- Speaker #0
Bienvenue dans Confidence d'entrepreneur. Ici, on vous dévoile de l'intérieur ce qu'un entrepreneur traverse lors d'une opération marquante de son parcours. Je suis Thomas Fertin, entrepreneur et surtout conseil en stratégie financière depuis près de 10 ans. Je dirige le cabinet Conseil, Finance et Transmission, cabinet de fusion-acquisition basé à Bordeaux. J'ai eu la chance au cours de mon parcours de rencontrer des centaines de chefs d'entreprise avec des histoires et des itinéraires incroyables. Et j'ai ressenti le besoin de créer ce podcast afin de pouvoir les mettre en lumière. Dans ce podcast, on désacralise le mythe de l'entrepreneur à succès. La vie d'un entrepreneur, c'est souvent des réussites et des moments de satisfaction, mais il ne faut pas oublier qu'aussi, chacun d'entre nous traverse parfois des moments de crainte ou de difficulté. Chaque mois, je vous plonge au cœur du récit d'un invité qui nous raconte son parcours à travers une opération marquante. Cela peut être une vente, une acquisition, une association ou même l'ouverture d'une procédure collective. L'objectif sera de comprendre le contexte, la stratégie, et la construction de cette opération, tout en se mettant dans la peau du dirigeant pour mieux saisir ce qu'il a vécu. Vous écoutez la partie 2 de notre podcast dédié au parcours de Jérôme Forest, spécialiste en retournement d'entreprise et dans la conduite du changement. Si vous n'avez pas écouté la première partie, je ne peux que vous conseiller de faire pause et d'aller l'écouter. Déjà parce que vous apprendrez assurément beaucoup de choses sur le retournement d'entreprise. Ensuite, parce que ça vous permettra d'avoir le contexte pour introduire ce deuxième épisode. Enfin, parce que nous avons un cœur de vous proposer des parcours incroyables. Tous les épisodes sont donc à écouter. Ainsi, pour ce second épisode, nous redémarrons juste après le départ de Jérôme de chez Comtesse du Barry, avec beaucoup de projets en tête et pas forcément le projet de reprendre une entreprise. Nous allons revenir sur son expérience, faire un zoom sur son montage financier quelque peu original dans le cadre de sa reprise, et enfin étudier le changement de paradigme entre la gestion en tant que salarié et la gestion en tant qu'actionnaire majoritaire. Cet épisode est un bonus, ainsi vous pourrez nous retrouver le premier mardi du mois prochain, comme d'habitude, afin de vous présenter un nouveau parcours d'entrepreneur. Avant de redémarrer, je tiens à nouveau à remercier Rémi Salane d'Entrepreneurs et Finances pour la mise en relation et les équipes de Conseil Finance et Transmission pour leur soutien. Donc maintenant, banquise ! Est-ce que tu peux nous présenter rapidement ta société actuelle ?
- Speaker #1
Alors Bankiz, c'est une société qui fonctionne avec un mode de distribution et un modèle RH extrêmement moderne, alors qu'en fait ça existe depuis 20 ans. Quand on mange des surgelés en France, les surgelés en France c'est 6% de votre budget alimentaire. Donc c'est pas très élevé. Il y en a à peu près pour 6 milliards. Il y a 100 milliards de consommation à domicile d'alimentaires en France et 60 milliards d'alimentaires vendus au restaurant pour que vous puissiez manger au restaurant. Ça fait 160 milliards. Les surgelés ça fait à peu près 6 milliards. Vous en avez 3 milliards qui est vendu en grande distribution et 1,5 milliard dans une enseigne que vous connaissez bien qui vend dans les centres-villes avec 1,5 milliard pour Picard. Et le dernier miliaire 5, qui est représenté par la livraison de surgelés à domicile, parce que dans les milieux ruraux, donc pour 35% de la population française, vous vous faites livrer des surgelés. Les acteurs de la livraison des surgelés, qui s'appellent Thierry, qui s'appelaient avant tout Pargell, qui s'appellent Maximo, qui s'appellent Beaufrost et qui s'appellent Argel, ces acteurs fonctionnent tous sur le modèle dominant de quelqu'un qui vous appelle d'un centre d'appel, qui vous parle des produits que vous avez reçus sur le catalogue. qui vous dit qu'il y a des promotions sur tel ou tel article, qui va, on va dire, un peu pousser à la vente, et qui va viser d'avoir un panier moyen, donc une transaction supérieure à un certain montant en euros, pour que la livraison soit rentabilisée. Trois jours après, vous êtes livré par M. Jean-Pierre ou Mme Micheline, qui vous apporte vos surgelés à domicile, et vous avez déjà réglé en ligne ou par téléphone, et vous avez une expérience avec le vendeur, qui est très faible en fait, puisque c'est uniquement de la livraison. Le modèle de Bankis, qui est aussi le modèle d'un de nos confrères qui s'appelle Bofros, qui sont des Allemands, est le modèle du camion-magasin. Nous, on a 36 chauffeurs aujourd'hui qui sont dans leur camion, et ce camion a sur lui 400 articles, en plusieurs exemplaires évidemment, et nous allons passer sonner chez une cinquantaine de clients par jour, pour lequel il y en a 35 ou 40 qui nous ouvrent la porte ou qui sont là physiquement, et on va s'asseoir avec eux autour de la table de la cuisine ou de la salle à manger, on va regarder le catalogue. leur suggérer des escargots, le foie de veau ou des recettes avec du cabillaud ou des poulpes. Et nous allons ensuite chercher au camion ce qu'ils ont commandé. Nous allons ensuite les ramener dans le congélateur de la personne. Donc on a un service, je dis souvent, on est des hommes du dernier centimètre. Par rapport à la logistique du dernier kilomètre, nous on est vraiment à la toute fin jusqu'au congélateur. On encaisse ensuite le client, on lui laisse le catalogue du mois suivant et on lui dit « Ah, dans quatre semaines » . Et donc on passe. 12 fois par an chez tous nos 21 000 clients qui ont un taux de fidélisation à des années-lumières de tous les modèles que j'ai connus aujourd'hui. Pour vous donner une idée, un chiffre qui me parle beaucoup, quand vous recrutez 100 nouveaux clients en année 1, il vous en reste 52 en année 5. C'est énorme, c'est énorme. Chez Comtesse du Barry, on était à 18. Donc c'est vraiment un taux de fidélisation énorme et donc il n'y a pas de minimum d'achat, pas de commande obligatoire. Et Comte... Vous passez chez un client qui vous dit « Ah, mais mon congélateur est plein » ou « J'ai pas besoin parce que je pars en vacances » ou « Aujourd'hui, j'ai besoin de rien » ou « Les fins de mois sont difficiles » . Eh bien, on leur dit « C'est pas grave, on revient le mois prochain » . Et donc, ce modèle est très vertueux et permet aussi d'amener des surgelés qui sont un produit de stockage par excellence, donc produits bruts ou produits transformés. On remplit les gros congélateurs que vous trouvez souvent à la campagne. Par exemple, nos frites, elles sont vendues en 2,5 kg. Elles ne sont pas vendues en 500 g ou en 1 kg. Nos légumes, c'est pareil. La viande, elle est vendue au poids. On vend beaucoup de produits de stockage. Puis la deuxième chose très moderne dans cette entreprise, c'est que nos salariés travaillent du lundi au jeudi. Et donc, depuis toujours, comme ils travaillent beaucoup, on travaille quatre jours par semaine et on se repose trois jours.
