- Speaker #0
Juste avant qu'on commence, l'émission est financée par des publicités d'éditeurs. Et donc je dois parler des mémoires de Werner Herzog. Regardez ça, c'est superbe. C'est Chacun pour soi et Dieu contre tous aux éditions Seguier. Werner Herzog, c'est le réalisateur de Aguirre et de Fitzcarraldo et de Nosferatu, grand cinéaste allemand. Il raconte dans ce livre toute sa vie. Il était l'enfant de deux nazis. Il y a d'ailleurs de longs développements sur l'après-guerre en Allemagne qui peuvent être comparés à l'après-guerre au Rwanda. On va en parler tout de suite. Il y a aussi sa rencontre avec Klaus Kinski, qui était un fou complet, qui faisait des pièces de théâtre tout nu et insultait le public et jetait des objets sur les critiques. Chaque fois qu'il rencontrait un critique, il lui balançait des assiettes. C'était un vrai fou, mais un grand acteur. Et je pense que ce qui est intéressant dans le livre de Werner Herzog, c'est qu'il raconte une époque où le cinéma a été fait par des fous. Voilà, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, il doit être fait par des gens exemplaires. Et voilà, est-ce que c'est un progrès ou pas ? En tout cas, c'est Werner Herzog, chacun pour soi et Dieu contre tous, aux éditions Séguier. Ouais ! Ouais, bonsoir, c'est Freddy Becbédé pour Conversations chez la Pérouse. Et ce soir, le générique, il est slamé. Pourquoi ? Parce que je reçois Gaël Fay pour Jacques Aranda aux éditions Grasset. Ouais. C'est bien de rapper, mais il faut savoir le faire. Sinon, c'est préférable de se taire. Yeah. Bonsoir la France, nous sommes chez La Pérouse pour les conversations du même nom. C'est une émission de Frédéric Beigbeder. Après beaucoup de travail et de joie, nous avons fêté le prix Renaudot 2024 qui est remis à Gaël Fay pour Jacques Aranda aux éditions Grasset. Et merci beaucoup d'avoir accepté, malgré votre emploi du temps surchargé. De venir perdre du temps ici. Votre dernier livre, donc, Jacques Aranda, est une sorte de, on peut dire, de complément à Petit Pays.
- Speaker #1
Oui, c'est la pièce d'un puzzle. Oui, c'est ça. Qui s'emboîte avec Petit Pays. Mais il n'y a pas forcément besoin d'avoir lu Petit Pays pour comprendre Jacques Aranda et vice-versa.
- Speaker #0
Petit Pays, moi, je l'avais vu comme une sorte de Salinger à Bujumbura. C'est-à-dire... C'était un enfant un peu naïf au Burundi qui voit arriver la guerre et l'exil, mais avec un regard innocent. Et c'est peut-être quand même le point commun avec Jacques Aranda, qui est aussi raconté par un ado, qui lui aussi apprend l'horreur avec distance. Il l'apprend parce qu'il regarde la télé ou parce qu'il y a un cousin qui débarque chez lui à Versailles. Et ce Milan... en fait, il nous raconte la guerre de manière indirecte.
- Speaker #1
Oui, parce qu'au fil des années, je me suis rendu compte que souvent... Les drames qui nous étaient arrivés au Burundi, au Rwanda, vus depuis la France, ça nous paraissait lointain, presque le cœur des ténèbres de Conrad, comme si c'était une barbarie qui ne pouvait pas nous concerner. Et donc des personnages d'enfants métis qui sont un pied dans cette histoire, mais aussi un pied à l'extérieur de cette histoire, ça permettait d'avoir une forme comme ça de... de distance-proximité qui, d'une certaine manière, me rassurait, moi, dans ma légitimité à raconter cette histoire-là, et aussi peuvent rassurer les lecteurs et les lectrices. Parce qu'ils découvrent la situation au même rythme que le personnage.
- Speaker #0
Exactement. Et en fait, c'est même assez frappant. Quand son cousin arrive, il est blessé, il est traumatisé, il s'appelle Claude, il n'arrive pas du tout à dormir. Et le narrateur, je ne sais pas dans quelle mesure c'est des souvenirs personnels, pour réveiller ce garçon qui est un peu comme un frère. il débarque, il lui fait écouter Rage Against The Machine. Alors on va mettre les casques et on va écouter Rage Against The Machine pour se mettre dans l'ambiance de ce que c'était. Donc là, je raconte la scène. La scène qui est dans le livre, c'est que Milan saute sur son lit et fait du air guitar. Et ça, c'est quelque chose qu'on sent que c'est du vécu.
- Speaker #1
Ah non, c'est pas du vécu. Ah non, non, c'est pas du vécu. Moi, je n'étais pas en France à ce moment-là.
- Speaker #0
Non, c'est vrai.
- Speaker #1
J'étais au Burundi. Non, c'était pas du vécu, mais j'avais cette image de cette jeunesse. Versaillaises des années 90 que j'ai rencontré en arrivant en France.
- Speaker #0
Oui parce que moi j'ai fait du air guitare sur mon lit.
- Speaker #1
Ah oui d'accord, mais je pense que ça me faisait penser à ce clip de Michael Jackson, je sais plus lequel c'était.
