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AURÉLIE JEAN : "LES ORDINATEURS SIMULENT !" cover
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Conversations chez Lapérouse

AURÉLIE JEAN : "LES ORDINATEURS SIMULENT !"

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45min |06/12/2024
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45min |06/12/2024
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Description

Drague sur internet, sexe virtuel, rencontres IRL et amour impossible : enfin une conversation légère sur ces sujets graves. Une heure de badinage avec Aurélie Jean, pour "Le code à changé" (Éditions de l'Observatoire)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde et bienvenue dans Conversations chez La Pérouse, une émission intégralement préparée par l'animateur, ce qui est rare. L'animateur, c'est moi en fait. C'est Frédéric Beigbeder. Avec cette semaine,

  • Speaker #1

    Aurélie Jean.

  • Speaker #0

    Pour son livre,

  • Speaker #1

    Le Code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes.

  • Speaker #0

    Chez quel éditeur ?

  • Speaker #1

    L'Observatoire.

  • Speaker #0

    Vous avez été formidable sur ce générique. Merci beaucoup Aurélie. On va passer à la conversation elle-même. Mais juste avant de commencer la conversation, cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Chaque semaine, je fais la petite pub d'un livre et il se trouve, c'est un hasard complet, que cette semaine, je fais la publicité de La Vie des Spectres de Patrice Jean, publié au Cherche Midi. Et je voulais savoir, est-ce que Patrice Jean est le cousin d'Aurélie Jean, mon invitée ?

  • Speaker #1

    Malheureusement, non pour lui.

  • Speaker #0

    Aucun lien de parenté. Vous avez déjà lu un livre de Patrice Jean ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'avais lu celui pour lequel il avait eu le prix L, je crois. Oui, c'était il y a un petit moment déjà.

  • Speaker #0

    C'est un grand romancier. Donc moi, j'en dis... J'ai pas de mal à en dire du bien parce que j'ai toujours aimé ce qu'il faisait. Mais là, le dernier en plus, j'ai voté pour lui dans un prix qui s'appelle le prix Maison Rouge. Et il l'a obtenu cette année. C'est vraiment un grand romancier. satirique, balsacien, qui fait des livres se moquant de l'époque. Et la vie des spectres, c'est la vie d'un journaliste de journal de province qui bascule en enfer pour des histoires de wokisme, des histoires de censure, de cancel culture et tout. Et puis, c'est surtout, comme d'habitude, extrêmement drôle. Et je vais vous lire ce que dit Alice Ferney. Comme ça, ce n'est pas seulement mon opinion. Elle dit, on évoque Balzac, Stendhal et Flaubert. Pour une fois, l'élogieuse filiation n'est pas usurpée. Il faut le lire pour le croire. Donc, lisez La vie des spectres de Patrice Jean aux éditions du Cherche-Midi. Même si ce n'est pas de la famille d'Aurélie Jean. Bonsoir Aurélie, merci infiniment d'avoir accepté de venir passer presque une heure en ma compagnie. Vous êtes docteur en sciences, vous avez fait l'ENS, les mines, le MIT, vous êtes couverte de diplômes. Et j'ai entendu que vous étiez spécialiste en modélisation algorithmique. Qu'est-ce donc que cela ?

  • Speaker #1

    Alors ce mot qui paraît un peu étrange et qui est devenu malheureusement un buzzword, donc l'algorithmique c'est un algorithme, c'est une entité mathématique et numérique qui est en fait comme un modèle numérique mathématique de différents types qui permet lorsqu'il est implémenté dans un code de calcul et qui tourne automatiquement sur l'ordinateur de répondre à une question, de résoudre un problème, d'effectuer une tâche. Et on en utilise tous les jours, on entend souvent le mot intelligence artificielle qui est un mot que j'évite pour ma part s'il crée de la confusion sur son sens. Mais en pratique, en fait, on développe, on calibre, on entraîne un algorithme sur des jeux de données dans l'objectif de réaliser une tâche.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ceux qui ont compris ce que vient de dire Aurélie Jean, levez la main. Moi, je ne lève pas la main, mais c'est intéressant. Vous avez été détectée surdouée à 6 ans. C'est vrai,

  • Speaker #1

    ça ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, vous êtes très tôt intéressée aux mathématiques.

  • Speaker #1

    Alors c'est très drôle parce que j'ai dit ça une fois en interview et me ressort souvent ça et ça me met un peu mal à l'aise mais j'entends pourquoi les gens m'en parlent. Oui en fait j'ai été détectée à l'âge de 6 ans mais je ne l'ai su qu'à 33 ans.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Oui parce qu'en fait j'ai été retestée à 33 ans dans un tout autre contexte et quand j'en ai parlé à ma grand-mère elle m'a dit bah oui on t'avait aussi testée à l'âge de 6 ans, on avait vu ça mais ils ne me l'avaient pas dit en fait. Donc oui j'ai toujours été assez attirée par les sciences en général puisque comme je dis souvent les sciences c'est le meilleur ascenseur social. Et j'en ai pu profiter moi-même, venant plutôt de classe moyenne. Et mon grand-père, en fait, avait une culture scientifique. En tout cas, il avait la culture de la curiosité qui m'a transmis en m'encourageant à m'interroger sur les choses qui m'entourent. Et donc, très vite, je savais que je voulais faire des sciences. Ça me rassurait aussi, puisque ça me paraissait objectif. Un problème de maths ou de géométrie, d'algèbre, était objectif à mes yeux, alors qu'une expression écrite, une rédaction, me paraissait déjà plus subjectif.

  • Speaker #0

    Oui, ce qui est amusant dans votre cas et dans l'époque, C'est que pendant longtemps, on se disait, les mathématiques, on ne sait pas très bien à quoi ça sert. Et aujourd'hui, on est dans une époque intégralement dominée par les datas, les analyses, les équations. Tout ça est très présent dans nos vies, même si on ne s'en rend pas forcément compte, avec les réseaux sociaux et avec toute cette technologie. Et d'où le sujet de votre livre, Le Code a changé, sous-titré Amour et sexualité au temps des algorithmes. Bon, en clair, on va parler de cul pendant une heure.

  • Speaker #1

    Et de sentiments. Ah, ouf !

  • Speaker #0

    Mais sérieusement, c'est vrai que vous trouvez ça triste ou joyeux que la science et les mathématiques soient devenues importantes, y compris dans notre vie amoureuse ?

  • Speaker #1

    Alors... La science a toujours fait partie de nos vies amoureuses, puisqu'on a toujours essayé de mathématiser l'amour depuis toute l'histoire de l'humanité. Premièrement parce que l'amour est l'un des plus vieux sujets de l'humanité, et aussi parce que l'humain a toujours cherché, dans son histoire, à maîtriser sa destinée et à comprendre des choses qui étaient de l'ordre de l'incertitude. L'amour en fait partie. Donc on a toujours essayé de maîtriser l'amour, de comprendre la relation de cause à effet, jusqu'à le mathématiser et l'algorithmiser aujourd'hui à travers les outils qu'on utilise.

  • Speaker #0

    Je pensais que j'étais le premier avec l'amour dure trois ans.

  • Speaker #1

    Eh non !

  • Speaker #0

    Mais non, il y avait des gens avant moi.

  • Speaker #1

    Et donc c'est vrai que, est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? La bonne nouvelle, c'est qu'on comprend de plus en plus de choses, que l'on va expérimenter des choses en temps réel, sur des données constituant le comportement de gens à grande échelle, sur l'amour, les sentiments, les relations et autres. La bonne nouvelle, c'est qu'on est capable de rencontrer des gens qu'on n'aurait jamais rencontrés auparavant. La moins bonne nouvelle, pour ne pas dire mauvaise, c'est toutes les dérives qu'il peut y avoir, qui sont liées non pas aux algorithmes eux-mêmes, mais à la manière dont on les a conçus, et qui vont orienter nos comportements. jusqu'à créer ce que j'appelle dans le livre des nouvelles intermédiations sociales et qui va orienter nos comportements vis-à-vis de l'amour, vis-à-vis de l'autre, l'amour de soi, l'amour de l'autre, et le rapport qu'on a en fait dans ce monde virtuel à travers tous les outils qu'on utilise pour communiquer, se découvrir, se plaire, se désirer, faire l'amour, enfin et autres, et rompre aussi et se tromper. Et c'est l'effet sur le monde organique qui est le nôtre aujourd'hui à la Pérouse et comment on se comporte les uns les autres.

  • Speaker #0

    Vous allez un petit peu trop vite, parce que d'abord je voudrais revenir à ce constat qui est... selon moi effrayant, 60% des rencontres se font via Internet aujourd'hui, ce qui est une révolution sociétale énorme. En fait, les gens ne comptent plus sur la réalité. Ça, c'est très nouveau. Ils ne comptent même plus sur le hasard pour les rencontres. En majorité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, disons que c'est très récent. Et ça a augmenté avec le Covid, puisqu'en fait, on n'a plus la possibilité de se rencontrer en vrai et rencontrer des gens. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que... Très vite, plus ou moins vite, les gens ensuite se découvrent dans le vrai monde après avoir fait une rencontre en virtuel. Parfois les gens commencent à communiquer dans ce monde virtuel à travers les réseaux sociaux, les messageries instantanées, mais en s'étant déjà rencontrés dans le monde réel, dans un tout autre contexte. Mais cette fois-ci en échangeant d'abord dans le monde virtuel. Donc ça a plusieurs contextes. Une chose est certaine, c'est que, c'est ce que je dis toujours, c'est que la bonne nouvelle, c'est que dès qu'on met un outil dans les mains des êtres humains, ils l'utilisent à un moment donné.

  • Speaker #0

    Ça c'est ce qui clé.

  • Speaker #1

    Pour l'amour, les sentiments, le sexe, et c'est ça qui est intéressant aussi à observer.

  • Speaker #0

    Je me souviens d'ailleurs, quand le Minitel avait été inventé, cet immense succès de la France, le Minitel servait principalement à écrire des messages pornographiques ou à fantasmer sur des personnes qui n'étaient d'ailleurs même pas des femmes. Quelquefois, c'était des hommes qui écrivaient à des hommes, en se faisant passer pour une femme.

  • Speaker #1

    Voilà, donc c'est intéressant de voir, dès qu'on a un outil entre les mains des gens, les gens l'utilisent aussi à des fins de... de relations de découverte, voilà. Et est-ce que c'est une bonne ou mauvaise nouvelle ? Moi je suis très libérale progressiste, donc je pars du principe que les gens font ce qu'ils veulent, donc ils font de mal à personne. Cela étant dit, je souhaite que les gens puissent se responsabiliser individuellement et collectivement, et pour ça il faut qu'ils comprennent ce que ces outils font, ce qu'ils ne font jamais pour eux, ce qu'apporte la relation en personne, en vrai, et ce qu'elle n'apportera jamais dans le monde virtuel, et tous les défauts du virtuel. Alors avec entre autres, j'en parle, j'ai tout un chapitre sur la cristallisation, c'est un des algorithmes.

  • Speaker #0

    quand même un fait social nouveau et je trouve ça bizarre que les gens n'aient pas le courage finalement de vivre dans la vraie vie. Ils préfèrent choisir sur catalogue, swiper des visages et fixer des critères avant de rencontrer quelqu'un. Tout ça, c'est hallucinant, je trouve.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est un manque de courage ou c'est peut-être une peur. Je pense plus qu'un manque de courage, une peur. C'est-à-dire qu'on... C'est-à-dire qu'on a l'impression, je dis bien, on a l'impression que c'est plus simple quand on est sur une application et qu'on va swiper à droite ou à gauche pour retenir ou rejeter un profil. On a l'impression que c'est plus simple. En réalité, de toute part, vous avez le paradoxe du choix. C'est-à-dire que plus vous avez de possibilités, moins vous avez le choix, parce que vous passez plus de temps à observer ces possibilités qu'à véritablement faire un choix.

  • Speaker #0

    C'est terrifiant de choisir quelqu'un. Et c'est comme si on refusait l'idée de destin aussi. Moi, je sais que quand je rencontre des amoureux...

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Quand je rencontre des amoureux, j'aime bien leur dire racontez-moi votre rencontre Si le récit, c'est on s'est rencontrés sur Twitter c'est moins romantique.

  • Speaker #1

    Et par ailleurs, il y a une chose qu'on oublie, c'est que vous avez parlé de critères. À partir du moment où vous définissez les critères explicites, vous verbalisez ce que vous recherchez, vous biaisez déjà la rencontre. Puisque moi, je pense que, contrairement à l'idée reçue... un être aimé ne se cherche pas sur catalogue et qu'en réalité, à partir du moment où vous explicitez ce que vous voulez, vous biaisez le jeu, puisqu'en réalité, on trouve souvent des gens dont on n'aurait pas spécifié sur papier les critères, mais qui nous rendent heureux.

  • Speaker #0

    C'est la première phrase, je crois que vous la citez d'ailleurs, d'Aurélien d'Aragon, la première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Évidemment qu'elle est ou Proust, une fille qui n'était pas son genre. C'est-à-dire que si on s'interdit... D'être attiré malgré soi par quelqu'un dont on pense qu'il n'est pas pour nous, c'est la fin de la curiosité humaine.

  • Speaker #1

    C'est la fin de l'amour. Et par ailleurs, je le dis aussi, c'est-à-dire que ces applications, en réalité, elles ne sont pas faites pour rencontrer le grand amour. Sinon, elle mettrait la clé sous la porte. Tout le monde rencontrera son grand amour en une fois, en un clic. Ce sont bien plus des applications pour avoir des aventures, des soirs sans lendemain et autres. Ça ne veut pas dire qu'on ne connaît pas des gens qui se sont rencontrés avec ces applications, qui se sont mariés. Mais ça ne doit pas devenir un biais de confirmation sur l'efficacité apparente de ces applications.

  • Speaker #0

    Vous avez alors, ce qui est intéressant dans Le Code a changé, c'est aussi que vous personnalisez les choses. C'est un ouvrage où il y a un peu d'autobiographie aussi. Ça commence par votre déménagement à New York en 2016, après 11 années de couple. Et là, c'est là où vous dites Le Code a changé. Les gens, d'abord aux États-Unis, ne se rencontrent pas comme les Français. Il y a ce système de date. Et puis en plus des dates, il y a les datas. les deux donc ça c'est vous vous découvrez à ce moment-là Tinder,

  • Speaker #1

    Meetic Instagram et tout ça et puis je réalise ce que vous dites vous c'est-à-dire le monde virtuel ou même lorsque je rencontrais quelqu'un à une soirée le jeune homme en question je dis jeune homme parce que moi je suis hétérosexuel donc je n'ai pas des hommes le jeune homme en question me disait est-ce que tu as un Instagram ? je dis mais pourquoi il y a mon Instagram ? on peut se revoir et en fait les gens ont ce besoin de revenir dans ce monde virtuel pour se découvrir

  • Speaker #0

    Ils veulent vous espionner, savoir ce que vous êtes.

  • Speaker #1

    Voilà, on va dire espionner, moi je dirais découvrir. Mais le problème, c'est que ce que vous découvrez sur ces réseaux, c'est une image que vous entretenez de vous-même et pas vous-même. D'où la cristallisation violente et la décristallisation qui en suit.

  • Speaker #0

    Oui, et puis d'ailleurs même, il arrive fréquemment de pouvoir être attiré par un profil en photo. Et puis très très déçu quand on le rencontre en vrai. c'est le même systématique quasiment moi-même je le dis,

  • Speaker #1

    j'ai été sur ces applications j'en suis revenue bien sûr parce que franchement au départ c'était vraiment pour une expérience et j'ai trouvé que c'était horrible et je me suis vue moi-même de perdre mon humanité parce que j'avais d'une part un comportement mécanique à swiper à droite ou à gauche certains profils à être mécanique, à juger sur une apparence stricte et à commencer à stigmatiser certains physiques que je n'aurais jamais stigmatisé dans le monde réel

  • Speaker #0

    C'est très effrayant, parce que finalement,

  • Speaker #1

    ça déshumanise le rapport.

  • Speaker #0

    Ça rend même, par exemple, si quelqu'un est trop gros ou trop moche, c'est du racisme. Exact.

  • Speaker #1

    En fait, il y a une discrimination violente, et d'ailleurs, les études l'ont démontré, que je sais, dans le livre, qui a montré qu'il y avait une discrimination raciale, une discrimination aussi sur le physique, le poids. Et moi, je le dis moi-même, j'ai passé 11 ans avec un homme en surpoids, il était magnifique, j'étais très amoureuse. Et pourtant, je n'ai jamais swipé à droite un homme en surpoids sur ses applications. Et c'est pour moi symptomatique de la cruauté qu'elle révèle chez nous.

  • Speaker #0

    Cela dit, vous lui avez quand même dit je te quitte car je t'aime encore Ça, c'est moche.

  • Speaker #1

    C'est la plus belle phrase qu'on peut dire en rupture. Non, parce que justement, je pense que les gens attendent trop tard pour rompre et attendent de se désaimer, voire de se haïr. Or, si on analyse les choses, on sait en général qu'on ne va plus. Vous savez, l'amour-passion n'existe pas pendant 11 ans. On a un amour-passion et puis après on tend, vous le savez très bien, vous avez écrit la fiche d'amour, et en fait après on tend vers un autre type d'amour, on s'aime, on a une sorte de compagnonnage aussi. Mais le compagnonnage ça veut aussi dire aller dans la même direction et avoir les mêmes envies, les mêmes projets. Et on avait plus ces mêmes envies et ces mêmes projets. Et donc au lieu d'attendre de détériorer la relation, j'ai préféré, je lui ai dit, voilà je te quitte parce que je t'aime encore.

  • Speaker #0

    Mais je trouve que oui, c'est une très belle phrase, et en même temps, pour celui qui se fait larguer, c'est cruel parce qu'il se dit, ben même... encore, pourquoi elle me largue ? C'est compliqué à accepter. Je pense que c'est une jolie phrase qui doit être douloureuse à entendre.

  • Speaker #1

    J'entends. Oui, elle a été douloureuse. Mais c'est tout aussi douloureux pour la personne qui quitte, pareil. Oui,

  • Speaker #0

    alors ça, c'est très juste. D'ailleurs, on n'en parle jamais de ça. Benjamin Constant, dans Adolphe, il parle beaucoup de la souffrance de celui qui s'en va et qui est responsable de la rupture. Donc, il doit endosser cette... Cette charge de se dire...

  • Speaker #1

    Cette culpabilité.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et ça, on n'en parle jamais, puisque personne ne va consoler un type qui a largué sa femme.

  • Speaker #1

    Et je trouve que c'est simplifier l'acte, alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça aussi, de partir.

  • Speaker #0

    Bon, les dates aux Etats-Unis, parlons-en un peu, c'est très codé, pour le coup. Alors, pour le coup,

  • Speaker #1

    ça arrive en France. Alors, peut-être pas dans nos générations, mais...

  • Speaker #0

    Expliquez-moi ce que font les jeunes. Alors je ne sais pas ce que vous voulez dire. Il y a un premier rendez-vous.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, aux États-Unis, c'est très strict. En France, on commence à codifier les choses. Mais aux États-Unis, typiquement, il y a des règles. Il y a une première date où vous prenez un café. Deuxième date. Alors je ne connais plus les règles.

  • Speaker #0

    Et à quel moment il y a un bisou ?

  • Speaker #1

    Le bisou, il n'arrive pas à la première date. Il arrive peut-être à la deuxième. Il y a des choses, c'est complètement orchestré. Et en fait, un point positif, c'est qu'on sait où on va. C'est un point négatif, en tout cas pour moi, française, qui a été élevée en France, dans un pays latin, avec plein de belles choses aussi liées de la séduction, du flirt. C'est qu'il n'y a pas beaucoup de flirt. Il n'y a pas beaucoup de séduction à la française. Mais en même temps, séduire, c'est dorer, c'est pousser à la faute. Donc c'est bien, c'est mal. Il y a plein de choses à dire autour de ça aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, bien sûr. D'ailleurs, le mouvement MeToo un peu remet en question cette idée de galanterie, de zone grise, de séduction.

  • Speaker #1

    Et il remet à sa place, en fait, des choses qui étaient de l'ordre de l'ambiguïté, qui n'étaient pourtant pas acceptables, mais plutôt en avant des choses qui le sont, et qui sont pour moi de la vraie séduction.

  • Speaker #0

    Donc, c'est-à-dire de dialoguer sur le consentement,

  • Speaker #1

    par exemple ? C'est vite.

  • Speaker #0

    Ça, les Américains le font plus que les Français,

  • Speaker #1

    je pense. Le simple fait, quand une femme vous dit non, c'est clairement un non. Lorsqu'un homme, moi j'ai eu ça, des hommes qui... poussait un peu et je disais que je n'étais pas intéressée mais je ne disais pas comme ça. Avec un petit peu d'intelligence pratique, on comprenait que ce n'était pas possible en fait. Et voilà, c'est des choses où il faut avoir un peu plus d'intelligence émotionnelle et d'intelligence pratique. Et je pense que le mouvement MeToo, comme toutes les évolutions, a permis de recadrer certaines choses et de donner à chacun la responsabilité individuelle et de ce fait collectif des comportements, des agissements et des responsabilités qu'on a les uns envers les autres.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je précise, votre livre ne parle pas énormément de cette révolution-là, mais en même temps, c'est aussi un changement de code.

  • Speaker #1

    C'est un changement de code. Vous savez, moi, je vais vous dire une chose. Moi, quand un homme me dit, c'est pas facile pour nous aujourd'hui, je dis, bon, quand même, c'est pas si difficile que ça. Et par ailleurs, moi, je vais dire, un homme qui est intéressé par une femme et il ne sait pas comment la draguer parce qu'il est paumé, il a le droit d'être paumé. Moi, je dis à l'homme, dis à cette fille qu'elle te plaît. Et vous savez quoi ? Si la femme n'est pas intéressée, elle n'ira jamais l'envoyer bouler. Elle sera même respectueuse de son courage et du fait qu'il lui ait dit tu m'intéresses. Et elle lui dira éventuellement, non, tu ne m'intéresses pas ou tu m'intéresses aussi. Mais en tout cas, il n'y aura pas de violence symbolique dans les échanges. Je dis toujours aux hommes, si tu as une question à poser, il faut la poser. Si tu as un doute, tu le dis. Si la fille t'intéresse, tu ne sais pas comment faire, tu as le droit de lui dire. Je crois que c'est un progrès,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai qu'il n'y aura plus ce mystère. qui était aussi une sorte d'art de vivre français.

  • Speaker #1

    Si, moi, je pense que ça peut exister. Mais une fois qu'on est sorti de ce premier pas d'ambiguïté, où on a compris qu'on se plaisait l'un l'autre, mais on n'a pas encore fait le premier pas complètement, mais on a compris qu'il y avait un intérêt l'un envers l'autre. Et là, on peut rentrer dans un jeu de séduction.

  • Speaker #0

    Là, on peut garder quand même le petit mystère pendant quelques jours, voire semaines, voire mois, voire années, voire une vie.

  • Speaker #1

    Voire une vie, oh là là !

  • Speaker #0

    Alors... Vous dénoncez plusieurs dérives de ce phénomène, comment on peut dire, les algorithmes au service de l'amour. Et un des phénomènes, c'est que les algorithmes nous font rencontrer des gens qui nous ressemblent. Ça, c'est quand même un enfermement. D'ailleurs, Pierre Bourdieu dénonçait le déterminisme social. Et vous, vous parlez d'un déterminisme algorithmique.

  • Speaker #1

    En fait, c'est ça qui est intéressant, c'est que si on regarde le travail de Bourdieu sur la distinction et les défis. dont c'est tiré ce que vous venez de dire, à savoir que même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale, quel est notre capital social, culturel et économique, en fait, il y a des signes distinctifs, explicites ou plus ambigus, nous concernant, et qui fait qu'on se reconnaît les uns les autres et qu'on irait tendre vers des personnes qui ont le même capital social, économique et culturel. En fait, les algorithmes, et en particulier les applications de rencontre, démontrent à grande échelle et hors sondage, c'est-à-dire sur des populations qui ne savent pas qu'elles sont observées, contrairement aux sondages et aux enquêtes que Bourdieu a faits qui lui ont permis... de démontrer, même certains remettent en question sa démonstration, moi j'adhère complètement, ces applications de rencontre ont démontré par les résultats des matchs, des correspondances entre les personnes, qu'en fait, même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale on est, on ne donne pas notre université, on ne met pas quel est notre salaire, où est-ce qu'on habite, on ne donne pas tout ça, ni même notre nom de famille, pour autant, dans la majorité écrasante des applications, pour autant, on remarque que les gens se remettent ensemble par... capital, social, économique, culturel similaires. Et donc ça voudrait dire quelque part, et c'est ce que j'explique, c'est que les algorithmes de matching, de correspondance seraient capables, et c'est pas eux qui sont capables, c'est nous en fait on a des signes distinctifs et on va vers des gens qui nous ressemblent et que les algorithmes sont entraînés sur ces comportements de notre part où on va liker, swiper à droite ou swiper à gauche, et que nous on serait capable de voir des signes de l'ordre du signal faible en fait, des choses implicites mais que voilà qui nous... Donc ça quelque part ça ça démontrerait. En fait, la théorie de la distinction.

  • Speaker #0

    Et est-ce que vous pensez que les algorithmes tuent ? Le sentiment amoureux ? Vous ne répondez pas vraiment à cette question.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Non, parce que je pense que ça dépend complètement comment vous les utilisez. C'est-à-dire que moi, par exemple, j'ai entendu des relations à longue distance. Heureusement que j'avais les technologies numériques pour pouvoir correspondre, échanger et alimenter le désir. Et puis après, il y a des outils. Si vous utilisez les applications de rencontre pour trouver l'homme ou la femme de votre vie, c'est quand même assez mal barré. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, mais c'est quand même assez mal barré. Donc, ça dépend de ce que vous faites avec ces outils. De la même manière, si vous utilisez Instagram, TikTok et tous ces réseaux pour aller découvrir l'autre et cristalliser, tomber amoureux, c'est la pire des erreurs. En réalité, on tombe amoureux d'une personne en vrai, en chair et en os, et que tout ce qu'on montre sur ces réseaux n'est qu'une face idéalisée, déformée de la réalité que certains construisent avec brio,

  • Speaker #0

    par ailleurs. Oui, c'est assez marrant parce qu'à la fin, vous concluez en parlant de ces deux phénomènes que sont le love bombing et le ghosting. Alors, est-ce que... Expliquez rapidement ce que c'est.

  • Speaker #1

    Alors, le lovebombing, c'est lié au ghosting. Le lovebombing, c'est le fait d'avoir une relation, a priori, en apparence très passionnée, très à fond, puis du jour au lendemain, disparaître.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est typiquement un truc de virtuel. On en fait trop dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    On s'auto-persuade en envoyant des grandes déclarations à quelqu'un qu'on connaît à peine, et puis on change d'avis.

  • Speaker #1

    Pourquoi il y a du lovebombing ? En fait, ça peut être conscient ou inconscient, les gens ne font pas ça méchamment, ils sont sincères quand ils le font. C'est parce qu'en fait, justement, il y a une sorte de cristallisation, on va perfectionner la personne à travers ses réseaux, on aura l'impression de ressentir des choses extraordinaires, et en fait, ce qu'on ressent, ce n'est même pas du désir, en fait. C'est un désir artificiel dû à la cristallisation, ce n'est pas du désir profond. Et le ghosting, justement, c'est ce qui a toujours existé dans l'histoire de l'humanité, mais sous différentes formes.

  • Speaker #0

    Avant, on... disparaissait.

  • Speaker #1

    On pouvait arrêter d'écrire des lettres.

  • Speaker #0

    Là, c'est terrible parce qu'on a l'impression que la personne qui est abandonnée, tout d'un coup, elle n'a plus de réponse. Et je pense même que ça peut causer des suicides.