- Speaker #0
Alors tu vois, moi je suis charentais d'origine. Et en Charente, traditionnellement, le vendredi n'est pas forcément chômé. Mais tu vois, dans les vieilles maisons de cognac, enfin dans les maisons de cognac, généralement le vendredi midi, c'est terminé. La semaine est faite. Tu dois faire tes 39 heures, parce qu'il y a beaucoup de boîtes à 39 heures, entre le lundi matin et le vendredi midi. Tu vois, c'est traditionnel aussi. On parle de la nouvelle modernité, mais finalement,
- Speaker #1
on revient au passé. Nous, on travaille quatre jours par semaine depuis longtemps. C'est aussi parce que nos vendeurs chauffeurs, si vous comprenez bien le modèle, travaillent de 8h à 19h. Donc, c'est beaucoup. D'ailleurs, ce ne sont pas des salariés aux 35h, puisqu'ils font bien plus que 35h. Ce sont des VRP, ça s'appelle. Donc, vendeurs représentants placés, ce qui ne veut plus dire grand-chose, mais qui est un modèle. Ils sont salariés. Tout à fait. Par contre, ils ont un modèle de rémunération qui est variable.
- Speaker #0
Exclusivement ?
- Speaker #1
Exclusivement. Ah ouais ? Voilà. Mais ça, c'est sur le papier. Dans la vraie vie, vous avez un minimum qu'on appelle le SMIC VRP, qui est à peu près 20% au-dessus du SMIC normal, qui est garanti à la fin du mois. Donc, vous avez quand même un minimum. Mais nos chauffeurs, heureusement, sont au-delà de ce niveau-là.
- Speaker #0
Pour donner un endroit d'idée, ta société fait 8 millions, 8 millions et demi de chiffre d'affaires. 8 millions et demi. Oui. Pour donner un endroit d'idée.
- Speaker #1
En fait, c'est 36 camions à 260 000 euros de moyenne, c'est-à-dire... 200 jours travaillés par an fois 1300 euros de chiffre d'affaires manuel j'aime bien voilà la moyenne est le plus beau déguisement du mensonge donc on a des camions qui font
- Speaker #0
200 000 et d'autres qui font 400 000 on a évoqué ton montage pour l'acquisition tu as fait appel à des investisseurs autour de toi que tu connaissais est-ce qu'on peut parler de ce qu'on appelle les 3 F Family, Friends and Fools c'est-à-dire la famille les amis les fous furieux qui sont autour de toi du coup tu n'es pas cette famille moi mais je ne sais pas Fools il y a le 3ème F
- Speaker #1
Il faudra que je devine dans ceux qui ont investi, lesquels sont les fools. Peut-être tous, on verra.
- Speaker #0
Donc, tu as tes cédants qui sont au capital ? Oui. Tu as des gens autour de toi qui sont au capital ? Est-ce que tu peux nous en parler un peu ?
- Speaker #1
Alors, oui, j'ai trois niveaux d'investissement, en fait. J'ai trois holdings, ce qu'on appelle au-dessus de la société banquise. Le premier étage, on y retrouve les fonds d'investissement régionaux. J'ai fait affaire avec deux fonds d'investissement que je connaissais déjà. Multi-croissance pour la partie... Banque Populaire, donc le fonds de la Banque Populaire, et Grand Sud-Ouest Capital, ainsi que NMP Développement, qui est un petit fonds qui dépend de la caisse du crédit agricole Normudie-Pyrénées, et Grand Sud-Ouest Capital, qui dépend des caisses du crédit agricole d'Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine. Et ces trois investisseurs régionaux m'ont rejoint pour m'accompagner dans la holding qui est à racheter banquise. Le moteur de la fusée. En-dessus, vous avez un deuxième étage dans lequel les intérêts de mes friends, family and fools et moi sont liés à ceux de mes deux prédécesseurs, donc les CEDAN, qui ont réinvesti dans la nouvelle aventure une partie du prix de vente. C'est bien ça le montage entrepreneur et finance. Et encore au-dessus, vous avez les intérêts de mes friends and family and fools et moi, qui sont dans une société tout en haut. Et donc ces gens-là, les 14 personnes qui ont investi avec moi, que je remercie chaleureusement, sont des chefs d'entreprise pour la plupart ou des associés dans de grands cabinets de conseil. des gens que j'ai rencontrés au fur et à mesure de ma vie, plus ou moins proches d'ailleurs, puisqu'il y a des gens qui ont investi, il y en a deux que je ne connaissais pas avant, que j'ai rencontrés dans mon parcours de repreneur. Parce qu'il faut, alors peut-être que c'est une leçon à donner, je me permets, il faut rencontrer, rencontrer, rencontrer, rencontrer, rencontrer. J'étais en recherche de projets pendant deux ans et je pense que je rencontrais au minimum quatre à cinq personnes nouvelles par jour pendant ces deux ans. Par jour ? Oui, par jour, oui. Ah oui, alors quand vous contactez des sociétés de... Fusion Acquisition, vous faites du calling, vous faites des appels à froid, mais sinon, je contactais des gens et une règle qu'on m'avait apprise à ce moment-là, ça fait très longtemps que je n'en ai pas parlé, mais qui est très intéressante, c'est de dire à chaque rendez-vous que vous avez, à chaque rendez-vous, il faut que il soit conclu par vu ce que je viens de te raconter, vu mon projet, peux-tu me donner trois autres noms à contacter ? Et donc, en fait, sur les trois, il y en a deux qui vont répondre et vous faites fois deux en nombre de contacts. Mais c'est... quelque chose que j'ai appliqué pendant des années. Donc pour donner un exemple, l'ex patron de Beaufrost Donc mon concurrent principal aujourd'hui sur le modèle du camion magasin en France qui fait un peu plus de 2 milliards de chiffre d'affaires, je l'ai rencontré par contact de contact de contact, donc au début quelqu'un qui connaissait l'ex-patron de Thirier. L'ex-patron de Thirier m'a dit je connais quelqu'un qui était chez Beaufrost et l'ex de Beaufrost que j'ai contacté m'a dit tu devrais contacter mon ancien patron. Et je me suis retrouvé à discuter avec l'ex-patron de Beaufrost. Et à la fin de la discussion, ce monsieur me dit... Vous allez certainement racheter une boîte vu le nombre de questions que vous m'avez posées. Est-ce que je peux en être ? Donc, ça m'a permis d'avoir au Capital quelqu'un qui connaît très bien le métier.
