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GUILLAUME GALLIENNE : "LE PREMIER JET EST TOUJOURS DE LA MERDE". cover
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Conversations chez Lapérouse

GUILLAUME GALLIENNE : "LE PREMIER JET EST TOUJOURS DE LA MERDE".

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48min |06/06/2025
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Conversations chez Lapérouse

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48min |06/06/2025
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Description

C'est toujours une joie pour moi de rencontrer les acteurs qui écrivent. Après Denis Podalydes et Fabrice Luchini, j'ai passé une heure très suave avec Guillaume Gallienne, qui se déguisait en Sissi Impératrice quand il était petit et en Lucrèce Borgia quand il était grand. On a parlé de sa famille, de la Georgie, de cinéma, de théâtre, de baisemains et de pensionnats. C'est le luxe de la littérature : on peut parler de tout, du moment que c'est fait avec talent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soir toi, bienvenue chez moi, chez La Pérouse, pour recevoir cette semaine Guillaume Gallienne pour son livre Le Buveur de Brume aux éditions Doc dans la collection

  • Speaker #1

    Manu au musée.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Guillaume. C'est votre premier livre, paraît-il, mais non, c'est complètement faux. Vous êtes dans le du même auteur, on voit que vous avez publié le texte des Garçons et Guillaume à table en 2009. Oui. C'était le texte de votre seule en scène. Oui. Exact. Ensuite, vous avez publié Un été avec Victor Hugo.

  • Speaker #1

    Oui, co-écrit avec Laura Elmachy, mais c'est vraiment pratiquement elle qui a tout fait.

  • Speaker #0

    C'était en 2016.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cinq tomes de Ça ne peut pas faire de mal.

  • Speaker #1

    Oui, et là, c'était vraiment, très souvent, c'était surtout rédigé par mes assistants. Non, mais c'était avec moi, mais ce que je veux dire, non, mais c'est... Ça, c'est des trucs, c'est des compilations, c'est tout ce que vous voulez. J'en suis ravi.

  • Speaker #0

    A vu, mais que vous êtes un écrivain, Guillaume Bernier. Vous avez publié également l'autre moitié du son. Je m'appartiens à un recueil de poèmes de votre cousine Alicia.

  • Speaker #1

    Oui, mais là, j'ai juste écrit une postface qui fait une page.

  • Speaker #0

    Oui, mais tout de même, elle était forte, cette postface.

  • Speaker #1

    Bon, merci. Vous avez connu Alicia, d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #0

    j'ai connu Alicia,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Nous avons festoyé parfois.

  • Speaker #1

    Mais oui, oui, oui. Elle vous trouvait très amusante, déjà. Je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Vous êtes né à Neuilly-sur-Seine comme moi. Oui. Mais sept ans après.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai essayé de tout faire comme vous depuis. Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Alors non, c'est un échec. C'est un échec.

  • Speaker #1

    Ben oui.

  • Speaker #0

    J'ai publié 22 livres.

  • Speaker #1

    C'est pour ça, je m'y mène maintenant.

  • Speaker #0

    Peu de comédiens ont autant tourné. autour de la littérature avant de se lancer. Dans l'actualité récente, on voit qu'il y a des comédiens qui s'y lancent un peu trop vite. Vous, vous avez quand même... Non, mais vous avez un immense respect pour la littérature. C'est à cause de ce respect que vous avez mis autant de temps.

  • Speaker #1

    C'est exact. Parce que j'ai le fait d'avoir, pendant 11 ans, lu des chefs-d'oeuvre tous les samedis sur France Inter. Eh bien, oui, c'est vrai que ça m'a un peu... Ça m'a empêché pendant un temps, oui.

  • Speaker #0

    53 ans d'attente avant ce premier livre complètement assumé comme le vôtre, Le Buveur de Brume. Et c'est intéressant parce que j'ai reçu d'autres acteurs ici, notamment Denis Podalides et Fabrice Lucchini. Ils ont eu la même angoisse avant de se lancer, puisque les deux ont publié également. Et donc, bravo d'avoir surmonté cette... peur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est l'avantage aussi de la commande. Oui. C'est-à-dire que la confiance de quelqu'un, d'un éditeur qui vous dit, mais moi j'ai réellement confiance, allez-y. Oui. Et aussi l'avantage de la collection, de s'inscrire dans une collection, c'est-à-dire que, bon, le cadre est donné, il y a un cadre de départ, c'est plutôt rassurant. Oui. Alors cette collection de départ finalement a explosé, mais... Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Parlons de Manu au musée, donc c'est une collection qui devient de plus en plus importante. J'ai reçu ici Richard Malkin. qui a passé une nuit au Panthéon, Christine Angot qui a découché à la bourse de commerce parce qu'elle n'a pas passé la nuit mais qui a écrit peut-être un de ses meilleurs livres dans cette collection.

  • Speaker #1

    Oui, d'accord. Et la Simanie aussi. Oui,

  • Speaker #0

    la Simanie à Venise.

  • Speaker #1

    Lola Laffont, il y avait des belles choses.

  • Speaker #0

    Et maintenant, vous publiez un râteau, un râteau monumental, parce que vous êtes allé à Tbilisi. pour voir un tableau de votre arrière-grand-mère qui devait être au Musée national. Énorme râteau et déception. Il n'était pas à l'endroit prévu.

  • Speaker #1

    Non. Il a été déplacé, non pas au Musée national, mais à la Galerie nationale.

  • Speaker #0

    C'est inadmissible.

  • Speaker #1

    C'était en fait un... C'était un soi-disant un malentendu.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que ça... parce que vous étiez un peu pistonné par...

  • Speaker #1

    J'étais pistonné par la présidente Salomé Zorabijvili.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et...

  • Speaker #0

    Parce que c'était une vengeance du gouvernement qui ne voulait pas obéir à la présidente.

  • Speaker #1

    Le gouvernement pro-russe, qui s'appelle le rêve georgien, et qui est un cauchemar, et qui, voilà, c'était exactement... Dans le pouvoir de nuisance, il y a pouvoir.

  • Speaker #0

    Oui, alors vous arrivez, donc vous trouvez le tableau de votre arrière-grand-mère, Melita Locatelli.

  • Speaker #1

    Planqué sur une paroi entre deux salles et... Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    C'est très drôle parce que le début du livre, vous n'apparaissez pas comme très sympathique. C'est vrai, mais c'est ça qui prouve que vous êtes un écrivain d'ailleurs. C'est que vous n'essayez pas de plaire. Vous êtes un peu insupportable. Oui, oui. Vous avez fait, vous avez gueulé sur tout le monde.

  • Speaker #1

    Ah, j'ai hurlé. Non mais j'ai vraiment hurlé, mais vraiment.

  • Speaker #0

    Je viens de Paris, exprès,

  • Speaker #1

    pour aller au musée. Vraiment, je suis arrivé, je dis « What the fuck am I doing here ? » « What the fuck am I doing here ? » Il me regardait comme ça, et je dis « Where is my great-grandmother's portrait ? » On me dit « It's upstairs. » Là, je suis monté, et là, j'ai dit « Non, c'est pas ça. » Non, j'ai descendu, et là, j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    Et ce qui est...

  • Speaker #1

    Georgia, with a special nose ! Non, non, c'était Jean-Marc Jouy. Non,

  • Speaker #0

    mais c'est là où le prince géorgien, que vous êtes, descendant donc de cette famille, les Tcholokachvili, vous vous êtes comporté de manière aristocratique.

  • Speaker #1

    Oh, je sais pas, parce que moi... On va faire frire vos testicules ! Non, pas du tout. Vous les penchez pour le décès ! Non, non, mais d'ailleurs, mon arrière-grand-mère, qui, elle, était princesse, elle n'aurait certainement pas réagi de cette manière-là. Mais non, non, moi, j'ai hurlé parce que la colère est quelque chose qui est un atavisme que je n'ai pas réussi à mettre de côté. Je le trimballe avec moi. Je pense que c'est dans l'ADN.

  • Speaker #0

    Vous avez l'air trop charmant et détendu ici.

  • Speaker #1

    Mais parce que rien ne me froisse.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Pour l'instant.

  • Speaker #1

    Pour l'instant.

  • Speaker #0

    Non, mais en tout cas, cette colère du début du livre, elle fait que le lecteur est pris. Donc, c'est aussi un truc assez malin parce qu'on a envie de voir ce qui va se passer. Comment Guillaume Gallienne va engueuler tout le monde. Et finalement,

  • Speaker #1

    c'est malin. Alors, pour tout vous dire, c'est même pas malin. C'est-à-dire que cette colère, elle m'a habité pendant toute cette nuit. Et les 30 pages que j'ai écrites pendant cette nuit-là sont vraiment des pages de rage. Les 40... pages que j'ai écrites très vite après, lorsque je me suis retrouvé en famille à la montagne, sont absolument aussi habitées par une colère, mais vraiment une colère de déception. J'étais triste, c'était une colère triste. C'était d'abord une colère de rage, puis une colère triste. Et puis, une fois que j'avais ces 70 pages de rage, je me suis dit, en fait, ce livre n'a aucun intérêt, et puis terminé. Et je n'ai plus écrit pendant 18 mois. Et puis finalement... Je suis allé chez des amis écrivains américains, chez eux dans le Maine. Et Richard et Michelle Preston. Et lui a écrit, il est connu notamment pour avoir écrit un livre dans les années 80 qui s'appelait Hot Zone, qui était le premier livre sur l'Ebola. C'est un spécialiste en épidémiologie et que j'ai rencontré à Princeton. Et elle était éditrice. Et sur le... Lorsqu'on... De l'aéroport jusqu'à chez elle. dans la voiture, je lui dis, mais en fait, là, ce que j'ai écrit, c'est de la merde. Et elle me dit, mais le premier brouillon est toujours de la merde. Je lui dis, vraiment ? Elle me dit, ah, vraiment ? Et il faut que ce soit de la merde. Parce que c'est le seul moyen de faire mieux. Et ça m'a énormément rassuré. Et donc, chez eux, pendant six jours, là, j'ai écrit énormément. Et oui, rassuré, en fait, de c'est pas grave. Écris de la merde, c'est pas grave. Écris.

  • Speaker #0

    Mais c'est pas de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et là, j'ai adoré toute cette partie de travail de virer, de refaire, de virer, de refaire.

  • Speaker #0

    Alors, je suis heureux de ça et en même temps un peu déçu parce que moi, je croyais ce qu'il y a de raconté dans le livre. C'est-à-dire que vous aviez tout écrit en une nuit à la Galerie Nationale. Pas vraiment. Enfermé par des pions et des surveillants qui viennent vous apporter du thé.

  • Speaker #1

    Du café.

  • Speaker #0

    De la nuit. Du café. Les trois guillots. Et toute la nuit, vous revenez en arrière sur le passé familial, votre grand-mère, votre arrière-grand-mère, qui sont géorgiennes, et aux Russes, un peu, un peu des deux. Donc je m'imaginais que cette colère, elle venait de votre sang géorgien, qui s'était mis à vous vider.

  • Speaker #1

    Elle vient de là, mais elle vient de mon père aussi, qui n'était pas du tout géorgien, et elle vient aussi beaucoup de mon père. Et ça gueulait énormément chez nous.

  • Speaker #0

    Et puis aussi, peut-être, elle vient de votre enfance. Et là, il y a cette page que je trouve très belle, que je vous demande de lire, puisque vous avez lu pendant des années sur France Inter, pendant dix ans.

  • Speaker #1

    Onze ans, oui.

  • Speaker #0

    Donc voilà, maintenant, vous pouvez refaire ça chez nous.

  • Speaker #1

    Le portrait de Babou me fera-t-il revivre mes délires d'enfant ? Ceux dans lesquels, moi aussi, j'étais une princesse, où je me prenais pour Sissi, ou sa belle-mère, l'archiduchesse Sophie. J'ai joué à ces jeux tous les soirs pendant des années. Dès que la maison s'endormait, je prenais la couette de mon lit et la transformais en une grande robe, à l'aide d'une ceinture bien serrée. Et j'arpentais ma chambre en imaginant tout un tas d'interlocuteurs, que ce soit des scènes de balles à me figurer entouré de courtisans, des séances du concert, devant des ministres imaginaires, des audiences ou bien des jeux avec des enfants que je me représentais s'amusant autour de moi. Je me réfugiais dans un monde parallèle où c'était moi la princesse, non pas mon arrière-grand-mère. C'était moi qui était d'une rare beauté et d'une d'une grande élégance, et non pas ma grand-mère. Moi et non pas mon père, qui était riche et qui avait les pleins pouvoirs. Moi et non ma mère, qui pouvait alterner sans transition une grande chaleur pleine de charme et une froideur implacable. Je n'étais plus une tapette ou une pédale dont on se moquait ou que l'on humiliait, mais une grande dame que l'on admirait. Je n'étais plus ce garçon de toute évidence manqué, mais une femme désirée. Toutes les nuits de mon enfance, j'existais avec ces attributs que je n'avais pas le jour. La vérité était que je n'étais pas une femme, je n'étais pas titrée, je n'étais pas beau, et je n'avais aucun pouvoir autre que celui de mon imagination, et même elle ne faisait que m'enfermer dans des clichés à répétition. Mais toutes les nuits de mon enfance, je me réfugiais dans des déambulations incessantes, une couette de lit ceinturée autour de ma taille, à jouer une princesse bavaroise devenue l'épouse de l'empereur d'Autriche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors voilà la source de la colère. Vous arrivez là avec l'espoir qu'enfin, enfin, on va voir en vous la grande princesse géorgienne. On va vous respecter. Et puis on vous a posé votre portrait par terre. Non mais ça va pas.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Mais oui. C'est exactement ça. Je suis arrivé vraiment, j'y suis arrivé en Georgie pour cette chose, je suis arrivé vraiment comme un héritier. Mais vraiment. Et ça m'était dû. Et là, je me suis mis en pleine tronche.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? Passé 50 ans, on a besoin de retrouver ses racines. Moi au Béarn et vous en Géorgie. C'est quoi notre problème ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est forcément un problème, mais en tout cas, moi c'était vraiment pour mon fils Taddo. Le père de mon arrière-grand-mère s'appelait le prince Taddo. Et c'est vrai que cette trajectoire entre le prince Taddo et mon fils Taddo, je me suis dit

  • Speaker #0

    Qui a 18 ans là.

  • Speaker #1

    Il a 18 ans. Oui, oui, oui. Il vient d'avoir 18 ans.

  • Speaker #0

    Le livre est dédié à Tadeau. Oui,

  • Speaker #1

    parce que je voulais lui dire, en gros, écoute, on a tous des dossiers familiaux, mais on n'est pas forcément otages de toutes les névroses. Il y en a, on a le droit de les mettre de côté. Il y a des gens aussi un peu toxiques, on n'est pas obligé de se les fader. Voilà, moi j'ai un devoir de mémoire obsédant depuis... Et obsessionnel depuis que je suis né, je crois, je me souviens de tout. Et je me trimballe toutes les archives, mais vraiment, je suis un archiviste, mais à la borgesse, non-stop, et tu n'es pas obligé de faire comme moi. Et donc, mes névroses et mes deuils, tu n'es pas obligé de te les trimballer. Donc, tu sais quoi, je te les compile, tu les mets dans ta bibliothèque, si tu as envie de les consulter, tu peux. Mais voilà,

  • Speaker #0

    ce travail-là avait déjà été entamé avec le spectacle Les garçons et Guillaume à table, puis le film.

  • Speaker #1

    Mais ça, je n'avais pas pensé à Taddo pour le faire tellement. Là, je pensais plus à des mecs de ma génération. En fait, Les garçons et Guillaume à table est vraiment né de plusieurs rencontres de mecs de ma génération qui présentaient plus ou moins les mêmes symptômes de... On a été étiqueté d'une sexualité avant même de la découvrir parce qu'on ne répondait pas. à des critères et parce qu'on est né juste après 68 et que quelque part, ça faisait chic de dire non, celui là, il va finir pédé. Et voilà, surtout dans un milieu bourgeois. Et là, c'était plus pour répondre à. Et puis pour aujourd'hui, c'est comme c'est très à la mode et c'est presque intégré pour aussi déjà pointer. la différence entre le genre et la sexualité et arrêter avec cette connerie d'amalgame. C'était ça surtout.

  • Speaker #0

    Quand même, on apprend dans Le Buveur de Brume que votre père vous donnait des coups de ceinture, que votre mère était très dure avec vous.

  • Speaker #1

    Elle pouvait, oui. Elle n'était pas tendre.

  • Speaker #0

    Dans le film, vous la montriez comme une femme drôle, assez toxique, bien sûr.

  • Speaker #1

    Avec un panache.

  • Speaker #0

    Oui, mais puisque c'était vous qui jouiez son rôle,

  • Speaker #1

    elle a toujours ce panache et ce humour.

  • Speaker #0

    Mais là, vous dites qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #1

    Ah non. Non, elle est vraiment... Comme m'a dit mon fils un jour, il avait 4 ans, il me dit quand même ta mère, elle est brusque. C'est-à-dire que ma grand-mère paternelle est fille de divorcée. Ses parents ont divorcé en 1905, ce qui ne devait pas être très facile à mon avis. La vie quotidienne, ça ne devait pas être sympa. Et surtout, c'est que le père, en partant, s'est retourné vers sa future ex-femme et les deux filles. Il a dit j'en veux une des deux et que l'épouse.

  • Speaker #0

    Je choisis une des deux.

  • Speaker #1

    Elle me fait, prends celle-là. Et c'était ma grand-mère. Et donc ma grand-mère, elle ne s'en est jamais remise.

  • Speaker #0

    J'ai cru que c'était la mère de ma mère.

  • Speaker #1

    Et elle a reproduit le schéma sur mon père, c'est-à-dire qu'elle a eu deux fils, et elle n'a eu de préférence que pour le cadet, et a toujours été odieuse avec l'aîné, qui était mon père. Et c'était terrible, parce que quand j'étais enfant, je voyais mon père qui, pour me rassurer, ou peut-être me protéger de cette méchanceté, faisait semblant d'en rire. Et moi je voyais que c'était pas drôle du tout, je trouvais ça gênant et je faisais mais c'est affreux, elle est juste méchante avec lui et puis lui il souffre et je le vois bien et lui il faisait genre comme ça, c'était pathétique.

  • Speaker #0

    En fait c'est vrai qu'il y a un malheur dans les familles bourgeoises qui peut se transmettre de génération en génération et que c'est au fond le sujet. véritable du buveur de brume. C'est comment vous, par exemple, grâce au théâtre, vous avez pu surmonter tous ces traumatismes sans basculer dans la drogue comme d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Il y a aussi de ça. Après, oui, c'est François Furet qui disait la bourgeoisie, c'est la seule classe qui ne s'aime pas. Moi, il y avait un contraste entre la bourgeoisie et l'aristocratie. Et c'est vrai que l'aristocratie de mon arrière-grand-mère ou de ma grand-mère était... Euh... en effet se démarquait énormément parce que c'était des femmes qui ne prétendaient rien.

  • Speaker #0

    Et qui étaient peut-être, qui assumaient plus leur personnalité étant moins cruelle.

  • Speaker #1

    Il n'y avait zéro cruauté. Et puis elles étaient, elles pouvaient être des dragons s'il le fallait, mais mon arrière-grand-mère avait une autorité incroyable, mais sans hausser le ton. Et puis, mais elle ne se plaignait jamais. Et puis, elles étaient d'une culture et d'une curiosité incroyable.

  • Speaker #0

    Les Garçons et Guillaume à table était un film compliqué. C'est vrai que c'est une qualité. C'était un film comique et en même temps tragique. Et c'est marrant parce qu'aujourd'hui, on en parle comme d'une comédie un peu amusante. C'était il y a 16 ans. Mais le film en anglais, au moins,

  • Speaker #1

    à la pièce, oui, il y a 16 ans.

  • Speaker #0

    Le film en anglais s'intitulait Me, Myself and Mom.

  • Speaker #1

    C'est un très mauvais titre.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimais bien.

  • Speaker #1

    J'en ai trouvé un sublime après et lorsque j'ai demandé si on pouvait changer alors que le film n'était pas sorti, on m'a dit non. Je le regrette parce que j'aurais dû dire mais je m'en fous en fait, vous le changez. C'était une réplique dans un film anglais dont j'ai oublié le titre et la réplique c'était Sister Boy.

  • Speaker #0

    Sister Boy, ah oui.

  • Speaker #1

    Ça, ça aurait été un titre formidable.

  • Speaker #0

    Mais donc c'est un film qui raconte qu'un garçon est maltraité par ses frères, par son père. que la mère est marrante mais dure. Et au fond, c'était un film sur ce que c'est d'être non-binaire, ce qu'on dit aujourd'hui mais qu'on ne connaissait pas comme terme à l'époque.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Exactement.

  • Speaker #0

    Non-binaire. C'est-à-dire que je n'ai pas envie de choisir un camp.

  • Speaker #1

    Enfin, c'est surtout l'histoire d'un garçon à qui on a étiqueté une sexualité avant même qu'il sache ce que c'est, quand même. Donc, c'est un peu compliqué. Parce que... Et de comment se découvrir avec déjà une étiquette sur le coin de la gueule. C'est ça aussi. Et le fait de se dire, ah, pour répondre visiblement à l'amour familial, il faut que je rentre dans cette case-là que vous m'avez laissée. C'est les projections, c'est-à-dire que... Mais même toutes les projections, je trouve, sur les mômes, je trouve ça toujours très bizarre. Oui, bien sûr. Des gens qui disent... Oh, c'est un fortiche, lui. C'est un fortiche. C'est une injonction terrible, je trouve.

  • Speaker #0

    Ce qui est bizarre, c'est que la famille disait, en gros, c'est lui l'homo de la famille, alors qu'à l'école, vous étiez victime de l'homophobie. Vous étiez à Passy-Buzinval, l'objet d'un enfer de traitants.

  • Speaker #1

    Et c'est drôle,

  • Speaker #0

    il y a pas... Et de harcèlement, en fait. C'est un mot qu'on n'employait pas à l'époque.

  • Speaker #1

    Et il n'y a pas longtemps, j'ai reçu une lettre à la Comédie française. me disant « Cher Guillaume, je ne sais pas si tu te souviens de moi, je m'appelle… » Je ne sais plus comment d'ailleurs. Voilà, je me suis toujours… J'ai été très choqué et très marqué par ce que tu as raconté, de ce que tu as subi à Passy-Bizavane, nous étions ensemble. J'espère ne pas faire partie de ceux qui t'ont fait souffrir. Je l'espère vraiment. Mais il ne m'a pas donné de coordonnées, rien. C'est à dire qu'il ne veut pas savoir.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Si en fait, ils étaient ligués contre vous.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est la cruauté des mots. Oui, oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais de quel âge à quel âge ?

  • Speaker #1

    De 10 ans à 12 ans et demi, 13 ans.

  • Speaker #0

    Et là, vous avez fait une dépression. Oui,

  • Speaker #1

    12 ans. Oui, je suis parti pour l'Angleterre.

  • Speaker #0

    Mais dans un autre.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, ils ont mis du temps avant. Vous voyez, je m'écroulais tout le temps. Je tombais dans les pubs. Et puis au bout d'un moment, il y a Un psy qui a dit, bon, vous savez quoi ? Ce n'est pas seulement sa famille, son école, son machin, c'est le pays. Vous allez l'envoyer loin, celui-là. Et là,

  • Speaker #0

    vous avez beaucoup aimé le pensionnat anglais. Oui,

  • Speaker #1

    parce que les Anglais, quand vous faites partie de la même caste qu'eux, ne vous jugent jamais sur vos apparences. Donc,

  • Speaker #0

    vous pouviez...

  • Speaker #1

    Traverser la cour de récré sans me faire insulte.

  • Speaker #0

    Pas quand même habillé en sissi.

  • Speaker #1

    Non, non, même pas. Non, l'uniforme. Oui,

  • Speaker #0

    l'uniforme, c'est pas mal parce que ça unifie. Oui, oui, parfait. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh oui. Non, non, c'est bien fait le truc.

  • Speaker #0

    Vous avez un peu laissé tomber la réalisation depuis votre deuxième film, Marilyn, 2017.

  • Speaker #1

    Pas vraiment, parce que je réalise depuis deux ans. En fait, j'ai dû, j'ai passé beaucoup de temps, j'ai perdu deux ans sur un film anglais que je devais réaliser. Finalement, c'était trop compliqué, je ne l'ai pas fait. Et là, depuis deux ans, je réalise l'adaptation de Cyrano de Bergerac en film d'animation avec des animaux. Sauf que la film d'animation, c'est très long. Donc, j'en ai encore pour deux ans. D'accord. Mais là, ça y est, j'écris. une prochaine fiction.

  • Speaker #0

    Parce que j'étais... C'est dommage, j'avais une bonne question après sur la paresse. Est-ce que vous êtes le Oblomov du 7e art ?

  • Speaker #1

    Ah ! Ah !

  • Speaker #0

    C'est un grand lecteur d'Oblomov, de Goncharov, qui est un roman sûr, un paresseux, un oisif. Oui. C'est un personnage que vous avez interprété. Oui,

  • Speaker #1

    oui, j'ai adoré. Et que j'ai... Je l'ai adapté en téléfilm pour Arte, que j'ai réalisé. Et j'adore ce personnage. C'est même pas oisif, c'est même pas oisif, c'est que vraiment chaque effort est une montagne. Mais vraiment, il... Zahar, il appelle son vieux domestique, Zahar, ni ma go, ni hachou. Mais d'ailleurs, c'est devenu un mot. Oui. En russe, c'est un mot. Yaw blom. Oui. C'est... Yaw blom.

  • Speaker #0

    Yaw blom. la procrastination il y a dans le buveur de brume un art de la digression aussi, on voit que vous aimez bien, et ça c'est aussi une qualité d'écrivain véritable mais oui, d'écrire ce qui n'était pas prévu, d'ailleurs toute l'histoire rien de ce qui devait arriver n'est arrivé comme prévu dans ce livre j'adore la digression mais en fait c'est aussi parce que je voulais

  • Speaker #1

    Il y a un livre qui m'a marqué qui s'appelle « Les trois anneaux » de Daniel Mendelssohn dans lequel il différencie l'écriture linéaire de l'écriture circulaire. Et Homer et Proust évidemment sont des auteurs d'écriture circulaire, Tchékov aussi. Et ça rejoignait ce qu'Alain Françon nous disait quand il nous mettait en scène dans « Les trois sœurs » de Tchékov, il disait « c'est une chorale démocratique, en fait c'est centrifuge » . C'est-à-dire qu'il n'y a pas de centre, le centre c'est le spectateur. En fait, ce sont juste des motifs qui sont... pris par l'un, repris par l'autre, puis repris par un autre, puis repris par un autre.

  • Speaker #0

    C'est un spectateur qui doit faire le boulot.

  • Speaker #1

    Voilà, et j'avais envie de faire ça avec le buveur de brume, toute propre, regardez, mais...

  • Speaker #0

    Les deux bleus de coeur doivent rejoindre les pointillés. Oui,

  • Speaker #1

    entre eux, tout d'un coup, mon père, tout d'un coup Tchékov, tout d'un coup les itinérants ou les ambulants, et puis les femmes, et puis des motifs comme ça qui reviennent. d'une manière circulaire,

  • Speaker #0

    mais vous dites aussi dans le livre que vous avez besoin d'être cadré, que vous avez besoin d'une structure. Et d'ailleurs, en commençant, vous avez dit heureusement qu'il y avait une commande. S'il n'y avait pas eu la commande, je n'aurais pas osé.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Donc, énorme contradiction, débrouillez-vous avec ça. On ne peut pas dire à la fois je veux être elliptique et en même temps je veux être cadré.