- Speaker #0
Ah Black or White ?
- Speaker #1
Ouais c'était ça, où ça commence avec cet acteur de Maman j'ai raté l'avion qui est dans sa chambre. et le père qui monte à l'étage et qui lui crie dessus. Je voulais une scène qui me ramenait aux années 90, cette espèce d'insouciance de la jeunesse occidentale qui lui se prend d'une réalité qui est lointaine et qui arrive sous son toit et il ne sait pas comment gérer.
- Speaker #0
Il ne sait pas comment communiquer avec une victime du génocide. Je le dis, oui, vous êtes né en 82 à Butumbura, au Burundi. À l'âge de 11 ans, vous vous retrouvez avec un pistolet sur la tempe quand même. Ça c'est vrai. C'était le début de la guerre du Burundi.
- Speaker #1
Ça faisait déjà deux ans que nous étions dans la guerre. Et c'était surtout un moment où s'est télescopé ce qui se passait au Burundi, ce qui se passait au Rwanda et ce qui se passait en France. C'est-à-dire cette scène pour moi, c'est presque un souvenir... traumatique fondateur de ce qui va être dans les années qui suivront ma grande difficulté d'identité, la difficulté à rassembler tout ce qui me constituait, c'est-à-dire être du Burundi, du Rwanda et de la France en même temps. Parce que ces jeunes personnes qui me menacent de mort me disent tu es un sale Français Et les Français vous... Vous nous avez assassiné au Rwanda. Donc le sous-texte était les politiques françaises de l'époque ont soutenu un régime qui a commis un génocide, sauf que ce génocide a été commis contre... Une partie de ma famille qui a été emportée. C'est le fils d'une toute-signe. Exactement. Et donc, à ce moment-là, je vis une situation vraiment de déchirement.
- Speaker #0
C'est compliqué d'expliquer. Voilà, il n'y a qu'une moitié de moi qui est peut-être responsable et l'autre moitié est victime. C'est évidemment une situation complètement absurde. Bon, vous êtes parti avec votre famille, vous réfugiez en France en 1995, vous aviez 13 ans, et là, on célèbre, enfin on célèbre, on commémore les 30 ans du génocide rwandais. de morts.
- Speaker #1
Alors permettez-moi d'être précis sur la dénomination. Nous sommes attachés au terme de génocide des Tutsis au Rwanda parce que les Tutsis ont été tués parce qu'ils étaient Tutsis.
- Speaker #0
Parce que j'ai dit quoi ?
- Speaker #1
Rwandais.
- Speaker #0
J'ai dit génocide rwandais.
- Speaker #1
Oui et génocide rwandais est un terme aujourd'hui qui malheureusement est utilisé par les négationnistes pour dire... À ce moment-là,
- Speaker #0
tout le monde a été tué,
- Speaker #1
ce n'est pas sans indifférence.
- Speaker #0
D'accord, non, non, non, bien sûr, pardon, vous avez bien fait de corriger. D'ailleurs, la définition ethnique est interdite aujourd'hui, là-bas. On ne dit pas, tu es Hutu, tu es Tutsi.
- Speaker #1
C'est la première mesure.
- Speaker #0
C'est paradoxal qu'on dise génocide des Tutsis au Rwanda, parce qu'on continue à maintenir l'ethnie.
- Speaker #1
Tout à fait, c'est vraiment cette tension aussi qui existe dans la société. Pendant les années qui ont... qui ont suivi le génocide, ont utilisé le terme de génocide rwandais. Et peu à peu, on s'est rendu compte que ça faisait le jeu des négationnistes. Et donc, le terme de Tutsi revient pendant trois mois lors des commémorations. Et c'est ce qui a fait que mes filles m'ont demandé un jour, en rentrant de l'école, mais qu'est-ce que ça veut dire Tutsi ? Parce que nous les élevons avec l'idée qu'elles sont rwandaises et on leur parle pas. pas de ces identités qui ont d'ailleurs des identités fabriquées par la colonisation. Et donc quand elles reviennent parce qu'il y a des calico à l'école, des affiches avec commémoration du génocide des Tutsis...
- Speaker #0
Ils disent mais qui sont ces gens ?
- Speaker #1
Qu'est-ce que ça veut dire ? Et donc là, on est bien obligé de répondre à la question.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, c'est intéressant que vous disiez ça sur vos filles, parce que c'est pour elles que vous avez écrit ce livre. C'est un livre de transmission. Votre mère ne vous parlait jamais de ce massacre. Elle était murée dans le silence. Elle l'a été toujours, toute sa vie ?
- Speaker #1
Oui, donc ma mère fait partie d'une génération qui a vécu les exils. Elle a dû fuir. Au début des années 60, le Rwanda pour le Burundi, et donc ils ont été des réfugiés au Burundi, avec des difficultés de réfugiés.
- Speaker #0
Mais surtout, ils étaient surnommés des cafards. J'ai reçu dans cette émission scolastique Moukasonga, qui a d'ailleurs eu le prix Renaudot en 2012, avant vous, et qui se réjouit d'ailleurs, qui vous félicite de continuer. La transmission est scolastique, elle a écrit un livre dont le titre c'est Les Cafards. Donc évidemment, ils étaient, on peut dire, comme les juifs en France sous l'occupation, ils se cachaient.