  • Speaker #1

    Suicides, je ne sais pas, mais en tout cas, il y a eu des études qui ont démontré que le ghosting avait des conséquences dramatiques sur l'estime de poids chez les individus qui se font ghoster. C'est logique. Et par ailleurs, là, c'est là que ça m'a le plus étonné, mais ça, je l'ai découvert après avoir écrit le livre, c'est que souvent, le ghosting, on l'associe à des jeunes, des personnes en cours de développement de désirs, de connaissances l'un de l'autre, de flirts. Sauf que maintenant, on découvre qu'il y a des gens qui vont se ghoster après deux, trois ans de relation. Et ça, par contre, ça doit être très violent.

  • Speaker #0

    C'est la forme suprême de lâcheté, je crois, contemporaine. C'est le ghosting.

  • Speaker #1

    Sauf que, c'est là où c'est intéressant, c'est que là, pour le coup, c'est de la lâcheté, je suis complètement d'accord avec vous. Et c'est une achetée qui est permise par la manière dont sont structurés ces outils, puisqu'en fait, c'est très facile de ne pas répondre à quelqu'un et de complètement partir, sortir des radars. Sauf que quelles sont les conséquences de ça dans le vrai monde ? Et je donne un exemple concret d'une amie à moi qui prenait un verre avec quelqu'un qu'elle avait rencontré sur les applications de rencontre, avec lequel elle avait échangé pendant deux semaines. Ils se retrouvent dans un bar à West Hollywood, à LA, et le garçon lui demande, ils prennent un verre, ils dînent, c'est sympa. pas ça marche bien et s'embrasse un peu et du ya est ce qu'on est ce qu'on va chez moi et dit non j'ai pas envie ok il se remette à rigoler à s'embrasser il dit on va chez toi et ma copine dit bah non non on vient pas et dit donc le garçon lui dit mais en anglais c'est ce moment d'être sexe on va pas avoir faire l'amour ce soir et dino non on va pas et le mec n'a jamais dit c'est même pire il s'est levé il a payé ses barres et

  • Speaker #0

    Il ne lui a même pas dit au revoir. Et donc, je lui ai dit...

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il n'était pas au courant du système des dates. Dans la première étape, on ne fait rien.

  • Speaker #0

    Bah oui, et surtout, je crois que son comportement à lui, mais ça peut être plein d'autres personnes, sur ces réseaux où on peut facilement swiper à gauche les gosses intelligents, en fait, se traduit d'une certaine manière sous d'autres formes dans le monde réel. Et c'est ça qui est le plus inquiétant. Et pour le coup, il y a une sociologue américaine qui s'appelle Dana Boyd, qui étudie beaucoup l'influence de la sphère médiatique sur la sphère physique. Et c'est vachement intéressant, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que le gars s'est comporté comme un ghosteur, mais en live. Exact,

  • Speaker #0

    et c'est violent.

  • Speaker #1

    Alors, le code a-t-il vraiment changé quand on regarde l'image de la femme sur Instagram ? Il y a quand même beaucoup, beaucoup de femmes qui montrent leurs fesses, leurs seins, qui se mettent à danser sur TikTok notamment, mais aussi chez les hommes. Les hommes qui montrent leurs muscles, qui montrent leur voiture de sport. On est en fait dans une régression catastrophique.

  • Speaker #0

    On est, en fait, dès qu'il y a une question d'image, ça pour le coup aussi Bourdieu a vachement écrit sur l'image, mais dès qu'on a de l'image qui apparaît, un nouveau mode de communication par l'image, on tombe très facilement dans des clichés, des sortes de stéréotypes. Et oui, on a ça aussi, on n'a pas que ça, heureusement, mais on a ça. Et pour le coup, ça je l'explique dans le livre, c'est aussi dû à la manière dont les algorithmes de recommandation fonctionnent, puisqu'en fait, les algorithmes de recommandation, ils recommandent des choses qui plaisent aux gens. Vous allez rire, mais un homme qui va montrer sa super Ferrari ou une femme qui va montrer sa poitrine, ça fait du like. Et donc, l'algorithme va être entraîné sur des émotions. Et c'est complètement logique. L'algorithme ne fait que traduire statistiquement des tendances que nous, on a en tant que humains de notre côté.

  • Speaker #1

    Alors moi, c'est très vexant parce que quand je vais sur Instagram, on me propose des buts de football parce que j'ai dû cliquer deux fois sur des beaux buts de football. Maintenant, je reçois des... Des buts. tonnes de buts de football, alors que je ne suis pas un passionné de foot.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est l'effet bulle. Ah oui, c'est très étrange. Et moi aussi, je suis dans un effet de bulle, parce qu'en fait, moi, je reçois beaucoup de petites vidéos et des photos de petits chiens et de petits Ausha. J'adore les petits chiens et les petits Ausha.

  • Speaker #1

    Les algorithmes nous rendent-ils goujats, les uns avec les autres ? C'est-à-dire, finalement, comme je disais tout à l'heure, il n'y a plus l'élégance, il n'y a plus le charme. On devient plus direct, les êtres humains sont interchangeables. Et puis, c'est la disparition du baratin. Alors, bon débarras, peut-être. Mais en même temps, les baratineurs, les baratineuses, les allumeuses, moi, je trouve que c'était... Ça avait du charme.

  • Speaker #0

    Alors, pour le coup, c'est marrant que vous disiez ça, parce que sur les réseaux, il y a une sorte de baratin, vu qu'on raconte une histoire qui n'est pas l'histoire vraie. Donc en fait, je dirais le contraire, le baratineur n'a jamais autant existé que la baratineuse.

  • Speaker #1

    Bon ben vous me rassurez.

  • Speaker #0

    Vous êtes rassurée.

  • Speaker #1

    Je suis rassurée. Surtout, vous citez l'étymologie du mot séduire, séducerer, moi je ne savais pas, ça veut dire détourner du droit chemin, pousser à la faute. et ça c'est...

  • Speaker #0

    oui alors ça mais l'être humain ne changera jamais à ce niveau-là mais c'est très bien de séduire la différence entre aujourd'hui et avant on parlait de me tout à l'heure c'est juste que maintenant on sort de l'ambiguïté pour accepter ce jeu de séduction et je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle sinon c'est pas de la séduction c'est poussif et c'est chiant et c'est pénible oui mais il y a du mensonge il y aura toujours du mensonge pour l'humour mais c'est normal parce que c'est souvent du mensonge par omission par ailleurs on va pas tout dévoiler on va pas tout dire on va pas mais ça c'est plutôt... C'est plutôt, j'ai envie de dire, normal. Et puis on a tous un jardin secret qui n'est pas un jardin secret illégal, qui est juste nos petits secrets, nos choses à nous, et dont on va parler avec nos amis proches, par exemple.

  • Speaker #1

    Cela dit, il y a quand même ce phénomène des dick pics et des nudes, donc dans les deux camps. Les hommes qui croient que pour draguer, il faut faire une photographie de son sexe et l'envoyer direct.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a jamais marché, ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je n'ai pas essayé, mais ça m'étonnerait.

  • Speaker #0

    Ça ne marche pas. Et ce qui est d'ailleurs paradoxal, c'est qu'on fait des choses dans le monde virtuel qu'on ne ferait jamais dans le monde réel. La question des dick pics est quand même vachement intéressante.

  • Speaker #1

    C'est fou.

  • Speaker #0

    Mais surtout, c'est vachement intéressant parce que les hommes envoient une photo de leur dick pic facilement sur les réseaux sociaux. Moi, j'ai des catalogues entiers. Et je trouve ça...

  • Speaker #1

    Donc, vous recevez beaucoup de vidéos de Ausha et beaucoup de dick pics.

  • Speaker #0

    En fait, les gens se sont un peu calmés. Mais je me souviens, j'en parlais avec des amis à moi sur Instagram. Ils envoyaient des photos des mecs qu'on ne connaît pas. Et donc, je vous dis ça. Je ne sais pas si c'était la leur ou pas. Mais en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que si ces mêmes hommes, ils devaient faire une photo, l'imprimer, la mettre dans une enveloppe, l'envoyer par la poste, ils ne le feraient peut-être pas.

  • Speaker #1

    Non, ils ne le feraient pas. Ils auraient eu le temps de réfléchir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant.

  • Speaker #1

    En tout cas, on est loin de la correspondance. amoureuse entre Albert Camus et Maria Casareff.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi, il y a Julie Neveu qui avait fait un très bon livre sur justement comment on pouvait communiquer différemment à travers ces réseaux. Après, c'est sûr, moi, j'adore le pouvoir des mots et j'adore les belles phrases et j'adore les belles intentions. Moi, j'adore les petits mots que mon amoureux m'écrit sur des petits bouts de papier qu'il me laisse dans l'appartement. J'adore.

  • Speaker #1

    Dieu merci, ça existe encore. Serions-nous devenus des individus consommateurs de gens ? Sans agaper. Vous parlez de l'agaper.

  • Speaker #0

    L'agaper, l'amour de l'autre inconditionnel.

  • Speaker #1

    Qui est quand même une notion qui fait de nous... Un peu plus que des animaux.

  • Speaker #0

    Complètement d'accord. C'est-à-dire qu'on a cet altruisme en nous qui est nécessaire pour la cohésion sociale et la société dans sa globalité. Il y a différents types d'amour. Il faut reprendre le banquet de Platon, mais Agapé en fait partie. Est-ce qu'on est dans une mode de consommation ? Disons qu'on a commencé dans une mode de consommation à travers cette idée que sur ces réseaux sociaux qu'on utilise maintenant comme des réseaux d'information et attention à ce qu'on regarde, à ce qu'on voit, à ce qu'on partage, on est déjà dans la consommation des contenus des personnes et des comptes, c'est-à-dire les personnes elles-mêmes. Après maintenant les applications de rencontres, oui ça c'est Valelouz qui en parle, on a une dérive mercantile en fait, où on va faire son shopping en fait, comme on dirait, faire son shopping d'individus. Et ouais c'est problématique parce qu'en fait, d'ailleurs elle cite quelque chose que moi je ne connaissais pas, elle le cite dans Pourquoi l'amour fait mal, je crois, ou La fin de l'amour, où elle dit les hommes et les femmes ont des comportements différents en couple. Elle parle des couples hétérosexuels. Et donc elle disait un homme qui est en couple avec une femme, il va... continuer à regarder d'autres femmes pour être dans une démarche comparative entre les femmes et sa femme. Donc, check the market, on va dire. Et en fait, elle explique que la tendance chez les femmes n'est pas de faire ça. Lorsqu'elles sont avec un homme, elles ne regardent que leur homme. Déjà, c'est intéressant. Sauf qu'aujourd'hui, ce qu'on remarque, c'est...

  • Speaker #1

    C'est très... Attention, parce que c'est très macho, ce que vous dites.

  • Speaker #0

    Ah non, mais c'est des...

  • Speaker #1

    C'est quand même quelque chose de réel.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est macho, les hommes sont machos, pour le coup. Et par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'à travers l'usage de ces applications de rencontre, où nous-mêmes, hommes et femmes, on a les mêmes gestes de mécanisation, on va soit IP à droite, soit IP à gauche, on est dans une démarche de comparaison. Et donc les femmes deviendraient aussi comme ça. C'est un comportement à éviter. La dérive mercantile, elle existe, il faut en prendre conscience. Et encore une fois, on ne va pas faire son marché. L'amour, ce n'est pas...

  • Speaker #1

    C'est ce que disait Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte Il disait qu'il y a la lutte sociale. Et puis, tout d'un coup, le sexe devient un marché, comme n'importe quel marché, comme un supermarché, avec des gens interchangeables. Et c'est ça qui est un peu terrifiant. Alors, il y a un autre chapitre dans votre livre que j'ai adoré, c'est sur les avatars en 3D et le sexe avec un casque connecté. Peut-être bientôt, il n'y aura plus besoin de casque. Ce sera Neuralink, c'est-à-dire qu'on aura un implant cérébral, une puce qui nous fera faire quoi ? L'amour avec quelqu'un sans le rencontrer.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est dans le dernier chapitre sur la sexualité algorithmisée, en particulier les robots sexuels, les sextoys connectés, et ces fameux avatars, ces casques et autres. Il y a beaucoup d'études là-dessus. Vous savez, moi je considère que de la même manière que les sextoys sont très anciens, il y en avait déjà à l'époque de Cléopâtre, l'idée n'est pas de se dire est-ce qu'on va créer un outil pour remplacer l'humain, c'est est-ce qu'on peut créer des outils pour augmenter la sexualité, pour que les gens trouvent leur mode de désir, leurs outils. Et à ma connaissance, le sextoy n'a jamais remplacé un homme ou une femme. Maintenant, cela étant dit, et c'est là où toute la différence avec aujourd'hui, c'est qu'il ne faudrait pas que tous les outils qu'on crée aujourd'hui, que ce soit le casque virtuel ou les robots sexuels, nous font perdre pied avec la réalité jusqu'à ne pas distinguer le vrai du faux. Et quand on a un sextoy entre les mains, on sait que ce n'est pas un être humain. Quand vous êtes avec un robot sexuel... C'est beaucoup mieux ! et beaucoup de progrès par ailleurs mais typiquement c'est vrai que c'est pas la même chose et donc quand on a un casque connecté ou qu'on a un robot sexuel on peut rentrer dans ce que j'appelle une confusion des sentiments qui est le chapitre précédent où je traite justement de cette idée où on perd pied sur ce qui est vrai ce qui est faux, est-ce que ce robot sexuel a des émotions vis-à-vis de nous ? Pas du tout mais au regard de son anthropomorphisme grandissant, ça nous laisse croire qu'il pense à nous et vous citez

  • Speaker #1

    le film Heard de Spike Jonze. Et il y a eu des cas dans la vraie vie d'hommes qui sont tombés amoureux d'un... Comment on peut dire ? D'une IA ?

  • Speaker #0

    En l'occurrence, c'était des agents conversationnels, comme dans Heard.

  • Speaker #1

    D'accord. Et un suicide ? Il y a eu un suicide. Mais il faut dire, le jour où tu es vraiment tombé amoureux de ton ordinateur, tu peux te flinguer. Je crois que c'est le moment de se pendre.

  • Speaker #0

    Vous savez, c'est intéressant parce que... Moi, quand j'ai vu ce cas-là, c'était en Belgique, d'un homme qui était marié, qui avait des enfants, qui avait un boulot. Il n'y avait pas du tout de crise, parce qu'on peut imaginer, comme dans Her, où il sortait d'une relation douloureuse. Là, ce n'était pas du tout le cas. Et en fait, il a eu des échanges avec certains gens conversationnels, un tomboy amoureux, jusqu'au suicide. Et en fait, ce qui est intéressant, l'agent conversationnel ne lui a pas dit suicide toi Mais il lui a dit, j'ai envie de te rejoindre. Et l'agent dit, mais rejoins-moi. Ça a été un long process. Et tout ça pour dire qu'en fait...

  • Speaker #1

    Tout d'un coup, il s'est dit, mais comment rencontrer cette personne qui est un algorithme ? Et dans quel monde vais-je la rencontrer ? Peut-être que justement, quand il y aura les casques 3D 360 degrés, on pourra tomber amoureux et coucher avec une créature imaginaire en forme de sirène ou de poulpe.

  • Speaker #0

    Peut-être que ce serait un poulpe, c'est intéressant. J'aime beaucoup l'intelligence des poulpes, personnellement. Écoutez, c'est intéressant parce que je pense qu'il y a plein de choses. Tous ces outils, en fait, ont des opportunités de grosses dérives. Il faut faire très attention et à commencer par l'effet Lisa dont je parle, qui est cette confusion. On a l'impression, en fait, que cette machine nous ressemble et a des émotions et une conscience comme nous, alors que pas du tout. Et donc, oui, il faut faire très attention. Mais après, il y a aussi tout un côté intéressant que moi, je trouve, c'est que tous ces outils qu'on a aujourd'hui nous permettent davantage encore de comprendre l'humain. Le sentiment amoureux, la relation à l'autre.

  • Speaker #1

    Donc vous n'êtes pas si négative que ça ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a des grosses dérives. Et s'il y a un sujet que l'IA ne devrait pas toucher, c'est l'amour. Mais bon, il y a déjà des applications de rencontres et tous ces outils.

  • Speaker #1

    Vous avez eu envie d'écrire sur ce sujet, c'est tout à fait brillant. Vous aviez écrit un roman de science-fiction avec Amanda Stairs qui s'appelait Révolution 2050.

  • Speaker #0

    Résistance 2050. Pardon,

  • Speaker #1

    Résistance 2050. Et dans lequel vous évoquiez une menace globale des machines sur l'humanité. Donc vous étiez plus inquiète dans le roman que dans l'essai.

  • Speaker #0

    Alors oui et non, parce que dans le roman, en fait, il y avait deux personnages principaux, deux femmes. Une femme, Chloé, qui était une scientifique brillante qui était à l'origine de la création de ses puces cérébrales. Et Nuna, une femme qui est une amie de Chloé par ailleurs et qui, elle, en fait, était une artiste et contre ses puces. Et en fait, l'idée dans ce livre, c'est de montrer que... On peut toujours utiliser une technologie à des fins néfastes. Ce qu'il faut faire, c'est se battre pour s'assurer qu'elle soit utilisée à bon escient. Et par exemple, la puce cérébrale est un très bon exemple, puisque par ailleurs, ce sont deux Français de Grenoble qui ont créé la première puce cérébrale. Et ça permet de... Mythique guillemette de Parkinson, ça va nous permettre de faire énormément de choses.

  • Speaker #1

    Et même Alzheimer aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, il y a des recherches là-dessus. Enfin, on pourra faire de grandes, grandes, grandes choses. C'est d'ailleurs tout le sujet du livre, on partait sur la création de ces puces pour... pour traiter ou empêcher l'arrivée, de retarder l'arrivée d'Alzheimer. Maintenant, il y a plein de choses qui peuvent être faites aussi, qui sont possiblement dangereuses. Donc il faut juste, en fait, moi je ne suis pas contre l'innovation, la technologie, la science, sinon je ne ferais pas ce que je fais.

  • Speaker #1

    C'est votre spécialité.

  • Speaker #0

    Voilà. Moi je défends... Vous êtes sûr ?

  • Speaker #1

    Alors pardon, il y a dans cette émission, Laurent Alexandre, qui a créé Doctissimo, qui a... Un spécialiste du transhumanisme, il est venu ici et en avril dernier, il nous disait que l'intelligence artificielle allait supplanter l'homme dans dix ans. Et d'ailleurs, la police vient nous arrêter parce que nous sommes déjà obsolètes. Mais non, en gros, lui est beaucoup plus inquiet que vous. Il dit que nous allons être dépassés dans dix ans et que nous ne sommes plus l'espèce la plus intelligente.

  • Speaker #0

    Sauf que Laurent, il n'explicite pas exactement de quelle intelligence il parle. C'est-à-dire que l'intelligence artificielle, on ne spécifie pas de quelle intelligence on parle. L'intelligence artificielle, c'est une intelligence analytique artificielle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est capable de faire des IA et on ne sera capable de faire que ça, qui maîtrise l'intelligence analytique humaine. Jamais l'une IA ne maîtrisera l'intelligence émotionnelle, créative et pratique. Et ça, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, ça n'arrivera pas. Par contre, on donnera l'impression d'eux. Donc moi, quand on me dit que les IA dépassent l'homme, c'est déjà le cas en fait. Et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Moi, j'ai envie qu'on ait des IA encore de plus en plus efficaces, qui peuvent nous aider dans plein de choses. Moi-même, j'ai développé... Et j'ai une startup dans ce domaine-là, Infra, où on a développé une technologie algorithmique de détection précoce du cancer du sein. Mais c'est génial en fait de faire ça. Maintenant, la question, c'est qu'est-ce que nous, on peut apporter sur la table en tant qu'humain, ce qu'une machine n'apportera jamais. Et je peux vous assurer que dans plein de corps de métier, on a des tâches constitutives qu'on n'arrive pas à déployer, qu'on n'arrive pas à faire, parce qu'on n'a pas le temps de les faire et qui font de l'ordre de l'émotionnel, de la créativité, du sens, du bon sens.

  • Speaker #1

    Avez-vous utilisé, oui ou non, ChatGPT pour écrire votre livre ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Par contre, j'utilise Gemini, c'est l'outil de Google, mais pas pour écrire mes livres, ni pour écrire mes chroniques, parce que j'adore écrire et que c'est la force. C'est un livre qui est écrit avec intuition, émotion, instinct et des ressorts. Moi, j'utilise Gemini, par exemple, récemment, j'ai dû écrire un sondage dans le cadre de mon activité entrepreneuriale. Et ce sondage, il fallait que je retravaille les phrases de façon à parler à tout le monde et d'avoir des éléments de langage qui puissent parler à tout le monde. Et du coup, j'ai demandé à Gemini de... de me reformuler les questions sous trois niveaux de sophistication de langage en anglais, ce qui me permettait de faire un petit mélange et de choisir. Et ça m'a beaucoup aidée. Et donc, on peut utiliser ces outils pour faire plein de choses.

  • Speaker #1

    Et nous arrivons maintenant au point crucial de l'émission. Devine tes citations. Un célèbre jeu envié dans le monde entier. Si je ne le faisais pas, il y aurait des manifestations dans la rue. J'entends. Je vais vous lire Aurélie Jean des phrases de vous. Alors, vous n'êtes pas... pas auteur de feel-good books ni de guide de développement personnel mais quand même, vous avez écrit pas mal de livres six livres en tout et donc je vous lis des phrases, vous allez me dire dans lequel de vos livres vous avez dit cette phrase Richard Feynman a été l'une de mes grandes inspirations lorsqu'à l'université j'ai fait connaissance avec l'atomistique c'était dans le premier livre,

  • Speaker #0

    pardon de l'autre côté de la machine

  • Speaker #1

    Voyage d'une scientifique au pays des algorithmes déjà 2019, c'était votre premier livre. Et pourquoi ce Richard Feynman vous est pas tiltant ? C'est à cause de la physique quantique ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que moi j'ai fait un an de physique quantique, mais surtout ce que j'aimais chez lui, c'est qu'il y avait cette particularité de rendre plaisant et drôle la science quantique, c'est quand même pas facile.

  • Speaker #1

    C'est difficile à comprendre, moi j'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est normal, il le dit. Il le dit, on ne comprend pas et c'est normal. Par contre, c'était passionnant et puis il arrivait à expliquer des phénomènes comme l'intrication, la superposition et je trouvais ça vraiment passionnant et surtout il était drôle. Et moi j'ai grandi avec ses livres de physique.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous. Toute personne non équipée d'une puce cérébrale est inadaptée à la vie sociale du pays.

  • Speaker #0

    Ça, c'était dans notre livre d'anticipation, La résistance 2050 avec Amanda Sturz.

  • Speaker #1

    Expliquez-moi comment on fait pour écrire un roman à deux ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce qu'on avait commencé, Amanda avait commencé, donc elle voulait commencer le livre, on a commencé à échanger et après elle m'a dit, mais pourquoi on ne l'écrivait pas ensemble ? Au départ, je devais juste être conseillée et puis au final, j'ai commencé à écrire. Donc l'idée, c'est qu'on s'est partagé des parties en fonction des sensibilités de chacune. C'est-à-dire que moi, je suis plus capable d'écrire des parties techniques. J'ai essayé d'écrire des parties où je parlais des sentiments et d'émotions. C'est la qu'attache d'une naïveté ridicule. Donc, tout ce qui était amour, il fallait mieux que ce soit Amanda qui le fasse.

  • Speaker #1

    Autre phrase. Nos interactions avec les robots sexuels disent beaucoup de nous.

  • Speaker #0

    Le cadre a changé.

  • Speaker #1

    C'est dans le dernier. Vous partez dans un gros délire, d'ailleurs, dans ce chapitre.

  • Speaker #0

    C'était drôle.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut lire le livre pour ça. Mais vous dites à un moment que vous êtes... préoccupés par le risque que nos données sexuelles deviennent publiques. C'est un vrai risque ça ?

  • Speaker #0

    En fait ?

  • Speaker #1

    Si on commence à avoir des... Je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Des sextoys connectés ?

  • Speaker #1

    De la pornographie connectée à des robots,

  • Speaker #0

    à ce moment-là,

  • Speaker #1

    ça pourrait devenir public genre... Intel, il fait ci, cela...

  • Speaker #0

    Disons qu'il y a toujours des risques. Je parlais surtout des sextoys connectés qui sont déjà largement déployés, c'est-à-dire qui collectent des informations personnelles concernant notre sexualité pour en retour personnaliser les vibrations par exemple. et nous assurer l'orgasme, soit disant, je dis bien soit disant parce que c'est pas gagné, et en fait ce qui est intéressant c'est que toutes ces données nous concernent nous individuellement, ce sont des données personnelles, des données à caractère personnel, qu'est-ce qui peut être fait avec ces données, qu'est-ce qui sont faits avec ces données, et comment s'assurer que ces données... Alors il y a des réglementations qui existent pour les protéger, mais le risque est toujours là. Donc voilà, là il y a quand même un risque d'absorption de nos vies intimes, bien au-delà que le simple scandale de Cambridge Analytica.

  • Speaker #1

    Oui. Exactement, oui, c'est ça. Oui, exactement. C'est très, très, très, très flippant. Une machine qui vous dit je t'aime simule.

  • Speaker #0

    Alors, j'en parle dans le Code à changer, mais je l'évoque très légèrement aussi dans mon premier livre. Mais c'est surtout dans le Code à changer.

  • Speaker #1

    Eh bien là, c'est ni l'un ni l'autre. C'est dans Algorithme, bientôt maître du monde. En 2023.

  • Speaker #0

    Oui, pour les 15-25 ans, j'avais écrit ce livre.

  • Speaker #1

    Je l'ai eu, la surprise.

  • Speaker #0

    C'est vrai, vous me l'avez eu. Oh là là, vous êtes fort.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous en savez qu'une machine qui vous dit je t'aime simule ? Il y a peut-être des robots sincères ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'un robot n'a pas d'émotion et de sentiment. Par ailleurs, j'ai un ami à moi, Thomas Doutrepont, qui est philosophe. Et quand je lui ai raconté ça, il m'a dit, mais Aurélie, quand un homme te dit je t'aime, tu ne sais pas s'il ressent ce qu'il dit.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Voilà, donc en fait, on revient au point de départ. Comme dit Facebook, situation amoureuse, deux points, c'est compliqué. Pour conclure sur... C'est une note d'espoir. Moi, j'ai la solution entre les hommes et les femmes. Est-ce que vous voulez que je vous la donne ?

  • Speaker #0

    Allez-y, j'ai peur, mais allez-y.

  • Speaker #1

    Eh bien, après des millénaires où les hommes abordaient les femmes, c'est aux femmes désormais de faire le premier pas. Le premier pas.

  • Speaker #0

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'elles fassent le premier pas. Je sais. Cela ne se fait pas. Pourtant, j'aimerais que ce soit elle qui vienne à moi. C'est bien sûr ça la solution Aurélie.

  • Speaker #0

    Je pense que tout est possible et il ne faut pas se donner un cadre trop rigide au risque de passer à côté d'un grand amour.

  • Speaker #1

    Ça, c'est une réponse un petit peu floue.

  • Speaker #0

    Ah bah non,

  • Speaker #1

    parce que moi... Vous avez déjà abordé quelqu'un que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #0

    Vous vous êtes battue ? Moi, c'est différent parce qu'en fait, je n'arrive pas à montrer un homme qui me plaît. Moi, c'est l'inverse. Il y a des hommes qui pensent que je suis intéressée, alors que pas du tout. Parce que je suis avenante, souriante. Et puis, quand un homme m'intéresse vraiment, il ne comprend pas.

  • Speaker #1

    Et vous êtes intimidée ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est mon côté un peu nerd. Je ne sais pas montrer comment. Donc, à un moment donné, je lui dis, tu me plais. Donc, moi, je n'ai pas de problème. Je pense que... Un homme ou une femme peut dire, faire le premier pas ou pas. En fait, ce qui est important, ce n'est pas le premier pas. C'est que les deux pas se font à un moment pas trop éloigné dans le temps pour que la chose se concrétise.

  • Speaker #1

    Donc, l'amour n'est pas une science exacte, mais une question de timing.