  • Speaker #1

    Alors, c'est marrant, je vois ce que vous voulez dire, mais c'est exact. En fait, j'ai besoin d'un cas pour pouvoir, après moi,

  • Speaker #0

    désobéir. Oui. Ah oui, comme le dit Antoine Compagnon dans son livre qui s'appelle... déshonorer le contrat. Pour lui, la définition de la littérature, Roland Barthes, toute sa vie, n'écrit que des ouvrages de commande, mais il n'obéit pas complètement. Vous êtes un peu comme Roland Barthes.

  • Speaker #1

    J'adore l'idée, vraiment.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est pour ça que vous êtes converti à la religion orthodoxe ? Oui, le cadre est...

  • Speaker #1

    À l'intérieur, oui, absolument.

  • Speaker #0

    D'où la barbe de pop.

  • Speaker #1

    De pop.

  • Speaker #0

    Voilà, oui. Il ne me manque plus qu'un.

  • Speaker #1

    Je vous ai dit en début d'émission, j'essaye de faire tout comme vous. Ah oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Merci, c'est bien. Si seulement tous mes invités étaient la même chose. Alors, est-ce que vous préférez le cinéma ou le théâtre ? Ça, c'est pour vous emmerder, parce que c'est vraiment une question con. Oui.

  • Speaker #1

    Enfin, euh...

  • Speaker #0

    Là, en ce moment, vous êtes plus au théâtre que au cinéma, depuis quelques années.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai des très beaux rôles et que... Alors, étonnamment, les moments de grâce les plus marquants que j'ai eus dans ma vie, c'était au cinéma. Mais le travail, le partage... Et l'apprentissage humain, je le vis pour l'instant dans la troupe de la Comédie française et avec ces textes-là. Mais voilà, c'est-à-dire qu'avec les textes, évidemment que c'est le théâtre, mais hors texte, laisser jaillir quelque chose, laisser remonter à la surface, me laisser surprendre, c'est au cinéma.

  • Speaker #0

    Mais maintenant que vous êtes en plus écrivain, qu'est-ce qui va se passer ? Vous n'allez pas être obligé de choisir ? Est-ce que, par exemple, vous n'allez pas avoir envie de monter sur scène et de dire des extraits du Buvert de Brue ?

  • Speaker #1

    Ça, je vais le faire un peu, là. On le fait un peu pour... Je ne savais pas du tout, d'ailleurs, mais il y a plein de gens qui, maintenant, m'appellent pour...

  • Speaker #0

    Ce que vous venez de lire, là, le passage déguisé en cité, c'est marrant. C'est émouvant.

  • Speaker #1

    Je vais le faire un peu, mais pas trop non plus. Je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Les gars qui ont mis Guillaume à table, c'était autobiographique aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'était joué. Je jouais 52 personnages. Là, c'est juste de la lecture. Je veux bien faire un peu de lecture, mais pas trop non plus. J'aime être un passeur. Mais en général j'aime travailler avec, j'aime pas travailler seul.

  • Speaker #0

    On peut passer son propre texte.

  • Speaker #1

    Oui mais c'est seul, c'est solitaire. J'aime pas ça. Vraiment j'aime pas du tout travailler seul. J'ai fait deux monologues dans ma vie, les deux étaient très beaux, enfin m'ont beaucoup plu, mais je pouvais pas le faire trop longtemps. Au bout d'un moment on s'enferme dans une précision, c'est terrible.

  • Speaker #0

    Vous racontez d'ailleurs dans le livre... Il y a eu un moment, vous en aviez marre de jouer, alors c'était le club boréal, vous êtes devenu presque fou, à force de tous les soirs jouer la méchante ou la femme que tout le monde déteste. Oui,

  • Speaker #1

    c'est plus ça. C'est plus ça, c'était que j'avais envie de, j'avais besoin de, j'avais besoin de, oui, ah oui, oui, non, puis j'avais besoin de défendre cette femme, et au départ coûte que coûte, et en fait non, j'ai pas eu les moyens. de faire plus long que trois ans, mais c'est bien trois ans.

  • Speaker #0

    Et c'était le fait de jouer le monstre qui était trop difficile au bout de...

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas du tout. Ça, c'est pas le problème. Le problème, c'est de... Le problème, c'est la violence. Déjà, la violence masculine. Parce que, parce que, en fait, lorsqu'on est une femme avec un corset et qu'on se fait déshabiller, maltraiter, violenter, utiliser. traîner par terre tous les jours, c'était violent. En plus, c'est très concave.

  • Speaker #0

    lorsqu'on joue une femme, on encaisse, on encaisse, on encaisse et puis au bout d'un moment... Voilà.

  • Speaker #1

    Donc vous avez... bref. À un moment vous êtes parti vivre à Princeton pour enseigner...

  • Speaker #0

    Juste après oui.

  • Speaker #1

    C'était un genre de craquage d'envie de, là encore, comme le pensionnat en Angleterre, de foutre le camp de Steve Bidard, la France.

  • Speaker #0

    Vous avez été célébré,

  • Speaker #1

    vous veniez de recevoir toute la consécration d'on rêve. Un artiste ? Ah oui ! De Molière, Frank Cesar...

  • Speaker #0

    Mais là, on était... C'était plus tard, c'était en 2017, mais je suis parti... Non, je suis parti pour mieux revenir. C'est ce que j'ai dit à Eric Ruff. J'ai dit, écoute, là, j'ai vraiment envie d'arrêter de jouer, mais vraiment, je ne peux plus jouer ni Lucrèce, ni rien d'autre. Mais laisse-moi partir un an et je reviendrai la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Et vous êtes...

  • Speaker #0

    Évidemment, je ne suis pas parti vraiment un an parce qu'on a joué les Danéens en tournée à New York.

  • Speaker #1

    Vous avez mis en scène un opéra aussi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, je faisais déjà beaucoup de ballet. Et là, j'avais mis en scène Natchana Rentola. Mais à ce moment-là, à New York, j'ai écrit un ballet pour Alexei Ratmansky, pour l'American Ballet Theatre. On avait fait... Il voulait absolument un truc grec, mais pas forcément mythologique. Et donc, je me suis inspiré d'un des premiers livres de l'humanité qui s'appelle Kéreas et Kaliroé. de Cariton qui est assez incroyable parce qu'on voit que Shakespeare a absolument tout pompé. Et il y a Romeo et Juliette, il y a Pericles, Il y a le Comte d'hiver, il y a Othello, il y a tout. Et ça je l'ai adapté dans un ballet qui s'appelle Of Love and Rage qu'on a créé au Met. Enfin d'abord à Los Angeles puis au Met.

  • Speaker #1

    Vous voyez les gens qui nous regardent, tout ce que fait cette personne. C'est juste pour donner... parce que tout le monde ne sait pas que vous faites tout ça.

  • Speaker #0

    Ah non mais je le...

  • Speaker #1

    La folie !

  • Speaker #0

    Non, c'est des rencontres, c'est merveilleux. Non, non, non, c'est vraiment des rencontres. Et puis, j'adore travailler avec les danseurs depuis très longtemps. Vraiment, depuis très longtemps, j'adore aider les danseurs dans l'économie du signe. Enfin, bref.

  • Speaker #1

    Revenons au livre. Oui. Alors, vous êtes un fou de littérature russe. Oui. Vous le dites beaucoup dans le livre. Oui. Alors, vous citez Tolstoy, Dostoyevsky, Bulgakov, Gogol, Pouch... Neikoff évidemment, Gondjbarov, on en a parlé. Et pourtant ce livre, ce livre il est beaucoup plus français.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Premier livre autobiographique, une confession intime, oui oui. Vraiment à la Benjamin Constant.

  • Speaker #0

    Non mais non mais il n'est pas du tout russe. C'est plus russe. Non, il n'est pas du tout russe.

  • Speaker #1

    Et ce qui se passe ? Alors que vous êtes converti à la religion orthodoxe ?

  • Speaker #0

    Oui mais parce que je...

  • Speaker #1

    Vous avez écrit un livre d'Emmanuel Carrère.

  • Speaker #0

    Ah si seulement j'adorerais ! Et russe aussi ! Ouais !

  • Speaker #1

    Et j'ai européen aussi. Oui. Voilà l'explication. Vous faites comme lui. Vous savez qu'en septembre prochain, Emmanuel sort Colcose. Un livre intitulé Colcose.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore l'écriture d'Emmanuel Carrère. Il a des moments de fulgurance d'humanité. Moi, je n'oublierai jamais le mec qui, avant de se faire amputer, va niquer dans d'autres revues que la mienne. Ces pages-là... C'est d'une beauté. Puis dans Limonov, il y a des pages extraordinaires.

  • Speaker #1

    Un roman russe.

  • Speaker #0

    Et son article, d'ailleurs, un roman géorgien, est très intéressant.

  • Speaker #1

    Très intéressant. En tant que russo-géorgien, est-ce que vous avez choisi un camp ? Parce que la Géorgie est en guerre contre la Russie.

  • Speaker #0

    Alors, malheureusement, non, elle n'est pas en guerre.

  • Speaker #1

    Elle a eu une guerre il y a quelque temps. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, la Russie n'est pas... Non, elle est à la solde aujourd'hui. Elle est totalement à la solde de la Russie. Il y a un milliardaire. qui s'appelle Bizina Ivani-Juili qui vend son pays et son peuple pour quelques millions de dollars de plus comme s'il n'en avait pas déjà suffisamment et il vend littéralement son pays en corrompant totalement un gouvernement qui est à la solde de Poutine et qui réprime de plus en plus des manifestations pacifistes qui ont lieu tous les jours depuis ces élections truquées et on voit bien c'est la méthode Poutine entre guillemets la méthode douce Merci. qui est en utilisant, soit disant, la démocratie, avec une propagande des réseaux sociaux, des fermes de trolls qui polluent tous les médias et tout ça, la corruption, des bastonnades, des intimidations.

  • Speaker #1

    Des opposants en prison.

  • Speaker #0

    Des opposants en prison et qui sont condamnés, et puis carrément tués maintenant. Et voilà. Donc non, elle n'est malheureusement pas en guerre. Elle est déjà soumise. donc on espère que ça va bouger. Ce gouvernement a été reconnu, je crois, par les nobles pays du Nicaragua, de la Corée du Nord et de la Russie, point final. Il n'est reconnu par personne. Mais non, c'est tragique. C'est tragique. Déjà dans les supermarchés à Tbilisi, pratiquement tous les produits sont que russes. C'est déjà colonisé. Voilà.

  • Speaker #1

    Il y a une anecdote que j'aime beaucoup, pour être plus léger. Oui. C'est Babou, donc Babouchka, votre grand-mère.

  • Speaker #0

    Mon arrière-grand-mère.

  • Speaker #1

    Arrière-grand-mère. Oui. Elle est au sport d'hiver en Autriche. Oui. Et un baron allemand lui demande, avez-vous bien chié ce matin ?

  • Speaker #0

    Oui. Mais parce qu'en allemand, on ne prononce pas le K, on dit chia. Et donc, il se piquait de parler un très bon français. Et tous les matins, elle revenait du ski. et... vers l'heure du déjeuner, il se levait de son siège sur son balcon et comme ça, il tirait son chapeau et très fier du français qu'il parlait. Il disait « Bonjour, princesse, ça fait fou bien chier ce matin. » Et mon arrière-grand-mère, voulant rester très courtoise, lui disait « Merci, baron, j'ai très bien chié ce matin. » Et sans corriger sa faute.

  • Speaker #1

    Alors, je vais pouvoir enfin vous poser la question indiscrète que tout le monde me pose quand j'écris des livres autobiographiques. Oui. Et comment ils l'ont pris, vos parents ? Et comment l'ont pris vos frères ? Qu'est-ce que vous leur mettez quand même ?

  • Speaker #0

    Mes frères, rien du tout. Je leur mets rien du tout, mes frères.

  • Speaker #1

    Il y a quand même... Enfin, on a l'impression que ça a été dur. Votre enfance a été dure.

  • Speaker #0

    Pour eux aussi. C'est ce que je dis. Non, là, je dis pour eux aussi. D'accord. Non, mes frères, je leur mets rien du tout. Mon père, il n'est plus là.

  • Speaker #1

    Il n'est plus là.

  • Speaker #0

    Et puis mon père, quand même, je le...

  • Speaker #1

    Vous les sauvez tous les deux, bien sûr. Oui.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est un livre qui va de la colère à l'apaisement aussi. Mais ma mère, elle l'a lu, mais elle ne m'en a rien dit. Mais elle ne va pas bien. Elle a une santé épouvantable, la pauvre. Donc là, pour l'instant, ce n'est pas le sujet. Mais peut-être qu'elle m'en parlera ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Après, je crois qu'ils ont aussi compris que, bien sûr, il y a nos vies. Et puis, à ce qu'on en fait, il y a... après l'art le transforme oui et que voilà et après ça change rien nos rapports tant mieux ils peuvent être tendres parce que moi j'ai l'impression d'être tendre quand même je suis très sincère donc vrai j'ai nommé jaune et les choses mais franchement j'essaie toujours de réparer d'être dans la tendresse donc j'ai pas l'impression que ça fait jamais en tout cas la plainte, je joue cosette et plaignez-moi et en même temps il y a de la vengeance.

  • Speaker #1

    Ça dépend, il faut le lire jusqu'au bout. Voilà. Il faut le lire jusqu'au bout celui-là.

  • Speaker #0

    D'accord avec vous.

  • Speaker #1

    Nous avons un jeu que le monde nous envie dans cette émission. Oui. Il s'appelle Devine tes citations. Je vais vous lire des phrases de vous. Ah bon ? Oui. Et vous devez me dire alors, dans quel livre où votre signature apparaît, vous avez écrit ceci.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    À quoi peut-on croire seulement à la vie lorsque la mort vous sourit ?

  • Speaker #0

    Ça, à mon avis, c'est...

  • Speaker #1

    Il y a un piège.

  • Speaker #0

    Oui, parce que ce n'est pas Alicia. Si, c'est Alicia. C'est Alicia. Mais ce n'est pas de moi. Mais ça, ce n'est pas de moi. C'est Alicia qui l'écrit. C'est un poème d'Alicia. Oui, dont l'autre moitié du son, je m'appartiens.

  • Speaker #1

    Seulement à la vie, lorsque la mort vous sourit, vous pensez que la mort vous sourit ? Est-ce que vous y pensez ? Oui. Elle est présente dans ce livre.

  • Speaker #0

    Ah oui, elle est présente.

  • Speaker #1

    Il y a Thierry, Bénédicte.

  • Speaker #0

    Oui, il y a mon frère et ma sœur. Et puis, il y a Clara.

  • Speaker #1

    Et puis tous deux sont partis. Vous pensez souvent à la mort ?

  • Speaker #0

    À mes morts, plus qu'à ma mort.

  • Speaker #1

    Une autre phrase de vous ? Peut-être, c'est pas sûr. Rien ne vaut la douceur d'une maman.

  • Speaker #0

    Ah oui, alors c'est pas de moi, mais c'est dans le buveur de brume, c'est de Tolstoy, c'est dans Anna Karenin.

  • Speaker #1

    Oui, 1877. Alors, racontez la seule caresse de votre mère quand vous rentrez de pensionnat. Oui,

  • Speaker #0

    un vendredi, elle était venue me chercher à Rueilman-Maison et j'ai enfin... craqué, je lui ai dit en fait les insultes et les humiliations et tout ça, et je lui ai raconté tout, j'ai pleuré tout le trajet. Et en arrivant à la maison, je me souviens, on avait une petite pente comme ça où on garait la voiture, elle a garé la voiture, elle a éteint le moteur, j'étais assis à l'arrière là, et j'ai vu sa main. se mettre entre les deux sièges avant. J'ai vu sa main et elle a pris la mienne et avec son pouce, elle a caressé le haut de ma main, comme ça. Et puis voilà.

  • Speaker #1

    C'est la seule fois. Oui. Quand vous entendez parler de l'affaire Bétarame et d'autres pensionnats qui sont des endroits qui ont maintenant, qui ont enfin la parole se libère sur tout ça, sur les maltraitances aux enfants. pendant tout le 20e siècle. J'imagine que ça vous touche beaucoup.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas du tout surpris. Je ne suis vraiment pas surpris, mais moi j'ai été élevé au 19e siècle. Vraiment, ça ne me surprend absolument pas.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'à Passy-Buzinval, il y avait peut-être aussi de la violence, des châtiments corporels, il y en avait ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt entre les élèves. Non, oui, mais moi je me souviens d'un frère des écoles chrétiennes qui nous tiraient les cheveux là. C'était... extrêmement douloureux et qui nous tapait avec la règle, bien sûr.

  • Speaker #1

    Oui, sur les ongles.

  • Speaker #0

    Oui, comme ça. Surtout, c'est la mise en scène à chaque fois, tellement sadique, de présenter tes doigts. Et on le faisait, le fait de nous obliger à cet extraordinaire...

  • Speaker #1

    Jouer sur une règle carrée aussi.

  • Speaker #0

    Oui, oui, absolument. Des trucs de vrai sadisme.

  • Speaker #1

    Autre phrase qui est dans votre livre. Jusqu'à la fin de mes jours... Tout ce que je ferai sera gentil mais sans plus.

  • Speaker #0

    Ah, ça c'est Trigorine qui dit ça dans la mouette de Tchékov. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    1896. Cette phrase vous intimidait, parce que vous disiez je ne peux pas écrire, j'ai peur d'être gentil. Mais vous y arrivez, vous n'êtes pas gentil.

  • Speaker #0

    Je t'en avoue. Merci, c'est gentil.

  • Speaker #1

    Une autre. J'ai eu la chance de lire tant de chefs-d'oeuvre que je me suis toujours senti incapable d'écrire. Oui.

  • Speaker #0

    C'est dans celui-là. Dans le livre de Brume, oui.

  • Speaker #1

    Ben écoutez, je vais vous dire, si seulement les autres écrivains avaient autant de scrupules que vous.

  • Speaker #0

    Non, alors ce qui s'est passé en écriture pure, c'est vrai, c'est que dès que je voulais styliser, en fait, étant donné que c'est moi qui parle, c'est ma voix, dès que je voulais styliser, ça ne marchait pas. Dès que j'essayais que la phrase soit plus littéraire, disons, eh bien non, ça ne marchait pas.

  • Speaker #1

    Mais il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Ça s'annulait tout de suite, mais vraiment. Mais ça se dénonçait immédiatement. C'est ça qui est drôle, cela dit.

  • Speaker #1

    Mais c'est parce que vous avez un œil de lecteur, vous avez beaucoup lu, c'est ça aussi. Si on a beaucoup lu, on voit tout de suite ce qui est bidon. Une dernière, le jour où les femmes commencent à te faire des compliments, c'est que c'est fini.

  • Speaker #0

    C'est ma grand-mère qui disait ça.

  • Speaker #1

    Elle disait ça sur sa beauté. Oui. C'est terrible. Si les femmes te font des compliments...

  • Speaker #0

    Oui, elle me dit le jour où les femmes ont commencé à me faire des compliments, j'ai compris que c'était fini. Ben oui, parce qu'elle était extrêmement belle et que vraiment, elle rentrait dans une pièce, les gens s'arrêtaient. Et donc... Oui,

  • Speaker #1

    il y a une photo d'elle d'ailleurs dans le livre.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Magnifique. Je ne vais jamais la retrouver. Non,

  • Speaker #0

    non, non, on oublie. Oui, oui, oui, il y a plusieurs photos.

  • Speaker #1

    Elle vous a donné un cours de baisemain à Venise.

  • Speaker #0

    Oui, à côté à Habano, oui.

  • Speaker #1

    Ah oui, il faut raconter, parce que alors, donc vous, vous précipitez pour embrasser la main.

  • Speaker #0

    Mais c'est qu'elle me présente à une princesse italienne, je ne sais quoi, dans son truc. Elle prenait les os, elle prenait les os. Et c'était des bains de boue, je ne sais quoi, à Habano. Et elle m'avait invité une année pour pouvoir me faire découvrir la Vénusie. Et donc elle me présente cette princesse italienne et je plonge dans un baisemain. Donc,

  • Speaker #1

    faites le baisemain trop bas.

  • Speaker #0

    En fait, pas seulement trop bas, mais trop...

  • Speaker #1

    C'est important pour les auditeurs de Garot Télé de bien savoir faire le baisemain.

  • Speaker #0

    Pas seulement trop bas, mais pas souple. C'est-à-dire que c'était un peu rigide. Ah oui,

  • Speaker #1

    genre comme un Allemand.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'elle m'a dit tout de suite. Elle m'a dit, il ne manque plus que tu claques les talons. Ah mais ah ! Et moi, j'étais très fier d'avoir fait... J'avais 15 ans ou 16 ans. Et je dis, mais pourquoi ? Elle me dit, non, t'es pas dans l'armée allemande.

  • Speaker #1

    Donc,

  • Speaker #0

    le vrai baisement... Elle me dit, un baisement est un hommage qu'un homme rend à une femme. Donc, il doit être fait avec délicatesse et souplesse. Et donc, voilà. Et donc, il suffit.

  • Speaker #1

    On a le droit de la monter, la main, un peu.

  • Speaker #0

    Oui, un peu. Et on se court. C'est souple, surtout. C'est pas...

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Nous passons maintenant au conseil de lecture de Guillaume Gallienne. Je vous avais envoyé les questions.

  • Speaker #0

    Alors ? Vous vous souvenez ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Attention. Un livre... Parce que vous êtes un grand lecteur, donc on a besoin de savoir, on a envie de connaître vos goûts. Oui. Un livre qui vous donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    L'hibiscus rouge de Shimamanga Ngozi Adichie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est pointu. Oui, oui. C'est sublime.

  • Speaker #0

    C'est sublime. Alors, c'est d'abord écrit en anglais, mais c'est merveilleusement bien traduit. C'est vraiment très, très, très beau. C'est une écriture extraordinaire. J'adore cette auteure. Elle est nigériane, mais aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Pourquoi ça vous fait pleurer ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y a un amour impossible. C'est une jeune fille battue et un père fou furieux. et qui découvre ce que c'est que l'amour familial avec des cousins, avec une tante merveilleuse. Et là, elle tombe amoureuse d'un prêtre qui a compris. C'est terrible. L'amour non réciproque est une des choses qui me bouleverse le plus au monde.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a lu celui-là, un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Euh... Partenariats sont complexes de Philippe Rott.

  • Speaker #1

    Impubliable aujourd'hui, hein. C'est comme, il se masturbe dans un bus...

  • Speaker #0

    C'est à mourir de rire. Non mais quand il se masturbe chez lui et que sa mère va... Non mais c'est à mourir de rire.

  • Speaker #1

    Il masturbe dans un rôti, non ?

  • Speaker #0

    Non, après il le fait avec... Il le fait avec une sauce vinaigrette. Il le fait avec une sauce Paul Newman, sauf qu'avec la vinaigrette ça lui fait mal. Ça le brûle.

  • Speaker #1

    Bon, j'ai quoi d'autre ? Attends, sur ma liste, pardon, je deviens débile. Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    La montagne magique de Thomas Mann.

  • Speaker #1

    Ah bon ? Oui, c'est vrai qu'il devait rester trois semaines, il reste sept ans. On se flingue !

  • Speaker #0

    On se flingue ! Mais c'est très beau, c'est merveilleusement bien écrit tout, mais c'est quand même...

  • Speaker #1

    Oui, c'est un bon bisutage. Un livre pour crâner dans la rue.

  • Speaker #0

    le le zen de l'art chevaleresse du tir à l'arc ça ça jette ça c'est à mon avis vous baladez quand même oui ouais un livre qui rend intelligent j'ai envie de presque dédire tous parce que Parce qu'il faut aussi des choses qui qui on a le droit de dire mais ça chier ça, ça ne va pas. Il y a la lecture de toute façon. Oui, on apprend. Oui, vous place vous en. Vous avez le droit de juger aussi. Vous avez le droit de dire mais je m'ennuie. Vous avez le droit de dire mais ça chier. Mais un livre qui rend intelligent les mémoires d'Adrien et d'Ursena,

  • Speaker #1

    de Marguerite Ursenat. Un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Ça dépend quelle tranche d'âge.

  • Speaker #1

    Ah oui, vous voulez dire que... Genre, si vous voulez séduire des jeunes, vous allez vous balader avec...

  • Speaker #0

    Ben ouais, ça va être... Et au puceau ? Ben non, mais ça va être plus genre... Non, mais comment s'appelle l'autre, là ? Cohen ?

  • Speaker #1

    Oui, Albert Cohen pour Belle du Seigneur.

  • Speaker #0

    Belle du Seigneur, ça, il y a toute une tranche d'âge qui tombe en pamoison. Il y en a d'autres, c'est le deuxième sexe. Et puis, il y en a d'autres, on va aller plus vers...

  • Speaker #1

    Annie Ernaux.

  • Speaker #0

    Ah, alors là, ça devient quel genre ? Mais bon, bref.

  • Speaker #1

    Attention, un livre que je regrette d'avoir lu. Vous allez me dire encore que vous ne regrettez rien.

  • Speaker #0

    Non, un livre que je regrette d'avoir lu, eh bien, en fait, j'ai oublié le titre. Je me souviens très, très bien.

  • Speaker #1

    Clamsay à Tatawin.

  • Speaker #0

    Non mais ça alors d'abord j'ai... Non mais c'est surtout c'est... Non c'était un livre euh... Comment ça s'appelle ? C'était... Ça faisait vraiment l'hypocagneuse de service qui faisait genre très simple mais en plein milieu quand même un petit truc...

  • Speaker #1

    Un petit adverbe.

  • Speaker #0

    Un petit truc un peu et on fait Haaaaaa ! Voilà.

  • Speaker #1

    Un livre que je fais semblant d'avoir fini ?

  • Speaker #0

    L'Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    Ah ouais comme beaucoup de mes invités. Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    La longue route du sable de Pasolini.

  • Speaker #1

    Tiens, bien, oui, original.

  • Speaker #0

    J'ai marqué des points là ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Le pire livre que vous ayez jamais lu de toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Alors pire, non pas parce qu'il est mal écrit, mais parce que j'ai jamais eu aussi froid aux os, c'est les récits de la Colima de Charamont.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ouais. Sur le goulag.

  • Speaker #0

    Sur le goulag et sur... Parce que là, c'est pas du sadisme ou de la haine, c'est encore plus... C'est-à-dire que l'homme n'est même plus victime, il est carrément minéral. Il ne vaut pas plus une pierre, enfin il est minéral. Et puis la bêtise, la bêtise autour est dingue. Elle est vraiment comme disait Einstein, elle est infinie. Et puis c'est merveilleusement bien écrit,

  • Speaker #1

    insoutenable. Et le livre que vous lisez en ce moment ?

  • Speaker #0

    Je viens de commencer Les Cambrioleurs de Fabio Viscogliozzi. Et vous connaissez pas ? J'adore cet auteur. Ah, il faut lire Fabio Viscogliozzi, Frédéric.

  • Speaker #1

    Il faut lire Fabio Viscogliozzi.

  • Speaker #0

    Non, mais je vous en supplie, lisez... Allez, où est la caméra ? Lisez... Non, mais réellement, je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit. C'est à tomber. Montblanc, très très beau, plus autobiographique sur... Bref, sur la mort de ses parents. L'apologie du slow.

  • Speaker #1

    Ah ça fait bien,

  • Speaker #0

    j'avais lu ça je crois,

  • Speaker #1

    l'apologie du slow c'est très important.

  • Speaker #0

    Merveilleux, et là les cambrioleurs.

  • Speaker #1

    Ok, merci beaucoup Guillaume Gaillen, j'ai une dernière question avant de nous quitter. Au bout du compte, après avoir écrit votre premier livre, la différence entre la littérature et le théâtre, est-ce que ça n'est pas tout simplement qu'au théâtre il faut être quelqu'un d'autre et en littérature il faut être soi-même ?