- Speaker #1
Ils se cachaient, ils avaient ce... Et donc après une difficulté à raconter ce trauma parce que... Il faut s'imaginer de grandir dans cette atmosphère-là. Ma mère, par exemple, ne nous a pas parlé sa langue, le Kinyarwanda. Elle ne nous a pas parlé sa langue et moi j'étais en colère. contre ça et j'ai compris que de ne pas nous parler sa langue c'était une façon pour elle de nous protéger de son histoire.
- Speaker #0
Et c'est là où c'est très délicat parce que donc face à ce silence vous décidez de rompre le silence d'écrire et de décrire cinq générations dans Jacaranda et Jacaranda c'est le nom d'un arbre très beau qui est mauve et est-ce que cet arbre symbolise justement la permanence ? Je ne sais pas, je fais un peu de l'interprétation débile, mais donc avec les racines, le tronc, les branches. Les branches, c'est les enfants et les fleurs au bout, c'est l'espoir. C'est magnifique ce que je viens de dire. Je te le dire de moi.
- Speaker #1
Non, bien sûr, forcément, il y a cette idée-là. Il y a dans beaucoup de romans, des littératures africaines, la question de l'arbre tutélaire, l'arbre protecteur. Il y a aussi pour moi le... le paysage, la nature au Rwanda, qui est une nature sublime, très belle. Et je me pose toujours la question de qu'a vu cette nature ? Qu'est-ce qu'ont observé ces arbres ? De quels secrets ils sont porteurs ? Et puis, sans divulgacher la fin du roman, mais c'est vrai que l'arbre lui-même va être victime de... Aujourd'hui, une forme de progrès qui peut, malgré lui, inconsciemment, faire disparaître la mémoire des individus qui ont déjà tout perdu. Et ça questionne ça aussi.
- Speaker #0
Je précise que vous êtes retourné vivre... à Kigali depuis combien d'années déjà ?
- Speaker #1
J'y suis depuis 2016, je suis revenu deux trois ans en France et là à nouveau installé depuis 2021.
- Speaker #0
D'accord. Alors, Alors, vous avez commencé par la musique. Premier album qui s'appelait Pili Pili sur un croissant au beurre, en 2013. Vous avez à l'époque 31 ans. Et je voulais savoir si vous continuiez de mettre du Pili Pili sur un croissant au beurre. vos croissants au petit déjeuner. Parce que j'explique, le pili-pili, c'est quand même un piment rouge africain extrêmement fort. Ça n'est pas normal de faire ça le matin.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai que c'est pas normal. Mais en tout cas, ça me ramenait directement à... à ce que c'est qu'être métisse. C'est pimenté, c'est doux en même temps. Il y a tout ça, il y a toutes ces saveurs-là.
- Speaker #0
Le premier roman, Petit Pays... c'est 2016, vous recevez à l'époque le Goncourt des lycéens, et un million et demi d'exemplaires vendus, adaptés au cinéma. Là, qu'est-ce que vous vous êtes dit ? Vous vous êtes dit, je suis plus écrivain que rappeur, ou quoi ? Comment avez-vous pris cette transformation de votre statut ? Est-ce que les gens vous disaient un petit peu plus, monsieur, votre excellence, maître ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Oui ?
- Speaker #1
Non, pas comme ça, mais disons que c'est vrai que quand on arrive avec, sans jeu de mots, sa casquette de rappeur, il y a des lieux qui nous sont moins ouverts que quand on arrive avec sa casquette de crépain. La Pérouse !
- Speaker #0
C'est la première fois que vous venez.
- Speaker #1
C'est vrai, je n'ai jamais eu l'occasion par exemple de venir faire un freestyle matinal à la Pérouse.
- Speaker #0
Je vous prends au mot. Vous êtes venu avec Samuel, votre guitariste.
- Speaker #1
Bien.
- Speaker #0
Et Samuel, bonjour, bienvenue. Comment on va faire ? On va bouger les micros. Très bien. Et vous allez nous lire un passage que vous avez choisi de Jacques Aranda, accompagné à la guitare par Samuel. Et je vous confirme que c'est peut-être la première fois qu'il y a du slam dans ce salon.
