- Speaker #0
Cette semaine, Conversation chez la Pérouse est sponsorisée par le Cherche-Midi éditeur qui veut mettre en avant ce roman, Le fou de Bourdieu de Fabrice Pliskin. Vous connaissez Fabrice Pliskin ?
- Speaker #1
Absolument, et en plus c'est vraiment un des meilleurs romans de la rentrée.
- Speaker #0
C'est vrai que c'est très très drôle. Le fou de Bourdieu, c'est un type qui s'appelle Antonin, qui est bijoutier. Un jour, il y a un hold-up dans sa bijouterie et il tire sur le bandit. Le cambrioleur meurt. Et le bijoutier qui s'est pris pour l'inspecteur Harry est emprisonné. Et en prison, Antonin va lire toute l'œuvre de Bourdieu sur les dominants, les dominés. Il se remet en question et à la sortie de prison, il se met à appliquer la théorie du grand sociologue Béarnet. Et il y a des chapitres hilarants où le bijoutier devenu wokiste reçoit un musulman chez lui. Et il n'arrête pas de lui répéter qu'il comprend sa souffrance de dominer. C'est vraiment désopilant. C'est un peu genre le capitaliste qui devient Édouard Louis. Bon, voilà, j'en dirai pas plus, mais Plissking écrit dans le Nouvel Obs, et je trouve ça très courageux de sa part d'écrire un roman qui aurait pu être de Patrice Jean ou Abel Quentin.
- Speaker #1
Très courageux et très bien écrit. Oui. Très drôle.
- Speaker #0
Oui, oui, très drôle. J'allais vous l'offrir, mais en fait vous l'avez déjà lu. Donc c'est Le foot pour Dieu de Fabrice Biskine, recherche midi éditeur. Et maintenant on commence l'émission. Bonsoir et je suis très heureux de recevoir ce soir Cécile Gilbert pour son nouveau roman
- Speaker #1
Feu sacré,
- Speaker #0
publié aux éditions
- Speaker #1
Grasset.
- Speaker #0
Bravo, merci beaucoup. C'est un grand livre, c'est votre meilleur à mon avis, Feu sacré, un récit à la fois familial, initiatique. Dans un style très simple et accessible qui rappelle un peu les mémoires du Dunphy-Ranger de Simone de Beauvoir, vous avez décidé de fendre l'armure.
- Speaker #1
Oui, je pense que c'est la première fois que je raconte autant de choses personnelles et assez intimes. Et en fait, en l'écrivant, je me suis rendu compte que parler de... Les termes d'une sorte d'autobiographie spirituelle, disons, et intellectuelle, mais aussi spirituelle, finalement c'était plus compliqué que de raconter des scènes de sexe. C'est-à-dire que la spiritualité c'est vraiment, je pense, le comble de l'intime.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
C'est quelque chose, et c'est difficile de faire comprendre, surtout dans notre monde un peu... disons de plus en plus athées, de plus en plus dubitatifs sur un certain nombre de réalités ou du mystère même de ce qui relie le ciel à la terre ou de l'invisible, d'aborder ces questions parce qu'elles ont été caricaturées d'une part par tous les babacouls qui allaient en Inde dans les années 70, par toute la vogue du développement personnel où il y a beaucoup de charlatanerie autour du bien-être, positiver, etc. Enfin, tout ça crée une sorte de compote.
- Speaker #0
Mais vous, vous arrivez à en sortir très bien parce que Vous exposez précisément, vous dites, vos deuils, vos souffrances et l'itinéraire d'une jeune femme qui aimait sortir, boire, déconner, prendre de la drogue, voyager. Et qui n'était pas du tout au départ, même plutôt hostile à tous ces hippies de votre famille. Parce qu'autour de vous, il y avait pas mal de gens qui étaient allés en Inde.
- Speaker #1
Oui, alors justement, je viens d'une famille qui avait la caractéristique de ne pas être composée de hippies, mais d'être composée de certains membres qui avaient été initiés en Inde par soit un grand maître de yoga en ce qui concerne la tente dans les années 70, soit un grand maître d'une doctrine spirituelle indienne qui s'appelle l'Advaita Vedanta, on y reviendra peut-être, dans le sud de l'Inde à la suite de différents événements de leur propre vie. Donc j'ai toujours entendu parler de l'Inde dans ma jeunesse. Ça m'a intrigué, ça m'a attiré parce que l'Inde c'est quelque chose de très romanesque, c'est quand même Kipling, les tigres, les marajas, tout ça, c'est romanesque l'Inde. Mais enfin je n'étais pas plus attiré que ça par la spiritualité, et j'étais effectivement une jeune fille assez rebelle, assez révoltée. Moi mes feux sacrés à l'époque c'était la poésie, c'était la littérature que j'ai découverte.
- Speaker #0
Oui, Rimbaud,
- Speaker #1
Norma Genette, tous les révoltés, tous les grands brûlés, les calcinés de l'absolu et de l'infini. Mais je n'accordais pas du tout de mépris à cette affaire indienne. Mais j'en étais loin. Et puis progressivement, effectivement, je me suis rendu compte au fil de ma vie que je m'en rapprochais pour différentes raisons qui étaient liées à des événements, des deuils. Donc moi, je déteste la mort, mais il se trouve que les morts m'ont initié. Donc,
- Speaker #0
c'est cette dimension-là. Ça commence par le suicide d'un cousin, en 1980.
- Speaker #1
J'étais comme mon jumeau, puisqu'on avait exactement le même âge, à 17 ans, un suicide assez énigmatique, comme tous les suicides, mais bon, qu'il a été particulièrement. Et puis après, j'ai été initiée par l'agonie de ma grand-mère, qui était une femme très importante pour moi, qui m'avait élevée, et j'ai vraiment veillé son agonie. C'est la première fois, je pense, que j'ai été en contact avec cette dimension de la disparition de l'être, en fait. Et qui m'a provoqué un chagrin énorme. Et puis après, une forme d'acceptation. C'était une expérience très intéressante qui m'a fascinée. Un peu comme quand mon mari était dans le coma. C'est-à-dire ce genre d'expérience, on est entre la vie et la mort. Et là, tout d'un coup, on s'abîme dans des gouffres de réflexion.
- Speaker #0
Alors, vous aviez écrit un livre sur votre mari dans le coma. C'était Réanimation en 2012. Déjà, la mort était un peu votre muse.
