Speaker #0Bienvenue dans les minutes du crime, une série d'épisodes hebdomadaires qui font partie du podcast contre-enquête. Aujourd'hui, nous allons nous plonger dans l'affaire tragique et très emblématique d'Emmett Till, un adolescent afro-américain dont le meurtre en 1955 a profondément marqué l'histoire des droits civiques aux Etats-Unis. Nous allons découvrir comment cet événement tragique a galvanisé le mouvement pour les droits civiques et les changements sociétaux qui en ont découlé. En explorant les détails de cette affaire, nous allons mettre en lumière les profondes injustices de l'époque et les répercussions durables de ce crime sur la société américaine. En août 1955, Emmett Till, âgé de 14 ans, quitte Chicago pour rendre visite à sa famille dans le Mississippi. Le sud des États-Unis est alors marqué par une ségrégation raciale rigide et une tension sociale exacerbée. Les lois Jim Crow sont en vigueur et elles imposent une stricte séparation entre les blancs et les noirs dans tous les aspects de la vie quotidienne. La Cour suprême vient justement à l'époque de statuer contre la ségrégation dans les écoles publiques, ce qui a accru des tensions dans la région. Le Mississippi en particulier est connu pour être un foyer de résistance acharné contre les avancées des droits civiques. Les lynchages, les violences raciales sont courantes et plus de 500 afro-américains ont été lynchés dans l'État depuis 1882. C'est dans ce contexte de racisme institutionnalisé et de violences omniprésentes que se déroule la tragique histoire d'Emett Till. En 1955, les Afro-Américains du Sud vivent donc sous une constante menace de violence. La peur, la méfiance sont omniprésentes, les relations interraciales étant régies par une hiérarchie rigide et oppressante. Emmett Till, qui est né le 25 juillet 1941 à Chicago, n'était pas préparé à ses coutumes du Sud malgré les avertissements de sa mère. Le contraste entre sa vie à Chicago, où la ségrégation raciale était moins prononcée, et celle du Mississippi est absolument frappant. Et ce voyage dans le Sud, destiné à être une simple visite familiale, va se transformer en un cauchemar absolu. Le 24 août 1955, Emmett Till entre dans une épicerie à Monet, dans le Mississippi, où Caroline Bryant, une femme blanche, est occupée à travailler seule. Selon elle, Till lui aurait fait des propositions indécentes, bien que cette version soit contredite par d'autres témoignages qui indiquent qu'il a simplement sifflé en quittant le magasin. Quatre jours après cet incident, Roy Bryant, le mari de Caroline et son demi-frère J.W. Millam vont enlever Emmett Till dans la maison de son oncle. Le malheureux adolescent est ensuite brutalement torturé, puis tué. Son corps mutilé sera retrouvé dans la rivière Tallahatchie le 31 août 1955 et il ne sera identifiable que grâce à une bague portant ses initiales. Le corps repêché est ensuite renvoyé à Chicago pour des funérailles publiques. La mère d'Emme Tille insiste alors pour que l'enterrement de son fils se fasse cercueil ouvert, exposant au monde entier l'horreur de ce crime raciste. Ces funérailles avec un cercueil ouvert vont créer une véritable honte de choc, attirant une couverture médiatique nationale et internationale. Des milliers de personnes défilent pour voir le corps mutilé de Till et les photographies publiées dans les journaux provoquent une indignation massive. Cet acte de courage de la mère de Emmett a exposé au monde la brutalité du racisme américain. L'image du visage défiguré d'Emmet devient un symbole puissant de la lutte pour les droits civiques, touchant profondément l'opinion publique et galvanisant les efforts pour la justice raciale. Dans le même temps, l'enquête sur la mort du jeune garçon est entachée de partialité. Le procès des assassins Demet-Till, Roy Bryant et G.W. Milam commence le 19 septembre 1955 dans le comté de Tallahatchie. L'accusation y présente des preuves accablantes, y compris des témoignages oculaires, mais