- Speaker #1
N'ayant toujours pas de nouvelles de Claude, j'ai pris le bus pour Kibouillet. Il était peut-être chez Alfred. Le car m'a déposé dans le centre et j'ai continué à pied en passant devant l'église Saint-Jean, posée au sommet de son promontoire et d'un paysage d'une beauté à couper le souffle. J'ai longé la route qui descendait vers les rivages luxuriant. L'eau du lac, en cette fin de journée, était d'un bleu profond aux reflets argentés. Le vent du large ridait sa surface et soufflait agréablement dans mes cheveux. J'ai quitté le goudron pour m'engager sur un petit chemin de sable blanc, constellé de cristaux de mica, qui menait au bout de la presqu'île, planté d'arbres fruitiers, de palmiers, de ficus et de vieux grévilléas. Le soleil était rasant et entre les branches, ces rayons striaient la route de faisceaux de lumière dans lesquels s'agitaient des nuées de minuscules moucherons inoffensifs. Dans l'eau, des enfants chahutés et un troupeau de vaches nageaient entre deux îlots. Seules leurs grandes cornes émergeaient du lac. Un groupe d'ibis passait en escadrille, formant un triangle haut dans le ciel. Le chemin a enfin débouché sur le chalet en bois blanc, planté au bord du lac. Les portes-fenêtres étaient grandes ouvertes, les rideaux ondoyés dans la brise. Une musique s'échappait du ventre de la maison. L'intérieur avait été complètement restauré. De grandes bibliothèques couvraient les trois murs du séjour, remplis de la collection qui se trouvait autrefois au palais. Tous ces livres, tous ces disques que j'avais connus en pile poussiéreuse, étaient organisés et rangés. J'ai appelé Alfred, frappé aux portes des chambres, mais il n'y avait personne. J'étais ému de me retrouver seul ici. Des années après ce week-end intense à écrire avec Stella, Claude et Sartre, j'y pensais en allant m'asseoir sur la terrasse. Face au lac, la musique emplissait le ciel. Je ne savais pas s'il s'agissait d'une chanson d'amour ou d'une prière swahili. Les voix de Makeba et Bellafonte se mêlaient gracieusement. Malaika flottait dans l'air, léger et fragile, en chantant jusqu'à ma plus profonde mélancolie.
- Speaker #2
Je t'aime, Malaika. Samuel Kamanzi. Merci. Merci beaucoup. Merci.
- Speaker #0
Pourquoi avoir choisi cette page ? Est-ce que c'est parce que vous en avez marre qu'on dise que ce livre est insoutenable, qu'il est pessimiste ou qu'il est violent ? C'est ultra violent par moments, hein, les moments où il y a des témoignages au procès et tout. et là c'est le passage le plus pacifique le plus apaisé du roman oui c'est parce que forcément la douleur la violence fait plus de bruit
- Speaker #1
que la vie de tous les jours, que les moments d'émerveillement, que la beauté d'un ciel ou d'un paysage. Et donc, c'est pour rééquilibrer. Ça fait du bien.
- Speaker #0
Mais vous parlez de cette réconciliation très difficile entre les Hutus et les Hutsis, entre les bourreaux et les victimes. Alors, comment pardonner ? Parce que c'est ce qu'il y a de plus... Difficile à comprendre, au fond, dans cette tragédie. Comment on fait pour pardonner ?
- Speaker #1
Je pense que pardonner, c'est une décision intime. Ça ne peut pas être une décision collective que l'on applique à toute une société. Chacun compose fait avec les ressources qu'il a en soi. Donc la question du pardon, de la réconciliation, c'est mystique. et politique aussi, parce que la réconciliation, c'est un mot politique. Donc, je n'ai pas de réponse à ça. Tout ce que je peux constater, ce qui est réel et ce qui est ancré, c'est la cohabitation. C'est ce que les Rwandais et les Rwandaises ont réussi à faire depuis 30 ans, c'est cohabiter. Alors, ce qui se passe...
- Speaker #0
Il y a quand même eu des procès et des gros qui ont été en prison.
- Speaker #1
Exactement, et c'est grâce à ce procès-là, et c'est grâce à la justice que la cohabitation est possible. C'est-à-dire que... On ne se balade plus dans la rue en se disant, tiens mais lui il a tué et il rendra jamais des comptes. On sait que les uns et les autres ont dû rendre des comptes. Il y a eu 2 millions de procès entre 2005 et 2012 et des gens sont encore arrêtés et beaucoup des gens qui ont été condamnés maintenant sortent de prison, retournent sur les collines. Voilà cette difficulté aussi récemment, parce que là c'était les 30 ans, donc beaucoup de tueurs. d'anciens tueurs, reviennent sur les collines et donc on les accueille, les familles les accueillent en faisant des fêtes de la joie. Il faut imaginer les survivants et les survivantes qui sont là et qui assistent à ces scènes. C'est toute la difficulté, mais il y a un pacte entre les gens, nous réussirons à cohabiter. Ne nous demandez pas ce qu'il y a dans notre cœur.
- Speaker #0
Et c'est là où votre roman est très très important. Parce que cette méthode rwandaise pour arriver à cohabiter, elle pourrait être appliquée ailleurs. On pourrait tout à fait imaginer qu'il faille passer par là pour Gaza, par exemple, j'en sais rien. Kamel Daoud, qu'on recevait la semaine dernière pour son livre Ouri, dans son livre il raconte une guerre. 200 000 morts en Algérie où il n'y a pas eu un procès, où il y a eu genre une tentative d'oubli. Il est interdit d'en parler. Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé au Rwanda.
- Speaker #1
Ce n'est pas ce qui s'est passé, ce n'est pas ce qui se passe. Le Rwanda regarde lucidement son passé et essaye de le comprendre. La décision au lendemain du génocide d'abolir définitivement l'écart d'identité ethnique, c'est une décision très forte. Et de dire qu'il n'existe plus d'ethnie, la seule ethnie qui existe dans le pays, c'est l'ethnie rwandaise. Et ça, pour moi, c'est gage d'une... d'une stabilité et surtout d'une transmission et d'une éducation pour les jeunes générations saines.