- Speaker #1
Oui, la maladie, l'entre-deux, les expériences métaphysiques. En fait, j'ai toujours eu la tête métaphysique, c'est-à-dire que ça m'intéresse et ça m'a toujours attiré depuis que je suis enfant de savoir qu'est-ce qu'il y a au-delà de la physique, au-delà du réel. Est-ce qu'il y a quelque chose ? Est-ce qu'il n'y a rien ? Moi, je pense qu'il y a quelque chose, mais que je ne pourrais pas définir. Je n'ai pas la foi au sens catholique d'une religion. Et il se trouve que l'hindouisme, si vous voulez, c'est une religion étrange parce que c'est une religion qui, d'abord, n'existe pas. Ça comporte des tas de sectes, de croyances, d'écoles de pensée. Et puis ça n'existe qu'en Inde. Il n'y a pas de prosélytisme. Si vous n'êtes pas en Inde, il n'y a pas d'hindous. Donc il faut aller là-bas pour comprendre un peu ce que c'est. Les livres ne suffisent pas.
- Speaker #0
Mais moi, quand j'ai lu le livre, d'abord, je trouve qu'on est entraîné par votre intelligence, votre humour aussi. C'est évidemment parce que vous n'arrêtez pas de vous moquer. de cette attirance que vous avez, de votre rapport à l'Inde et tout ça. Sinon, ça ne m'aurait pas touché. Et en même temps aussi, venant de vous, quelqu'un qui a écrit sur Andy Warhol, sur Laurence Stern, sur Guy Debord, sur Saint-Simon, quel rapport avec un délire métaphysique chez des maîtres de yoga ? Est-ce que vous prenez pour Emmanuel Carrère ?
- Speaker #1
Pas du tout, mais il y a quand même un lien. C'est-à-dire que quand j'ai écrit, j'ai été progressivement sensible à la pensée orientale. Et quand j'ai écrit, par exemple, mon livre sur Warhol, en fait, j'ai fait de Warhol un sage taoïste. Je n'ai pas fait le roi du pop art. Ça ne m'intéressait pas tellement son art. En fait, ce qui m'intéressait, c'était sa personnalité, comme ça, entre ying et yang, noir et blanc, frais et faux, oui et non, etc. Donc déjà, je commençais à être un peu habité par cette affaire taoïste et de cette pensée orientale. Parce que ça, ça m'a toujours intéressé intellectuellement. Et puis quand j'ai fait réanimation, c'était pareil. C'est-à-dire qu'en fait, au moment où mon mari tombe dans le coma, j'étais en plein de promos de Warhol, il commence à revivre une espèce de truc warholien, une sorte de trip. Donc en fait, ce que j'essaye aussi d'expliquer dans Feu Sacré, c'est parce que j'ai bien conscience que les gens se disent « Mais comment ça se fait que cette fille qui a été entichée de Saint-Simon, par exemple, roi de l'identité ? » L'identité, oui, ça me fascine, parce que dans ma famille, on est un petit peu déraciné, on n'est pas... On a une identité comme tout le monde, mais si vous voulez, pour les Indiens et les Indous, il ne faut pas justement se faire une fixette identitaire. Donc c'est des choses qui sont…
- Speaker #0
Qui sont en filigrane déjà dans votre œuvre. Oui, c'est vrai, on va y venir d'ailleurs.
- Speaker #1
Donc finalement, il y a plus de cohérence. Et puis en plus, ce que je dis aussi, c'est que pour que j'écrive, il faut vraiment qu'un sujet m'excite beaucoup. C'est-à-dire que je ne suis pas quelqu'un qui fait un livre tous les deux ans.
- Speaker #0
Enfin quand même, je vais vous faire lire un passage que moi j'ai bien aimé, qui a strictement rien à voir avec l'hindouisme.
- Speaker #1
Grisé par cette nouvelle liberté qu'il trouve chaque jour dans Manhattan sans motif d'excitation, je sors tous les soirs, entre les bars à la mode et les clubs de jazz, bois et me drogue sans oublier de m'envoyer en l'air. On a moins de chance de me trouver à la bibliothèque de Columbia que devant un saladier de cocaïne à l'anniversaire de Keith Haring, au dernier vernissage de Basquiat. avec ce qui reste de la bande à Warhol ou sifflant des cocktails en compagnie de Bret Easton Ellis et Jay McInerney sous les stroboscopes de Nels ou du Lam Light. Je vous reconnais bien là.
- Speaker #0
Non mais la meuf qui va sniffer de la coke avec Jay McInerney.
- Speaker #1
Ça j'avais 22 ans ou 3 ans.
- Speaker #0
On imagine mal aller ensuite dans un ashram à Benares.
- Speaker #1
C'est les grands pêcheurs. Oui,
- Speaker #0
mais c'est ça que je veux vous faire dire. Vous êtes un peu comme Saint-Augustin ou l'itinéraire de Charles de Foucault.
- Speaker #1
Il faut avoir beaucoup péché pour connaître la grâce.
- Speaker #0
Je le crois, je le crois. Mais vous auriez pu rencontrer la grâce, comme moi,
- Speaker #1
ça m'est arrivé dans un monastère qui s'appelait la grâce,
- Speaker #0
d'ailleurs.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai. Oui,
- Speaker #0
c'est vrai. Mais c'est un hasard ou c'est vraiment parce qu'il y avait un atavisme familial vers cette destination ? Je raconte ce qui se passe. Vous allez donc dans un ashram du Kerala pour voir votre oncle.
- Speaker #1
Mourant, oui.
- Speaker #0
qui est en train de mourir, et vous rencontrez un maître qui s'appelle Sri Adwayananda.
- Speaker #1
Absolument.
- Speaker #0
Et là, vous vous fondez en larmes et vous vous tournez par terre.
- Speaker #1
Oui, c'est assez inexpliquable parce que mon oncle voulait me présenter ce grand maître depuis très longtemps. C'est d'ailleurs quelqu'un qui venait parfois en France, qui faisait des voyages en Europe, qui avait des disciples dans le monde entier. Un petit cercle, ce n'est pas un gourou d'opérette style...
- Speaker #0
Raël.
- Speaker #1
...Little's. Non ! Mais oui, parce qu'en fait, il y a beaucoup d'imposteurs en Inde. Et depuis la nuit des temps, même les Indiens, parfois, se laissent avoir par des imposteurs. Parce qu'il n'y a pas de clergé, il n'y a pas de dogme. N'importe qui peut se... En l'occurrence, c'était un vrai maître authentique, un très grand maître. Et j'avais toujours un peu résisté au fait d'y aller. Mais j'ai voulu revoir mon oncle Morand, donc j'étais obligé d'y aller. Et donc là, j'y suis allé. Et c'est vrai qu'à ma grande surprise, j'ai été frappé par la présence de cet homme qui est une présence comme vous et moi, si vous voulez, mais qui a quelque chose de plus.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a quelque chose de plus que moi ?
