- Speaker #0
Radio Vostok.ch Complètement débule. Débule ou bien ? On dirait qu'il te manque une case. Débule. Il te manque une case. Complètement débule. L'émission qui parle bande dessin. Place aujourd'hui à de la BD underground. De la BD disons alternative. Que l'on qualifie parfois aussi de contemporaine. Tu peux m'expliquer ? Ce genre d'album qu'on peut avoir du mal à comprendre car il s'agit d'une approche artistique différente. Ça sent le truc de Bobo ça. Du dessin. pur, brut, expressif, sensoriel, instinctif, sans forcément de scénario construit, mais plutôt avec l'intention de vous donner des ressentis, de ne pas laisser indifférent. Si je ne comprends rien, ça va m'énerver ou bien ? Ce genre de BD comme un tableau qui nous inviterait dans un univers suggéré et ouvrirait les portes à autant d'interprétations personnelles que chacun pourrait en imaginer. Rencontre aujourd'hui avec un auteur, un artiste, qui propose ce genre d'album. Un artiste qui trouve du sens à ne pas donner de sens, justement. C'est bon ça ! Des œuvres pas toujours faciles à comprendre, un public plus niche, mais un travail non moins intéressant. Tu me donnes un fidèle deuxième ! L'artiste jeune voix, Helge Reumann, vient de sortir un nouvel OVNI, un album qui s'intitule Kill Motor, aux éditions Atrabil. Ce genre d'album qu'on devrait ouvrir plus souvent, juste avec l'intention de découvrir un artiste et se laisser porter, comme on pourrait le faire face à une œuvre dans un musée. Salut Helge !
- Speaker #1
Bonjour !
- Speaker #0
El Gué, artiste suisse, né à Oester en 1966. J'ai déjà envie de m'arrêter sur la date. Les Sixties, la route 66, on n'est pas loin de 666. À l'âge de 5 ans, El Gué, tu as su que tu te consacrerais au dessin quand tu as découvert les Proverbes flamands, un tableau de Peter Bruegel. Une sorte de Louis Charlie du XVIe siècle dans lequel sont illustrés des proverbes. C'est vrai, ça a été une révélation pour toi ce tableau ?
- Speaker #1
Oui, alors il y a ça. Il y a le Bruegel, il y a aussi l'inévitabilité de la mort, que je voyais ça à 5 ans, tout en lisant Pézzi. Donc c'est deux influences assez extrêmes, enfin hyper opposées, mais qui m'ont vraiment formé en fait.
- Speaker #0
Pas mal d'influençons, on en reparlera peut-être un petit peu. Helge, tu es installée à Genève, tu vis et travailles aujourd'hui au Grand Saconnet. Je crois que tu as voulu t'éloigner du centre car tu passais trop de temps à l'usine, lieu incontournable de la culture alternative et underground. Bon, je te taquinais un peu parce que je crois que tu aimes bien la vie underground genevoise. Et puis, j'ai d'ailleurs noté que Libération t'avait appelé l'Elvette Underground.
- Speaker #1
Oui, vaguement, je crois que j'ai souvenir de ça.
- Speaker #0
C'est la classe, non ?
- Speaker #1
Mais par contre, je regrette beaucoup de ne plus habiter en ville.
- Speaker #0
Bon, t'es au grand Saponet.
- Speaker #1
Je n'ai pas profité.
- Speaker #0
Et l'Elvette Underground, c'est pas loin de Velvet Underground, ce fameux groupe de rock des années 60. Oui,
- Speaker #1
je n'y ai pas pensé, mais ça peut être ça.
- Speaker #0
Bon, c'est la classe en tout cas. Elgué, tu explores les frontières entre bande dessinée et art contemporain. Tes bandes dessinées sans texte et souvent avec peu de couleurs proposent des histoires dans lesquelles il faut se laisser porter par l'image. Ton univers singulier échappe aux catégories traditionnelles, attirant autant les amateurs de bande dessinée que les passionnés d'art contemporain. Si je m'essaye à résumer ton style en trois mots, j'aurais envie de dire complexe, dystopique, foisonnant. Ça te va ou t'en choisirais d'autres ?
- Speaker #1
Non, ça me va, je crois. Pour ce qui concerne l'art contemporain, ce n'est pas vraiment un choix délibéré. C'est qu'il y a des gens qui s'intéressent de ce milieu. Ce n'est pas toujours le cas, mais voilà.
