dessinées françaises et née à Genève. Oui,
- Speaker #2
je suis de Genève.
- Speaker #1
Tu as connu dans quel quartier ?
- Speaker #2
En fait, j'ai plutôt grandi en France voisine.
- Speaker #0
Bon,
- Speaker #1
mais alors tu es un peu une locale.
- Speaker #2
Je suis un peu une locale quand même. Genève est une ville vraiment importante pour moi.
- Speaker #1
Bon, et j'ai envie de dire que tu es de âge moyen. C'est ça. C'est ça. Et on en parlera peut-être un peu plus, un peu plus tard de ce concept d'âge moyen. Tu es diplômée en art et graphique. diverses expériences professionnelles dans la librairie et l'édition. Tu as par exemple conçu l'identité visuelle d'une librairie parisienne ou encore participé à un blog promotionnel pour Frident. C'est vrai ça ?
- Speaker #2
Oui, oui, oui. C'est hyper vieux.
- Speaker #1
C'est quoi cette histoire ? Je confirme pour nos éditeurs que tu as les dents blanches, c'est pour ça.
- Speaker #2
C'est ça.
- Speaker #1
Bon, tu commences la BD pour de vrai suite à la décision d'un sevrage tapagique que tu racontes dans un album, J'arrête de fumer, publié en novembre 2007 chez Delcourt. Pour le dessin, si on essaie de faire un peu comme avec le bon vin en y mettant des mots, on pourrait dire et qualifier ton style de sensible, expressif et épuré. Tu aimes utiliser des palettes de couleurs douces qui créent une atmosphère intimiste et chaleureuse. Est-ce que cette description te va ?
- Speaker #2
Oui, oui, oui, c'est super, ça me fait plaisir, sensible. Épuré par contre, j'ai un peu tendance à en rajouter un petit peu, donc peut-être pas tout à fait épuré, mais sensible, ça me va très bien.
- Speaker #1
Alors, sensible et expressif, on garde. Épuré, on enlève. Tu adores capturer les émotions et les relations humaines. Et tes récits mettent souvent en avant des personnages complexes ancrés dans une réalité quotidienne, tout en laissant place à la poésie et à l'imaginaire. Ça te va ?
- Speaker #2
Ça me va.
- Speaker #1
Tu te dis plus épanouie aujourd'hui qu'à 30 ans. Tu es très nulle en amitié et as énormément de mal à te faire des amis. Tu es une grande timide, mais par contre, tu adores faire des interviews, n'est-ce pas ?
- Speaker #2
Oui. Alors oui, en fait, j'aime bien parler de moi, ça me va. Non, non, je suis une grande timide, c'est vrai. Là, je suis un petit peu en panique.
- Speaker #1
Bon, écoute, merci en tout cas de jouer le jeu d'interview. Ça nous fait très plaisir de recevoir. Tu dis aussi que dans une autre vie, tu aurais pu être accessoiriste. Aujourd'hui, tu vis à Montpellier. J'en déduis que tu préfères jouer à la pétanque plutôt qu'au yass, c'est ça ?
- Speaker #2
Je ne suis pas très jeu, en fait. Mais par contre, je préfère le soleil plutôt que les nuages.
- Speaker #1
Bon, c'est comme ça que Montpellier s'explique.
- Speaker #2
C'est pour ça.
- Speaker #1
Bon, alors, Cathy Borre, on est avec toi aujourd'hui pour parler bande dessinée. Puis justement, la BD, tu commences à avoir pas mal d'albums à ton actif. J'ai envie d'en citer quelques-uns. D'abord, Quatre Sœurs, une série en quatre tomes, un tome par sœur, édité entre 2011 et 2018 chez Delcourt. C'est une adaptation émouvante des romans de Malika Ferjuk, où quatre sœurs orphelines apprennent à grandir ensemble dans une maison pleine de souvenirs, entre joie, drame et amitié. J'ai envie de citer aussi Vent mauvais aux éditions Rue de Sèvres, éditées en 2020. C'est cette fois l'histoire d'un garçon, un certain Béranger, parisien, de 44 ans, qui a des kilos en trop, et deux filles en garde alternée. Son ex le fait chier et il est en plein middle life crisis L'âge moyen, encore une fois ?
- Speaker #2
L'âge moyen, encore une fois, oui, ça me poursuit.
- Speaker #1
Ça va être notre fil conducteur, je crois. Puis plus récemment, Pisse mémé chez Dargaud, en 2023. L'histoire de quatre copines à l'aube de la quarantaine, qui à l'issue d'une soirée bien arrosée, se lancent un pari un peu dingue. celui d'ouvrir un bar associatif. Un bar où on pourrait manger des pâtisseries, acheter des livres et faire des cours de yoga. Et bim, un héritage tombe et le projet va se concrétiser. Elles vont ouvrir ce bar et l'appeler comment ?