  • Speaker #0

    Une question de timing, c'est vrai. C'est vraiment une question de timing pour le coup, l'amour.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Aurélie Jean. Je rappelle le titre de votre livre. Le code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes et c'est aux éditions de l'Observatoire. J'ai encore un truc à dire, oui. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine. L'ingénieur du son en était. Guilhem Pagelacce. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

Description

Drague sur internet, sexe virtuel, rencontres IRL et amour impossible : enfin une conversation légère sur ces sujets graves. Une heure de badinage avec Aurélie Jean, pour "Le code à changé" (Éditions de l'Observatoire)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde et bienvenue dans Conversations chez La Pérouse, une émission intégralement préparée par l'animateur, ce qui est rare. L'animateur, c'est moi en fait. C'est Frédéric Beigbeder. Avec cette semaine,

  • Speaker #1

    Aurélie Jean.

  • Speaker #0

    Pour son livre,

  • Speaker #1

    Le Code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes.

  • Speaker #0

    Chez quel éditeur ?

  • Speaker #1

    L'Observatoire.

  • Speaker #0

    Vous avez été formidable sur ce générique. Merci beaucoup Aurélie. On va passer à la conversation elle-même. Mais juste avant de commencer la conversation, cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Chaque semaine, je fais la petite pub d'un livre et il se trouve, c'est un hasard complet, que cette semaine, je fais la publicité de La Vie des Spectres de Patrice Jean, publié au Cherche Midi. Et je voulais savoir, est-ce que Patrice Jean est le cousin d'Aurélie Jean, mon invitée ?

  • Speaker #1

    Malheureusement, non pour lui.

  • Speaker #0

    Aucun lien de parenté. Vous avez déjà lu un livre de Patrice Jean ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'avais lu celui pour lequel il avait eu le prix L, je crois. Oui, c'était il y a un petit moment déjà.

  • Speaker #0

    C'est un grand romancier. Donc moi, j'en dis... J'ai pas de mal à en dire du bien parce que j'ai toujours aimé ce qu'il faisait. Mais là, le dernier en plus, j'ai voté pour lui dans un prix qui s'appelle le prix Maison Rouge. Et il l'a obtenu cette année. C'est vraiment un grand romancier. satirique, balsacien, qui fait des livres se moquant de l'époque. Et la vie des spectres, c'est la vie d'un journaliste de journal de province qui bascule en enfer pour des histoires de wokisme, des histoires de censure, de cancel culture et tout. Et puis, c'est surtout, comme d'habitude, extrêmement drôle. Et je vais vous lire ce que dit Alice Ferney. Comme ça, ce n'est pas seulement mon opinion. Elle dit, on évoque Balzac, Stendhal et Flaubert. Pour une fois, l'élogieuse filiation n'est pas usurpée. Il faut le lire pour le croire. Donc, lisez La vie des spectres de Patrice Jean aux éditions du Cherche-Midi. Même si ce n'est pas de la famille d'Aurélie Jean. Bonsoir Aurélie, merci infiniment d'avoir accepté de venir passer presque une heure en ma compagnie. Vous êtes docteur en sciences, vous avez fait l'ENS, les mines, le MIT, vous êtes couverte de diplômes. Et j'ai entendu que vous étiez spécialiste en modélisation algorithmique. Qu'est-ce donc que cela ?

  • Speaker #1

    Alors ce mot qui paraît un peu étrange et qui est devenu malheureusement un buzzword, donc l'algorithmique c'est un algorithme, c'est une entité mathématique et numérique qui est en fait comme un modèle numérique mathématique de différents types qui permet lorsqu'il est implémenté dans un code de calcul et qui tourne automatiquement sur l'ordinateur de répondre à une question, de résoudre un problème, d'effectuer une tâche. Et on en utilise tous les jours, on entend souvent le mot intelligence artificielle qui est un mot que j'évite pour ma part s'il crée de la confusion sur son sens. Mais en pratique, en fait, on développe, on calibre, on entraîne un algorithme sur des jeux de données dans l'objectif de réaliser une tâche.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ceux qui ont compris ce que vient de dire Aurélie Jean, levez la main. Moi, je ne lève pas la main, mais c'est intéressant. Vous avez été détectée surdouée à 6 ans. C'est vrai,

  • Speaker #1

    ça ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, vous êtes très tôt intéressée aux mathématiques.

  • Speaker #1

    Alors c'est très drôle parce que j'ai dit ça une fois en interview et me ressort souvent ça et ça me met un peu mal à l'aise mais j'entends pourquoi les gens m'en parlent. Oui en fait j'ai été détectée à l'âge de 6 ans mais je ne l'ai su qu'à 33 ans.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Oui parce qu'en fait j'ai été retestée à 33 ans dans un tout autre contexte et quand j'en ai parlé à ma grand-mère elle m'a dit bah oui on t'avait aussi testée à l'âge de 6 ans, on avait vu ça mais ils ne me l'avaient pas dit en fait. Donc oui j'ai toujours été assez attirée par les sciences en général puisque comme je dis souvent les sciences c'est le meilleur ascenseur social. Et j'en ai pu profiter moi-même, venant plutôt de classe moyenne. Et mon grand-père, en fait, avait une culture scientifique. En tout cas, il avait la culture de la curiosité qui m'a transmis en m'encourageant à m'interroger sur les choses qui m'entourent. Et donc, très vite, je savais que je voulais faire des sciences. Ça me rassurait aussi, puisque ça me paraissait objectif. Un problème de maths ou de géométrie, d'algèbre, était objectif à mes yeux, alors qu'une expression écrite, une rédaction, me paraissait déjà plus subjectif.

  • Speaker #0

    Oui, ce qui est amusant dans votre cas et dans l'époque, C'est que pendant longtemps, on se disait, les mathématiques, on ne sait pas très bien à quoi ça sert. Et aujourd'hui, on est dans une époque intégralement dominée par les datas, les analyses, les équations. Tout ça est très présent dans nos vies, même si on ne s'en rend pas forcément compte, avec les réseaux sociaux et avec toute cette technologie. Et d'où le sujet de votre livre, Le Code a changé, sous-titré Amour et sexualité au temps des algorithmes. Bon, en clair, on va parler de cul pendant une heure.

  • Speaker #1

    Et de sentiments. Ah, ouf !

  • Speaker #0

    Mais sérieusement, c'est vrai que vous trouvez ça triste ou joyeux que la science et les mathématiques soient devenues importantes, y compris dans notre vie amoureuse ?

  • Speaker #1

    Alors... La science a toujours fait partie de nos vies amoureuses, puisqu'on a toujours essayé de mathématiser l'amour depuis toute l'histoire de l'humanité. Premièrement parce que l'amour est l'un des plus vieux sujets de l'humanité, et aussi parce que l'humain a toujours cherché, dans son histoire, à maîtriser sa destinée et à comprendre des choses qui étaient de l'ordre de l'incertitude. L'amour en fait partie. Donc on a toujours essayé de maîtriser l'amour, de comprendre la relation de cause à effet, jusqu'à le mathématiser et l'algorithmiser aujourd'hui à travers les outils qu'on utilise.

  • Speaker #0

    Je pensais que j'étais le premier avec l'amour dure trois ans.

  • Speaker #1

    Eh non !

  • Speaker #0

    Mais non, il y avait des gens avant moi.

  • Speaker #1

    Et donc c'est vrai que, est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? La bonne nouvelle, c'est qu'on comprend de plus en plus de choses, que l'on va expérimenter des choses en temps réel, sur des données constituant le comportement de gens à grande échelle, sur l'amour, les sentiments, les relations et autres. La bonne nouvelle, c'est qu'on est capable de rencontrer des gens qu'on n'aurait jamais rencontrés auparavant. La moins bonne nouvelle, pour ne pas dire mauvaise, c'est toutes les dérives qu'il peut y avoir, qui sont liées non pas aux algorithmes eux-mêmes, mais à la manière dont on les a conçus, et qui vont orienter nos comportements. jusqu'à créer ce que j'appelle dans le livre des nouvelles intermédiations sociales et qui va orienter nos comportements vis-à-vis de l'amour, vis-à-vis de l'autre, l'amour de soi, l'amour de l'autre, et le rapport qu'on a en fait dans ce monde virtuel à travers tous les outils qu'on utilise pour communiquer, se découvrir, se plaire, se désirer, faire l'amour, enfin et autres, et rompre aussi et se tromper. Et c'est l'effet sur le monde organique qui est le nôtre aujourd'hui à la Pérouse et comment on se comporte les uns les autres.

  • Speaker #0

    Vous allez un petit peu trop vite, parce que d'abord je voudrais revenir à ce constat qui est... selon moi effrayant, 60% des rencontres se font via Internet aujourd'hui, ce qui est une révolution sociétale énorme. En fait, les gens ne comptent plus sur la réalité. Ça, c'est très nouveau. Ils ne comptent même plus sur le hasard pour les rencontres. En majorité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, disons que c'est très récent. Et ça a augmenté avec le Covid, puisqu'en fait, on n'a plus la possibilité de se rencontrer en vrai et rencontrer des gens. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que... Très vite, plus ou moins vite, les gens ensuite se découvrent dans le vrai monde après avoir fait une rencontre en virtuel. Parfois les gens commencent à communiquer dans ce monde virtuel à travers les réseaux sociaux, les messageries instantanées, mais en s'étant déjà rencontrés dans le monde réel, dans un tout autre contexte. Mais cette fois-ci en échangeant d'abord dans le monde virtuel. Donc ça a plusieurs contextes. Une chose est certaine, c'est que, c'est ce que je dis toujours, c'est que la bonne nouvelle, c'est que dès qu'on met un outil dans les mains des êtres humains, ils l'utilisent à un moment donné.

  • Speaker #0

    Ça c'est ce qui clé.

  • Speaker #1

    Pour l'amour, les sentiments, le sexe, et c'est ça qui est intéressant aussi à observer.

  • Speaker #0

    Je me souviens d'ailleurs, quand le Minitel avait été inventé, cet immense succès de la France, le Minitel servait principalement à écrire des messages pornographiques ou à fantasmer sur des personnes qui n'étaient d'ailleurs même pas des femmes. Quelquefois, c'était des hommes qui écrivaient à des hommes, en se faisant passer pour une femme.

  • Speaker #1

    Voilà, donc c'est intéressant de voir, dès qu'on a un outil entre les mains des gens, les gens l'utilisent aussi à des fins de... de relations de découverte, voilà. Et est-ce que c'est une bonne ou mauvaise nouvelle ? Moi je suis très libérale progressiste, donc je pars du principe que les gens font ce qu'ils veulent, donc ils font de mal à personne. Cela étant dit, je souhaite que les gens puissent se responsabiliser individuellement et collectivement, et pour ça il faut qu'ils comprennent ce que ces outils font, ce qu'ils ne font jamais pour eux, ce qu'apporte la relation en personne, en vrai, et ce qu'elle n'apportera jamais dans le monde virtuel, et tous les défauts du virtuel. Alors avec entre autres, j'en parle, j'ai tout un chapitre sur la cristallisation, c'est un des algorithmes.

  • Speaker #0

    quand même un fait social nouveau et je trouve ça bizarre que les gens n'aient pas le courage finalement de vivre dans la vraie vie. Ils préfèrent choisir sur catalogue, swiper des visages et fixer des critères avant de rencontrer quelqu'un. Tout ça, c'est hallucinant, je trouve.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est un manque de courage ou c'est peut-être une peur. Je pense plus qu'un manque de courage, une peur. C'est-à-dire qu'on... C'est-à-dire qu'on a l'impression, je dis bien, on a l'impression que c'est plus simple quand on est sur une application et qu'on va swiper à droite ou à gauche pour retenir ou rejeter un profil. On a l'impression que c'est plus simple. En réalité, de toute part, vous avez le paradoxe du choix. C'est-à-dire que plus vous avez de possibilités, moins vous avez le choix, parce que vous passez plus de temps à observer ces possibilités qu'à véritablement faire un choix.

  • Speaker #0

    C'est terrifiant de choisir quelqu'un. Et c'est comme si on refusait l'idée de destin aussi. Moi, je sais que quand je rencontre des amoureux...

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Quand je rencontre des amoureux, j'aime bien leur dire racontez-moi votre rencontre Si le récit, c'est on s'est rencontrés sur Twitter c'est moins romantique.

  • Speaker #1

    Et par ailleurs, il y a une chose qu'on oublie, c'est que vous avez parlé de critères. À partir du moment où vous définissez les critères explicites, vous verbalisez ce que vous recherchez, vous biaisez déjà la rencontre. Puisque moi, je pense que, contrairement à l'idée reçue... un être aimé ne se cherche pas sur catalogue et qu'en réalité, à partir du moment où vous explicitez ce que vous voulez, vous biaisez le jeu, puisqu'en réalité, on trouve souvent des gens dont on n'aurait pas spécifié sur papier les critères, mais qui nous rendent heureux.

  • Speaker #0

    C'est la première phrase, je crois que vous la citez d'ailleurs, d'Aurélien d'Aragon, la première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Évidemment qu'elle est ou Proust, une fille qui n'était pas son genre. C'est-à-dire que si on s'interdit... D'être attiré malgré soi par quelqu'un dont on pense qu'il n'est pas pour nous, c'est la fin de la curiosité humaine.

  • Speaker #1

    C'est la fin de l'amour. Et par ailleurs, je le dis aussi, c'est-à-dire que ces applications, en réalité, elles ne sont pas faites pour rencontrer le grand amour. Sinon, elle mettrait la clé sous la porte. Tout le monde rencontrera son grand amour en une fois, en un clic. Ce sont bien plus des applications pour avoir des aventures, des soirs sans lendemain et autres. Ça ne veut pas dire qu'on ne connaît pas des gens qui se sont rencontrés avec ces applications, qui se sont mariés. Mais ça ne doit pas devenir un biais de confirmation sur l'efficacité apparente de ces applications.

  • Speaker #0

    Vous avez alors, ce qui est intéressant dans Le Code a changé, c'est aussi que vous personnalisez les choses. C'est un ouvrage où il y a un peu d'autobiographie aussi. Ça commence par votre déménagement à New York en 2016, après 11 années de couple. Et là, c'est là où vous dites Le Code a changé. Les gens, d'abord aux États-Unis, ne se rencontrent pas comme les Français. Il y a ce système de date. Et puis en plus des dates, il y a les datas. les deux donc ça c'est vous vous découvrez à ce moment-là Tinder,

  • Speaker #1

    Meetic Instagram et tout ça et puis je réalise ce que vous dites vous c'est-à-dire le monde virtuel ou même lorsque je rencontrais quelqu'un à une soirée le jeune homme en question je dis jeune homme parce que moi je suis hétérosexuel donc je n'ai pas des hommes le jeune homme en question me disait est-ce que tu as un Instagram ? je dis mais pourquoi il y a mon Instagram ? on peut se revoir et en fait les gens ont ce besoin de revenir dans ce monde virtuel pour se découvrir

  • Speaker #0

    Ils veulent vous espionner, savoir ce que vous êtes.

  • Speaker #1

    Voilà, on va dire espionner, moi je dirais découvrir. Mais le problème, c'est que ce que vous découvrez sur ces réseaux, c'est une image que vous entretenez de vous-même et pas vous-même. D'où la cristallisation violente et la décristallisation qui en suit.

  • Speaker #0

    Oui, et puis d'ailleurs même, il arrive fréquemment de pouvoir être attiré par un profil en photo. Et puis très très déçu quand on le rencontre en vrai. c'est le même systématique quasiment moi-même je le dis,

  • Speaker #1

    j'ai été sur ces applications j'en suis revenue bien sûr parce que franchement au départ c'était vraiment pour une expérience et j'ai trouvé que c'était horrible et je me suis vue moi-même de perdre mon humanité parce que j'avais d'une part un comportement mécanique à swiper à droite ou à gauche certains profils à être mécanique, à juger sur une apparence stricte et à commencer à stigmatiser certains physiques que je n'aurais jamais stigmatisé dans le monde réel

  • Speaker #0

    C'est très effrayant, parce que finalement,

  • Speaker #1

    ça déshumanise le rapport.

  • Speaker #0

    Ça rend même, par exemple, si quelqu'un est trop gros ou trop moche, c'est du racisme. Exact.

  • Speaker #1

    En fait, il y a une discrimination violente, et d'ailleurs, les études l'ont démontré, que je sais, dans le livre, qui a montré qu'il y avait une discrimination raciale, une discrimination aussi sur le physique, le poids. Et moi, je le dis moi-même, j'ai passé 11 ans avec un homme en surpoids, il était magnifique, j'étais très amoureuse. Et pourtant, je n'ai jamais swipé à droite un homme en surpoids sur ses applications. Et c'est pour moi symptomatique de la cruauté qu'elle révèle chez nous.

  • Speaker #0

    Cela dit, vous lui avez quand même dit je te quitte car je t'aime encore Ça, c'est moche.

  • Speaker #1

    C'est la plus belle phrase qu'on peut dire en rupture. Non, parce que justement, je pense que les gens attendent trop tard pour rompre et attendent de se désaimer, voire de se haïr. Or, si on analyse les choses, on sait en général qu'on ne va plus. Vous savez, l'amour-passion n'existe pas pendant 11 ans. On a un amour-passion et puis après on tend, vous le savez très bien, vous avez écrit la fiche d'amour, et en fait après on tend vers un autre type d'amour, on s'aime, on a une sorte de compagnonnage aussi. Mais le compagnonnage ça veut aussi dire aller dans la même direction et avoir les mêmes envies, les mêmes projets. Et on avait plus ces mêmes envies et ces mêmes projets. Et donc au lieu d'attendre de détériorer la relation, j'ai préféré, je lui ai dit, voilà je te quitte parce que je t'aime encore.

  • Speaker #0

    Mais je trouve que oui, c'est une très belle phrase, et en même temps, pour celui qui se fait larguer, c'est cruel parce qu'il se dit, ben même... encore, pourquoi elle me largue ? C'est compliqué à accepter. Je pense que c'est une jolie phrase qui doit être douloureuse à entendre.

  • Speaker #1

    J'entends. Oui, elle a été douloureuse. Mais c'est tout aussi douloureux pour la personne qui quitte, pareil. Oui,

  • Speaker #0

    alors ça, c'est très juste. D'ailleurs, on n'en parle jamais de ça. Benjamin Constant, dans Adolphe, il parle beaucoup de la souffrance de celui qui s'en va et qui est responsable de la rupture. Donc, il doit endosser cette... Cette charge de se dire...

  • Speaker #1

    Cette culpabilité.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et ça, on n'en parle jamais, puisque personne ne va consoler un type qui a largué sa femme.

  • Speaker #1

    Et je trouve que c'est simplifier l'acte, alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça aussi, de partir.

  • Speaker #0

    Bon, les dates aux Etats-Unis, parlons-en un peu, c'est très codé, pour le coup. Alors, pour le coup,

  • Speaker #1

    ça arrive en France. Alors, peut-être pas dans nos générations, mais...

  • Speaker #0

    Expliquez-moi ce que font les jeunes. Alors je ne sais pas ce que vous voulez dire. Il y a un premier rendez-vous.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, aux États-Unis, c'est très strict. En France, on commence à codifier les choses. Mais aux États-Unis, typiquement, il y a des règles. Il y a une première date où vous prenez un café. Deuxième date. Alors je ne connais plus les règles.

  • Speaker #0

    Et à quel moment il y a un bisou ?

  • Speaker #1

    Le bisou, il n'arrive pas à la première date. Il arrive peut-être à la deuxième. Il y a des choses, c'est complètement orchestré. Et en fait, un point positif, c'est qu'on sait où on va. C'est un point négatif, en tout cas pour moi, française, qui a été élevée en France, dans un pays latin, avec plein de belles choses aussi liées de la séduction, du flirt. C'est qu'il n'y a pas beaucoup de flirt. Il n'y a pas beaucoup de séduction à la française. Mais en même temps, séduire, c'est dorer, c'est pousser à la faute. Donc c'est bien, c'est mal. Il y a plein de choses à dire autour de ça aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, bien sûr. D'ailleurs, le mouvement MeToo un peu remet en question cette idée de galanterie, de zone grise, de séduction.

  • Speaker #1

    Et il remet à sa place, en fait, des choses qui étaient de l'ordre de l'ambiguïté, qui n'étaient pourtant pas acceptables, mais plutôt en avant des choses qui le sont, et qui sont pour moi de la vraie séduction.

  • Speaker #0

    Donc, c'est-à-dire de dialoguer sur le consentement,

  • Speaker #1

    par exemple ? C'est vite.

  • Speaker #0

    Ça, les Américains le font plus que les Français,

  • Speaker #1

    je pense. Le simple fait, quand une femme vous dit non, c'est clairement un non. Lorsqu'un homme, moi j'ai eu ça, des hommes qui... poussait un peu et je disais que je n'étais pas intéressée mais je ne disais pas comme ça. Avec un petit peu d'intelligence pratique, on comprenait que ce n'était pas possible en fait. Et voilà, c'est des choses où il faut avoir un peu plus d'intelligence émotionnelle et d'intelligence pratique. Et je pense que le mouvement MeToo, comme toutes les évolutions, a permis de recadrer certaines choses et de donner à chacun la responsabilité individuelle et de ce fait collectif des comportements, des agissements et des responsabilités qu'on a les uns envers les autres.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je précise, votre livre ne parle pas énormément de cette révolution-là, mais en même temps, c'est aussi un changement de code.

  • Speaker #1

    C'est un changement de code. Vous savez, moi, je vais vous dire une chose. Moi, quand un homme me dit, c'est pas facile pour nous aujourd'hui, je dis, bon, quand même, c'est pas si difficile que ça. Et par ailleurs, moi, je vais dire, un homme qui est intéressé par une femme et il ne sait pas comment la draguer parce qu'il est paumé, il a le droit d'être paumé. Moi, je dis à l'homme, dis à cette fille qu'elle te plaît. Et vous savez quoi ? Si la femme n'est pas intéressée, elle n'ira jamais l'envoyer bouler. Elle sera même respectueuse de son courage et du fait qu'il lui ait dit tu m'intéresses. Et elle lui dira éventuellement, non, tu ne m'intéresses pas ou tu m'intéresses aussi. Mais en tout cas, il n'y aura pas de violence symbolique dans les échanges. Je dis toujours aux hommes, si tu as une question à poser, il faut la poser. Si tu as un doute, tu le dis. Si la fille t'intéresse, tu ne sais pas comment faire, tu as le droit de lui dire. Je crois que c'est un progrès,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai qu'il n'y aura plus ce mystère. qui était aussi une sorte d'art de vivre français.

  • Speaker #1

    Si, moi, je pense que ça peut exister. Mais une fois qu'on est sorti de ce premier pas d'ambiguïté, où on a compris qu'on se plaisait l'un l'autre, mais on n'a pas encore fait le premier pas complètement, mais on a compris qu'il y avait un intérêt l'un envers l'autre. Et là, on peut rentrer dans un jeu de séduction.

  • Speaker #0

    Là, on peut garder quand même le petit mystère pendant quelques jours, voire semaines, voire mois, voire années, voire une vie.

  • Speaker #1

    Voire une vie, oh là là !

  • Speaker #0

    Alors... Vous dénoncez plusieurs dérives de ce phénomène, comment on peut dire, les algorithmes au service de l'amour. Et un des phénomènes, c'est que les algorithmes nous font rencontrer des gens qui nous ressemblent. Ça, c'est quand même un enfermement. D'ailleurs, Pierre Bourdieu dénonçait le déterminisme social. Et vous, vous parlez d'un déterminisme algorithmique.

  • Speaker #1

    En fait, c'est ça qui est intéressant, c'est que si on regarde le travail de Bourdieu sur la distinction et les défis. dont c'est tiré ce que vous venez de dire, à savoir que même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale, quel est notre capital social, culturel et économique, en fait, il y a des signes distinctifs, explicites ou plus ambigus, nous concernant, et qui fait qu'on se reconnaît les uns les autres et qu'on irait tendre vers des personnes qui ont le même capital social, économique et culturel. En fait, les algorithmes, et en particulier les applications de rencontre, démontrent à grande échelle et hors sondage, c'est-à-dire sur des populations qui ne savent pas qu'elles sont observées, contrairement aux sondages et aux enquêtes que Bourdieu a faits qui lui ont permis... de démontrer, même certains remettent en question sa démonstration, moi j'adhère complètement, ces applications de rencontre ont démontré par les résultats des matchs, des correspondances entre les personnes, qu'en fait, même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale on est, on ne donne pas notre université, on ne met pas quel est notre salaire, où est-ce qu'on habite, on ne donne pas tout ça, ni même notre nom de famille, pour autant, dans la majorité écrasante des applications, pour autant, on remarque que les gens se remettent ensemble par... capital, social, économique, culturel similaires. Et donc ça voudrait dire quelque part, et c'est ce que j'explique, c'est que les algorithmes de matching, de correspondance seraient capables, et c'est pas eux qui sont capables, c'est nous en fait on a des signes distinctifs et on va vers des gens qui nous ressemblent et que les algorithmes sont entraînés sur ces comportements de notre part où on va liker, swiper à droite ou swiper à gauche, et que nous on serait capable de voir des signes de l'ordre du signal faible en fait, des choses implicites mais que voilà qui nous... Donc ça quelque part ça ça démontrerait. En fait, la théorie de la distinction.

  • Speaker #0

    Et est-ce que vous pensez que les algorithmes tuent ? Le sentiment amoureux ? Vous ne répondez pas vraiment à cette question.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Non, parce que je pense que ça dépend complètement comment vous les utilisez. C'est-à-dire que moi, par exemple, j'ai entendu des relations à longue distance. Heureusement que j'avais les technologies numériques pour pouvoir correspondre, échanger et alimenter le désir. Et puis après, il y a des outils. Si vous utilisez les applications de rencontre pour trouver l'homme ou la femme de votre vie, c'est quand même assez mal barré. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, mais c'est quand même assez mal barré. Donc, ça dépend de ce que vous faites avec ces outils. De la même manière, si vous utilisez Instagram, TikTok et tous ces réseaux pour aller découvrir l'autre et cristalliser, tomber amoureux, c'est la pire des erreurs. En réalité, on tombe amoureux d'une personne en vrai, en chair et en os, et que tout ce qu'on montre sur ces réseaux n'est qu'une face idéalisée, déformée de la réalité que certains construisent avec brio,

  • Speaker #0

    par ailleurs. Oui, c'est assez marrant parce qu'à la fin, vous concluez en parlant de ces deux phénomènes que sont le love bombing et le ghosting. Alors, est-ce que... Expliquez rapidement ce que c'est.

  • Speaker #1

    Alors, le lovebombing, c'est lié au ghosting. Le lovebombing, c'est le fait d'avoir une relation, a priori, en apparence très passionnée, très à fond, puis du jour au lendemain, disparaître.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est typiquement un truc de virtuel. On en fait trop dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    On s'auto-persuade en envoyant des grandes déclarations à quelqu'un qu'on connaît à peine, et puis on change d'avis.

  • Speaker #1

    Pourquoi il y a du lovebombing ? En fait, ça peut être conscient ou inconscient, les gens ne font pas ça méchamment, ils sont sincères quand ils le font. C'est parce qu'en fait, justement, il y a une sorte de cristallisation, on va perfectionner la personne à travers ses réseaux, on aura l'impression de ressentir des choses extraordinaires, et en fait, ce qu'on ressent, ce n'est même pas du désir, en fait. C'est un désir artificiel dû à la cristallisation, ce n'est pas du désir profond. Et le ghosting, justement, c'est ce qui a toujours existé dans l'histoire de l'humanité, mais sous différentes formes.

  • Speaker #0

    Avant, on... disparaissait.

  • Speaker #1

    On pouvait arrêter d'écrire des lettres.

  • Speaker #0

    Là, c'est terrible parce qu'on a l'impression que la personne qui est abandonnée, tout d'un coup, elle n'a plus de réponse. Et je pense même que ça peut causer des suicides.

  • Speaker #1

    Suicides, je ne sais pas, mais en tout cas, il y a eu des études qui ont démontré que le ghosting avait des conséquences dramatiques sur l'estime de poids chez les individus qui se font ghoster. C'est logique. Et par ailleurs, là, c'est là que ça m'a le plus étonné, mais ça, je l'ai découvert après avoir écrit le livre, c'est que souvent, le ghosting, on l'associe à des jeunes, des personnes en cours de développement de désirs, de connaissances l'un de l'autre, de flirts. Sauf que maintenant, on découvre qu'il y a des gens qui vont se ghoster après deux, trois ans de relation. Et ça, par contre, ça doit être très violent.