- Speaker #0
Intéressant. Alors, on en reparlera justement après de tout ça. Tes albums ont tendance à dénoncer les absurdités de la société moderne. La violence produite et subie par l'être humain. Tu as été lauréat du prix Topfer à plusieurs reprises. C'était quand la dernière fois d'ailleurs, le prix Topfer ?
- Speaker #1
Je ne me souviens plus. Je crois qu'il faudrait qu'ils trouvent d'autres gens à donner le prix. Ça m'a un peu gonflé de dire ça. C'est juste l'impression qu'il y a un conflit d'intérêts.
- Speaker #0
Moi, je le sais. C'était 2019 pour un album qui s'appelait Suv. Suv, oui. Et
- Speaker #1
Suvé. A l'époque, les gens ne savaient pas trop ce que c'était Suv. Encore un SUV. Maintenant, c'est plus...
- Speaker #0
Alors, tu réponds à ma question. C'était ça, le titre ? C'était par rapport au véhicule ?
- Speaker #1
Par rapport à ça. Et je pense qu'il y a pas mal de gens qui se sont sentis arnaqués quand ils ont acheté ça en ligne parce qu'ils pensaient peut-être que c'était un manuel sur les SUV. Et finalement, c'est un livre de bébé incompréhensible pour eux.
- Speaker #0
Déjà, enquête de sens, on en reparlera. Parce que justement, les gens, quand ils ouvrent tes BD, ils sont à la recherche de sens. Et puis, on verra si tu peux nous aider parfois à décoder. Elgué, en tout cas, tu te dis comme peu matérialiste. Tu peux vivre, je crois, en te contentant d'un vélo, d'une table et de quatre chaises. Tu dessines, sculptes et peins. Et d'ailleurs, tu peins à plat. Alors, il y en a qui jouent au piano debout, mais toi, tu peins couché. C'est correct ou pas ?
- Speaker #1
Oui, parce que je n'ai pas le choix.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Parce qu'en fait, déjà, je trouve que c'est hyper énervant de peindre debout. parce que déjà c'est du bois parce que j'aime bien ça il ya un côté un rapport avec le moyen-âge que j'aime bien mais pas la toile la toile est énervante parce que ça rebondit Et je peins à l'acrylique aussi.
- Speaker #0
C'est une question de sensation aussi ?
- Speaker #1
Sensation, oui. C'est vrai que ça m'avait surpris, justement, à l'usine, il y avait une curatrice qui était venue, elle m'a dit « c'est marrant, tu peins comme un dessinateur » .
- Speaker #0
Excellent. Bon, le lien avec la BD est tout fait, quoi.
- Speaker #1
C'est un meilleur contrôle sur l'objet.
- Speaker #0
Elgued, tu as récemment sorti un album, un nouvel album aux éditions Atrabil qui s'appelle Kill Motor. On va bien sûr en parler aujourd'hui et tu vas enfin pouvoir m'expliquer pourquoi ce titre. Tu enseignes à la H.E.A.D. Haute École des Arts et du Design à Genève.
- Speaker #1
La HED.
- Speaker #0
La HED. Tu enseignes quoi d'ailleurs là-bas ?
- Speaker #1
J'enseigne le dessin et la bande dessinée.
- Speaker #0
Est-ce que j'ai oublié des choses importantes dans cette courte présentation ?
- Speaker #1
Je ne crois pas.
- Speaker #0
Tu sais quoi ? Pour la finir, j'ai envie de te citer. J'ai envie de te citer quand tu parlais autant à propos justement de cet album Suve. Je te cite. Ce que je fais est très intuitif. Je ne veux pas que ça devienne trop cérébral ni symbolique. J'essaie de brouiller les pistes, de provoquer une sorte de vertige chez le lecteur. Qu'il ne saisisse pas tout à fait ce que je veux dire. du coup Elgué,
- Speaker #1
j'imagine que tu n'aimes pas vraiment qu'on t'invite à décoder ton art à donner des grilles de lecture en fait quand je sens que c'est que je peux trop expliquer que c'est trop évident qu'il y a plein de lieux communs qui finalement seront quand même là parce que ça dépend qui lit ça en fait quand on résout quelque chose on tourne la page et on oublie et le fait je pense que c'est ça qui est difficile difficile dans la création, c'est de donner juste assez et pas assez pour qu'il y ait une interprétation possible. Et puis peut-être, ce que j'aime bien, si j'y arrive, c'est de créer de la stupeur et qu'on n'arrive pas à mettre ça en boîte. Parce qu'évidemment, j'aime bien des trucs purement divertissement, où tu as une chute et tu emballes le truc, mais par contre, tu l'as oublié dans une semaine. Je ne peux pas dire qu'on n'oublie pas mon travail.
