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LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCAULD : "CE QUE JE PRÉFÈRE ESTHÉTIQUEMENT, C'EST LA FRIVOLITÉ SPLEENÉTIQUE." cover
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Conversations chez Lapérouse

LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCAULD : "CE QUE JE PRÉFÈRE ESTHÉTIQUEMENT, C'EST LA FRIVOLITÉ SPLEENÉTIQUE."

LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCAULD : "CE QUE JE PRÉFÈRE ESTHÉTIQUEMENT, C'EST LA FRIVOLITÉ SPLEENÉTIQUE."

48min |07/11/2025
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Description

Cette semaine je vous propose un entretien avec un aristocrate déjanté, dernier rejeton d'une grande famille d'écrivains. Son dernier roman figure sur la liste du Prix Interallié 2025. "L'amour moderne" raconte l'histoire d'une famille assassinée dans le 16eme arrondissement. Il s'agit donc d'un titre ironique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Louis-Henri de La Rochefoucauld, bonsoir. Vous publiez L'Amour moderne, vos éditions Robert Laffont. Vous avez 40 ans, vous êtes critique littéraire à l'Express, comme Angelo Rinaldi, notre maître à tous. Alors, L'Amour moderne est-il impossible ?

  • Speaker #1

    Il est difficile, mais je dirais que dans ce livre qui paraît assez pessimiste... En grande partie, j'essaie quand même de montrer qu'un acte 2 est possible. Oui, pour deux des trois personnages.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui rend l'amour compliqué aujourd'hui par rapport à... Il y a un siècle ou deux, est-ce que c'est la vitesse, est-ce que c'est la folie, est-ce que c'est la technologie ?

  • Speaker #1

    Ce qui est vrai c'est que j'ai appelé ce livre l'amour moderne avec une pointe d'ironie parce que finalement moi je pense qu'on n'a rien fait mieux depuis l'amour courtois il y a quelques siècles. Et finalement j'aurais pu appeler ce livre l'amour anti-moderne et en effet je pense que rien n'est fait pour simplifier le rapport. dans les couples aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je résume votre pensée, l'amour courtois c'est quoi ? C'est un baladin, un troubadour qui chante au pied d'une tour où une belle dame ne le verra jamais.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est ça votre conception de l'amour idéal ?

  • Speaker #1

    Oui, un amour comme ça, un peu éthéré, me semblait une... Est-ce qu'au XXe siècle on a fait mieux ? J'en suis pas sûr. Est-ce que le mariage bourgeois c'était mieux ? Je crois pas. Et est-ce qu'aujourd'hui le chemsex c'est mieux ? Dieu merci, moi je suis trop vieux pour avoir connu tout ça.

  • Speaker #0

    Vous pouvez essayer, oui.

  • Speaker #1

    Donc, non, non, écoutez, ce livre est une sorte de tentative de réhabilitation de... Oui, alors ça dit, c'est une forme d'amour à distance, parce que c'est vrai que les deux personnages qui essayent de se rapprocher dans ce livre sont assez lents, c'est un livre assez chaste.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Les fans de Houellebecq seront déçus de ce livre.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas raconter comment l'histoire se termine, parce que sinon, les gens n'auront plus besoin d'acheter votre œuvre. Mais ça débute par un crime épouvantable qui a eu lieu en 1994. Un père de famille qui a tué sa femme et ses deux enfants, un enfant ayant survécu en se planquant dans un placard. Et c'était la famille parfaite. C'est-à-dire que ce que vous voulez peut-être montrer, c'est que... Même les familles, et surtout les familles qui ont l'air le plus normal, le plus impeccable, en réalité cachent une violence, un danger ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce que Sébastien Tellier appelle l'amour et la violence. C'est inspiré d'une histoire que j'ai connue quand j'avais 9 ans, en effet en 1994, d'une famille qui vivait dans un hôtel particulier du 16e arrondissement. L'un des fils était avec moi en CE2 à l'époque. Le père de famille, comme dans le livre, est un brillant polytechnicien qui a travaillé en cabinet ministériel, etc. Tout semble bien aller, mais il est pris d'une sorte de délire un peu paranoïaco-psychotique. Et donc un jour, en effet...

  • Speaker #0

    Il était très, très exagérément jaloux, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors il se trouve qu'il soupçonnait sa femme de le tromper, avec le peintre qui avait réalisé justement le portrait de famille. Ironie de l'histoire, c'est le peintre qui a fait ce portrait de la famille parfaite. Ralph Lauren qui, selon le mari, le cocuit imaginaire ou pas, puisque tout ça est un peu trouble, mais en tout cas il est persuadé que sa femme le trompe et il finit un jour comme ça par tuer sa famille, quelques années avant Dupont de Ligonnès. C'est une affaire qui ressemble pas mal à l'affaire roman et à l'affaire Dupont de Ligonnès.

  • Speaker #0

    Et ça, ça vous a beaucoup marqué dans votre enfance et vous en faites un peu le prétexte, le fil conducteur de tout le livre. Dans le roman, le héros s'appelle Ivan Kamenov. Et il est attiré par une célèbre actrice dont la sœur était la femme tuée dans cette affaire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, au début du livre, lui est une espèce de dramaturge qui a eu du succès, mais là il est un peu période de jachère. Bon, en gros, il glande, quoi. Et un homme qui s'appelle Michel Hugo, qui est une sorte de parrain du cinéma français, par ailleurs propriétaire d'un théâtre, prend contact avec lui pour qu'il écrive une pièce pour son épouse, qui s'appelle Alban. Et son mari se dit, peut-être qu'à défaut de tourner dans des films, il acceptera de revenir au théâtre. Et il se trouve que le personnage d'Ivan, en effet, sait que cette femme a un lien avec ce fait divers. Et donc, il accepte ce projet pour avoir l'occasion de rencontrer cette femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous diriez que c'est une comédie romantique, ce livre ?