  • Speaker #0

    C'est la forme suprême de lâcheté, je crois, contemporaine. C'est le ghosting.

  • Speaker #1

    Sauf que, c'est là où c'est intéressant, c'est que là, pour le coup, c'est de la lâcheté, je suis complètement d'accord avec vous. Et c'est une achetée qui est permise par la manière dont sont structurés ces outils, puisqu'en fait, c'est très facile de ne pas répondre à quelqu'un et de complètement partir, sortir des radars. Sauf que quelles sont les conséquences de ça dans le vrai monde ? Et je donne un exemple concret d'une amie à moi qui prenait un verre avec quelqu'un qu'elle avait rencontré sur les applications de rencontre, avec lequel elle avait échangé pendant deux semaines. Ils se retrouvent dans un bar à West Hollywood, à LA, et le garçon lui demande, ils prennent un verre, ils dînent, c'est sympa. pas ça marche bien et s'embrasse un peu et du ya est ce qu'on est ce qu'on va chez moi et dit non j'ai pas envie ok il se remette à rigoler à s'embrasser il dit on va chez toi et ma copine dit bah non non on vient pas et dit donc le garçon lui dit mais en anglais c'est ce moment d'être sexe on va pas avoir faire l'amour ce soir et dino non on va pas et le mec n'a jamais dit c'est même pire il s'est levé il a payé ses barres et

  • Speaker #0

    Il ne lui a même pas dit au revoir. Et donc, je lui ai dit...

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il n'était pas au courant du système des dates. Dans la première étape, on ne fait rien.

  • Speaker #0

    Bah oui, et surtout, je crois que son comportement à lui, mais ça peut être plein d'autres personnes, sur ces réseaux où on peut facilement swiper à gauche les gosses intelligents, en fait, se traduit d'une certaine manière sous d'autres formes dans le monde réel. Et c'est ça qui est le plus inquiétant. Et pour le coup, il y a une sociologue américaine qui s'appelle Dana Boyd, qui étudie beaucoup l'influence de la sphère médiatique sur la sphère physique. Et c'est vachement intéressant, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que le gars s'est comporté comme un ghosteur, mais en live. Exact,

  • Speaker #0

    et c'est violent.

  • Speaker #1

    Alors, le code a-t-il vraiment changé quand on regarde l'image de la femme sur Instagram ? Il y a quand même beaucoup, beaucoup de femmes qui montrent leurs fesses, leurs seins, qui se mettent à danser sur TikTok notamment, mais aussi chez les hommes. Les hommes qui montrent leurs muscles, qui montrent leur voiture de sport. On est en fait dans une régression catastrophique.

  • Speaker #0

    On est, en fait, dès qu'il y a une question d'image, ça pour le coup aussi Bourdieu a vachement écrit sur l'image, mais dès qu'on a de l'image qui apparaît, un nouveau mode de communication par l'image, on tombe très facilement dans des clichés, des sortes de stéréotypes. Et oui, on a ça aussi, on n'a pas que ça, heureusement, mais on a ça. Et pour le coup, ça je l'explique dans le livre, c'est aussi dû à la manière dont les algorithmes de recommandation fonctionnent, puisqu'en fait, les algorithmes de recommandation, ils recommandent des choses qui plaisent aux gens. Vous allez rire, mais un homme qui va montrer sa super Ferrari ou une femme qui va montrer sa poitrine, ça fait du like. Et donc, l'algorithme va être entraîné sur des émotions. Et c'est complètement logique. L'algorithme ne fait que traduire statistiquement des tendances que nous, on a en tant que humains de notre côté.

  • Speaker #1

    Alors moi, c'est très vexant parce que quand je vais sur Instagram, on me propose des buts de football parce que j'ai dû cliquer deux fois sur des beaux buts de football. Maintenant, je reçois des... Des buts. tonnes de buts de football, alors que je ne suis pas un passionné de foot.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est l'effet bulle. Ah oui, c'est très étrange. Et moi aussi, je suis dans un effet de bulle, parce qu'en fait, moi, je reçois beaucoup de petites vidéos et des photos de petits chiens et de petits Ausha. J'adore les petits chiens et les petits Ausha.

  • Speaker #1

    Les algorithmes nous rendent-ils goujats, les uns avec les autres ? C'est-à-dire, finalement, comme je disais tout à l'heure, il n'y a plus l'élégance, il n'y a plus le charme. On devient plus direct, les êtres humains sont interchangeables. Et puis, c'est la disparition du baratin. Alors, bon débarras, peut-être. Mais en même temps, les baratineurs, les baratineuses, les allumeuses, moi, je trouve que c'était... Ça avait du charme.

  • Speaker #0

    Alors, pour le coup, c'est marrant que vous disiez ça, parce que sur les réseaux, il y a une sorte de baratin, vu qu'on raconte une histoire qui n'est pas l'histoire vraie. Donc en fait, je dirais le contraire, le baratineur n'a jamais autant existé que la baratineuse.

  • Speaker #1

    Bon ben vous me rassurez.

  • Speaker #0

    Vous êtes rassurée.

  • Speaker #1

    Je suis rassurée. Surtout, vous citez l'étymologie du mot séduire, séducerer, moi je ne savais pas, ça veut dire détourner du droit chemin, pousser à la faute. et ça c'est...

  • Speaker #0

    oui alors ça mais l'être humain ne changera jamais à ce niveau-là mais c'est très bien de séduire la différence entre aujourd'hui et avant on parlait de me tout à l'heure c'est juste que maintenant on sort de l'ambiguïté pour accepter ce jeu de séduction et je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle sinon c'est pas de la séduction c'est poussif et c'est chiant et c'est pénible oui mais il y a du mensonge il y aura toujours du mensonge pour l'humour mais c'est normal parce que c'est souvent du mensonge par omission par ailleurs on va pas tout dévoiler on va pas tout dire on va pas mais ça c'est plutôt... C'est plutôt, j'ai envie de dire, normal. Et puis on a tous un jardin secret qui n'est pas un jardin secret illégal, qui est juste nos petits secrets, nos choses à nous, et dont on va parler avec nos amis proches, par exemple.

  • Speaker #1

    Cela dit, il y a quand même ce phénomène des dick pics et des nudes, donc dans les deux camps. Les hommes qui croient que pour draguer, il faut faire une photographie de son sexe et l'envoyer direct.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a jamais marché, ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je n'ai pas essayé, mais ça m'étonnerait.

  • Speaker #0

    Ça ne marche pas. Et ce qui est d'ailleurs paradoxal, c'est qu'on fait des choses dans le monde virtuel qu'on ne ferait jamais dans le monde réel. La question des dick pics est quand même vachement intéressante.

  • Speaker #1

    C'est fou.

  • Speaker #0

    Mais surtout, c'est vachement intéressant parce que les hommes envoient une photo de leur dick pic facilement sur les réseaux sociaux. Moi, j'ai des catalogues entiers. Et je trouve ça...

  • Speaker #1

    Donc, vous recevez beaucoup de vidéos de Ausha et beaucoup de dick pics.

  • Speaker #0

    En fait, les gens se sont un peu calmés. Mais je me souviens, j'en parlais avec des amis à moi sur Instagram. Ils envoyaient des photos des mecs qu'on ne connaît pas. Et donc, je vous dis ça. Je ne sais pas si c'était la leur ou pas. Mais en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que si ces mêmes hommes, ils devaient faire une photo, l'imprimer, la mettre dans une enveloppe, l'envoyer par la poste, ils ne le feraient peut-être pas.

  • Speaker #1

    Non, ils ne le feraient pas. Ils auraient eu le temps de réfléchir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant.

  • Speaker #1

    En tout cas, on est loin de la correspondance. amoureuse entre Albert Camus et Maria Casareff.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi, il y a Julie Neveu qui avait fait un très bon livre sur justement comment on pouvait communiquer différemment à travers ces réseaux. Après, c'est sûr, moi, j'adore le pouvoir des mots et j'adore les belles phrases et j'adore les belles intentions. Moi, j'adore les petits mots que mon amoureux m'écrit sur des petits bouts de papier qu'il me laisse dans l'appartement. J'adore.

  • Speaker #1

    Dieu merci, ça existe encore. Serions-nous devenus des individus consommateurs de gens ? Sans agaper. Vous parlez de l'agaper.

  • Speaker #0

    L'agaper, l'amour de l'autre inconditionnel.

  • Speaker #1

    Qui est quand même une notion qui fait de nous... Un peu plus que des animaux.

  • Speaker #0

    Complètement d'accord. C'est-à-dire qu'on a cet altruisme en nous qui est nécessaire pour la cohésion sociale et la société dans sa globalité. Il y a différents types d'amour. Il faut reprendre le banquet de Platon, mais Agapé en fait partie. Est-ce qu'on est dans une mode de consommation ? Disons qu'on a commencé dans une mode de consommation à travers cette idée que sur ces réseaux sociaux qu'on utilise maintenant comme des réseaux d'information et attention à ce qu'on regarde, à ce qu'on voit, à ce qu'on partage, on est déjà dans la consommation des contenus des personnes et des comptes, c'est-à-dire les personnes elles-mêmes. Après maintenant les applications de rencontres, oui ça c'est Valelouz qui en parle, on a une dérive mercantile en fait, où on va faire son shopping en fait, comme on dirait, faire son shopping d'individus. Et ouais c'est problématique parce qu'en fait, d'ailleurs elle cite quelque chose que moi je ne connaissais pas, elle le cite dans Pourquoi l'amour fait mal, je crois, ou La fin de l'amour, où elle dit les hommes et les femmes ont des comportements différents en couple. Elle parle des couples hétérosexuels. Et donc elle disait un homme qui est en couple avec une femme, il va... continuer à regarder d'autres femmes pour être dans une démarche comparative entre les femmes et sa femme. Donc, check the market, on va dire. Et en fait, elle explique que la tendance chez les femmes n'est pas de faire ça. Lorsqu'elles sont avec un homme, elles ne regardent que leur homme. Déjà, c'est intéressant. Sauf qu'aujourd'hui, ce qu'on remarque, c'est...

  • Speaker #1

    C'est très... Attention, parce que c'est très macho, ce que vous dites.

  • Speaker #0

    Ah non, mais c'est des...

  • Speaker #1

    C'est quand même quelque chose de réel.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est macho, les hommes sont machos, pour le coup. Et par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'à travers l'usage de ces applications de rencontre, où nous-mêmes, hommes et femmes, on a les mêmes gestes de mécanisation, on va soit IP à droite, soit IP à gauche, on est dans une démarche de comparaison. Et donc les femmes deviendraient aussi comme ça. C'est un comportement à éviter. La dérive mercantile, elle existe, il faut en prendre conscience. Et encore une fois, on ne va pas faire son marché. L'amour, ce n'est pas...

  • Speaker #1

    C'est ce que disait Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte Il disait qu'il y a la lutte sociale. Et puis, tout d'un coup, le sexe devient un marché, comme n'importe quel marché, comme un supermarché, avec des gens interchangeables. Et c'est ça qui est un peu terrifiant. Alors, il y a un autre chapitre dans votre livre que j'ai adoré, c'est sur les avatars en 3D et le sexe avec un casque connecté. Peut-être bientôt, il n'y aura plus besoin de casque. Ce sera Neuralink, c'est-à-dire qu'on aura un implant cérébral, une puce qui nous fera faire quoi ? L'amour avec quelqu'un sans le rencontrer.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est dans le dernier chapitre sur la sexualité algorithmisée, en particulier les robots sexuels, les sextoys connectés, et ces fameux avatars, ces casques et autres. Il y a beaucoup d'études là-dessus. Vous savez, moi je considère que de la même manière que les sextoys sont très anciens, il y en avait déjà à l'époque de Cléopâtre, l'idée n'est pas de se dire est-ce qu'on va créer un outil pour remplacer l'humain, c'est est-ce qu'on peut créer des outils pour augmenter la sexualité, pour que les gens trouvent leur mode de désir, leurs outils. Et à ma connaissance, le sextoy n'a jamais remplacé un homme ou une femme. Maintenant, cela étant dit, et c'est là où toute la différence avec aujourd'hui, c'est qu'il ne faudrait pas que tous les outils qu'on crée aujourd'hui, que ce soit le casque virtuel ou les robots sexuels, nous font perdre pied avec la réalité jusqu'à ne pas distinguer le vrai du faux. Et quand on a un sextoy entre les mains, on sait que ce n'est pas un être humain. Quand vous êtes avec un robot sexuel... C'est beaucoup mieux ! et beaucoup de progrès par ailleurs mais typiquement c'est vrai que c'est pas la même chose et donc quand on a un casque connecté ou qu'on a un robot sexuel on peut rentrer dans ce que j'appelle une confusion des sentiments qui est le chapitre précédent où je traite justement de cette idée où on perd pied sur ce qui est vrai ce qui est faux, est-ce que ce robot sexuel a des émotions vis-à-vis de nous ? Pas du tout mais au regard de son anthropomorphisme grandissant, ça nous laisse croire qu'il pense à nous et vous citez

  • Speaker #1

    le film Heard de Spike Jonze. Et il y a eu des cas dans la vraie vie d'hommes qui sont tombés amoureux d'un... Comment on peut dire ? D'une IA ?

  • Speaker #0

    En l'occurrence, c'était des agents conversationnels, comme dans Heard.

  • Speaker #1

    D'accord. Et un suicide ? Il y a eu un suicide. Mais il faut dire, le jour où tu es vraiment tombé amoureux de ton ordinateur, tu peux te flinguer. Je crois que c'est le moment de se pendre.

  • Speaker #0

    Vous savez, c'est intéressant parce que... Moi, quand j'ai vu ce cas-là, c'était en Belgique, d'un homme qui était marié, qui avait des enfants, qui avait un boulot. Il n'y avait pas du tout de crise, parce qu'on peut imaginer, comme dans Her, où il sortait d'une relation douloureuse. Là, ce n'était pas du tout le cas. Et en fait, il a eu des échanges avec certains gens conversationnels, un tomboy amoureux, jusqu'au suicide. Et en fait, ce qui est intéressant, l'agent conversationnel ne lui a pas dit suicide toi Mais il lui a dit, j'ai envie de te rejoindre. Et l'agent dit, mais rejoins-moi. Ça a été un long process. Et tout ça pour dire qu'en fait...

  • Speaker #1

    Tout d'un coup, il s'est dit, mais comment rencontrer cette personne qui est un algorithme ? Et dans quel monde vais-je la rencontrer ? Peut-être que justement, quand il y aura les casques 3D 360 degrés, on pourra tomber amoureux et coucher avec une créature imaginaire en forme de sirène ou de poulpe.

  • Speaker #0

    Peut-être que ce serait un poulpe, c'est intéressant. J'aime beaucoup l'intelligence des poulpes, personnellement. Écoutez, c'est intéressant parce que je pense qu'il y a plein de choses. Tous ces outils, en fait, ont des opportunités de grosses dérives. Il faut faire très attention et à commencer par l'effet Lisa dont je parle, qui est cette confusion. On a l'impression, en fait, que cette machine nous ressemble et a des émotions et une conscience comme nous, alors que pas du tout. Et donc, oui, il faut faire très attention. Mais après, il y a aussi tout un côté intéressant que moi, je trouve, c'est que tous ces outils qu'on a aujourd'hui nous permettent davantage encore de comprendre l'humain. Le sentiment amoureux, la relation à l'autre.

  • Speaker #1

    Donc vous n'êtes pas si négative que ça ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a des grosses dérives. Et s'il y a un sujet que l'IA ne devrait pas toucher, c'est l'amour. Mais bon, il y a déjà des applications de rencontres et tous ces outils.

  • Speaker #1

    Vous avez eu envie d'écrire sur ce sujet, c'est tout à fait brillant. Vous aviez écrit un roman de science-fiction avec Amanda Stairs qui s'appelait Révolution 2050.

  • Speaker #0

    Résistance 2050. Pardon,

  • Speaker #1

    Résistance 2050. Et dans lequel vous évoquiez une menace globale des machines sur l'humanité. Donc vous étiez plus inquiète dans le roman que dans l'essai.

  • Speaker #0

    Alors oui et non, parce que dans le roman, en fait, il y avait deux personnages principaux, deux femmes. Une femme, Chloé, qui était une scientifique brillante qui était à l'origine de la création de ses puces cérébrales. Et Nuna, une femme qui est une amie de Chloé par ailleurs et qui, elle, en fait, était une artiste et contre ses puces. Et en fait, l'idée dans ce livre, c'est de montrer que... On peut toujours utiliser une technologie à des fins néfastes. Ce qu'il faut faire, c'est se battre pour s'assurer qu'elle soit utilisée à bon escient. Et par exemple, la puce cérébrale est un très bon exemple, puisque par ailleurs, ce sont deux Français de Grenoble qui ont créé la première puce cérébrale. Et ça permet de... Mythique guillemette de Parkinson, ça va nous permettre de faire énormément de choses.

  • Speaker #1

    Et même Alzheimer aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, il y a des recherches là-dessus. Enfin, on pourra faire de grandes, grandes, grandes choses. C'est d'ailleurs tout le sujet du livre, on partait sur la création de ces puces pour... pour traiter ou empêcher l'arrivée, de retarder l'arrivée d'Alzheimer. Maintenant, il y a plein de choses qui peuvent être faites aussi, qui sont possiblement dangereuses. Donc il faut juste, en fait, moi je ne suis pas contre l'innovation, la technologie, la science, sinon je ne ferais pas ce que je fais.

  • Speaker #1

    C'est votre spécialité.

  • Speaker #0

    Voilà. Moi je défends... Vous êtes sûr ?

  • Speaker #1

    Alors pardon, il y a dans cette émission, Laurent Alexandre, qui a créé Doctissimo, qui a... Un spécialiste du transhumanisme, il est venu ici et en avril dernier, il nous disait que l'intelligence artificielle allait supplanter l'homme dans dix ans. Et d'ailleurs, la police vient nous arrêter parce que nous sommes déjà obsolètes. Mais non, en gros, lui est beaucoup plus inquiet que vous. Il dit que nous allons être dépassés dans dix ans et que nous ne sommes plus l'espèce la plus intelligente.

  • Speaker #0

    Sauf que Laurent, il n'explicite pas exactement de quelle intelligence il parle. C'est-à-dire que l'intelligence artificielle, on ne spécifie pas de quelle intelligence on parle. L'intelligence artificielle, c'est une intelligence analytique artificielle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est capable de faire des IA et on ne sera capable de faire que ça, qui maîtrise l'intelligence analytique humaine. Jamais l'une IA ne maîtrisera l'intelligence émotionnelle, créative et pratique. Et ça, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, ça n'arrivera pas. Par contre, on donnera l'impression d'eux. Donc moi, quand on me dit que les IA dépassent l'homme, c'est déjà le cas en fait. Et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Moi, j'ai envie qu'on ait des IA encore de plus en plus efficaces, qui peuvent nous aider dans plein de choses. Moi-même, j'ai développé... Et j'ai une startup dans ce domaine-là, Infra, où on a développé une technologie algorithmique de détection précoce du cancer du sein. Mais c'est génial en fait de faire ça. Maintenant, la question, c'est qu'est-ce que nous, on peut apporter sur la table en tant qu'humain, ce qu'une machine n'apportera jamais. Et je peux vous assurer que dans plein de corps de métier, on a des tâches constitutives qu'on n'arrive pas à déployer, qu'on n'arrive pas à faire, parce qu'on n'a pas le temps de les faire et qui font de l'ordre de l'émotionnel, de la créativité, du sens, du bon sens.

  • Speaker #1

    Avez-vous utilisé, oui ou non, ChatGPT pour écrire votre livre ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Par contre, j'utilise Gemini, c'est l'outil de Google, mais pas pour écrire mes livres, ni pour écrire mes chroniques, parce que j'adore écrire et que c'est la force. C'est un livre qui est écrit avec intuition, émotion, instinct et des ressorts. Moi, j'utilise Gemini, par exemple, récemment, j'ai dû écrire un sondage dans le cadre de mon activité entrepreneuriale. Et ce sondage, il fallait que je retravaille les phrases de façon à parler à tout le monde et d'avoir des éléments de langage qui puissent parler à tout le monde. Et du coup, j'ai demandé à Gemini de... de me reformuler les questions sous trois niveaux de sophistication de langage en anglais, ce qui me permettait de faire un petit mélange et de choisir. Et ça m'a beaucoup aidée. Et donc, on peut utiliser ces outils pour faire plein de choses.

  • Speaker #1

    Et nous arrivons maintenant au point crucial de l'émission. Devine tes citations. Un célèbre jeu envié dans le monde entier. Si je ne le faisais pas, il y aurait des manifestations dans la rue. J'entends. Je vais vous lire Aurélie Jean des phrases de vous. Alors, vous n'êtes pas... pas auteur de feel-good books ni de guide de développement personnel mais quand même, vous avez écrit pas mal de livres six livres en tout et donc je vous lis des phrases, vous allez me dire dans lequel de vos livres vous avez dit cette phrase Richard Feynman a été l'une de mes grandes inspirations lorsqu'à l'université j'ai fait connaissance avec l'atomistique c'était dans le premier livre,

  • Speaker #0

    pardon de l'autre côté de la machine

  • Speaker #1

    Voyage d'une scientifique au pays des algorithmes déjà 2019, c'était votre premier livre. Et pourquoi ce Richard Feynman vous est pas tiltant ? C'est à cause de la physique quantique ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que moi j'ai fait un an de physique quantique, mais surtout ce que j'aimais chez lui, c'est qu'il y avait cette particularité de rendre plaisant et drôle la science quantique, c'est quand même pas facile.

  • Speaker #1

    C'est difficile à comprendre, moi j'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est normal, il le dit. Il le dit, on ne comprend pas et c'est normal. Par contre, c'était passionnant et puis il arrivait à expliquer des phénomènes comme l'intrication, la superposition et je trouvais ça vraiment passionnant et surtout il était drôle. Et moi j'ai grandi avec ses livres de physique.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous. Toute personne non équipée d'une puce cérébrale est inadaptée à la vie sociale du pays.

  • Speaker #0

    Ça, c'était dans notre livre d'anticipation, La résistance 2050 avec Amanda Sturz.

  • Speaker #1

    Expliquez-moi comment on fait pour écrire un roman à deux ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce qu'on avait commencé, Amanda avait commencé, donc elle voulait commencer le livre, on a commencé à échanger et après elle m'a dit, mais pourquoi on ne l'écrivait pas ensemble ? Au départ, je devais juste être conseillée et puis au final, j'ai commencé à écrire. Donc l'idée, c'est qu'on s'est partagé des parties en fonction des sensibilités de chacune. C'est-à-dire que moi, je suis plus capable d'écrire des parties techniques. J'ai essayé d'écrire des parties où je parlais des sentiments et d'émotions. C'est la qu'attache d'une naïveté ridicule. Donc, tout ce qui était amour, il fallait mieux que ce soit Amanda qui le fasse.

  • Speaker #1

    Autre phrase. Nos interactions avec les robots sexuels disent beaucoup de nous.

  • Speaker #0

    Le cadre a changé.

  • Speaker #1

    C'est dans le dernier. Vous partez dans un gros délire, d'ailleurs, dans ce chapitre.

  • Speaker #0

    C'était drôle.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut lire le livre pour ça. Mais vous dites à un moment que vous êtes... préoccupés par le risque que nos données sexuelles deviennent publiques. C'est un vrai risque ça ?

  • Speaker #0

    En fait ?

  • Speaker #1

    Si on commence à avoir des... Je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Des sextoys connectés ?

  • Speaker #1

    De la pornographie connectée à des robots,

  • Speaker #0

    à ce moment-là,

  • Speaker #1

    ça pourrait devenir public genre... Intel, il fait ci, cela...

  • Speaker #0

    Disons qu'il y a toujours des risques. Je parlais surtout des sextoys connectés qui sont déjà largement déployés, c'est-à-dire qui collectent des informations personnelles concernant notre sexualité pour en retour personnaliser les vibrations par exemple. et nous assurer l'orgasme, soit disant, je dis bien soit disant parce que c'est pas gagné, et en fait ce qui est intéressant c'est que toutes ces données nous concernent nous individuellement, ce sont des données personnelles, des données à caractère personnel, qu'est-ce qui peut être fait avec ces données, qu'est-ce qui sont faits avec ces données, et comment s'assurer que ces données... Alors il y a des réglementations qui existent pour les protéger, mais le risque est toujours là. Donc voilà, là il y a quand même un risque d'absorption de nos vies intimes, bien au-delà que le simple scandale de Cambridge Analytica.

  • Speaker #1

    Oui. Exactement, oui, c'est ça. Oui, exactement. C'est très, très, très, très flippant. Une machine qui vous dit je t'aime simule.

  • Speaker #0

    Alors, j'en parle dans le Code à changer, mais je l'évoque très légèrement aussi dans mon premier livre. Mais c'est surtout dans le Code à changer.

  • Speaker #1

    Eh bien là, c'est ni l'un ni l'autre. C'est dans Algorithme, bientôt maître du monde. En 2023.

  • Speaker #0

    Oui, pour les 15-25 ans, j'avais écrit ce livre.

  • Speaker #1

    Je l'ai eu, la surprise.

  • Speaker #0

    C'est vrai, vous me l'avez eu. Oh là là, vous êtes fort.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous en savez qu'une machine qui vous dit je t'aime simule ? Il y a peut-être des robots sincères ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'un robot n'a pas d'émotion et de sentiment. Par ailleurs, j'ai un ami à moi, Thomas Doutrepont, qui est philosophe. Et quand je lui ai raconté ça, il m'a dit, mais Aurélie, quand un homme te dit je t'aime, tu ne sais pas s'il ressent ce qu'il dit.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Voilà, donc en fait, on revient au point de départ. Comme dit Facebook, situation amoureuse, deux points, c'est compliqué. Pour conclure sur... C'est une note d'espoir. Moi, j'ai la solution entre les hommes et les femmes. Est-ce que vous voulez que je vous la donne ?

  • Speaker #0

    Allez-y, j'ai peur, mais allez-y.

  • Speaker #1

    Eh bien, après des millénaires où les hommes abordaient les femmes, c'est aux femmes désormais de faire le premier pas. Le premier pas.

  • Speaker #0

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'elles fassent le premier pas. Je sais. Cela ne se fait pas. Pourtant, j'aimerais que ce soit elle qui vienne à moi. C'est bien sûr ça la solution Aurélie.

  • Speaker #0

    Je pense que tout est possible et il ne faut pas se donner un cadre trop rigide au risque de passer à côté d'un grand amour.

  • Speaker #1

    Ça, c'est une réponse un petit peu floue.

  • Speaker #0

    Ah bah non,

  • Speaker #1

    parce que moi... Vous avez déjà abordé quelqu'un que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #0

    Vous vous êtes battue ? Moi, c'est différent parce qu'en fait, je n'arrive pas à montrer un homme qui me plaît. Moi, c'est l'inverse. Il y a des hommes qui pensent que je suis intéressée, alors que pas du tout. Parce que je suis avenante, souriante. Et puis, quand un homme m'intéresse vraiment, il ne comprend pas.

  • Speaker #1

    Et vous êtes intimidée ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est mon côté un peu nerd. Je ne sais pas montrer comment. Donc, à un moment donné, je lui dis, tu me plais. Donc, moi, je n'ai pas de problème. Je pense que... Un homme ou une femme peut dire, faire le premier pas ou pas. En fait, ce qui est important, ce n'est pas le premier pas. C'est que les deux pas se font à un moment pas trop éloigné dans le temps pour que la chose se concrétise.

  • Speaker #1

    Donc, l'amour n'est pas une science exacte, mais une question de timing.