  • Speaker #0

    Ah, ça me plaît beaucoup. Alors, c'est drôle parce que là, en ce moment, j'écris mon deuxième livre et ce sont des paroles de femmes et je ne sais pas si c'est forcément moi-même. Néanmoins, je trouve que la vraie différence, c'est en fait la mobilisation en écriture n'a pas de temps.

  • Speaker #1

    Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout, n'oubliez pas... n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage.

Description

C'est toujours une joie pour moi de rencontrer les acteurs qui écrivent. Après Denis Podalydes et Fabrice Luchini, j'ai passé une heure très suave avec Guillaume Gallienne, qui se déguisait en Sissi Impératrice quand il était petit et en Lucrèce Borgia quand il était grand. On a parlé de sa famille, de la Georgie, de cinéma, de théâtre, de baisemains et de pensionnats. C'est le luxe de la littérature : on peut parler de tout, du moment que c'est fait avec talent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soir toi, bienvenue chez moi, chez La Pérouse, pour recevoir cette semaine Guillaume Gallienne pour son livre Le Buveur de Brume aux éditions Doc dans la collection

  • Speaker #1

    Manu au musée.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Guillaume. C'est votre premier livre, paraît-il, mais non, c'est complètement faux. Vous êtes dans le du même auteur, on voit que vous avez publié le texte des Garçons et Guillaume à table en 2009. Oui. C'était le texte de votre seule en scène. Oui. Exact. Ensuite, vous avez publié Un été avec Victor Hugo.

  • Speaker #1

    Oui, co-écrit avec Laura Elmachy, mais c'est vraiment pratiquement elle qui a tout fait.

  • Speaker #0

    C'était en 2016.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cinq tomes de Ça ne peut pas faire de mal.

  • Speaker #1

    Oui, et là, c'était vraiment, très souvent, c'était surtout rédigé par mes assistants. Non, mais c'était avec moi, mais ce que je veux dire, non, mais c'est... Ça, c'est des trucs, c'est des compilations, c'est tout ce que vous voulez. J'en suis ravi.

  • Speaker #0

    A vu, mais que vous êtes un écrivain, Guillaume Bernier. Vous avez publié également l'autre moitié du son. Je m'appartiens à un recueil de poèmes de votre cousine Alicia.

  • Speaker #1

    Oui, mais là, j'ai juste écrit une postface qui fait une page.

  • Speaker #0

    Oui, mais tout de même, elle était forte, cette postface.

  • Speaker #1

    Bon, merci. Vous avez connu Alicia, d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #0

    j'ai connu Alicia,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Nous avons festoyé parfois.

  • Speaker #1

    Mais oui, oui, oui. Elle vous trouvait très amusante, déjà. Je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Vous êtes né à Neuilly-sur-Seine comme moi. Oui. Mais sept ans après.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai essayé de tout faire comme vous depuis. Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Alors non, c'est un échec. C'est un échec.

  • Speaker #1

    Ben oui.

  • Speaker #0

    J'ai publié 22 livres.

  • Speaker #1

    C'est pour ça, je m'y mène maintenant.

  • Speaker #0

    Peu de comédiens ont autant tourné. autour de la littérature avant de se lancer. Dans l'actualité récente, on voit qu'il y a des comédiens qui s'y lancent un peu trop vite. Vous, vous avez quand même... Non, mais vous avez un immense respect pour la littérature. C'est à cause de ce respect que vous avez mis autant de temps.

  • Speaker #1

    C'est exact. Parce que j'ai le fait d'avoir, pendant 11 ans, lu des chefs-d'oeuvre tous les samedis sur France Inter. Eh bien, oui, c'est vrai que ça m'a un peu... Ça m'a empêché pendant un temps, oui.

  • Speaker #0

    53 ans d'attente avant ce premier livre complètement assumé comme le vôtre, Le Buveur de Brume. Et c'est intéressant parce que j'ai reçu d'autres acteurs ici, notamment Denis Podalides et Fabrice Lucchini. Ils ont eu la même angoisse avant de se lancer, puisque les deux ont publié également. Et donc, bravo d'avoir surmonté cette... peur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est l'avantage aussi de la commande. Oui. C'est-à-dire que la confiance de quelqu'un, d'un éditeur qui vous dit, mais moi j'ai réellement confiance, allez-y. Oui. Et aussi l'avantage de la collection, de s'inscrire dans une collection, c'est-à-dire que, bon, le cadre est donné, il y a un cadre de départ, c'est plutôt rassurant. Oui. Alors cette collection de départ finalement a explosé, mais... Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Parlons de Manu au musée, donc c'est une collection qui devient de plus en plus importante. J'ai reçu ici Richard Malkin. qui a passé une nuit au Panthéon, Christine Angot qui a découché à la bourse de commerce parce qu'elle n'a pas passé la nuit mais qui a écrit peut-être un de ses meilleurs livres dans cette collection.

  • Speaker #1

    Oui, d'accord. Et la Simanie aussi. Oui,

  • Speaker #0

    la Simanie à Venise.

  • Speaker #1

    Lola Laffont, il y avait des belles choses.

  • Speaker #0

    Et maintenant, vous publiez un râteau, un râteau monumental, parce que vous êtes allé à Tbilisi. pour voir un tableau de votre arrière-grand-mère qui devait être au Musée national. Énorme râteau et déception. Il n'était pas à l'endroit prévu.

  • Speaker #1

    Non. Il a été déplacé, non pas au Musée national, mais à la Galerie nationale.

  • Speaker #0

    C'est inadmissible.

  • Speaker #1

    C'était en fait un... C'était un soi-disant un malentendu.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que ça... parce que vous étiez un peu pistonné par...

  • Speaker #1

    J'étais pistonné par la présidente Salomé Zorabijvili.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et...

  • Speaker #0

    Parce que c'était une vengeance du gouvernement qui ne voulait pas obéir à la présidente.

  • Speaker #1

    Le gouvernement pro-russe, qui s'appelle le rêve georgien, et qui est un cauchemar, et qui, voilà, c'était exactement... Dans le pouvoir de nuisance, il y a pouvoir.

  • Speaker #0

    Oui, alors vous arrivez, donc vous trouvez le tableau de votre arrière-grand-mère, Melita Locatelli.

  • Speaker #1

    Planqué sur une paroi entre deux salles et... Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    C'est très drôle parce que le début du livre, vous n'apparaissez pas comme très sympathique. C'est vrai, mais c'est ça qui prouve que vous êtes un écrivain d'ailleurs. C'est que vous n'essayez pas de plaire. Vous êtes un peu insupportable. Oui, oui. Vous avez fait, vous avez gueulé sur tout le monde.

  • Speaker #1

    Ah, j'ai hurlé. Non mais j'ai vraiment hurlé, mais vraiment.

  • Speaker #0

    Je viens de Paris, exprès,

  • Speaker #1

    pour aller au musée. Vraiment, je suis arrivé, je dis « What the fuck am I doing here ? » « What the fuck am I doing here ? » Il me regardait comme ça, et je dis « Where is my great-grandmother's portrait ? » On me dit « It's upstairs. » Là, je suis monté, et là, j'ai dit « Non, c'est pas ça. » Non, j'ai descendu, et là, j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    Et ce qui est...

  • Speaker #1

    Georgia, with a special nose ! Non, non, c'était Jean-Marc Jouy. Non,

  • Speaker #0

    mais c'est là où le prince géorgien, que vous êtes, descendant donc de cette famille, les Tcholokachvili, vous vous êtes comporté de manière aristocratique.

  • Speaker #1

    Oh, je sais pas, parce que moi... On va faire frire vos testicules ! Non, pas du tout. Vous les penchez pour le décès ! Non, non, mais d'ailleurs, mon arrière-grand-mère, qui, elle, était princesse, elle n'aurait certainement pas réagi de cette manière-là. Mais non, non, moi, j'ai hurlé parce que la colère est quelque chose qui est un atavisme que je n'ai pas réussi à mettre de côté. Je le trimballe avec moi. Je pense que c'est dans l'ADN.

  • Speaker #0

    Vous avez l'air trop charmant et détendu ici.

  • Speaker #1

    Mais parce que rien ne me froisse.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Pour l'instant.

  • Speaker #1

    Pour l'instant.

  • Speaker #0

    Non, mais en tout cas, cette colère du début du livre, elle fait que le lecteur est pris. Donc, c'est aussi un truc assez malin parce qu'on a envie de voir ce qui va se passer. Comment Guillaume Gallienne va engueuler tout le monde. Et finalement,

  • Speaker #1

    c'est malin. Alors, pour tout vous dire, c'est même pas malin. C'est-à-dire que cette colère, elle m'a habité pendant toute cette nuit. Et les 30 pages que j'ai écrites pendant cette nuit-là sont vraiment des pages de rage. Les 40... pages que j'ai écrites très vite après, lorsque je me suis retrouvé en famille à la montagne, sont absolument aussi habitées par une colère, mais vraiment une colère de déception. J'étais triste, c'était une colère triste. C'était d'abord une colère de rage, puis une colère triste. Et puis, une fois que j'avais ces 70 pages de rage, je me suis dit, en fait, ce livre n'a aucun intérêt, et puis terminé. Et je n'ai plus écrit pendant 18 mois. Et puis finalement... Je suis allé chez des amis écrivains américains, chez eux dans le Maine. Et Richard et Michelle Preston. Et lui a écrit, il est connu notamment pour avoir écrit un livre dans les années 80 qui s'appelait Hot Zone, qui était le premier livre sur l'Ebola. C'est un spécialiste en épidémiologie et que j'ai rencontré à Princeton. Et elle était éditrice. Et sur le... Lorsqu'on... De l'aéroport jusqu'à chez elle. dans la voiture, je lui dis, mais en fait, là, ce que j'ai écrit, c'est de la merde. Et elle me dit, mais le premier brouillon est toujours de la merde. Je lui dis, vraiment ? Elle me dit, ah, vraiment ? Et il faut que ce soit de la merde. Parce que c'est le seul moyen de faire mieux. Et ça m'a énormément rassuré. Et donc, chez eux, pendant six jours, là, j'ai écrit énormément. Et oui, rassuré, en fait, de c'est pas grave. Écris de la merde, c'est pas grave. Écris.

  • Speaker #0

    Mais c'est pas de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et là, j'ai adoré toute cette partie de travail de virer, de refaire, de virer, de refaire.

  • Speaker #0

    Alors, je suis heureux de ça et en même temps un peu déçu parce que moi, je croyais ce qu'il y a de raconté dans le livre. C'est-à-dire que vous aviez tout écrit en une nuit à la Galerie Nationale. Pas vraiment. Enfermé par des pions et des surveillants qui viennent vous apporter du thé.

  • Speaker #1

    Du café.

  • Speaker #0

    De la nuit. Du café. Les trois guillots. Et toute la nuit, vous revenez en arrière sur le passé familial, votre grand-mère, votre arrière-grand-mère, qui sont géorgiennes, et aux Russes, un peu, un peu des deux. Donc je m'imaginais que cette colère, elle venait de votre sang géorgien, qui s'était mis à vous vider.

  • Speaker #1

    Elle vient de là, mais elle vient de mon père aussi, qui n'était pas du tout géorgien, et elle vient aussi beaucoup de mon père. Et ça gueulait énormément chez nous.

  • Speaker #0

    Et puis aussi, peut-être, elle vient de votre enfance. Et là, il y a cette page que je trouve très belle, que je vous demande de lire, puisque vous avez lu pendant des années sur France Inter, pendant dix ans.

  • Speaker #1

    Onze ans, oui.

  • Speaker #0

    Donc voilà, maintenant, vous pouvez refaire ça chez nous.

  • Speaker #1

    Le portrait de Babou me fera-t-il revivre mes délires d'enfant ? Ceux dans lesquels, moi aussi, j'étais une princesse, où je me prenais pour Sissi, ou sa belle-mère, l'archiduchesse Sophie. J'ai joué à ces jeux tous les soirs pendant des années. Dès que la maison s'endormait, je prenais la couette de mon lit et la transformais en une grande robe, à l'aide d'une ceinture bien serrée. Et j'arpentais ma chambre en imaginant tout un tas d'interlocuteurs, que ce soit des scènes de balles à me figurer entouré de courtisans, des séances du concert, devant des ministres imaginaires, des audiences ou bien des jeux avec des enfants que je me représentais s'amusant autour de moi. Je me réfugiais dans un monde parallèle où c'était moi la princesse, non pas mon arrière-grand-mère. C'était moi qui était d'une rare beauté et d'une d'une grande élégance, et non pas ma grand-mère. Moi et non pas mon père, qui était riche et qui avait les pleins pouvoirs. Moi et non ma mère, qui pouvait alterner sans transition une grande chaleur pleine de charme et une froideur implacable. Je n'étais plus une tapette ou une pédale dont on se moquait ou que l'on humiliait, mais une grande dame que l'on admirait. Je n'étais plus ce garçon de toute évidence manqué, mais une femme désirée. Toutes les nuits de mon enfance, j'existais avec ces attributs que je n'avais pas le jour. La vérité était que je n'étais pas une femme, je n'étais pas titrée, je n'étais pas beau, et je n'avais aucun pouvoir autre que celui de mon imagination, et même elle ne faisait que m'enfermer dans des clichés à répétition. Mais toutes les nuits de mon enfance, je me réfugiais dans des déambulations incessantes, une couette de lit ceinturée autour de ma taille, à jouer une princesse bavaroise devenue l'épouse de l'empereur d'Autriche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors voilà la source de la colère. Vous arrivez là avec l'espoir qu'enfin, enfin, on va voir en vous la grande princesse géorgienne. On va vous respecter. Et puis on vous a posé votre portrait par terre. Non mais ça va pas.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Mais oui. C'est exactement ça. Je suis arrivé vraiment, j'y suis arrivé en Georgie pour cette chose, je suis arrivé vraiment comme un héritier. Mais vraiment. Et ça m'était dû. Et là, je me suis mis en pleine tronche.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? Passé 50 ans, on a besoin de retrouver ses racines. Moi au Béarn et vous en Géorgie. C'est quoi notre problème ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est forcément un problème, mais en tout cas, moi c'était vraiment pour mon fils Taddo. Le père de mon arrière-grand-mère s'appelait le prince Taddo. Et c'est vrai que cette trajectoire entre le prince Taddo et mon fils Taddo, je me suis dit

  • Speaker #0

    Qui a 18 ans là.

  • Speaker #1

    Il a 18 ans. Oui, oui, oui. Il vient d'avoir 18 ans.

  • Speaker #0

    Le livre est dédié à Tadeau. Oui,

  • Speaker #1

    parce que je voulais lui dire, en gros, écoute, on a tous des dossiers familiaux, mais on n'est pas forcément otages de toutes les névroses. Il y en a, on a le droit de les mettre de côté. Il y a des gens aussi un peu toxiques, on n'est pas obligé de se les fader. Voilà, moi j'ai un devoir de mémoire obsédant depuis... Et obsessionnel depuis que je suis né, je crois, je me souviens de tout. Et je me trimballe toutes les archives, mais vraiment, je suis un archiviste, mais à la borgesse, non-stop, et tu n'es pas obligé de faire comme moi. Et donc, mes névroses et mes deuils, tu n'es pas obligé de te les trimballer. Donc, tu sais quoi, je te les compile, tu les mets dans ta bibliothèque, si tu as envie de les consulter, tu peux. Mais voilà,

  • Speaker #0

    ce travail-là avait déjà été entamé avec le spectacle Les garçons et Guillaume à table, puis le film.

  • Speaker #1

    Mais ça, je n'avais pas pensé à Taddo pour le faire tellement. Là, je pensais plus à des mecs de ma génération. En fait, Les garçons et Guillaume à table est vraiment né de plusieurs rencontres de mecs de ma génération qui présentaient plus ou moins les mêmes symptômes de... On a été étiqueté d'une sexualité avant même de la découvrir parce qu'on ne répondait pas. à des critères et parce qu'on est né juste après 68 et que quelque part, ça faisait chic de dire non, celui là, il va finir pédé. Et voilà, surtout dans un milieu bourgeois. Et là, c'était plus pour répondre à. Et puis pour aujourd'hui, c'est comme c'est très à la mode et c'est presque intégré pour aussi déjà pointer. la différence entre le genre et la sexualité et arrêter avec cette connerie d'amalgame. C'était ça surtout.

  • Speaker #0

    Quand même, on apprend dans Le Buveur de Brume que votre père vous donnait des coups de ceinture, que votre mère était très dure avec vous.

  • Speaker #1

    Elle pouvait, oui. Elle n'était pas tendre.

  • Speaker #0

    Dans le film, vous la montriez comme une femme drôle, assez toxique, bien sûr.

  • Speaker #1

    Avec un panache.

  • Speaker #0

    Oui, mais puisque c'était vous qui jouiez son rôle,

  • Speaker #1

    elle a toujours ce panache et ce humour.

  • Speaker #0

    Mais là, vous dites qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #1

    Ah non. Non, elle est vraiment... Comme m'a dit mon fils un jour, il avait 4 ans, il me dit quand même ta mère, elle est brusque. C'est-à-dire que ma grand-mère paternelle est fille de divorcée. Ses parents ont divorcé en 1905, ce qui ne devait pas être très facile à mon avis. La vie quotidienne, ça ne devait pas être sympa. Et surtout, c'est que le père, en partant, s'est retourné vers sa future ex-femme et les deux filles. Il a dit j'en veux une des deux et que l'épouse.

  • Speaker #0

    Je choisis une des deux.

  • Speaker #1

    Elle me fait, prends celle-là. Et c'était ma grand-mère. Et donc ma grand-mère, elle ne s'en est jamais remise.

  • Speaker #0

    J'ai cru que c'était la mère de ma mère.

  • Speaker #1

    Et elle a reproduit le schéma sur mon père, c'est-à-dire qu'elle a eu deux fils, et elle n'a eu de préférence que pour le cadet, et a toujours été odieuse avec l'aîné, qui était mon père. Et c'était terrible, parce que quand j'étais enfant, je voyais mon père qui, pour me rassurer, ou peut-être me protéger de cette méchanceté, faisait semblant d'en rire. Et moi je voyais que c'était pas drôle du tout, je trouvais ça gênant et je faisais mais c'est affreux, elle est juste méchante avec lui et puis lui il souffre et je le vois bien et lui il faisait genre comme ça, c'était pathétique.

  • Speaker #0

    En fait c'est vrai qu'il y a un malheur dans les familles bourgeoises qui peut se transmettre de génération en génération et que c'est au fond le sujet. véritable du buveur de brume. C'est comment vous, par exemple, grâce au théâtre, vous avez pu surmonter tous ces traumatismes sans basculer dans la drogue comme d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Il y a aussi de ça. Après, oui, c'est François Furet qui disait la bourgeoisie, c'est la seule classe qui ne s'aime pas. Moi, il y avait un contraste entre la bourgeoisie et l'aristocratie. Et c'est vrai que l'aristocratie de mon arrière-grand-mère ou de ma grand-mère était... Euh... en effet se démarquait énormément parce que c'était des femmes qui ne prétendaient rien.

  • Speaker #0

    Et qui étaient peut-être, qui assumaient plus leur personnalité étant moins cruelle.

  • Speaker #1

    Il n'y avait zéro cruauté. Et puis elles étaient, elles pouvaient être des dragons s'il le fallait, mais mon arrière-grand-mère avait une autorité incroyable, mais sans hausser le ton. Et puis, mais elle ne se plaignait jamais. Et puis, elles étaient d'une culture et d'une curiosité incroyable.

  • Speaker #0

    Les Garçons et Guillaume à table était un film compliqué. C'est vrai que c'est une qualité. C'était un film comique et en même temps tragique. Et c'est marrant parce qu'aujourd'hui, on en parle comme d'une comédie un peu amusante. C'était il y a 16 ans. Mais le film en anglais, au moins,

  • Speaker #1

    à la pièce, oui, il y a 16 ans.

  • Speaker #0

    Le film en anglais s'intitulait Me, Myself and Mom.

  • Speaker #1

    C'est un très mauvais titre.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimais bien.

  • Speaker #1

    J'en ai trouvé un sublime après et lorsque j'ai demandé si on pouvait changer alors que le film n'était pas sorti, on m'a dit non. Je le regrette parce que j'aurais dû dire mais je m'en fous en fait, vous le changez. C'était une réplique dans un film anglais dont j'ai oublié le titre et la réplique c'était Sister Boy.

  • Speaker #0

    Sister Boy, ah oui.

  • Speaker #1

    Ça, ça aurait été un titre formidable.

  • Speaker #0

    Mais donc c'est un film qui raconte qu'un garçon est maltraité par ses frères, par son père. que la mère est marrante mais dure. Et au fond, c'était un film sur ce que c'est d'être non-binaire, ce qu'on dit aujourd'hui mais qu'on ne connaissait pas comme terme à l'époque.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Exactement.

  • Speaker #0

    Non-binaire. C'est-à-dire que je n'ai pas envie de choisir un camp.

  • Speaker #1

    Enfin, c'est surtout l'histoire d'un garçon à qui on a étiqueté une sexualité avant même qu'il sache ce que c'est, quand même. Donc, c'est un peu compliqué. Parce que... Et de comment se découvrir avec déjà une étiquette sur le coin de la gueule. C'est ça aussi. Et le fait de se dire, ah, pour répondre visiblement à l'amour familial, il faut que je rentre dans cette case-là que vous m'avez laissée. C'est les projections, c'est-à-dire que... Mais même toutes les projections, je trouve, sur les mômes, je trouve ça toujours très bizarre. Oui, bien sûr. Des gens qui disent... Oh, c'est un fortiche, lui. C'est un fortiche. C'est une injonction terrible, je trouve.

  • Speaker #0

    Ce qui est bizarre, c'est que la famille disait, en gros, c'est lui l'homo de la famille, alors qu'à l'école, vous étiez victime de l'homophobie. Vous étiez à Passy-Buzinval, l'objet d'un enfer de traitants.

  • Speaker #1

    Et c'est drôle,

  • Speaker #0

    il y a pas... Et de harcèlement, en fait. C'est un mot qu'on n'employait pas à l'époque.

  • Speaker #1

    Et il n'y a pas longtemps, j'ai reçu une lettre à la Comédie française. me disant « Cher Guillaume, je ne sais pas si tu te souviens de moi, je m'appelle… » Je ne sais plus comment d'ailleurs. Voilà, je me suis toujours… J'ai été très choqué et très marqué par ce que tu as raconté, de ce que tu as subi à Passy-Bizavane, nous étions ensemble. J'espère ne pas faire partie de ceux qui t'ont fait souffrir. Je l'espère vraiment. Mais il ne m'a pas donné de coordonnées, rien. C'est à dire qu'il ne veut pas savoir.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Si en fait, ils étaient ligués contre vous.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est la cruauté des mots. Oui, oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais de quel âge à quel âge ?

  • Speaker #1

    De 10 ans à 12 ans et demi, 13 ans.

  • Speaker #0

    Et là, vous avez fait une dépression. Oui,

  • Speaker #1

    12 ans. Oui, je suis parti pour l'Angleterre.

  • Speaker #0

    Mais dans un autre.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, ils ont mis du temps avant. Vous voyez, je m'écroulais tout le temps. Je tombais dans les pubs. Et puis au bout d'un moment, il y a Un psy qui a dit, bon, vous savez quoi ? Ce n'est pas seulement sa famille, son école, son machin, c'est le pays. Vous allez l'envoyer loin, celui-là. Et là,

  • Speaker #0

    vous avez beaucoup aimé le pensionnat anglais. Oui,

  • Speaker #1

    parce que les Anglais, quand vous faites partie de la même caste qu'eux, ne vous jugent jamais sur vos apparences. Donc,

  • Speaker #0

    vous pouviez...

  • Speaker #1

    Traverser la cour de récré sans me faire insulte.

  • Speaker #0

    Pas quand même habillé en sissi.

  • Speaker #1

    Non, non, même pas. Non, l'uniforme. Oui,

  • Speaker #0

    l'uniforme, c'est pas mal parce que ça unifie. Oui, oui, parfait. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh oui. Non, non, c'est bien fait le truc.

  • Speaker #0

    Vous avez un peu laissé tomber la réalisation depuis votre deuxième film, Marilyn, 2017.

  • Speaker #1

    Pas vraiment, parce que je réalise depuis deux ans. En fait, j'ai dû, j'ai passé beaucoup de temps, j'ai perdu deux ans sur un film anglais que je devais réaliser. Finalement, c'était trop compliqué, je ne l'ai pas fait. Et là, depuis deux ans, je réalise l'adaptation de Cyrano de Bergerac en film d'animation avec des animaux. Sauf que la film d'animation, c'est très long. Donc, j'en ai encore pour deux ans. D'accord. Mais là, ça y est, j'écris. une prochaine fiction.

  • Speaker #0

    Parce que j'étais... C'est dommage, j'avais une bonne question après sur la paresse. Est-ce que vous êtes le Oblomov du 7e art ?

  • Speaker #1

    Ah ! Ah !

  • Speaker #0

    C'est un grand lecteur d'Oblomov, de Goncharov, qui est un roman sûr, un paresseux, un oisif. Oui. C'est un personnage que vous avez interprété. Oui,

  • Speaker #1

    oui, j'ai adoré. Et que j'ai... Je l'ai adapté en téléfilm pour Arte, que j'ai réalisé. Et j'adore ce personnage. C'est même pas oisif, c'est même pas oisif, c'est que vraiment chaque effort est une montagne. Mais vraiment, il... Zahar, il appelle son vieux domestique, Zahar, ni ma go, ni hachou. Mais d'ailleurs, c'est devenu un mot. Oui. En russe, c'est un mot. Yaw blom. Oui. C'est... Yaw blom.

  • Speaker #0

    Yaw blom. la procrastination il y a dans le buveur de brume un art de la digression aussi, on voit que vous aimez bien, et ça c'est aussi une qualité d'écrivain véritable mais oui, d'écrire ce qui n'était pas prévu, d'ailleurs toute l'histoire rien de ce qui devait arriver n'est arrivé comme prévu dans ce livre j'adore la digression mais en fait c'est aussi parce que je voulais

  • Speaker #1

    Il y a un livre qui m'a marqué qui s'appelle « Les trois anneaux » de Daniel Mendelssohn dans lequel il différencie l'écriture linéaire de l'écriture circulaire. Et Homer et Proust évidemment sont des auteurs d'écriture circulaire, Tchékov aussi. Et ça rejoignait ce qu'Alain Françon nous disait quand il nous mettait en scène dans « Les trois sœurs » de Tchékov, il disait « c'est une chorale démocratique, en fait c'est centrifuge » . C'est-à-dire qu'il n'y a pas de centre, le centre c'est le spectateur. En fait, ce sont juste des motifs qui sont... pris par l'un, repris par l'autre, puis repris par un autre, puis repris par un autre.

  • Speaker #0

    C'est un spectateur qui doit faire le boulot.

  • Speaker #1

    Voilà, et j'avais envie de faire ça avec le buveur de brume, toute propre, regardez, mais...

  • Speaker #0

    Les deux bleus de coeur doivent rejoindre les pointillés. Oui,

  • Speaker #1

    entre eux, tout d'un coup, mon père, tout d'un coup Tchékov, tout d'un coup les itinérants ou les ambulants, et puis les femmes, et puis des motifs comme ça qui reviennent. d'une manière circulaire,

  • Speaker #0

    mais vous dites aussi dans le livre que vous avez besoin d'être cadré, que vous avez besoin d'une structure. Et d'ailleurs, en commençant, vous avez dit heureusement qu'il y avait une commande. S'il n'y avait pas eu la commande, je n'aurais pas osé.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Donc, énorme contradiction, débrouillez-vous avec ça. On ne peut pas dire à la fois je veux être elliptique et en même temps je veux être cadré.

  • Speaker #1

    Alors, c'est marrant, je vois ce que vous voulez dire, mais c'est exact. En fait, j'ai besoin d'un cas pour pouvoir, après moi,

  • Speaker #0

    désobéir. Oui. Ah oui, comme le dit Antoine Compagnon dans son livre qui s'appelle... déshonorer le contrat. Pour lui, la définition de la littérature, Roland Barthes, toute sa vie, n'écrit que des ouvrages de commande, mais il n'obéit pas complètement. Vous êtes un peu comme Roland Barthes.