- Speaker #0
Tu es ton concurrent à ton Capital.
- Speaker #1
Alors, il était parti, il était en pré-retraite, on va dire. Il n'est pas à la retraite, il est encore très actif et il a pris des participations dans un certain nombre de boîtes de surgelés.
- Speaker #0
C'est incroyable.
- Speaker #1
Oui, et donc, cette rencontre ne s'est faite que par réseau de réseau de réseau. Jamais de ma vie, j'aurais pris mon téléphone en me disant, je vais appeler l'ex-patron. D'ailleurs, je ne savais même pas qu'il existait.
- Speaker #0
14 associés ?
- Speaker #1
Alors, ce sont des associés qui m'apportent chacun quelque chose de différent. Il y a une société de CRM, l'ex-patron d'une boîte de CRM, qui est à la retraite maintenant depuis un mois à peine, qui nous a fait tout le CRM de banquise. Il y a une société de RP, donc de relations presse, qui m'a épaulé dans toute la communication au départ. Il y a une société de com qui m'a aidé à refaire mon site internet. Il y a un associé d'un grand cabinet de conseil que j'appelle régulièrement pour avoir des tips sur la distribution. Il y a l'ex-patron de Direct Energy, qui est un entrepreneur né, qui me donne toujours des conseils très, très inspirants sur la partie RH. Vous avez une femme qui dirige un réseau de travail temporaire qui a énormément marché, qui a de très bons conseils sur le recrutement. Bref, chaque personne va m'amener quelque chose de différent et va mettre sa pierre à l'édifice. Encore une fois, tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.
- Speaker #0
Il y avait un minimum d'investissement ?
- Speaker #1
Non, c'était vraiment... C'était en fait, je cherchais des fonds d'investissement. Vous avez deux choix en fait quand vous rencontrez des fonds d'investissement. Moi, j'en ai rencontré un certain nombre grâce à Entrepreneurs et Finances. Parce que ce qu'on n'a pas dit, c'est que l'intérêt de travailler avec des gens comme Entrepreneurs et Finances, c'est que vous allez faire une offre, ce qu'on appelle dans le jargon une lettre d'intention, une LOI. Et vous allez tenter d'obtenir l'exclusivité sur le rachat d'une entreprise sans le financement. Et ensuite, vous allez voir des fonds d'investissement. Et donc là, j'avais deux choix. soit je prenais des fonds qu'on appelle, alors j'essaye de ne pas parler anglais, mais handzone, c'est-à-dire qui vont se mêler de la gestion et qui vont avoir un impact sur la gestion de l'entreprise. Ça, ce sont des fonds spécialisés. Il y en a, ils sont beaucoup à Paris, mais il y en a aussi dans la région Occitanie. Soit vous travaillez avec des fonds plutôt minoritaires, bancaires, qui eux, sont moins dans la gestion.
- Speaker #0
Dans le jargon, nous, on appelle ça actif ou dormant.
- Speaker #1
Voilà,
- Speaker #0
le fonds dormant.
- Speaker #1
Dormant, c'est... Ils ne dorment pas quand même, parce que quand ils viennent, ils m'écoutent et ils sont de bons conseils. Mais disons que la gestion est plutôt faite, enfin, la gestion, je la fais avec mon équipe. Et j'ai les, je ne sais pas si on peut les appeler les business angels ou mes friends, family and fools, qui sont les coachs, en fait, que j'utilise au quotidien. Et comme je le disais pour les gens qui auront écouté l'interview en entier, c'est très important pour moi d'avoir du retour, du feedback et d'aller dans les moments difficiles, allez, vous allez y arriver, regardez tout ce que vous avez fait, etc.
- Speaker #0
Quel était le moment le plus stressant pour toi ? C'est le moment où tu as racheté, le moment où tu as eu les clés du camion ?
- Speaker #1
Alors, je dois avouer que pendant la signature, le jour J, on était une quinzaine dans la salle et c'était de la signature électronique. Donc, il y avait un peu de tout. Il y avait les banquiers, les actionnaires, les fonds, les cédants. On était une quinzaine de gens qui avaient intérêt à ce que je mette ma signature, enfin que je clique sur OK sur DocuSign au moment de la session. Et on lisait des centaines de documents, vraiment. peut-être pas des centaines, mais en tout cas des dizaines, il y en avait au moins 50 ou 60 différents, que j'avais évidemment lu avant, mais qui faisaient entre 5 et 60 pages. Et donc, il fallait aller paraffer à la fin, etc. Et au moment où c'était vraiment le dernier document, celui qui lançait le virement du prix, à ce moment-là, j'ai levé la tête et tout le monde était occupé. J'étais tout seul. Je cherchais un regard bienveillant pour me dire, vas-y, et en fait, tout le monde était occupé. Et donc, je me suis dit, bon, là, c'est le moment de vérité. Et là, j'ai cliqué. Et là, ça a été ouf ! Et là, les gens se sont retournés, il y a eu un applaudissement, etc. Donc, c'était rigolo. Mais c'est vrai qu'à ce moment-là, il y a eu un petit coup de stress. Voilà. Et puis, je suis ravi de l'avoir fait aujourd'hui. Et puis, l'avenir nous dira si j'ai eu raison. Mais c'est vrai que je n'avais pas ressenti le stress avant. Et là, le moment du grand saut, on est seul, en fait.
- Speaker #0
C'est toi qui cliques.
- Speaker #1
C'est toi qui cliques. C'est ça.
- Speaker #0
Comment tu appréhendes les quelques millions d'euros de dette que tu as sur les épaules aujourd'hui ? Versus quand tu étais salarié et que justement, tu avais le droit de lâcher le mur, c'est pas grave, tu avais un baudrier.