- Speaker #0
Oui, c'est beaucoup plus sain que le silence, c'est assez sûr. Alors, Jacques Aranda, c'était aussi... le titre d'un disque Mauve Jacaranda vous aviez fait cette EP en sachant que ça deviendrait un livre ou pas du tout ?
- Speaker #1
Non pas du tout, en fait j'aime bien le Mauve Jacaranda depuis tout petit Je ne sais pas pourquoi, ça me faisait penser à Jacques Haddy ou bien à Abracadabra. Il y avait quelque chose comme ça. Et puis l'arbre me fascinait parce qu'avec ces fleurs bleu-lavande, mauve, qui se mettent comme ça en floraison deux fois dans l'année et puis qui tombent comme des flocons de neige. J'avais l'impression de marcher sur un tapis de neige et de me dire, tiens...
- Speaker #0
Un tapis de neige mauve ?
- Speaker #1
Mauve, c'est ça, halluciné, un tapis de neige halluciné.
- Speaker #0
On écoute un extrait des graines avec les voix que vous entendez sur Mauve Jacaranda en 2022.
- Speaker #1
Les âmes s'assoupissent sous la chaleur intense Et les palmiers s'embalancent, des rigoles diminuent Notre pays embourbé où le peuple est un lieu Et le ciel est suspect d'être si bleu et si bleu Chaque jour est une peine vaine sous l'astre brillant Les musèles, les rêveries depuis bien longtemps Le futur paraît vain, le tyran si puissant Mais même les doutes reviennent, ces chants, ces voix que l'on entend
- Speaker #0
Il y a toujours cette idée que sur le... Après l'horreur, il faut chanter. C'est marrant. Et alors, ça m'a fait penser... Astro Maé, qui est votre ami, vous êtes franco-rwandais, lui il est belgo-rwandais. Et lui, j'ai l'impression qu'il va moins bien que vous, il avait fait cette chanson qui s'appelle L'Enfer, où il y avait aussi des voix comme ça. Et c'était la même année, en 2022. Ah oui ? Oui.
- Speaker #3
Je suis pas tout seul à être tout seul, ça fait déjà ça de moins dans la tête, et si je comptais combien on est, beaucoup, tout ce à quoi j'ai déjà pensé, dire que plein d'autres y ont déjà pensé, mais malgré tout je me sens tout seul. Du coup, j'ai parfois une dépense, et si d'argent s'en peut faire. Parfois que c'est la seule manière de les faire, c'est penser qu'ils font vivre un fait. C'est penser qu'ils font vivre un fait.
- Speaker #0
Je précise que les deux chansons sont sorties en même temps, il n'y a pas un qui s'est inspiré de l'autre. Mais je voulais vous demander, est-ce que vous avez déjà eu des pensées suicidaires, vous ?
- Speaker #1
Oui, j'ai déjà eu des pensées suicidaires à l'adolescence.
- Speaker #0
Parce qu'on dit que les descendants et même les petits-enfants des rescapés de la Shoah ont dans leur ADN le gène de l'extermination. Et donc cette chose se transmet même quand on n'en parle pas. Je pense que c'est là-dessus que vous écrivez tous les deux. Oui, je pense que c'est cet événement-là, le génocide des Tutsis, façon d'une autre nous a poussé vers cet acte de la création. Je ne sais pas quelle a été la démarche par exemple d'Ostromaï.
- Speaker #1
Il paraît qu'il va mieux. J'ai vu ça sur Instagram, il a posté la réception. Parce qu'il a annulé une tournée, vous savez, et puis apparemment là ça va un peu mieux, donc on lui souhaite évidemment de...
- Speaker #0
Oui, mais je me souviens par exemple un autre chanteur, Corneille, qui avait fait un succès immense avec une chanson qui s'appelait Parce qu'on vient de loin. Et quand on écoutait cette chanson, on pouvait passer à côté du message profond, mais lorsqu'on était rwandais... Je parle par exemple à Samuel qui a la même histoire que la nôtre. Et donc, on savait de quoi il parlait quand il disait La fin du monde nous a frôlés parce qu'on vient de loin. Nous, on entendait le génocide. Et pourtant, les gens dansaient sur cette chanson sans prendre la mesure. Et donc, oui, à mon avis, c'est constitutif de ce que l'on est en tant qu'artiste, cet événement.
- Speaker #1
Mais alors votre cas est particulier puisque vous avez dit en commençant là-bas au Rwanda vous êtes considéré comme un blanc, on dit Muzungu. Oui. Voilà. Et puis ici en France vous êtes considéré comme un noir. Oui,
- Speaker #0
je suis l'ami black.
- Speaker #1
Voilà, donc vous n'êtes nulle part.
- Speaker #0
Je suis.
- Speaker #1
Et pourtant vous avez préféré retourner là-bas, à Kigali.