  • Speaker #1

    C'est une sorte de vaudeville grinçant, je dirais.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très noir, en fait. Dès le début, avec ce crime, mais plus on avance... Contrairement à vos autres romans, je dirais, vous êtes assez loufoque, vous aimez bien le burlesque, vous êtes, comme on pourrait dire, comme d'autres grands auteurs, comme moi-même, par exemple, attiré par la potacherie. Et il y a ça au début du livre. Et puis, plus on avance, et plus, finalement, c'est une histoire très tragique et très... et très mélancolique, ce qui est nouveau chez vous.

  • Speaker #1

    Mais vos livres aussi ont leur fond de spleen.

  • Speaker #0

    C'est possible, c'est possible. On est des faux potaches.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je sais que vous aimez comme moi un livre qui est La vie de Patachon de Pierre de Régnier, qui est un livre que je conseille à tout le monde, qui est comme ça la vie d'une fêtarde qui s'appelle Emma Patachon. Et le livre est un peu délirant et plus on avance dans le livre, plus c'est en fait mélancolique.

  • Speaker #0

    Mais L'écume des jours devient aussi.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Et je crois qu'en fait, c'est esthétiquement peut-être ce que je préfère. C'est la frivolité splinétique.

  • Speaker #0

    Mais ça a été... Alors, c'était pas vraiment... C'est un peu nouveau, je dirais, chez vous. Il y a même des passages dans le 16e arrondissement de déambulation modianesques.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, Modiano, c'est une vieille passion pour moi. C'est vrai que quand j'avais 18-20 ans, c'était vraiment mon écrivain préféré. Et c'est vrai que c'est ce qui m'est resté de lui. c'est ce goût de tourner en rond en définiment dans les mêmes dans les mêmes coins. À l'heure des écrivains voyageurs à la Sylvain Tesson je propose une contre-programmation qui est de tourner en rond dans le 16ème en définiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous croyez que le fait de basculer comme ça dans une forme presque de dépression ou de noirceur c'est une question d'âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être j'arrive à un âge où des écrivains que j'aime bien commencent à mourir Fille de Gérald, il est mort à quoi, 44 ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    J'ai 40 ans, donc j'arrive peut-être dans le temps auditionnel. Non, je ne sais pas. Je crois que c'est après la vie, tout simplement. Il se trouve que moi, quand cette histoire m'a eu lieu, j'avais donc 8-9 ans, et j'ai une petite fille qui a 8 ans, et qui va à l'école, dans la même école primaire où moi j'en ai... Qui est Franklin. Exactement, qui est Franklin.

  • Speaker #0

    Saint-Louis-de-Gonzague.

  • Speaker #1

    Tout à fait, voilà, que j'appelle Loyola dans le livre, mais enfin... Les connaisseurs des beaux quartiers auront reconnu l'adresse. Et je pense que retourner sur les lieux avec ma fille, qui a l'âge que j'avais à ce moment-là... Ça vous a ramené à cet âme. Ça m'a ramené à ces états d'âme que j'avais à ce moment-là. Et ça crée, ouais, une forme de... Il y a pas mal de textes de Peggy, pour parler d'un auteur plus sérieux, quoi qu'assez délirant dans son genre, mais il y a pas mal de textes de Peggy sur la mélancolie de l'homme de 40 ans. Et ben voilà, j'arrive à cet âge tragique.

  • Speaker #0

    Mais... Pourquoi en avoir fait une fiction ? Puisque c'est une histoire vraie, vous auriez pu, au lieu de vous appeler Yvan, vous auriez pu vous appeler Louis-Henri et assumer la part autobiographique.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors, pour répondre aux critiques littéraires que vous êtes, je dirais que pour moi, il y a un peu l'école Carrère et l'école Modiano. Le récit, le non-fiction et tout ça, qui est plus dans l'air du temps en ce moment. Et moi, d'abord, je n'ai pas ce talent-là et je n'ai pas ce goût-là non plus. Je crois que je préférais retrouver comme ça, de manière un peu onirique, cette période sombre de mon enfance.

  • Speaker #0

    Oui, d'autant que Carrère l'a fait sur l'affaire Romand, qui est aussi un meurtre familial, un meurtre collectif. Yvan tombe amoureux à 38 ans, de la femme de son producteur, actrice de plus de 10 ans plus que lui. Qui verriez-vous dans le rôle ? Je me suis demandé Marion Cotillard, Cécile de France.

  • Speaker #1

    Je crains que Marion Cotillard ne soit pas assez élégante pour jouer ce personnage. Vous dites donc !

  • Speaker #0

    Comment osez-vous ?

  • Speaker #1

    Je préfère Cécile de France. Non, alors je dis qu'elle ressemble un peu à Lorraine Bacal dans Le Crime de Laurent Express, mais c'est une référence un peu vintage. Aujourd'hui, qu'est-ce que j'aimerais bien comme actrice ?

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas eu de proposition d'adaptation ?

  • Speaker #1

    Non, non, hélas. Comme actrice française, alors ?

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #1

    Là j'ai du mal. Bon allons-y pour Cécile de France. En tant que directeur de casting, vous ne proposez que Thiar et Cécile de France. Je prends Cécile de France.

  • Speaker #0

    Vous avez un don pour la vanne qui tue. Il n'avait jamais compris une ligne au livre qui paraissait aux éditions du Seuil. C'est pas très très gentil pour les éditions du Seuil.

  • Speaker #1

    Mais oui, mais est-ce que c'est faux ? Est-ce que vous comprenez quelque chose au livre qui sort au Seuil ?