- Speaker #1
Exactement. Alors, nous sommes en décembre aujourd'hui, on termine notre exercice vendredi, et vendredi, ça fera pile trois ans que j'ai signé. J'ai payé ma troisième échéance de dette et j'avais fait aussi ce qu'on appelle un crédit vendeur, donc j'avais des échéances qui étaient assez costaudes les trois premières années. Et ces échéances vont être diminuées de 60% l'année prochaine. C'est-à-dire, en fait, je payais 100 et maintenant, je vais payer 40. Et donc, le montant est très inférieur, enfin inférieur en tout cas, au résultat de l'année. Et on voulait garder nos capacités d'endettement pour pouvoir faire de la croissance. Donc, en l'occurrence, acheter des camions, ouvrir des nouveaux secteurs, etc. Et donc, c'est ma dette moyen terme qui est plus importante aujourd'hui que la dette senior. J'ai fait un montage où il y a beaucoup d'obligations. Il y a beaucoup d'échéances dans 7 ans. Mais... peu de remboursement, la dette senior ne représente que 20% du total. Souvent, dans un LBO, enfin, souvent, de ce qu'on m'avait expliqué, c'était plutôt la moitié. Ce qui n'est pas notre cas. Donc, la pression sur la trésorerie et de l'entreprise et des holdings, les trois années difficiles viennent de passer. Je touche du bois, on verra comment se passent les années futures. On ne va pas se mentir. La situation actuelle, politique, le climat des affaires est mauvais. Nos clients sont en retrait. Notre chiffre d'affaires est un petit peu en retrait cette année. pas au niveau global, parce qu'on avait ouvert des nouveaux secteurs, mais à ce qu'on appelle à isopérimètre. En tout cas, le chiffre d'affaires sur l'année N-1 est un petit peu en retrait à cause des problèmes de la consommation en France en ce moment. Et les gens sont en attente, en fait, de ce qui va se passer, du nouveau gouvernement, etc. Donc, on verra de quoi demain est fait. Par contre, nous, on n'a pas arrêté d'investir. Et on continue à se développer, on continue à embaucher, on continue à y croire. Et de temps en temps, quand je lis... les journaux quasiment tous les jours qui disent les chefs d'entreprise n'investissent plus, les chefs d'entreprise n'embauchent plus, etc. J'ai eu une conversation avec mes deux associés, puisque depuis, j'ai fait rentrer au capital aussi mes deux bras droits dans l'entreprise qui sont rentrés au capital cette année. Et donc, à trois, de temps en temps, on se dit est-ce que nous, on doit s'arrêter ? Parce qu'on dit que tout le monde arrête d'embaucher, tout le monde arrête d'investir. Et nous, ce n'est pas notre cas. Puis on se dit, bon, en même temps, il faut bien qu'il y ait des exceptions, il faut bien qu'on continue. Donc nous, on ne s'arrête pas. Mais voilà, mais non, la pression du... Il y avait un patron que j'avais rencontré dans le cadre de ma reprise qui disait qu'il était souvent tétanisé devant le mur de la dette. Il appelait ça le mur de la dette avec en effet ses millions. Mais aujourd'hui, l'avantage d'une entreprise qui existe et qui a un business model éprouvé par rapport encore une fois à une entreprise créée, c'est que cette valeur intrinsèque, elle existera quand même encore toujours. C'est-à-dire que la société, je l'ai payée un certain prix, elle peut valoir demain 80% de cette valeur, 70, 60. La probabilité pour qu'elle envahit la moitié ou qu'elle envahit zéro est relativement faible. Il faudrait vraiment qu'il se passe quelque chose de catastrophique. Je reprends mon exemple tout à l'heure. Je ne sais pas si vous avez noté la fidélisation de mes clients. C'est monstrueux. En moyenne, un client chez nous, il reste 15 ans. Donc, si vous voulez, une mauvaise année de chiffre d'affaires comme cette année, c'est moins 4%. Et à l'inverse, malheureusement, une très bonne année sera plus 4%. Ce ne sera pas jamais plus 10, plus 20, plus 30 comme on voit dans les startups. Mais on a un business model qui est très robuste. et qui fait que je ne suis pas inquiet au quotidien. Peut-être que je le devrais, mais en tout cas, je n'y pense pas au quotidien. Je continue à gérer l'entreprise comme je faisais avant. La seule chose qui a vraiment, vraiment changé depuis que je suis entrepreneur, d'abord, un, c'est que j'ai toujours eu un respect énorme de tous les entrepreneurs français. Et donc, je disais souvent à mon coiffeur, vous avez pris plus de risques que moi, donc vous êtes beaucoup plus courageux qu'un gars comme moi. Il me disait, oui, mais vous gérez une boîte de 200 personnes, etc. Je dis, oui, mais ce n'est pas mes sous. Alors que vous, à la fin du mois, s'il n'y a pas eu de client, si vous êtes malade, etc., qu'est-ce qui se passe ? Donc j'étais admiratif des entrepreneurs de tous bords. Et maintenant, je peux dire je suis entrepreneur et je sais ce que ça fait. Pour vous donner un exemple de différence, j'annonçais régulièrement des augmentations, des primes, etc. à mes salariés quand j'étais patron de Comtesse du Barry, de la Maison du Whisky et autres. C'était agréable. C'est toujours beaucoup plus agréable. Les salariés ne le savent pas, mais c'est encore plus agréable de donner une augmentation que de la recevoir. En tout cas, moi, c'est mon cas. Et là, j'ai annoncé des augmentations à quelques salariés la semaine dernière. Et ça n'a pas le même goût. C'est différent. Je sais que la personne en face sait que ce sont mes sous. Donc, ça prend une autre dimension.
- Speaker #0
Comment est-ce que tu évalues ton propre impact sur la société ?