- Speaker #0
Je finis en te citant encore dans ce même article, l'absence de sens fait sens. Ça résume bien les choses, non ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Un petit peu ? Oui. Alors parlons de ton travail, Elgué. Tes albums. On va parler, j'ai envie, des derniers pour commencer. Black Medicine Book, en 2017. Une fresque graphique en noir et blanc, dépeignant un monde absurde et chaotique, aux scènes dérangeantes. Des hordes de loupards armés de battes cloutées. Un hommage peut-être au Walking Dead. Et une introduction faite par Charles Burns, illustrateur américain, qui a son personnage dans les Simpsons. Un mot sur cet album ?
- Speaker #1
Sur Black Medicine ? c'est un titre que j'ai trouvé dans un manuel d'un spécialiste de la self-defense de la CIA ça s'appelle Black Medicine donc je lui ai piqué son titre et puis avec l'éditeur on a juste décidé de rajouter Book donc
- Speaker #0
voilà c'est pour faire une petite bon et on parlait d'influence je crois que t'es fan de Charles Burns lui il t'a influencé aussi parce que t'es un fan de comics donc voilà c'est un
- Speaker #1
Jusqu'à l'âge de 12-13 ans, j'ai lu l'habituel BD franco-belge un peu strange, les Marvel, etc., pas beaucoup. Du coup, arrivait Metal Hurlant, et c'était juste la claque d'avoir des BD qui finissaient mal, qui parlaient des intérêts d'un gamin de 14 ans, donc de la musique, de la BD underground. Et il y avait un autre magazine qui s'appelait Zulu, dont on... parle plus beaucoup, mais qui était en vente dans les magasins de journaux à Genève. Et là-dedans, il y avait une illustration de Charles Burns et je n'ai jamais vu un truc pareil. En fait, c'était la claque. Une claque pour toi. Il a fait aussi cette série qui s'appelle El Borba avec un lutteur et des personnages.
- Speaker #0
Bon, tout ça, ça fait partie de tes influences. On parlait de cet album en 2017. Le suivant, on en a parlé un petit peu, c'est Suv, S-U-V, 2019, un monde sombre et chaotique entre folie totalitaire et anticipation post-apocalyptique. Dans ce monde, s'agit des êtres violents déterminés, mais sans but apparent, une vision fascinante mais pessimiste de l'humanité. Sur la couverture, on voit apparaître ce personnage découlinant sur une croix. Il est assez récurrent dans ton œuvre. D'où vient-il ?
- Speaker #1
Alors là, on fait souvent... D'ailleurs, c'est un dessin qui a été refusé dans une revue franzine de BD libanaise parce qu'en fait, ça fait référence à la religion. Et ils ont eu une monstre à menthe, je crois, de 20 000 euros. Et quand j'ai proposé cette couverture, ils n'ont pas voulu. Et j'ai trouvé ça tout à fait normal parce que je ne vis pas la même chose qu'eux. Donc j'ai fait un autre dessin.
- Speaker #0
Ce marché-là, parce que la couverture, c'est l'album qu'on voit ici en Suisse.
- Speaker #1
Je faisais un peu le malin, je me suis dit, oui, mais c'est un supplice des esclaves. Donc on l'a fait subir à Spartacus et ses acolytes, etc.
- Speaker #0
Une couverture efficace, c'est sûr, en tout cas. Et ce personnage justement dégoulinant, qui est assez récurrent, comme aussi ces barbus chevelus qu'on retrouve souvent dans tes dessins. c'est une volonté de les voir revenir très souvent ces personnages sans visage un peu anonyme un peu entre l'homme l'animal la nature en fait c'est des multiples et se joue là dessus et je pense qu'il ya une influence assez bête
- Speaker #1
Comme gamin, j'étais hyper fanatique des schtroumpfs. Il y a une espèce de multiplicité. C'est des multiples, en fait. Ils ont juste des caractères très définis. Quelles sont ces occupations ? Par contre, ils se ressemblent toujours. C'est toujours le même personnage. Il y a peut-être un qui a les lunettes, l'autre qui a une barbe et un chapeau rouge, et il sera le chef. Mais il y a vraiment cette idée. Ça rejoint aussi un peu l'idée de ce que j'ai découvert à l'âge de 13-14 ans. C'est les bandes qui... existaient dans les années 80 qui ça se perpétue aujourd'hui il y avait les mods, les skinheads qui s'évistaient dans les quartiers voilà à Genève il y avait ça aussi ça m'a beaucoup beaucoup influencé puis c'était des stéréotypes en fait et finalement ils sont comparables au Schtroumpf ou à d'autres personnages de monde dessiné juste pour revenir à la couverture et l'antenne enfin ce que j'appelle une antenne c'est la croix où il y a une masse qui dégouille des fois je voyais toujours un peu ce truc sur la sur le La crucifixion et les croix, comme des antennes, c'est une pensée un peu farfetched, un peu exagérée. Ces croix, j'ai souvent identifié des croix pour prendre contact avec l'extérieur. Des antennes sont les croix pour prendre les deux dessus, on met une personne qui fond. Et puis bien sûr aussi, c'est un clin d'œil à...