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire que vous êtes le Sacha Guitry de Technicard ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est un grand compliment. En tout cas, j'aimais bien dans Technicard, parce que j'ai arrêté de bosser à Technicard pour me consacrer à l'Express il y a quelques mois. Mais c'est vrai que j'aimais bien essayer de mettre de l'humour dans les papiers, ouais.

  • Speaker #0

    Mais vous en mettez toujours dans les maquillages. Tout à fait, c'est ce que j'essaye au maximum,

  • Speaker #1

    ouais. Mais vous êtes mon maître en ce domaine.

  • Speaker #0

    Oh, mais oui. Qu'est-ce qui s'est passé au Masque et la Plume ? Vous êtes allé au Masque et la Plume une seule fois. Ils ne vous ont jamais rappelé. J'ai fait deux émissions. Ah, deux émissions, d'accord.

  • Speaker #1

    Première émission, Rebecca Manzoni me dit « C'est sujet génial, etc. Revenez. » Donc je reviens trois semaines plus tard. Et là, je n'ai plus jamais une nouvelle.

  • Speaker #0

    Vous avez fait une vanne qui ne passait pas ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    Alors je me suis moqué d'un écrivain du Seuil qui est Edouard Louis, pour ne pas le nommer. Et alors peut-être que ça ne passe pas sur les ondes de France Inter. Mais j'ai dit du bien de Scholastique Mukasanga. Donc je pensais que... En plus, sincèrement, parce que j'avais adoré son livre. Et j'ai dit justement que... En fait, Scholastique Mukasanga raconte un livre sur des choses horribles qui se passent au Rwanda, mais de manière très pudique et tout ça. Et je disais, ça nous change des pleurnicheries d'Edouard Louis.

  • Speaker #0

    Vous croyez que c'est à cause de ça ?

  • Speaker #1

    Elisabeth Philippe s'est un peu crispée à ce moment-là. Et voilà, il n'y a pas eu de suite.

  • Speaker #0

    Vous dites que la reconnaissance légale du droit d'autorité... hauteur et le seul progrès durable apporté par la Révolution française. C'est Beaumarchais qui a eu l'idée. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Si vous connaissez d'autres progrès apportés par la Révolution française...

  • Speaker #0

    La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non ?

  • Speaker #1

    Je rappelle à vos auditeurs que vous êtes aristos par votre mère. Je ne sais pas ce qui s'est passé pour votre famille à ce moment-là, mais ça s'est bien passé.

  • Speaker #0

    Mais vous vous en êtes jamais remis, mais bon, c'était il y a longtemps, vous avez écrit un livre qui s'appelle La Révolution Française. Tout à fait, oui, non, tout à fait. Et bon, il faut l'accepter, elle a eu lieu. Passons sur l'événement,

  • Speaker #1

    passons sur l'événement, oui. Enfin, en tout cas, je vois que la France, là où on parle, la France n'a pas de gouvernement, donc deux siècles après, on est bien avancé, oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai, c'est vrai que c'est... Je l'ai dit à Adeline de Clermont-Tonnerre, je reçois beaucoup d'aristos dans cette émission.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que c'est une bonne émission.

  • Speaker #0

    Une émission très small, très très small. Je voulais vous féliciter aussi pour la couverture de Flock. où on voit ce couple qui trinque au champagne au milieu d'une ville de Paris en ruine et en feu, avec la tour Eiffel qui s'effondre. D'où est venue cette idée ? C'est vraiment splendide. Je pense que c'est la plus belle couverture de livre de la rentrée littéraire.

  • Speaker #1

    C'est aussi mon avis. Non, en fait, le nouveau patron des éditions, Robert Laffont, Frédéric Martin, a voulu qu'on fasse des couves illustrées. Et il se trouve, alors c'est pas un dessin original, c'est un dessin qui a fait la couve du magazine Monsieur, il y a une dizaine d'années. Ah oui, d'accord. Et j'adorais ce dessin, donc j'ai appelé Floch, qui a accepté que j'utilise ce dessin.

  • Speaker #0

    C'est bien que votre éditeur ait ce souci-là, parce que je trouve malheureusement en France la qualité des couvertures pas très... C'est un exercice qui devrait être un exercice amusant et artistique, et c'est faible en général. Alors il y a un personnage dans le livre qui est nommé Jean-Yves Leblanc, qui sort avec des mannequins. qu'un qui prend de la cocaïne au bain-douche. Mais où allez-vous chercher tout ça ?

  • Speaker #1

    Vous avez connu sans doute le modèle. Un certain Jean-Luc Brunel.

  • Speaker #0

    Jean-Luc Brunel, oui, qui était un ami de mon père.

  • Speaker #1

    Et bien ce personnage, en fait, il se trouve que ce fait d'hiver tragique qu'il y a eu dans mon école, ils avaient un lien familial avec Jean-Luc Brunel. Et donc ce personnage, alors je l'ai appelé Jean-Yves, ce qui fait référence à une autre personne que vous avez connue.

  • Speaker #0

    Oui, Jean-Yves Le Fur.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais bon je dirais que c'est 90% Brunel qui est un personnage quand même sombre. Mais je ne savais pas que c'était un ami de votre père. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Non mais c'est ce qui est bien dans le livre, c'est qu'on reconnaît les gens sans les reconnaître complètement. Ça reste quand même une fiction.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et d'ailleurs les personnages d'Alban, Blanzac, la comédienne, et le méchant Michel Hugo, pour le coup, ne renvoient à aucun personnage.

  • Speaker #0

    Ah bon, moi j'ai reconnu... Non, quelques producteurs de cinéma pourraient s'identifier.

  • Speaker #1

    Oui, je connais moins bien ce milieu que vous, mais quant à Yvan, le personnage principal ne me ressemble absolument pas.