- Speaker #2
Pisse-mémé.
- Speaker #1
Pisse-mémé, voilà. Et Pisse-mémé, justement, j'ai envie qu'on en parle un petit peu. Aujourd'hui, tu as une nouvelle actualité avec un nouvel album. Mais parlons un peu de Pisse-mémé avant de passer à Marcy, l'album qui vient de sortir aux éditions d'Argo. Pisse-mémé, c'était ses quatre copines qui ont ouvert ce bar. C'était qui ces quatre copines ?
- Speaker #2
Alors en fait, elles sont un petit peu sorties de mon imagination, mais ces quatre copines dont deux sœurs, c'était important aussi qu'il y ait des sœurs parce que j'aime beaucoup explorer les relations familiales. Donc là, j'ai adoré travailler sur des jumelles, même si je ne suis pas jumelle moi-même, c'est quelque chose qui m'a toujours fascinée la jumellité. Donc j'ai essayé de mettre ça en fiction. Et puis deux autres filles qui viennent un petit peu... qui ont été rencontrées par hasard et qui viennent un petit peu de loin. Et même, il y a une des filles, Marie, qui est finalement le personnage principal de mon premier roman graphique qui s'appelait Vacances aux éditions Delcourt. Et j'ai aimé, comme ça, j'ai eu envie de la remettre dans une histoire plus tard, en fait, à un autre moment de sa vie. Et j'aimerais bien faire ça, essayer dans tous mes albums de... d'arriver à retrouver des personnages comme ça, d'un album à l'autre, faire une sorte de petit monde.
- Speaker #1
Alors voilà, cette Marie, donc on connaissait déjà, qui rejoint Nora, Camille et Marthe, donc les deux sœurs, et puis ces quatre copines, ces quarantenaires, elles veulent changer de vie et monter un bar. Et voilà, cet héritage, par chance, tombe, suite à une tente de Marthe et Camille qui décèdent et qui leur lèguent 200 000 euros. Elles s'accrochent. font du crowdfunding pour boucler le budget, se servent des réseaux sociaux, trouvent un local, font des travaux. Et puis, elles ouvrent ce bar qu'elles appellent Pisse-Mémé. Pourquoi Pisse-Mémé ?
- Speaker #2
Alors, Pisse-Mémé, c'est une expression, c'est un terme que j'adore, que j'ai entendu assez tard dans ma vie, pour qualifier la tisane. Et je trouve que c'est absolument jubilatoire, ce mot.
- Speaker #1
Génial comme nom, c'est comme les infusions que boivent les mamies. C'est ça. Pisse-Mémé. Et ça va prendre de plus en plus de sens au fil de l'histoire parce que finalement, ce bar qui commence à très bien fonctionner, qui devient l'adresse où il faut aller, il a quand même un petit problème. Qu'est-ce qui s'y passe autour de ce bar ?
- Speaker #2
Voilà, il y a un problème de pipi, ça sent la pisse un petit peu partout. Et quand j'ai fait cet album, je me disais, mon Dieu, je suis en train d'écrire une BD autour d'une histoire de pipi dans la rue. Mais bon.
- Speaker #1
Et puis il y a aussi et surtout des moments jubilatoires. Moi j'ai beaucoup aimé le moment où Marie pose sa démission. Ça t'a pris du plaisir à écrire cette démission ?
- Speaker #2
Absolument.
- Speaker #1
Et voilà, ces quatre copines qui ensemble goûtent aux joies de tenancières. Finalement c'est un peu l'histoire de femmes qui décident de prendre en main leur destin. C'était ça aussi derrière le scénario.
- Speaker #2
Oui, c'est toujours un petit peu quelque chose qui sous-tend toutes mes histoires. C'est le moment où les choses basculent, où on décide de prendre une autre voie.
- Speaker #1
Il y a aussi un clin d'œil à la Suisse dans le livre, puisque cette Tata qui décède et qui leur laisse un héritage, elle est venue en Suisse pour mettre volontairement fin à sa vie. Ça, c'était quelque chose aussi que tu voulais ? C'était un clin d'œil parce que tu avais envie d'en parler ?
- Speaker #2
Alors, c'est une thématique forte. forte, effectivement c'est pas encore quelque chose qui est possible en France. Et c'était surtout important que ce personnage-là, qui est en toile de fond tout au long de l'histoire, en fait on ne sait pas qui elle est, à ce moment-là, cet acte-là, il l'a défini presque. C'est une femme qui a toujours choisi son indépendance et qui choisit de partir en toute indépendance, en toute liberté.