- Speaker #0
En fait c'est pas préféré, c'est-à-dire que je ne connaissais pas le Rwanda. J'ai vécu au Burundi, j'ai vécu en France, mais je ne connaissais pas le Rwanda parce que c'est un pays que j'ai découvert au lendemain du génocide quand ma famille rwandaise, qui a été exilée depuis 30 ans, est retournée s'installer au Rwanda. Et j'ai découvert non pas un pays, mais un charnier à ciel ouvert. Et donc, pendant des années, je me suis posé la question de quel est ce pays, quelle est cette histoire qui ne m'a pas été transmise. Et donc ne pas connaître le Rwanda de l'intérieur dans son quotidien c'était aussi pour moi une impossibilité de le transmettre à mes filles qui elles-mêmes sont des métisses.
- Speaker #1
Et le vrai sujet du livre puisque c'est le sujet d'un retour. tous ces gens que rencontrent Milan déjà Claude avec qui il a un peu grandi qui a beaucoup changé et puis il y a ce personnage génial de Sartre il faut parler de Sartre pourquoi il a choisi de s'appeler Sartre ? c'est dément et là-bas c'est lui qui aide les enfants à ce...
- Speaker #0
Il recueille les orphelins du génocide, ce qu'on appelle les maïbobos, les enfants des rues. Et donc, ils vivent dans un caravane serraille, comme ça, une forme de grande maison où tout est permis, où on lit, où on danse, où on chante, où on est ensemble, comme un refuge d'une... monde extérieur. Et pour moi, c'est un don quichotte ce Sartre.
- Speaker #1
C'est un personnage, vraiment, franchement, lisez le livre pour ça, enfin, pour ça, entre autres. Ce qui est intéressant chez vous, bon, je l'ai dit, il y avait Scholastique Moukasonga qui avait eu le prix Renaudot pour Notre-Dame-du-Nil, et puis, il y a d'autres grands livres qui ont été écrits sur la tragédie, notamment par Jean Hatzfeld, qui était plus lui, un journaliste français, reporter, qui est allé souvent là-bas pour... parler et écouter les témoignages. Ce que vous avez apporté, c'est autre chose. C'est le rythme du rap. C'est le ton, ce ton un peu enfantin. C'est un regard à la fois innocent et blasé, je ne sais pas comment définir. Vous avez apporté au fond, et c'est pour ça que vous touchez beaucoup de lecteurs et de lectrices jeunes. Vous parlez le langage d'aujourd'hui. Vous parlez un langage... Peut-être moins intimidé par ce qui s'est passé. Est-ce que je me trompe ?
- Speaker #0
Je suis vraiment la personne la moins bien placée pour parler de mon style. Je paie avec ce que j'ai et ce que je suis. Oui,
- Speaker #1
mais quand vous écrivez, vous êtes en quête d'alléger les choses quand même. Pas d'aller vers la gravité, plutôt vers la légèreté.
- Speaker #0
J'estime surtout qu'on ne peut pas... Mais c'est très personnel, on ne peut pas faire de littérature avec le génocide. Et donc c'est pour ça que je ne parle pas depuis le cœur du génocide, mais je parle de l'avant ou de l'après, petit pays c'est l'avant, là c'est l'après, c'est les répercussions dans les vies. J'essaye aussi d'adopter dans ma langue... Cette forme de pudeur que je sais qui existe dans le Kinyarwanda, une façon de dire les choses parfois en faisant un détour. on ne dit pas les choses directement. On ne parle pas de façon directe parce que parfois c'est mal vu, c'est même impoli. Et je ne parle pas le kinyarwanda mais j'ai l'impression que je compense. par ma langue française, par mon écriture, par mon style, peut-être d'une certaine façon. Il y avait un poète franco-sénégalais qui s'appelle Souleymane Diamanka, qui disait je parle en français dans une langue étrangère. Et parfois, j'ai ce sentiment-là.
- Speaker #1
Oui, mais il y a aussi le hip-hop. J'y reviens. Oui,
- Speaker #0
parce qu'il y a l'oralité aussi. Il y a l'oralité.
- Speaker #1
Et puis la précision des détails. Par exemple, le Fanta Orange. Oui. Les survêtements... Catart, c'est ça ? Ah, Carhartt. Le mec qui voulait être branché et s'est raté. Le baggy Carhartt. Mais ça, c'est dans une chanson, plutôt. Mais... Qu'est-ce que la littérature vous a permis que la chanson ne permettait pas ?
- Speaker #0
Euh... De densifier, d'élargir, de prolonger. C'est comme si une chanson, c'était... C'était un... sirop concentré et que voilà que le roman c'est des grandes bassines de champagne bon alors c'est défini
- Speaker #1
me convient une chose qu'on dit quasiment jamais sur vous et ça m'a étonné quand j'ai lu votre biographie vous avez eu une expérience dans un fonds d'investissement à londres oui gaël faille a bossé à la city à
- Speaker #0
la city vous étiez trader ou non j'étais gestionnaire de portefeuille c'est bon c'est mais c'est vraiment c'est surprenant l'imaginer vous alliez au bureau tous les matins à quelle heure tous les matins C'était entre 8h et 9h, ça dépendait.
- Speaker #1
Costume, cravate ?
- Speaker #0
Costume, cravate,
- Speaker #1
oui. Un jour, il faut que vous fassiez un livre là-dessus, je vous jure.