  • Speaker #0

    Le vrai sujet du livre, c'est peut-être l'année 1994. C'est-à-dire cette année-là, il y a beaucoup d'événements qui vous ont frappé. Non seulement ce triple meurtre dans le 16e arrondissement, dans une famille apparemment sans problème. Il y a le suicide de Kurt Cobain, celui de François de Grosseouvre, l'accident d'Ayrton Senna. Et pour vous, vous avez 8 ans et c'est cataclysmique tout ça.

  • Speaker #1

    Oui parce que ce fait divers qui a eu lieu dans la réalité en mi-mai 1994, le suicide de Grossof c'est au mois d'avril et la mort d'Ayrton Senna c'est le 1er mai. Donc tout ça était une espèce de séquence. Et moi je me souviens que gros souffle, pourtant j'étais pas vieux, mais un suicide à l'Elysée, mon père avait dû m'en parler, ça m'avait paru un truc très très mystérieux. Alors moi j'ai raté cette fois le permis de conduire, donc la voiture n'est pas ma passion, mais j'avais des copains qui regardaient la Formule 1, donc je me souviens dans la cour de récréation de cette émotion de la mort de Sénat qui avait eu lieu en direct, et puis après ce camarade qui se fait tuer. Et puis c'est vrai qu'après j'ai découvert plus tard, parce que je ne lisais pas Guy Debord en CE2, je veux bien frimer, mais... Et après, quand j'ai découvert plus tard qu'il y avait ce suicide... Debord s'est tué aussi en 1994. Guy Debord s'est suicidé en 1994 aussi. Et donc Kurt Cobain aussi, comme vous l'avez cité. Ça fait une espèce de constellation... Et Bérégovoy. Alors Bérégovoy, c'est 93.

  • Speaker #0

    Ah d'accord, ok.

  • Speaker #1

    La veille de cette tentative d'attentat sur Monica Seles au tournoi de tennis de Hambourg.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, j'avais complètement oublié. Monica Seles était en train de jouer au tennis et on l'a poignardée pendant un match.

  • Speaker #1

    Elle est à un changement de côté à Hambourg. Donc en Allemagne, il y a un fan de Steffi Graf, qui était sa grande rivale, arrive et lui plante un couteau dans le dos. Et donc les images que vous pouvez voir sur YouTube, si vous avez le goût de l'hémoglobine...

  • Speaker #0

    Oui, ben alors non merci.

  • Speaker #1

    Non, elles sont saisissantes, parce qu'on voit Monica Céleste qui tout d'un coup est prise comme ça, une espèce de suffocation, et tombe sur le cours. Et là, les médecins viennent la chercher. Et Bérégovoy ou Monica Céleste, je ne sais plus, ça s'est passé... L'un des deux s'est passé le 1er mai 93, donc pile un an avant la mort d'Ayrton Senna, le 1er mai 94. enfin je sais pas Dans mon esprit d'enfant, puis quand j'essaie d'analyser cette année-là, tout fait des espèces de correspondances un peu comme ça, bizarres.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est assez étrange dans le livre, c'est que le personnage est un enfant protégé dans un milieu favorisé, dans une école privée, tout devrait aller plutôt bien, et il est comme ça saisi par... En fait, il découvre que la vie n'est pas... Voilà, que l'existence de la tragédie, quoi, en fait.

  • Speaker #1

    Tout à fait, oui, c'est un peu un livre sur l'envers du décor et sur ce qu'il y a derrière les apparences, la traversée des apparences, comme dit Virginia Woolf. Et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, que j'aime bien cette couverture, parce que le livre se passe un peu aussi dans le milieu du théâtre. Et cette couverture que vous avez montrée avec ce fond rouge, il y a quelque chose aussi du rideau du théâtre. Et donc, oui, c'est ça, de l'envers du décor.

  • Speaker #0

    Il y a une scène de mariage au château d'Arkang, près de chez moi. Alors là, quand même, je vous en veux un peu, puisque vous dites, il faisait un temps de chien, enfin un temps basque. C'est complètement faux, il y a aussi beaucoup de soleil au Pays Basque, voyons. C'est un cliché, ça.

  • Speaker #1

    Oui, alors surtout qu'en plus, ce qui est drôle, c'est que le mariage dont je me suis inspiré, c'est le mariage d'une de mes tantes qui avait eu lieu en Champagne-Ardenne. Et là, pour le coup, ça avait été des sauts d'eau toute la journée. et j'ai délocalisé ça au château d'Arkang où s'était marié un de nos amis communs dont je peux citer le nom qui était Thierry Perroux.

  • Speaker #0

    Ah oui ? C'était marié là-bas, il y a une dizaine d'années, voilà. D'accord. La question de la page 82. C'est une nouvelle question. C'est une nouvelle rubrique, c'est la question de la page 82. Page 82, vous dites... Prendre une seule menière au Lutetia, est-ce que c'est de gauche ? Je vous la pose.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a vraiment des gens de gauche ? C'est une question que je n'ai jamais vraiment réussi à résoudre.

  • Speaker #0

    Vous voulez dire sur Terre ou au Lutetia ?

  • Speaker #1

    Alors... Au lieu des SIA, je ne pense pas. Et sur Terre, j'en sais pas.

  • Speaker #0

    Vous citez aussi Des Profondistes, Oscar Wilde. Alors, je vais vous demander de lire le passage, mais je n'ai pas... Je n'ai pas la page. Ah, voilà. Voilà, je l'ai. C'est là où j'ai mis des traces de stylos billes.

  • Speaker #1

    Alors, vous voulez que je lise ? Oui, parce que... À partir de là,

  • Speaker #0

    jusque-là, parce que ça va montrer que même si vous essayez de blaguer tout le temps ici, en réalité, dans le livre, vous le faites un peu moins.