- Speaker #1
Un magnétisme dans le regard. Il y a écrit d'un personnel dans cette présence qui est très troublant et qui, en fait, comme s'il venait, il appartient aussi à un autre monde. Oui, j'ai été frappé par ça, mais c'est... Comment dire ?
- Speaker #0
C'est un détachement des choses matérielles. C'est une sorte d'unité. Vous parlez beaucoup de ça avec l'absolu. Mais moi, ce sont des mots très beaux.
- Speaker #1
C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui est établi dans une autre dimension que celle de la sensation juste psychophysique d'exister ou cognitive, si vous voulez. Donc il est dans le monde phénoménal, comme ils disent là-bas. Il a des perceptions sensorielles de l'entendement et tout ça, comme tout le monde, comme tout être humain, mais par des exercices qui ont sans doute... était extrêmement profond, des exercices de méditation, de profonde méditation yogique, pas seulement de faire des mouvements de yoga, mais de yogique au sens de méditation et de pénétration d'un certain nombre de cette doctrine de l'Advaita Vedanta, il est établi dans un autre site de lettres dont il nous envoie des fragments à travers son regard, parce que ça passe principalement à travers le regard et aussi une attitude... attitude. C'est difficile à expliquer, je l'explique dans le livre mieux que je le fais ici, mais en tout cas, c'est pour quelqu'un de rationaliste et de plutôt de non-perché. Oui,
- Speaker #0
c'est ça.
- Speaker #1
C'est assez troublant et c'est vrai que ça a été une sorte de révélation. Mais je peux aussi dire la chose suivante, c'est qu'en fait, vous dites, par exemple, je vous ai allé dans un monastère, mais moi, la première fois que j'ai mis le pied en Inde, je me suis sentie chez moi. C'était très étrange parce qu'il y a des gens qui sont absolument... rétifs à ce que représente cette réalité indienne.
- Speaker #0
C'est violent, il y a la misère,
- Speaker #1
il y a des odeurs fortes. Chez moi, j'ai toujours été enivré par le fait de mettre le pied en Inde. Donc je me suis dit, j'ai peut-être eu une vie antérieure là-bas.
- Speaker #0
Peut-être, mais oui. Et puis il y a cette idée, comme vous racontez beaucoup de tragédies familiales, la perte de ce cousin et plus tard en 2014, la découverte du cadavre de votre frère. Il y a cette idée de Vita Nova. Alors qu'est-ce que c'est la Vita Nova ? C'est que la mort c'est aussi une lumière ?
- Speaker #1
La Vita Nova c'est quand vous êtes, le terme étant protéadante comme vous le savez, la vie nouvelle. C'est-à-dire que je pense que dans la vie, tout un chacun, mais pas du tout réservé évidemment, tout un chacun peut renaître. C'est-à-dire repartir à la suite d'une épreuve ou d'un événement. Toute épreuve est un événement, mais tout événement est aussi... Quelque chose qui vous permet de muter, qui a toujours une face sombre et une face lumineuse. Si on ne se laisse pas écraser par l'épreuve, la maladie, le deuil, on est initié à quelque chose, on mute, on renaît d'une certaine façon. Ce n'est pas les born-again des chrétiens, mais c'est quelque chose qui vous fait évoluer, qui vous fait évoluer, qui vous fait vous transformer, qui vous apprenez quelque chose. Ça passe par la connaissance en fait. avec la connaissance La connaissance n'est pas que livresque. Moi, je suis folle de la connaissance livresque. J'adore lire, j'adore apprendre des choses. Mais la connaissance qu'on acquiert, ce que les Grecs appelaient ce qu'il y avait entre le pathos et le mutos, il y avait quelque chose, des puissances qui s'intercalent entre la souffrance et la délivrance. Non,
- Speaker #0
mais vous avez commencé en disant du mal des guides de développement personnel, mais le discours que vous tenez, il peut ressembler à celui de la résilience.
- Speaker #1
Alors je n'ai pas employé une seule fois le mot résilience dans le livre, parce que là on tombe dans l'idéologie de la résilience.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui vous distingue de ça par exemple ? Pourquoi vous dites plus Vita Nova ? C'est quoi la différence ? C'est quand même une forme de transformation personnelle à travers un drame. Et comment on rebondit ?
- Speaker #1
Parce que ça c'est une expérience universelle. L'expérience universelle de tout être humain, c'est d'être confronté au tragique de la vie. à travers différentes épreuves qui sont la perte des êtres chers, les deuils, la maladie, enfin toutes sortes de choses, ou même les propres échecs de sa vie personnelle. Ce que je n'aime pas tellement dans le développement personnel, c'est que d'abord c'est quelque chose qui a été inventé pour continuer à pressurer tranquillement les êtres humains. Donc c'est profondément lié au capitalisme, c'est profondément lié... Comme ça, une espèce d'idéologie de la performance. Et puis, ce serait comme l'application mécanique de formules qui sont un petit peu bébêtes. Quand on vous dit qu'il faut positiver, lâcher prise, tout ce vocabulaire est complètement en boutule. Et en fait, je ne me cache pas de me rattacher à une tradition qui est différente et qui est... authentique et qui a des millénaires et qui a du fond et il y a des textes et ça a été très important aussi pour moi les textes parce que c'est une littérature qui peut être poétique et puis qui est assez complexe qui est assez fascinante, qui est une sorte de labyrinthe,
- Speaker #0
une vie ne suffit pas à étudier tout ça ce qui est amusant c'est qu'on est en 2025 mais le parcours que vous avez fait il a été fait notamment par Hermann Hesse l'écrivain allemand qui a écrit Siddhartha en 1922, mais aussi Aldous Huxley, qui était un Anglais, qui a écrit La philosophie éternelle en 1948. Donc tous ces gens-là ont préparé le terrain pour Cécile Gilbert en 2025.
- Speaker #1
Oui, il y a eu des gens, beaucoup d'écrivains ont été attirés par la pensée orientale. Moi, mes frères, si vous voulez, mes frères d'âme sont plutôt René Dommal, quelqu'un que j'ai découvert qui s'appelle Lewis Thompson, parce qu'ils sont allés spécifiquement vers l'Inde. Il parle de la même chose que le bouddhisme, parce que le bouddhisme c'est encore autre chose, il faut être un petit peu précis. C'est vrai que quand j'ai découvert René Dommel et son casier contemporain qui est complètement inconnu chez nous, qui n'est même pas traduit, qui s'appelle Lewis Thompson, ça m'a fracassé. Et puis j'avais l'âge de mon frère, il y avait des tas de liens qui se faisaient entre tous ces hommes.