- Speaker #1
Alors, ce que j'ai amené, de nouveau, d'abord on a un changement fondamental qui avait été envisagé par mes prédécesseurs. D'ailleurs, mes prédécesseurs, de temps en temps, je les appelle pour leur demander un ou deux conseils. Ils sont toujours intéressants à consulter parce qu'ils me disent « on a essayé il y a dix ans, ça n'a pas marché » ou « on a essayé, ça a marché » . Le gros impact qu'on a, c'est qu'on était avec des camions poids lourds et donc on avait une énorme difficulté à recruter. Quand on est à Borlésorgues, à Aurillac, à Maurillac, à Saint-Flour, dans la Lozère, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, et qu'on cherche des gens qui sont capables de faire du 7h ou du 8h, 19h, payés au 100% aux variables, et qui sont commerciaux. Alors justement, c'était ça notre problématique, c'était de trouver des gens qui avaient la fibre un peu commerciale, et qui ont le permis poids lourd. C'est même pas que vous n'en trouvez pas beaucoup, en fait, c'est que vous n'en trouvez pas, du tout. Ça n'existe pas, dans un village. où dans une ville de 2500 habitants, les chauffeurs poids lourds en général, en plus, ont en général un caractère plutôt solitaire, plutôt des gens qui aiment faire de la route, qui n'aiment pas forcément les gens, etc. Donc, c'était très compliqué. Donc, on a fait un changement fondamental, c'est qu'on a réussi à développer un camion qu'on appelle 3,5 tonnes, c'est-à-dire un véhicule léger qui ne nécessite pas le permis poids lourd. Et depuis, on recrute des commerciaux avant tout et on leur dit, au fait, vous allez devoir conduire un peu. Et deuxième chose, on a pu aussi recruter des femmes. Donc, quand je dis des, pour l'instant, on a une qui vient de démarrer et on en a une deuxième qui va démarrer le mois prochain, ce qui n'était pas le cas parce que dans le monde des chauffeurs poids lourds, c'est quand même un monde très masculin. Et donc là, il y a ce premier impact qui est sur la catégorie de gens qui nous rejoignent aujourd'hui et qui sont des jeunes. C'est assez marrant parce que dans nos dix derniers recrutements, je pense qu'il y en a peut-être cinq qui ont plus de 55 ans. D'ailleurs, c'est un peu dommage. On espérait qu'il y ait des aides de l'État, de machin, l'emploi des seniors. Bah, que de chier, il n'y a rien. C'est vraiment dommage, mais on embauche des gens avec de l'expérience et qui amènent leur vécu. Et donc, ils peuvent tout à fait faire notre boulot. Et on a aussi 4 ou 5 jeunes entre 19 et 20 ans. Donc, on donne la chance aussi à des jeunes. Et donc, on fait du bien. Alors, l'entreprise, c'est marrant parce que ça fait donc une moyenne d'âge à 45, mais avec des gens de 55 et des gens de 20. Ça, c'est ce premier impact sur les hommes et femmes, bien sûr, de l'entreprise. Et deuxième impact important, c'est que moi, je suis quelqu'un de très... J'aime pas le mot digital parce que c'est pas vrai, mais en tout cas très informatique. Et donc, on a changé notre système de gestion, on a mis en place un système de relations clients, ce qu'on appelle le CRM, le Customer Relationship Management, avec des envois de SMS deux jours avant la visite du chauffeur, avec des relances par email, etc. Ce qui n'était pas du tout le cas avant. Et puis alors, il y a un autre impact, ça c'est pas moi qui l'ai amené, mais c'est mon bras droit qui est un ancien chef de cuisine. qui a un parcours un peu similaire d'ailleurs à celui que j'avais chez Comtesse du Barry. Ce garçon qui s'appelle Johan, qui est brillant, a énormément changé la gamme. On est monté en gamme de manière importante sur les produits avec beaucoup de régionales. On a plus de 30% de nos produits aujourd'hui qui sont faits par des, on ne peut même pas dire des PME, des TPE ou des PE, en tout cas pas des ME, en Aveyron, en Occitanie, etc. Et donc les gens sont friands du local. Moi, je suis un fervent partisan du local. Je crois qu'aujourd'hui, c'est ça l'avenir de l'alimentaire en France. beaucoup plus que le bio. On n'a pas de produits bio. Et dans les campagnes, d'ailleurs, ils ne sont pas très regardants sur le côté bio. Par contre, local, je sais où ça a été fait, par des vrais gens, ce n'est pas importé, etc. Et donc, voilà. Et puis ensuite, je travaille sur un projet que là, je ne préfère pas dévoiler maintenant, sur lequel mon impact très important et la raison pour laquelle j'ai racheté Bankiz verra le jour d'ici à peu près 12 mois. Donc là, pour le coup, c'est un peu de suspens.
- Speaker #0
Tu te feras une excuse pour se revoir.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Quel conseil tu donnerais à quelqu'un qui souhaite se lancer dans l'entrepreneuriat ? Aujourd'hui en France avec le climat actuel, mais ça, ça passera. Aujourd'hui, c'est quoi le conseil que tu donnerais ?
- Speaker #1
Je pense que c'est vraiment savoir s'entourer. Et pour pouvoir s'entourer, il faut parler. Vraiment, je pèse mes mots. Quand j'avais 23 ans, 24 ans, j'avais une idée de boîte à l'époque. Et en plus, elle était géniale cette idée. Et je ne l'ai jamais montée. Depuis, il y a une boîte qui s'est montée, qui a fait un carton absolu sur le marché. Ça s'appelle Smartbox. C'est des coffrets cadeaux. Et donc, à l'époque, j'avais eu cette idée aussi. Et donc, j'avais mon fichier sur mon ordinateur. Il y avait marqué confidentiel, le nom du business plan. Il y avait marqué Martin pour pas qu'on puisse trouver le truc. Et donc, je me disais, faut pas en parler sur tout secret. J'ai mon idée, quelqu'un va me la piquer. Or, et ça, je l'ai appris par les fondateurs de l'atelier des chefs. La probabilité que vous rencontriez quelqu'un à qui vous expliquez votre idée d'entreprise, qui va se dire dans la même journée, hein ? C'est une super idée et je veux la même. Deux, je suis capable de la faire plus vite et mieux que la personne qui vient de me donner l'idée. Trois, je vais quitter mon job pour faire ce truc-là. C'est impossible en fait. Donc, si vous ne cachez pas votre idée... Vous devez en parler, en parler, en parler, en parler. Si vous en parlez, les opportunités vont venir à vous. Parce que quelqu'un a entendu dire qu'il y avait quelqu'un qui montait un business dans cette branche, que quelqu'un va vous contacter et les gens vont venir à vous. Et donc, il faut en parler, en parler, en parler.
- Speaker #0
Alors tu vois, moi j'ai fait Grenoble École de Management, Master spécialisé entrepreneuriat.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
J'avais fait le concours Google, je ne sais plus comment ça s'appelait, Google Startup quelque chose. À l'époque, on était en train de créer une entreprise avec un collègue de promo. qui s'appelle Van Flet, c'était du matériel de musique. Donc cet associé, lui, il était à la culture du secret, un peu pareil. Il ne faut pas parler, on va se faire copier. Le monde de la musique est un monde un peu particulier, mais d'ultra niche. Donc trouver la personne qui a la même idée, enfin, qui va vouloir te piquer ton idée, il faut quand même se lever de bonne heure, je pense. Et on avait des coachs, donc entrepreneurs, qui étaient là pour nous aider. Et il y en a un qui nous a dit, mais donne une fois une idée à dix groupes de personnes, tu auras dix boîtes. Et ils ne seront pas fortes. Ah,
- Speaker #1
c'est intéressant.
- Speaker #0
Dans le cadre de mon parcours, j'ai eu l'occasion de faire des cours pendant 6-7 ans à l'école de commerce de Bordeaux. Et j'ai essayé. J'ai donné une idée de business à des personnes et je leur ai dit, faites-moi un business plan. J'avais des classes d'entre 50 et 200 élèves. Le panel était large. Je n'ai jamais eu deux fois le même business plan.
- Speaker #1
Intéressant.
- Speaker #0
Et donc, ça se vérifie. Je suis tout à fait d'accord avec toi. En tout cas,
- Speaker #1
il faut partager.
- Speaker #0
Il faut partager.
- Speaker #1
Il faut partager. L'écosystème de la création d'entreprises en France est quand même très dynamique. J'ai été accompagné par le mouvement. Entreprendre, qui accompagne des entrepreneurs en faisant rencontrer des chefs d'entreprise, en étant coaché par des chefs d'entreprise. Le réseau Entreprendre. Il y a le réseau Initiatives aussi, qui donne des prêts d'honneur, qui accompagne les repreneurs ou les créateurs. Il y a la Chambre de Commerce, il y a les villes, il y a les agences régionales, il y a énormément de gens en fait.