- Speaker #0
J'ai fait une chanson qui s'appelle Pianiste sur un clavier QWERTY. Donc je raconte la vie de bureau. Ce que peu à peu s'est transformé en vie de poisson rouge.
- Speaker #1
Pourquoi ?
- Speaker #0
Je tournais en rond, j'avais l'impression que la même journée se répétait indéfiniment. Je me disais, mais ce n'est pas possible, ça va être ça jusqu'au bout.
- Speaker #1
Mais est-ce que vous gagnez beaucoup d'argent ou ce n'était pas encore ça ?
- Speaker #0
Alors, de passer de mon statut d'étudiant déshérité, fauché à mes premiers salaires, oui, j'ai eu l'impression de gagner au loto, d'avoir une maison à Londres.
- Speaker #1
Et puis vous avez plaqué tout ça pour recommencer à zéro, en fait.
- Speaker #0
La première année, j'y ai cru, à cette fiction que je m'étais fabriquée, de mon costume cravate et de...
- Speaker #1
Les boîtes de nuit ?
- Speaker #0
Oui, il y avait tout ça.
- Speaker #1
La cocaïne ?
- Speaker #0
Non, je ne suis pas allé jusque là. Mais la bière, j'ai découvert la bière parce que moi j'étais assez sportif. Je voulais à une période devenir basketteur. Je fais 1m94.
- Speaker #1
J'ai remarqué, c'est un peu humiliant.
- Speaker #0
Et donc je n'ai pas bu d'alcool jusqu'à très tard. Et j'ai commencé à boire de l'alcool à Londres.
- Speaker #1
Ah oui, c'est normal.
- Speaker #0
À cause ou grâce à mes collègues.
- Speaker #1
Il est happy hour.
- Speaker #0
Et les happy hour, thématique, s'intéresser au foot. Oui,
- Speaker #1
c'est un Gaël Fay, un petit peu étonnant. Et donc, votre troisième roman ? Il y a eu huit années entre Petit Pays et Jacques Aranda. On attend le prochain pour, si je fais bien, si je calcule bien, 2032. Est-ce qu'il parlera de cette expérience de Patrick Bateman à Londres ? Ou est-ce que...
- Speaker #0
Non, je ne dis pas Patrick Bateman quand même, il ne faut pas.
- Speaker #1
Mais j'aimerais bien... En fait, ma question c'est, est-ce que vous arriverez un jour à faire un roman qui ne parle pas du génocide ?
- Speaker #0
Je pense qu'il n'y a qu'à écouter mes chansons, j'arrive à parler d'autres choses. Oui, c'est vrai. Donc oui, j'ai pas de doute là-dessus. C'est simplement que... Pour une histoire comme ce qui s'est passé dans la région des Grands Lacs dans les années 90, et j'ai été témoin direct de cette histoire-là et de ses répercussions, et de même avant, c'est tellement dense, ça pourrait être... Finalement, je ne pourrais parler que de ça. Et ne pas écrire sur autre chose, ce serait me positionner déjà par rapport à cet événement-là.
- Speaker #1
Vous voulez dire que vous n'avez pas le droit de parler d'autre chose ?
- Speaker #0
Eh bien, le fait que nous soyons très peu de voix à en parler, ça nous oblige d'une certaine façon. Si vous rentrez dans une librairie demain et vous demandez un livre sur le Burundi, on ne vous sortira que Petit Pays. Il n'y a qu'un seul roman.
- Speaker #1
Donc vous vous sentez investi d'une mission, un peu ?
- Speaker #0
Ce n'est pas que je me sens investi, mais c'est que je suis face quand même à cette réalité. Je vois à quel point ça fait bouger chez un certain nombre de gens de se voir représenté à l'intérieur d'un roman. Et donc j'ai conscience aussi de ça. Et je sais que pour Jacques Aranda, j'avais pas envie d'écrire Jacques Aranda. J'écrivais un roman d'ailleurs sur Freddie Mercury pendant des années, donc il n'avait rien à voir. Et je sentais que c'était une façon. de dire je peux écrire sur autre chose que le Rwanda et finalement je me positionnais encore par rapport à l'événement. Donc ça prend vraiment tout l'espace.
- Speaker #1
Oui mais quand même il faut que vous soyez libre. Mais vous avez raison, c'est une question.
- Speaker #0
Je dois être libre mais c'est une question que je me pose.
- Speaker #1
Moka Songa a essayé d'écrire sur autre chose et en fait elle est revenue au sujet et à chaque fois elle finit par en parler. C'est pas une prison mais c'est votre destin.
- Speaker #0
Oui, et puis si demain vous venez, je vous invite, vous venez à Kigali, et vous parlez avec les gens et ce qu'ils vont vous raconter, vous allez vous dire, tout n'est que roman, littérature, et ce qui se passe ailleurs dans le monde, presque, et paraît futile par rapport à la puissance de ce que ça représente pour l'humanité, pour l'humain de... de ce que c'est qu'un événement de cette ampleur-là et ce que ça cause dans Lévis.
- Speaker #1
Et là, vous allez rentrer avec le prix Renaudot à Kigali. L'accueil va être délirant.