- Speaker #0
Vous aviez écrit d'autres récits précédemment ou romans qui décrivaient notre génération ? Nous avons le même âge. Le Musée National en l'an 2000, où l'héroïne était gardienne de musée. Les Républicains 2017, où c'était une errance, rue de Rivoli, entre anciens de Sciences Po qui se posent des questions sur la France. Et Réanimation, ça c'était vraiment un récit personnel sur le coma de votre mari en 2012. Est-ce que vous pensez que le problème de notre génération, c'est de sortir... d'une hélice myronique dans lequel nous baignons depuis notre naissance dans les années 60.
- Speaker #1
Écoutez, je risque de vous décevoir, mais je ne raisonne jamais en termes de génération.
- Speaker #0
Pourtant, Les Républicains, c'était vraiment... Oui,
- Speaker #1
il y avait quelque chose de générationnel, parce que forcément, on était une classe d'âge, et il était question d'une classe d'âge. Mais d'ailleurs, si vous voulez, Les Républicains, je considère que c'est un petit peu une anomalie dans mon...
- Speaker #0
Dans votre œuvre ? Vous reniez ce livre ?
- Speaker #1
Non, je ne le renie pas du tout, je ne renie rien, mais si vous voulez, c'est un petit peu une anomalie. Je ne veux pas rentrer dans les détails pour lesquels je l'ai écrit, les histoires de contrats, etc. Il y a un moment où parfois vous êtes obligé de livrer un livre, et de toute façon, comme Les Républicains, je l'ai écrit après la mort de mon frère, j'étais dans un drôle d'état, et j'ai fait ce truc comme une sorte d'échappée dans un autre...
- Speaker #0
Ah oui, mais moi je m'en viens,
- Speaker #1
parce que c'est une sorte de frivolité. Non, non, il était très bien Les Républicains, je n'ai rien contre. Mais c'est vrai que Feu sacré se rattache plus à une expérience comme réanimation, parce qu'en fait l'écriture autobiographique, j'ai envie de dire comme cette poétesse que j'adore, que si j'écris ces choses-là, c'est parce que certaines choses ne se détachent pas de moi et que je ne veux pas me détacher d'elles en fait. C'est un petit peu ça. Pour savoir ce que vous avez vraiment vécu, vous êtes obligé d'y penser, de l'écrire en fait, et de faire tout ce travail dans le passé. Je trouve que c'est assez... Si c'est universalisé, je trouve que ça peut éclairer d'autres...
- Speaker #0
Oui, alors éclairez-nous. Déjà, le point de départ, vous lisez un article sur un prince indien qu'on a retrouvé mort dans un palais en Inde, dans une forêt. Et il y a une phrase d'un poète éprince qui s'appelle Wajid Alisha qui dit « Les hommes prendront mes cendres pour un nuage » . Alors ce vers, je ne sais pas ce qui se passe, il y a une révélation avec ce vers précisément. Je le redis « Les hommes prendront mes cendres pour un nuage » . C'est extrêmement beau.
- Speaker #1
Oui, c'est très beau. Et cette histoire du prince indien qu'on a retrouvé mort chez lui, abandonné de tous dans un palais antique à côté d'un centre d'observation spatiale, ce qui résume évidemment toute l'Inde, m'avait frappé parce que j'ai découvert cet article un soir, un peu comme ça, de profonde mélancolie hivernale, puisque tous les hivers reviennent pour moi comme des dates. Fatale en fait, il y a quelque chose avec la saisonnalité, l'hiver est une saison terrible pour moi, parce que c'est la saison de tous ces deuils, et puis c'est la saison où les fêtes reviennent, et il se passe des choses tragiques, je déteste l'hiver.
- Speaker #0
Alors donc vous n'aimez pas la rentrée littéraire ?
- Speaker #1
C'est l'automne, ça va, après ça se gâte. Et cette histoire de ce prince évidemment faisait écho à la propre disparition de mon frère quelques années plus tôt, puisqu'il avait été retrouvé... mort seul chez lui de cause inconnue exactement comme ce prince indien et je savais quelque chose qui me qui commençait à bourgeonner dans ma tête en liaison avec l'inde et avec le avec le deuil. Donc je suis tournée autour de ça, puis j'ai bien aimé raconter cette histoire de ce prince indien, qui fera après écho à d'autres choses plus tard dans le livre, à la fin.
- Speaker #0
Mais pour les gens qui nous écoutent, qu'est-ce qui se passe quand on va dans la ville sainte de Bénarès et qu'on voit tous ces gens qui se prosternent dans le fleuve, le Gange ? Il y a quelque chose là, dans la lumière, qui vous frappe, qui est spécial. Les Indiens disent que le Gange, c'est la chevelure de Shiva.
- Speaker #1
Oui, et puis ils disent même que Benares, qu'on appelle aujourd'hui Varanasi, est une ville qui est située dans le ciel, pas du tout sur terre. C'est la ville la plus sacrée de l'hindouisme. Il y a sept villes sacrées, mais celle-là est la plus sacrée, c'est la ville de Shiva. Donc évidemment, c'est fascinant parce que c'est une ville qui est construite sur une rive et vous êtes au bord du Gange et dans l'horizon, il n'y a rien. Et c'est une zone maudite d'ailleurs de l'autre côté du fleuve. Donc rien n'est construit. Donc vous êtes sur le bord d'une ville et vous... Vous avez l'infini devant vous, en fait. Donc ça, c'est déjà très curieux. C'est la seule ville au monde que je connaisse qui soit bâtie sur une seule rive.
- Speaker #0
Une seule rive, oui.
- Speaker #1
Et puis, évidemment, il y a toutes ces prosternations dans le fleuve, ces rituels dans l'eau, etc., qui sont typiques de l'Indonésie.
- Speaker #0
Alors que le fleuve est très pollué.
- Speaker #1
Le fleuve est assez pollué,
- Speaker #0
tout à fait. Les gens jettent les cendres.
- Speaker #1
Oui, mais vous savez, il y a un dicton qui dit que le fleuve est tellement pollué que même les bactéries n'y survivent pas. Rires Et puis il y a surtout ces bûchers sacrés, parce que les Rives du Gange, c'est certes le lieu des rites, mais c'est le lieu des bûchers sacrés. Et vous voyez, a été allumé, il y a des millénaires, un feu, qu'on voit très bien, on peut le voir, et c'est à ce feu-là que s'allument tous les bûchers depuis des millénaires. Donc c'est-à-dire que c'était une ville où le feu se brûle depuis toujours. Et c'est la ville la plus ancienne du monde. Donc moi, si vous voulez cette idée du temps... De l'immémorial et de l'origine m'a complètement fasciné, et aussi le spectacle des bûchers sacrés, puisqu'en France on est habitué à faire des incinérations terribles. Là vous voyez des corps qui brûlent, nuit et jour. Nuit et jour, quand vous passez sur cette rive, vous voyez des flammes.