- Speaker #0
Medef, la CPME.
- Speaker #1
Oui, alors ça je les ai moins vus, mais en effet la CPME et tous ces gens-là. Et donc j'ai vu beaucoup, beaucoup de gens à mon démarrage en fait, pendant l'année où j'ai... J'ai eu la chance de trouver la société au bout de trois mois de recherche et de signer neuf mois après. Et je sais que c'est rare. En moyenne, c'est plutôt 18-24 mois. Et d'ailleurs, peut-être deuxième conseil que je donnais déjà à l'époque, parce que je me rends compte d'ailleurs que je faisais du coaching d'entrepreneurs, de jeunes créateurs, etc. pendant des années, alors que je n'étais pas entrepreneur. Et donc, ça me posait un problème moral à l'époque en disant aux gars, moi, si j'étais à votre place, je ferais ça. Mais je me disais, en même temps, je ne suis pas à leur place. Et donc... Les gens que j'ai rencontrés et qui m'ont amené du savoir-faire m'ont fait rencontrer un paquet de gens, encore une fois, et qui ont amené au fur et à mesure un réseau sur lequel j'ai présenté mon business plan des dizaines de fois. Et donc, à chaque fois, il s'améliorait d'un petit peu, et puis d'une remarque, et puis d'un truc constructif. Et on évite, on ne peut jamais éviter toutes les erreurs, mais on peut commencer à avoir un certain nombre de risques au départ.
- Speaker #0
Est-ce que tu conseillerais à tes enfants d'être entrepreneurs ?
- Speaker #1
alors moi j'ai j'imagine qu'ils n'écouteront pas cette interview mais attention ça va durer longtemps ils vont pouvoir revenir en arrière ils vont pouvoir écouter je pense alors ça va être tarte à la crème mais j'aimerais vraiment qu'ils fassent quelque chose qu'ils aiment moi je suis un admirateur depuis 20 ans pour avoir travaillé aux côtés de chefs de spécialistes de plein de choses des métiers manuels donc j'aimerais bien enfin j'aimerais bien pour eux qui puisse s'épanouir dans un métier manuel. Aujourd'hui, j'ai à la maison une future sage-femme qui voulait être pâtissière avant, donc on a failli aller dans le manuel. Mais en tout cas, sage-femme, qui est quand même un métier aussi manuel, j'imagine. Une future vétérinaire et un futur pompier. Bon, il a 8 ans, donc ça a le temps d'évoluer. Voilà. Mais l'autre jour, ça m'a scotché. On était en voiture avec les trois et on parle souvent d'ailleurs à la maison de l'entreprise. Ils me posent beaucoup de questions. sur comment ça va. Et puis, ils ont compris ce que c'était que le chiffre d'affaires. Ils ont compris ce que c'était que les salariés. Ils ont compris ce que c'était que les actionnaires. C'est assez rigolo, d'ailleurs. Je sais qu'il y a des papas qui ne partagent pas du tout. Moi, j'aime bien leur raconter au quotidien ce que je vis. Et l'une de mes filles me dit, de toute façon, si je n'arrive pas à être vétérinaire, je reprendrai la boîte de papa. Ça m'a un peu scotché.
- Speaker #0
Alors, justement, c'était la question d'après. Est-ce que tu devois transmettre Banky's à tes enfants ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Non, non, je ne me vois pas transmettre. En tout cas, ce n'est pas pour cette raison que j'ai repris. Je porte un projet qui m'enthousiasme aujourd'hui. J'ai encore une fois un plan de développement en tête qui va être relativement rupturiste par rapport à notre modèle actuel. Et j'espère pouvoir redévelopper cette entreprise de manière très active. Bankis, juste pour faire court, ça a été créé en 2004. Ils se sont passés de 0 à 7 millions de chiffres d'affaires en 7 ans à peu près. Et à partir de 2011 jusqu'en 2020, ils ont fait les très bonnes années 7 050 000 et les très mauvaises années 6 950 000. Donc, c'était incroyable de stabilité parce qu'ils étaient arrivés à une taille, mes prédécesseurs, qui leur convenait. Ils avaient une vie agréable, on va dire, avec des choses à faire tous les ans, etc. Mais ils étaient dans cette optique-là de non-développement, de maintenir leur position. Et on est resté à 31 secteurs pendant 10 ans à peu près. Et donc, nous, nous avons relancé le développement.
- Speaker #1
Est-ce que tu conseillerais à une entreprise familiale, aujourd'hui une PME familiale, de faire appel à un directeur général salarié, comme toi tu l'as pu l'être ? Quel est le conseil que tu donnerais ?
- Speaker #0
Alors, je ne sais pas. J'ai entendu et vu malheureusement beaucoup de cas où la greffe ne marchait pas, et je ne sais pas si j'ai des exemples de sociétés pour lesquelles ça a marché. Je connais des entreprises familiales qui ont fait appel à des managers de transition, sur des phases un peu compliquées de leur existence. Par exemple, la vente, par exemple, la restructuration, par exemple, du développement un peu rupturiste, type croissance externe, etc. Mais sinon, après, j'ai plutôt vu des familles qui gardaient le contrôle. Je ne sais pas si on accepte que son bébé soit géré par quelqu'un d'autre. À y réfléchir, je ne conseillerais pas forcément.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des entrepreneurs autour de toi que tu admires ?
- Speaker #0
Énormément, énormément. Déjà, dans mes actionnaires, il y a beaucoup d'entrepreneurs que j'admire. J'admire... Alors... Alors, j'ai du mal à admirer Elon Musk, même si je vois la magie avec laquelle il arrive à créer de la valeur. C'est très inspirant, mais pour moi, il est un peu hors sol. J'admire beaucoup des entrepreneurs qui sont au turbin, qui se lèvent le matin, qui ont la responsabilité de gens, en fait. Parce que ce qu'on dit peu en France, on dit souvent les patrons, les patrons. Mais en fait, plus de 40% des salariés en France sont dans des PME. Et donc... Leur patron, ce n'est pas le vilain grand méchant du CAC 40 qui est payé des dizaines de millions, etc. La réalité en France, c'est qu'il y a à peu près trois gros tiers. Un dans les grandes entreprises, un dans les PME et un autre tiers dans des sociétés toutes petites, voire unipersonnelles, des gens qui travaillent pour eux. Et donc, j'ai rencontré un entrepreneur que j'admire, un garçon qui s'appelle Julien Leclerc, qui est patron d'une petite boîte à Astafor. Je ne sais plus où c'est exactement, ce n'est pas très loin de Bordeaux. C'est le village de Francis Cabrel. Les gens connaissent à Stafford. Et donc, ce garçon, je l'ai rencontré au culot en prenant contact avec lui après avoir lu un livre qu'il a écrit qui s'appelle Salaud de patron, et qui est très drôle. C'est lui,
- Speaker #1
Salaud de patron ?