- Speaker #1
Alors on parle assez longuement de cet album qui s'appelle Pisse Mémé, qui est sorti aux éditions d'Argo en 2023. Parce qu'il y a quand même une sorte de lien, on a l'impression, avec le nouvel album qui sort maintenant aux éditions d'Argo également, et qui s'appelle Marcy, point de bascule. Dans Pisse Mémé, c'était ces quatre filles proches de la quarantaine qui avaient envie de changer de vie. Et l'histoire que tu nous racontes aujourd'hui, c'est celle d'une femme qui entame la période juste après, la cinquantaine, sans grande conviction, cette Marcy, mère célibataire, est pérille. Ménopausée, comment tu nous fais le pitch pour cette BD ?
- Speaker #2
Comment je fais le pitch ? Non mais c'est ça, c'est encore une fois une histoire d'une femme qui change de vie et qui prend son destin et sa vie en main.
- Speaker #1
Une femme, Marcie Caroline Bangor, 49 ans et demi, elle n'aime pas son premier prénom et préfère qu'on l'appelle Caroline. C'est vrai que Marcie, c'est pas banal, ça vient d'où ce prénom ?
- Speaker #2
Ah c'est pas banal, non en fait, j'adore. Déjà j'adore les prénoms en fait et réfléchir sur les prénoms. Marcy c'était un clin d'œil aux Peanuts en fait puisqu'il y a une Marcy mais avec un Y dans les Peanuts. C'était un clin d'œil aux Peanuts et je voulais que ce soit quand même un prénom français parce que c'est une héroïne tout à fait francophone. D'ailleurs elle parle très mal anglais dans le livre et donc c'est le féminin de Marc tout bêtement. Mais c'est vrai que comme c'est un prénom pas courant du tout et qu'elle, elle avait vraiment envie de se fondre dans la masse, elle a préféré utiliser son deuxième prénom. Caroline.
- Speaker #1
Cathy Borre, on parle avec toi de cet album qui s'appelle Marcy, le point de bascule qui vient de sortir aux éditions d'Argo. Alors Marcy ou Caroline, elle a travaillé pendant les cinq dernières années comme chargée de projet chez Sofical, puis elle s'est fait licencier. Elle se fait virer par le Chief Happiness Officer. C'est quoi ce bullshit là ?
- Speaker #2
C'est exactement ça, c'est un métier qui existe vraiment et là j'avais justement depuis un moment, j'avais envie d'utiliser cette expression. Et là j'ai imaginé que le pauvre il est censé donner de l'animation et de la joie à ses employés. Et en fait là il est obligé de remplacer au pied levé le chef des ressources humaines et de virer les gens et c'est tragique.
- Speaker #1
Il m'a fait penser au film Les Trois Frères, tu sais, celui qui lâche du lest pour faire...
- Speaker #0
de l'entreprise.
- Speaker #2
Ça fait longtemps.
- Speaker #1
Et donc pour Marcy, la galère commence. Elle pointe au chômage, elle doit faire des petits boulots de merde. Elle fait des questionnaires de rue. Et puis d'un coup, elle se décide à devenir détective privée. Et sa fille Emma va la soutenir dans sa démarche. D'ailleurs, Marcy, elle a une particularité qui va l'aider. Elle est invisible, mais pas tout à fait comme un fantôme, surtout parce que personne ne la remarque. Comme beaucoup de femmes de son âge. N'est-ce pas ? C'est là qu'on va parler un peu de l'âge moyen.
- Speaker #2
Voilà, c'est vraiment l'histoire de l'invisibilisation. Enfin, c'est le thème que j'ai choisi, c'est l'invisibilisation. Pas facile à dire d'un coup comme ça, des femmes autour de la cinquantaine. Et c'est vrai que d'un coup, en quelques années, comme ça, on se retrouve à se faire appeler ma petite dame, par exemple, par un serveur. Je ne sais pas, j'ai envie de lui répondre, mon petit monsieur. C'est comme si tout à coup, on était passé... très rapidement de femmes à petites dames, en fait, interchangeables. Et c'est quelque chose qui n'est pas... Alors, même... Comment dire ? Mon but, ce n'est pas qu'on me remarque spécialement. Mais en tant que personne, on a l'impression qu'on descend d'une marche, comme ça. C'est très bizarre.
- Speaker #1
D'où le point de bascule.
- Speaker #2
D'où le point de bascule.