  • Speaker #1

    On se souvient que Wilde, à la suite de son procès perdu contre Lord Queensberry, le père de son amant Alfred Douglas, avait été condamné à deux années de travaux forcés. En 1897, finissant de purger sa peine de prison à la jôle de Reading, Wilde, 42 ans, au bout du rouleau, vêtu de guenilles, avait pris la plume pour écrire des profondices, longues lettres adressées à Alfred. Regrettant de n'avoir pas connu auprès de lui une atmosphère intellectuelle faite de calme, de paix et de solitude, il avait eu ses lignes. Tu admirais mon travail lorsqu'il était achevé, tu aimais le succès éclatant de mes premières et les brillants festins qui les suivaient. Tu étais fier, et c'était fort naturel, d'être l'ami d'un artiste aussi éminent, mais tu étais incapable de comprendre les conditions requises par la production d'une œuvre d'art.

  • Speaker #0

    Alors là c'est un moment important, parce que vous essayez de faire passer un message là, c'est de dire que nous, les écrivains, On est invivable.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai le souvenir comme ça d'une... Je ne sais plus quelle fille qui tournait autour de Picasso et la mère de Picasso lui avait dit il s'est tombé, il est déjà marié à son art. Et c'est vrai que... Parfois quand on est... On a besoin d'un peu de concentration quoi. Alors après il faut faire la part des choses. Moi je m'occupe pas mal de mes enfants donc j'essaye que quand je travaille sur mes livres ça ne soit pas à leur détriment.

  • Speaker #0

    Mais pendant qu'ils sont à l'école, il faut travailler entre 8h30 et 16h15.

  • Speaker #1

    Merci à l'éducation nationale de nous permettre de travailler. Et non, et après, c'est vrai que là, il parle vraiment à son amant. Et c'est aussi, je crois que c'est plus par rapport au conjoint. Cette histoire d'un conjoint qui, par exemple, quand vous avez du succès, est content, mais ne comprend pas que pour qu'il y ait ce succès, il y a aussi les heures creuses où en effet, il faut supporter que vous ayez besoin de solitude et de calme.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose dont vous avez souffert personnellement ? C'est compliqué de se concentrer sur son travail artistique ?

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est un peu un cliché l'idée de l'artiste qui doit rester célibataire, comme Flaubert et tout ça, après tout, il y a plein d'écrivains qui ont eu des vies, qui ont réussi à avoir des vies familiales heureuses.

  • Speaker #0

    Charles Dickens écrivait ses livres entourés de sa marmaille. Tout à fait,

  • Speaker #1

    il y a tous les exemples possibles. Et en même temps, je trouve toujours assez malsain aussi les couples où le conjoint devient une espèce de secrétaire du grand homme ou de la grande femme, etc. Il y a un truc que je trouve un peu bizarre là-dedans. Donc je ne sais pas, je n'ai pas la recette de la bonne relation.

  • Speaker #0

    J'essaie de vous titiller parce que je me demande quand vous allez fendre l'armure. C'est-à-dire, tous vos livres sont des romans, vous êtes un partisan de la réelle fiction. Mais est-ce qu'un jour vous n'avez pas basculé dans la confession intime et osé franchir le pas ? Peut-être,

  • Speaker #1

    peut-être, peut-être. On n'est pas obligé,

  • Speaker #0

    mais Modiano, que vous aimez, il l'a fait, lui.

  • Speaker #1

    Oui, un pédigré ? Oui. Est-ce qu'il l'avait fait avant ?

  • Speaker #0

    Peut-être que dans Villatrice, il parle de si brave garçon, il parle de son pensionnat.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Mais est-ce qu'il a vraiment fait un livre sur la mort de son frère, par exemple ? Non, jamais. Rudy, ce fameux frère qui l'a perdu enfant. Non,

  • Speaker #0

    c'est une seule phrase dans un pédigree.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Oui, c'est très bizarre d'ailleurs la manière dont il en parle. Non, écoutez, la vie est longue. Donc peut-être que ça m'arrivera de... Mais écoutez, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Parce que par exemple, le type qui tue toute sa famille, vous dites qu'il était en pension... À la Flèche ? À la Flèche, en pritanné de la Flèche. Il a été victime d'abus, il a été frappé, peut-être violé, tout ça. Bon, vous vous racontez Franklin, je ne sais pas, est-ce que vous avez été traumatisé à Franklin ?

  • Speaker #1

    Alors non, pas à Franklin, moi ce qui m'a le plus traumatisé, alors j'étais victime de rien de sérieux, mais je suis allé en Angleterre dans un pensionnat à Eastbourne quand j'avais 11 ans, et là je me souviens que j'étais seul, j'étais la French Frog dont tout le monde se moquait. Et j'ai des souvenirs précis d'avoir découvert la profondeur de la mélancolie à Eastbourne quand j'avais 11 ans.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs, Yvan est dans ce fait. C'est donc un passage intime dans le livre. Et voilà,

  • Speaker #1

    peut-être que je pourrais plus parler un jour de ces souvenirs-là.

  • Speaker #0

    C'est curieux parce que Guillaume Gallienne, que j'ai reçu ici, lui aussi a été en pension en Angleterre, mais lui, il a adoré. Parce que justement, comme il était excentrique... Les anglais le toléraient comme il était. Là où il a été vraiment maltraité, c'est en France.

  • Speaker #1

    J'étais pas assez excentrique.

  • Speaker #0

    C'est le onzième livre. C'est votre onzième livre. Onze livres, ça commence à faire une œuvre. Qu'est-ce que vous avez essayé de dire, si jamais vous deviez essayer de résumer, qu'est-ce que vous avez essayé de dire toutes ces années dans ces onze livres ?