- Speaker #0
à la 5G aussi mais en fait il y a plein de trucs oui c'est pas hyper indéfini mais il y a plein d'idées qui justement aident à faire ce décodage dont on parlait tout à l'heure c'est pas un postulat hyper clair non plus pour moi merci en tout cas pour le décodage, on adore ça et je trouve que sur des oeuvres comme les tiennes ça aide beaucoup justement les lecteurs alors Helge, Roman, on est avec toi on parle bande dessinée dessiné. Tu es artiste suisse, très complet et notamment auteur de bande dessinée. On parlait de tes albums. Le suivant après Suivre, c'est Total Résistance en 2021. Alors là, le titre de l'album, tu l'expliques, ou il est expliqué en tout cas. Plus clairement, il est repris d'un manuel de résistance aux invasions étrangères signé en 1957 par un officier de l'armée suisse. Cet album regroupe une vingtaine d'histoires de tailles différentes. Ici, humain et humanoïde n'aspirent qu'à une chose, tuer. La mort est partout, dans l'indifférence de la nature et l'impuissance glacée du lecteur. Tu penses justement au lecteur et les risques de traumatisme que tu lui infliges ?
- Speaker #1
Non, là, ça me fait rigoler parce que quand on dit ça, je ne sais pas, elle est simplement dans un musée d'art. Et ça m'a quand même frappé aussi, gamin, à nouveau, pour revenir à l'enfance, parce que finalement, je pense que ça imprègne toute la vie d'un créateur ou d'un dessinateur. Bien sûr. N'importe quelle personne, c'est cette période d'enfance qui formate. une vision et puis je dois dire que rentrer dans un musée et on a des Saint-Sébastien transpercés de flèches des gens crucifiés en tonnes en masse et par rapport j'ai l'impression de faire du Disney côté ça m'étonne toujours que les gens disent que c'est trop dur ou quoi que ce soit parce que finalement j'ai repris un petit peu les mots de l'éditeur mais c'est vrai que la mort est aussi un peu
- Speaker #0
un peu présente dans ton oeuvre donc c'est quelque chose que même si tu revendiques tout de même oui oui je pense que ça nous constitue c'est partie de la vie comme on dit c'est là et
- Speaker #1
en même temps dans l'art ancien ou l'art en général c'est tout le temps là et puis maintenant j'ai lu beaucoup de mangas et en fait c'est extrêmement présent alors cet album Total Résistance un mot sur la couverture ...
- Speaker #0
J'ai cru reconnaître une vue proche du pont Butin à Genève, station de service, une bardi-blub dernière et le coucher de soleil. C'est marrant, pourquoi cet endroit ?
- Speaker #1
Alors c'est à Saint-Jean et je sortais, je faisais un petit peu de sport sur les voies couvertes et en revenant, il y a eu la tempête de sable. Donc normalement, le ciel était plutôt jaune, mais pour l'esthétique, je préfère le passer au rouge, au rose. Normalement, il devait être beaucoup plus pétor. Et puis, c'est en plein Covid et avec ma compagne, on parlait souvent des... des panneurs pendant le Covid pour nous c'était comme des sources de bonheur on appelait ça comme ça parce que c'est les seuls endroits où on pouvait acheter un truc à bouffer à cette époque si particulière donc oui c'est comme une petite oasis
- Speaker #0
Bon, mais tu es suisse, tu aimes bien la Suisse et tu aimes la mettre dans tes BD, dans ton dernier album dont on va parler maintenant, Kill Motor, aux éditions Attrabil. Moi, j'ai vu le lac Clément, l'aéroport de Cointrin, le bâtiment du BIT, le mur des réformateurs, j'en oublie.