- Speaker #0
C'est lui, Salaud de patron. Et depuis, il a fait plein de choses. Le mouvement des déplumés, enfin, plein de choses. Il touche à tout. Il est extrêmement inspirant comme garçon. Et donc, à son insta, j'avais eu pendant les... Là, je n'ai plus le temps aujourd'hui, mais je voulais écrire il y a quelques années un livre qui expliquait aux enfants ce qu'était d'être... Patron. Parce que personne ne s'occupe de parler des patrons aux enfants avant le lycée. Et donc, pendant ce projet de livre, j'ai rencontré trentaines de patrons, dont il y en a plein, vous connaissez le nom, etc. Parce que je voulais avoir des gens connus en plus de patrons de PME. Donc il y avait Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Puy-du-Fou, un certain nombre de patrons inspirants comme ça. Et surtout, je suis allé dans une dizaine de classes. de CM1, CM2, 6e, 5e, pour dire aux enfants, à votre avis, c'est quoi d'être patron ? Leur poser la question de savoir ce qu'ils avaient envie de faire. Et typiquement, au tableau, sur les 40 enfants qui étaient dans la classe, je notais au début, alors moi, je veux être coiffeur, moi, je veux être youtubeur, moi, je veux être footballeur, etc. Et je les mettais dans deux colonnes. Et en fait, il y avait un tiers des métiers qui étaient des métiers d'entrepreneurs, mais qui ne savaient pas que c'était des métiers d'entrepreneurs. Et donc, je pense que la Banque de France, la BPI... qui, j'avais vu d'autres, il y avait un certain nombre d'organismes, le MEDEF, etc., avaient soutenu le projet à l'époque. Et puis bon, après, comme j'ai racheté Banquise, j'ai mis ça en pause et je n'ai jamais repris. Mais je reprendrai certainement un jour. En tout cas, il y a un vrai coup à jouer sur les enfants parce qu'en France, les patrons, si j'avais été une fois à une conférence et j'ai vérifié que depuis, et c'était vrai, il y avait un patron qui avait levé la main et qui avait dit « Est-ce que vous savez quelle est la définition du patron dans les livres de troisième ou de seconde économique ? » Et donc, tout le monde avait dit non. Il avait lu la définition, il avait marqué acteur économique, dont la fonction principale est d'augmenter le profit. Ça, c'est la définition qu'on donne aux enfants en troisième et en seconde. Donc, ça ne vous donne pas très envie. Après, les programmes éducatifs sont faits par des non-entrepreneurs, etc. Mais je pense que, en tout cas, moi, je prends souvent mon bateau de pèlerin pour expliquer. à la jeune génération ce que c'est d'être entrepreneur.
- Speaker #1
Est-ce que tu reviendrais en arrière ? Tu pourrais redevenir salarié un jour ?
- Speaker #0
Pas sûr. Pas sûr. On y prend goût quand même.
- Speaker #1
On y prend goût.
- Speaker #0
Après, j'ai eu la chance d'avoir de nombreux patrons bienveillants qui m'ont développé, qui m'ont aidé, et parfois ce n'était pas facile à entendre, à progresser dans mon management. Moi, j'ai une capacité qu'on me reconnaît, qui est la capacité de me remettre en cause. J'ai eu... deux ou trois fois dans ma vie des moments où ça ne s'est pas forcément bien passé avec mon équipe et on a fait ce qu'on appelle des 360 et donc j'ai été capable d'entendre, de changer, d'évoluer, etc. Et ça, c'est sûr que c'est des choses qu'on ne fait plus en tant qu'entrepreneur en tout cas. Ça ne me viendrait pas à l'idée demain d'arriver en mettant un questionnaire au salarié en disant on fait un tour du management. Mais ça, c'est des choses que j'ai apprises en grand groupe et donc des patrons qui m'ont enveloppé. Je me permets, parce qu'il y a une analyse de Jack Ma, le fondateur d'Alibaba, qui m'a énormément marqué quand j'avais 40 ans, mais qui a vraiment, encore une fois, été une grosse prise de conscience de cette interview. Ça dure 40 secondes sur Internet. Il le dit souvent, en fait, dans des universités, ce fondateur d'Alibaba. Il dit... Alors, je ne vous le fais pas en anglais, mais de 20 ans à 30 ans, il faut suivre un good boss, un bon patron. C'est lui qui vous apprend tout. Vous avez tout à apprendre. Il faut vraiment apprendre auprès de quelqu'un d'inspirant. De 30 ans à 40 ans, si vous voulez essayer quelque chose, vous pouvez. Vous avez le temps de créer. de reprendre, de tenter, de tomber, de tenter, de tomber. Et vous avez le temps, c'est super. De 40 ans à 50 ans, quand j'ai entendu cette interview, j'avais 40 ans. Là, do what you are good at. Fais ce que tu es bon à faire. Si tu veux tenter quelque chose de nouveau, tu peux, mais le risque, donc complètement différent de ce que tu as fait avant, le risque est trop grand et donc l'échec pourra être plus cuisant. Et donc, fais ce que tu es bon à faire. Et c'est ce que j'ai fait en reprenant Bankis, en me disant je sais faire, je sais gérer des boîtes de gastronomie, d'alimentaire, etc. Donc c'est ça qu'il faut que je fasse. Do what you are good at. De 50 ans à 60 ans, là, c'est vous le good boss. Donc c'est vous qui apprenez aux gens de 20 ou 30 ans. Pour vous, il est trop tard, c'est déjà fini, vous êtes prêts de la retraite, etc. Et donc, vous transmettez. Et après 60 ans, profitez de vos petits-enfants. Et j'avais été vraiment marqué. Alors c'est de la sagesse chinoise. Et lui, il se l'est appliqué puisqu'il a quitté Alibaba à ce moment-là.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui fait que tu te lèves le matin ? C'est quoi ta motivation ?