- Speaker #1
Alors voilà, au-delà de l'histoire, tu as voulu donc rendre hommage à ces femmes de 50 ans, cet âge moyen. On apprend d'ailleurs dans la BD que 13% de la population en France sont des femmes de 50 ans. J'imagine que le ratio est assez similaire en Suisse. Et c'est à cet âge que vous, les femmes, vous basculez dans l'autre vie, celle où vous devenez semi-effacées car on vous regarde moins. Le fameux point de bascule donc qu'on retrouve dans le titre. Cet âge des cernes, des rides, des kilos en trop et des bouffées de chaleur. Un moment où d'une certaine manière vous allez disparaître, mais aussi réapparaître autrement. Un hommage donc que tu fais à toutes les périménoposées qui ne le savent pas encore, mais vont devenir des femmes augmentées. flamboyante dans l'âge moyen. Et toi, finalement, en abordant ces thèmes sérieux, t'aimes raconter aussi des histoires qui redonnent la pêche et remontent le moral. Il y a un peu de ça aussi dans la BD.
- Speaker #2
J'espère. J'espère que ça donne la pêche.
- Speaker #1
Bon, il y a un peu de toi aussi dans l'histoire parce que t'es dans l'âge moyen, comme on le disait. À quel niveau l'histoire est autobiographique dans le personnage de Marcy ?
- Speaker #2
Oui, il y a beaucoup de moi dans le personnage de Marcy, c'est clair. Il y a en même temps ce sentiment d'être complètement invisible et cette volonté d'en sortir aussi un petit peu. C'est pour ça que par exemple là je porte un manteau vert pétard. C'est le fait de sursauter beaucoup. Je sursaute en permanence. Et je ne sais pas, pour mon Marcy je lui ai inventé un petit stress post-traumatique. Mais bon, moi je ne sais pas. Je trouve qu'en même temps ça fait aussi une partie de ma personnalité. Donc... Je suis un petit peu à l'affût des petites caractéristiques comme ça qui rendent un personnage plus humain. Et je trouvais marrant qu'une enquêtrice, en fait, sursaut beaucoup et ça peut amener des gags sur le terrain.
- Speaker #1
Alors effectivement, drôle et puis très humain. Marcy, donc dans l'histoire, elle va travailler en tant que détective pour un certain Bérard Dulac. Elle va commencer par enquêter et aider sur des enquêtes canines. Oui, elle va enquêter sur des enlèvements de chiens. Car il y en a de plus en plus. C'est vrai ça dans la vraie vie ? Oui,
- Speaker #2
oui, c'est vrai. J'ai regardé pas mal de vidéos là-dessus, je me suis documentée là-dessus. Et effectivement, il y en a de plus en plus. Et déjà, on n'hésite pas à appeler des détectives pour les retrouver. Il y a beaucoup de groupes Facebook aussi. Et c'est que je crois vraiment depuis le Covid, c'est exponentiel. Carrément ? Oui, il y a des trafics.
- Speaker #1
Alors voilà, Marcy, au cours du nom, une de ses encadres canines, une de ses encadres canines justement. Non ? Elle va être témoin d'un accident, une certaine mérédite qui tombe d'un immeuble. Et de témoin, elle va instinctivement passer à enquêtrice. C'est parce qu'elle a ça dans le sang. Et finalement, c'est aussi un peu ça cette BD. J'ai l'impression montré, tu vas me dire si j'ai vu juste ou pas, qu'il n'est jamais trop tard pour assumer ce que l'on est et ce que l'on a envie de faire. C'est un peu ça aussi que tu voulais dire dans la BD ou pas ?
- Speaker #2
Oui, tout à fait. C'est vraiment ce moment, le point de bascule, où on est rattrapé par sa propre nature.
- Speaker #1
Bon, et sans trop dévoiler l'histoire, est-ce que ça te va si on dit quand même que l'enquête va mener Marcy et sa fille jusqu'à New York ? Où Marcy ira jusqu'à fumer de la weed à 6h du mat avec un type random dans un parc.
- Speaker #2
Oui, je crois que c'est vraiment la scène que j'ai préférée imaginer.
- Speaker #1
Bon, imaginer, puis aussi dessiner, parce que tu fais tout. Tu es au scénario, au dessin et à la couleur. J'ai envie qu'on parle avec toi un petit peu de technique. Alors, Cathy Borre, on est avec toi. On parle de Marcy, le point de bascule aux éditions d'Argo. Et on parle un peu technique, donc. Découpage très classique en deux fois trois cases avec comme je crois tu aimes bien souvent inclure quelques pleines pages pour aider à la respiration. Tu peux peut-être nous dire un petit mot de ton approche de cette mise en page et notamment dans ce titre.