  • Speaker #1

    J'adore l'idée, vraiment.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est pour ça que vous êtes converti à la religion orthodoxe ? Oui, le cadre est...

  • Speaker #1

    À l'intérieur, oui, absolument.

  • Speaker #0

    D'où la barbe de pop.

  • Speaker #1

    De pop.

  • Speaker #0

    Voilà, oui. Il ne me manque plus qu'un.

  • Speaker #1

    Je vous ai dit en début d'émission, j'essaye de faire tout comme vous. Ah oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Merci, c'est bien. Si seulement tous mes invités étaient la même chose. Alors, est-ce que vous préférez le cinéma ou le théâtre ? Ça, c'est pour vous emmerder, parce que c'est vraiment une question con. Oui.

  • Speaker #1

    Enfin, euh...

  • Speaker #0

    Là, en ce moment, vous êtes plus au théâtre que au cinéma, depuis quelques années.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai des très beaux rôles et que... Alors, étonnamment, les moments de grâce les plus marquants que j'ai eus dans ma vie, c'était au cinéma. Mais le travail, le partage... Et l'apprentissage humain, je le vis pour l'instant dans la troupe de la Comédie française et avec ces textes-là. Mais voilà, c'est-à-dire qu'avec les textes, évidemment que c'est le théâtre, mais hors texte, laisser jaillir quelque chose, laisser remonter à la surface, me laisser surprendre, c'est au cinéma.

  • Speaker #0

    Mais maintenant que vous êtes en plus écrivain, qu'est-ce qui va se passer ? Vous n'allez pas être obligé de choisir ? Est-ce que, par exemple, vous n'allez pas avoir envie de monter sur scène et de dire des extraits du Buvert de Brue ?

  • Speaker #1

    Ça, je vais le faire un peu, là. On le fait un peu pour... Je ne savais pas du tout, d'ailleurs, mais il y a plein de gens qui, maintenant, m'appellent pour...

  • Speaker #0

    Ce que vous venez de lire, là, le passage déguisé en cité, c'est marrant. C'est émouvant.

  • Speaker #1

    Je vais le faire un peu, mais pas trop non plus. Je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Les gars qui ont mis Guillaume à table, c'était autobiographique aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'était joué. Je jouais 52 personnages. Là, c'est juste de la lecture. Je veux bien faire un peu de lecture, mais pas trop non plus. J'aime être un passeur. Mais en général j'aime travailler avec, j'aime pas travailler seul.

  • Speaker #0

    On peut passer son propre texte.

  • Speaker #1

    Oui mais c'est seul, c'est solitaire. J'aime pas ça. Vraiment j'aime pas du tout travailler seul. J'ai fait deux monologues dans ma vie, les deux étaient très beaux, enfin m'ont beaucoup plu, mais je pouvais pas le faire trop longtemps. Au bout d'un moment on s'enferme dans une précision, c'est terrible.

  • Speaker #0

    Vous racontez d'ailleurs dans le livre... Il y a eu un moment, vous en aviez marre de jouer, alors c'était le club boréal, vous êtes devenu presque fou, à force de tous les soirs jouer la méchante ou la femme que tout le monde déteste. Oui,

  • Speaker #1

    c'est plus ça. C'est plus ça, c'était que j'avais envie de, j'avais besoin de, j'avais besoin de, oui, ah oui, oui, non, puis j'avais besoin de défendre cette femme, et au départ coûte que coûte, et en fait non, j'ai pas eu les moyens. de faire plus long que trois ans, mais c'est bien trois ans.

  • Speaker #0

    Et c'était le fait de jouer le monstre qui était trop difficile au bout de...

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas du tout. Ça, c'est pas le problème. Le problème, c'est de... Le problème, c'est la violence. Déjà, la violence masculine. Parce que, parce que, en fait, lorsqu'on est une femme avec un corset et qu'on se fait déshabiller, maltraiter, violenter, utiliser. traîner par terre tous les jours, c'était violent. En plus, c'est très concave.

  • Speaker #0

    lorsqu'on joue une femme, on encaisse, on encaisse, on encaisse et puis au bout d'un moment... Voilà.

  • Speaker #1

    Donc vous avez... bref. À un moment vous êtes parti vivre à Princeton pour enseigner...

  • Speaker #0

    Juste après oui.

  • Speaker #1

    C'était un genre de craquage d'envie de, là encore, comme le pensionnat en Angleterre, de foutre le camp de Steve Bidard, la France.

  • Speaker #0

    Vous avez été célébré,

  • Speaker #1

    vous veniez de recevoir toute la consécration d'on rêve. Un artiste ? Ah oui ! De Molière, Frank Cesar...

  • Speaker #0

    Mais là, on était... C'était plus tard, c'était en 2017, mais je suis parti... Non, je suis parti pour mieux revenir. C'est ce que j'ai dit à Eric Ruff. J'ai dit, écoute, là, j'ai vraiment envie d'arrêter de jouer, mais vraiment, je ne peux plus jouer ni Lucrèce, ni rien d'autre. Mais laisse-moi partir un an et je reviendrai la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Et vous êtes...

  • Speaker #0

    Évidemment, je ne suis pas parti vraiment un an parce qu'on a joué les Danéens en tournée à New York.

  • Speaker #1

    Vous avez mis en scène un opéra aussi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, je faisais déjà beaucoup de ballet. Et là, j'avais mis en scène Natchana Rentola. Mais à ce moment-là, à New York, j'ai écrit un ballet pour Alexei Ratmansky, pour l'American Ballet Theatre. On avait fait... Il voulait absolument un truc grec, mais pas forcément mythologique. Et donc, je me suis inspiré d'un des premiers livres de l'humanité qui s'appelle Kéreas et Kaliroé. de Cariton qui est assez incroyable parce qu'on voit que Shakespeare a absolument tout pompé. Et il y a Romeo et Juliette, il y a Pericles, Il y a le Comte d'hiver, il y a Othello, il y a tout. Et ça je l'ai adapté dans un ballet qui s'appelle Of Love and Rage qu'on a créé au Met. Enfin d'abord à Los Angeles puis au Met.

  • Speaker #1

    Vous voyez les gens qui nous regardent, tout ce que fait cette personne. C'est juste pour donner... parce que tout le monde ne sait pas que vous faites tout ça.

  • Speaker #0

    Ah non mais je le...

  • Speaker #1

    La folie !

  • Speaker #0

    Non, c'est des rencontres, c'est merveilleux. Non, non, non, c'est vraiment des rencontres. Et puis, j'adore travailler avec les danseurs depuis très longtemps. Vraiment, depuis très longtemps, j'adore aider les danseurs dans l'économie du signe. Enfin, bref.

  • Speaker #1

    Revenons au livre. Oui. Alors, vous êtes un fou de littérature russe. Oui. Vous le dites beaucoup dans le livre. Oui. Alors, vous citez Tolstoy, Dostoyevsky, Bulgakov, Gogol, Pouch... Neikoff évidemment, Gondjbarov, on en a parlé. Et pourtant ce livre, ce livre il est beaucoup plus français.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Premier livre autobiographique, une confession intime, oui oui. Vraiment à la Benjamin Constant.

  • Speaker #0

    Non mais non mais il n'est pas du tout russe. C'est plus russe. Non, il n'est pas du tout russe.

  • Speaker #1

    Et ce qui se passe ? Alors que vous êtes converti à la religion orthodoxe ?

  • Speaker #0

    Oui mais parce que je...

  • Speaker #1

    Vous avez écrit un livre d'Emmanuel Carrère.

  • Speaker #0

    Ah si seulement j'adorerais ! Et russe aussi ! Ouais !

  • Speaker #1

    Et j'ai européen aussi. Oui. Voilà l'explication. Vous faites comme lui. Vous savez qu'en septembre prochain, Emmanuel sort Colcose. Un livre intitulé Colcose.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore l'écriture d'Emmanuel Carrère. Il a des moments de fulgurance d'humanité. Moi, je n'oublierai jamais le mec qui, avant de se faire amputer, va niquer dans d'autres revues que la mienne. Ces pages-là... C'est d'une beauté. Puis dans Limonov, il y a des pages extraordinaires.

  • Speaker #1

    Un roman russe.

  • Speaker #0

    Et son article, d'ailleurs, un roman géorgien, est très intéressant.

  • Speaker #1

    Très intéressant. En tant que russo-géorgien, est-ce que vous avez choisi un camp ? Parce que la Géorgie est en guerre contre la Russie.

  • Speaker #0

    Alors, malheureusement, non, elle n'est pas en guerre.

  • Speaker #1

    Elle a eu une guerre il y a quelque temps. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, la Russie n'est pas... Non, elle est à la solde aujourd'hui. Elle est totalement à la solde de la Russie. Il y a un milliardaire. qui s'appelle Bizina Ivani-Juili qui vend son pays et son peuple pour quelques millions de dollars de plus comme s'il n'en avait pas déjà suffisamment et il vend littéralement son pays en corrompant totalement un gouvernement qui est à la solde de Poutine et qui réprime de plus en plus des manifestations pacifistes qui ont lieu tous les jours depuis ces élections truquées et on voit bien c'est la méthode Poutine entre guillemets la méthode douce Merci. qui est en utilisant, soit disant, la démocratie, avec une propagande des réseaux sociaux, des fermes de trolls qui polluent tous les médias et tout ça, la corruption, des bastonnades, des intimidations.

  • Speaker #1

    Des opposants en prison.

  • Speaker #0

    Des opposants en prison et qui sont condamnés, et puis carrément tués maintenant. Et voilà. Donc non, elle n'est malheureusement pas en guerre. Elle est déjà soumise. donc on espère que ça va bouger. Ce gouvernement a été reconnu, je crois, par les nobles pays du Nicaragua, de la Corée du Nord et de la Russie, point final. Il n'est reconnu par personne. Mais non, c'est tragique. C'est tragique. Déjà dans les supermarchés à Tbilisi, pratiquement tous les produits sont que russes. C'est déjà colonisé. Voilà.

  • Speaker #1

    Il y a une anecdote que j'aime beaucoup, pour être plus léger. Oui. C'est Babou, donc Babouchka, votre grand-mère.

  • Speaker #0

    Mon arrière-grand-mère.

  • Speaker #1

    Arrière-grand-mère. Oui. Elle est au sport d'hiver en Autriche. Oui. Et un baron allemand lui demande, avez-vous bien chié ce matin ?

  • Speaker #0

    Oui. Mais parce qu'en allemand, on ne prononce pas le K, on dit chia. Et donc, il se piquait de parler un très bon français. Et tous les matins, elle revenait du ski. et... vers l'heure du déjeuner, il se levait de son siège sur son balcon et comme ça, il tirait son chapeau et très fier du français qu'il parlait. Il disait « Bonjour, princesse, ça fait fou bien chier ce matin. » Et mon arrière-grand-mère, voulant rester très courtoise, lui disait « Merci, baron, j'ai très bien chié ce matin. » Et sans corriger sa faute.

  • Speaker #1

    Alors, je vais pouvoir enfin vous poser la question indiscrète que tout le monde me pose quand j'écris des livres autobiographiques. Oui. Et comment ils l'ont pris, vos parents ? Et comment l'ont pris vos frères ? Qu'est-ce que vous leur mettez quand même ?

  • Speaker #0

    Mes frères, rien du tout. Je leur mets rien du tout, mes frères.

  • Speaker #1

    Il y a quand même... Enfin, on a l'impression que ça a été dur. Votre enfance a été dure.

  • Speaker #0

    Pour eux aussi. C'est ce que je dis. Non, là, je dis pour eux aussi. D'accord. Non, mes frères, je leur mets rien du tout. Mon père, il n'est plus là.

  • Speaker #1

    Il n'est plus là.

  • Speaker #0

    Et puis mon père, quand même, je le...

  • Speaker #1

    Vous les sauvez tous les deux, bien sûr. Oui.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est un livre qui va de la colère à l'apaisement aussi. Mais ma mère, elle l'a lu, mais elle ne m'en a rien dit. Mais elle ne va pas bien. Elle a une santé épouvantable, la pauvre. Donc là, pour l'instant, ce n'est pas le sujet. Mais peut-être qu'elle m'en parlera ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Après, je crois qu'ils ont aussi compris que, bien sûr, il y a nos vies. Et puis, à ce qu'on en fait, il y a... après l'art le transforme oui et que voilà et après ça change rien nos rapports tant mieux ils peuvent être tendres parce que moi j'ai l'impression d'être tendre quand même je suis très sincère donc vrai j'ai nommé jaune et les choses mais franchement j'essaie toujours de réparer d'être dans la tendresse donc j'ai pas l'impression que ça fait jamais en tout cas la plainte, je joue cosette et plaignez-moi et en même temps il y a de la vengeance.

  • Speaker #1

    Ça dépend, il faut le lire jusqu'au bout. Voilà. Il faut le lire jusqu'au bout celui-là.

  • Speaker #0

    D'accord avec vous.

  • Speaker #1

    Nous avons un jeu que le monde nous envie dans cette émission. Oui. Il s'appelle Devine tes citations. Je vais vous lire des phrases de vous. Ah bon ? Oui. Et vous devez me dire alors, dans quel livre où votre signature apparaît, vous avez écrit ceci.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    À quoi peut-on croire seulement à la vie lorsque la mort vous sourit ?

  • Speaker #0

    Ça, à mon avis, c'est...

  • Speaker #1

    Il y a un piège.

  • Speaker #0

    Oui, parce que ce n'est pas Alicia. Si, c'est Alicia. C'est Alicia. Mais ce n'est pas de moi. Mais ça, ce n'est pas de moi. C'est Alicia qui l'écrit. C'est un poème d'Alicia. Oui, dont l'autre moitié du son, je m'appartiens.

  • Speaker #1

    Seulement à la vie, lorsque la mort vous sourit, vous pensez que la mort vous sourit ? Est-ce que vous y pensez ? Oui. Elle est présente dans ce livre.

  • Speaker #0

    Ah oui, elle est présente.

  • Speaker #1

    Il y a Thierry, Bénédicte.

  • Speaker #0

    Oui, il y a mon frère et ma sœur. Et puis, il y a Clara.

  • Speaker #1

    Et puis tous deux sont partis. Vous pensez souvent à la mort ?

  • Speaker #0

    À mes morts, plus qu'à ma mort.

  • Speaker #1

    Une autre phrase de vous ? Peut-être, c'est pas sûr. Rien ne vaut la douceur d'une maman.

  • Speaker #0

    Ah oui, alors c'est pas de moi, mais c'est dans le buveur de brume, c'est de Tolstoy, c'est dans Anna Karenin.

  • Speaker #1

    Oui, 1877. Alors, racontez la seule caresse de votre mère quand vous rentrez de pensionnat. Oui,

  • Speaker #0

    un vendredi, elle était venue me chercher à Rueilman-Maison et j'ai enfin... craqué, je lui ai dit en fait les insultes et les humiliations et tout ça, et je lui ai raconté tout, j'ai pleuré tout le trajet. Et en arrivant à la maison, je me souviens, on avait une petite pente comme ça où on garait la voiture, elle a garé la voiture, elle a éteint le moteur, j'étais assis à l'arrière là, et j'ai vu sa main. se mettre entre les deux sièges avant. J'ai vu sa main et elle a pris la mienne et avec son pouce, elle a caressé le haut de ma main, comme ça. Et puis voilà.

  • Speaker #1

    C'est la seule fois. Oui. Quand vous entendez parler de l'affaire Bétarame et d'autres pensionnats qui sont des endroits qui ont maintenant, qui ont enfin la parole se libère sur tout ça, sur les maltraitances aux enfants. pendant tout le 20e siècle. J'imagine que ça vous touche beaucoup.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas du tout surpris. Je ne suis vraiment pas surpris, mais moi j'ai été élevé au 19e siècle. Vraiment, ça ne me surprend absolument pas.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'à Passy-Buzinval, il y avait peut-être aussi de la violence, des châtiments corporels, il y en avait ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt entre les élèves. Non, oui, mais moi je me souviens d'un frère des écoles chrétiennes qui nous tiraient les cheveux là. C'était... extrêmement douloureux et qui nous tapait avec la règle, bien sûr.

  • Speaker #1

    Oui, sur les ongles.

  • Speaker #0

    Oui, comme ça. Surtout, c'est la mise en scène à chaque fois, tellement sadique, de présenter tes doigts. Et on le faisait, le fait de nous obliger à cet extraordinaire...

  • Speaker #1

    Jouer sur une règle carrée aussi.

  • Speaker #0

    Oui, oui, absolument. Des trucs de vrai sadisme.

  • Speaker #1

    Autre phrase qui est dans votre livre. Jusqu'à la fin de mes jours... Tout ce que je ferai sera gentil mais sans plus.

  • Speaker #0

    Ah, ça c'est Trigorine qui dit ça dans la mouette de Tchékov. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    1896. Cette phrase vous intimidait, parce que vous disiez je ne peux pas écrire, j'ai peur d'être gentil. Mais vous y arrivez, vous n'êtes pas gentil.

  • Speaker #0

    Je t'en avoue. Merci, c'est gentil.

  • Speaker #1

    Une autre. J'ai eu la chance de lire tant de chefs-d'oeuvre que je me suis toujours senti incapable d'écrire. Oui.

  • Speaker #0

    C'est dans celui-là. Dans le livre de Brume, oui.

  • Speaker #1

    Ben écoutez, je vais vous dire, si seulement les autres écrivains avaient autant de scrupules que vous.

  • Speaker #0

    Non, alors ce qui s'est passé en écriture pure, c'est vrai, c'est que dès que je voulais styliser, en fait, étant donné que c'est moi qui parle, c'est ma voix, dès que je voulais styliser, ça ne marchait pas. Dès que j'essayais que la phrase soit plus littéraire, disons, eh bien non, ça ne marchait pas.

  • Speaker #1

    Mais il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Ça s'annulait tout de suite, mais vraiment. Mais ça se dénonçait immédiatement. C'est ça qui est drôle, cela dit.

  • Speaker #1

    Mais c'est parce que vous avez un œil de lecteur, vous avez beaucoup lu, c'est ça aussi. Si on a beaucoup lu, on voit tout de suite ce qui est bidon. Une dernière, le jour où les femmes commencent à te faire des compliments, c'est que c'est fini.

  • Speaker #0

    C'est ma grand-mère qui disait ça.

  • Speaker #1

    Elle disait ça sur sa beauté. Oui. C'est terrible. Si les femmes te font des compliments...

  • Speaker #0

    Oui, elle me dit le jour où les femmes ont commencé à me faire des compliments, j'ai compris que c'était fini. Ben oui, parce qu'elle était extrêmement belle et que vraiment, elle rentrait dans une pièce, les gens s'arrêtaient. Et donc... Oui,

  • Speaker #1

    il y a une photo d'elle d'ailleurs dans le livre.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Magnifique. Je ne vais jamais la retrouver. Non,

  • Speaker #0

    non, non, on oublie. Oui, oui, oui, il y a plusieurs photos.

  • Speaker #1

    Elle vous a donné un cours de baisemain à Venise.

  • Speaker #0

    Oui, à côté à Habano, oui.

  • Speaker #1

    Ah oui, il faut raconter, parce que alors, donc vous, vous précipitez pour embrasser la main.

  • Speaker #0

    Mais c'est qu'elle me présente à une princesse italienne, je ne sais quoi, dans son truc. Elle prenait les os, elle prenait les os. Et c'était des bains de boue, je ne sais quoi, à Habano. Et elle m'avait invité une année pour pouvoir me faire découvrir la Vénusie. Et donc elle me présente cette princesse italienne et je plonge dans un baisemain. Donc,

  • Speaker #1

    faites le baisemain trop bas.

  • Speaker #0

    En fait, pas seulement trop bas, mais trop...

  • Speaker #1

    C'est important pour les auditeurs de Garot Télé de bien savoir faire le baisemain.

  • Speaker #0

    Pas seulement trop bas, mais pas souple. C'est-à-dire que c'était un peu rigide. Ah oui,

  • Speaker #1

    genre comme un Allemand.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'elle m'a dit tout de suite. Elle m'a dit, il ne manque plus que tu claques les talons. Ah mais ah ! Et moi, j'étais très fier d'avoir fait... J'avais 15 ans ou 16 ans. Et je dis, mais pourquoi ? Elle me dit, non, t'es pas dans l'armée allemande.

  • Speaker #1

    Donc,

  • Speaker #0

    le vrai baisement... Elle me dit, un baisement est un hommage qu'un homme rend à une femme. Donc, il doit être fait avec délicatesse et souplesse. Et donc, voilà. Et donc, il suffit.

  • Speaker #1

    On a le droit de la monter, la main, un peu.

  • Speaker #0

    Oui, un peu. Et on se court. C'est souple, surtout. C'est pas...

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Nous passons maintenant au conseil de lecture de Guillaume Gallienne. Je vous avais envoyé les questions.

  • Speaker #0

    Alors ? Vous vous souvenez ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Attention. Un livre... Parce que vous êtes un grand lecteur, donc on a besoin de savoir, on a envie de connaître vos goûts. Oui. Un livre qui vous donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    L'hibiscus rouge de Shimamanga Ngozi Adichie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est pointu. Oui, oui. C'est sublime.

  • Speaker #0

    C'est sublime. Alors, c'est d'abord écrit en anglais, mais c'est merveilleusement bien traduit. C'est vraiment très, très, très beau. C'est une écriture extraordinaire. J'adore cette auteure. Elle est nigériane, mais aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Pourquoi ça vous fait pleurer ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y a un amour impossible. C'est une jeune fille battue et un père fou furieux. et qui découvre ce que c'est que l'amour familial avec des cousins, avec une tante merveilleuse. Et là, elle tombe amoureuse d'un prêtre qui a compris. C'est terrible. L'amour non réciproque est une des choses qui me bouleverse le plus au monde.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a lu celui-là, un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Euh... Partenariats sont complexes de Philippe Rott.

  • Speaker #1

    Impubliable aujourd'hui, hein. C'est comme, il se masturbe dans un bus...

  • Speaker #0

    C'est à mourir de rire. Non mais quand il se masturbe chez lui et que sa mère va... Non mais c'est à mourir de rire.

  • Speaker #1

    Il masturbe dans un rôti, non ?

  • Speaker #0

    Non, après il le fait avec... Il le fait avec une sauce vinaigrette. Il le fait avec une sauce Paul Newman, sauf qu'avec la vinaigrette ça lui fait mal. Ça le brûle.

  • Speaker #1

    Bon, j'ai quoi d'autre ? Attends, sur ma liste, pardon, je deviens débile. Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    La montagne magique de Thomas Mann.

  • Speaker #1

    Ah bon ? Oui, c'est vrai qu'il devait rester trois semaines, il reste sept ans. On se flingue !

  • Speaker #0

    On se flingue ! Mais c'est très beau, c'est merveilleusement bien écrit tout, mais c'est quand même...

  • Speaker #1

    Oui, c'est un bon bisutage. Un livre pour crâner dans la rue.

  • Speaker #0

    le le zen de l'art chevaleresse du tir à l'arc ça ça jette ça c'est à mon avis vous baladez quand même oui ouais un livre qui rend intelligent j'ai envie de presque dédire tous parce que Parce qu'il faut aussi des choses qui qui on a le droit de dire mais ça chier ça, ça ne va pas. Il y a la lecture de toute façon. Oui, on apprend. Oui, vous place vous en. Vous avez le droit de juger aussi. Vous avez le droit de dire mais je m'ennuie. Vous avez le droit de dire mais ça chier. Mais un livre qui rend intelligent les mémoires d'Adrien et d'Ursena,

  • Speaker #1

    de Marguerite Ursenat. Un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Ça dépend quelle tranche d'âge.

  • Speaker #1

    Ah oui, vous voulez dire que... Genre, si vous voulez séduire des jeunes, vous allez vous balader avec...

  • Speaker #0

    Ben ouais, ça va être... Et au puceau ? Ben non, mais ça va être plus genre... Non, mais comment s'appelle l'autre, là ? Cohen ?

  • Speaker #1

    Oui, Albert Cohen pour Belle du Seigneur.

  • Speaker #0

    Belle du Seigneur, ça, il y a toute une tranche d'âge qui tombe en pamoison. Il y en a d'autres, c'est le deuxième sexe. Et puis, il y en a d'autres, on va aller plus vers...

  • Speaker #1

    Annie Ernaux.

  • Speaker #0

    Ah, alors là, ça devient quel genre ? Mais bon, bref.

  • Speaker #1

    Attention, un livre que je regrette d'avoir lu. Vous allez me dire encore que vous ne regrettez rien.

  • Speaker #0

    Non, un livre que je regrette d'avoir lu, eh bien, en fait, j'ai oublié le titre. Je me souviens très, très bien.

  • Speaker #1

    Clamsay à Tatawin.

  • Speaker #0

    Non mais ça alors d'abord j'ai... Non mais c'est surtout c'est... Non c'était un livre euh... Comment ça s'appelle ? C'était... Ça faisait vraiment l'hypocagneuse de service qui faisait genre très simple mais en plein milieu quand même un petit truc...

  • Speaker #1

    Un petit adverbe.

  • Speaker #0

    Un petit truc un peu et on fait Haaaaaa ! Voilà.

  • Speaker #1

    Un livre que je fais semblant d'avoir fini ?

  • Speaker #0

    L'Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    Ah ouais comme beaucoup de mes invités. Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    La longue route du sable de Pasolini.

  • Speaker #1

    Tiens, bien, oui, original.

  • Speaker #0

    J'ai marqué des points là ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Le pire livre que vous ayez jamais lu de toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Alors pire, non pas parce qu'il est mal écrit, mais parce que j'ai jamais eu aussi froid aux os, c'est les récits de la Colima de Charamont.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ouais. Sur le goulag.

  • Speaker #0

    Sur le goulag et sur... Parce que là, c'est pas du sadisme ou de la haine, c'est encore plus... C'est-à-dire que l'homme n'est même plus victime, il est carrément minéral. Il ne vaut pas plus une pierre, enfin il est minéral. Et puis la bêtise, la bêtise autour est dingue. Elle est vraiment comme disait Einstein, elle est infinie. Et puis c'est merveilleusement bien écrit,

  • Speaker #1

    insoutenable. Et le livre que vous lisez en ce moment ?

  • Speaker #0

    Je viens de commencer Les Cambrioleurs de Fabio Viscogliozzi. Et vous connaissez pas ? J'adore cet auteur. Ah, il faut lire Fabio Viscogliozzi, Frédéric.

  • Speaker #1

    Il faut lire Fabio Viscogliozzi.

  • Speaker #0

    Non, mais je vous en supplie, lisez... Allez, où est la caméra ? Lisez... Non, mais réellement, je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit. C'est à tomber. Montblanc, très très beau, plus autobiographique sur... Bref, sur la mort de ses parents. L'apologie du slow.

  • Speaker #1

    Ah ça fait bien,

  • Speaker #0

    j'avais lu ça je crois,

  • Speaker #1

    l'apologie du slow c'est très important.

  • Speaker #0

    Merveilleux, et là les cambrioleurs.

  • Speaker #1

    Ok, merci beaucoup Guillaume Gaillen, j'ai une dernière question avant de nous quitter. Au bout du compte, après avoir écrit votre premier livre, la différence entre la littérature et le théâtre, est-ce que ça n'est pas tout simplement qu'au théâtre il faut être quelqu'un d'autre et en littérature il faut être soi-même ?

  • Speaker #0

    Ah, ça me plaît beaucoup. Alors, c'est drôle parce que là, en ce moment, j'écris mon deuxième livre et ce sont des paroles de femmes et je ne sais pas si c'est forcément moi-même. Néanmoins, je trouve que la vraie différence, c'est en fait la mobilisation en écriture n'a pas de temps.