  • Speaker #0

    Une question de timing, c'est vrai. C'est vraiment une question de timing pour le coup, l'amour.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Aurélie Jean. Je rappelle le titre de votre livre. Le code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes et c'est aux éditions de l'Observatoire. J'ai encore un truc à dire, oui. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine. L'ingénieur du son en était. Guilhem Pagelacce. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

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Description

Drague sur internet, sexe virtuel, rencontres IRL et amour impossible : enfin une conversation légère sur ces sujets graves. Une heure de badinage avec Aurélie Jean, pour "Le code à changé" (Éditions de l'Observatoire)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde et bienvenue dans Conversations chez La Pérouse, une émission intégralement préparée par l'animateur, ce qui est rare. L'animateur, c'est moi en fait. C'est Frédéric Beigbeder. Avec cette semaine,

  • Speaker #1

    Aurélie Jean.

  • Speaker #0

    Pour son livre,

  • Speaker #1

    Le Code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes.

  • Speaker #0

    Chez quel éditeur ?

  • Speaker #1

    L'Observatoire.

  • Speaker #0

    Vous avez été formidable sur ce générique. Merci beaucoup Aurélie. On va passer à la conversation elle-même. Mais juste avant de commencer la conversation, cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Chaque semaine, je fais la petite pub d'un livre et il se trouve, c'est un hasard complet, que cette semaine, je fais la publicité de La Vie des Spectres de Patrice Jean, publié au Cherche Midi. Et je voulais savoir, est-ce que Patrice Jean est le cousin d'Aurélie Jean, mon invitée ?

  • Speaker #1

    Malheureusement, non pour lui.

  • Speaker #0

    Aucun lien de parenté. Vous avez déjà lu un livre de Patrice Jean ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'avais lu celui pour lequel il avait eu le prix L, je crois. Oui, c'était il y a un petit moment déjà.

  • Speaker #0

    C'est un grand romancier. Donc moi, j'en dis... J'ai pas de mal à en dire du bien parce que j'ai toujours aimé ce qu'il faisait. Mais là, le dernier en plus, j'ai voté pour lui dans un prix qui s'appelle le prix Maison Rouge. Et il l'a obtenu cette année. C'est vraiment un grand romancier. satirique, balsacien, qui fait des livres se moquant de l'époque. Et la vie des spectres, c'est la vie d'un journaliste de journal de province qui bascule en enfer pour des histoires de wokisme, des histoires de censure, de cancel culture et tout. Et puis, c'est surtout, comme d'habitude, extrêmement drôle. Et je vais vous lire ce que dit Alice Ferney. Comme ça, ce n'est pas seulement mon opinion. Elle dit, on évoque Balzac, Stendhal et Flaubert. Pour une fois, l'élogieuse filiation n'est pas usurpée. Il faut le lire pour le croire. Donc, lisez La vie des spectres de Patrice Jean aux éditions du Cherche-Midi. Même si ce n'est pas de la famille d'Aurélie Jean. Bonsoir Aurélie, merci infiniment d'avoir accepté de venir passer presque une heure en ma compagnie. Vous êtes docteur en sciences, vous avez fait l'ENS, les mines, le MIT, vous êtes couverte de diplômes. Et j'ai entendu que vous étiez spécialiste en modélisation algorithmique. Qu'est-ce donc que cela ?

  • Speaker #1

    Alors ce mot qui paraît un peu étrange et qui est devenu malheureusement un buzzword, donc l'algorithmique c'est un algorithme, c'est une entité mathématique et numérique qui est en fait comme un modèle numérique mathématique de différents types qui permet lorsqu'il est implémenté dans un code de calcul et qui tourne automatiquement sur l'ordinateur de répondre à une question, de résoudre un problème, d'effectuer une tâche. Et on en utilise tous les jours, on entend souvent le mot intelligence artificielle qui est un mot que j'évite pour ma part s'il crée de la confusion sur son sens. Mais en pratique, en fait, on développe, on calibre, on entraîne un algorithme sur des jeux de données dans l'objectif de réaliser une tâche.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ceux qui ont compris ce que vient de dire Aurélie Jean, levez la main. Moi, je ne lève pas la main, mais c'est intéressant. Vous avez été détectée surdouée à 6 ans. C'est vrai,

  • Speaker #1

    ça ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, vous êtes très tôt intéressée aux mathématiques.

  • Speaker #1

    Alors c'est très drôle parce que j'ai dit ça une fois en interview et me ressort souvent ça et ça me met un peu mal à l'aise mais j'entends pourquoi les gens m'en parlent. Oui en fait j'ai été détectée à l'âge de 6 ans mais je ne l'ai su qu'à 33 ans.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Oui parce qu'en fait j'ai été retestée à 33 ans dans un tout autre contexte et quand j'en ai parlé à ma grand-mère elle m'a dit bah oui on t'avait aussi testée à l'âge de 6 ans, on avait vu ça mais ils ne me l'avaient pas dit en fait. Donc oui j'ai toujours été assez attirée par les sciences en général puisque comme je dis souvent les sciences c'est le meilleur ascenseur social. Et j'en ai pu profiter moi-même, venant plutôt de classe moyenne. Et mon grand-père, en fait, avait une culture scientifique. En tout cas, il avait la culture de la curiosité qui m'a transmis en m'encourageant à m'interroger sur les choses qui m'entourent. Et donc, très vite, je savais que je voulais faire des sciences. Ça me rassurait aussi, puisque ça me paraissait objectif. Un problème de maths ou de géométrie, d'algèbre, était objectif à mes yeux, alors qu'une expression écrite, une rédaction, me paraissait déjà plus subjectif.

  • Speaker #0

    Oui, ce qui est amusant dans votre cas et dans l'époque, C'est que pendant longtemps, on se disait, les mathématiques, on ne sait pas très bien à quoi ça sert. Et aujourd'hui, on est dans une époque intégralement dominée par les datas, les analyses, les équations. Tout ça est très présent dans nos vies, même si on ne s'en rend pas forcément compte, avec les réseaux sociaux et avec toute cette technologie. Et d'où le sujet de votre livre, Le Code a changé, sous-titré Amour et sexualité au temps des algorithmes. Bon, en clair, on va parler de cul pendant une heure.

  • Speaker #1

    Et de sentiments. Ah, ouf !

  • Speaker #0

    Mais sérieusement, c'est vrai que vous trouvez ça triste ou joyeux que la science et les mathématiques soient devenues importantes, y compris dans notre vie amoureuse ?

  • Speaker #1

    Alors... La science a toujours fait partie de nos vies amoureuses, puisqu'on a toujours essayé de mathématiser l'amour depuis toute l'histoire de l'humanité. Premièrement parce que l'amour est l'un des plus vieux sujets de l'humanité, et aussi parce que l'humain a toujours cherché, dans son histoire, à maîtriser sa destinée et à comprendre des choses qui étaient de l'ordre de l'incertitude. L'amour en fait partie. Donc on a toujours essayé de maîtriser l'amour, de comprendre la relation de cause à effet, jusqu'à le mathématiser et l'algorithmiser aujourd'hui à travers les outils qu'on utilise.

  • Speaker #0

    Je pensais que j'étais le premier avec l'amour dure trois ans.

  • Speaker #1

    Eh non !

  • Speaker #0

    Mais non, il y avait des gens avant moi.

  • Speaker #1

    Et donc c'est vrai que, est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? La bonne nouvelle, c'est qu'on comprend de plus en plus de choses, que l'on va expérimenter des choses en temps réel, sur des données constituant le comportement de gens à grande échelle, sur l'amour, les sentiments, les relations et autres. La bonne nouvelle, c'est qu'on est capable de rencontrer des gens qu'on n'aurait jamais rencontrés auparavant. La moins bonne nouvelle, pour ne pas dire mauvaise, c'est toutes les dérives qu'il peut y avoir, qui sont liées non pas aux algorithmes eux-mêmes, mais à la manière dont on les a conçus, et qui vont orienter nos comportements. jusqu'à créer ce que j'appelle dans le livre des nouvelles intermédiations sociales et qui va orienter nos comportements vis-à-vis de l'amour, vis-à-vis de l'autre, l'amour de soi, l'amour de l'autre, et le rapport qu'on a en fait dans ce monde virtuel à travers tous les outils qu'on utilise pour communiquer, se découvrir, se plaire, se désirer, faire l'amour, enfin et autres, et rompre aussi et se tromper. Et c'est l'effet sur le monde organique qui est le nôtre aujourd'hui à la Pérouse et comment on se comporte les uns les autres.

  • Speaker #0

    Vous allez un petit peu trop vite, parce que d'abord je voudrais revenir à ce constat qui est... selon moi effrayant, 60% des rencontres se font via Internet aujourd'hui, ce qui est une révolution sociétale énorme. En fait, les gens ne comptent plus sur la réalité. Ça, c'est très nouveau. Ils ne comptent même plus sur le hasard pour les rencontres. En majorité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, disons que c'est très récent. Et ça a augmenté avec le Covid, puisqu'en fait, on n'a plus la possibilité de se rencontrer en vrai et rencontrer des gens. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que... Très vite, plus ou moins vite, les gens ensuite se découvrent dans le vrai monde après avoir fait une rencontre en virtuel. Parfois les gens commencent à communiquer dans ce monde virtuel à travers les réseaux sociaux, les messageries instantanées, mais en s'étant déjà rencontrés dans le monde réel, dans un tout autre contexte. Mais cette fois-ci en échangeant d'abord dans le monde virtuel. Donc ça a plusieurs contextes. Une chose est certaine, c'est que, c'est ce que je dis toujours, c'est que la bonne nouvelle, c'est que dès qu'on met un outil dans les mains des êtres humains, ils l'utilisent à un moment donné.

  • Speaker #0

    Ça c'est ce qui clé.

  • Speaker #1

    Pour l'amour, les sentiments, le sexe, et c'est ça qui est intéressant aussi à observer.

  • Speaker #0

    Je me souviens d'ailleurs, quand le Minitel avait été inventé, cet immense succès de la France, le Minitel servait principalement à écrire des messages pornographiques ou à fantasmer sur des personnes qui n'étaient d'ailleurs même pas des femmes. Quelquefois, c'était des hommes qui écrivaient à des hommes, en se faisant passer pour une femme.

  • Speaker #1

    Voilà, donc c'est intéressant de voir, dès qu'on a un outil entre les mains des gens, les gens l'utilisent aussi à des fins de... de relations de découverte, voilà. Et est-ce que c'est une bonne ou mauvaise nouvelle ? Moi je suis très libérale progressiste, donc je pars du principe que les gens font ce qu'ils veulent, donc ils font de mal à personne. Cela étant dit, je souhaite que les gens puissent se responsabiliser individuellement et collectivement, et pour ça il faut qu'ils comprennent ce que ces outils font, ce qu'ils ne font jamais pour eux, ce qu'apporte la relation en personne, en vrai, et ce qu'elle n'apportera jamais dans le monde virtuel, et tous les défauts du virtuel. Alors avec entre autres, j'en parle, j'ai tout un chapitre sur la cristallisation, c'est un des algorithmes.

  • Speaker #0

    quand même un fait social nouveau et je trouve ça bizarre que les gens n'aient pas le courage finalement de vivre dans la vraie vie. Ils préfèrent choisir sur catalogue, swiper des visages et fixer des critères avant de rencontrer quelqu'un. Tout ça, c'est hallucinant, je trouve.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est un manque de courage ou c'est peut-être une peur. Je pense plus qu'un manque de courage, une peur. C'est-à-dire qu'on... C'est-à-dire qu'on a l'impression, je dis bien, on a l'impression que c'est plus simple quand on est sur une application et qu'on va swiper à droite ou à gauche pour retenir ou rejeter un profil. On a l'impression que c'est plus simple. En réalité, de toute part, vous avez le paradoxe du choix. C'est-à-dire que plus vous avez de possibilités, moins vous avez le choix, parce que vous passez plus de temps à observer ces possibilités qu'à véritablement faire un choix.

  • Speaker #0

    C'est terrifiant de choisir quelqu'un. Et c'est comme si on refusait l'idée de destin aussi. Moi, je sais que quand je rencontre des amoureux...

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Quand je rencontre des amoureux, j'aime bien leur dire racontez-moi votre rencontre Si le récit, c'est on s'est rencontrés sur Twitter c'est moins romantique.

  • Speaker #1

    Et par ailleurs, il y a une chose qu'on oublie, c'est que vous avez parlé de critères. À partir du moment où vous définissez les critères explicites, vous verbalisez ce que vous recherchez, vous biaisez déjà la rencontre. Puisque moi, je pense que, contrairement à l'idée reçue... un être aimé ne se cherche pas sur catalogue et qu'en réalité, à partir du moment où vous explicitez ce que vous voulez, vous biaisez le jeu, puisqu'en réalité, on trouve souvent des gens dont on n'aurait pas spécifié sur papier les critères, mais qui nous rendent heureux.

  • Speaker #0

    C'est la première phrase, je crois que vous la citez d'ailleurs, d'Aurélien d'Aragon, la première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Évidemment qu'elle est ou Proust, une fille qui n'était pas son genre. C'est-à-dire que si on s'interdit... D'être attiré malgré soi par quelqu'un dont on pense qu'il n'est pas pour nous, c'est la fin de la curiosité humaine.

  • Speaker #1

    C'est la fin de l'amour. Et par ailleurs, je le dis aussi, c'est-à-dire que ces applications, en réalité, elles ne sont pas faites pour rencontrer le grand amour. Sinon, elle mettrait la clé sous la porte. Tout le monde rencontrera son grand amour en une fois, en un clic. Ce sont bien plus des applications pour avoir des aventures, des soirs sans lendemain et autres. Ça ne veut pas dire qu'on ne connaît pas des gens qui se sont rencontrés avec ces applications, qui se sont mariés. Mais ça ne doit pas devenir un biais de confirmation sur l'efficacité apparente de ces applications.

  • Speaker #0

    Vous avez alors, ce qui est intéressant dans Le Code a changé, c'est aussi que vous personnalisez les choses. C'est un ouvrage où il y a un peu d'autobiographie aussi. Ça commence par votre déménagement à New York en 2016, après 11 années de couple. Et là, c'est là où vous dites Le Code a changé. Les gens, d'abord aux États-Unis, ne se rencontrent pas comme les Français. Il y a ce système de date. Et puis en plus des dates, il y a les datas. les deux donc ça c'est vous vous découvrez à ce moment-là Tinder,

  • Speaker #1

    Meetic Instagram et tout ça et puis je réalise ce que vous dites vous c'est-à-dire le monde virtuel ou même lorsque je rencontrais quelqu'un à une soirée le jeune homme en question je dis jeune homme parce que moi je suis hétérosexuel donc je n'ai pas des hommes le jeune homme en question me disait est-ce que tu as un Instagram ? je dis mais pourquoi il y a mon Instagram ? on peut se revoir et en fait les gens ont ce besoin de revenir dans ce monde virtuel pour se découvrir

  • Speaker #0

    Ils veulent vous espionner, savoir ce que vous êtes.

  • Speaker #1

    Voilà, on va dire espionner, moi je dirais découvrir. Mais le problème, c'est que ce que vous découvrez sur ces réseaux, c'est une image que vous entretenez de vous-même et pas vous-même. D'où la cristallisation violente et la décristallisation qui en suit.

  • Speaker #0

    Oui, et puis d'ailleurs même, il arrive fréquemment de pouvoir être attiré par un profil en photo. Et puis très très déçu quand on le rencontre en vrai. c'est le même systématique quasiment moi-même je le dis,

  • Speaker #1

    j'ai été sur ces applications j'en suis revenue bien sûr parce que franchement au départ c'était vraiment pour une expérience et j'ai trouvé que c'était horrible et je me suis vue moi-même de perdre mon humanité parce que j'avais d'une part un comportement mécanique à swiper à droite ou à gauche certains profils à être mécanique, à juger sur une apparence stricte et à commencer à stigmatiser certains physiques que je n'aurais jamais stigmatisé dans le monde réel

  • Speaker #0

    C'est très effrayant, parce que finalement,

  • Speaker #1

    ça déshumanise le rapport.

  • Speaker #0

    Ça rend même, par exemple, si quelqu'un est trop gros ou trop moche, c'est du racisme. Exact.

  • Speaker #1

    En fait, il y a une discrimination violente, et d'ailleurs, les études l'ont démontré, que je sais, dans le livre, qui a montré qu'il y avait une discrimination raciale, une discrimination aussi sur le physique, le poids. Et moi, je le dis moi-même, j'ai passé 11 ans avec un homme en surpoids, il était magnifique, j'étais très amoureuse. Et pourtant, je n'ai jamais swipé à droite un homme en surpoids sur ses applications. Et c'est pour moi symptomatique de la cruauté qu'elle révèle chez nous.

  • Speaker #0

    Cela dit, vous lui avez quand même dit je te quitte car je t'aime encore Ça, c'est moche.

  • Speaker #1

    C'est la plus belle phrase qu'on peut dire en rupture. Non, parce que justement, je pense que les gens attendent trop tard pour rompre et attendent de se désaimer, voire de se haïr. Or, si on analyse les choses, on sait en général qu'on ne va plus. Vous savez, l'amour-passion n'existe pas pendant 11 ans. On a un amour-passion et puis après on tend, vous le savez très bien, vous avez écrit la fiche d'amour, et en fait après on tend vers un autre type d'amour, on s'aime, on a une sorte de compagnonnage aussi. Mais le compagnonnage ça veut aussi dire aller dans la même direction et avoir les mêmes envies, les mêmes projets. Et on avait plus ces mêmes envies et ces mêmes projets. Et donc au lieu d'attendre de détériorer la relation, j'ai préféré, je lui ai dit, voilà je te quitte parce que je t'aime encore.

  • Speaker #0

    Mais je trouve que oui, c'est une très belle phrase, et en même temps, pour celui qui se fait larguer, c'est cruel parce qu'il se dit, ben même... encore, pourquoi elle me largue ? C'est compliqué à accepter. Je pense que c'est une jolie phrase qui doit être douloureuse à entendre.

  • Speaker #1

    J'entends. Oui, elle a été douloureuse. Mais c'est tout aussi douloureux pour la personne qui quitte, pareil. Oui,

  • Speaker #0

    alors ça, c'est très juste. D'ailleurs, on n'en parle jamais de ça. Benjamin Constant, dans Adolphe, il parle beaucoup de la souffrance de celui qui s'en va et qui est responsable de la rupture. Donc, il doit endosser cette... Cette charge de se dire...

  • Speaker #1

    Cette culpabilité.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et ça, on n'en parle jamais, puisque personne ne va consoler un type qui a largué sa femme.

  • Speaker #1

    Et je trouve que c'est simplifier l'acte, alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça aussi, de partir.

  • Speaker #0

    Bon, les dates aux Etats-Unis, parlons-en un peu, c'est très codé, pour le coup. Alors, pour le coup,

  • Speaker #1

    ça arrive en France. Alors, peut-être pas dans nos générations, mais...

  • Speaker #0

    Expliquez-moi ce que font les jeunes. Alors je ne sais pas ce que vous voulez dire. Il y a un premier rendez-vous.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, aux États-Unis, c'est très strict. En France, on commence à codifier les choses. Mais aux États-Unis, typiquement, il y a des règles. Il y a une première date où vous prenez un café. Deuxième date. Alors je ne connais plus les règles.

  • Speaker #0

    Et à quel moment il y a un bisou ?

  • Speaker #1

    Le bisou, il n'arrive pas à la première date. Il arrive peut-être à la deuxième. Il y a des choses, c'est complètement orchestré. Et en fait, un point positif, c'est qu'on sait où on va. C'est un point négatif, en tout cas pour moi, française, qui a été élevée en France, dans un pays latin, avec plein de belles choses aussi liées de la séduction, du flirt. C'est qu'il n'y a pas beaucoup de flirt. Il n'y a pas beaucoup de séduction à la française. Mais en même temps, séduire, c'est dorer, c'est pousser à la faute. Donc c'est bien, c'est mal. Il y a plein de choses à dire autour de ça aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, bien sûr. D'ailleurs, le mouvement MeToo un peu remet en question cette idée de galanterie, de zone grise, de séduction.

  • Speaker #1

    Et il remet à sa place, en fait, des choses qui étaient de l'ordre de l'ambiguïté, qui n'étaient pourtant pas acceptables, mais plutôt en avant des choses qui le sont, et qui sont pour moi de la vraie séduction.

  • Speaker #0

    Donc, c'est-à-dire de dialoguer sur le consentement,

  • Speaker #1

    par exemple ? C'est vite.

  • Speaker #0

    Ça, les Américains le font plus que les Français,

  • Speaker #1

    je pense. Le simple fait, quand une femme vous dit non, c'est clairement un non. Lorsqu'un homme, moi j'ai eu ça, des hommes qui... poussait un peu et je disais que je n'étais pas intéressée mais je ne disais pas comme ça. Avec un petit peu d'intelligence pratique, on comprenait que ce n'était pas possible en fait. Et voilà, c'est des choses où il faut avoir un peu plus d'intelligence émotionnelle et d'intelligence pratique. Et je pense que le mouvement MeToo, comme toutes les évolutions, a permis de recadrer certaines choses et de donner à chacun la responsabilité individuelle et de ce fait collectif des comportements, des agissements et des responsabilités qu'on a les uns envers les autres.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je précise, votre livre ne parle pas énormément de cette révolution-là, mais en même temps, c'est aussi un changement de code.

  • Speaker #1

    C'est un changement de code. Vous savez, moi, je vais vous dire une chose. Moi, quand un homme me dit, c'est pas facile pour nous aujourd'hui, je dis, bon, quand même, c'est pas si difficile que ça. Et par ailleurs, moi, je vais dire, un homme qui est intéressé par une femme et il ne sait pas comment la draguer parce qu'il est paumé, il a le droit d'être paumé. Moi, je dis à l'homme, dis à cette fille qu'elle te plaît. Et vous savez quoi ? Si la femme n'est pas intéressée, elle n'ira jamais l'envoyer bouler. Elle sera même respectueuse de son courage et du fait qu'il lui ait dit tu m'intéresses. Et elle lui dira éventuellement, non, tu ne m'intéresses pas ou tu m'intéresses aussi. Mais en tout cas, il n'y aura pas de violence symbolique dans les échanges. Je dis toujours aux hommes, si tu as une question à poser, il faut la poser. Si tu as un doute, tu le dis. Si la fille t'intéresse, tu ne sais pas comment faire, tu as le droit de lui dire. Je crois que c'est un progrès,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai qu'il n'y aura plus ce mystère. qui était aussi une sorte d'art de vivre français.

  • Speaker #1

    Si, moi, je pense que ça peut exister. Mais une fois qu'on est sorti de ce premier pas d'ambiguïté, où on a compris qu'on se plaisait l'un l'autre, mais on n'a pas encore fait le premier pas complètement, mais on a compris qu'il y avait un intérêt l'un envers l'autre. Et là, on peut rentrer dans un jeu de séduction.

  • Speaker #0

    Là, on peut garder quand même le petit mystère pendant quelques jours, voire semaines, voire mois, voire années, voire une vie.

  • Speaker #1

    Voire une vie, oh là là !

  • Speaker #0

    Alors... Vous dénoncez plusieurs dérives de ce phénomène, comment on peut dire, les algorithmes au service de l'amour. Et un des phénomènes, c'est que les algorithmes nous font rencontrer des gens qui nous ressemblent. Ça, c'est quand même un enfermement. D'ailleurs, Pierre Bourdieu dénonçait le déterminisme social. Et vous, vous parlez d'un déterminisme algorithmique.

  • Speaker #1

    En fait, c'est ça qui est intéressant, c'est que si on regarde le travail de Bourdieu sur la distinction et les défis. dont c'est tiré ce que vous venez de dire, à savoir que même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale, quel est notre capital social, culturel et économique, en fait, il y a des signes distinctifs, explicites ou plus ambigus, nous concernant, et qui fait qu'on se reconnaît les uns les autres et qu'on irait tendre vers des personnes qui ont le même capital social, économique et culturel. En fait, les algorithmes, et en particulier les applications de rencontre, démontrent à grande échelle et hors sondage, c'est-à-dire sur des populations qui ne savent pas qu'elles sont observées, contrairement aux sondages et aux enquêtes que Bourdieu a faits qui lui ont permis... de démontrer, même certains remettent en question sa démonstration, moi j'adhère complètement, ces applications de rencontre ont démontré par les résultats des matchs, des correspondances entre les personnes, qu'en fait, même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale on est, on ne donne pas notre université, on ne met pas quel est notre salaire, où est-ce qu'on habite, on ne donne pas tout ça, ni même notre nom de famille, pour autant, dans la majorité écrasante des applications, pour autant, on remarque que les gens se remettent ensemble par... capital, social, économique, culturel similaires. Et donc ça voudrait dire quelque part, et c'est ce que j'explique, c'est que les algorithmes de matching, de correspondance seraient capables, et c'est pas eux qui sont capables, c'est nous en fait on a des signes distinctifs et on va vers des gens qui nous ressemblent et que les algorithmes sont entraînés sur ces comportements de notre part où on va liker, swiper à droite ou swiper à gauche, et que nous on serait capable de voir des signes de l'ordre du signal faible en fait, des choses implicites mais que voilà qui nous... Donc ça quelque part ça ça démontrerait. En fait, la théorie de la distinction.

  • Speaker #0

    Et est-ce que vous pensez que les algorithmes tuent ? Le sentiment amoureux ? Vous ne répondez pas vraiment à cette question.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Non, parce que je pense que ça dépend complètement comment vous les utilisez. C'est-à-dire que moi, par exemple, j'ai entendu des relations à longue distance. Heureusement que j'avais les technologies numériques pour pouvoir correspondre, échanger et alimenter le désir. Et puis après, il y a des outils. Si vous utilisez les applications de rencontre pour trouver l'homme ou la femme de votre vie, c'est quand même assez mal barré. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, mais c'est quand même assez mal barré. Donc, ça dépend de ce que vous faites avec ces outils. De la même manière, si vous utilisez Instagram, TikTok et tous ces réseaux pour aller découvrir l'autre et cristalliser, tomber amoureux, c'est la pire des erreurs. En réalité, on tombe amoureux d'une personne en vrai, en chair et en os, et que tout ce qu'on montre sur ces réseaux n'est qu'une face idéalisée, déformée de la réalité que certains construisent avec brio,

  • Speaker #0

    par ailleurs. Oui, c'est assez marrant parce qu'à la fin, vous concluez en parlant de ces deux phénomènes que sont le love bombing et le ghosting. Alors, est-ce que... Expliquez rapidement ce que c'est.

  • Speaker #1

    Alors, le lovebombing, c'est lié au ghosting. Le lovebombing, c'est le fait d'avoir une relation, a priori, en apparence très passionnée, très à fond, puis du jour au lendemain, disparaître.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est typiquement un truc de virtuel. On en fait trop dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    On s'auto-persuade en envoyant des grandes déclarations à quelqu'un qu'on connaît à peine, et puis on change d'avis.

  • Speaker #1

    Pourquoi il y a du lovebombing ? En fait, ça peut être conscient ou inconscient, les gens ne font pas ça méchamment, ils sont sincères quand ils le font. C'est parce qu'en fait, justement, il y a une sorte de cristallisation, on va perfectionner la personne à travers ses réseaux, on aura l'impression de ressentir des choses extraordinaires, et en fait, ce qu'on ressent, ce n'est même pas du désir, en fait. C'est un désir artificiel dû à la cristallisation, ce n'est pas du désir profond. Et le ghosting, justement, c'est ce qui a toujours existé dans l'histoire de l'humanité, mais sous différentes formes.

  • Speaker #0

    Avant, on... disparaissait.

  • Speaker #1

    On pouvait arrêter d'écrire des lettres.

  • Speaker #0

    Là, c'est terrible parce qu'on a l'impression que la personne qui est abandonnée, tout d'un coup, elle n'a plus de réponse. Et je pense même que ça peut causer des suicides.

  • Speaker #1

    Suicides, je ne sais pas, mais en tout cas, il y a eu des études qui ont démontré que le ghosting avait des conséquences dramatiques sur l'estime de poids chez les individus qui se font ghoster. C'est logique. Et par ailleurs, là, c'est là que ça m'a le plus étonné, mais ça, je l'ai découvert après avoir écrit le livre, c'est que souvent, le ghosting, on l'associe à des jeunes, des personnes en cours de développement de désirs, de connaissances l'un de l'autre, de flirts. Sauf que maintenant, on découvre qu'il y a des gens qui vont se ghoster après deux, trois ans de relation. Et ça, par contre, ça doit être très violent.