- Speaker #2
Oui c'est vraiment une histoire de respiration les pleines pages puis bon aussi se faire plaisir avec le dessin et sinon c'est vrai que je préfère rester un découpage très classique c'est mon mode de fonctionnement et je crois que c'est très utile. Il fonctionne bien en tout cas, enfin ça marche bien pour moi donc voilà. Et je travaille sur iPad en fait, donc ça me permet aussi de pouvoir traiter par exemple mes couleurs d'une manière beaucoup plus facile, c'est un truc de flemmard.
- Speaker #1
Alors les couleurs justement, aquarelle avec des tonalités plutôt chaudes, est-ce que c'est le bon mot pour définir la couleur dans cet album ?
- Speaker #2
Oui, alors c'est presque plus un effet crayon de couleur. qu'aquarelle. De toute manière, c'est numérique, donc j'utilise plusieurs outils. Mais c'est vrai que j'ai besoin que ça ressemble à quelque chose de traditionnel quand même. Je recherche toujours un effet traditionnel, que ce soit aquarelle, pastel ou crayon.
- Speaker #1
Le dessin, on en parlait un peu dans ta présentation. Comment tu le décrirais, toi, ton dessin ? Moi, j'ai utilisé des mots qui étaient un peu les miens ou ceux que j'ai ressentis. Toi, tu dirais quoi sur ton dessin ?
- Speaker #2
Approximatif.
- Speaker #1
Non, Cathy, je refuse cette réponse.
- Speaker #2
Bon, d'accord. Non, mais voilà, je crois qu'il y avait expressif et c'est ce que j'essaye de faire en tout cas. C'est là où je tends, c'est avoir un dessin expressif. Même si les personnages ne sont pas aussi beaux que je le voudrais, mais justement, j'ai besoin qu'ils soient expressifs.
- Speaker #1
Tu as une approche un peu aussi qui est plutôt photoréaliste, c'est correct ou pas ?
- Speaker #2
Alors, je pars de décors, souvent je pars de photos, mais... J'essaye de prendre des libertés aussi par rapport à ça, justement, pour que le tout soit assez harmonieux, en fait.
- Speaker #1
Bon, Pisse-Mémé, c'est quatre copines à la quarantaine. Marcy, la cinquantaine. Le prochain album, c'est la soixantaine, forcément.
- Speaker #2
J'espère que ce sera avant, quand même. Tu sais déjà ce que tu feras ? Finalement, ça me suit un peu. Mais il y aura un tome 2 de Marcy.
- Speaker #1
Ah,
- Speaker #0
bien !
- Speaker #2
Et puis, peut-être même un tome 3, si...
- Speaker #1
C'est parti, c'est la bouteille de l'équipe, quoi. donc c'est le personnage qui fera d'autres enquêtes c'est ça ?
- Speaker #2
j'ai envie de la suivre et donc le tome 2 sera pour quand ? dans deux ans parce qu'entre temps je suis en train d'adapter un récit donc complètement autre chose sur la relation mère-fille ok c'est une BD aussi ?
- Speaker #1
c'est une BD oui tu fais pas mal de choses, tu aimes bien aussi la BD jeunesse tu fais des illustrations t'es très occupée quoi
- Speaker #2
Je suis très occupée.
- Speaker #0
Écoute, en tout cas,
- Speaker #1
on est très content d'avoir un peu de temps avec toi. Pour finir l'émission, si tu es d'accord, nous, on a ce qu'on appelle une petite séquence avec des questions débules. Con, con, complètement débules. Eh oh, il te manque une case ? Euh, t'es débule. Est-ce que Cathy, tu as, toi aussi, un wall of fame chez toi ?
- Speaker #2
Non, pas vraiment.
- Speaker #1
Pas vraiment. Je fais allusion au mur que Signe les a invités à l'inauguration de Pisse Mémé dans l'album dont on a parlé pendant l'interview. L'histoire de Pisse Mémé, justement... Elle finit début 2020, juste avant le Covid. Tu crois qu'il aura tenu le baron ?
- Speaker #2
Eh ben, je me suis beaucoup posé la question, en fait. Et je me suis beaucoup posé la question. À mon avis, ouais, elles s'en sont sorties, quand même.
- Speaker #1
Ça veut dire que tu as eu envie de faire une suite pour dire un peu ce qui s'était passé ou pas ?
- Speaker #2
J'ai réfléchi, mais en fait, non, je crois que c'est très bien comme ça.
- Speaker #1
Bon, Cathy, on revient à toi. Tu l'as finie, toi, ta Middle Life Crisis ?