  • Speaker #1

    Je sais pas parce que je... pense que je suis un écrivain à maturation lente. Et donc, j'ai l'impression qu'à 40 ans, j'arrive... J'ai l'impression d'avoir progressé ces dernières années, tout ça. Oui, je confirme. Non, je suis content d'avoir parlé, d'avoir fait quelques tableaux poétiques de la pension anglaise, de la mort de ce camarade de classe. Et je crois... J'ai essayé de peindre un peu le 16e arrondissement. J'ai essayé de remettre le 16e arrondissement dans la littérature mondiale. Et peut-être d'essayer de mêler un peu ce que je disais sur Pierre de Régnier, ce que faisait Sagan aussi un peu, parce que ce livre est assez inspiré d'un livre de Sagan qui s'appelle Le miroir agaré, qui est aussi une sorte de triangle amoureux dans le monde du théâtre. J'essaye de faire perdurer une forme d'esprit français mêlant justement frivolité et profondeur dans un paysage littéraire qui, je crois, ne le tolère assez peu.

  • Speaker #0

    mais je dirais même plus plus sérieusement que... Si jamais il y a un message, je ne vous le souhaite pas, mais c'est que peut-être vous... Parlez de la noblesse. C'est évidemment un sujet complètement inactuel, désuet et tout, mais puisque vous venez d'une très ancienne famille, très prestigieuse, et que vous êtes un descendant d'un immense écrivain qui est François de La Rochefoucauld, du coup, dans plusieurs de vos livres, y compris dans celui-là, vous rendez un peu hommage à, non pas l'aristocratie, mais certaines valeurs de ce monde-là, de ce monde presque disparu.

  • Speaker #1

    Mais alors, comme mes sœurs me reprochent de radoter, c'est pour ça que j'en ai fait ce livre. Ivan Kamenov est un dessin de Russe blanc.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, comme ça, ça vous permet d'éviter le...

  • Speaker #1

    Donc je fais une phrase sur la révolution russe, parce que je me suis dit, voilà, ça me permet de décaler légèrement le truc.

  • Speaker #0

    Mais je vous ai perçu à jour quand même.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Non, mais c'est vrai que c'est un thème qui m'est assez cher, et je pense que ça veut dire quelque chose dans la littérature française, d'ailleurs, et dans la manière d'être.

  • Speaker #0

    parce que ce qui est bizarre c'est que vous n'êtes pas snob puisque vous n'avez pas besoin de l'être quand on s'appelle La Rochefoucauld, mais en revanche, quand même, vous ne renoncez pas, vous ne vous grimez pas en autre chose, vous voyez ? C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, non, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est compliqué d'assumer l'idée d'être un aristo fauché en

  • Speaker #1

    2025. Oui, en même temps, il y a une forme de fierté, pas au sens d'orgueil mal placé, mais... Je vois parfois des trucs, par exemple, en censé, dans la presse de gauche, de très mauvais livres, de camelotes trucs, et je me dis, bon, tout ça, finalement, passera avec l'écume des jours. Et je me dis, voilà, on est encore là, mille ans après. Donc, je sais pas, les Édouard-Louis passeront.

  • Speaker #0

    Oui, mais je sais pas, vous pouvez, de toute façon... Vous pouvez y aller, on est sur le Figaro Télé, donc on a tout à fait le droit de dire du bien de la noblesse. Quelles sont les valeurs de la noblesse que vous défendez encore aujourd'hui ? C'est quoi ? C'est un désintéressement ? C'est le panache ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a l'idée que l'argent ne doit pas passer en premier. L'idée, oui, une forme de détachement. Je pense qu'il y a pas mal de choses communes avec un certain esprit anglais. Je trouve que les aristos... un peu un esprit anglais.

  • Speaker #0

    D'être un peu fou et un petit peu je m'en foutiste.

  • Speaker #1

    Oui, d'avoir une manière, une forme de désinvolture par rapport à des choses qui paraissent importantes pour d'autres gens. Et en même temps, après, d'accorder une importance folle pour des choses qui paraissent dérisoires.

  • Speaker #0

    Oui, comme les boutons de manchette. Tout à fait, voilà, tout à fait.

  • Speaker #1

    Par exemple, les seuls boutons de manchette que j'ai, c'est les boutons de manchette du jockey club dont je suis membre. Et voilà, ça par exemple, ce détail m'importe.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, j'ai eu tort de dire que vous n'étiez pas snob. Est-ce que vous êtes monarchiste ? Parce qu'il y a un de vos livres où le narrateur rencontre Louis XVI dans un bar pas loin d'ici. Et finalement, vous faisiez l'éloge de ce système-là où il y a quelqu'un qui incarne le pays et qui ne sert à rien.

  • Speaker #1

    En fait, s'il y avait quelqu'un de charismatique... La monarchie élective serait peut-être pas si mal, comme en Angleterre.

  • Speaker #0

    Ça éviterait qu'il y ait autant de bordel en France que comme en ce moment.

  • Speaker #1

    Là, c'est vrai que ça va pas très bien, honnêtement. On sait pas ce qui va succéder à la Ve République, mais...

  • Speaker #0

    L'utilité d'un roi, c'est quoi ? C'est la permanence de... C'est quoi ? C'est pour...

  • Speaker #1

    Oui, c'est cette espèce d'idée. Alors déjà, franchement, c'est pas mal, parce que ça veut dire que les ambitions... Là... Quand Sébastien Lecornu parle des appétits partisans des uns et des autres, avec un roi, les appétits partisans s'arrêtent à Matignon, puisque la plus haute marche est inaccessible. Donc peut-être que finalement, ça rendrait les hommes politiques un peu plus humbles.

  • Speaker #0

    Bon, parlons de choses sérieuses à présent. Le Chef-Faire est-il vraiment le meilleur restaurant du XVIe ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai exagéré. Il y a un resto que j'aime beaucoup, mais alors dans le nom m'échappe parce que je commence à perdre la tête à 40 ans, qui est Ruggy de Maupassant. Le Relais du Bois. Je préfère le Relais du Bois. Ah bon, le Relais du Bois,

  • Speaker #0

    ok, très bien. Je me demandais, le meurtrier dont vous parlez, le père de famille qui a liquidé sa famille, il a été condamné, il a dû purger sa peine et aujourd'hui il est en liberté.