  • Speaker #1

    Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout, n'oubliez pas... n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage.

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Description

C'est toujours une joie pour moi de rencontrer les acteurs qui écrivent. Après Denis Podalydes et Fabrice Luchini, j'ai passé une heure très suave avec Guillaume Gallienne, qui se déguisait en Sissi Impératrice quand il était petit et en Lucrèce Borgia quand il était grand. On a parlé de sa famille, de la Georgie, de cinéma, de théâtre, de baisemains et de pensionnats. C'est le luxe de la littérature : on peut parler de tout, du moment que c'est fait avec talent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soir toi, bienvenue chez moi, chez La Pérouse, pour recevoir cette semaine Guillaume Gallienne pour son livre Le Buveur de Brume aux éditions Doc dans la collection

  • Speaker #1

    Manu au musée.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Guillaume. C'est votre premier livre, paraît-il, mais non, c'est complètement faux. Vous êtes dans le du même auteur, on voit que vous avez publié le texte des Garçons et Guillaume à table en 2009. Oui. C'était le texte de votre seule en scène. Oui. Exact. Ensuite, vous avez publié Un été avec Victor Hugo.

  • Speaker #1

    Oui, co-écrit avec Laura Elmachy, mais c'est vraiment pratiquement elle qui a tout fait.

  • Speaker #0

    C'était en 2016.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cinq tomes de Ça ne peut pas faire de mal.

  • Speaker #1

    Oui, et là, c'était vraiment, très souvent, c'était surtout rédigé par mes assistants. Non, mais c'était avec moi, mais ce que je veux dire, non, mais c'est... Ça, c'est des trucs, c'est des compilations, c'est tout ce que vous voulez. J'en suis ravi.

  • Speaker #0

    A vu, mais que vous êtes un écrivain, Guillaume Bernier. Vous avez publié également l'autre moitié du son. Je m'appartiens à un recueil de poèmes de votre cousine Alicia.

  • Speaker #1

    Oui, mais là, j'ai juste écrit une postface qui fait une page.

  • Speaker #0

    Oui, mais tout de même, elle était forte, cette postface.

  • Speaker #1

    Bon, merci. Vous avez connu Alicia, d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #0

    j'ai connu Alicia,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Nous avons festoyé parfois.

  • Speaker #1

    Mais oui, oui, oui. Elle vous trouvait très amusante, déjà. Je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Vous êtes né à Neuilly-sur-Seine comme moi. Oui. Mais sept ans après.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai essayé de tout faire comme vous depuis. Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Alors non, c'est un échec. C'est un échec.

  • Speaker #1

    Ben oui.

  • Speaker #0

    J'ai publié 22 livres.

  • Speaker #1

    C'est pour ça, je m'y mène maintenant.

  • Speaker #0

    Peu de comédiens ont autant tourné. autour de la littérature avant de se lancer. Dans l'actualité récente, on voit qu'il y a des comédiens qui s'y lancent un peu trop vite. Vous, vous avez quand même... Non, mais vous avez un immense respect pour la littérature. C'est à cause de ce respect que vous avez mis autant de temps.

  • Speaker #1

    C'est exact. Parce que j'ai le fait d'avoir, pendant 11 ans, lu des chefs-d'oeuvre tous les samedis sur France Inter. Eh bien, oui, c'est vrai que ça m'a un peu... Ça m'a empêché pendant un temps, oui.

  • Speaker #0

    53 ans d'attente avant ce premier livre complètement assumé comme le vôtre, Le Buveur de Brume. Et c'est intéressant parce que j'ai reçu d'autres acteurs ici, notamment Denis Podalides et Fabrice Lucchini. Ils ont eu la même angoisse avant de se lancer, puisque les deux ont publié également. Et donc, bravo d'avoir surmonté cette... peur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est l'avantage aussi de la commande. Oui. C'est-à-dire que la confiance de quelqu'un, d'un éditeur qui vous dit, mais moi j'ai réellement confiance, allez-y. Oui. Et aussi l'avantage de la collection, de s'inscrire dans une collection, c'est-à-dire que, bon, le cadre est donné, il y a un cadre de départ, c'est plutôt rassurant. Oui. Alors cette collection de départ finalement a explosé, mais... Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Parlons de Manu au musée, donc c'est une collection qui devient de plus en plus importante. J'ai reçu ici Richard Malkin. qui a passé une nuit au Panthéon, Christine Angot qui a découché à la bourse de commerce parce qu'elle n'a pas passé la nuit mais qui a écrit peut-être un de ses meilleurs livres dans cette collection.

  • Speaker #1

    Oui, d'accord. Et la Simanie aussi. Oui,

  • Speaker #0

    la Simanie à Venise.

  • Speaker #1

    Lola Laffont, il y avait des belles choses.

  • Speaker #0

    Et maintenant, vous publiez un râteau, un râteau monumental, parce que vous êtes allé à Tbilisi. pour voir un tableau de votre arrière-grand-mère qui devait être au Musée national. Énorme râteau et déception. Il n'était pas à l'endroit prévu.

  • Speaker #1

    Non. Il a été déplacé, non pas au Musée national, mais à la Galerie nationale.

  • Speaker #0

    C'est inadmissible.

  • Speaker #1

    C'était en fait un... C'était un soi-disant un malentendu.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que ça... parce que vous étiez un peu pistonné par...

  • Speaker #1

    J'étais pistonné par la présidente Salomé Zorabijvili.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et...

  • Speaker #0

    Parce que c'était une vengeance du gouvernement qui ne voulait pas obéir à la présidente.

  • Speaker #1

    Le gouvernement pro-russe, qui s'appelle le rêve georgien, et qui est un cauchemar, et qui, voilà, c'était exactement... Dans le pouvoir de nuisance, il y a pouvoir.

  • Speaker #0

    Oui, alors vous arrivez, donc vous trouvez le tableau de votre arrière-grand-mère, Melita Locatelli.

  • Speaker #1

    Planqué sur une paroi entre deux salles et... Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    C'est très drôle parce que le début du livre, vous n'apparaissez pas comme très sympathique. C'est vrai, mais c'est ça qui prouve que vous êtes un écrivain d'ailleurs. C'est que vous n'essayez pas de plaire. Vous êtes un peu insupportable. Oui, oui. Vous avez fait, vous avez gueulé sur tout le monde.

  • Speaker #1

    Ah, j'ai hurlé. Non mais j'ai vraiment hurlé, mais vraiment.

  • Speaker #0

    Je viens de Paris, exprès,

  • Speaker #1

    pour aller au musée. Vraiment, je suis arrivé, je dis « What the fuck am I doing here ? » « What the fuck am I doing here ? » Il me regardait comme ça, et je dis « Where is my great-grandmother's portrait ? » On me dit « It's upstairs. » Là, je suis monté, et là, j'ai dit « Non, c'est pas ça. » Non, j'ai descendu, et là, j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    Et ce qui est...

  • Speaker #1

    Georgia, with a special nose ! Non, non, c'était Jean-Marc Jouy. Non,

  • Speaker #0

    mais c'est là où le prince géorgien, que vous êtes, descendant donc de cette famille, les Tcholokachvili, vous vous êtes comporté de manière aristocratique.

  • Speaker #1

    Oh, je sais pas, parce que moi... On va faire frire vos testicules ! Non, pas du tout. Vous les penchez pour le décès ! Non, non, mais d'ailleurs, mon arrière-grand-mère, qui, elle, était princesse, elle n'aurait certainement pas réagi de cette manière-là. Mais non, non, moi, j'ai hurlé parce que la colère est quelque chose qui est un atavisme que je n'ai pas réussi à mettre de côté. Je le trimballe avec moi. Je pense que c'est dans l'ADN.

  • Speaker #0

    Vous avez l'air trop charmant et détendu ici.

  • Speaker #1

    Mais parce que rien ne me froisse.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Pour l'instant.

  • Speaker #1

    Pour l'instant.

  • Speaker #0

    Non, mais en tout cas, cette colère du début du livre, elle fait que le lecteur est pris. Donc, c'est aussi un truc assez malin parce qu'on a envie de voir ce qui va se passer. Comment Guillaume Gallienne va engueuler tout le monde. Et finalement,

  • Speaker #1

    c'est malin. Alors, pour tout vous dire, c'est même pas malin. C'est-à-dire que cette colère, elle m'a habité pendant toute cette nuit. Et les 30 pages que j'ai écrites pendant cette nuit-là sont vraiment des pages de rage. Les 40... pages que j'ai écrites très vite après, lorsque je me suis retrouvé en famille à la montagne, sont absolument aussi habitées par une colère, mais vraiment une colère de déception. J'étais triste, c'était une colère triste. C'était d'abord une colère de rage, puis une colère triste. Et puis, une fois que j'avais ces 70 pages de rage, je me suis dit, en fait, ce livre n'a aucun intérêt, et puis terminé. Et je n'ai plus écrit pendant 18 mois. Et puis finalement... Je suis allé chez des amis écrivains américains, chez eux dans le Maine. Et Richard et Michelle Preston. Et lui a écrit, il est connu notamment pour avoir écrit un livre dans les années 80 qui s'appelait Hot Zone, qui était le premier livre sur l'Ebola. C'est un spécialiste en épidémiologie et que j'ai rencontré à Princeton. Et elle était éditrice. Et sur le... Lorsqu'on... De l'aéroport jusqu'à chez elle. dans la voiture, je lui dis, mais en fait, là, ce que j'ai écrit, c'est de la merde. Et elle me dit, mais le premier brouillon est toujours de la merde. Je lui dis, vraiment ? Elle me dit, ah, vraiment ? Et il faut que ce soit de la merde. Parce que c'est le seul moyen de faire mieux. Et ça m'a énormément rassuré. Et donc, chez eux, pendant six jours, là, j'ai écrit énormément. Et oui, rassuré, en fait, de c'est pas grave. Écris de la merde, c'est pas grave. Écris.

  • Speaker #0

    Mais c'est pas de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et là, j'ai adoré toute cette partie de travail de virer, de refaire, de virer, de refaire.

  • Speaker #0

    Alors, je suis heureux de ça et en même temps un peu déçu parce que moi, je croyais ce qu'il y a de raconté dans le livre. C'est-à-dire que vous aviez tout écrit en une nuit à la Galerie Nationale. Pas vraiment. Enfermé par des pions et des surveillants qui viennent vous apporter du thé.

  • Speaker #1

    Du café.

  • Speaker #0

    De la nuit. Du café. Les trois guillots. Et toute la nuit, vous revenez en arrière sur le passé familial, votre grand-mère, votre arrière-grand-mère, qui sont géorgiennes, et aux Russes, un peu, un peu des deux. Donc je m'imaginais que cette colère, elle venait de votre sang géorgien, qui s'était mis à vous vider.

  • Speaker #1

    Elle vient de là, mais elle vient de mon père aussi, qui n'était pas du tout géorgien, et elle vient aussi beaucoup de mon père. Et ça gueulait énormément chez nous.

  • Speaker #0

    Et puis aussi, peut-être, elle vient de votre enfance. Et là, il y a cette page que je trouve très belle, que je vous demande de lire, puisque vous avez lu pendant des années sur France Inter, pendant dix ans.

  • Speaker #1

    Onze ans, oui.

  • Speaker #0

    Donc voilà, maintenant, vous pouvez refaire ça chez nous.

  • Speaker #1

    Le portrait de Babou me fera-t-il revivre mes délires d'enfant ? Ceux dans lesquels, moi aussi, j'étais une princesse, où je me prenais pour Sissi, ou sa belle-mère, l'archiduchesse Sophie. J'ai joué à ces jeux tous les soirs pendant des années. Dès que la maison s'endormait, je prenais la couette de mon lit et la transformais en une grande robe, à l'aide d'une ceinture bien serrée. Et j'arpentais ma chambre en imaginant tout un tas d'interlocuteurs, que ce soit des scènes de balles à me figurer entouré de courtisans, des séances du concert, devant des ministres imaginaires, des audiences ou bien des jeux avec des enfants que je me représentais s'amusant autour de moi. Je me réfugiais dans un monde parallèle où c'était moi la princesse, non pas mon arrière-grand-mère. C'était moi qui était d'une rare beauté et d'une d'une grande élégance, et non pas ma grand-mère. Moi et non pas mon père, qui était riche et qui avait les pleins pouvoirs. Moi et non ma mère, qui pouvait alterner sans transition une grande chaleur pleine de charme et une froideur implacable. Je n'étais plus une tapette ou une pédale dont on se moquait ou que l'on humiliait, mais une grande dame que l'on admirait. Je n'étais plus ce garçon de toute évidence manqué, mais une femme désirée. Toutes les nuits de mon enfance, j'existais avec ces attributs que je n'avais pas le jour. La vérité était que je n'étais pas une femme, je n'étais pas titrée, je n'étais pas beau, et je n'avais aucun pouvoir autre que celui de mon imagination, et même elle ne faisait que m'enfermer dans des clichés à répétition. Mais toutes les nuits de mon enfance, je me réfugiais dans des déambulations incessantes, une couette de lit ceinturée autour de ma taille, à jouer une princesse bavaroise devenue l'épouse de l'empereur d'Autriche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors voilà la source de la colère. Vous arrivez là avec l'espoir qu'enfin, enfin, on va voir en vous la grande princesse géorgienne. On va vous respecter. Et puis on vous a posé votre portrait par terre. Non mais ça va pas.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Mais oui. C'est exactement ça. Je suis arrivé vraiment, j'y suis arrivé en Georgie pour cette chose, je suis arrivé vraiment comme un héritier. Mais vraiment. Et ça m'était dû. Et là, je me suis mis en pleine tronche.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? Passé 50 ans, on a besoin de retrouver ses racines. Moi au Béarn et vous en Géorgie. C'est quoi notre problème ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est forcément un problème, mais en tout cas, moi c'était vraiment pour mon fils Taddo. Le père de mon arrière-grand-mère s'appelait le prince Taddo. Et c'est vrai que cette trajectoire entre le prince Taddo et mon fils Taddo, je me suis dit

  • Speaker #0

    Qui a 18 ans là.

  • Speaker #1

    Il a 18 ans. Oui, oui, oui. Il vient d'avoir 18 ans.

  • Speaker #0

    Le livre est dédié à Tadeau. Oui,

  • Speaker #1

    parce que je voulais lui dire, en gros, écoute, on a tous des dossiers familiaux, mais on n'est pas forcément otages de toutes les névroses. Il y en a, on a le droit de les mettre de côté. Il y a des gens aussi un peu toxiques, on n'est pas obligé de se les fader. Voilà, moi j'ai un devoir de mémoire obsédant depuis... Et obsessionnel depuis que je suis né, je crois, je me souviens de tout. Et je me trimballe toutes les archives, mais vraiment, je suis un archiviste, mais à la borgesse, non-stop, et tu n'es pas obligé de faire comme moi. Et donc, mes névroses et mes deuils, tu n'es pas obligé de te les trimballer. Donc, tu sais quoi, je te les compile, tu les mets dans ta bibliothèque, si tu as envie de les consulter, tu peux. Mais voilà,

  • Speaker #0

    ce travail-là avait déjà été entamé avec le spectacle Les garçons et Guillaume à table, puis le film.

  • Speaker #1

    Mais ça, je n'avais pas pensé à Taddo pour le faire tellement. Là, je pensais plus à des mecs de ma génération. En fait, Les garçons et Guillaume à table est vraiment né de plusieurs rencontres de mecs de ma génération qui présentaient plus ou moins les mêmes symptômes de... On a été étiqueté d'une sexualité avant même de la découvrir parce qu'on ne répondait pas. à des critères et parce qu'on est né juste après 68 et que quelque part, ça faisait chic de dire non, celui là, il va finir pédé. Et voilà, surtout dans un milieu bourgeois. Et là, c'était plus pour répondre à. Et puis pour aujourd'hui, c'est comme c'est très à la mode et c'est presque intégré pour aussi déjà pointer. la différence entre le genre et la sexualité et arrêter avec cette connerie d'amalgame. C'était ça surtout.

  • Speaker #0

    Quand même, on apprend dans Le Buveur de Brume que votre père vous donnait des coups de ceinture, que votre mère était très dure avec vous.

  • Speaker #1

    Elle pouvait, oui. Elle n'était pas tendre.

  • Speaker #0

    Dans le film, vous la montriez comme une femme drôle, assez toxique, bien sûr.

  • Speaker #1

    Avec un panache.

  • Speaker #0

    Oui, mais puisque c'était vous qui jouiez son rôle,

  • Speaker #1

    elle a toujours ce panache et ce humour.

  • Speaker #0

    Mais là, vous dites qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #1

    Ah non. Non, elle est vraiment... Comme m'a dit mon fils un jour, il avait 4 ans, il me dit quand même ta mère, elle est brusque. C'est-à-dire que ma grand-mère paternelle est fille de divorcée. Ses parents ont divorcé en 1905, ce qui ne devait pas être très facile à mon avis. La vie quotidienne, ça ne devait pas être sympa. Et surtout, c'est que le père, en partant, s'est retourné vers sa future ex-femme et les deux filles. Il a dit j'en veux une des deux et que l'épouse.

  • Speaker #0

    Je choisis une des deux.

  • Speaker #1

    Elle me fait, prends celle-là. Et c'était ma grand-mère. Et donc ma grand-mère, elle ne s'en est jamais remise.

  • Speaker #0

    J'ai cru que c'était la mère de ma mère.

  • Speaker #1

    Et elle a reproduit le schéma sur mon père, c'est-à-dire qu'elle a eu deux fils, et elle n'a eu de préférence que pour le cadet, et a toujours été odieuse avec l'aîné, qui était mon père. Et c'était terrible, parce que quand j'étais enfant, je voyais mon père qui, pour me rassurer, ou peut-être me protéger de cette méchanceté, faisait semblant d'en rire. Et moi je voyais que c'était pas drôle du tout, je trouvais ça gênant et je faisais mais c'est affreux, elle est juste méchante avec lui et puis lui il souffre et je le vois bien et lui il faisait genre comme ça, c'était pathétique.

  • Speaker #0

    En fait c'est vrai qu'il y a un malheur dans les familles bourgeoises qui peut se transmettre de génération en génération et que c'est au fond le sujet. véritable du buveur de brume. C'est comment vous, par exemple, grâce au théâtre, vous avez pu surmonter tous ces traumatismes sans basculer dans la drogue comme d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Il y a aussi de ça. Après, oui, c'est François Furet qui disait la bourgeoisie, c'est la seule classe qui ne s'aime pas. Moi, il y avait un contraste entre la bourgeoisie et l'aristocratie. Et c'est vrai que l'aristocratie de mon arrière-grand-mère ou de ma grand-mère était... Euh... en effet se démarquait énormément parce que c'était des femmes qui ne prétendaient rien.

  • Speaker #0

    Et qui étaient peut-être, qui assumaient plus leur personnalité étant moins cruelle.

  • Speaker #1

    Il n'y avait zéro cruauté. Et puis elles étaient, elles pouvaient être des dragons s'il le fallait, mais mon arrière-grand-mère avait une autorité incroyable, mais sans hausser le ton. Et puis, mais elle ne se plaignait jamais. Et puis, elles étaient d'une culture et d'une curiosité incroyable.

  • Speaker #0

    Les Garçons et Guillaume à table était un film compliqué. C'est vrai que c'est une qualité. C'était un film comique et en même temps tragique. Et c'est marrant parce qu'aujourd'hui, on en parle comme d'une comédie un peu amusante. C'était il y a 16 ans. Mais le film en anglais, au moins,

  • Speaker #1

    à la pièce, oui, il y a 16 ans.

  • Speaker #0

    Le film en anglais s'intitulait Me, Myself and Mom.

  • Speaker #1

    C'est un très mauvais titre.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimais bien.

  • Speaker #1

    J'en ai trouvé un sublime après et lorsque j'ai demandé si on pouvait changer alors que le film n'était pas sorti, on m'a dit non. Je le regrette parce que j'aurais dû dire mais je m'en fous en fait, vous le changez. C'était une réplique dans un film anglais dont j'ai oublié le titre et la réplique c'était Sister Boy.

  • Speaker #0

    Sister Boy, ah oui.

  • Speaker #1

    Ça, ça aurait été un titre formidable.

  • Speaker #0

    Mais donc c'est un film qui raconte qu'un garçon est maltraité par ses frères, par son père. que la mère est marrante mais dure. Et au fond, c'était un film sur ce que c'est d'être non-binaire, ce qu'on dit aujourd'hui mais qu'on ne connaissait pas comme terme à l'époque.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Exactement.

  • Speaker #0

    Non-binaire. C'est-à-dire que je n'ai pas envie de choisir un camp.

  • Speaker #1

    Enfin, c'est surtout l'histoire d'un garçon à qui on a étiqueté une sexualité avant même qu'il sache ce que c'est, quand même. Donc, c'est un peu compliqué. Parce que... Et de comment se découvrir avec déjà une étiquette sur le coin de la gueule. C'est ça aussi. Et le fait de se dire, ah, pour répondre visiblement à l'amour familial, il faut que je rentre dans cette case-là que vous m'avez laissée. C'est les projections, c'est-à-dire que... Mais même toutes les projections, je trouve, sur les mômes, je trouve ça toujours très bizarre. Oui, bien sûr. Des gens qui disent... Oh, c'est un fortiche, lui. C'est un fortiche. C'est une injonction terrible, je trouve.

  • Speaker #0

    Ce qui est bizarre, c'est que la famille disait, en gros, c'est lui l'homo de la famille, alors qu'à l'école, vous étiez victime de l'homophobie. Vous étiez à Passy-Buzinval, l'objet d'un enfer de traitants.

  • Speaker #1

    Et c'est drôle,

  • Speaker #0

    il y a pas... Et de harcèlement, en fait. C'est un mot qu'on n'employait pas à l'époque.

  • Speaker #1

    Et il n'y a pas longtemps, j'ai reçu une lettre à la Comédie française. me disant « Cher Guillaume, je ne sais pas si tu te souviens de moi, je m'appelle… » Je ne sais plus comment d'ailleurs. Voilà, je me suis toujours… J'ai été très choqué et très marqué par ce que tu as raconté, de ce que tu as subi à Passy-Bizavane, nous étions ensemble. J'espère ne pas faire partie de ceux qui t'ont fait souffrir. Je l'espère vraiment. Mais il ne m'a pas donné de coordonnées, rien. C'est à dire qu'il ne veut pas savoir.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Si en fait, ils étaient ligués contre vous.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est la cruauté des mots. Oui, oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais de quel âge à quel âge ?

  • Speaker #1

    De 10 ans à 12 ans et demi, 13 ans.

  • Speaker #0

    Et là, vous avez fait une dépression. Oui,

  • Speaker #1

    12 ans. Oui, je suis parti pour l'Angleterre.

  • Speaker #0

    Mais dans un autre.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, ils ont mis du temps avant. Vous voyez, je m'écroulais tout le temps. Je tombais dans les pubs. Et puis au bout d'un moment, il y a Un psy qui a dit, bon, vous savez quoi ? Ce n'est pas seulement sa famille, son école, son machin, c'est le pays. Vous allez l'envoyer loin, celui-là. Et là,

  • Speaker #0

    vous avez beaucoup aimé le pensionnat anglais. Oui,

  • Speaker #1

    parce que les Anglais, quand vous faites partie de la même caste qu'eux, ne vous jugent jamais sur vos apparences. Donc,

  • Speaker #0

    vous pouviez...

  • Speaker #1

    Traverser la cour de récré sans me faire insulte.

  • Speaker #0

    Pas quand même habillé en sissi.

  • Speaker #1

    Non, non, même pas. Non, l'uniforme. Oui,

  • Speaker #0

    l'uniforme, c'est pas mal parce que ça unifie. Oui, oui, parfait. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh oui. Non, non, c'est bien fait le truc.

  • Speaker #0

    Vous avez un peu laissé tomber la réalisation depuis votre deuxième film, Marilyn, 2017.

  • Speaker #1

    Pas vraiment, parce que je réalise depuis deux ans. En fait, j'ai dû, j'ai passé beaucoup de temps, j'ai perdu deux ans sur un film anglais que je devais réaliser. Finalement, c'était trop compliqué, je ne l'ai pas fait. Et là, depuis deux ans, je réalise l'adaptation de Cyrano de Bergerac en film d'animation avec des animaux. Sauf que la film d'animation, c'est très long. Donc, j'en ai encore pour deux ans. D'accord. Mais là, ça y est, j'écris. une prochaine fiction.

  • Speaker #0

    Parce que j'étais... C'est dommage, j'avais une bonne question après sur la paresse. Est-ce que vous êtes le Oblomov du 7e art ?

  • Speaker #1

    Ah ! Ah !

  • Speaker #0

    C'est un grand lecteur d'Oblomov, de Goncharov, qui est un roman sûr, un paresseux, un oisif. Oui. C'est un personnage que vous avez interprété. Oui,

  • Speaker #1

    oui, j'ai adoré. Et que j'ai... Je l'ai adapté en téléfilm pour Arte, que j'ai réalisé. Et j'adore ce personnage. C'est même pas oisif, c'est même pas oisif, c'est que vraiment chaque effort est une montagne. Mais vraiment, il... Zahar, il appelle son vieux domestique, Zahar, ni ma go, ni hachou. Mais d'ailleurs, c'est devenu un mot. Oui. En russe, c'est un mot. Yaw blom. Oui. C'est... Yaw blom.

  • Speaker #0

    Yaw blom. la procrastination il y a dans le buveur de brume un art de la digression aussi, on voit que vous aimez bien, et ça c'est aussi une qualité d'écrivain véritable mais oui, d'écrire ce qui n'était pas prévu, d'ailleurs toute l'histoire rien de ce qui devait arriver n'est arrivé comme prévu dans ce livre j'adore la digression mais en fait c'est aussi parce que je voulais

  • Speaker #1

    Il y a un livre qui m'a marqué qui s'appelle « Les trois anneaux » de Daniel Mendelssohn dans lequel il différencie l'écriture linéaire de l'écriture circulaire. Et Homer et Proust évidemment sont des auteurs d'écriture circulaire, Tchékov aussi. Et ça rejoignait ce qu'Alain Françon nous disait quand il nous mettait en scène dans « Les trois sœurs » de Tchékov, il disait « c'est une chorale démocratique, en fait c'est centrifuge » . C'est-à-dire qu'il n'y a pas de centre, le centre c'est le spectateur. En fait, ce sont juste des motifs qui sont... pris par l'un, repris par l'autre, puis repris par un autre, puis repris par un autre.

  • Speaker #0

    C'est un spectateur qui doit faire le boulot.

  • Speaker #1

    Voilà, et j'avais envie de faire ça avec le buveur de brume, toute propre, regardez, mais...

  • Speaker #0

    Les deux bleus de coeur doivent rejoindre les pointillés. Oui,

  • Speaker #1

    entre eux, tout d'un coup, mon père, tout d'un coup Tchékov, tout d'un coup les itinérants ou les ambulants, et puis les femmes, et puis des motifs comme ça qui reviennent. d'une manière circulaire,

  • Speaker #0

    mais vous dites aussi dans le livre que vous avez besoin d'être cadré, que vous avez besoin d'une structure. Et d'ailleurs, en commençant, vous avez dit heureusement qu'il y avait une commande. S'il n'y avait pas eu la commande, je n'aurais pas osé.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Donc, énorme contradiction, débrouillez-vous avec ça. On ne peut pas dire à la fois je veux être elliptique et en même temps je veux être cadré.

  • Speaker #1

    Alors, c'est marrant, je vois ce que vous voulez dire, mais c'est exact. En fait, j'ai besoin d'un cas pour pouvoir, après moi,

  • Speaker #0

    désobéir. Oui. Ah oui, comme le dit Antoine Compagnon dans son livre qui s'appelle... déshonorer le contrat. Pour lui, la définition de la littérature, Roland Barthes, toute sa vie, n'écrit que des ouvrages de commande, mais il n'obéit pas complètement. Vous êtes un peu comme Roland Barthes.