- Speaker #2
Non, pas du tout.
- Speaker #0
T'es en plein dedans ?
- Speaker #2
Je suis en plein dedans.
- Speaker #1
Pourquoi l'album ne s'est pas intitulé L'Âge moyen comme tu le voulais ?
- Speaker #2
C'est une histoire de commerciaux. Parce que moyen dans le titre, ça pouvait être moyen. Donc, c'est comme ça. Et finalement, je suis très contente que ça s'appelle Marcy parce que c'est quand même elle le personnage principal.
- Speaker #1
Je suis assez d'accord. Je suis assez d'accord avec toi. Est-ce que tu fais des BD que pour les filles ?
- Speaker #2
Non, non. Alors justement, là, c'est un appel. En fait, j'aimerais bien que les hommes lisent mes BD. Alors oui, je parle de problématiques féminines, mais en fait, c'est important de le partager. Donc, voilà.
- Speaker #1
Alors voilà, c'est une question un peu taquine, mais c'est aussi, j'imagine... Voilà une réalité, tes lecteurs, c'est souvent des lectrices.
- Speaker #2
Oui, oui.
- Speaker #1
Est-ce que les hommes deviennent aussi invisibles à un moment donné dans leur vie ?
- Speaker #2
J'ai l'impression que les hommes prennent du pouvoir tout au long de leur vie. Alors peut-être que oui, à la fin de leur vie, ils deviennent effectivement invisibles, mais quand même plus tard.
- Speaker #1
Ils ont moins cette étape à traverser, comme tu l'as décrit pour les femmes ?
- Speaker #2
J'ai ce sentiment. en tout cas.
- Speaker #1
Cathy, en plan 16 de l'album Marcy, sa fille mange au petit déjeuner des Chocapoc. Si Chocapic c'est fort en chocolat, alors le slogan de Chocapoc, c'est quoi ?
- Speaker #2
Oh bon sang, là c'est la question piège.
- Speaker #1
C'est la question des bulles, je t'ai dit Cathy.
- Speaker #2
J'ai pas d'idée là.
- Speaker #1
T'as pas d'idée ? Pourtant le chocolat, c'est suisse quoi. Moi j'ai marqué, si t'avais pas de réponse, j'ai marqué pas de bras, pas de Chocapoc.
- Speaker #2
Ok, ça marche.
- Speaker #0
Allez, on valide.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a vraiment des mouettes à Paris, Cathy ? En page 65, une mouette vient se nourrir dans une poubelle.
- Speaker #2
Mais oui, mais oui. Ouais, ouais. Énorme, des trucs énormes.
- Speaker #1
Ouais, et c'est la Seine qui les... Oui. Ah ouais, c'est ça ? Ouais.
- Speaker #0
Bon,
- Speaker #1
il faut qu'on aille plus souvent à Paris, les Genevois.
- Speaker #2
Non, je sais pas.
- Speaker #1
C'est qui Vincent Lussac ?
- Speaker #2
Vincent Lussac.
- Speaker #1
Alors là, cette question-là, elle est compliquée pour toi, mais voilà, je la pose quand même.
- Speaker #2
Je la pose. Euh, ouais. Vincent Lussac, basse. Non, je n'ai pas de modèle pour Vincent Lussac, mais disons quand même pas mal d'écrivains.
- Speaker #1
C'est un peu ma question, il y a un vrai écrivain derrière ?
- Speaker #2
Non, je n'ai pas de modèle précis, mais j'en ai quelques-uns en tête.
- Speaker #1
Moi aussi, mais je ne vais pas en donner tout. Bon allez, il faut lire la BD. Tu voulais rendre un hommage à Francesca Woodman, cette photographe qui s'est suicidée très jeune, mais a pourtant cogné un succès posthume et a influencé la création photographique contemporaine.
- Speaker #2
Oui. Moi, je l'ai découverte à la fac, donc il y a 30 ans à peu près. Alors, ce qui est dommage, c'est qu'effectivement, on parle beaucoup, on parle toujours de son suicide. C'est un peu comme Anne-Franck, elle est un peu définie par sa mort, en fait, et pas son œuvre. Mais c'est incroyable ce qu'elle a fait pour une jeune fille de son âge à l'époque.
- Speaker #1
En si peu de temps, puis avec si peu de matériel, 800 photos.
- Speaker #2
Incroyable. Voilà, je vous conseille vraiment de vous documenter sur... de regarder les photos de Francesca Woodman.
- Speaker #1
Eh bien, ça marche. Quand on lit la BD, on a envie d'aller voir qui c'est. Donc, bravo, c'est réussi. Cathy, à quel âge devient ton vieille ?