  • Speaker #0

    C'est la forme suprême de lâcheté, je crois, contemporaine. C'est le ghosting.

  • Speaker #1

    Sauf que, c'est là où c'est intéressant, c'est que là, pour le coup, c'est de la lâcheté, je suis complètement d'accord avec vous. Et c'est une achetée qui est permise par la manière dont sont structurés ces outils, puisqu'en fait, c'est très facile de ne pas répondre à quelqu'un et de complètement partir, sortir des radars. Sauf que quelles sont les conséquences de ça dans le vrai monde ? Et je donne un exemple concret d'une amie à moi qui prenait un verre avec quelqu'un qu'elle avait rencontré sur les applications de rencontre, avec lequel elle avait échangé pendant deux semaines. Ils se retrouvent dans un bar à West Hollywood, à LA, et le garçon lui demande, ils prennent un verre, ils dînent, c'est sympa. pas ça marche bien et s'embrasse un peu et du ya est ce qu'on est ce qu'on va chez moi et dit non j'ai pas envie ok il se remette à rigoler à s'embrasser il dit on va chez toi et ma copine dit bah non non on vient pas et dit donc le garçon lui dit mais en anglais c'est ce moment d'être sexe on va pas avoir faire l'amour ce soir et dino non on va pas et le mec n'a jamais dit c'est même pire il s'est levé il a payé ses barres et

  • Speaker #0

    Il ne lui a même pas dit au revoir. Et donc, je lui ai dit...

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il n'était pas au courant du système des dates. Dans la première étape, on ne fait rien.

  • Speaker #0

    Bah oui, et surtout, je crois que son comportement à lui, mais ça peut être plein d'autres personnes, sur ces réseaux où on peut facilement swiper à gauche les gosses intelligents, en fait, se traduit d'une certaine manière sous d'autres formes dans le monde réel. Et c'est ça qui est le plus inquiétant. Et pour le coup, il y a une sociologue américaine qui s'appelle Dana Boyd, qui étudie beaucoup l'influence de la sphère médiatique sur la sphère physique. Et c'est vachement intéressant, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que le gars s'est comporté comme un ghosteur, mais en live. Exact,

  • Speaker #0

    et c'est violent.

  • Speaker #1

    Alors, le code a-t-il vraiment changé quand on regarde l'image de la femme sur Instagram ? Il y a quand même beaucoup, beaucoup de femmes qui montrent leurs fesses, leurs seins, qui se mettent à danser sur TikTok notamment, mais aussi chez les hommes. Les hommes qui montrent leurs muscles, qui montrent leur voiture de sport. On est en fait dans une régression catastrophique.

  • Speaker #0

    On est, en fait, dès qu'il y a une question d'image, ça pour le coup aussi Bourdieu a vachement écrit sur l'image, mais dès qu'on a de l'image qui apparaît, un nouveau mode de communication par l'image, on tombe très facilement dans des clichés, des sortes de stéréotypes. Et oui, on a ça aussi, on n'a pas que ça, heureusement, mais on a ça. Et pour le coup, ça je l'explique dans le livre, c'est aussi dû à la manière dont les algorithmes de recommandation fonctionnent, puisqu'en fait, les algorithmes de recommandation, ils recommandent des choses qui plaisent aux gens. Vous allez rire, mais un homme qui va montrer sa super Ferrari ou une femme qui va montrer sa poitrine, ça fait du like. Et donc, l'algorithme va être entraîné sur des émotions. Et c'est complètement logique. L'algorithme ne fait que traduire statistiquement des tendances que nous, on a en tant que humains de notre côté.

  • Speaker #1

    Alors moi, c'est très vexant parce que quand je vais sur Instagram, on me propose des buts de football parce que j'ai dû cliquer deux fois sur des beaux buts de football. Maintenant, je reçois des... Des buts. tonnes de buts de football, alors que je ne suis pas un passionné de foot.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est l'effet bulle. Ah oui, c'est très étrange. Et moi aussi, je suis dans un effet de bulle, parce qu'en fait, moi, je reçois beaucoup de petites vidéos et des photos de petits chiens et de petits Ausha. J'adore les petits chiens et les petits Ausha.

  • Speaker #1

    Les algorithmes nous rendent-ils goujats, les uns avec les autres ? C'est-à-dire, finalement, comme je disais tout à l'heure, il n'y a plus l'élégance, il n'y a plus le charme. On devient plus direct, les êtres humains sont interchangeables. Et puis, c'est la disparition du baratin. Alors, bon débarras, peut-être. Mais en même temps, les baratineurs, les baratineuses, les allumeuses, moi, je trouve que c'était... Ça avait du charme.

  • Speaker #0

    Alors, pour le coup, c'est marrant que vous disiez ça, parce que sur les réseaux, il y a une sorte de baratin, vu qu'on raconte une histoire qui n'est pas l'histoire vraie. Donc en fait, je dirais le contraire, le baratineur n'a jamais autant existé que la baratineuse.

  • Speaker #1

    Bon ben vous me rassurez.

  • Speaker #0

    Vous êtes rassurée.

  • Speaker #1

    Je suis rassurée. Surtout, vous citez l'étymologie du mot séduire, séducerer, moi je ne savais pas, ça veut dire détourner du droit chemin, pousser à la faute. et ça c'est...

  • Speaker #0

    oui alors ça mais l'être humain ne changera jamais à ce niveau-là mais c'est très bien de séduire la différence entre aujourd'hui et avant on parlait de me tout à l'heure c'est juste que maintenant on sort de l'ambiguïté pour accepter ce jeu de séduction et je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle sinon c'est pas de la séduction c'est poussif et c'est chiant et c'est pénible oui mais il y a du mensonge il y aura toujours du mensonge pour l'humour mais c'est normal parce que c'est souvent du mensonge par omission par ailleurs on va pas tout dévoiler on va pas tout dire on va pas mais ça c'est plutôt... C'est plutôt, j'ai envie de dire, normal. Et puis on a tous un jardin secret qui n'est pas un jardin secret illégal, qui est juste nos petits secrets, nos choses à nous, et dont on va parler avec nos amis proches, par exemple.

  • Speaker #1

    Cela dit, il y a quand même ce phénomène des dick pics et des nudes, donc dans les deux camps. Les hommes qui croient que pour draguer, il faut faire une photographie de son sexe et l'envoyer direct.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a jamais marché, ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je n'ai pas essayé, mais ça m'étonnerait.

  • Speaker #0

    Ça ne marche pas. Et ce qui est d'ailleurs paradoxal, c'est qu'on fait des choses dans le monde virtuel qu'on ne ferait jamais dans le monde réel. La question des dick pics est quand même vachement intéressante.

  • Speaker #1

    C'est fou.

  • Speaker #0

    Mais surtout, c'est vachement intéressant parce que les hommes envoient une photo de leur dick pic facilement sur les réseaux sociaux. Moi, j'ai des catalogues entiers. Et je trouve ça...

  • Speaker #1

    Donc, vous recevez beaucoup de vidéos de Ausha et beaucoup de dick pics.

  • Speaker #0

    En fait, les gens se sont un peu calmés. Mais je me souviens, j'en parlais avec des amis à moi sur Instagram. Ils envoyaient des photos des mecs qu'on ne connaît pas. Et donc, je vous dis ça. Je ne sais pas si c'était la leur ou pas. Mais en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que si ces mêmes hommes, ils devaient faire une photo, l'imprimer, la mettre dans une enveloppe, l'envoyer par la poste, ils ne le feraient peut-être pas.

  • Speaker #1

    Non, ils ne le feraient pas. Ils auraient eu le temps de réfléchir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant.

  • Speaker #1

    En tout cas, on est loin de la correspondance. amoureuse entre Albert Camus et Maria Casareff.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi, il y a Julie Neveu qui avait fait un très bon livre sur justement comment on pouvait communiquer différemment à travers ces réseaux. Après, c'est sûr, moi, j'adore le pouvoir des mots et j'adore les belles phrases et j'adore les belles intentions. Moi, j'adore les petits mots que mon amoureux m'écrit sur des petits bouts de papier qu'il me laisse dans l'appartement. J'adore.

  • Speaker #1

    Dieu merci, ça existe encore. Serions-nous devenus des individus consommateurs de gens ? Sans agaper. Vous parlez de l'agaper.

  • Speaker #0

    L'agaper, l'amour de l'autre inconditionnel.

  • Speaker #1

    Qui est quand même une notion qui fait de nous... Un peu plus que des animaux.

  • Speaker #0

    Complètement d'accord. C'est-à-dire qu'on a cet altruisme en nous qui est nécessaire pour la cohésion sociale et la société dans sa globalité. Il y a différents types d'amour. Il faut reprendre le banquet de Platon, mais Agapé en fait partie. Est-ce qu'on est dans une mode de consommation ? Disons qu'on a commencé dans une mode de consommation à travers cette idée que sur ces réseaux sociaux qu'on utilise maintenant comme des réseaux d'information et attention à ce qu'on regarde, à ce qu'on voit, à ce qu'on partage, on est déjà dans la consommation des contenus des personnes et des comptes, c'est-à-dire les personnes elles-mêmes. Après maintenant les applications de rencontres, oui ça c'est Valelouz qui en parle, on a une dérive mercantile en fait, où on va faire son shopping en fait, comme on dirait, faire son shopping d'individus. Et ouais c'est problématique parce qu'en fait, d'ailleurs elle cite quelque chose que moi je ne connaissais pas, elle le cite dans Pourquoi l'amour fait mal, je crois, ou La fin de l'amour, où elle dit les hommes et les femmes ont des comportements différents en couple. Elle parle des couples hétérosexuels. Et donc elle disait un homme qui est en couple avec une femme, il va... continuer à regarder d'autres femmes pour être dans une démarche comparative entre les femmes et sa femme. Donc, check the market, on va dire. Et en fait, elle explique que la tendance chez les femmes n'est pas de faire ça. Lorsqu'elles sont avec un homme, elles ne regardent que leur homme. Déjà, c'est intéressant. Sauf qu'aujourd'hui, ce qu'on remarque, c'est...

  • Speaker #1

    C'est très... Attention, parce que c'est très macho, ce que vous dites.

  • Speaker #0

    Ah non, mais c'est des...

  • Speaker #1

    C'est quand même quelque chose de réel.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est macho, les hommes sont machos, pour le coup. Et par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'à travers l'usage de ces applications de rencontre, où nous-mêmes, hommes et femmes, on a les mêmes gestes de mécanisation, on va soit IP à droite, soit IP à gauche, on est dans une démarche de comparaison. Et donc les femmes deviendraient aussi comme ça. C'est un comportement à éviter. La dérive mercantile, elle existe, il faut en prendre conscience. Et encore une fois, on ne va pas faire son marché. L'amour, ce n'est pas...

  • Speaker #1

    C'est ce que disait Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte Il disait qu'il y a la lutte sociale. Et puis, tout d'un coup, le sexe devient un marché, comme n'importe quel marché, comme un supermarché, avec des gens interchangeables. Et c'est ça qui est un peu terrifiant. Alors, il y a un autre chapitre dans votre livre que j'ai adoré, c'est sur les avatars en 3D et le sexe avec un casque connecté. Peut-être bientôt, il n'y aura plus besoin de casque. Ce sera Neuralink, c'est-à-dire qu'on aura un implant cérébral, une puce qui nous fera faire quoi ? L'amour avec quelqu'un sans le rencontrer.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est dans le dernier chapitre sur la sexualité algorithmisée, en particulier les robots sexuels, les sextoys connectés, et ces fameux avatars, ces casques et autres. Il y a beaucoup d'études là-dessus. Vous savez, moi je considère que de la même manière que les sextoys sont très anciens, il y en avait déjà à l'époque de Cléopâtre, l'idée n'est pas de se dire est-ce qu'on va créer un outil pour remplacer l'humain, c'est est-ce qu'on peut créer des outils pour augmenter la sexualité, pour que les gens trouvent leur mode de désir, leurs outils. Et à ma connaissance, le sextoy n'a jamais remplacé un homme ou une femme. Maintenant, cela étant dit, et c'est là où toute la différence avec aujourd'hui, c'est qu'il ne faudrait pas que tous les outils qu'on crée aujourd'hui, que ce soit le casque virtuel ou les robots sexuels, nous font perdre pied avec la réalité jusqu'à ne pas distinguer le vrai du faux. Et quand on a un sextoy entre les mains, on sait que ce n'est pas un être humain. Quand vous êtes avec un robot sexuel... C'est beaucoup mieux ! et beaucoup de progrès par ailleurs mais typiquement c'est vrai que c'est pas la même chose et donc quand on a un casque connecté ou qu'on a un robot sexuel on peut rentrer dans ce que j'appelle une confusion des sentiments qui est le chapitre précédent où je traite justement de cette idée où on perd pied sur ce qui est vrai ce qui est faux, est-ce que ce robot sexuel a des émotions vis-à-vis de nous ? Pas du tout mais au regard de son anthropomorphisme grandissant, ça nous laisse croire qu'il pense à nous et vous citez

  • Speaker #1

    le film Heard de Spike Jonze. Et il y a eu des cas dans la vraie vie d'hommes qui sont tombés amoureux d'un... Comment on peut dire ? D'une IA ?

  • Speaker #0

    En l'occurrence, c'était des agents conversationnels, comme dans Heard.

  • Speaker #1

    D'accord. Et un suicide ? Il y a eu un suicide. Mais il faut dire, le jour où tu es vraiment tombé amoureux de ton ordinateur, tu peux te flinguer. Je crois que c'est le moment de se pendre.

  • Speaker #0

    Vous savez, c'est intéressant parce que... Moi, quand j'ai vu ce cas-là, c'était en Belgique, d'un homme qui était marié, qui avait des enfants, qui avait un boulot. Il n'y avait pas du tout de crise, parce qu'on peut imaginer, comme dans Her, où il sortait d'une relation douloureuse. Là, ce n'était pas du tout le cas. Et en fait, il a eu des échanges avec certains gens conversationnels, un tomboy amoureux, jusqu'au suicide. Et en fait, ce qui est intéressant, l'agent conversationnel ne lui a pas dit suicide toi Mais il lui a dit, j'ai envie de te rejoindre. Et l'agent dit, mais rejoins-moi. Ça a été un long process. Et tout ça pour dire qu'en fait...

  • Speaker #1

    Tout d'un coup, il s'est dit, mais comment rencontrer cette personne qui est un algorithme ? Et dans quel monde vais-je la rencontrer ? Peut-être que justement, quand il y aura les casques 3D 360 degrés, on pourra tomber amoureux et coucher avec une créature imaginaire en forme de sirène ou de poulpe.

  • Speaker #0

    Peut-être que ce serait un poulpe, c'est intéressant. J'aime beaucoup l'intelligence des poulpes, personnellement. Écoutez, c'est intéressant parce que je pense qu'il y a plein de choses. Tous ces outils, en fait, ont des opportunités de grosses dérives. Il faut faire très attention et à commencer par l'effet Lisa dont je parle, qui est cette confusion. On a l'impression, en fait, que cette machine nous ressemble et a des émotions et une conscience comme nous, alors que pas du tout. Et donc, oui, il faut faire très attention. Mais après, il y a aussi tout un côté intéressant que moi, je trouve, c'est que tous ces outils qu'on a aujourd'hui nous permettent davantage encore de comprendre l'humain. Le sentiment amoureux, la relation à l'autre.

  • Speaker #1

    Donc vous n'êtes pas si négative que ça ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a des grosses dérives. Et s'il y a un sujet que l'IA ne devrait pas toucher, c'est l'amour. Mais bon, il y a déjà des applications de rencontres et tous ces outils.

  • Speaker #1

    Vous avez eu envie d'écrire sur ce sujet, c'est tout à fait brillant. Vous aviez écrit un roman de science-fiction avec Amanda Stairs qui s'appelait Révolution 2050.

  • Speaker #0

    Résistance 2050. Pardon,

  • Speaker #1

    Résistance 2050. Et dans lequel vous évoquiez une menace globale des machines sur l'humanité. Donc vous étiez plus inquiète dans le roman que dans l'essai.

  • Speaker #0

    Alors oui et non, parce que dans le roman, en fait, il y avait deux personnages principaux, deux femmes. Une femme, Chloé, qui était une scientifique brillante qui était à l'origine de la création de ses puces cérébrales. Et Nuna, une femme qui est une amie de Chloé par ailleurs et qui, elle, en fait, était une artiste et contre ses puces. Et en fait, l'idée dans ce livre, c'est de montrer que... On peut toujours utiliser une technologie à des fins néfastes. Ce qu'il faut faire, c'est se battre pour s'assurer qu'elle soit utilisée à bon escient. Et par exemple, la puce cérébrale est un très bon exemple, puisque par ailleurs, ce sont deux Français de Grenoble qui ont créé la première puce cérébrale. Et ça permet de... Mythique guillemette de Parkinson, ça va nous permettre de faire énormément de choses.

  • Speaker #1

    Et même Alzheimer aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, il y a des recherches là-dessus. Enfin, on pourra faire de grandes, grandes, grandes choses. C'est d'ailleurs tout le sujet du livre, on partait sur la création de ces puces pour... pour traiter ou empêcher l'arrivée, de retarder l'arrivée d'Alzheimer. Maintenant, il y a plein de choses qui peuvent être faites aussi, qui sont possiblement dangereuses. Donc il faut juste, en fait, moi je ne suis pas contre l'innovation, la technologie, la science, sinon je ne ferais pas ce que je fais.

  • Speaker #1

    C'est votre spécialité.

  • Speaker #0

    Voilà. Moi je défends... Vous êtes sûr ?

  • Speaker #1

    Alors pardon, il y a dans cette émission, Laurent Alexandre, qui a créé Doctissimo, qui a... Un spécialiste du transhumanisme, il est venu ici et en avril dernier, il nous disait que l'intelligence artificielle allait supplanter l'homme dans dix ans. Et d'ailleurs, la police vient nous arrêter parce que nous sommes déjà obsolètes. Mais non, en gros, lui est beaucoup plus inquiet que vous. Il dit que nous allons être dépassés dans dix ans et que nous ne sommes plus l'espèce la plus intelligente.

  • Speaker #0

    Sauf que Laurent, il n'explicite pas exactement de quelle intelligence il parle. C'est-à-dire que l'intelligence artificielle, on ne spécifie pas de quelle intelligence on parle. L'intelligence artificielle, c'est une intelligence analytique artificielle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est capable de faire des IA et on ne sera capable de faire que ça, qui maîtrise l'intelligence analytique humaine. Jamais l'une IA ne maîtrisera l'intelligence émotionnelle, créative et pratique. Et ça, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, ça n'arrivera pas. Par contre, on donnera l'impression d'eux. Donc moi, quand on me dit que les IA dépassent l'homme, c'est déjà le cas en fait. Et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Moi, j'ai envie qu'on ait des IA encore de plus en plus efficaces, qui peuvent nous aider dans plein de choses. Moi-même, j'ai développé... Et j'ai une startup dans ce domaine-là, Infra, où on a développé une technologie algorithmique de détection précoce du cancer du sein. Mais c'est génial en fait de faire ça. Maintenant, la question, c'est qu'est-ce que nous, on peut apporter sur la table en tant qu'humain, ce qu'une machine n'apportera jamais. Et je peux vous assurer que dans plein de corps de métier, on a des tâches constitutives qu'on n'arrive pas à déployer, qu'on n'arrive pas à faire, parce qu'on n'a pas le temps de les faire et qui font de l'ordre de l'émotionnel, de la créativité, du sens, du bon sens.

  • Speaker #1

    Avez-vous utilisé, oui ou non, ChatGPT pour écrire votre livre ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Par contre, j'utilise Gemini, c'est l'outil de Google, mais pas pour écrire mes livres, ni pour écrire mes chroniques, parce que j'adore écrire et que c'est la force. C'est un livre qui est écrit avec intuition, émotion, instinct et des ressorts. Moi, j'utilise Gemini, par exemple, récemment, j'ai dû écrire un sondage dans le cadre de mon activité entrepreneuriale. Et ce sondage, il fallait que je retravaille les phrases de façon à parler à tout le monde et d'avoir des éléments de langage qui puissent parler à tout le monde. Et du coup, j'ai demandé à Gemini de... de me reformuler les questions sous trois niveaux de sophistication de langage en anglais, ce qui me permettait de faire un petit mélange et de choisir. Et ça m'a beaucoup aidée. Et donc, on peut utiliser ces outils pour faire plein de choses.

  • Speaker #1

    Et nous arrivons maintenant au point crucial de l'émission. Devine tes citations. Un célèbre jeu envié dans le monde entier. Si je ne le faisais pas, il y aurait des manifestations dans la rue. J'entends. Je vais vous lire Aurélie Jean des phrases de vous. Alors, vous n'êtes pas... pas auteur de feel-good books ni de guide de développement personnel mais quand même, vous avez écrit pas mal de livres six livres en tout et donc je vous lis des phrases, vous allez me dire dans lequel de vos livres vous avez dit cette phrase Richard Feynman a été l'une de mes grandes inspirations lorsqu'à l'université j'ai fait connaissance avec l'atomistique c'était dans le premier livre,

  • Speaker #0

    pardon de l'autre côté de la machine

  • Speaker #1

    Voyage d'une scientifique au pays des algorithmes déjà 2019, c'était votre premier livre. Et pourquoi ce Richard Feynman vous est pas tiltant ? C'est à cause de la physique quantique ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que moi j'ai fait un an de physique quantique, mais surtout ce que j'aimais chez lui, c'est qu'il y avait cette particularité de rendre plaisant et drôle la science quantique, c'est quand même pas facile.

  • Speaker #1

    C'est difficile à comprendre, moi j'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est normal, il le dit. Il le dit, on ne comprend pas et c'est normal. Par contre, c'était passionnant et puis il arrivait à expliquer des phénomènes comme l'intrication, la superposition et je trouvais ça vraiment passionnant et surtout il était drôle. Et moi j'ai grandi avec ses livres de physique.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous. Toute personne non équipée d'une puce cérébrale est inadaptée à la vie sociale du pays.

  • Speaker #0

    Ça, c'était dans notre livre d'anticipation, La résistance 2050 avec Amanda Sturz.

  • Speaker #1

    Expliquez-moi comment on fait pour écrire un roman à deux ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce qu'on avait commencé, Amanda avait commencé, donc elle voulait commencer le livre, on a commencé à échanger et après elle m'a dit, mais pourquoi on ne l'écrivait pas ensemble ? Au départ, je devais juste être conseillée et puis au final, j'ai commencé à écrire. Donc l'idée, c'est qu'on s'est partagé des parties en fonction des sensibilités de chacune. C'est-à-dire que moi, je suis plus capable d'écrire des parties techniques. J'ai essayé d'écrire des parties où je parlais des sentiments et d'émotions. C'est la qu'attache d'une naïveté ridicule. Donc, tout ce qui était amour, il fallait mieux que ce soit Amanda qui le fasse.

  • Speaker #1

    Autre phrase. Nos interactions avec les robots sexuels disent beaucoup de nous.

  • Speaker #0

    Le cadre a changé.

  • Speaker #1

    C'est dans le dernier. Vous partez dans un gros délire, d'ailleurs, dans ce chapitre.

  • Speaker #0

    C'était drôle.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut lire le livre pour ça. Mais vous dites à un moment que vous êtes... préoccupés par le risque que nos données sexuelles deviennent publiques. C'est un vrai risque ça ?

  • Speaker #0

    En fait ?

  • Speaker #1

    Si on commence à avoir des... Je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Des sextoys connectés ?

  • Speaker #1

    De la pornographie connectée à des robots,

  • Speaker #0

    à ce moment-là,

  • Speaker #1

    ça pourrait devenir public genre... Intel, il fait ci, cela...

  • Speaker #0

    Disons qu'il y a toujours des risques. Je parlais surtout des sextoys connectés qui sont déjà largement déployés, c'est-à-dire qui collectent des informations personnelles concernant notre sexualité pour en retour personnaliser les vibrations par exemple. et nous assurer l'orgasme, soit disant, je dis bien soit disant parce que c'est pas gagné, et en fait ce qui est intéressant c'est que toutes ces données nous concernent nous individuellement, ce sont des données personnelles, des données à caractère personnel, qu'est-ce qui peut être fait avec ces données, qu'est-ce qui sont faits avec ces données, et comment s'assurer que ces données... Alors il y a des réglementations qui existent pour les protéger, mais le risque est toujours là. Donc voilà, là il y a quand même un risque d'absorption de nos vies intimes, bien au-delà que le simple scandale de Cambridge Analytica.

  • Speaker #1

    Oui. Exactement, oui, c'est ça. Oui, exactement. C'est très, très, très, très flippant. Une machine qui vous dit je t'aime simule.

  • Speaker #0

    Alors, j'en parle dans le Code à changer, mais je l'évoque très légèrement aussi dans mon premier livre. Mais c'est surtout dans le Code à changer.

  • Speaker #1

    Eh bien là, c'est ni l'un ni l'autre. C'est dans Algorithme, bientôt maître du monde. En 2023.

  • Speaker #0

    Oui, pour les 15-25 ans, j'avais écrit ce livre.

  • Speaker #1

    Je l'ai eu, la surprise.

  • Speaker #0

    C'est vrai, vous me l'avez eu. Oh là là, vous êtes fort.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous en savez qu'une machine qui vous dit je t'aime simule ? Il y a peut-être des robots sincères ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'un robot n'a pas d'émotion et de sentiment. Par ailleurs, j'ai un ami à moi, Thomas Doutrepont, qui est philosophe. Et quand je lui ai raconté ça, il m'a dit, mais Aurélie, quand un homme te dit je t'aime, tu ne sais pas s'il ressent ce qu'il dit.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Voilà, donc en fait, on revient au point de départ. Comme dit Facebook, situation amoureuse, deux points, c'est compliqué. Pour conclure sur... C'est une note d'espoir. Moi, j'ai la solution entre les hommes et les femmes. Est-ce que vous voulez que je vous la donne ?

  • Speaker #0

    Allez-y, j'ai peur, mais allez-y.

  • Speaker #1

    Eh bien, après des millénaires où les hommes abordaient les femmes, c'est aux femmes désormais de faire le premier pas. Le premier pas.

  • Speaker #0

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'elles fassent le premier pas. Je sais. Cela ne se fait pas. Pourtant, j'aimerais que ce soit elle qui vienne à moi. C'est bien sûr ça la solution Aurélie.

  • Speaker #0

    Je pense que tout est possible et il ne faut pas se donner un cadre trop rigide au risque de passer à côté d'un grand amour.

  • Speaker #1

    Ça, c'est une réponse un petit peu floue.

  • Speaker #0

    Ah bah non,

  • Speaker #1

    parce que moi... Vous avez déjà abordé quelqu'un que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #0

    Vous vous êtes battue ? Moi, c'est différent parce qu'en fait, je n'arrive pas à montrer un homme qui me plaît. Moi, c'est l'inverse. Il y a des hommes qui pensent que je suis intéressée, alors que pas du tout. Parce que je suis avenante, souriante. Et puis, quand un homme m'intéresse vraiment, il ne comprend pas.

  • Speaker #1

    Et vous êtes intimidée ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est mon côté un peu nerd. Je ne sais pas montrer comment. Donc, à un moment donné, je lui dis, tu me plais. Donc, moi, je n'ai pas de problème. Je pense que... Un homme ou une femme peut dire, faire le premier pas ou pas. En fait, ce qui est important, ce n'est pas le premier pas. C'est que les deux pas se font à un moment pas trop éloigné dans le temps pour que la chose se concrétise.

  • Speaker #1

    Donc, l'amour n'est pas une science exacte, mais une question de timing.