le jury, composé exclusivement de blancs, acquitte rapidement les deux hommes après 67 minutes de délibération. Cet acquittement suscite évidemment une indignation encore plus forte et loin de se faire discret. Après le procès, dans un article paru en 1956, G.W. Milam et son demi-frère Roy Bryant affirment avoir tué Emmett Till sans crainte de poursuite, grâce à ce qu'on appelle le double jeopardy clause, une loi américaine qui empêche un accusé d'être jugé deux fois pour le même crime. Milam explique qu'ils avaient l'intention d'effrayer Till en le frappant, puis en le menaçant de le jeter d'une falaise. Mais il affirme qu'Emmett n'a pas semblé avoir eu peur, ce qui les a poussés à intensifier leur violence. Un an plus tard, le magazine rapporte que les deux hommes, boycottés par leur clientèle noire, ont dû fermer leur magasin. Milam est mort d'un cancer en 1981 et Bryant est mort en 1990. Mamie Thiel Mobley, la mère d'Emmet, est décédée à l'âge de 81 ans en 2003, l'année où son autobiographie est publiée. En 1996, le réalisateur Kate Beauchamp reprend l'enquête pour un projet de film et découvre que 14 individus pourraient avoir été impliqués dans le meurtre d'Emmett Till. Son documentaire The Untold Story of Emmett Louis Till amène alors la justice américaine à réouvrir le dossier. Le 10 mai 2004, le ministère de la Justice annonce la réouverture de l'affaire pour déterminer si oui ou non d'autres personnes pouvaient être impliquées. Le corps d'Emmet est alors exhumé le 31 mai 2005 avec des vérifications d'ADN pour confirmer son identité et éventuellement identifier d'autres suspects potentiels. En 2017, l'historien Timothy Tyson publie The Blood of Emmett Till, révélant que Caroline Bryant, celle qui a raconté avoir été agressée dans le magasin, avait menti lors de son témoignage initial et avait finalement reconnu que Emmett ne lui avait jamais fait de proposition indécente. Cette confession a conforté les autorités fédérales dans l'idée de poursuivre l'enquête. Bryant a admis que Till ne l'avait jamais attrapé par la taille, ni fait d'avance explicite, contredisant ainsi son témoignage devant le jury à l'époque. Malgré cela, aucune personne n'a à nouveau été accusée, ni même condamnée dans ce dossier. L'affaire Emmett Till reste un rappel poignant de la brutalité de la ségrégation raciale aux États-Unis dans les années 50. La violence infligée à ce jeune garçon a déclenché une réaction en chaîne qui a contribué à l'émergence du mouvement des droits civiques, modifiant à jamais le paysage social et politique des États-Unis. Des décennies après le meurtre d'Emme Tille, son histoire continue d'influencer la culture et la société américaine. En 2022, le président Joe Biden a signé la loi Emmett Till qui fait du lynchage un crime fédéral, soulignant ainsi l'importance durable de cette affaire. Le passage de cette loi a été salué comme une victoire longuement attendue par les défenseurs des droits civiques après plus de 200 tentatives échouées au cours des 120 dernières années pour faire du lynchage un crime fédéral. Emmett Till reste une figure emblématique dans les œuvres d'art, les films, la musique et la littérature, témoignant de l'impact profond de son histoire sur la mémoire collective. Cet épisode est maintenant terminé, mais avant de vous laisser, je voudrais vous faire une recommandation. Si vous aimez Contre-Enquête, alors je suis sûr que vous aimerez le podcast Crimes Oubliées de Camille Debreuil. Chaque vendredi, vous plongerez dans l'histoire avec un grand H et explorerez avec elle des crimes oubliés, des affaires criminelles méconnues, avant même l'avènement de l'ADN et des nouvelles technologies. Dans Crimes oubliés, découvrez avec Camille Debreuil les secrets enfouis depuis des centaines d'années dans les archives. Pour les passionnés de crimes et d'histoire, ne manquez pas ce rendez-vous incontournable. Vous trouverez le lien vers ce podcast dans la description de cet épisode. Bonne écoute.