  • Speaker #1

    J'adore l'idée, vraiment.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est pour ça que vous êtes converti à la religion orthodoxe ? Oui, le cadre est...

  • Speaker #1

    À l'intérieur, oui, absolument.

  • Speaker #0

    D'où la barbe de pop.

  • Speaker #1

    De pop.

  • Speaker #0

    Voilà, oui. Il ne me manque plus qu'un.

  • Speaker #1

    Je vous ai dit en début d'émission, j'essaye de faire tout comme vous. Ah oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Merci, c'est bien. Si seulement tous mes invités étaient la même chose. Alors, est-ce que vous préférez le cinéma ou le théâtre ? Ça, c'est pour vous emmerder, parce que c'est vraiment une question con. Oui.

  • Speaker #1

    Enfin, euh...

  • Speaker #0

    Là, en ce moment, vous êtes plus au théâtre que au cinéma, depuis quelques années.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai des très beaux rôles et que... Alors, étonnamment, les moments de grâce les plus marquants que j'ai eus dans ma vie, c'était au cinéma. Mais le travail, le partage... Et l'apprentissage humain, je le vis pour l'instant dans la troupe de la Comédie française et avec ces textes-là. Mais voilà, c'est-à-dire qu'avec les textes, évidemment que c'est le théâtre, mais hors texte, laisser jaillir quelque chose, laisser remonter à la surface, me laisser surprendre, c'est au cinéma.

  • Speaker #0

    Mais maintenant que vous êtes en plus écrivain, qu'est-ce qui va se passer ? Vous n'allez pas être obligé de choisir ? Est-ce que, par exemple, vous n'allez pas avoir envie de monter sur scène et de dire des extraits du Buvert de Brue ?

  • Speaker #1

    Ça, je vais le faire un peu, là. On le fait un peu pour... Je ne savais pas du tout, d'ailleurs, mais il y a plein de gens qui, maintenant, m'appellent pour...

  • Speaker #0

    Ce que vous venez de lire, là, le passage déguisé en cité, c'est marrant. C'est émouvant.

  • Speaker #1

    Je vais le faire un peu, mais pas trop non plus. Je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Les gars qui ont mis Guillaume à table, c'était autobiographique aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'était joué. Je jouais 52 personnages. Là, c'est juste de la lecture. Je veux bien faire un peu de lecture, mais pas trop non plus. J'aime être un passeur. Mais en général j'aime travailler avec, j'aime pas travailler seul.

  • Speaker #0

    On peut passer son propre texte.

  • Speaker #1

    Oui mais c'est seul, c'est solitaire. J'aime pas ça. Vraiment j'aime pas du tout travailler seul. J'ai fait deux monologues dans ma vie, les deux étaient très beaux, enfin m'ont beaucoup plu, mais je pouvais pas le faire trop longtemps. Au bout d'un moment on s'enferme dans une précision, c'est terrible.

  • Speaker #0

    Vous racontez d'ailleurs dans le livre... Il y a eu un moment, vous en aviez marre de jouer, alors c'était le club boréal, vous êtes devenu presque fou, à force de tous les soirs jouer la méchante ou la femme que tout le monde déteste. Oui,

  • Speaker #1

    c'est plus ça. C'est plus ça, c'était que j'avais envie de, j'avais besoin de, j'avais besoin de, oui, ah oui, oui, non, puis j'avais besoin de défendre cette femme, et au départ coûte que coûte, et en fait non, j'ai pas eu les moyens. de faire plus long que trois ans, mais c'est bien trois ans.

  • Speaker #0

    Et c'était le fait de jouer le monstre qui était trop difficile au bout de...

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas du tout. Ça, c'est pas le problème. Le problème, c'est de... Le problème, c'est la violence. Déjà, la violence masculine. Parce que, parce que, en fait, lorsqu'on est une femme avec un corset et qu'on se fait déshabiller, maltraiter, violenter, utiliser. traîner par terre tous les jours, c'était violent. En plus, c'est très concave.

  • Speaker #0

    lorsqu'on joue une femme, on encaisse, on encaisse, on encaisse et puis au bout d'un moment... Voilà.

  • Speaker #1

    Donc vous avez... bref. À un moment vous êtes parti vivre à Princeton pour enseigner...

  • Speaker #0

    Juste après oui.

  • Speaker #1

    C'était un genre de craquage d'envie de, là encore, comme le pensionnat en Angleterre, de foutre le camp de Steve Bidard, la France.

  • Speaker #0

    Vous avez été célébré,

  • Speaker #1

    vous veniez de recevoir toute la consécration d'on rêve. Un artiste ? Ah oui ! De Molière, Frank Cesar...

  • Speaker #0

    Mais là, on était... C'était plus tard, c'était en 2017, mais je suis parti... Non, je suis parti pour mieux revenir. C'est ce que j'ai dit à Eric Ruff. J'ai dit, écoute, là, j'ai vraiment envie d'arrêter de jouer, mais vraiment, je ne peux plus jouer ni Lucrèce, ni rien d'autre. Mais laisse-moi partir un an et je reviendrai la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Et vous êtes...

  • Speaker #0

    Évidemment, je ne suis pas parti vraiment un an parce qu'on a joué les Danéens en tournée à New York.

  • Speaker #1

    Vous avez mis en scène un opéra aussi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, je faisais déjà beaucoup de ballet. Et là, j'avais mis en scène Natchana Rentola. Mais à ce moment-là, à New York, j'ai écrit un ballet pour Alexei Ratmansky, pour l'American Ballet Theatre. On avait fait... Il voulait absolument un truc grec, mais pas forcément mythologique. Et donc, je me suis inspiré d'un des premiers livres de l'humanité qui s'appelle Kéreas et Kaliroé. de Cariton qui est assez incroyable parce qu'on voit que Shakespeare a absolument tout pompé. Et il y a Romeo et Juliette, il y a Pericles, Il y a le Comte d'hiver, il y a Othello, il y a tout. Et ça je l'ai adapté dans un ballet qui s'appelle Of Love and Rage qu'on a créé au Met. Enfin d'abord à Los Angeles puis au Met.

  • Speaker #1

    Vous voyez les gens qui nous regardent, tout ce que fait cette personne. C'est juste pour donner... parce que tout le monde ne sait pas que vous faites tout ça.

  • Speaker #0

    Ah non mais je le...

  • Speaker #1

    La folie !

  • Speaker #0

    Non, c'est des rencontres, c'est merveilleux. Non, non, non, c'est vraiment des rencontres. Et puis, j'adore travailler avec les danseurs depuis très longtemps. Vraiment, depuis très longtemps, j'adore aider les danseurs dans l'économie du signe. Enfin, bref.

  • Speaker #1

    Revenons au livre. Oui. Alors, vous êtes un fou de littérature russe. Oui. Vous le dites beaucoup dans le livre. Oui. Alors, vous citez Tolstoy, Dostoyevsky, Bulgakov, Gogol, Pouch... Neikoff évidemment, Gondjbarov, on en a parlé. Et pourtant ce livre, ce livre il est beaucoup plus français.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Premier livre autobiographique, une confession intime, oui oui. Vraiment à la Benjamin Constant.

  • Speaker #0

    Non mais non mais il n'est pas du tout russe. C'est plus russe. Non, il n'est pas du tout russe.

  • Speaker #1

    Et ce qui se passe ? Alors que vous êtes converti à la religion orthodoxe ?

  • Speaker #0

    Oui mais parce que je...

  • Speaker #1

    Vous avez écrit un livre d'Emmanuel Carrère.

  • Speaker #0

    Ah si seulement j'adorerais ! Et russe aussi ! Ouais !

  • Speaker #1

    Et j'ai européen aussi. Oui. Voilà l'explication. Vous faites comme lui. Vous savez qu'en septembre prochain, Emmanuel sort Colcose. Un livre intitulé Colcose.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore l'écriture d'Emmanuel Carrère. Il a des moments de fulgurance d'humanité. Moi, je n'oublierai jamais le mec qui, avant de se faire amputer, va niquer dans d'autres revues que la mienne. Ces pages-là... C'est d'une beauté. Puis dans Limonov, il y a des pages extraordinaires.

  • Speaker #1

    Un roman russe.

  • Speaker #0

    Et son article, d'ailleurs, un roman géorgien, est très intéressant.

  • Speaker #1

    Très intéressant. En tant que russo-géorgien, est-ce que vous avez choisi un camp ? Parce que la Géorgie est en guerre contre la Russie.

  • Speaker #0

    Alors, malheureusement, non, elle n'est pas en guerre.

  • Speaker #1

    Elle a eu une guerre il y a quelque temps. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, la Russie n'est pas... Non, elle est à la solde aujourd'hui. Elle est totalement à la solde de la Russie. Il y a un milliardaire. qui s'appelle Bizina Ivani-Juili qui vend son pays et son peuple pour quelques millions de dollars de plus comme s'il n'en avait pas déjà suffisamment et il vend littéralement son pays en corrompant totalement un gouvernement qui est à la solde de Poutine et qui réprime de plus en plus des manifestations pacifistes qui ont lieu tous les jours depuis ces élections truquées et on voit bien c'est la méthode Poutine entre guillemets la méthode douce Merci. qui est en utilisant, soit disant, la démocratie, avec une propagande des réseaux sociaux, des fermes de trolls qui polluent tous les médias et tout ça, la corruption, des bastonnades, des intimidations.

  • Speaker #1

    Des opposants en prison.

  • Speaker #0

    Des opposants en prison et qui sont condamnés, et puis carrément tués maintenant. Et voilà. Donc non, elle n'est malheureusement pas en guerre. Elle est déjà soumise. donc on espère que ça va bouger. Ce gouvernement a été reconnu, je crois, par les nobles pays du Nicaragua, de la Corée du Nord et de la Russie, point final. Il n'est reconnu par personne. Mais non, c'est tragique. C'est tragique. Déjà dans les supermarchés à Tbilisi, pratiquement tous les produits sont que russes. C'est déjà colonisé. Voilà.

  • Speaker #1

    Il y a une anecdote que j'aime beaucoup, pour être plus léger. Oui. C'est Babou, donc Babouchka, votre grand-mère.

  • Speaker #0

    Mon arrière-grand-mère.

  • Speaker #1

    Arrière-grand-mère. Oui. Elle est au sport d'hiver en Autriche. Oui. Et un baron allemand lui demande, avez-vous bien chié ce matin ?

  • Speaker #0

    Oui. Mais parce qu'en allemand, on ne prononce pas le K, on dit chia. Et donc, il se piquait de parler un très bon français. Et tous les matins, elle revenait du ski. et... vers l'heure du déjeuner, il se levait de son siège sur son balcon et comme ça, il tirait son chapeau et très fier du français qu'il parlait. Il disait « Bonjour, princesse, ça fait fou bien chier ce matin. » Et mon arrière-grand-mère, voulant rester très courtoise, lui disait « Merci, baron, j'ai très bien chié ce matin. » Et sans corriger sa faute.

  • Speaker #1

    Alors, je vais pouvoir enfin vous poser la question indiscrète que tout le monde me pose quand j'écris des livres autobiographiques. Oui. Et comment ils l'ont pris, vos parents ? Et comment l'ont pris vos frères ? Qu'est-ce que vous leur mettez quand même ?

  • Speaker #0

    Mes frères, rien du tout. Je leur mets rien du tout, mes frères.

  • Speaker #1

    Il y a quand même... Enfin, on a l'impression que ça a été dur. Votre enfance a été dure.

  • Speaker #0

    Pour eux aussi. C'est ce que je dis. Non, là, je dis pour eux aussi. D'accord. Non, mes frères, je leur mets rien du tout. Mon père, il n'est plus là.

  • Speaker #1

    Il n'est plus là.

  • Speaker #0

    Et puis mon père, quand même, je le...

  • Speaker #1

    Vous les sauvez tous les deux, bien sûr. Oui.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est un livre qui va de la colère à l'apaisement aussi. Mais ma mère, elle l'a lu, mais elle ne m'en a rien dit. Mais elle ne va pas bien. Elle a une santé épouvantable, la pauvre. Donc là, pour l'instant, ce n'est pas le sujet. Mais peut-être qu'elle m'en parlera ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Après, je crois qu'ils ont aussi compris que, bien sûr, il y a nos vies. Et puis, à ce qu'on en fait, il y a... après l'art le transforme oui et que voilà et après ça change rien nos rapports tant mieux ils peuvent être tendres parce que moi j'ai l'impression d'être tendre quand même je suis très sincère donc vrai j'ai nommé jaune et les choses mais franchement j'essaie toujours de réparer d'être dans la tendresse donc j'ai pas l'impression que ça fait jamais en tout cas la plainte, je joue cosette et plaignez-moi et en même temps il y a de la vengeance.

  • Speaker #1

    Ça dépend, il faut le lire jusqu'au bout. Voilà. Il faut le lire jusqu'au bout celui-là.

  • Speaker #0

    D'accord avec vous.

  • Speaker #1

    Nous avons un jeu que le monde nous envie dans cette émission. Oui. Il s'appelle Devine tes citations. Je vais vous lire des phrases de vous. Ah bon ? Oui. Et vous devez me dire alors, dans quel livre où votre signature apparaît, vous avez écrit ceci.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    À quoi peut-on croire seulement à la vie lorsque la mort vous sourit ?

  • Speaker #0

    Ça, à mon avis, c'est...

  • Speaker #1

    Il y a un piège.

  • Speaker #0

    Oui, parce que ce n'est pas Alicia. Si, c'est Alicia. C'est Alicia. Mais ce n'est pas de moi. Mais ça, ce n'est pas de moi. C'est Alicia qui l'écrit. C'est un poème d'Alicia. Oui, dont l'autre moitié du son, je m'appartiens.

  • Speaker #1

    Seulement à la vie, lorsque la mort vous sourit, vous pensez que la mort vous sourit ? Est-ce que vous y pensez ? Oui. Elle est présente dans ce livre.

  • Speaker #0

    Ah oui, elle est présente.

  • Speaker #1

    Il y a Thierry, Bénédicte.

  • Speaker #0

    Oui, il y a mon frère et ma sœur. Et puis, il y a Clara.

  • Speaker #1

    Et puis tous deux sont partis. Vous pensez souvent à la mort ?

  • Speaker #0

    À mes morts, plus qu'à ma mort.

  • Speaker #1

    Une autre phrase de vous ? Peut-être, c'est pas sûr. Rien ne vaut la douceur d'une maman.

  • Speaker #0

    Ah oui, alors c'est pas de moi, mais c'est dans le buveur de brume, c'est de Tolstoy, c'est dans Anna Karenin.

  • Speaker #1

    Oui, 1877. Alors, racontez la seule caresse de votre mère quand vous rentrez de pensionnat. Oui,

  • Speaker #0

    un vendredi, elle était venue me chercher à Rueilman-Maison et j'ai enfin... craqué, je lui ai dit en fait les insultes et les humiliations et tout ça, et je lui ai raconté tout, j'ai pleuré tout le trajet. Et en arrivant à la maison, je me souviens, on avait une petite pente comme ça où on garait la voiture, elle a garé la voiture, elle a éteint le moteur, j'étais assis à l'arrière là, et j'ai vu sa main. se mettre entre les deux sièges avant. J'ai vu sa main et elle a pris la mienne et avec son pouce, elle a caressé le haut de ma main, comme ça. Et puis voilà.

  • Speaker #1

    C'est la seule fois. Oui. Quand vous entendez parler de l'affaire Bétarame et d'autres pensionnats qui sont des endroits qui ont maintenant, qui ont enfin la parole se libère sur tout ça, sur les maltraitances aux enfants. pendant tout le 20e siècle. J'imagine que ça vous touche beaucoup.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas du tout surpris. Je ne suis vraiment pas surpris, mais moi j'ai été élevé au 19e siècle. Vraiment, ça ne me surprend absolument pas.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'à Passy-Buzinval, il y avait peut-être aussi de la violence, des châtiments corporels, il y en avait ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt entre les élèves. Non, oui, mais moi je me souviens d'un frère des écoles chrétiennes qui nous tiraient les cheveux là. C'était... extrêmement douloureux et qui nous tapait avec la règle, bien sûr.

  • Speaker #1

    Oui, sur les ongles.

  • Speaker #0

    Oui, comme ça. Surtout, c'est la mise en scène à chaque fois, tellement sadique, de présenter tes doigts. Et on le faisait, le fait de nous obliger à cet extraordinaire...

  • Speaker #1

    Jouer sur une règle carrée aussi.

  • Speaker #0

    Oui, oui, absolument. Des trucs de vrai sadisme.

  • Speaker #1

    Autre phrase qui est dans votre livre. Jusqu'à la fin de mes jours... Tout ce que je ferai sera gentil mais sans plus.

  • Speaker #0

    Ah, ça c'est Trigorine qui dit ça dans la mouette de Tchékov. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    1896. Cette phrase vous intimidait, parce que vous disiez je ne peux pas écrire, j'ai peur d'être gentil. Mais vous y arrivez, vous n'êtes pas gentil.

  • Speaker #0

    Je t'en avoue. Merci, c'est gentil.

  • Speaker #1

    Une autre. J'ai eu la chance de lire tant de chefs-d'oeuvre que je me suis toujours senti incapable d'écrire. Oui.

  • Speaker #0

    C'est dans celui-là. Dans le livre de Brume, oui.

  • Speaker #1

    Ben écoutez, je vais vous dire, si seulement les autres écrivains avaient autant de scrupules que vous.

  • Speaker #0

    Non, alors ce qui s'est passé en écriture pure, c'est vrai, c'est que dès que je voulais styliser, en fait, étant donné que c'est moi qui parle, c'est ma voix, dès que je voulais styliser, ça ne marchait pas. Dès que j'essayais que la phrase soit plus littéraire, disons, eh bien non, ça ne marchait pas.

  • Speaker #1

    Mais il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Ça s'annulait tout de suite, mais vraiment. Mais ça se dénonçait immédiatement. C'est ça qui est drôle, cela dit.

  • Speaker #1

    Mais c'est parce que vous avez un œil de lecteur, vous avez beaucoup lu, c'est ça aussi. Si on a beaucoup lu, on voit tout de suite ce qui est bidon. Une dernière, le jour où les femmes commencent à te faire des compliments, c'est que c'est fini.

  • Speaker #0

    C'est ma grand-mère qui disait ça.

  • Speaker #1

    Elle disait ça sur sa beauté. Oui. C'est terrible. Si les femmes te font des compliments...

  • Speaker #0

    Oui, elle me dit le jour où les femmes ont commencé à me faire des compliments, j'ai compris que c'était fini. Ben oui, parce qu'elle était extrêmement belle et que vraiment, elle rentrait dans une pièce, les gens s'arrêtaient. Et donc... Oui,

  • Speaker #1

    il y a une photo d'elle d'ailleurs dans le livre.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Magnifique. Je ne vais jamais la retrouver. Non,

  • Speaker #0

    non, non, on oublie. Oui, oui, oui, il y a plusieurs photos.

  • Speaker #1

    Elle vous a donné un cours de baisemain à Venise.

  • Speaker #0

    Oui, à côté à Habano, oui.

  • Speaker #1

    Ah oui, il faut raconter, parce que alors, donc vous, vous précipitez pour embrasser la main.

  • Speaker #0

    Mais c'est qu'elle me présente à une princesse italienne, je ne sais quoi, dans son truc. Elle prenait les os, elle prenait les os. Et c'était des bains de boue, je ne sais quoi, à Habano. Et elle m'avait invité une année pour pouvoir me faire découvrir la Vénusie. Et donc elle me présente cette princesse italienne et je plonge dans un baisemain. Donc,

  • Speaker #1

    faites le baisemain trop bas.

  • Speaker #0

    En fait, pas seulement trop bas, mais trop...

  • Speaker #1

    C'est important pour les auditeurs de Garot Télé de bien savoir faire le baisemain.

  • Speaker #0

    Pas seulement trop bas, mais pas souple. C'est-à-dire que c'était un peu rigide. Ah oui,

  • Speaker #1

    genre comme un Allemand.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'elle m'a dit tout de suite. Elle m'a dit, il ne manque plus que tu claques les talons. Ah mais ah ! Et moi, j'étais très fier d'avoir fait... J'avais 15 ans ou 16 ans. Et je dis, mais pourquoi ? Elle me dit, non, t'es pas dans l'armée allemande.

  • Speaker #1

    Donc,

  • Speaker #0

    le vrai baisement... Elle me dit, un baisement est un hommage qu'un homme rend à une femme. Donc, il doit être fait avec délicatesse et souplesse. Et donc, voilà. Et donc, il suffit.

  • Speaker #1

    On a le droit de la monter, la main, un peu.

  • Speaker #0

    Oui, un peu. Et on se court. C'est souple, surtout. C'est pas...

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Nous passons maintenant au conseil de lecture de Guillaume Gallienne. Je vous avais envoyé les questions.

  • Speaker #0

    Alors ? Vous vous souvenez ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Attention. Un livre... Parce que vous êtes un grand lecteur, donc on a besoin de savoir, on a envie de connaître vos goûts. Oui. Un livre qui vous donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    L'hibiscus rouge de Shimamanga Ngozi Adichie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est pointu. Oui, oui. C'est sublime.

  • Speaker #0

    C'est sublime. Alors, c'est d'abord écrit en anglais, mais c'est merveilleusement bien traduit. C'est vraiment très, très, très beau. C'est une écriture extraordinaire. J'adore cette auteure. Elle est nigériane, mais aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Pourquoi ça vous fait pleurer ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y a un amour impossible. C'est une jeune fille battue et un père fou furieux. et qui découvre ce que c'est que l'amour familial avec des cousins, avec une tante merveilleuse. Et là, elle tombe amoureuse d'un prêtre qui a compris. C'est terrible. L'amour non réciproque est une des choses qui me bouleverse le plus au monde.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a lu celui-là, un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Euh... Partenariats sont complexes de Philippe Rott.

  • Speaker #1

    Impubliable aujourd'hui, hein. C'est comme, il se masturbe dans un bus...

  • Speaker #0

    C'est à mourir de rire. Non mais quand il se masturbe chez lui et que sa mère va... Non mais c'est à mourir de rire.

  • Speaker #1

    Il masturbe dans un rôti, non ?

  • Speaker #0

    Non, après il le fait avec... Il le fait avec une sauce vinaigrette. Il le fait avec une sauce Paul Newman, sauf qu'avec la vinaigrette ça lui fait mal. Ça le brûle.

  • Speaker #1

    Bon, j'ai quoi d'autre ? Attends, sur ma liste, pardon, je deviens débile. Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    La montagne magique de Thomas Mann.

  • Speaker #1

    Ah bon ? Oui, c'est vrai qu'il devait rester trois semaines, il reste sept ans. On se flingue !

  • Speaker #0

    On se flingue ! Mais c'est très beau, c'est merveilleusement bien écrit tout, mais c'est quand même...

  • Speaker #1

    Oui, c'est un bon bisutage. Un livre pour crâner dans la rue.

  • Speaker #0

    le le zen de l'art chevaleresse du tir à l'arc ça ça jette ça c'est à mon avis vous baladez quand même oui ouais un livre qui rend intelligent j'ai envie de presque dédire tous parce que Parce qu'il faut aussi des choses qui qui on a le droit de dire mais ça chier ça, ça ne va pas. Il y a la lecture de toute façon. Oui, on apprend. Oui, vous place vous en. Vous avez le droit de juger aussi. Vous avez le droit de dire mais je m'ennuie. Vous avez le droit de dire mais ça chier. Mais un livre qui rend intelligent les mémoires d'Adrien et d'Ursena,

  • Speaker #1

    de Marguerite Ursenat. Un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Ça dépend quelle tranche d'âge.

  • Speaker #1

    Ah oui, vous voulez dire que... Genre, si vous voulez séduire des jeunes, vous allez vous balader avec...

  • Speaker #0

    Ben ouais, ça va être... Et au puceau ? Ben non, mais ça va être plus genre... Non, mais comment s'appelle l'autre, là ? Cohen ?

  • Speaker #1

    Oui, Albert Cohen pour Belle du Seigneur.

  • Speaker #0

    Belle du Seigneur, ça, il y a toute une tranche d'âge qui tombe en pamoison. Il y en a d'autres, c'est le deuxième sexe. Et puis, il y en a d'autres, on va aller plus vers...

  • Speaker #1

    Annie Ernaux.

  • Speaker #0

    Ah, alors là, ça devient quel genre ? Mais bon, bref.

  • Speaker #1

    Attention, un livre que je regrette d'avoir lu. Vous allez me dire encore que vous ne regrettez rien.

  • Speaker #0

    Non, un livre que je regrette d'avoir lu, eh bien, en fait, j'ai oublié le titre. Je me souviens très, très bien.

  • Speaker #1

    Clamsay à Tatawin.

  • Speaker #0

    Non mais ça alors d'abord j'ai... Non mais c'est surtout c'est... Non c'était un livre euh... Comment ça s'appelle ? C'était... Ça faisait vraiment l'hypocagneuse de service qui faisait genre très simple mais en plein milieu quand même un petit truc...

  • Speaker #1

    Un petit adverbe.

  • Speaker #0

    Un petit truc un peu et on fait Haaaaaa ! Voilà.

  • Speaker #1

    Un livre que je fais semblant d'avoir fini ?

  • Speaker #0

    L'Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    Ah ouais comme beaucoup de mes invités. Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    La longue route du sable de Pasolini.

  • Speaker #1

    Tiens, bien, oui, original.

  • Speaker #0

    J'ai marqué des points là ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Le pire livre que vous ayez jamais lu de toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Alors pire, non pas parce qu'il est mal écrit, mais parce que j'ai jamais eu aussi froid aux os, c'est les récits de la Colima de Charamont.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ouais. Sur le goulag.

  • Speaker #0

    Sur le goulag et sur... Parce que là, c'est pas du sadisme ou de la haine, c'est encore plus... C'est-à-dire que l'homme n'est même plus victime, il est carrément minéral. Il ne vaut pas plus une pierre, enfin il est minéral. Et puis la bêtise, la bêtise autour est dingue. Elle est vraiment comme disait Einstein, elle est infinie. Et puis c'est merveilleusement bien écrit,

  • Speaker #1

    insoutenable. Et le livre que vous lisez en ce moment ?

  • Speaker #0

    Je viens de commencer Les Cambrioleurs de Fabio Viscogliozzi. Et vous connaissez pas ? J'adore cet auteur. Ah, il faut lire Fabio Viscogliozzi, Frédéric.

  • Speaker #1

    Il faut lire Fabio Viscogliozzi.

  • Speaker #0

    Non, mais je vous en supplie, lisez... Allez, où est la caméra ? Lisez... Non, mais réellement, je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit. C'est à tomber. Montblanc, très très beau, plus autobiographique sur... Bref, sur la mort de ses parents. L'apologie du slow.

  • Speaker #1

    Ah ça fait bien,

  • Speaker #0

    j'avais lu ça je crois,

  • Speaker #1

    l'apologie du slow c'est très important.

  • Speaker #0

    Merveilleux, et là les cambrioleurs.

  • Speaker #1

    Ok, merci beaucoup Guillaume Gaillen, j'ai une dernière question avant de nous quitter. Au bout du compte, après avoir écrit votre premier livre, la différence entre la littérature et le théâtre, est-ce que ça n'est pas tout simplement qu'au théâtre il faut être quelqu'un d'autre et en littérature il faut être soi-même ?

  • Speaker #0

    Ah, ça me plaît beaucoup. Alors, c'est drôle parce que là, en ce moment, j'écris mon deuxième livre et ce sont des paroles de femmes et je ne sais pas si c'est forcément moi-même. Néanmoins, je trouve que la vraie différence, c'est en fait la mobilisation en écriture n'a pas de temps.

  • Speaker #1

    Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout, n'oubliez pas... n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage.