- Speaker #0
Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr parce que... Parce qu'on a... n'a pas la... Forcément, les gens ne... Je ne sais pas, ne prennent peut-être pas la dimension de ce que ça représente un prix littéraire. C'est très français. Et depuis...
- Speaker #1
Le Renaudot est connu en Afrique. Il a été décerné souvent des auteurs africains.
- Speaker #0
Exactement, mais je veux... Je prends par exemple en comparaison avec Haïti, qui est... Un pays qui me fascine.
- Speaker #1
Un pays de littérature.
- Speaker #0
Et de littérature. Je sais que quand Daniela Ferriere a été élue à l'Académie française, il y a eu une grande fête à Port-au-Prince. Nous n'avons pas... une culture encore de la littérature et du livre c'est ce que je dis c'est que c'est qu'on est très peu à écrire si vous prenez haïti qui est aussi aussi grand que le rwanda mais on pourrait faire des listes en terre de décrivain haïtien Ce n'est pas le cas pour le Rwanda. Donc voilà, on est comme un peu à la...
- Speaker #1
Moi, je pense que votre retour va être triomphal, mais on va voir. Moi,
- Speaker #0
je pense surtout que ce prix-là va encourager la jeune génération à se dire on peut aussi parler de nous depuis notre... potager depuis notre réalité pour toucher l'universel. Et c'est surtout ça que j'espère qu'il va infuser dans l'esprit des jeunes gens.
- Speaker #1
J'ai un petit jeu dans cette émission, je vais vous lire des phrases de vous, ça s'appelle Devine tes citations Je vous lis des phrases de vous et vous devez me dire où vous avez écrit cela. Pourquoi se font-ils la guerre ? Parce qu'ils n'ont pas le même nez.
- Speaker #0
J'ai écrit ça dans une voiture.
- Speaker #1
Et dans quel livre ?
- Speaker #0
Ah oui, d'accord, c'est moins compliqué. Dans Petit Pays.
- Speaker #1
Petit Pays 2016. Alors, c'est un dialogue évidemment surréaliste avec le père du narrateur qui lui explique, voilà, ils se font la guerre parce qu'ils n'ont pas le même nez. Et c'est parce qu'il y avait un racisme entre les Hutus et les Tutsis. Les Tutsis étaient décrits comme des personnes grandes et fines avec un nez fin. Alors bon, malheureusement, vous correspondez au cliché ratio. Je suis désolé parce que c'est interdit aujourd'hui de dire une chose pareille.
- Speaker #0
Oui, mais d'autant plus que vous pouvez... Tomber sur des Hutus qui sont grands et fins avec...
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des Tutsis petits avec un gros nez ?
- Speaker #0
Il y a que des histoires comme ça du génocide où des gens ont été pris pour d'autres. C'est en ça que c'est inopérant en fait.
- Speaker #1
Puis si vous écriviez ça, c'est évidemment pour rire du racisme. Autre phrase de vous. Ma vie, c'est des trains de banlieue, des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux, tellement sodades... qu'on m'appelle Lisbonne.
- Speaker #0
C'est Taxifone.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
c'est une chanson qui est sur Mauve Jacaranda.
- Speaker #1
Mauve Jacaranda 2022. Là aussi, c'est aussi une manière de vous dire, vous parliez de votre mélancolie. Vous vouliez vaincre le silence maternel ?
- Speaker #0
Oui, je crois qu'en écrivant Taxifone, j'étais... Il y a quelque chose qui bruisait déjà de Jacques Aranda. C'était comme si j'arrivais à une période dans ma vie où il fallait que je parle de ça, de ce silence oppressant.
- Speaker #1
Autre phrase. Quand le mensonge fait surface, la confiance coule.
- Speaker #0
Oui, ça c'est dans Jacaranda.
- Speaker #1
C'est dans Jacaranda. C'est le proviseur de l'école qui dit ça à Milan. Parce que Milan, il a fait comme Antoine Douanel dans les 400 Coups. Il a des mauvaises notes et il dit que c'est la faute du génocide. Comme quand Douanel dit, c'est ma mère. Quoi ta mère ? Elle est morte. Ça c'est un hommage à Truffaut que j'ai tout à fait décelé. C'est vrai, c'était voulu ?
- Speaker #0
Non, ce n'était pas voulu, mais je pense que peut-être que c'est dans mon inconscience, c'était là, il y avait cette scène et elle est ressortie comme ça.
- Speaker #1
Je ne suis pas rappeur, juste un virevolteur de mots plein d'amertume.
- Speaker #0
Oui, c'est à France, c'est sur la Lom Pili Pili, sur un croix de Lambert.
- Speaker #1
C'est le premier titre de votre premier album. Merci infiniment Gaël Fay d'avoir passé... 7h chez La Pérouse, en ma compagnie, et lisez évidemment Jacques Aranda, le pré-Renaudo 2024 chez Grasset. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, le journal des Haribos, les Aristoboèmes. L'ingénieur du son, c'est Guilhem Pagelache, j'ai bien prononcé. Réalisation et montage vidéo, Chloé Beigbeder. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.
- Speaker #0
C'est bien.
- Speaker #1
C'est une conclusion.
- Speaker #0
C'est pas con que je fasse les t-shirts.
- Speaker #1
Mais oui.