- Speaker #0
Et les gens sont plutôt joyeux, non ?
- Speaker #1
Non, les gens ne sont pas joyeux, ils sont une sorte de neutralité, mais il ne faut pas pleurer d'ailleurs, parce que si vous pleurez, c'est pour ça que les femmes sont interdites autour des bûchers. sacré parce qu'elle pleure et donc elle perturbe la sérénité. La sérénité et le fait que finalement on brûle un déchet et que l'âme se réincarne. Donc pour eux, l'âme se réincarne. Donc si vous voulez, la mort est une nouvelle naissance en fait.
- Speaker #0
Bien sûr, la cendre est un nuage. C'est pas triste. C'est ça. Est-ce que vous pensez que nous les occidentaux, nous avons perdu quelque chose ? Quand on vous lit, franchement, On a l'impression que notre obsession pour le luxe, par exemple, est ridicule face à l'extraordinaire richesse de la civilisation hindoue, de la sophistication de cette spiritualité, et que nous, on est vraiment des clochards. C'est ce que j'ai retenu, moi, quand j'ai lu votre livre.
- Speaker #1
Il y a quelque chose d'assez noble dans la cèse, ça c'est indéniable. Les Indiens, et a fortiori les grands maîtres et les gens qui vivent dans cette dimension spirituelle, ont une sorte comme ça d'ailier d'allure, une noblesse naturelle qui est extrêmement impressionnante. Il y a une beauté intrinsèque. Ce qu'on a perdu en Occident, c'est peut-être, je vais enfoncer une porte ouverte, mais c'est peut-être le rapport à la beauté, le rapport à une forme de simplicité. de frugalité. Il y a le truc des colos, ce n'est pas du tout ça. C'est quelque chose de l'essentiel. L'essentiel, les Indiens, mais aussi, honnêtement, je pense que la sophistication de la pensée juive est tout à fait impressionnante. La sophistication de la mystique catholique, Renan, est tout aussi impressionnante. Tout ça est passionnant.
- Speaker #0
Alors, en quelques mots, expliquez-moi ce qu'est l'Advaita Vedanta. fusionner avec l'absolu, ça fait penser au solipsisme, ça fait penser un peu à Saint-Augustin, vous en parlez dans le livre, pas si différent de certaines philosophies occidentales.
- Speaker #1
Je pense que tout est lié, d'ailleurs c'est pour ça que René Doman était si passionné par toutes ces traditions, parce qu'en fait il y a un lien finalement. Alors l'Ad Veta Vedanta, c'est ce qui vient après ce qu'on appelle le Veda, le Veda étant les plus anciens textes de la tradition indienne. Il y a eu beaucoup de controverses, de doctrines, etc. Mais la pureté de la pensée indienne, qui n'est pas seulement une religion, c'est aussi une pensée spéculative assez pointue. Il y a eu des grands philosophes, et c'est ça aussi qui est fascinant pour quelqu'un qui s'intéresse à la philosophie, c'est-à-dire que vous pouvez avoir aussi accès à des raisonnements et des spéculations métaphysiques qui sont dignes de Platon ou de Hegel. Et donc, Vedanta, c'est la fin des Vedas. C'est-à-dire que ce sont les derniers textes, et les derniers textes c'est ce qu'on appelle les Upanishads et la Bhagavad Gita, qui est un petit chant qui est dans le Mahabharata.
- Speaker #0
Il y a quelle année ?
- Speaker #1
C'est quelques milliers d'années avant Jésus-Christ, avec un grand grand philosophe au 9e siècle après Jésus-Christ qui s'appelle Shankara, qui a porté ça au sommet de la spéculation. Adveita, ça veut dire non deux, ça veut dire un. C'est-à-dire qu'il faut s'unifier. Alors, s'unifier, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous, vous êtes une âme individuelle universelle. Tout ce qui vous entoure et tout ce qui est, est une âme universelle. Et vous devez essayer de fusionner avec ça. C'est-à-dire que vous devez faire disparaître votre égo, qui n'est pas très intéressant. Chasser toute idée d'une identité sexuelle, professionnelle, familiale. Vous voyez, tout ce... Tout ce qui hante nous, les occidentaux, l'identité, la passion de l'identité, qu'on soit une minorité ou pas. Vous voyez dans quelle un peu tripe on est.
- Speaker #0
Je dirais que pour moi, perdre l'ego, la famille, il y a encore un peu de boulot.
- Speaker #1
Il y a du boulot, tout le temps. Du fond de main à faire. C'est plutôt libérateur de quitter ces espèces de fixettes identitaires, parce qu'en fait, vous êtes cette part du divin. Ça suffit, c'est très bien. Pourquoi être moins que ça ?
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Donc, on peut être orgueilleux et quand même...
- Speaker #1
Non, il faut avoir beaucoup d'humilité.
- Speaker #0
Oui, non, ça ne marche pas.
- Speaker #1
Savoir qu'il y a peut-être plusieurs vies qui seront nécessaires. Non, je plaisante.
- Speaker #0
Oui, oui. C'est vrai. Non, mais je continue de me poser la question. Pourquoi nous, les Occidentaux, avons négligé ce continent, l'Inde ? On parle de la Chine. On est obsédé par l'agressivité russe, par l'argent de l'Arabie saoudite, par le... La folie des États-Unis et on néglige l'Inde. Pourquoi on oublie l'importance de l'Inde ?
- Speaker #1
Il y a eu un livre qui s'appelait « L'oubli de l'Inde » d'ailleurs, qui avait été écrit, je me souviens, par un philosophe. Parce qu'en fait, pour trouver ce chemin-là, disons, de pensée spirituelle, il faut aller en Inde. Parce que vous ne pouvez y avoir accès qu'à travers des incarnations. Vous pouvez lire des livres évidemment, mais vous gardez le cœur sec quand vous lisez des livres, parce que vous faites travailler votre intellect et votre mental. Mais si vous voulez vraiment être touché dans votre sensibilité profonde, il faut rencontrer ces incarnations. Et elles ne sont pas tellement visibles en Occident. En Occident, il y a quelques gourous de Perrette qui viennent de Tauropin. Donc c'est pas facile, c'est pas une religion, c'est pas comme le catholicisme, l'islam ou le judaïsme, qui sont des religions qui sont répandues partout. Là, il faut aller en Inde, et beaucoup de gens ont peur d'aller en Inde, parce que justement, c'est un pays pauvre, les gens ont peur de la misère. Et puis bon, maintenant, il y a un gouvernement épouvantable, donc on n'a pas très envie. Et la suprémacisme hindoue est atroce aussi, il faut le dire. Je n'en parle pas tellement dans le livre, parce que ce n'est pas un livre politique, mais le suprémacisme hindoue, c'est atroce.