  • Speaker #1

    Il est libre, il est peut-être dans le quartier à l'heure où on parle. Oui, oui, je sais qu'il est sorti de prison il y a quelques années, oui.

  • Speaker #0

    C'est fou, c'est comme Jean-Claude Romand. Jean-Claude Romand est en liberté.

  • Speaker #1

    Alors Jean-Claude Romand, je crois qu'il était passé par l'habit de Fongombo, où il a été plus ou moins oblat, un peu, et qui, à ma connaissance, il en est parti, je ne sais pas où il est maintenant. Et Dupont de Ligonnès, seuls vous savez où il est.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas moi, c'est Stabenrath qui sait où il est.

  • Speaker #1

    Une part de moi, je crois, est entre 93 et donc l'Angleterre, c'était 96-97. Une part de moi restera toujours fixée dans cette espèce d'espace-temps parallèle.

  • Speaker #0

    C'est le moment où vous êtes devenu adulte ?

  • Speaker #1

    C'est l'âge de raison, oui. C'est le moment où je m'aperçois que le monde des adultes est un monde assez bizarre. Même à l'Elysée, même là où il est censé être le pouvoir, il y a quelqu'un qui peut se tirer une balle dans la tête.

  • Speaker #0

    Oui, et je découvre cette tristesse d'enfant en Angleterre que je n'avais pas connue avant.

  • Speaker #1

    Et puis surtout, c'était un camarade à vous, un pote de classe qui s'est fait jouer par son père.

  • Speaker #0

    Tout à fait, on nous en a très peu parlé en plus, ce que je raconte dans le livre, parce que ça m'a frappé à posteriori. C'est dans mon souvenir, mais qui est peut-être une fiction, mais dans mon souvenir, on nous réunit sous le préau un matin. Donc évidemment, dans mes souvenirs, c'est un préau de Toussaint, alors qu'en fait, c'est au mois de mai, donc il faisait peut-être un grand soleil. En tout cas, la directrice nous dit qu'il s'est passé quelque chose de grave. Vous ne reverrez pas votre camarade.

  • Speaker #1

    Ah oui, sans donner de détails.

  • Speaker #0

    Et il me semble qu'on ne nous a rien dit d'autre. Et puis après, on est monté en classe. Et puis c'était la fin de l'année scolaire. Donc après, il y avait les grandes vacances. Et puis en septembre d'après, c'était une affaire classée.

  • Speaker #1

    Et à Franklin, vous n'étiez pas en classe avec Brigitte Macron ? Elle a été prof à Franklin.

  • Speaker #0

    Elle a été prof, bien sûr. Elle a eu des cousins à moi, mais elle a été prof... Moi, j'étais parti depuis longtemps, ouais. Non, j'ai raté de peu Viviane Lemaire, la mère de Lemaire, la mère de Bruno Lemaire, qui a été directrice du petit collège après mon départ. Donc, je suis passé à côté de grande dame, mais...

  • Speaker #1

    Oui. Et il y a cette phrase vers la fin du livre qui, à mon avis, vous définit bien. Malgré ses farces, il demeurerait à jamais un enfant triste du 16e arrondissement.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est le mélange Guitry-Modiano, ouais.

  • Speaker #1

    C'est très beau, c'est très beau. Alors, on passe au jeu devine tes citations, je vous lis des phrases de vous, tirées de tous vos livres, et vous devez deviner, sans tricher, dans quel livre vous avez écrit ceci. Ivan, c'est facile, Ivan n'était pas l'homme de sa vie, de toute façon, il n'était même pas un homme.

  • Speaker #0

    C'est donc L'amour moderne, ouais.

  • Speaker #1

    L'amour moderne, 2025. Elle est dure avec lui, quand même, la femme d'Ivan. Tout à fait. C'est l'histoire d'un type qui n'arrive pas à être un homme ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça d'ailleurs qu'Yvan, au début du livre, vient de se séparer de sa femme.

  • Speaker #1

    Mais alors s'il n'est vraiment pas un homme, elle a raison de le quitter ?

  • Speaker #0

    Oui, mais il n'est pas un mâle alpha, voilà.

  • Speaker #1

    Voilà, oui c'est ça.

  • Speaker #0

    Mais donc il est un homme sensible. Est-ce qu'un homme sensible est un homme ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois, oui. Autre phrase de vous. À son jeune âge, il avait encore deux ou trois divorces devant lui.

  • Speaker #0

    C'est toujours dans les morts modernes.

  • Speaker #1

    Excellent aphorisme. Alors ça, vraiment, j'adore. Encore un. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Ça, c'est mon ancêtre. François de La Rochefoucauld dans ses Maximes.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est les Maximes de La Rochefoucauld. 1665. Bravo de ne pas vous être attribué ce tube. Parce que c'est un peu son tube. Je la relis. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Mais je me demande si dans mon livre, il n'y a pas un sample de mon ancêtre. Ah oui ? Non crédité, une phrase de lui que je m'amuse à rebidouiller. Je crois, je crois,

  • Speaker #1

    oui. Je vous en dis d'autres de ces tubes, parce que c'est toujours un plaisir de les réécouter. Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés. Ça, c'est toujours votre ancêtre. Et puis, qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. Ça, franchement.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on se sent écrasé d'être l'arrière-arrière-arrière-petit-fils d'un grand écrivain ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc assez troublant quand on...