- Speaker #1
Oui, alors il y a aussi le... Ensuite, à la Prairie, il y a le...
- Speaker #0
Le Stade ?
- Speaker #1
Pardon ?
- Speaker #0
Ah oui, le Port-Franc.
- Speaker #1
Le Port-Franc. C'est un sujet, j'ai remarqué finalement en discutant avec les gens, il y a pas mal d'artistes qui s'occupent là-dessus, parce qu'on sait qu'il y a dedans, il y a beaucoup de choses très très chères. Tout en rapport à ces intuitifs de nouveau, où en fait, toute la BD... par dans un film qui c'est de documentariste hollandais qui s'appelle yohann van der keuken qui a fait un film que j'ai vu quand j'étais en formation aux arts décoratifs de genève actuellement le cfp art Et dans ce film qui s'appelle I Love Dollar, en fait, il fait une référence à Genève, Amsterdam et l'Écosse pour parler du protestantisme et l'origine du capitalisme. Et en fait, ça vient aussi de Max Weber, surtout. Et je l'ai lu. Et comme mon éditeur, on s'est arrêté au bout de 30%. Parce qu'en fait, c'est...
- Speaker #0
Indigeste ?
- Speaker #1
Non, c'est pas indigeste, mais c'est... C'est pour les vrais intellectuels. Donc en fait, les idées que j'aurais voulu avoir d'une manière très simple étaient beaucoup plus compliquées que ça. Après, je me suis dit, je vais digresser et je n'ai pas envie de faire un documentaire, en tout cas, parce que ça ne m'amuse pas du tout de faire un documentaire.
- Speaker #0
Alors voilà, ça donne Kill Motor, ce nouvel album. C'est un peu la somme aussi de ton travail et de ton univers. Un ouvrage de bande dessinée également parsemé de peinture et d'illustration. Un livre traversé d'hallucinations folles et marquantes qui cite...
- Speaker #1
aussi donc tu en parlais carl barx ou max weber c'est qui c'est c'est qui c'est galard à peine nous donc carl barx ça c'est mon éditeur qui l'a marqué mais en fait s'il s'appelle plutôt de donne rosa qui est aussi un dessinateur de disney enfin qui a fait l'histoire de l'oncle pixou depuis sa naissance en écosse jusqu'à ce qu'ils deviennent un vieux monsieur légende du dessin aux états unis qui a travaillé beaucoup pour walt disney aussi autour de donald non oui voilà il a fait tout la filiation. Il a fait tout un arbre généalogique. Il a fait un peu de l'ordre dans la filiation de cette famille de Donald. Et en fait, ce qui se passe, c'est qu'on découvre que l'oncle Picsou a construit son trésor sur une butte qui s'appelle Kilmotha. Et puis comme c'est un grand symbole de l'argent, J'ai appelé le livre Killmotor, on en a enlevé juste un L pour ne pas avoir de problème avec Disney.
- Speaker #0
De droit.
- Speaker #1
De droit, mais il paraît qu'il y avait peu de risques. Et puis voilà, c'est un peu l'origine. Max Weber, c'est simplement un... Un compagnon de route de Karl Marx, en fait.
- Speaker #0
Sociologue.
- Speaker #1
Sociologue.
- Speaker #0
Donc, écoute, on a l'explication pour les titres. Moi, je suis très content. On va parler un peu, justement, de cet album. Comment tu construis un album comme ça ? C'est un album assez volumineux. Combien de pages ? D'ailleurs, je te pose cette question, parce que les pages ne sont pas numérotées. Est-ce que c'est aussi parce que cet album, il peut se lire un peu dans tous les sens ?
- Speaker #1
S'il n'est pas numéroté, s'il n'y a pas les folios, c'est vraiment, je pense, comme il est. muets on a décidé de ne pas mettre de signes du tout donc on a aussi enlevé les folios et à l'origine je voulais faire 200 pages j'en ai fait 104 heures je me disais que ça suffit je suis un peu frustré parce que je parle souvent en fait quand je fais un album ou un livre j'ai un flash et On trouve l'idée géniale, puis après on commence à le faire, puis après finalement on est comme un artisan et on doit le finir. Et ça m'a pris une année et demie. Et puis je faisais d'autres choses, des objets, des trucs, des maquettes à côté. Mais en fait, plus on est parti de l'idée d'origine, plus la motivation peut s'étioler un petit peu. Donc c'est vraiment ce problème, même si j'ai énormément de respect pour la bande dessinée, c'est que ça prend tellement de temps, ça se rend compte, dire un jeu vidéo ou un film d'animation, où les gens passent 4-5 ans, s'ils sont en indépendance. Et d'avoir cette tenacité de finir ça. Parce que pendant que je dessinais, j'avais déjà envie de faire autre chose. Et ça, c'est difficile à gérer des fois.