- Speaker #0
Les castes et tout ça.
- Speaker #1
C'est surtout que cet État qui était multi-confessionnel et maintenant fait la chasse aux musulmans. Vous voyez, ça devient très dur. Et puis, c'est très raciste, le suprémacisme hindou. C'est-à-dire que les hindous sont supérieurs à tous et les autres doivent dégager. C'est un peu ça.
- Speaker #0
On passe au jeu de vintécitation. Chère Cécile, je vais vous lire des phrases de vous tirées de toute votre œuvre. Et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit ceci. On verra si vos différentes incarnations se souviennent. chacune de l'autre. Première phrase de vous. C'est simple, j'avais toujours l'air de mauvaise humeur et d'engueuler quelqu'un. À côté, Yann Moix ressemblait à la fée Clochette.
- Speaker #1
Les Républicains !
- Speaker #0
2017. Vous voyez que c'est très bien ce livre. Il ne faut pas le renier. À côté, Yann Moix ressemblait à la fée Clochette. Je confirme. Pas du tout. Il vous arrive de sourire, la preuve.
- Speaker #1
Je souris sous le tout.
- Speaker #0
Parce que vous dites que vous êtes tout le temps de mauvaise humeur.
- Speaker #1
J'adore rire.
- Speaker #0
Non, alors vous... Et puis, bon, non, quand même, je pense que vous êtes physiquement mieux qu'Yann Moix. C'est pas méchant contre Yann. Yann, on te salue. Autre phrase de vous. Ah, ça c'est intéressant parce que c'est... Ça rejoint ce que vous écrivez dans Feu Sacré. Opulence et poubelle participent de la même lessiveuse de vacuité programmée qu'un souffle zen suffit à évacuer.
- Speaker #1
Warhol Spirit.
- Speaker #0
Oui, dans Warhol Spirit, primé d'ici ses essais en 2008. Donc, vous disiez déjà que la société de consommation était vide, vous disiez déjà que seul le zen peut nous sauver. Donc, effectivement...
- Speaker #1
Mon livre taoïste, comme je vous l'ai dit tout à l'heure.
- Speaker #0
Oui, mais c'est plus de 20 ans !
- Speaker #1
Oui, mais écoutez, il y a des gens qui l'ont dit, dans les années 50, on ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes.
- Speaker #0
Non, non, ce n'est pas une porte ouverte. Mais ce qui est intéressant, c'est de voir que ce chemin, cette trajectoire, elle était déjà inscrite là. Et encore une phrase qui peut s'en approcher. Alors, dans quel livre avez-vous écrit ça ? « Hors machine et rendement, hors profit, nombre et débit, les journées s'écoulent à nouveau dans leur splendide gratuité. » Je n'arrive plus à me lire. Aspirée par de larges cercles d'heures, tout pillant inlassablement sur elle-même, indifférenciée, docile, muette.
- Speaker #1
Réanimation ?
- Speaker #0
Pas du tout. Hors machine et rendement, hors profit, nombre et débit, les journées s'écoulent à nouveau dans leur splendide gratuité. Le musée national. Ah oui ! En l'an 2000. Donc déjà, il y a 25 ans, c'est très intéressant. Mon émission est vraiment bien préparée. Allergique au capitalisme financier, déjà. En quête de splendide gratuité, déjà.
- Speaker #1
Regardez, en 2000, je revenais d'Inde quand même. J'étais allé...
- Speaker #0
Oui, donc en fait, tout ça est logique.
- Speaker #1
Tout ça se tient.
- Speaker #0
Je continue. J'ai écrit ce livre pour savoir pourquoi je désirais tant l'écrire.
- Speaker #1
Feu sacré.
- Speaker #0
C'est dans le dernier Feu sacré. Ça rappelle une phrase de Duras où elle dit « J'écris pour savoir ce que je vais écrire » . Et vous avez la réponse, j'ai écrit pour savoir pourquoi je désirais l'écrire. Alors pourquoi vous désiriez tant écrire Feu Sacré ?
- Speaker #1
Parce qu'il me semblait qu'il y avait une constellation, disons, qui s'était déployée sur mon existence et qu'il y avait quatre points magnétiques qui étaient l'amour, les morts, les livres et l'Inde. Et que ces quatre points magnétiques, si vous voulez, avaient orienté une trajectoire qui avait sa cohérence et ses boucles rétroactives. Et que je pense qu'il est à la portée de tout le monde de considérer son existence avec cette vision comme quoi des signes vous sont adressés, des coïncidences se produisent, des synchronicités, et que tout est une question d'attention. La plupart du temps, on n'y fait pas attention parce qu'on est pris dans le flux de l'affairement.
- Speaker #0
Oui, ou alors quand on a une souffrance, un malheur qui nous tombe dessus, on est presque révolté au lieu d'accepter que c'est peut-être... un signe aussi.
- Speaker #1
Oui, et puis que ça va vous permettre d'apprendre quelque chose et de vous transformer grâce à ça. Et donc, j'avais envie de vérifier ça, et pour le faire, j'ai dû, et j'ai commencé vraiment pendant le confinement, à retrouver mes archives, mes agendas, les lettres que ma famille m'avait écrites depuis que je suis enfant, et de voir que des dates revenaient, des chiffres. Alors bon, j'aurais pu faire un délire numérologique, mais je n'ai pas trop posé, je me suis même enfoncé là-dedans.
- Speaker #0
Il y a un petit peu. C'est vrai que ces signaux de l'existence, les coïncidences, les rencontres, notamment celle de cet oncle dans le Kerala. Oui, c'est vrai qu'on sent des gens que vous avez croisés qui vous ont parlé de quelque chose et puis vous vous en souvenez.
- Speaker #1
Et puis après la mort de mon frère, alors que j'ai refusé toute ma vie de faire du yoga, alors que ma tante était un éminent professeur de yoga, on me parle d'un yogi qui vit à Paris, qui y habite. qui habitait à 300 mètres de là où j'étais allée dans le Kerala. Et je suis obligée d'en faire. Je suis tellement malade que je suis obligée d'en faire. Je suis reprojetée vers ça. Il y a beaucoup de signes. Et je trouve que ça crée une sorte de féerie, de magie de la vie qui n'est pas déplaisante. Ça enchante un peu les choses et ça fait que les choses sont merveilleuses. Elles sont mystérieuses et merveilleuses. Je trouve que c'est plus agréable de se dire que sa vie est merveilleuse.
- Speaker #0
Et qu'elle a un sens.
- Speaker #1
Et qu'elle a un sens plutôt qu'elle est livrée comme ça, une arbitraire...