- Speaker #0
Il y a un sketch de Gad Elmaleh que j'aime beaucoup qui dit qu'il y a deux sortes de gens. Les oui et les non. Enfin, il ne le dit pas comme ça, les yes man et les no man. Mais les gens qui regardent leur téléphone avec un numéro inconnu en disant « Qui c'est qui m'emmerde encore et qui va me déranger ? » Et les gens qui se disent « Tiens, qu'est-ce que ça peut être ? » Et donc moi, je suis de cette catégorie-là. Je suis un éternel optimiste. Et donc j'attaque chaque journée en me disant qu'est-ce qui va se passer aujourd'hui, je ne sais pas, et ça va être canon. Et il va m'arriver des choses, je vais avoir des appels, je vais avoir des rencontres, et puis je te rends hommage, je ne savais pas du tout en commençant cette interview de quoi on avait parlé. Je me rends compte que ça me rappelle plein de souvenirs, j'ai eu des expériences très diverses, et donc... Ça m'a donné envie de parler de ceci, de cela. On est parti un peu à bâton rompu. C'est l'enjeu de ce podcast. Avant de commencer cette interview, j'ai eu la chance de donner beaucoup d'interviews quand j'étais chez Comtesse du Barry. La télé, la radio, etc. J'étais toujours stressé parce que l'enjeu, c'était de faire apparaître l'entreprise comme désirable, etc. En plus, on était sur un sujet avec le foie gras qui était assez tendu. Le gavage, la maltraitance animale, tous ces sujets-là qu'on était briefés comme pas possible sur les mots à employer. Et donc là, avant cette interview, je me disais, de quoi on va parler ? Ça va être super, ça va être sympa, et donc ça m'enrichit, et je me nourris énormément des autres. Je suis ce qu'on appelle une personnalité extravertie, donc je puise mon énergie des rencontres, des gens que j'ai autour de moi. Il y a des gens qui puisent leur énergie en disant, j'ai besoin d'être une demi-journée chez moi, à rien faire, à réfléchir, etc. Je suis aussi capable de faire ça de temps en temps, mais ça ne me manque pas. Alors que je m'enrichis beaucoup des rencontres que je fais.
- Speaker #1
C'est quoi ton objectif final ? Quand est-ce que tu te dis, ça y est, j'ai fini le jeu vidéo, ça y est, j'ai fait le boss final ?
- Speaker #0
Alors, je ne sais pas. Quand j'avais 25 ans, j'ai rencontré une dame gestionnaire de patrimoine et je lui dis, je ne savais pas du tout comment gérer mon salaire à l'époque. Encore une fois, je gagnais 3 francs 6 sous et je disais à la dame, est-ce qu'il faut mettre de côté pour la retraite ? Est-ce qu'il faut mettre de... Voilà, donc je ne savais pas du tout quoi faire. Et elle m'a dit, mais monsieur, des gens comme vous, ça ne s'arrête jamais. Je dis, pardon ? Elle me dit, non, non, mais vous verrez. À 60 et quelques années, vous ne vous arrêterez pas. Elle me dit, vous ne serez peut-être plus salarié, vous ne serez peut-être plus patron de boîte, vous ne serez peut-être plus... Enfin, moi, j'avais 25 ans, donc j'avais écouté. Elle me dit, mais... Donc, mettre de côté pour la retraite, ça n'a pas vraiment de sens en fait, parce que vous allez continuer votre activité et tout. Ce que j'aimerais aujourd'hui, je suis depuis seulement un mois dans le réseau Entreprendre qui accompagne des entrepreneurs, puisque ce réseau qui est magnifique est fondé sur un principe qui s'appelle la réciprocité. Et donc, je pense me nourrir dans les années à venir. Après Banquise, je ne sais pas ce que je ferai, mais il y aura une partie transmission aide. Je reprends mon exemple de tout à l'heure, from 50 to 60, de 50 ans à 60 ans, transmettre, accompagner des jeunes entrepreneurs, accompagner des business models, etc. J'adore, j'adore travailler sur les business de boîte. Tiens, d'ailleurs, j'en profite pour glisser qu'il y a un mouvement qui est exceptionnel aussi en France qui s'appelle EPA, Entreprendre pour Apprendre, qui est méconnu, mais qui est quand même dans toute la France. C'est un concours de création d'entreprise pour des troisièmes et des terminales. Et donc, les professeurs prennent ce challenge. et vont créer une boîte, donc une vraie boîte. Il y a 500 euros de capital qui est passé par l'association. Donc, c'est tout petit. Ils ont tous des parts à 10 euros dans la classe. Ils nomment le directeur général, ils nomment le DAF. C'est vraiment marrant. Et ça génère des vocations dans l'entrepreneuriat. Donc, en tout cas, ce type de mission ou ce type d'association, je me vois bien aidé dans ce type d'initiative.
- Speaker #1
Dernière question, qui m'a été suggérée par ma femme que j'aime beaucoup. Est-ce que tu pouvais parler au Jérôme d'il y a trois ans ? qui justement a cherché le regard rassurant de quelqu'un autour de la table de salle de réunion avant de cliquer. Qu'est-ce que tu lui dirais ?
- Speaker #0
On n'a qu'une vie. Elle est chouette cette question. On ne sait jamais de quoi est fait demain. Je pense que je n'avais pas besoin d'entendre à l'époque, en tout cas, quelque chose comme ça va bien se passer. t'inquiète pas, dans trois ans, la boîte sera encore en vie, etc. Parce que ça fait partie du fun aussi de ne pas savoir, de partir un peu dans l'inconnu. Donc je pense que si aujourd'hui, quelqu'un me disait, le Jérôme de dans trois ans, pour prendre le contre-pied, me disait, t'as vu, c'est super, ça marche encore, etc. Bon, je lui dis, mais alors qu'est-ce que je vais m'ennuyer pendant trois ans, si je sais que dans trois ans, on sera encore là et que ça marche, etc. Donc voilà, je préfère à l'inconnu de se dire qu'est-ce qui peut se passer. Et je le répète pour que... L'optimisme qui me caractérise se transmette à ceux qui nous écoutent. Vraiment, on pense toujours à ce qui peut mal se passer, mais il y a aussi plein de choses qui peuvent bien se passer. Et l'exemple tout à l'heure que je vous donnais du patron dont le concurrent a fait faillite et qui a récupéré fois deux de chier d'affaires, etc. Je me dis, pendant les trois ans qui viennent, il va forcément se passer des choses bien aussi. Lesquelles, je ne sais pas. On va bien voir. Ça va être sympa.
- Speaker #1
Merci beaucoup,
- Speaker #0
Jérôme. Merci beaucoup de m'avoir écouté.
- Speaker #1
Merci encore à Entrepreneur et Finance et à Rémi de nous avoir mis en relation. et du coup on se revoit dans alors la règle moi c'est un an après les opérations minimum donc si dans 12 mois tu lances ton changement de paradigme ça je pourrais en parler dans 24 mois on pourra s'en parler mais il peut se passer des choses en 12 mois aussi merci beaucoup Jérôme un grand merci à vous de nous avoir écouté jusqu'ici encore une fois merci aux partenaires de cette émission conseil finance et transmission pour son soutien si cet épisode vous a plu pensez à vous abonner, à laisser une note et surtout à partager ce podcast autour de vous. Votre soutien nous aide énormément à continuer d'explorer ces histoires fascinantes d'entrepreneurs. Si vous avez des questions, des suggestions ou des thèmes que vous souhaitez aborder pour les prochains épisodes, n'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn ou par e-mail. J'adore l'idée que ce podcast puisse être collaboratif dans sa ligne éditoriale.