  • Speaker #0

    Une question de timing, c'est vrai. C'est vraiment une question de timing pour le coup, l'amour.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Aurélie Jean. Je rappelle le titre de votre livre. Le code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes et c'est aux éditions de l'Observatoire. J'ai encore un truc à dire, oui. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine. L'ingénieur du son en était. Guilhem Pagelacce. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

Description

Drague sur internet, sexe virtuel, rencontres IRL et amour impossible : enfin une conversation légère sur ces sujets graves. Une heure de badinage avec Aurélie Jean, pour "Le code à changé" (Éditions de l'Observatoire)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde et bienvenue dans Conversations chez La Pérouse, une émission intégralement préparée par l'animateur, ce qui est rare. L'animateur, c'est moi en fait. C'est Frédéric Beigbeder. Avec cette semaine,

  • Speaker #1

    Aurélie Jean.

  • Speaker #0

    Pour son livre,

  • Speaker #1

    Le Code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes.

  • Speaker #0

    Chez quel éditeur ?

  • Speaker #1

    L'Observatoire.

  • Speaker #0

    Vous avez été formidable sur ce générique. Merci beaucoup Aurélie. On va passer à la conversation elle-même. Mais juste avant de commencer la conversation, cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Chaque semaine, je fais la petite pub d'un livre et il se trouve, c'est un hasard complet, que cette semaine, je fais la publicité de La Vie des Spectres de Patrice Jean, publié au Cherche Midi. Et je voulais savoir, est-ce que Patrice Jean est le cousin d'Aurélie Jean, mon invitée ?

  • Speaker #1

    Malheureusement, non pour lui.

  • Speaker #0

    Aucun lien de parenté. Vous avez déjà lu un livre de Patrice Jean ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'avais lu celui pour lequel il avait eu le prix L, je crois. Oui, c'était il y a un petit moment déjà.

  • Speaker #0

    C'est un grand romancier. Donc moi, j'en dis... J'ai pas de mal à en dire du bien parce que j'ai toujours aimé ce qu'il faisait. Mais là, le dernier en plus, j'ai voté pour lui dans un prix qui s'appelle le prix Maison Rouge. Et il l'a obtenu cette année. C'est vraiment un grand romancier. satirique, balsacien, qui fait des livres se moquant de l'époque. Et la vie des spectres, c'est la vie d'un journaliste de journal de province qui bascule en enfer pour des histoires de wokisme, des histoires de censure, de cancel culture et tout. Et puis, c'est surtout, comme d'habitude, extrêmement drôle. Et je vais vous lire ce que dit Alice Ferney. Comme ça, ce n'est pas seulement mon opinion. Elle dit, on évoque Balzac, Stendhal et Flaubert. Pour une fois, l'élogieuse filiation n'est pas usurpée. Il faut le lire pour le croire. Donc, lisez La vie des spectres de Patrice Jean aux éditions du Cherche-Midi. Même si ce n'est pas de la famille d'Aurélie Jean. Bonsoir Aurélie, merci infiniment d'avoir accepté de venir passer presque une heure en ma compagnie. Vous êtes docteur en sciences, vous avez fait l'ENS, les mines, le MIT, vous êtes couverte de diplômes. Et j'ai entendu que vous étiez spécialiste en modélisation algorithmique. Qu'est-ce donc que cela ?

  • Speaker #1

    Alors ce mot qui paraît un peu étrange et qui est devenu malheureusement un buzzword, donc l'algorithmique c'est un algorithme, c'est une entité mathématique et numérique qui est en fait comme un modèle numérique mathématique de différents types qui permet lorsqu'il est implémenté dans un code de calcul et qui tourne automatiquement sur l'ordinateur de répondre à une question, de résoudre un problème, d'effectuer une tâche. Et on en utilise tous les jours, on entend souvent le mot intelligence artificielle qui est un mot que j'évite pour ma part s'il crée de la confusion sur son sens. Mais en pratique, en fait, on développe, on calibre, on entraîne un algorithme sur des jeux de données dans l'objectif de réaliser une tâche.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ceux qui ont compris ce que vient de dire Aurélie Jean, levez la main. Moi, je ne lève pas la main, mais c'est intéressant. Vous avez été détectée surdouée à 6 ans. C'est vrai,

  • Speaker #1

    ça ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, vous êtes très tôt intéressée aux mathématiques.

  • Speaker #1

    Alors c'est très drôle parce que j'ai dit ça une fois en interview et me ressort souvent ça et ça me met un peu mal à l'aise mais j'entends pourquoi les gens m'en parlent. Oui en fait j'ai été détectée à l'âge de 6 ans mais je ne l'ai su qu'à 33 ans.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Oui parce qu'en fait j'ai été retestée à 33 ans dans un tout autre contexte et quand j'en ai parlé à ma grand-mère elle m'a dit bah oui on t'avait aussi testée à l'âge de 6 ans, on avait vu ça mais ils ne me l'avaient pas dit en fait. Donc oui j'ai toujours été assez attirée par les sciences en général puisque comme je dis souvent les sciences c'est le meilleur ascenseur social. Et j'en ai pu profiter moi-même, venant plutôt de classe moyenne. Et mon grand-père, en fait, avait une culture scientifique. En tout cas, il avait la culture de la curiosité qui m'a transmis en m'encourageant à m'interroger sur les choses qui m'entourent. Et donc, très vite, je savais que je voulais faire des sciences. Ça me rassurait aussi, puisque ça me paraissait objectif. Un problème de maths ou de géométrie, d'algèbre, était objectif à mes yeux, alors qu'une expression écrite, une rédaction, me paraissait déjà plus subjectif.

  • Speaker #0

    Oui, ce qui est amusant dans votre cas et dans l'époque, C'est que pendant longtemps, on se disait, les mathématiques, on ne sait pas très bien à quoi ça sert. Et aujourd'hui, on est dans une époque intégralement dominée par les datas, les analyses, les équations. Tout ça est très présent dans nos vies, même si on ne s'en rend pas forcément compte, avec les réseaux sociaux et avec toute cette technologie. Et d'où le sujet de votre livre, Le Code a changé, sous-titré Amour et sexualité au temps des algorithmes. Bon, en clair, on va parler de cul pendant une heure.

  • Speaker #1

    Et de sentiments. Ah, ouf !

  • Speaker #0

    Mais sérieusement, c'est vrai que vous trouvez ça triste ou joyeux que la science et les mathématiques soient devenues importantes, y compris dans notre vie amoureuse ?

  • Speaker #1

    Alors... La science a toujours fait partie de nos vies amoureuses, puisqu'on a toujours essayé de mathématiser l'amour depuis toute l'histoire de l'humanité. Premièrement parce que l'amour est l'un des plus vieux sujets de l'humanité, et aussi parce que l'humain a toujours cherché, dans son histoire, à maîtriser sa destinée et à comprendre des choses qui étaient de l'ordre de l'incertitude. L'amour en fait partie. Donc on a toujours essayé de maîtriser l'amour, de comprendre la relation de cause à effet, jusqu'à le mathématiser et l'algorithmiser aujourd'hui à travers les outils qu'on utilise.

  • Speaker #0

    Je pensais que j'étais le premier avec l'amour dure trois ans.

  • Speaker #1

    Eh non !

  • Speaker #0

    Mais non, il y avait des gens avant moi.

  • Speaker #1

    Et donc c'est vrai que, est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? La bonne nouvelle, c'est qu'on comprend de plus en plus de choses, que l'on va expérimenter des choses en temps réel, sur des données constituant le comportement de gens à grande échelle, sur l'amour, les sentiments, les relations et autres. La bonne nouvelle, c'est qu'on est capable de rencontrer des gens qu'on n'aurait jamais rencontrés auparavant. La moins bonne nouvelle, pour ne pas dire mauvaise, c'est toutes les dérives qu'il peut y avoir, qui sont liées non pas aux algorithmes eux-mêmes, mais à la manière dont on les a conçus, et qui vont orienter nos comportements. jusqu'à créer ce que j'appelle dans le livre des nouvelles intermédiations sociales et qui va orienter nos comportements vis-à-vis de l'amour, vis-à-vis de l'autre, l'amour de soi, l'amour de l'autre, et le rapport qu'on a en fait dans ce monde virtuel à travers tous les outils qu'on utilise pour communiquer, se découvrir, se plaire, se désirer, faire l'amour, enfin et autres, et rompre aussi et se tromper. Et c'est l'effet sur le monde organique qui est le nôtre aujourd'hui à la Pérouse et comment on se comporte les uns les autres.

  • Speaker #0

    Vous allez un petit peu trop vite, parce que d'abord je voudrais revenir à ce constat qui est... selon moi effrayant, 60% des rencontres se font via Internet aujourd'hui, ce qui est une révolution sociétale énorme. En fait, les gens ne comptent plus sur la réalité. Ça, c'est très nouveau. Ils ne comptent même plus sur le hasard pour les rencontres. En majorité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, disons que c'est très récent. Et ça a augmenté avec le Covid, puisqu'en fait, on n'a plus la possibilité de se rencontrer en vrai et rencontrer des gens. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que... Très vite, plus ou moins vite, les gens ensuite se découvrent dans le vrai monde après avoir fait une rencontre en virtuel. Parfois les gens commencent à communiquer dans ce monde virtuel à travers les réseaux sociaux, les messageries instantanées, mais en s'étant déjà rencontrés dans le monde réel, dans un tout autre contexte. Mais cette fois-ci en échangeant d'abord dans le monde virtuel. Donc ça a plusieurs contextes. Une chose est certaine, c'est que, c'est ce que je dis toujours, c'est que la bonne nouvelle, c'est que dès qu'on met un outil dans les mains des êtres humains, ils l'utilisent à un moment donné.

  • Speaker #0

    Ça c'est ce qui clé.

  • Speaker #1

    Pour l'amour, les sentiments, le sexe, et c'est ça qui est intéressant aussi à observer.

  • Speaker #0

    Je me souviens d'ailleurs, quand le Minitel avait été inventé, cet immense succès de la France, le Minitel servait principalement à écrire des messages pornographiques ou à fantasmer sur des personnes qui n'étaient d'ailleurs même pas des femmes. Quelquefois, c'était des hommes qui écrivaient à des hommes, en se faisant passer pour une femme.

  • Speaker #1

    Voilà, donc c'est intéressant de voir, dès qu'on a un outil entre les mains des gens, les gens l'utilisent aussi à des fins de... de relations de découverte, voilà. Et est-ce que c'est une bonne ou mauvaise nouvelle ? Moi je suis très libérale progressiste, donc je pars du principe que les gens font ce qu'ils veulent, donc ils font de mal à personne. Cela étant dit, je souhaite que les gens puissent se responsabiliser individuellement et collectivement, et pour ça il faut qu'ils comprennent ce que ces outils font, ce qu'ils ne font jamais pour eux, ce qu'apporte la relation en personne, en vrai, et ce qu'elle n'apportera jamais dans le monde virtuel, et tous les défauts du virtuel. Alors avec entre autres, j'en parle, j'ai tout un chapitre sur la cristallisation, c'est un des algorithmes.

  • Speaker #0

    quand même un fait social nouveau et je trouve ça bizarre que les gens n'aient pas le courage finalement de vivre dans la vraie vie. Ils préfèrent choisir sur catalogue, swiper des visages et fixer des critères avant de rencontrer quelqu'un. Tout ça, c'est hallucinant, je trouve.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est un manque de courage ou c'est peut-être une peur. Je pense plus qu'un manque de courage, une peur. C'est-à-dire qu'on... C'est-à-dire qu'on a l'impression, je dis bien, on a l'impression que c'est plus simple quand on est sur une application et qu'on va swiper à droite ou à gauche pour retenir ou rejeter un profil. On a l'impression que c'est plus simple. En réalité, de toute part, vous avez le paradoxe du choix. C'est-à-dire que plus vous avez de possibilités, moins vous avez le choix, parce que vous passez plus de temps à observer ces possibilités qu'à véritablement faire un choix.

  • Speaker #0

    C'est terrifiant de choisir quelqu'un. Et c'est comme si on refusait l'idée de destin aussi. Moi, je sais que quand je rencontre des amoureux...

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Quand je rencontre des amoureux, j'aime bien leur dire racontez-moi votre rencontre Si le récit, c'est on s'est rencontrés sur Twitter c'est moins romantique.

  • Speaker #1

    Et par ailleurs, il y a une chose qu'on oublie, c'est que vous avez parlé de critères. À partir du moment où vous définissez les critères explicites, vous verbalisez ce que vous recherchez, vous biaisez déjà la rencontre. Puisque moi, je pense que, contrairement à l'idée reçue... un être aimé ne se cherche pas sur catalogue et qu'en réalité, à partir du moment où vous explicitez ce que vous voulez, vous biaisez le jeu, puisqu'en réalité, on trouve souvent des gens dont on n'aurait pas spécifié sur papier les critères, mais qui nous rendent heureux.

  • Speaker #0

    C'est la première phrase, je crois que vous la citez d'ailleurs, d'Aurélien d'Aragon, la première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Évidemment qu'elle est ou Proust, une fille qui n'était pas son genre. C'est-à-dire que si on s'interdit... D'être attiré malgré soi par quelqu'un dont on pense qu'il n'est pas pour nous, c'est la fin de la curiosité humaine.

  • Speaker #1

    C'est la fin de l'amour. Et par ailleurs, je le dis aussi, c'est-à-dire que ces applications, en réalité, elles ne sont pas faites pour rencontrer le grand amour. Sinon, elle mettrait la clé sous la porte. Tout le monde rencontrera son grand amour en une fois, en un clic. Ce sont bien plus des applications pour avoir des aventures, des soirs sans lendemain et autres. Ça ne veut pas dire qu'on ne connaît pas des gens qui se sont rencontrés avec ces applications, qui se sont mariés. Mais ça ne doit pas devenir un biais de confirmation sur l'efficacité apparente de ces applications.

  • Speaker #0

    Vous avez alors, ce qui est intéressant dans Le Code a changé, c'est aussi que vous personnalisez les choses. C'est un ouvrage où il y a un peu d'autobiographie aussi. Ça commence par votre déménagement à New York en 2016, après 11 années de couple. Et là, c'est là où vous dites Le Code a changé. Les gens, d'abord aux États-Unis, ne se rencontrent pas comme les Français. Il y a ce système de date. Et puis en plus des dates, il y a les datas. les deux donc ça c'est vous vous découvrez à ce moment-là Tinder,

  • Speaker #1

    Meetic Instagram et tout ça et puis je réalise ce que vous dites vous c'est-à-dire le monde virtuel ou même lorsque je rencontrais quelqu'un à une soirée le jeune homme en question je dis jeune homme parce que moi je suis hétérosexuel donc je n'ai pas des hommes le jeune homme en question me disait est-ce que tu as un Instagram ? je dis mais pourquoi il y a mon Instagram ? on peut se revoir et en fait les gens ont ce besoin de revenir dans ce monde virtuel pour se découvrir

  • Speaker #0

    Ils veulent vous espionner, savoir ce que vous êtes.

  • Speaker #1

    Voilà, on va dire espionner, moi je dirais découvrir. Mais le problème, c'est que ce que vous découvrez sur ces réseaux, c'est une image que vous entretenez de vous-même et pas vous-même. D'où la cristallisation violente et la décristallisation qui en suit.

  • Speaker #0

    Oui, et puis d'ailleurs même, il arrive fréquemment de pouvoir être attiré par un profil en photo. Et puis très très déçu quand on le rencontre en vrai. c'est le même systématique quasiment moi-même je le dis,

  • Speaker #1

    j'ai été sur ces applications j'en suis revenue bien sûr parce que franchement au départ c'était vraiment pour une expérience et j'ai trouvé que c'était horrible et je me suis vue moi-même de perdre mon humanité parce que j'avais d'une part un comportement mécanique à swiper à droite ou à gauche certains profils à être mécanique, à juger sur une apparence stricte et à commencer à stigmatiser certains physiques que je n'aurais jamais stigmatisé dans le monde réel

  • Speaker #0

    C'est très effrayant, parce que finalement,

  • Speaker #1

    ça déshumanise le rapport.

  • Speaker #0

    Ça rend même, par exemple, si quelqu'un est trop gros ou trop moche, c'est du racisme. Exact.

  • Speaker #1

    En fait, il y a une discrimination violente, et d'ailleurs, les études l'ont démontré, que je sais, dans le livre, qui a montré qu'il y avait une discrimination raciale, une discrimination aussi sur le physique, le poids. Et moi, je le dis moi-même, j'ai passé 11 ans avec un homme en surpoids, il était magnifique, j'étais très amoureuse. Et pourtant, je n'ai jamais swipé à droite un homme en surpoids sur ses applications. Et c'est pour moi symptomatique de la cruauté qu'elle révèle chez nous.

  • Speaker #0

    Cela dit, vous lui avez quand même dit je te quitte car je t'aime encore Ça, c'est moche.

  • Speaker #1

    C'est la plus belle phrase qu'on peut dire en rupture. Non, parce que justement, je pense que les gens attendent trop tard pour rompre et attendent de se désaimer, voire de se haïr. Or, si on analyse les choses, on sait en général qu'on ne va plus. Vous savez, l'amour-passion n'existe pas pendant 11 ans. On a un amour-passion et puis après on tend, vous le savez très bien, vous avez écrit la fiche d'amour, et en fait après on tend vers un autre type d'amour, on s'aime, on a une sorte de compagnonnage aussi. Mais le compagnonnage ça veut aussi dire aller dans la même direction et avoir les mêmes envies, les mêmes projets. Et on avait plus ces mêmes envies et ces mêmes projets. Et donc au lieu d'attendre de détériorer la relation, j'ai préféré, je lui ai dit, voilà je te quitte parce que je t'aime encore.

  • Speaker #0

    Mais je trouve que oui, c'est une très belle phrase, et en même temps, pour celui qui se fait larguer, c'est cruel parce qu'il se dit, ben même... encore, pourquoi elle me largue ? C'est compliqué à accepter. Je pense que c'est une jolie phrase qui doit être douloureuse à entendre.

  • Speaker #1

    J'entends. Oui, elle a été douloureuse. Mais c'est tout aussi douloureux pour la personne qui quitte, pareil. Oui,

  • Speaker #0

    alors ça, c'est très juste. D'ailleurs, on n'en parle jamais de ça. Benjamin Constant, dans Adolphe, il parle beaucoup de la souffrance de celui qui s'en va et qui est responsable de la rupture. Donc, il doit endosser cette... Cette charge de se dire...

  • Speaker #1

    Cette culpabilité.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et ça, on n'en parle jamais, puisque personne ne va consoler un type qui a largué sa femme.

  • Speaker #1

    Et je trouve que c'est simplifier l'acte, alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça aussi, de partir.

  • Speaker #0

    Bon, les dates aux Etats-Unis, parlons-en un peu, c'est très codé, pour le coup. Alors, pour le coup,

  • Speaker #1

    ça arrive en France. Alors, peut-être pas dans nos générations, mais...

  • Speaker #0

    Expliquez-moi ce que font les jeunes. Alors je ne sais pas ce que vous voulez dire. Il y a un premier rendez-vous.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, aux États-Unis, c'est très strict. En France, on commence à codifier les choses. Mais aux États-Unis, typiquement, il y a des règles. Il y a une première date où vous prenez un café. Deuxième date. Alors je ne connais plus les règles.

  • Speaker #0

    Et à quel moment il y a un bisou ?

  • Speaker #1

    Le bisou, il n'arrive pas à la première date. Il arrive peut-être à la deuxième. Il y a des choses, c'est complètement orchestré. Et en fait, un point positif, c'est qu'on sait où on va. C'est un point négatif, en tout cas pour moi, française, qui a été élevée en France, dans un pays latin, avec plein de belles choses aussi liées de la séduction, du flirt. C'est qu'il n'y a pas beaucoup de flirt. Il n'y a pas beaucoup de séduction à la française. Mais en même temps, séduire, c'est dorer, c'est pousser à la faute. Donc c'est bien, c'est mal. Il y a plein de choses à dire autour de ça aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, bien sûr. D'ailleurs, le mouvement MeToo un peu remet en question cette idée de galanterie, de zone grise, de séduction.

  • Speaker #1

    Et il remet à sa place, en fait, des choses qui étaient de l'ordre de l'ambiguïté, qui n'étaient pourtant pas acceptables, mais plutôt en avant des choses qui le sont, et qui sont pour moi de la vraie séduction.

  • Speaker #0

    Donc, c'est-à-dire de dialoguer sur le consentement,

  • Speaker #1

    par exemple ? C'est vite.

  • Speaker #0

    Ça, les Américains le font plus que les Français,

  • Speaker #1

    je pense. Le simple fait, quand une femme vous dit non, c'est clairement un non. Lorsqu'un homme, moi j'ai eu ça, des hommes qui... poussait un peu et je disais que je n'étais pas intéressée mais je ne disais pas comme ça. Avec un petit peu d'intelligence pratique, on comprenait que ce n'était pas possible en fait. Et voilà, c'est des choses où il faut avoir un peu plus d'intelligence émotionnelle et d'intelligence pratique. Et je pense que le mouvement MeToo, comme toutes les évolutions, a permis de recadrer certaines choses et de donner à chacun la responsabilité individuelle et de ce fait collectif des comportements, des agissements et des responsabilités qu'on a les uns envers les autres.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je précise, votre livre ne parle pas énormément de cette révolution-là, mais en même temps, c'est aussi un changement de code.

  • Speaker #1

    C'est un changement de code. Vous savez, moi, je vais vous dire une chose. Moi, quand un homme me dit, c'est pas facile pour nous aujourd'hui, je dis, bon, quand même, c'est pas si difficile que ça. Et par ailleurs, moi, je vais dire, un homme qui est intéressé par une femme et il ne sait pas comment la draguer parce qu'il est paumé, il a le droit d'être paumé. Moi, je dis à l'homme, dis à cette fille qu'elle te plaît. Et vous savez quoi ? Si la femme n'est pas intéressée, elle n'ira jamais l'envoyer bouler. Elle sera même respectueuse de son courage et du fait qu'il lui ait dit tu m'intéresses. Et elle lui dira éventuellement, non, tu ne m'intéresses pas ou tu m'intéresses aussi. Mais en tout cas, il n'y aura pas de violence symbolique dans les échanges. Je dis toujours aux hommes, si tu as une question à poser, il faut la poser. Si tu as un doute, tu le dis. Si la fille t'intéresse, tu ne sais pas comment faire, tu as le droit de lui dire. Je crois que c'est un progrès,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai qu'il n'y aura plus ce mystère. qui était aussi une sorte d'art de vivre français.

  • Speaker #1

    Si, moi, je pense que ça peut exister. Mais une fois qu'on est sorti de ce premier pas d'ambiguïté, où on a compris qu'on se plaisait l'un l'autre, mais on n'a pas encore fait le premier pas complètement, mais on a compris qu'il y avait un intérêt l'un envers l'autre. Et là, on peut rentrer dans un jeu de séduction.

  • Speaker #0

    Là, on peut garder quand même le petit mystère pendant quelques jours, voire semaines, voire mois, voire années, voire une vie.

  • Speaker #1

    Voire une vie, oh là là !

  • Speaker #0

    Alors... Vous dénoncez plusieurs dérives de ce phénomène, comment on peut dire, les algorithmes au service de l'amour. Et un des phénomènes, c'est que les algorithmes nous font rencontrer des gens qui nous ressemblent. Ça, c'est quand même un enfermement. D'ailleurs, Pierre Bourdieu dénonçait le déterminisme social. Et vous, vous parlez d'un déterminisme algorithmique.

  • Speaker #1

    En fait, c'est ça qui est intéressant, c'est que si on regarde le travail de Bourdieu sur la distinction et les défis. dont c'est tiré ce que vous venez de dire, à savoir que même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale, quel est notre capital social, culturel et économique, en fait, il y a des signes distinctifs, explicites ou plus ambigus, nous concernant, et qui fait qu'on se reconnaît les uns les autres et qu'on irait tendre vers des personnes qui ont le même capital social, économique et culturel. En fait, les algorithmes, et en particulier les applications de rencontre, démontrent à grande échelle et hors sondage, c'est-à-dire sur des populations qui ne savent pas qu'elles sont observées, contrairement aux sondages et aux enquêtes que Bourdieu a faits qui lui ont permis... de démontrer, même certains remettent en question sa démonstration, moi j'adhère complètement, ces applications de rencontre ont démontré par les résultats des matchs, des correspondances entre les personnes, qu'en fait, même si on ne dit pas explicitement de quelle classe sociale on est, on ne donne pas notre université, on ne met pas quel est notre salaire, où est-ce qu'on habite, on ne donne pas tout ça, ni même notre nom de famille, pour autant, dans la majorité écrasante des applications, pour autant, on remarque que les gens se remettent ensemble par... capital, social, économique, culturel similaires. Et donc ça voudrait dire quelque part, et c'est ce que j'explique, c'est que les algorithmes de matching, de correspondance seraient capables, et c'est pas eux qui sont capables, c'est nous en fait on a des signes distinctifs et on va vers des gens qui nous ressemblent et que les algorithmes sont entraînés sur ces comportements de notre part où on va liker, swiper à droite ou swiper à gauche, et que nous on serait capable de voir des signes de l'ordre du signal faible en fait, des choses implicites mais que voilà qui nous... Donc ça quelque part ça ça démontrerait. En fait, la théorie de la distinction.

  • Speaker #0

    Et est-ce que vous pensez que les algorithmes tuent ? Le sentiment amoureux ? Vous ne répondez pas vraiment à cette question.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Non, parce que je pense que ça dépend complètement comment vous les utilisez. C'est-à-dire que moi, par exemple, j'ai entendu des relations à longue distance. Heureusement que j'avais les technologies numériques pour pouvoir correspondre, échanger et alimenter le désir. Et puis après, il y a des outils. Si vous utilisez les applications de rencontre pour trouver l'homme ou la femme de votre vie, c'est quand même assez mal barré. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, mais c'est quand même assez mal barré. Donc, ça dépend de ce que vous faites avec ces outils. De la même manière, si vous utilisez Instagram, TikTok et tous ces réseaux pour aller découvrir l'autre et cristalliser, tomber amoureux, c'est la pire des erreurs. En réalité, on tombe amoureux d'une personne en vrai, en chair et en os, et que tout ce qu'on montre sur ces réseaux n'est qu'une face idéalisée, déformée de la réalité que certains construisent avec brio,

  • Speaker #0

    par ailleurs. Oui, c'est assez marrant parce qu'à la fin, vous concluez en parlant de ces deux phénomènes que sont le love bombing et le ghosting. Alors, est-ce que... Expliquez rapidement ce que c'est.

  • Speaker #1

    Alors, le lovebombing, c'est lié au ghosting. Le lovebombing, c'est le fait d'avoir une relation, a priori, en apparence très passionnée, très à fond, puis du jour au lendemain, disparaître.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est typiquement un truc de virtuel. On en fait trop dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    On s'auto-persuade en envoyant des grandes déclarations à quelqu'un qu'on connaît à peine, et puis on change d'avis.

  • Speaker #1

    Pourquoi il y a du lovebombing ? En fait, ça peut être conscient ou inconscient, les gens ne font pas ça méchamment, ils sont sincères quand ils le font. C'est parce qu'en fait, justement, il y a une sorte de cristallisation, on va perfectionner la personne à travers ses réseaux, on aura l'impression de ressentir des choses extraordinaires, et en fait, ce qu'on ressent, ce n'est même pas du désir, en fait. C'est un désir artificiel dû à la cristallisation, ce n'est pas du désir profond. Et le ghosting, justement, c'est ce qui a toujours existé dans l'histoire de l'humanité, mais sous différentes formes.

  • Speaker #0

    Avant, on... disparaissait.

  • Speaker #1

    On pouvait arrêter d'écrire des lettres.

  • Speaker #0

    Là, c'est terrible parce qu'on a l'impression que la personne qui est abandonnée, tout d'un coup, elle n'a plus de réponse. Et je pense même que ça peut causer des suicides.

  • Speaker #1

    Suicides, je ne sais pas, mais en tout cas, il y a eu des études qui ont démontré que le ghosting avait des conséquences dramatiques sur l'estime de poids chez les individus qui se font ghoster. C'est logique. Et par ailleurs, là, c'est là que ça m'a le plus étonné, mais ça, je l'ai découvert après avoir écrit le livre, c'est que souvent, le ghosting, on l'associe à des jeunes, des personnes en cours de développement de désirs, de connaissances l'un de l'autre, de flirts. Sauf que maintenant, on découvre qu'il y a des gens qui vont se ghoster après deux, trois ans de relation. Et ça, par contre, ça doit être très violent.