- Speaker #0
Plutôt que de juste... Et elle est absurde. Il y a quand même... Il est question de drogue psychédélique et de drogue dans le courant. Attention, il y a toujours... C'est vrai que cette espèce de relation entre... Vous êtes l'auteur d'une anthologie des écrits stupéfiants dans la collection bouquins. Mais il y a une relation dans le cas de Huxley. C'est flagrant. Il écrit... Il est chaud,
- Speaker #1
oui.
- Speaker #0
Et oui, voilà, il écrit Les portes de la perception, et en même temps, il est totalement fasciné par l'Inde.
- Speaker #1
Mais je vais vous dire, dans cette anthologie d'écrits stupéfiants, qui est une somme d'éruditions sur la littérature et la drogue, justement, dans l'introduction du volume, j'ai écrit un texte autobiographique. Et d'ailleurs, le volume est dédié à mon frère et à mon cousin, parce que justement, c'était des jeunes gens qui prenaient des drogues comme moi, et leur mort est peut-être liée à la drogue. On n'en a jamais su, en fait. pour l'un comme pour l'autre Et la drogue, c'est aussi un moyen, la drogue psychédélique, un moyen d'investigation de zones inconnues qui m'ont toujours passionné. Et je trouve qu'il y a quand même effectivement un lien que Michaud a très bien fait entre l'Inde et la consommation des drogues. C'est-à-dire qu'on cherche quelque chose. En fait, les gens qui se droguent, ils cherchent quelque chose aussi. Ce n'est pas juste récréatif pour se défoncer. Dans certaines prises,
- Speaker #0
certaines drogues.
- Speaker #1
Peut-être pas la cocaïne, mais... Non, non, non.
- Speaker #0
Pourquoi vous montrez ?
- Speaker #1
Parce que vous en avez beaucoup parlé. Non, mais la drogue psychédélique...
- Speaker #0
Non, mais c'est vrai que la cocaïne ferme et rend parano, alors que le LSD, par exemple, vous fait voir des dimensions parallèles, c'est vrai ? Non, mais sûrement. Après, ça ne veut pas dire qu'il faut le faire. Alors, je reviens à mon jeu. Une autre phrase de vous. Où avez-vous écrit ceci ? « Après une nuit sans rêve, les pépiments d'oiseaux m'éveillent au soleil levant dans une jungle tropicale. » luisante de rosée feu sacré 2025 ça c'est le paradis de l'ashram d'ananda va dit c'est vraiment à ce point là magnifique c'est un lieu tout à fait paisible pensez que si je vais si j'y vais moi par exemple ce que je vais moi aussi me prosterner où je vais continuer mon cynisme ridicule et hermétique nul ne peut répondre vous êtes devenu vraiment un moine Nul ne peut répondre, seul toi sauras le chemin de la lumière. Vous dites, à propos, une autre phrase, Sri Adwayananda possède une élégance naturelle, un délié d'allure, qui rehausse sa simplicité foncière d'homme libre comme l'air. Donc ce n'est pas du tout mon portrait, c'est celui d'un homme sacré. Bon, voilà, il a quelque chose. Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? Expliquez-moi.
- Speaker #1
Je vous l'ai dit tout à l'heure.
- Speaker #0
Le regard.
- Speaker #1
Il a une impersonnalité de sa présence qui est établie ici, dans le monde phénoménal, mais aussi ailleurs. Et en fait, vous en avez la preuve à travers son regard, qui n'est pas du tout le regard même de Terence Stamp. Il y a des regards magnétiques, mais c'est encore un autre type de regard. Et aussi sa parole. Il a une parole. Il ne se contente pas de dire des choses. Il a une parole, c'est-à-dire qu'il a une parole qui a une portée, que vous pouvez méditer. Donc, si vous voulez, c'est la différence entre la pensée méditante et la pensée instrumentale.
- Speaker #0
C'est assez marrant parce qu'à un moment dans le livre, vous dites « Je refuse de parler de cette expérience avec des athées laïcards. » En gros, c'est vrai que chaque fois que quelqu'un revient d'Inde avec une révélation,
- Speaker #1
Tout le monde récanne.
- Speaker #0
Il se fait chambrer à Paris, il se fait chambrer par tous les gens dans mon genre. Donc je vous remercie d'abord d'avoir accepté de venir ici, parce que c'est pénible. Et c'est vrai que malgré tout, comment vous faites ? Alors comment vous allez faire ?
- Speaker #1
D'abord, j'ai gardé le secret pendant des longues années, puisque je suis arrivée à l'âge qui est le mien aujourd'hui, pour parler de cette expérience qui remonte quand même à plusieurs décennies. J'ai voulu le faire dans un livre. Non, je n'avais pas honte. J'en ai parlé qu'à certaines personnes dont je pensais qu'elles pouvaient entendre cela. D'ailleurs, je ne me prive pas de dire dans le livre que mon époux, par exemple, est plutôt rétif à ce genre de choses et qu'il m'a beaucoup chambré aussi. Bien sûr, parce qu'en fait, l'ironie est un sport parisien bien connu.
- Speaker #0
Vous avez pratiqué aussi.
- Speaker #1
Oui, bien sûr.
- Speaker #0
Quand on écrit sur Saint-Simon.
- Speaker #1
Je ne me suis jamais moqué des croyances spirituelles des êtres. Et puis aussi, il y a une chose, c'est que d'abord, c'est difficile. difficile effectivement à comprendre et à expliquer et qui ne l'a pas vécu, mais surtout aussi on vit quand même dans un monde où il y a une sorte comme ça de pride, comme on dit de nos jours, à être dégrisé, si vous voulez, de toute croyance en la transcendance. Il y a une sorte de côté tête forte, esprit libre et esprit fort, un peu comme Don Juan qui défiait Dieu au XVIIIe siècle. C'est le côté des lumières, les lumières nous ont délivré de l'obscurantisme. Et nous nous campons là-dessus avec beaucoup de force. Dieu est mort, etc.
- Speaker #0
Oui, enfin, attendez, il y a quand même des millions et des millions de gens, même en France, qui ne sont pas du tout d'accord avec la mort de Dieu.
- Speaker #1
C'est quand même quelque chose de déviant dans la culture française. Oui. C'est très fort le côté délivré de l'obscurantisme. Et moi aussi, je pense qu'il faut lutter contre l'obscurantisme religieux. Mais l'obscurantisme religieux de certaines religions n'est pas... forcément toute spiritualité. En plus, en Inde, il n'y a pas d'obscurantisme au sens...