- Speaker #2
Ça, c'est moche.
- Speaker #1
Ça, c'est moche. C'est une question de début. Question de début, je me permets tout.
- Speaker #2
Non, je n'en sais rien. Moi, je me suis sentie très vieille à une époque de ma vie. Et puis...
- Speaker #1
Peut-être, c'est ça ?
- Speaker #2
Ouais, et puis bon, là, j'essaye de me ressentir un petit peu moins vieille, mais c'est une histoire de ressentir.
- Speaker #1
Bon, alors si je pose la question autrement, tu feras quoi, toi, de fou quand tu seras vieille ? Tu seras plutôt du style à t'habiller en violet ou cueillir des fleurs dans le jardin des autres ?
- Speaker #2
Alors, carrément tout. Je crois que tout ce qui est dans ce poème de Jenny Joseph, j'ai envie de le faire.
- Speaker #1
Alors voilà, je faisais référence à ce joli poème qui est en fin de BD et qui invite finalement à ne pas attendre d'être trop vieux. pour mettre un brin de folie dans sa vie. C'est un peu ça le message de ce poème. Et le tien ?
- Speaker #2
C'est vrai, oui, oui. Mais d'un autre côté, elle dit je ferai tout ça quand je serai vieille Et ça a quelque chose de réconfortant aussi. C'est-à-dire, on se dit bon, maintenant, pour l'instant, je rentre un peu dans le moule parce que il y a encore les enfants à élever, il y a encore des... il faut encore être un modèle, mais dans quelques années, j'aurai plus besoin d'être un modèle et là, je pourrais faire n'importe quoi.
- Speaker #1
Bon, et c'est un beau message pour finir ça.
- Speaker #2
Carrément.
- Speaker #1
Et dis donc Cathy, j'ai une demande, quand tu rentres en France, tu pourras rappeler que la BD a été inventée en Suisse ?
- Speaker #2
Oui, oui, oui.
- Speaker #1
Tu sais par qui ?
- Speaker #2
Par Rodolphe Topfer. Ah, je prononce mal.
- Speaker #1
Rodolphe Topfer. Topfer, oui. Et puis donc, on finit l'émission comme ça, c'est fantastique. Cathy, c'était un plaisir de t'avoir dans l'émission, à très bientôt.
- Speaker #2
À bientôt, merci.
- Speaker #0
Et pour finir, la sélection de quelques albums que nous vous conseillons si vous souhaitiez vous caler une petite bande dessinée tout prochainement. On commence avec Nos âmes oubliées.
- Speaker #2
C'est quoi cette BD ?
- Speaker #0
Alors qu'il devrait être en pleine force de l'âge, Stéphane développe une maladie auto-immune.
- Speaker #2
C'est pas de bol.
- Speaker #0
La médecine classique n'arrive pas à l'aider. Et il sent que les causes de sa maladie sont plus profondes, ancrées en lui. Depuis son enfance et son adolescence, qui furent le théâtre d'instabilité psychologique marqué, Stéphane a souvent eu l'impression que ce qui le séparait de la folie était un voile bien trop mince. Mais moi pareil des fois,
- Speaker #1
non de bleu,
- Speaker #0
non de bleu. Il exerce une fascination pour la mort. En quête de réponse, il étudie la conscience et les EMC. Les EMC c'est quoi ça ? Les états modifiés de conscience. Il s'essaie au psychédélique. Son salut passera par le lâcher-prise. Au fil de ces différentes démarches, il revit les épreuves traversées qui ont éteint la joie en lui. La perte de son frère dans un terrible accident. Ses expériences de guerre en Afghanistan. Ses déceptions amoureuses. Oh putain, il les a enchaînées lui ! Et puis, ressurgit dans sa mémoire cet homme, qui petit à petit apparaît comme l'élément clé de son questionnement. Les choses s'éclaircissent, la mémoire refait surface, l'évidence se profile, puis la synchronicité opère. C'est quoi la synchro-cynithère ? C'est lorsque vous êtes prêt, que des étoiles s'alignent et que les signes évidents se présentent.
- Speaker #1
Alors,
- Speaker #0
il ne reste plus qu'à agir pour reprendre sa vie en main. Voici une BD qui nous plonge dans la conscience et les traumatismes de l'enfance, dans les dénis qui peuvent pourrir toute une vie. Adaptée d'un récit autobiographique de Stéphane Alix, Grégory Panachione nous livrait ici une BD intense en émotions.
- Speaker #2
Vraiment une très bonne BD.