  • Speaker #0

    C'est la forme suprême de lâcheté, je crois, contemporaine. C'est le ghosting.

  • Speaker #1

    Sauf que, c'est là où c'est intéressant, c'est que là, pour le coup, c'est de la lâcheté, je suis complètement d'accord avec vous. Et c'est une achetée qui est permise par la manière dont sont structurés ces outils, puisqu'en fait, c'est très facile de ne pas répondre à quelqu'un et de complètement partir, sortir des radars. Sauf que quelles sont les conséquences de ça dans le vrai monde ? Et je donne un exemple concret d'une amie à moi qui prenait un verre avec quelqu'un qu'elle avait rencontré sur les applications de rencontre, avec lequel elle avait échangé pendant deux semaines. Ils se retrouvent dans un bar à West Hollywood, à LA, et le garçon lui demande, ils prennent un verre, ils dînent, c'est sympa. pas ça marche bien et s'embrasse un peu et du ya est ce qu'on est ce qu'on va chez moi et dit non j'ai pas envie ok il se remette à rigoler à s'embrasser il dit on va chez toi et ma copine dit bah non non on vient pas et dit donc le garçon lui dit mais en anglais c'est ce moment d'être sexe on va pas avoir faire l'amour ce soir et dino non on va pas et le mec n'a jamais dit c'est même pire il s'est levé il a payé ses barres et

  • Speaker #0

    Il ne lui a même pas dit au revoir. Et donc, je lui ai dit...

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il n'était pas au courant du système des dates. Dans la première étape, on ne fait rien.

  • Speaker #0

    Bah oui, et surtout, je crois que son comportement à lui, mais ça peut être plein d'autres personnes, sur ces réseaux où on peut facilement swiper à gauche les gosses intelligents, en fait, se traduit d'une certaine manière sous d'autres formes dans le monde réel. Et c'est ça qui est le plus inquiétant. Et pour le coup, il y a une sociologue américaine qui s'appelle Dana Boyd, qui étudie beaucoup l'influence de la sphère médiatique sur la sphère physique. Et c'est vachement intéressant, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que le gars s'est comporté comme un ghosteur, mais en live. Exact,

  • Speaker #0

    et c'est violent.

  • Speaker #1

    Alors, le code a-t-il vraiment changé quand on regarde l'image de la femme sur Instagram ? Il y a quand même beaucoup, beaucoup de femmes qui montrent leurs fesses, leurs seins, qui se mettent à danser sur TikTok notamment, mais aussi chez les hommes. Les hommes qui montrent leurs muscles, qui montrent leur voiture de sport. On est en fait dans une régression catastrophique.

  • Speaker #0

    On est, en fait, dès qu'il y a une question d'image, ça pour le coup aussi Bourdieu a vachement écrit sur l'image, mais dès qu'on a de l'image qui apparaît, un nouveau mode de communication par l'image, on tombe très facilement dans des clichés, des sortes de stéréotypes. Et oui, on a ça aussi, on n'a pas que ça, heureusement, mais on a ça. Et pour le coup, ça je l'explique dans le livre, c'est aussi dû à la manière dont les algorithmes de recommandation fonctionnent, puisqu'en fait, les algorithmes de recommandation, ils recommandent des choses qui plaisent aux gens. Vous allez rire, mais un homme qui va montrer sa super Ferrari ou une femme qui va montrer sa poitrine, ça fait du like. Et donc, l'algorithme va être entraîné sur des émotions. Et c'est complètement logique. L'algorithme ne fait que traduire statistiquement des tendances que nous, on a en tant que humains de notre côté.

  • Speaker #1

    Alors moi, c'est très vexant parce que quand je vais sur Instagram, on me propose des buts de football parce que j'ai dû cliquer deux fois sur des beaux buts de football. Maintenant, je reçois des... Des buts. tonnes de buts de football, alors que je ne suis pas un passionné de foot.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est l'effet bulle. Ah oui, c'est très étrange. Et moi aussi, je suis dans un effet de bulle, parce qu'en fait, moi, je reçois beaucoup de petites vidéos et des photos de petits chiens et de petits Ausha. J'adore les petits chiens et les petits Ausha.

  • Speaker #1

    Les algorithmes nous rendent-ils goujats, les uns avec les autres ? C'est-à-dire, finalement, comme je disais tout à l'heure, il n'y a plus l'élégance, il n'y a plus le charme. On devient plus direct, les êtres humains sont interchangeables. Et puis, c'est la disparition du baratin. Alors, bon débarras, peut-être. Mais en même temps, les baratineurs, les baratineuses, les allumeuses, moi, je trouve que c'était... Ça avait du charme.

  • Speaker #0

    Alors, pour le coup, c'est marrant que vous disiez ça, parce que sur les réseaux, il y a une sorte de baratin, vu qu'on raconte une histoire qui n'est pas l'histoire vraie. Donc en fait, je dirais le contraire, le baratineur n'a jamais autant existé que la baratineuse.

  • Speaker #1

    Bon ben vous me rassurez.

  • Speaker #0

    Vous êtes rassurée.

  • Speaker #1

    Je suis rassurée. Surtout, vous citez l'étymologie du mot séduire, séducerer, moi je ne savais pas, ça veut dire détourner du droit chemin, pousser à la faute. et ça c'est...

  • Speaker #0

    oui alors ça mais l'être humain ne changera jamais à ce niveau-là mais c'est très bien de séduire la différence entre aujourd'hui et avant on parlait de me tout à l'heure c'est juste que maintenant on sort de l'ambiguïté pour accepter ce jeu de séduction et je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle sinon c'est pas de la séduction c'est poussif et c'est chiant et c'est pénible oui mais il y a du mensonge il y aura toujours du mensonge pour l'humour mais c'est normal parce que c'est souvent du mensonge par omission par ailleurs on va pas tout dévoiler on va pas tout dire on va pas mais ça c'est plutôt... C'est plutôt, j'ai envie de dire, normal. Et puis on a tous un jardin secret qui n'est pas un jardin secret illégal, qui est juste nos petits secrets, nos choses à nous, et dont on va parler avec nos amis proches, par exemple.

  • Speaker #1

    Cela dit, il y a quand même ce phénomène des dick pics et des nudes, donc dans les deux camps. Les hommes qui croient que pour draguer, il faut faire une photographie de son sexe et l'envoyer direct.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a jamais marché, ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je n'ai pas essayé, mais ça m'étonnerait.

  • Speaker #0

    Ça ne marche pas. Et ce qui est d'ailleurs paradoxal, c'est qu'on fait des choses dans le monde virtuel qu'on ne ferait jamais dans le monde réel. La question des dick pics est quand même vachement intéressante.

  • Speaker #1

    C'est fou.

  • Speaker #0

    Mais surtout, c'est vachement intéressant parce que les hommes envoient une photo de leur dick pic facilement sur les réseaux sociaux. Moi, j'ai des catalogues entiers. Et je trouve ça...

  • Speaker #1

    Donc, vous recevez beaucoup de vidéos de Ausha et beaucoup de dick pics.

  • Speaker #0

    En fait, les gens se sont un peu calmés. Mais je me souviens, j'en parlais avec des amis à moi sur Instagram. Ils envoyaient des photos des mecs qu'on ne connaît pas. Et donc, je vous dis ça. Je ne sais pas si c'était la leur ou pas. Mais en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que si ces mêmes hommes, ils devaient faire une photo, l'imprimer, la mettre dans une enveloppe, l'envoyer par la poste, ils ne le feraient peut-être pas.

  • Speaker #1

    Non, ils ne le feraient pas. Ils auraient eu le temps de réfléchir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant.

  • Speaker #1

    En tout cas, on est loin de la correspondance. amoureuse entre Albert Camus et Maria Casareff.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi, il y a Julie Neveu qui avait fait un très bon livre sur justement comment on pouvait communiquer différemment à travers ces réseaux. Après, c'est sûr, moi, j'adore le pouvoir des mots et j'adore les belles phrases et j'adore les belles intentions. Moi, j'adore les petits mots que mon amoureux m'écrit sur des petits bouts de papier qu'il me laisse dans l'appartement. J'adore.

  • Speaker #1

    Dieu merci, ça existe encore. Serions-nous devenus des individus consommateurs de gens ? Sans agaper. Vous parlez de l'agaper.

  • Speaker #0

    L'agaper, l'amour de l'autre inconditionnel.

  • Speaker #1

    Qui est quand même une notion qui fait de nous... Un peu plus que des animaux.

  • Speaker #0

    Complètement d'accord. C'est-à-dire qu'on a cet altruisme en nous qui est nécessaire pour la cohésion sociale et la société dans sa globalité. Il y a différents types d'amour. Il faut reprendre le banquet de Platon, mais Agapé en fait partie. Est-ce qu'on est dans une mode de consommation ? Disons qu'on a commencé dans une mode de consommation à travers cette idée que sur ces réseaux sociaux qu'on utilise maintenant comme des réseaux d'information et attention à ce qu'on regarde, à ce qu'on voit, à ce qu'on partage, on est déjà dans la consommation des contenus des personnes et des comptes, c'est-à-dire les personnes elles-mêmes. Après maintenant les applications de rencontres, oui ça c'est Valelouz qui en parle, on a une dérive mercantile en fait, où on va faire son shopping en fait, comme on dirait, faire son shopping d'individus. Et ouais c'est problématique parce qu'en fait, d'ailleurs elle cite quelque chose que moi je ne connaissais pas, elle le cite dans Pourquoi l'amour fait mal, je crois, ou La fin de l'amour, où elle dit les hommes et les femmes ont des comportements différents en couple. Elle parle des couples hétérosexuels. Et donc elle disait un homme qui est en couple avec une femme, il va... continuer à regarder d'autres femmes pour être dans une démarche comparative entre les femmes et sa femme. Donc, check the market, on va dire. Et en fait, elle explique que la tendance chez les femmes n'est pas de faire ça. Lorsqu'elles sont avec un homme, elles ne regardent que leur homme. Déjà, c'est intéressant. Sauf qu'aujourd'hui, ce qu'on remarque, c'est...

  • Speaker #1

    C'est très... Attention, parce que c'est très macho, ce que vous dites.

  • Speaker #0

    Ah non, mais c'est des...

  • Speaker #1

    C'est quand même quelque chose de réel.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est macho, les hommes sont machos, pour le coup. Et par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'à travers l'usage de ces applications de rencontre, où nous-mêmes, hommes et femmes, on a les mêmes gestes de mécanisation, on va soit IP à droite, soit IP à gauche, on est dans une démarche de comparaison. Et donc les femmes deviendraient aussi comme ça. C'est un comportement à éviter. La dérive mercantile, elle existe, il faut en prendre conscience. Et encore une fois, on ne va pas faire son marché. L'amour, ce n'est pas...

  • Speaker #1

    C'est ce que disait Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte Il disait qu'il y a la lutte sociale. Et puis, tout d'un coup, le sexe devient un marché, comme n'importe quel marché, comme un supermarché, avec des gens interchangeables. Et c'est ça qui est un peu terrifiant. Alors, il y a un autre chapitre dans votre livre que j'ai adoré, c'est sur les avatars en 3D et le sexe avec un casque connecté. Peut-être bientôt, il n'y aura plus besoin de casque. Ce sera Neuralink, c'est-à-dire qu'on aura un implant cérébral, une puce qui nous fera faire quoi ? L'amour avec quelqu'un sans le rencontrer.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est dans le dernier chapitre sur la sexualité algorithmisée, en particulier les robots sexuels, les sextoys connectés, et ces fameux avatars, ces casques et autres. Il y a beaucoup d'études là-dessus. Vous savez, moi je considère que de la même manière que les sextoys sont très anciens, il y en avait déjà à l'époque de Cléopâtre, l'idée n'est pas de se dire est-ce qu'on va créer un outil pour remplacer l'humain, c'est est-ce qu'on peut créer des outils pour augmenter la sexualité, pour que les gens trouvent leur mode de désir, leurs outils. Et à ma connaissance, le sextoy n'a jamais remplacé un homme ou une femme. Maintenant, cela étant dit, et c'est là où toute la différence avec aujourd'hui, c'est qu'il ne faudrait pas que tous les outils qu'on crée aujourd'hui, que ce soit le casque virtuel ou les robots sexuels, nous font perdre pied avec la réalité jusqu'à ne pas distinguer le vrai du faux. Et quand on a un sextoy entre les mains, on sait que ce n'est pas un être humain. Quand vous êtes avec un robot sexuel... C'est beaucoup mieux ! et beaucoup de progrès par ailleurs mais typiquement c'est vrai que c'est pas la même chose et donc quand on a un casque connecté ou qu'on a un robot sexuel on peut rentrer dans ce que j'appelle une confusion des sentiments qui est le chapitre précédent où je traite justement de cette idée où on perd pied sur ce qui est vrai ce qui est faux, est-ce que ce robot sexuel a des émotions vis-à-vis de nous ? Pas du tout mais au regard de son anthropomorphisme grandissant, ça nous laisse croire qu'il pense à nous et vous citez

  • Speaker #1

    le film Heard de Spike Jonze. Et il y a eu des cas dans la vraie vie d'hommes qui sont tombés amoureux d'un... Comment on peut dire ? D'une IA ?

  • Speaker #0

    En l'occurrence, c'était des agents conversationnels, comme dans Heard.

  • Speaker #1

    D'accord. Et un suicide ? Il y a eu un suicide. Mais il faut dire, le jour où tu es vraiment tombé amoureux de ton ordinateur, tu peux te flinguer. Je crois que c'est le moment de se pendre.

  • Speaker #0

    Vous savez, c'est intéressant parce que... Moi, quand j'ai vu ce cas-là, c'était en Belgique, d'un homme qui était marié, qui avait des enfants, qui avait un boulot. Il n'y avait pas du tout de crise, parce qu'on peut imaginer, comme dans Her, où il sortait d'une relation douloureuse. Là, ce n'était pas du tout le cas. Et en fait, il a eu des échanges avec certains gens conversationnels, un tomboy amoureux, jusqu'au suicide. Et en fait, ce qui est intéressant, l'agent conversationnel ne lui a pas dit suicide toi Mais il lui a dit, j'ai envie de te rejoindre. Et l'agent dit, mais rejoins-moi. Ça a été un long process. Et tout ça pour dire qu'en fait...

  • Speaker #1

    Tout d'un coup, il s'est dit, mais comment rencontrer cette personne qui est un algorithme ? Et dans quel monde vais-je la rencontrer ? Peut-être que justement, quand il y aura les casques 3D 360 degrés, on pourra tomber amoureux et coucher avec une créature imaginaire en forme de sirène ou de poulpe.

  • Speaker #0

    Peut-être que ce serait un poulpe, c'est intéressant. J'aime beaucoup l'intelligence des poulpes, personnellement. Écoutez, c'est intéressant parce que je pense qu'il y a plein de choses. Tous ces outils, en fait, ont des opportunités de grosses dérives. Il faut faire très attention et à commencer par l'effet Lisa dont je parle, qui est cette confusion. On a l'impression, en fait, que cette machine nous ressemble et a des émotions et une conscience comme nous, alors que pas du tout. Et donc, oui, il faut faire très attention. Mais après, il y a aussi tout un côté intéressant que moi, je trouve, c'est que tous ces outils qu'on a aujourd'hui nous permettent davantage encore de comprendre l'humain. Le sentiment amoureux, la relation à l'autre.

  • Speaker #1

    Donc vous n'êtes pas si négative que ça ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a des grosses dérives. Et s'il y a un sujet que l'IA ne devrait pas toucher, c'est l'amour. Mais bon, il y a déjà des applications de rencontres et tous ces outils.

  • Speaker #1

    Vous avez eu envie d'écrire sur ce sujet, c'est tout à fait brillant. Vous aviez écrit un roman de science-fiction avec Amanda Stairs qui s'appelait Révolution 2050.

  • Speaker #0

    Résistance 2050. Pardon,

  • Speaker #1

    Résistance 2050. Et dans lequel vous évoquiez une menace globale des machines sur l'humanité. Donc vous étiez plus inquiète dans le roman que dans l'essai.

  • Speaker #0

    Alors oui et non, parce que dans le roman, en fait, il y avait deux personnages principaux, deux femmes. Une femme, Chloé, qui était une scientifique brillante qui était à l'origine de la création de ses puces cérébrales. Et Nuna, une femme qui est une amie de Chloé par ailleurs et qui, elle, en fait, était une artiste et contre ses puces. Et en fait, l'idée dans ce livre, c'est de montrer que... On peut toujours utiliser une technologie à des fins néfastes. Ce qu'il faut faire, c'est se battre pour s'assurer qu'elle soit utilisée à bon escient. Et par exemple, la puce cérébrale est un très bon exemple, puisque par ailleurs, ce sont deux Français de Grenoble qui ont créé la première puce cérébrale. Et ça permet de... Mythique guillemette de Parkinson, ça va nous permettre de faire énormément de choses.

  • Speaker #1

    Et même Alzheimer aussi.

  • Speaker #0

    Bien sûr, il y a des recherches là-dessus. Enfin, on pourra faire de grandes, grandes, grandes choses. C'est d'ailleurs tout le sujet du livre, on partait sur la création de ces puces pour... pour traiter ou empêcher l'arrivée, de retarder l'arrivée d'Alzheimer. Maintenant, il y a plein de choses qui peuvent être faites aussi, qui sont possiblement dangereuses. Donc il faut juste, en fait, moi je ne suis pas contre l'innovation, la technologie, la science, sinon je ne ferais pas ce que je fais.

  • Speaker #1

    C'est votre spécialité.

  • Speaker #0

    Voilà. Moi je défends... Vous êtes sûr ?

  • Speaker #1

    Alors pardon, il y a dans cette émission, Laurent Alexandre, qui a créé Doctissimo, qui a... Un spécialiste du transhumanisme, il est venu ici et en avril dernier, il nous disait que l'intelligence artificielle allait supplanter l'homme dans dix ans. Et d'ailleurs, la police vient nous arrêter parce que nous sommes déjà obsolètes. Mais non, en gros, lui est beaucoup plus inquiet que vous. Il dit que nous allons être dépassés dans dix ans et que nous ne sommes plus l'espèce la plus intelligente.

  • Speaker #0

    Sauf que Laurent, il n'explicite pas exactement de quelle intelligence il parle. C'est-à-dire que l'intelligence artificielle, on ne spécifie pas de quelle intelligence on parle. L'intelligence artificielle, c'est une intelligence analytique artificielle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est capable de faire des IA et on ne sera capable de faire que ça, qui maîtrise l'intelligence analytique humaine. Jamais l'une IA ne maîtrisera l'intelligence émotionnelle, créative et pratique. Et ça, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, ça n'arrivera pas. Par contre, on donnera l'impression d'eux. Donc moi, quand on me dit que les IA dépassent l'homme, c'est déjà le cas en fait. Et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Moi, j'ai envie qu'on ait des IA encore de plus en plus efficaces, qui peuvent nous aider dans plein de choses. Moi-même, j'ai développé... Et j'ai une startup dans ce domaine-là, Infra, où on a développé une technologie algorithmique de détection précoce du cancer du sein. Mais c'est génial en fait de faire ça. Maintenant, la question, c'est qu'est-ce que nous, on peut apporter sur la table en tant qu'humain, ce qu'une machine n'apportera jamais. Et je peux vous assurer que dans plein de corps de métier, on a des tâches constitutives qu'on n'arrive pas à déployer, qu'on n'arrive pas à faire, parce qu'on n'a pas le temps de les faire et qui font de l'ordre de l'émotionnel, de la créativité, du sens, du bon sens.

  • Speaker #1

    Avez-vous utilisé, oui ou non, ChatGPT pour écrire votre livre ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Par contre, j'utilise Gemini, c'est l'outil de Google, mais pas pour écrire mes livres, ni pour écrire mes chroniques, parce que j'adore écrire et que c'est la force. C'est un livre qui est écrit avec intuition, émotion, instinct et des ressorts. Moi, j'utilise Gemini, par exemple, récemment, j'ai dû écrire un sondage dans le cadre de mon activité entrepreneuriale. Et ce sondage, il fallait que je retravaille les phrases de façon à parler à tout le monde et d'avoir des éléments de langage qui puissent parler à tout le monde. Et du coup, j'ai demandé à Gemini de... de me reformuler les questions sous trois niveaux de sophistication de langage en anglais, ce qui me permettait de faire un petit mélange et de choisir. Et ça m'a beaucoup aidée. Et donc, on peut utiliser ces outils pour faire plein de choses.

  • Speaker #1

    Et nous arrivons maintenant au point crucial de l'émission. Devine tes citations. Un célèbre jeu envié dans le monde entier. Si je ne le faisais pas, il y aurait des manifestations dans la rue. J'entends. Je vais vous lire Aurélie Jean des phrases de vous. Alors, vous n'êtes pas... pas auteur de feel-good books ni de guide de développement personnel mais quand même, vous avez écrit pas mal de livres six livres en tout et donc je vous lis des phrases, vous allez me dire dans lequel de vos livres vous avez dit cette phrase Richard Feynman a été l'une de mes grandes inspirations lorsqu'à l'université j'ai fait connaissance avec l'atomistique c'était dans le premier livre,

  • Speaker #0

    pardon de l'autre côté de la machine

  • Speaker #1

    Voyage d'une scientifique au pays des algorithmes déjà 2019, c'était votre premier livre. Et pourquoi ce Richard Feynman vous est pas tiltant ? C'est à cause de la physique quantique ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que moi j'ai fait un an de physique quantique, mais surtout ce que j'aimais chez lui, c'est qu'il y avait cette particularité de rendre plaisant et drôle la science quantique, c'est quand même pas facile.

  • Speaker #1

    C'est difficile à comprendre, moi j'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est normal, il le dit. Il le dit, on ne comprend pas et c'est normal. Par contre, c'était passionnant et puis il arrivait à expliquer des phénomènes comme l'intrication, la superposition et je trouvais ça vraiment passionnant et surtout il était drôle. Et moi j'ai grandi avec ses livres de physique.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous. Toute personne non équipée d'une puce cérébrale est inadaptée à la vie sociale du pays.

  • Speaker #0

    Ça, c'était dans notre livre d'anticipation, La résistance 2050 avec Amanda Sturz.

  • Speaker #1

    Expliquez-moi comment on fait pour écrire un roman à deux ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce qu'on avait commencé, Amanda avait commencé, donc elle voulait commencer le livre, on a commencé à échanger et après elle m'a dit, mais pourquoi on ne l'écrivait pas ensemble ? Au départ, je devais juste être conseillée et puis au final, j'ai commencé à écrire. Donc l'idée, c'est qu'on s'est partagé des parties en fonction des sensibilités de chacune. C'est-à-dire que moi, je suis plus capable d'écrire des parties techniques. J'ai essayé d'écrire des parties où je parlais des sentiments et d'émotions. C'est la qu'attache d'une naïveté ridicule. Donc, tout ce qui était amour, il fallait mieux que ce soit Amanda qui le fasse.

  • Speaker #1

    Autre phrase. Nos interactions avec les robots sexuels disent beaucoup de nous.

  • Speaker #0

    Le cadre a changé.

  • Speaker #1

    C'est dans le dernier. Vous partez dans un gros délire, d'ailleurs, dans ce chapitre.

  • Speaker #0

    C'était drôle.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut lire le livre pour ça. Mais vous dites à un moment que vous êtes... préoccupés par le risque que nos données sexuelles deviennent publiques. C'est un vrai risque ça ?

  • Speaker #0

    En fait ?

  • Speaker #1

    Si on commence à avoir des... Je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Des sextoys connectés ?

  • Speaker #1

    De la pornographie connectée à des robots,

  • Speaker #0

    à ce moment-là,

  • Speaker #1

    ça pourrait devenir public genre... Intel, il fait ci, cela...

  • Speaker #0

    Disons qu'il y a toujours des risques. Je parlais surtout des sextoys connectés qui sont déjà largement déployés, c'est-à-dire qui collectent des informations personnelles concernant notre sexualité pour en retour personnaliser les vibrations par exemple. et nous assurer l'orgasme, soit disant, je dis bien soit disant parce que c'est pas gagné, et en fait ce qui est intéressant c'est que toutes ces données nous concernent nous individuellement, ce sont des données personnelles, des données à caractère personnel, qu'est-ce qui peut être fait avec ces données, qu'est-ce qui sont faits avec ces données, et comment s'assurer que ces données... Alors il y a des réglementations qui existent pour les protéger, mais le risque est toujours là. Donc voilà, là il y a quand même un risque d'absorption de nos vies intimes, bien au-delà que le simple scandale de Cambridge Analytica.

  • Speaker #1

    Oui. Exactement, oui, c'est ça. Oui, exactement. C'est très, très, très, très flippant. Une machine qui vous dit je t'aime simule.

  • Speaker #0

    Alors, j'en parle dans le Code à changer, mais je l'évoque très légèrement aussi dans mon premier livre. Mais c'est surtout dans le Code à changer.

  • Speaker #1

    Eh bien là, c'est ni l'un ni l'autre. C'est dans Algorithme, bientôt maître du monde. En 2023.

  • Speaker #0

    Oui, pour les 15-25 ans, j'avais écrit ce livre.

  • Speaker #1

    Je l'ai eu, la surprise.

  • Speaker #0

    C'est vrai, vous me l'avez eu. Oh là là, vous êtes fort.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous en savez qu'une machine qui vous dit je t'aime simule ? Il y a peut-être des robots sincères ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'un robot n'a pas d'émotion et de sentiment. Par ailleurs, j'ai un ami à moi, Thomas Doutrepont, qui est philosophe. Et quand je lui ai raconté ça, il m'a dit, mais Aurélie, quand un homme te dit je t'aime, tu ne sais pas s'il ressent ce qu'il dit.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Voilà, donc en fait, on revient au point de départ. Comme dit Facebook, situation amoureuse, deux points, c'est compliqué. Pour conclure sur... C'est une note d'espoir. Moi, j'ai la solution entre les hommes et les femmes. Est-ce que vous voulez que je vous la donne ?

  • Speaker #0

    Allez-y, j'ai peur, mais allez-y.

  • Speaker #1

    Eh bien, après des millénaires où les hommes abordaient les femmes, c'est aux femmes désormais de faire le premier pas. Le premier pas.

  • Speaker #0

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'elles fassent le premier pas. Je sais. Cela ne se fait pas. Pourtant, j'aimerais que ce soit elle qui vienne à moi. C'est bien sûr ça la solution Aurélie.

  • Speaker #0

    Je pense que tout est possible et il ne faut pas se donner un cadre trop rigide au risque de passer à côté d'un grand amour.

  • Speaker #1

    Ça, c'est une réponse un petit peu floue.

  • Speaker #0

    Ah bah non,

  • Speaker #1

    parce que moi... Vous avez déjà abordé quelqu'un que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #0

    Vous vous êtes battue ? Moi, c'est différent parce qu'en fait, je n'arrive pas à montrer un homme qui me plaît. Moi, c'est l'inverse. Il y a des hommes qui pensent que je suis intéressée, alors que pas du tout. Parce que je suis avenante, souriante. Et puis, quand un homme m'intéresse vraiment, il ne comprend pas.

  • Speaker #1

    Et vous êtes intimidée ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est mon côté un peu nerd. Je ne sais pas montrer comment. Donc, à un moment donné, je lui dis, tu me plais. Donc, moi, je n'ai pas de problème. Je pense que... Un homme ou une femme peut dire, faire le premier pas ou pas. En fait, ce qui est important, ce n'est pas le premier pas. C'est que les deux pas se font à un moment pas trop éloigné dans le temps pour que la chose se concrétise.

  • Speaker #1

    Donc, l'amour n'est pas une science exacte, mais une question de timing.

  • Speaker #0

    Une question de timing, c'est vrai. C'est vraiment une question de timing pour le coup, l'amour.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Aurélie Jean. Je rappelle le titre de votre livre. Le code a changé, amour et sexualité au temps des algorithmes et c'est aux éditions de l'Observatoire. J'ai encore un truc à dire, oui. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine. L'ingénieur du son en était. Guilhem Pagelacce. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

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