- Speaker #0
J'imagine. Et du coup, comment tu définis le sens narratif du livre, l'ordre des planches, l'inclusion des planches colorées ? Puisque c'est vrai qu'à un moment, il y a de la couleur qui fait son apparition. Comment tout ça se met en place ?
- Speaker #1
Alors... Pourquoi je le fais, je ne sais pas. Mais en fait, c'est justement pour casser la routine, etc. Et puis en fait, j'adore tout ce qui est mécanique du récit, les suivis d'action, etc. plutôt bien maîtriser ça après les enjeux généraux en fait d'un scénariste sont difficiles enfin m'intéresse peu je serais incapable d'écrire j'ai pas un complot politique ou une enquête parce que ça demande vraiment une construction hyper développée en fait de l'histoire et tandis que là c'est vraiment plus de l'instant. Avant je t'ai montré mon carnet de croquis, c'est des vignettes minuscules où j'improvise tous les dix pages en avance et après je les dessine et je continue ainsi. J'ai vaguement une idée où je veux aller et
- Speaker #0
Tu te laisses porter ?
- Speaker #1
Je me laisse porter, oui.
- Speaker #0
Alors tu vois, ça suscite beaucoup de questions. Moi, j'ai beaucoup de questions pour toi. Tes lecteurs, ils en ont autant que moi ou pas des questions quand tu les rencontres ?
- Speaker #1
Là, les retours de mes livres, c'est un peu beaucoup d'incrédulité. Et en même temps, je sens qu'il y a une forme de fascination. Après, il y a des lecteurs... Enfin, j'ai entendu, j'ai lu une critique sur Amazon. qui m'a fait bien rire, j'ai eu je crois deux étoiles sur ça, qui disaient j'ai rien compris, BD pour snob. Ça te fait plaisir, ça te fait rire ? En même temps oui ça me fait rire et puis de façon je pense pas toucher un public monstrueux. Là en même temps ce qui me fait plaisir, j'étais au festival d'Angoulême il y a deux semaines et ce qui m'a fait beaucoup plaisir c'est que j'ai vraiment une reconnaissance du métier, beaucoup de dessinateurs qui sont venus. me féliciter, etc. Après, peut-être moins de ventes, mais c'est pas après ça que je cours et le fait de l'échange entre dessinateurs ou artistes, etc. m'intéresse beaucoup. C'est extrêmement enrichissant.
- Speaker #0
Évidemment. Elguerre-Emmanuel, on parle avec toi de bande dessinée. Alors voilà, on le disait, t'es un auteur de BD, un artiste complet, une BD peut-être pas si conventionnelle. T'es un créateur qu'on peut qualifier de singulier, un acteur important dans la BD indépendante contemporaine et un acteur majeur. majeur de la scène genevoise. On en parlait un petit peu tout à l'heure, avec tant d'humilité, tu me disais qu'ils ne savent en gros plus à qui donner le prix Top Fear, mais toi tu l'as eu trois fois, en 2002 pour Bagarre, en 2014 pour Sexy Guns, et on l'avait dit, en 2019 pour SUV. Ça fait plaisir quand même de recevoir des réponses.
- Speaker #1
Ah oui, bien sûr, je ne vais pas cracher dans la soupe. En fait, c'est un peu gênant, parce qu'il y a peut-être plein de jeunes auteurs qui n'ont peut-être pas le marre d'avoir ce mec.
- Speaker #0
leur temps viendra en tout cas Elgué nous on est très content de t'avoir dans l'émission et puis pour finir on a une petite séquence qu'on appelle des questions des bulles complètement des bulles il te manque une case t'es des bulles tu fais de la bande dessinée ou de l'art contemporain Elgué ? je fais du dessin ton hiver est un peu fêlé quand même toi t'as un petit grain ou pas ?
- Speaker #1
ça c'est je ne sais pas il faut que j'aille voir quelqu'un ça défoule de dessiner comme tu le fais ou ? Développer les idées, oui, un peu moins le dessiner en fait, comme c'est très minutieux.