- Speaker #0
Non, non, mais c'est vrai que c'est un livre courageux, de ce point de vue-là. C'est un livre courageux, il va falloir... Quand vous allez en parler, c'est vrai que vous imposez le respect, je dirais, moi. Je trouve que vous imposez le respect, on lit le livre et on y croit, tout simplement.
- Speaker #1
J'espère, si vous voulez, que les gens qui s'intéressent à tout ça, évidemment, ils trouveront sans doute leur compte, mais que ceux qui sont extrêmement dubitatifs, très sceptiques, et qui appartiennent justement à cette tradition rationaliste, qui est la mienne, encore une fois, je ne suis pas passé de l'autre côté. Je suis toujours rationaliste et philosophe.
- Speaker #0
Ce qui fait l'intérêt du livre. Ce n'est pas quelqu'un d'illuminé qui l'écrit.
- Speaker #1
En fait, la question, c'est que... est-ce qu'il est plus intéressant de vivre en fermant toutes les portes et toutes les hypothèses, ou est-ce qu'il est plus intéressant de vivre en les maintenant ouvertes ? Je ne dis pas que nous avons la réponse, je ne dis pas que nous avons la certitude que la réponse est celle-là, parce que d'ailleurs, le dernier mot du livre, il y a un point d'interrogation. J'ai bien voulu qu'il y ait un point d'interrogation pour ne pas enfermer dans une conviction, un savoir, ou une... Voilà. Mais je trouve que c'est plus intéressant de laisser la question ouverte que de la fermer d'entrée de jeu. Voilà. Le questionnement métaphysique et religieux est plus intéressant que la fermeture totale de la question. Oui,
- Speaker #0
je suis tout à fait d'accord. C'est ce qui fait l'intérêt de ce projet. Non, non, mais c'est vrai. Et bravo et merci d'avoir écrit, d'essayer de me sauver. Alors, nouvelle rubrique dans cette émission, le questionnaire de Bec Bédé, puisqu'il y a eu le questionnaire de Proust, pourquoi pas. Donc, j'ai écrit des questions au bord de ma piscine basque cet été. Et vous répondez, si possible, brièvement. Ça va dans tous les sens. Je commence. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?
- Speaker #1
Pour sauver son âme.
- Speaker #0
Que savez-vous faire que ne sait pas faire Tchad GPT ?
- Speaker #1
Je ne sais pas ce que c'est faire Tchad GPT.
- Speaker #0
Tchad GPT, c'est lire.
- Speaker #1
Oui, je sais, mais... Je ne sais pas ce qu'il est capable de faire, parce que visiblement, il est même capable de se rebeller contre ceux qui le musèlent.
- Speaker #0
Donc, vous avez peur de lui ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Vous n'avez jamais eu peur, en écrivant votre livre, qu'il ne serve à rien ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?
- Speaker #1
La solitude.
- Speaker #0
Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ? Oui. Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?
- Speaker #1
Je trouve qu'il n'y en a plus en fait.
- Speaker #0
Oh ! Je le prends très mal !
- Speaker #1
C'est pas vous ! Dans la presse, il y a de moins en moins de critiques parce qu'il y a de moins en moins d'espace pour développer de la critique.
- Speaker #0
Fantasmez-vous, comme moi, sur J.D. Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?
- Speaker #1
Non, c'est un puritanisme qui me semble déplacé.
- Speaker #0
Un roman doit-il réparer le monde ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Quel est votre chef-d'œuvre ?
- Speaker #1
Feu sacré.
- Speaker #0
Êtes-vous une ouin-ouin ?
- Speaker #1
Qu'est-ce que c'est une ouin-ouin ? Ah oui, au sens de Bret Easton Ely, sûrement pas.
- Speaker #0
Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?
- Speaker #1
Oui, c'est pas mal.
- Speaker #0
Quel est le meilleur écrivain français vivant ?
- Speaker #1
Le meilleur écrivain français vivant ? J'ai peur de me faire trop d'ennemis.
- Speaker #0
Et le meilleur de toute la planète ?
- Speaker #1
Le meilleur de toute la planète ?
- Speaker #0
Vivant, hein ?
- Speaker #1
Ah, vivant ?
- Speaker #0
Le meilleur écrivain vivant dans le monde, actuellement.
- Speaker #1
Mes chéris sont morts, j'ai plus d'idées en tête, là. Vivant ?
- Speaker #0
Vous n'avez qu'à dire Bret Eastonis, puisque vous avez écrit la préface de ses œuvres en bouquin, vous avez...
- Speaker #1
passer des soirées avec lui à New York oui il y a le brattistanaisisme il y a Salman Rushdie il y a plein de gens ça en fait deux si vous étiez très riche,
- Speaker #0
continueriez-vous d'écrire ? oui la phrase de vous dont vous êtes le plus fier ? être seul c'est être soi avez-vous menti dans notre conversation ? non Ah, la question de Pierre-Henri, notre monteur, c'est la question Fahrenheit 451. Si les livres étaient interdits, quels livres seriez-vous prêts à apprendre par cœur ? Vous voyez, pour le réciter et le conserver.
- Speaker #1
L'Iliade.
- Speaker #0
C'est long ! Mais c'est bien, oui, oui. Je pensais que vous auriez répondu Les Fleurs du Mal. C'est marrant parce que vous parlez...
- Speaker #1
Oui, il y a tellement de livres que je voudrais apprendre par cœur pour les soulever.
- Speaker #0
Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?
- Speaker #1
Christina Campo, Les Impardonnables.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Que j'ai lu à un moment où j'étais fracassée, où je ne pouvais plus rien lire, et où j'avais l'impression que tout me glissait des doigts et je ne pouvais vraiment plus rien lire, et en fait... J'ai relu cette femme à ce moment-là et ça m'a sauvé, je pense.
- Speaker #0
Et enfin, quel est votre âge mental ?
- Speaker #1
Je dirais 33.
- Speaker #0
L'âge du Christ ? Oui. Merci beaucoup. Merci à vous Frédéric. Je tente un truc, c'est de refaire comme au début. Merci infiniment.
- Speaker #1
Cécile Gilbert.
- Speaker #0
Je vous ordonne de lire.
- Speaker #1
C'est sacré.
- Speaker #0
Aux éditions. Grâce. Ça a marché. Abonnez-vous s'il vous plaît à notre chaîne YouTube en cliquant sur s'abonner. Ce n'est pas très compliqué. Commentez les vidéos, ça nous aide à améliorer les choses. Sur Spotify, Deezer, Apple Podcast, plus vous likez et plus vous serez au courant des prochaines conversations. Je rappelle que l'émission est diffusée en 26 minutes sur le Figaro Télé le vendredi et une petite semaine plus tard, le samedi, la version intégrale est sur YouTube. Voilà, et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous finirez idiots. Bonsoir.