Description

C'est toujours une joie pour moi de rencontrer les acteurs qui écrivent. Après Denis Podalydes et Fabrice Luchini, j'ai passé une heure très suave avec Guillaume Gallienne, qui se déguisait en Sissi Impératrice quand il était petit et en Lucrèce Borgia quand il était grand. On a parlé de sa famille, de la Georgie, de cinéma, de théâtre, de baisemains et de pensionnats. C'est le luxe de la littérature : on peut parler de tout, du moment que c'est fait avec talent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soir toi, bienvenue chez moi, chez La Pérouse, pour recevoir cette semaine Guillaume Gallienne pour son livre Le Buveur de Brume aux éditions Doc dans la collection

  • Speaker #1

    Manu au musée.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Guillaume. C'est votre premier livre, paraît-il, mais non, c'est complètement faux. Vous êtes dans le du même auteur, on voit que vous avez publié le texte des Garçons et Guillaume à table en 2009. Oui. C'était le texte de votre seule en scène. Oui. Exact. Ensuite, vous avez publié Un été avec Victor Hugo.

  • Speaker #1

    Oui, co-écrit avec Laura Elmachy, mais c'est vraiment pratiquement elle qui a tout fait.

  • Speaker #0

    C'était en 2016.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cinq tomes de Ça ne peut pas faire de mal.

  • Speaker #1

    Oui, et là, c'était vraiment, très souvent, c'était surtout rédigé par mes assistants. Non, mais c'était avec moi, mais ce que je veux dire, non, mais c'est... Ça, c'est des trucs, c'est des compilations, c'est tout ce que vous voulez. J'en suis ravi.

  • Speaker #0

    A vu, mais que vous êtes un écrivain, Guillaume Bernier. Vous avez publié également l'autre moitié du son. Je m'appartiens à un recueil de poèmes de votre cousine Alicia.

  • Speaker #1

    Oui, mais là, j'ai juste écrit une postface qui fait une page.

  • Speaker #0

    Oui, mais tout de même, elle était forte, cette postface.

  • Speaker #1

    Bon, merci. Vous avez connu Alicia, d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #0

    j'ai connu Alicia,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Nous avons festoyé parfois.

  • Speaker #1

    Mais oui, oui, oui. Elle vous trouvait très amusante, déjà. Je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Vous êtes né à Neuilly-sur-Seine comme moi. Oui. Mais sept ans après.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai essayé de tout faire comme vous depuis. Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Alors non, c'est un échec. C'est un échec.

  • Speaker #1

    Ben oui.

  • Speaker #0

    J'ai publié 22 livres.

  • Speaker #1

    C'est pour ça, je m'y mène maintenant.

  • Speaker #0

    Peu de comédiens ont autant tourné. autour de la littérature avant de se lancer. Dans l'actualité récente, on voit qu'il y a des comédiens qui s'y lancent un peu trop vite. Vous, vous avez quand même... Non, mais vous avez un immense respect pour la littérature. C'est à cause de ce respect que vous avez mis autant de temps.

  • Speaker #1

    C'est exact. Parce que j'ai le fait d'avoir, pendant 11 ans, lu des chefs-d'oeuvre tous les samedis sur France Inter. Eh bien, oui, c'est vrai que ça m'a un peu... Ça m'a empêché pendant un temps, oui.

  • Speaker #0

    53 ans d'attente avant ce premier livre complètement assumé comme le vôtre, Le Buveur de Brume. Et c'est intéressant parce que j'ai reçu d'autres acteurs ici, notamment Denis Podalides et Fabrice Lucchini. Ils ont eu la même angoisse avant de se lancer, puisque les deux ont publié également. Et donc, bravo d'avoir surmonté cette... peur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est l'avantage aussi de la commande. Oui. C'est-à-dire que la confiance de quelqu'un, d'un éditeur qui vous dit, mais moi j'ai réellement confiance, allez-y. Oui. Et aussi l'avantage de la collection, de s'inscrire dans une collection, c'est-à-dire que, bon, le cadre est donné, il y a un cadre de départ, c'est plutôt rassurant. Oui. Alors cette collection de départ finalement a explosé, mais... Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Parlons de Manu au musée, donc c'est une collection qui devient de plus en plus importante. J'ai reçu ici Richard Malkin. qui a passé une nuit au Panthéon, Christine Angot qui a découché à la bourse de commerce parce qu'elle n'a pas passé la nuit mais qui a écrit peut-être un de ses meilleurs livres dans cette collection.

  • Speaker #1

    Oui, d'accord. Et la Simanie aussi. Oui,

  • Speaker #0

    la Simanie à Venise.

  • Speaker #1

    Lola Laffont, il y avait des belles choses.

  • Speaker #0

    Et maintenant, vous publiez un râteau, un râteau monumental, parce que vous êtes allé à Tbilisi. pour voir un tableau de votre arrière-grand-mère qui devait être au Musée national. Énorme râteau et déception. Il n'était pas à l'endroit prévu.

  • Speaker #1

    Non. Il a été déplacé, non pas au Musée national, mais à la Galerie nationale.

  • Speaker #0

    C'est inadmissible.

  • Speaker #1

    C'était en fait un... C'était un soi-disant un malentendu.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que ça... parce que vous étiez un peu pistonné par...

  • Speaker #1

    J'étais pistonné par la présidente Salomé Zorabijvili.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et...

  • Speaker #0

    Parce que c'était une vengeance du gouvernement qui ne voulait pas obéir à la présidente.

  • Speaker #1

    Le gouvernement pro-russe, qui s'appelle le rêve georgien, et qui est un cauchemar, et qui, voilà, c'était exactement... Dans le pouvoir de nuisance, il y a pouvoir.

  • Speaker #0

    Oui, alors vous arrivez, donc vous trouvez le tableau de votre arrière-grand-mère, Melita Locatelli.

  • Speaker #1

    Planqué sur une paroi entre deux salles et... Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé. Et là j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    C'est très drôle parce que le début du livre, vous n'apparaissez pas comme très sympathique. C'est vrai, mais c'est ça qui prouve que vous êtes un écrivain d'ailleurs. C'est que vous n'essayez pas de plaire. Vous êtes un peu insupportable. Oui, oui. Vous avez fait, vous avez gueulé sur tout le monde.

  • Speaker #1

    Ah, j'ai hurlé. Non mais j'ai vraiment hurlé, mais vraiment.

  • Speaker #0

    Je viens de Paris, exprès,

  • Speaker #1

    pour aller au musée. Vraiment, je suis arrivé, je dis « What the fuck am I doing here ? » « What the fuck am I doing here ? » Il me regardait comme ça, et je dis « Where is my great-grandmother's portrait ? » On me dit « It's upstairs. » Là, je suis monté, et là, j'ai dit « Non, c'est pas ça. » Non, j'ai descendu, et là, j'ai hurlé.

  • Speaker #0

    Et ce qui est...

  • Speaker #1

    Georgia, with a special nose ! Non, non, c'était Jean-Marc Jouy. Non,

  • Speaker #0

    mais c'est là où le prince géorgien, que vous êtes, descendant donc de cette famille, les Tcholokachvili, vous vous êtes comporté de manière aristocratique.

  • Speaker #1

    Oh, je sais pas, parce que moi... On va faire frire vos testicules ! Non, pas du tout. Vous les penchez pour le décès ! Non, non, mais d'ailleurs, mon arrière-grand-mère, qui, elle, était princesse, elle n'aurait certainement pas réagi de cette manière-là. Mais non, non, moi, j'ai hurlé parce que la colère est quelque chose qui est un atavisme que je n'ai pas réussi à mettre de côté. Je le trimballe avec moi. Je pense que c'est dans l'ADN.

  • Speaker #0

    Vous avez l'air trop charmant et détendu ici.

  • Speaker #1

    Mais parce que rien ne me froisse.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Pour l'instant.

  • Speaker #1

    Pour l'instant.

  • Speaker #0

    Non, mais en tout cas, cette colère du début du livre, elle fait que le lecteur est pris. Donc, c'est aussi un truc assez malin parce qu'on a envie de voir ce qui va se passer. Comment Guillaume Gallienne va engueuler tout le monde. Et finalement,

  • Speaker #1

    c'est malin. Alors, pour tout vous dire, c'est même pas malin. C'est-à-dire que cette colère, elle m'a habité pendant toute cette nuit. Et les 30 pages que j'ai écrites pendant cette nuit-là sont vraiment des pages de rage. Les 40... pages que j'ai écrites très vite après, lorsque je me suis retrouvé en famille à la montagne, sont absolument aussi habitées par une colère, mais vraiment une colère de déception. J'étais triste, c'était une colère triste. C'était d'abord une colère de rage, puis une colère triste. Et puis, une fois que j'avais ces 70 pages de rage, je me suis dit, en fait, ce livre n'a aucun intérêt, et puis terminé. Et je n'ai plus écrit pendant 18 mois. Et puis finalement... Je suis allé chez des amis écrivains américains, chez eux dans le Maine. Et Richard et Michelle Preston. Et lui a écrit, il est connu notamment pour avoir écrit un livre dans les années 80 qui s'appelait Hot Zone, qui était le premier livre sur l'Ebola. C'est un spécialiste en épidémiologie et que j'ai rencontré à Princeton. Et elle était éditrice. Et sur le... Lorsqu'on... De l'aéroport jusqu'à chez elle. dans la voiture, je lui dis, mais en fait, là, ce que j'ai écrit, c'est de la merde. Et elle me dit, mais le premier brouillon est toujours de la merde. Je lui dis, vraiment ? Elle me dit, ah, vraiment ? Et il faut que ce soit de la merde. Parce que c'est le seul moyen de faire mieux. Et ça m'a énormément rassuré. Et donc, chez eux, pendant six jours, là, j'ai écrit énormément. Et oui, rassuré, en fait, de c'est pas grave. Écris de la merde, c'est pas grave. Écris.

  • Speaker #0

    Mais c'est pas de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et après, j'ai travaillé. Et là, j'ai adoré toute cette partie de travail de virer, de refaire, de virer, de refaire.

  • Speaker #0

    Alors, je suis heureux de ça et en même temps un peu déçu parce que moi, je croyais ce qu'il y a de raconté dans le livre. C'est-à-dire que vous aviez tout écrit en une nuit à la Galerie Nationale. Pas vraiment. Enfermé par des pions et des surveillants qui viennent vous apporter du thé.

  • Speaker #1

    Du café.

  • Speaker #0

    De la nuit. Du café. Les trois guillots. Et toute la nuit, vous revenez en arrière sur le passé familial, votre grand-mère, votre arrière-grand-mère, qui sont géorgiennes, et aux Russes, un peu, un peu des deux. Donc je m'imaginais que cette colère, elle venait de votre sang géorgien, qui s'était mis à vous vider.

  • Speaker #1

    Elle vient de là, mais elle vient de mon père aussi, qui n'était pas du tout géorgien, et elle vient aussi beaucoup de mon père. Et ça gueulait énormément chez nous.

  • Speaker #0

    Et puis aussi, peut-être, elle vient de votre enfance. Et là, il y a cette page que je trouve très belle, que je vous demande de lire, puisque vous avez lu pendant des années sur France Inter, pendant dix ans.

  • Speaker #1

    Onze ans, oui.

  • Speaker #0

    Donc voilà, maintenant, vous pouvez refaire ça chez nous.

  • Speaker #1

    Le portrait de Babou me fera-t-il revivre mes délires d'enfant ? Ceux dans lesquels, moi aussi, j'étais une princesse, où je me prenais pour Sissi, ou sa belle-mère, l'archiduchesse Sophie. J'ai joué à ces jeux tous les soirs pendant des années. Dès que la maison s'endormait, je prenais la couette de mon lit et la transformais en une grande robe, à l'aide d'une ceinture bien serrée. Et j'arpentais ma chambre en imaginant tout un tas d'interlocuteurs, que ce soit des scènes de balles à me figurer entouré de courtisans, des séances du concert, devant des ministres imaginaires, des audiences ou bien des jeux avec des enfants que je me représentais s'amusant autour de moi. Je me réfugiais dans un monde parallèle où c'était moi la princesse, non pas mon arrière-grand-mère. C'était moi qui était d'une rare beauté et d'une d'une grande élégance, et non pas ma grand-mère. Moi et non pas mon père, qui était riche et qui avait les pleins pouvoirs. Moi et non ma mère, qui pouvait alterner sans transition une grande chaleur pleine de charme et une froideur implacable. Je n'étais plus une tapette ou une pédale dont on se moquait ou que l'on humiliait, mais une grande dame que l'on admirait. Je n'étais plus ce garçon de toute évidence manqué, mais une femme désirée. Toutes les nuits de mon enfance, j'existais avec ces attributs que je n'avais pas le jour. La vérité était que je n'étais pas une femme, je n'étais pas titrée, je n'étais pas beau, et je n'avais aucun pouvoir autre que celui de mon imagination, et même elle ne faisait que m'enfermer dans des clichés à répétition. Mais toutes les nuits de mon enfance, je me réfugiais dans des déambulations incessantes, une couette de lit ceinturée autour de ma taille, à jouer une princesse bavaroise devenue l'épouse de l'empereur d'Autriche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors voilà la source de la colère. Vous arrivez là avec l'espoir qu'enfin, enfin, on va voir en vous la grande princesse géorgienne. On va vous respecter. Et puis on vous a posé votre portrait par terre. Non mais ça va pas.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Mais oui. C'est exactement ça. Je suis arrivé vraiment, j'y suis arrivé en Georgie pour cette chose, je suis arrivé vraiment comme un héritier. Mais vraiment. Et ça m'était dû. Et là, je me suis mis en pleine tronche.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? Passé 50 ans, on a besoin de retrouver ses racines. Moi au Béarn et vous en Géorgie. C'est quoi notre problème ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est forcément un problème, mais en tout cas, moi c'était vraiment pour mon fils Taddo. Le père de mon arrière-grand-mère s'appelait le prince Taddo. Et c'est vrai que cette trajectoire entre le prince Taddo et mon fils Taddo, je me suis dit

  • Speaker #0

    Qui a 18 ans là.

  • Speaker #1

    Il a 18 ans. Oui, oui, oui. Il vient d'avoir 18 ans.

  • Speaker #0

    Le livre est dédié à Tadeau. Oui,

  • Speaker #1

    parce que je voulais lui dire, en gros, écoute, on a tous des dossiers familiaux, mais on n'est pas forcément otages de toutes les névroses. Il y en a, on a le droit de les mettre de côté. Il y a des gens aussi un peu toxiques, on n'est pas obligé de se les fader. Voilà, moi j'ai un devoir de mémoire obsédant depuis... Et obsessionnel depuis que je suis né, je crois, je me souviens de tout. Et je me trimballe toutes les archives, mais vraiment, je suis un archiviste, mais à la borgesse, non-stop, et tu n'es pas obligé de faire comme moi. Et donc, mes névroses et mes deuils, tu n'es pas obligé de te les trimballer. Donc, tu sais quoi, je te les compile, tu les mets dans ta bibliothèque, si tu as envie de les consulter, tu peux. Mais voilà,

  • Speaker #0

    ce travail-là avait déjà été entamé avec le spectacle Les garçons et Guillaume à table, puis le film.

  • Speaker #1

    Mais ça, je n'avais pas pensé à Taddo pour le faire tellement. Là, je pensais plus à des mecs de ma génération. En fait, Les garçons et Guillaume à table est vraiment né de plusieurs rencontres de mecs de ma génération qui présentaient plus ou moins les mêmes symptômes de... On a été étiqueté d'une sexualité avant même de la découvrir parce qu'on ne répondait pas. à des critères et parce qu'on est né juste après 68 et que quelque part, ça faisait chic de dire non, celui là, il va finir pédé. Et voilà, surtout dans un milieu bourgeois. Et là, c'était plus pour répondre à. Et puis pour aujourd'hui, c'est comme c'est très à la mode et c'est presque intégré pour aussi déjà pointer. la différence entre le genre et la sexualité et arrêter avec cette connerie d'amalgame. C'était ça surtout.

  • Speaker #0

    Quand même, on apprend dans Le Buveur de Brume que votre père vous donnait des coups de ceinture, que votre mère était très dure avec vous.

  • Speaker #1

    Elle pouvait, oui. Elle n'était pas tendre.

  • Speaker #0

    Dans le film, vous la montriez comme une femme drôle, assez toxique, bien sûr.

  • Speaker #1

    Avec un panache.

  • Speaker #0

    Oui, mais puisque c'était vous qui jouiez son rôle,

  • Speaker #1

    elle a toujours ce panache et ce humour.

  • Speaker #0

    Mais là, vous dites qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #1

    Ah non. Non, elle est vraiment... Comme m'a dit mon fils un jour, il avait 4 ans, il me dit quand même ta mère, elle est brusque. C'est-à-dire que ma grand-mère paternelle est fille de divorcée. Ses parents ont divorcé en 1905, ce qui ne devait pas être très facile à mon avis. La vie quotidienne, ça ne devait pas être sympa. Et surtout, c'est que le père, en partant, s'est retourné vers sa future ex-femme et les deux filles. Il a dit j'en veux une des deux et que l'épouse.

  • Speaker #0

    Je choisis une des deux.

  • Speaker #1

    Elle me fait, prends celle-là. Et c'était ma grand-mère. Et donc ma grand-mère, elle ne s'en est jamais remise.

  • Speaker #0

    J'ai cru que c'était la mère de ma mère.

  • Speaker #1

    Et elle a reproduit le schéma sur mon père, c'est-à-dire qu'elle a eu deux fils, et elle n'a eu de préférence que pour le cadet, et a toujours été odieuse avec l'aîné, qui était mon père. Et c'était terrible, parce que quand j'étais enfant, je voyais mon père qui, pour me rassurer, ou peut-être me protéger de cette méchanceté, faisait semblant d'en rire. Et moi je voyais que c'était pas drôle du tout, je trouvais ça gênant et je faisais mais c'est affreux, elle est juste méchante avec lui et puis lui il souffre et je le vois bien et lui il faisait genre comme ça, c'était pathétique.

  • Speaker #0

    En fait c'est vrai qu'il y a un malheur dans les familles bourgeoises qui peut se transmettre de génération en génération et que c'est au fond le sujet. véritable du buveur de brume. C'est comment vous, par exemple, grâce au théâtre, vous avez pu surmonter tous ces traumatismes sans basculer dans la drogue comme d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Il y a aussi de ça. Après, oui, c'est François Furet qui disait la bourgeoisie, c'est la seule classe qui ne s'aime pas. Moi, il y avait un contraste entre la bourgeoisie et l'aristocratie. Et c'est vrai que l'aristocratie de mon arrière-grand-mère ou de ma grand-mère était... Euh... en effet se démarquait énormément parce que c'était des femmes qui ne prétendaient rien.

  • Speaker #0

    Et qui étaient peut-être, qui assumaient plus leur personnalité étant moins cruelle.

  • Speaker #1

    Il n'y avait zéro cruauté. Et puis elles étaient, elles pouvaient être des dragons s'il le fallait, mais mon arrière-grand-mère avait une autorité incroyable, mais sans hausser le ton. Et puis, mais elle ne se plaignait jamais. Et puis, elles étaient d'une culture et d'une curiosité incroyable.

  • Speaker #0

    Les Garçons et Guillaume à table était un film compliqué. C'est vrai que c'est une qualité. C'était un film comique et en même temps tragique. Et c'est marrant parce qu'aujourd'hui, on en parle comme d'une comédie un peu amusante. C'était il y a 16 ans. Mais le film en anglais, au moins,

  • Speaker #1

    à la pièce, oui, il y a 16 ans.

  • Speaker #0

    Le film en anglais s'intitulait Me, Myself and Mom.

  • Speaker #1

    C'est un très mauvais titre.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimais bien.

  • Speaker #1

    J'en ai trouvé un sublime après et lorsque j'ai demandé si on pouvait changer alors que le film n'était pas sorti, on m'a dit non. Je le regrette parce que j'aurais dû dire mais je m'en fous en fait, vous le changez. C'était une réplique dans un film anglais dont j'ai oublié le titre et la réplique c'était Sister Boy.

  • Speaker #0

    Sister Boy, ah oui.

  • Speaker #1

    Ça, ça aurait été un titre formidable.

  • Speaker #0

    Mais donc c'est un film qui raconte qu'un garçon est maltraité par ses frères, par son père. que la mère est marrante mais dure. Et au fond, c'était un film sur ce que c'est d'être non-binaire, ce qu'on dit aujourd'hui mais qu'on ne connaissait pas comme terme à l'époque.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Exactement.

  • Speaker #0

    Non-binaire. C'est-à-dire que je n'ai pas envie de choisir un camp.

  • Speaker #1

    Enfin, c'est surtout l'histoire d'un garçon à qui on a étiqueté une sexualité avant même qu'il sache ce que c'est, quand même. Donc, c'est un peu compliqué. Parce que... Et de comment se découvrir avec déjà une étiquette sur le coin de la gueule. C'est ça aussi. Et le fait de se dire, ah, pour répondre visiblement à l'amour familial, il faut que je rentre dans cette case-là que vous m'avez laissée. C'est les projections, c'est-à-dire que... Mais même toutes les projections, je trouve, sur les mômes, je trouve ça toujours très bizarre. Oui, bien sûr. Des gens qui disent... Oh, c'est un fortiche, lui. C'est un fortiche. C'est une injonction terrible, je trouve.

  • Speaker #0

    Ce qui est bizarre, c'est que la famille disait, en gros, c'est lui l'homo de la famille, alors qu'à l'école, vous étiez victime de l'homophobie. Vous étiez à Passy-Buzinval, l'objet d'un enfer de traitants.

  • Speaker #1

    Et c'est drôle,

  • Speaker #0

    il y a pas... Et de harcèlement, en fait. C'est un mot qu'on n'employait pas à l'époque.

  • Speaker #1

    Et il n'y a pas longtemps, j'ai reçu une lettre à la Comédie française. me disant « Cher Guillaume, je ne sais pas si tu te souviens de moi, je m'appelle… » Je ne sais plus comment d'ailleurs. Voilà, je me suis toujours… J'ai été très choqué et très marqué par ce que tu as raconté, de ce que tu as subi à Passy-Bizavane, nous étions ensemble. J'espère ne pas faire partie de ceux qui t'ont fait souffrir. Je l'espère vraiment. Mais il ne m'a pas donné de coordonnées, rien. C'est à dire qu'il ne veut pas savoir.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Si en fait, ils étaient ligués contre vous.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est la cruauté des mots. Oui, oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais de quel âge à quel âge ?

  • Speaker #1

    De 10 ans à 12 ans et demi, 13 ans.

  • Speaker #0

    Et là, vous avez fait une dépression. Oui,

  • Speaker #1

    12 ans. Oui, je suis parti pour l'Angleterre.

  • Speaker #0

    Mais dans un autre.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, ils ont mis du temps avant. Vous voyez, je m'écroulais tout le temps. Je tombais dans les pubs. Et puis au bout d'un moment, il y a Un psy qui a dit, bon, vous savez quoi ? Ce n'est pas seulement sa famille, son école, son machin, c'est le pays. Vous allez l'envoyer loin, celui-là. Et là,

  • Speaker #0

    vous avez beaucoup aimé le pensionnat anglais. Oui,

  • Speaker #1

    parce que les Anglais, quand vous faites partie de la même caste qu'eux, ne vous jugent jamais sur vos apparences. Donc,

  • Speaker #0

    vous pouviez...

  • Speaker #1

    Traverser la cour de récré sans me faire insulte.

  • Speaker #0

    Pas quand même habillé en sissi.

  • Speaker #1

    Non, non, même pas. Non, l'uniforme. Oui,

  • Speaker #0

    l'uniforme, c'est pas mal parce que ça unifie. Oui, oui, parfait. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh oui. Non, non, c'est bien fait le truc.

  • Speaker #0

    Vous avez un peu laissé tomber la réalisation depuis votre deuxième film, Marilyn, 2017.

  • Speaker #1

    Pas vraiment, parce que je réalise depuis deux ans. En fait, j'ai dû, j'ai passé beaucoup de temps, j'ai perdu deux ans sur un film anglais que je devais réaliser. Finalement, c'était trop compliqué, je ne l'ai pas fait. Et là, depuis deux ans, je réalise l'adaptation de Cyrano de Bergerac en film d'animation avec des animaux. Sauf que la film d'animation, c'est très long. Donc, j'en ai encore pour deux ans. D'accord. Mais là, ça y est, j'écris. une prochaine fiction.

  • Speaker #0

    Parce que j'étais... C'est dommage, j'avais une bonne question après sur la paresse. Est-ce que vous êtes le Oblomov du 7e art ?

  • Speaker #1

    Ah ! Ah !

  • Speaker #0

    C'est un grand lecteur d'Oblomov, de Goncharov, qui est un roman sûr, un paresseux, un oisif. Oui. C'est un personnage que vous avez interprété. Oui,

  • Speaker #1

    oui, j'ai adoré. Et que j'ai... Je l'ai adapté en téléfilm pour Arte, que j'ai réalisé. Et j'adore ce personnage. C'est même pas oisif, c'est même pas oisif, c'est que vraiment chaque effort est une montagne. Mais vraiment, il... Zahar, il appelle son vieux domestique, Zahar, ni ma go, ni hachou. Mais d'ailleurs, c'est devenu un mot. Oui. En russe, c'est un mot. Yaw blom. Oui. C'est... Yaw blom.

  • Speaker #0

    Yaw blom. la procrastination il y a dans le buveur de brume un art de la digression aussi, on voit que vous aimez bien, et ça c'est aussi une qualité d'écrivain véritable mais oui, d'écrire ce qui n'était pas prévu, d'ailleurs toute l'histoire rien de ce qui devait arriver n'est arrivé comme prévu dans ce livre j'adore la digression mais en fait c'est aussi parce que je voulais

  • Speaker #1

    Il y a un livre qui m'a marqué qui s'appelle « Les trois anneaux » de Daniel Mendelssohn dans lequel il différencie l'écriture linéaire de l'écriture circulaire. Et Homer et Proust évidemment sont des auteurs d'écriture circulaire, Tchékov aussi. Et ça rejoignait ce qu'Alain Françon nous disait quand il nous mettait en scène dans « Les trois sœurs » de Tchékov, il disait « c'est une chorale démocratique, en fait c'est centrifuge » . C'est-à-dire qu'il n'y a pas de centre, le centre c'est le spectateur. En fait, ce sont juste des motifs qui sont... pris par l'un, repris par l'autre, puis repris par un autre, puis repris par un autre.

  • Speaker #0

    C'est un spectateur qui doit faire le boulot.

  • Speaker #1

    Voilà, et j'avais envie de faire ça avec le buveur de brume, toute propre, regardez, mais...

  • Speaker #0

    Les deux bleus de coeur doivent rejoindre les pointillés. Oui,

  • Speaker #1

    entre eux, tout d'un coup, mon père, tout d'un coup Tchékov, tout d'un coup les itinérants ou les ambulants, et puis les femmes, et puis des motifs comme ça qui reviennent. d'une manière circulaire,

  • Speaker #0

    mais vous dites aussi dans le livre que vous avez besoin d'être cadré, que vous avez besoin d'une structure. Et d'ailleurs, en commençant, vous avez dit heureusement qu'il y avait une commande. S'il n'y avait pas eu la commande, je n'aurais pas osé.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Donc, énorme contradiction, débrouillez-vous avec ça. On ne peut pas dire à la fois je veux être elliptique et en même temps je veux être cadré.

  • Speaker #1

    Alors, c'est marrant, je vois ce que vous voulez dire, mais c'est exact. En fait, j'ai besoin d'un cas pour pouvoir, après moi,

  • Speaker #0

    désobéir. Oui. Ah oui, comme le dit Antoine Compagnon dans son livre qui s'appelle... déshonorer le contrat. Pour lui, la définition de la littérature, Roland Barthes, toute sa vie, n'écrit que des ouvrages de commande, mais il n'obéit pas complètement. Vous êtes un peu comme Roland Barthes.