- Speaker #0
Au contraire, il faut être appliqué.
- Speaker #1
Il faut être appliqué, oui.
- Speaker #0
Jaune et bleu pour la couverture de ton dernier album Killmotor aux éditions Atrabile. pourquoi ces couleurs pour la couverture ?
- Speaker #1
le jaune et le bleu oui je ne sais pas en fait c'est pour varier mais après moi j'ai fait la remarque c'est les couleurs de Ikea et ça me va assez bien qu'est-ce que tu as contre Buffalo Grill ?
- Speaker #0
Buffalo Grill qui devient
- Speaker #1
Buffalo Brûle dans Kill Motor oui voilà exactement j'adore passer devant les Buffalo Grill et pour moi c'est un marqueur en fait par exemple ... Quand je passe de Genève pour aller en Valais ou en Fribourg par l'autoroute, il y a comme le Buffalo Grill qui est à Lausanne.
- Speaker #0
On le voit celui-là.
- Speaker #1
À droite, en partant de Genève, et pour moi c'est un marqueur, ah on est là. Et il y a même chose à Tenon, il y en a un. qui est pas loin. Par contre, j'ai jamais été à l'intérieur d'un Buffalo Green.
- Speaker #0
Tu aimes décoder les œuvres des autres, Elgué ?
- Speaker #1
Non, j'aime juste les recevoir telles qu'elles. Après, c'est vrai que plus pour le cinéma, j'analyse plus. Mais moins pour la bande dessinée.
- Speaker #0
Est-ce que l'interprétation de... certains des lecteurs dépassent parfois ton imagination.
- Speaker #1
Oui, ça arrive plusieurs fois où ils voient des choses que je n'ai pas du tout vues, en fait.
- Speaker #0
Est-ce que tu sais qui a inventé la BD ?
- Speaker #1
On dit que c'est Topfer et on dit que c'est pas vrai.
- Speaker #0
Écoute, j'ai bien fait un là-dessus. Ok. Tu penses que c'est pas vrai, toi ?
- Speaker #1
Oui, je pense qu'il y a des codes avec les phylactères, mais on le retrouve aussi dans les cartoons.
- Speaker #0
Il y a d'autres places qui revendiquent l'invention de la BD. Souvent, quand je pose la question même au canada donc c'est pour ça j'aime bien poser la question j'aime bien être un peu chauvin en disant c'est nous c'est ici c'est la suisse mais j'ai bien ouvrir le débat aussi et puis je crois qu'il ya d'autres dessinateurs genoua je crois dont baladi on n'aime pas trop le côté réac de
- Speaker #1
top faire non plus après oui il a inventé quelque chose où il a développé il a amélioré cette cette façon de faire en tout cas on aime parler bd à genève et puis une scène d'auteur de qualité incontestable
- Speaker #0
Tu en fais partie, on était content de t'avoir dans l'émission. Alguer, à bientôt.
- Speaker #1
Oui, merci beaucoup.
- Speaker #0
Et pour finir, la sélection de quelques albums que nous vous conseillons si vous souhaitiez vous caler une petite bande dessinée tout prochainement. On commence avec un batemondel de papillons. C'est quoi cette bédier ? Bienvenue à Vapor Sordidum. Oula, c'est où ça ? C'est le nom de cette ville où vivent des pantins mécaniques. Oui. Un monde de robots, où la vie mécanique a remplacé la vie organique. Putain, ça fait pas envie ! Les pantins ne vieillissent pas, mais s'usent. Et leur vie en société devient de plus en plus difficile. Les pantins se sentent vides. Ils ont envie de légumes, d'arbres, d'oiseaux, de pommes. Ils sont comme tentés par le mal. Ils sont... Et la tricherie et la haine commencent à régner. Il y a un besoin de paix et d'harmonie qui commence à se faire sentir. Puis un jour, un des pontins pète les plombs. Et c'est une tuerie de pontins. Lorsque ce malade est autopsié, on découvre une larve dans son corps, une partie organique. What ? Deux diagnostics vont alors émerger. Soit cette larve est la raison de son mal, ou bien au contraire, c'est cette partie qu'il aurait fallu développer. pour sa vie meilleure. C'est donc deux théories. Je comprends rien. Soit privilégier l'artificiel et le mécanique, dans la plus pure condition des robots pour que tu roules sans accrocs, ou bien il faut redonner place à une part organique. Pour laisser croître cet amour qui se cache, cette énergie qui n'est jamais totalement logique, mais apporte un côté magique à la vie. Sacrée question. Et si derrière ces robots, il y avait quelqu'un qui les avait programmés et qui pouvait les maîtriser ? D'ailleurs, qui les contrôle finalement ces robots ? Voici une BD pleine de poésie, de métaphores et d'allégories. Et de parallèles aussi avec le monde qui devient le nôtre.