- Speaker #0
Nos âmes oubliées, c'est aux éditions Le Lombard. On continue avec Le rêve du Tchernobog.
- Speaker #2
Ça parle de quoi ?
- Speaker #1
Russie,
- Speaker #0
1921. La guerre civile fait rage. Les rouges bolcheviques luttent contre les verts tsaristes. Yuri et Nikita sont des amis d'enfance. Pourtant, ils vont se retrouver chacun dans un camp différent et se combattre. Yuri, le Cossac. était pourtant prêt à défendre la cause communiste. Il avait d'ailleurs pour mission d'aller tuer la petite Nadezhda Romanovitch, la dernière héritière tsariste.
- Speaker #2
Pas bien lui !
- Speaker #0
Mais il allait découvrir en la petite princesse une autre voie pleine d'innocence et de sagesse. Nikita quant à lui allait transcender la mort en fusionnant avec la machine. C'est quoi ce délire ? Il domptait le Kostchei, fils de Tchernobog, le dieu de la mort. Sous l'apparence d'un robot métallique, Le koshtchèy avance et grossit en mangeant les vivants qu'il croise. Belle métaphore pour représenter un communisme kargantuesque. Eh ben ça colle bien. Voici une épopée fantastique dans la Russie des révolutions, sauvage et froide. Une histoire de survie, d'idéologie et de légende sous le prisme du fantastique. Un angle original et efficace qui laisse part à une grande humanité et rappelle que lorsque les hommes se prennent pour des dieux, ils payent leur ingratitude tôt ou tard. Un pavé de 300 pages. au rythme parfait, un dessin rond et chaleureux malgré le froid des décors. Le tout orchestré par la scénariste et storyboardeuse Mélodie Sisinki.
- Speaker #2
Vraiment une très bonne BD.
- Speaker #0
Bref du Tchernobog, c'est aux éditions d'Argo. Et on finit avec un album suisse. Kill Motor. Attention, album aux frontières de l'abstrait et bigrement esthétique. La première page ouvre sur des blocs monolithiques, avec en arrière-plan des montagnes majestueuses. Déjà, on sent un hommage au temps qui passe, à la nature et peut-être même à la quiétude des Alpes suisses face à la folie du monde des hommes. En page 2 et 3 émergent les hommes, des chevelus aux yeux exorbités qui sermonnent leur haine, puis d'autres perdus dans le superflu du monde matériel et de la consommation. Apparaissent aussi des personnages dégoulinants, l'un se laissant flotter dans un porte-container servant l'euphorie commerciale, d'autres chevauchant une plus petite embarcation pour chercher une vie meilleure. Euh,
- Speaker #1
émigré et porte-conteneurs, là j'ai l'image, j'ai l'image.
- Speaker #0
Aucune parole, pas de texte, pas de couleur, un trait limpide et en trois pages, voici toute la noirceur et les mystères de notre monde gesticulant, ainsi que la beauté de la nature. Le vivant semble gluant, le reste figé dans le temps. Et c'est parti pour entrer dans la folie de Kill Motor. Un monde... où chacun saura trouver des références propres à ce qui nous constitue et nous entoure. Un omniétie qui détourne un avion, un gluant qui prie devant une pierre sainte, des taches de pétrole. Mais c'est du délire ton truc là ! Puis, soudainement, quelques pages en couleur.
- Speaker #1
Alors là c'est psychanalique !
- Speaker #0
Pour une autre perspective, de la folie en plus. Des motards en wooding, un peintre qui pose sur une toile un incendie. Des maisons,
- Speaker #1
des barbus, des chevelus,
- Speaker #0
des charpentes, des formes, la vie, la mort, l'au-delà et même un buffalo grill. Je ne m'y attendais pas à celle-là. Dis donc, mais ça part en couille ton truc là, le gars. Cet album, c'est un peu la somme du travail et de l'univers d'un auteur, d'un artiste. Un ouvrage de bande dessinée, parsemé de peinture et d'illustration. Un livre traversé d'hallucinations folles, qui donne envie de découvrir le travail de Elge Reumann.
- Speaker #1
Kill Motor,
- Speaker #0
c'est aux éditions Atrabil. Voilà, voilà, alors bonne lecture ! Et comme on dit dans l'émission,
- Speaker #1
les bulles,
- Speaker #0
il n'y en a pas que dans le champagne, mais aussi plein les BD. Et le 9e art, lui,
- Speaker #1
se consomme sans modération.
- Speaker #0
Alors,
- Speaker #1
soyez des bulles ! Complètement des bulles ! On dirait qu'il te manque une case. Des bulles ! Il te manque une case. Complètement des bulles !