  • Speaker #1

    J'adore l'idée, vraiment.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est pour ça que vous êtes converti à la religion orthodoxe ? Oui, le cadre est...

  • Speaker #1

    À l'intérieur, oui, absolument.

  • Speaker #0

    D'où la barbe de pop.

  • Speaker #1

    De pop.

  • Speaker #0

    Voilà, oui. Il ne me manque plus qu'un.

  • Speaker #1

    Je vous ai dit en début d'émission, j'essaye de faire tout comme vous. Ah oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Merci, c'est bien. Si seulement tous mes invités étaient la même chose. Alors, est-ce que vous préférez le cinéma ou le théâtre ? Ça, c'est pour vous emmerder, parce que c'est vraiment une question con. Oui.

  • Speaker #1

    Enfin, euh...

  • Speaker #0

    Là, en ce moment, vous êtes plus au théâtre que au cinéma, depuis quelques années.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai des très beaux rôles et que... Alors, étonnamment, les moments de grâce les plus marquants que j'ai eus dans ma vie, c'était au cinéma. Mais le travail, le partage... Et l'apprentissage humain, je le vis pour l'instant dans la troupe de la Comédie française et avec ces textes-là. Mais voilà, c'est-à-dire qu'avec les textes, évidemment que c'est le théâtre, mais hors texte, laisser jaillir quelque chose, laisser remonter à la surface, me laisser surprendre, c'est au cinéma.

  • Speaker #0

    Mais maintenant que vous êtes en plus écrivain, qu'est-ce qui va se passer ? Vous n'allez pas être obligé de choisir ? Est-ce que, par exemple, vous n'allez pas avoir envie de monter sur scène et de dire des extraits du Buvert de Brue ?

  • Speaker #1

    Ça, je vais le faire un peu, là. On le fait un peu pour... Je ne savais pas du tout, d'ailleurs, mais il y a plein de gens qui, maintenant, m'appellent pour...

  • Speaker #0

    Ce que vous venez de lire, là, le passage déguisé en cité, c'est marrant. C'est émouvant.

  • Speaker #1

    Je vais le faire un peu, mais pas trop non plus. Je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Les gars qui ont mis Guillaume à table, c'était autobiographique aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'était joué. Je jouais 52 personnages. Là, c'est juste de la lecture. Je veux bien faire un peu de lecture, mais pas trop non plus. J'aime être un passeur. Mais en général j'aime travailler avec, j'aime pas travailler seul.

  • Speaker #0

    On peut passer son propre texte.

  • Speaker #1

    Oui mais c'est seul, c'est solitaire. J'aime pas ça. Vraiment j'aime pas du tout travailler seul. J'ai fait deux monologues dans ma vie, les deux étaient très beaux, enfin m'ont beaucoup plu, mais je pouvais pas le faire trop longtemps. Au bout d'un moment on s'enferme dans une précision, c'est terrible.

  • Speaker #0

    Vous racontez d'ailleurs dans le livre... Il y a eu un moment, vous en aviez marre de jouer, alors c'était le club boréal, vous êtes devenu presque fou, à force de tous les soirs jouer la méchante ou la femme que tout le monde déteste. Oui,

  • Speaker #1

    c'est plus ça. C'est plus ça, c'était que j'avais envie de, j'avais besoin de, j'avais besoin de, oui, ah oui, oui, non, puis j'avais besoin de défendre cette femme, et au départ coûte que coûte, et en fait non, j'ai pas eu les moyens. de faire plus long que trois ans, mais c'est bien trois ans.

  • Speaker #0

    Et c'était le fait de jouer le monstre qui était trop difficile au bout de...

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas du tout. Ça, c'est pas le problème. Le problème, c'est de... Le problème, c'est la violence. Déjà, la violence masculine. Parce que, parce que, en fait, lorsqu'on est une femme avec un corset et qu'on se fait déshabiller, maltraiter, violenter, utiliser. traîner par terre tous les jours, c'était violent. En plus, c'est très concave.

  • Speaker #0

    lorsqu'on joue une femme, on encaisse, on encaisse, on encaisse et puis au bout d'un moment... Voilà.

  • Speaker #1

    Donc vous avez... bref. À un moment vous êtes parti vivre à Princeton pour enseigner...

  • Speaker #0

    Juste après oui.

  • Speaker #1

    C'était un genre de craquage d'envie de, là encore, comme le pensionnat en Angleterre, de foutre le camp de Steve Bidard, la France.

  • Speaker #0

    Vous avez été célébré,

  • Speaker #1

    vous veniez de recevoir toute la consécration d'on rêve. Un artiste ? Ah oui ! De Molière, Frank Cesar...

  • Speaker #0

    Mais là, on était... C'était plus tard, c'était en 2017, mais je suis parti... Non, je suis parti pour mieux revenir. C'est ce que j'ai dit à Eric Ruff. J'ai dit, écoute, là, j'ai vraiment envie d'arrêter de jouer, mais vraiment, je ne peux plus jouer ni Lucrèce, ni rien d'autre. Mais laisse-moi partir un an et je reviendrai la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Et vous êtes...

  • Speaker #0

    Évidemment, je ne suis pas parti vraiment un an parce qu'on a joué les Danéens en tournée à New York.

  • Speaker #1

    Vous avez mis en scène un opéra aussi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, je faisais déjà beaucoup de ballet. Et là, j'avais mis en scène Natchana Rentola. Mais à ce moment-là, à New York, j'ai écrit un ballet pour Alexei Ratmansky, pour l'American Ballet Theatre. On avait fait... Il voulait absolument un truc grec, mais pas forcément mythologique. Et donc, je me suis inspiré d'un des premiers livres de l'humanité qui s'appelle Kéreas et Kaliroé. de Cariton qui est assez incroyable parce qu'on voit que Shakespeare a absolument tout pompé. Et il y a Romeo et Juliette, il y a Pericles, Il y a le Comte d'hiver, il y a Othello, il y a tout. Et ça je l'ai adapté dans un ballet qui s'appelle Of Love and Rage qu'on a créé au Met. Enfin d'abord à Los Angeles puis au Met.

  • Speaker #1

    Vous voyez les gens qui nous regardent, tout ce que fait cette personne. C'est juste pour donner... parce que tout le monde ne sait pas que vous faites tout ça.

  • Speaker #0

    Ah non mais je le...

  • Speaker #1

    La folie !

  • Speaker #0

    Non, c'est des rencontres, c'est merveilleux. Non, non, non, c'est vraiment des rencontres. Et puis, j'adore travailler avec les danseurs depuis très longtemps. Vraiment, depuis très longtemps, j'adore aider les danseurs dans l'économie du signe. Enfin, bref.

  • Speaker #1

    Revenons au livre. Oui. Alors, vous êtes un fou de littérature russe. Oui. Vous le dites beaucoup dans le livre. Oui. Alors, vous citez Tolstoy, Dostoyevsky, Bulgakov, Gogol, Pouch... Neikoff évidemment, Gondjbarov, on en a parlé. Et pourtant ce livre, ce livre il est beaucoup plus français.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Premier livre autobiographique, une confession intime, oui oui. Vraiment à la Benjamin Constant.

  • Speaker #0

    Non mais non mais il n'est pas du tout russe. C'est plus russe. Non, il n'est pas du tout russe.

  • Speaker #1

    Et ce qui se passe ? Alors que vous êtes converti à la religion orthodoxe ?

  • Speaker #0

    Oui mais parce que je...

  • Speaker #1

    Vous avez écrit un livre d'Emmanuel Carrère.

  • Speaker #0

    Ah si seulement j'adorerais ! Et russe aussi ! Ouais !

  • Speaker #1

    Et j'ai européen aussi. Oui. Voilà l'explication. Vous faites comme lui. Vous savez qu'en septembre prochain, Emmanuel sort Colcose. Un livre intitulé Colcose.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore l'écriture d'Emmanuel Carrère. Il a des moments de fulgurance d'humanité. Moi, je n'oublierai jamais le mec qui, avant de se faire amputer, va niquer dans d'autres revues que la mienne. Ces pages-là... C'est d'une beauté. Puis dans Limonov, il y a des pages extraordinaires.

  • Speaker #1

    Un roman russe.

  • Speaker #0

    Et son article, d'ailleurs, un roman géorgien, est très intéressant.

  • Speaker #1

    Très intéressant. En tant que russo-géorgien, est-ce que vous avez choisi un camp ? Parce que la Géorgie est en guerre contre la Russie.

  • Speaker #0

    Alors, malheureusement, non, elle n'est pas en guerre.

  • Speaker #1

    Elle a eu une guerre il y a quelque temps. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, la Russie n'est pas... Non, elle est à la solde aujourd'hui. Elle est totalement à la solde de la Russie. Il y a un milliardaire. qui s'appelle Bizina Ivani-Juili qui vend son pays et son peuple pour quelques millions de dollars de plus comme s'il n'en avait pas déjà suffisamment et il vend littéralement son pays en corrompant totalement un gouvernement qui est à la solde de Poutine et qui réprime de plus en plus des manifestations pacifistes qui ont lieu tous les jours depuis ces élections truquées et on voit bien c'est la méthode Poutine entre guillemets la méthode douce Merci. qui est en utilisant, soit disant, la démocratie, avec une propagande des réseaux sociaux, des fermes de trolls qui polluent tous les médias et tout ça, la corruption, des bastonnades, des intimidations.

  • Speaker #1

    Des opposants en prison.

  • Speaker #0

    Des opposants en prison et qui sont condamnés, et puis carrément tués maintenant. Et voilà. Donc non, elle n'est malheureusement pas en guerre. Elle est déjà soumise. donc on espère que ça va bouger. Ce gouvernement a été reconnu, je crois, par les nobles pays du Nicaragua, de la Corée du Nord et de la Russie, point final. Il n'est reconnu par personne. Mais non, c'est tragique. C'est tragique. Déjà dans les supermarchés à Tbilisi, pratiquement tous les produits sont que russes. C'est déjà colonisé. Voilà.

  • Speaker #1

    Il y a une anecdote que j'aime beaucoup, pour être plus léger. Oui. C'est Babou, donc Babouchka, votre grand-mère.

  • Speaker #0

    Mon arrière-grand-mère.

  • Speaker #1

    Arrière-grand-mère. Oui. Elle est au sport d'hiver en Autriche. Oui. Et un baron allemand lui demande, avez-vous bien chié ce matin ?

  • Speaker #0

    Oui. Mais parce qu'en allemand, on ne prononce pas le K, on dit chia. Et donc, il se piquait de parler un très bon français. Et tous les matins, elle revenait du ski. et... vers l'heure du déjeuner, il se levait de son siège sur son balcon et comme ça, il tirait son chapeau et très fier du français qu'il parlait. Il disait « Bonjour, princesse, ça fait fou bien chier ce matin. » Et mon arrière-grand-mère, voulant rester très courtoise, lui disait « Merci, baron, j'ai très bien chié ce matin. » Et sans corriger sa faute.

  • Speaker #1

    Alors, je vais pouvoir enfin vous poser la question indiscrète que tout le monde me pose quand j'écris des livres autobiographiques. Oui. Et comment ils l'ont pris, vos parents ? Et comment l'ont pris vos frères ? Qu'est-ce que vous leur mettez quand même ?

  • Speaker #0

    Mes frères, rien du tout. Je leur mets rien du tout, mes frères.

  • Speaker #1

    Il y a quand même... Enfin, on a l'impression que ça a été dur. Votre enfance a été dure.

  • Speaker #0

    Pour eux aussi. C'est ce que je dis. Non, là, je dis pour eux aussi. D'accord. Non, mes frères, je leur mets rien du tout. Mon père, il n'est plus là.

  • Speaker #1

    Il n'est plus là.

  • Speaker #0

    Et puis mon père, quand même, je le...

  • Speaker #1

    Vous les sauvez tous les deux, bien sûr. Oui.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est un livre qui va de la colère à l'apaisement aussi. Mais ma mère, elle l'a lu, mais elle ne m'en a rien dit. Mais elle ne va pas bien. Elle a une santé épouvantable, la pauvre. Donc là, pour l'instant, ce n'est pas le sujet. Mais peut-être qu'elle m'en parlera ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Après, je crois qu'ils ont aussi compris que, bien sûr, il y a nos vies. Et puis, à ce qu'on en fait, il y a... après l'art le transforme oui et que voilà et après ça change rien nos rapports tant mieux ils peuvent être tendres parce que moi j'ai l'impression d'être tendre quand même je suis très sincère donc vrai j'ai nommé jaune et les choses mais franchement j'essaie toujours de réparer d'être dans la tendresse donc j'ai pas l'impression que ça fait jamais en tout cas la plainte, je joue cosette et plaignez-moi et en même temps il y a de la vengeance.

  • Speaker #1

    Ça dépend, il faut le lire jusqu'au bout. Voilà. Il faut le lire jusqu'au bout celui-là.

  • Speaker #0

    D'accord avec vous.

  • Speaker #1

    Nous avons un jeu que le monde nous envie dans cette émission. Oui. Il s'appelle Devine tes citations. Je vais vous lire des phrases de vous. Ah bon ? Oui. Et vous devez me dire alors, dans quel livre où votre signature apparaît, vous avez écrit ceci.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    À quoi peut-on croire seulement à la vie lorsque la mort vous sourit ?

  • Speaker #0

    Ça, à mon avis, c'est...

  • Speaker #1

    Il y a un piège.

  • Speaker #0

    Oui, parce que ce n'est pas Alicia. Si, c'est Alicia. C'est Alicia. Mais ce n'est pas de moi. Mais ça, ce n'est pas de moi. C'est Alicia qui l'écrit. C'est un poème d'Alicia. Oui, dont l'autre moitié du son, je m'appartiens.

  • Speaker #1

    Seulement à la vie, lorsque la mort vous sourit, vous pensez que la mort vous sourit ? Est-ce que vous y pensez ? Oui. Elle est présente dans ce livre.

  • Speaker #0

    Ah oui, elle est présente.

  • Speaker #1

    Il y a Thierry, Bénédicte.

  • Speaker #0

    Oui, il y a mon frère et ma sœur. Et puis, il y a Clara.

  • Speaker #1

    Et puis tous deux sont partis. Vous pensez souvent à la mort ?

  • Speaker #0

    À mes morts, plus qu'à ma mort.

  • Speaker #1

    Une autre phrase de vous ? Peut-être, c'est pas sûr. Rien ne vaut la douceur d'une maman.

  • Speaker #0

    Ah oui, alors c'est pas de moi, mais c'est dans le buveur de brume, c'est de Tolstoy, c'est dans Anna Karenin.

  • Speaker #1

    Oui, 1877. Alors, racontez la seule caresse de votre mère quand vous rentrez de pensionnat. Oui,

  • Speaker #0

    un vendredi, elle était venue me chercher à Rueilman-Maison et j'ai enfin... craqué, je lui ai dit en fait les insultes et les humiliations et tout ça, et je lui ai raconté tout, j'ai pleuré tout le trajet. Et en arrivant à la maison, je me souviens, on avait une petite pente comme ça où on garait la voiture, elle a garé la voiture, elle a éteint le moteur, j'étais assis à l'arrière là, et j'ai vu sa main. se mettre entre les deux sièges avant. J'ai vu sa main et elle a pris la mienne et avec son pouce, elle a caressé le haut de ma main, comme ça. Et puis voilà.

  • Speaker #1

    C'est la seule fois. Oui. Quand vous entendez parler de l'affaire Bétarame et d'autres pensionnats qui sont des endroits qui ont maintenant, qui ont enfin la parole se libère sur tout ça, sur les maltraitances aux enfants. pendant tout le 20e siècle. J'imagine que ça vous touche beaucoup.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas du tout surpris. Je ne suis vraiment pas surpris, mais moi j'ai été élevé au 19e siècle. Vraiment, ça ne me surprend absolument pas.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'à Passy-Buzinval, il y avait peut-être aussi de la violence, des châtiments corporels, il y en avait ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt entre les élèves. Non, oui, mais moi je me souviens d'un frère des écoles chrétiennes qui nous tiraient les cheveux là. C'était... extrêmement douloureux et qui nous tapait avec la règle, bien sûr.

  • Speaker #1

    Oui, sur les ongles.

  • Speaker #0

    Oui, comme ça. Surtout, c'est la mise en scène à chaque fois, tellement sadique, de présenter tes doigts. Et on le faisait, le fait de nous obliger à cet extraordinaire...

  • Speaker #1

    Jouer sur une règle carrée aussi.

  • Speaker #0

    Oui, oui, absolument. Des trucs de vrai sadisme.

  • Speaker #1

    Autre phrase qui est dans votre livre. Jusqu'à la fin de mes jours... Tout ce que je ferai sera gentil mais sans plus.

  • Speaker #0

    Ah, ça c'est Trigorine qui dit ça dans la mouette de Tchékov. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    1896. Cette phrase vous intimidait, parce que vous disiez je ne peux pas écrire, j'ai peur d'être gentil. Mais vous y arrivez, vous n'êtes pas gentil.

  • Speaker #0

    Je t'en avoue. Merci, c'est gentil.

  • Speaker #1

    Une autre. J'ai eu la chance de lire tant de chefs-d'oeuvre que je me suis toujours senti incapable d'écrire. Oui.

  • Speaker #0

    C'est dans celui-là. Dans le livre de Brume, oui.

  • Speaker #1

    Ben écoutez, je vais vous dire, si seulement les autres écrivains avaient autant de scrupules que vous.

  • Speaker #0

    Non, alors ce qui s'est passé en écriture pure, c'est vrai, c'est que dès que je voulais styliser, en fait, étant donné que c'est moi qui parle, c'est ma voix, dès que je voulais styliser, ça ne marchait pas. Dès que j'essayais que la phrase soit plus littéraire, disons, eh bien non, ça ne marchait pas.

  • Speaker #1

    Mais il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Ça s'annulait tout de suite, mais vraiment. Mais ça se dénonçait immédiatement. C'est ça qui est drôle, cela dit.

  • Speaker #1

    Mais c'est parce que vous avez un œil de lecteur, vous avez beaucoup lu, c'est ça aussi. Si on a beaucoup lu, on voit tout de suite ce qui est bidon. Une dernière, le jour où les femmes commencent à te faire des compliments, c'est que c'est fini.

  • Speaker #0

    C'est ma grand-mère qui disait ça.

  • Speaker #1

    Elle disait ça sur sa beauté. Oui. C'est terrible. Si les femmes te font des compliments...

  • Speaker #0

    Oui, elle me dit le jour où les femmes ont commencé à me faire des compliments, j'ai compris que c'était fini. Ben oui, parce qu'elle était extrêmement belle et que vraiment, elle rentrait dans une pièce, les gens s'arrêtaient. Et donc... Oui,

  • Speaker #1

    il y a une photo d'elle d'ailleurs dans le livre.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Magnifique. Je ne vais jamais la retrouver. Non,

  • Speaker #0

    non, non, on oublie. Oui, oui, oui, il y a plusieurs photos.

  • Speaker #1

    Elle vous a donné un cours de baisemain à Venise.

  • Speaker #0

    Oui, à côté à Habano, oui.

  • Speaker #1

    Ah oui, il faut raconter, parce que alors, donc vous, vous précipitez pour embrasser la main.

  • Speaker #0

    Mais c'est qu'elle me présente à une princesse italienne, je ne sais quoi, dans son truc. Elle prenait les os, elle prenait les os. Et c'était des bains de boue, je ne sais quoi, à Habano. Et elle m'avait invité une année pour pouvoir me faire découvrir la Vénusie. Et donc elle me présente cette princesse italienne et je plonge dans un baisemain. Donc,

  • Speaker #1

    faites le baisemain trop bas.

  • Speaker #0

    En fait, pas seulement trop bas, mais trop...

  • Speaker #1

    C'est important pour les auditeurs de Garot Télé de bien savoir faire le baisemain.

  • Speaker #0

    Pas seulement trop bas, mais pas souple. C'est-à-dire que c'était un peu rigide. Ah oui,

  • Speaker #1

    genre comme un Allemand.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'elle m'a dit tout de suite. Elle m'a dit, il ne manque plus que tu claques les talons. Ah mais ah ! Et moi, j'étais très fier d'avoir fait... J'avais 15 ans ou 16 ans. Et je dis, mais pourquoi ? Elle me dit, non, t'es pas dans l'armée allemande.

  • Speaker #1

    Donc,

  • Speaker #0

    le vrai baisement... Elle me dit, un baisement est un hommage qu'un homme rend à une femme. Donc, il doit être fait avec délicatesse et souplesse. Et donc, voilà. Et donc, il suffit.

  • Speaker #1

    On a le droit de la monter, la main, un peu.

  • Speaker #0

    Oui, un peu. Et on se court. C'est souple, surtout. C'est pas...

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Nous passons maintenant au conseil de lecture de Guillaume Gallienne. Je vous avais envoyé les questions.

  • Speaker #0

    Alors ? Vous vous souvenez ? Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Attention. Un livre... Parce que vous êtes un grand lecteur, donc on a besoin de savoir, on a envie de connaître vos goûts. Oui. Un livre qui vous donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    L'hibiscus rouge de Shimamanga Ngozi Adichie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est pointu. Oui, oui. C'est sublime.

  • Speaker #0

    C'est sublime. Alors, c'est d'abord écrit en anglais, mais c'est merveilleusement bien traduit. C'est vraiment très, très, très beau. C'est une écriture extraordinaire. J'adore cette auteure. Elle est nigériane, mais aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Pourquoi ça vous fait pleurer ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y a un amour impossible. C'est une jeune fille battue et un père fou furieux. et qui découvre ce que c'est que l'amour familial avec des cousins, avec une tante merveilleuse. Et là, elle tombe amoureuse d'un prêtre qui a compris. C'est terrible. L'amour non réciproque est une des choses qui me bouleverse le plus au monde.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a lu celui-là, un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Euh... Partenariats sont complexes de Philippe Rott.

  • Speaker #1

    Impubliable aujourd'hui, hein. C'est comme, il se masturbe dans un bus...

  • Speaker #0

    C'est à mourir de rire. Non mais quand il se masturbe chez lui et que sa mère va... Non mais c'est à mourir de rire.

  • Speaker #1

    Il masturbe dans un rôti, non ?

  • Speaker #0

    Non, après il le fait avec... Il le fait avec une sauce vinaigrette. Il le fait avec une sauce Paul Newman, sauf qu'avec la vinaigrette ça lui fait mal. Ça le brûle.

  • Speaker #1

    Bon, j'ai quoi d'autre ? Attends, sur ma liste, pardon, je deviens débile. Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    La montagne magique de Thomas Mann.

  • Speaker #1

    Ah bon ? Oui, c'est vrai qu'il devait rester trois semaines, il reste sept ans. On se flingue !

  • Speaker #0

    On se flingue ! Mais c'est très beau, c'est merveilleusement bien écrit tout, mais c'est quand même...

  • Speaker #1

    Oui, c'est un bon bisutage. Un livre pour crâner dans la rue.

  • Speaker #0

    le le zen de l'art chevaleresse du tir à l'arc ça ça jette ça c'est à mon avis vous baladez quand même oui ouais un livre qui rend intelligent j'ai envie de presque dédire tous parce que Parce qu'il faut aussi des choses qui qui on a le droit de dire mais ça chier ça, ça ne va pas. Il y a la lecture de toute façon. Oui, on apprend. Oui, vous place vous en. Vous avez le droit de juger aussi. Vous avez le droit de dire mais je m'ennuie. Vous avez le droit de dire mais ça chier. Mais un livre qui rend intelligent les mémoires d'Adrien et d'Ursena,

  • Speaker #1

    de Marguerite Ursenat. Un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Ça dépend quelle tranche d'âge.

  • Speaker #1

    Ah oui, vous voulez dire que... Genre, si vous voulez séduire des jeunes, vous allez vous balader avec...

  • Speaker #0

    Ben ouais, ça va être... Et au puceau ? Ben non, mais ça va être plus genre... Non, mais comment s'appelle l'autre, là ? Cohen ?

  • Speaker #1

    Oui, Albert Cohen pour Belle du Seigneur.

  • Speaker #0

    Belle du Seigneur, ça, il y a toute une tranche d'âge qui tombe en pamoison. Il y en a d'autres, c'est le deuxième sexe. Et puis, il y en a d'autres, on va aller plus vers...

  • Speaker #1

    Annie Ernaux.

  • Speaker #0

    Ah, alors là, ça devient quel genre ? Mais bon, bref.

  • Speaker #1

    Attention, un livre que je regrette d'avoir lu. Vous allez me dire encore que vous ne regrettez rien.

  • Speaker #0

    Non, un livre que je regrette d'avoir lu, eh bien, en fait, j'ai oublié le titre. Je me souviens très, très bien.

  • Speaker #1

    Clamsay à Tatawin.

  • Speaker #0

    Non mais ça alors d'abord j'ai... Non mais c'est surtout c'est... Non c'était un livre euh... Comment ça s'appelle ? C'était... Ça faisait vraiment l'hypocagneuse de service qui faisait genre très simple mais en plein milieu quand même un petit truc...

  • Speaker #1

    Un petit adverbe.

  • Speaker #0

    Un petit truc un peu et on fait Haaaaaa ! Voilà.

  • Speaker #1

    Un livre que je fais semblant d'avoir fini ?

  • Speaker #0

    L'Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    Ah ouais comme beaucoup de mes invités. Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    La longue route du sable de Pasolini.

  • Speaker #1

    Tiens, bien, oui, original.

  • Speaker #0

    J'ai marqué des points là ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Le pire livre que vous ayez jamais lu de toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Alors pire, non pas parce qu'il est mal écrit, mais parce que j'ai jamais eu aussi froid aux os, c'est les récits de la Colima de Charamont.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ouais. Sur le goulag.

  • Speaker #0

    Sur le goulag et sur... Parce que là, c'est pas du sadisme ou de la haine, c'est encore plus... C'est-à-dire que l'homme n'est même plus victime, il est carrément minéral. Il ne vaut pas plus une pierre, enfin il est minéral. Et puis la bêtise, la bêtise autour est dingue. Elle est vraiment comme disait Einstein, elle est infinie. Et puis c'est merveilleusement bien écrit,

  • Speaker #1

    insoutenable. Et le livre que vous lisez en ce moment ?

  • Speaker #0

    Je viens de commencer Les Cambrioleurs de Fabio Viscogliozzi. Et vous connaissez pas ? J'adore cet auteur. Ah, il faut lire Fabio Viscogliozzi, Frédéric.

  • Speaker #1

    Il faut lire Fabio Viscogliozzi.

  • Speaker #0

    Non, mais je vous en supplie, lisez... Allez, où est la caméra ? Lisez... Non, mais réellement, je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit. C'est à tomber. Montblanc, très très beau, plus autobiographique sur... Bref, sur la mort de ses parents. L'apologie du slow.

  • Speaker #1

    Ah ça fait bien,

  • Speaker #0

    j'avais lu ça je crois,

  • Speaker #1

    l'apologie du slow c'est très important.

  • Speaker #0

    Merveilleux, et là les cambrioleurs.

  • Speaker #1

    Ok, merci beaucoup Guillaume Gaillen, j'ai une dernière question avant de nous quitter. Au bout du compte, après avoir écrit votre premier livre, la différence entre la littérature et le théâtre, est-ce que ça n'est pas tout simplement qu'au théâtre il faut être quelqu'un d'autre et en littérature il faut être soi-même ?

  • Speaker #0

    Ah, ça me plaît beaucoup. Alors, c'est drôle parce que là, en ce moment, j'écris mon deuxième livre et ce sont des paroles de femmes et je ne sais pas si c'est forcément moi-même. Néanmoins, je trouve que la vraie différence, c'est en fait la mobilisation en écriture n'a pas de temps.

  • Speaker #1

    Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout, n'oubliez pas... n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage.

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