- Speaker #1
Une BD très sympa.
- Speaker #0
Avec un dessin appuyé et féérique dans une ambiance steampunk, cette BD nous projette dans un monde inversé. Un monde de robots qui s'interrogent sur la vie organique. Un battement d'ailes de papillons, c'est de Loïc Maltani aux éditions Paquet. On continue avec la crevette.
- Speaker #1
Ça parle de quoi ?
- Speaker #0
La nature crée tant de merveilles que parfois, elle se permet quelques petits défauts de fabrication. Un nez trop long, des oreilles trop grandes, des yeux qui louchent ou encore un tout petit kiki. Séraphin, lui justement, a un micro-pénis.
- Speaker #1
C'est pas de bonne.
- Speaker #0
Une petite crevette entre les jambes. Oui, et il a dû en essuyer des moqueries. A l'école, à l'armée. Et côté vie sexuelle, n'en parlons pas. Aujourd'hui, Séraphin tient un magasin de lingerie pour femmes.
- Speaker #2
Divine lingerie.
- Speaker #0
C'est un vrai chef d'entreprise. Et bien sûr, personne ne sait qu'il a un tout petit zizi. Sauf qu'un jour... Il va aux toilettes et oublie de fermer la porte. La comptable entre par mégarde et tombe nez à nez avec son tout petit zizi. Elle va le répéter. Ça va se savoir, mais va se faire virer. Elle d'ailleurs, qui a des tout tout petits seins.
- Speaker #2
Une vraie planche à repasser.
- Speaker #0
Voici une BD drôle, humaine, émouvante. Une histoire de petits attributs, oui, mais surtout de relations et d'amour entre les gens.
- Speaker #1
Une BD très sympa.
- Speaker #0
Une ambiance un peu à la Zola dans Au bonheur des dames. Un dessin tout en esquisse et en émotion. Pour un excellent album de Salomon et Zidrou. La crevette, c'est aux éditions Le Lombard. Et on termine avec Lignes de fuite.
- Speaker #1
Ah non mais c'est quoi cette BD ?
- Speaker #0
Un titre que l'on peut voir à la fois comme un hommage au dessin et à l'approche narrative des trois histoires que contient cet album. Trois histoires au cours desquelles la vie de gens ordinaires bascule. Un point de rupture qui les fait basculer de la réalité vers l'inconnu. La première histoire est celle de cette danseuse de cabaret qui à côté de sa vie de scène mène une vie très rongée pour économiser de l'argent. Jusqu'au jour où elle se fait cambrioler. et voler toutes ses économies.
- Speaker #2
Oh non, la pauvre !
- Speaker #0
Ses projets tombent à l'eau. Elle a besoin de se refaire. Pour cela, elle va accepter un autre travail et devenir l'assistante du grand Dondini. C'est qui, lui ? C'est un magicien qui donne des représentations privées à des publics uniquement masculins. Oulala,
- Speaker #2
ça sent pas bon ce truc-là !
- Speaker #0
C'est très bien payé, mais paraît-il que certaines des assistantes disparaissent vraiment. Trois histoires courtes, Robert Kuyen nous emporte dans des ambiances noires, humaines et très émotionnelles. Son très simple et précis nous rappelle ô combien la vie est fragile et belle à la fois. Réalisateur, scénariste et illustrateur reconnu, ayant reçu plusieurs nominations pour des Grammy Awards, Robert Kuyen s'essaye ici à son premier album de bande dessinée. Un joli moment de lecture proposé par les éditions Blumann, toute jeune maison d'édition qui a un pied en Suisse. Ligne de fuite de Robert Kuyen, c'est aux éditions Blumann. Voilà, voilà, alors bonne lecture. Et comme on dit dans l'émission, les bulles, il n'y en a pas que dans le champagne, mais aussi plein les BD. Et le 9ème art, lui, se consomme sans modération. Alors, soyez débules ! Complètement débules !
- Speaker #2
On dirait qu'il te manque une case. Débules ! Il te manque une case. Complètement débules !