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'y en a pas eu beaucoup d'autres, La Rochefoucauld, à part vous deux ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a un qui était un copain de Proust, qui a écrit des livres, dans un livre qui vend pas mal, qui s'appelait L'Amant et le Médecin, mais qui n'est pas passé à la postérité, qui s'est présenté à l'Académie française, qui n'a pas été pris et tout ça. Ça, ça arrive à des gens très bien. C'est vrai, c'est vrai. Non, il y a eu Edmé de la Rochefoucauld, qui était une femme de lettres. Mais vous êtes trop jeune pour l'avoir connue.

  • Speaker #1

    Si, je l'ai croisée, je crois. C'est une vieille dame qui était vivante jusqu'à récemment.

  • Speaker #0

    Elle avait un salon littéraire.

  • Speaker #1

    Jusque dans les années 70, non ?

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui, exactement.

  • Speaker #1

    J'ai vu la croiser.

  • Speaker #0

    Non, ce qui est un peu troublant, c'est que j'ai chez moi la pléiade où il y a marqué de la Rochefoucauld, il n'y a pas marqué le prénom. Donc je pourrais faire croire que c'est... C'est ça votre but !

  • Speaker #1

    Autre phrase, de vous cette fois. Quand on n'a plus de château à transmettre, on peut au moins tenter d'aménager pour ses enfants une mémoire habitable.

  • Speaker #0

    C'est un livre que j'avais appelé Château de Sable, oui. Oui,

  • Speaker #1

    2022, prix des deux magots.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je précise que l'amour moderne est sur la liste du prix Renaudot.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc là encore, vous voyez, on peut tenter d'aménager une mémoire habitable. Il y avait déjà cette idée... que l'aristo désargenté a quand même quelque chose à transmettre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires familiales, il y a beaucoup de... Mon père, par exemple, est un homme qui a une mémoire phénoménale et qui est le spécialiste dans notre famille. Et c'est vrai qu'à chaque fois que je lui parle de personnages historiques, à chaque fois il me dit « Tu sais c'est drôle, on avait tel lien de parenté, par telle branche, par tel truc, etc. »

  • Speaker #1

    Bah oui, parce que Léla Rochefoucauld, il y a eu je ne sais combien d'évêques...

  • Speaker #0

    Oui, alors normalement les évêques n'ont pas censé avoir de descendance. Mais non, il y a eu pas mal de mariages illustres qui me donnent des ancêtres improbables. Par exemple, je descends de Lully. qui est plutôt connu pour son homosexualité, mais enfin il avait une femme avec laquelle il a eu des enfants. Donc j'ai quelques ancêtres comme ça assez pittoresques à travers les siècles.

  • Speaker #1

    Autre phrase, ça j'aime beaucoup. On ne naît pas vieux garçon, on le devient.

  • Speaker #0

    Ça c'était le club des vieux garçons. Déjà il était question du jockey, il y a déjà des thèmes il y a dix ans qui étaient des thèmes récurrents.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vous considérez comme un vieux garçon ou pas ? Un vieux garçon normalement n'a pas d'enfant, vous avez deux enfants.

  • Speaker #0

    Tout à fait, j'ai raté cette vocation que je m'imaginais. Je me voyais bien quand j'avais 20 ans, 25 ans, à devenir une sorte de Flaubert ronchonnant. Mais j'ai eu des enfants donc... Ça vous a sauvé. Tout à fait, ça m'a sauvé de la vieille garçonnité.

  • Speaker #1

    Parce que le vieux garçon c'est pas forcément très séduisant, c'est un peu sur des personnes qui se lavent pas souvent, qui vivent au milieu de leur... de leurs petites affaires et qu'ils deviennent des maniaques.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait un peu les frères Goncourt ou les... Non, écoutez, je prends une douche par jour.

  • Speaker #1

    Une dernière pour la route. Quand on passe de la rive Ausha la rive droite, on sent comme une variation de climat.

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier, l'avant-moderne.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est vrai ou vous le pensez vraiment ? Il y a une grande différence de climat apparue entre la rive gauche et la rive droite ? Alors,

  • Speaker #0

    c'est une phrase un peu... Je crois que c'est le personnage d'Ivan qui se moque de... d'Alban. Mais c'est vrai que c'est quand même... Je sais pas.

  • Speaker #1

    Il fait plus froid ou plus chaud, Rive Gauche ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est vraiment une bonne question. Je sais pas. En tout cas, moi, j'ai toujours vécu Rive Droite et j'en suis assez content. C'est comme ça que quand je vais déjeuner avec des éditeurs et tout ça, la Rive Gauche, pour moi, garde un petit exotisme. Oui. Je suis pané dans ce monde-là. Donc c'est deux mondes différents. En plus, je suis sur donc rive droite, mais à l'extrême ouest.

  • Speaker #1

    Non, mais écoutez, c'est pourtant simple. Il fait 3 degrés de moins rive droite parce que c'est des grandes avenues très larges. Donc il y a du vent et il fait beaucoup plus froid que dans les petites rues du quartier de chez la Pérouse. On a chaud l'hiver alors que chez vous, c'est le pôle nord.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci Gilles Lopetré de cette information.

  • Speaker #1

    Bon, alors, on passe au questionnaire de Bec Bédé, puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre, L'Amour Moderne, au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Pour des raisons de santé mentale élémentaires, parce qu'on n'arrête pas de nous saouler avec la santé mentale depuis quelques mois. Et vous voyez bien, quand vous scrollez pendant une heure, vous êtes dans un état de tension nerveuse impossible. Alors quand vous lisez un livre qui vous plaît, vous entrez dans une... hypnose assez agréable.

  • Speaker #1

    Donc vous voulez dire que ce livre devrait être remboursé par la Sécurité sociale ?

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    C'est une question douloureuse pour moi parce que j'ai perdu un boulot à cause de ChatGPT. Je peux vous raconter l'anecdote en une minute. Il y a quelques années, je bossais pour une prestigieuse enseigne parisienne dont je ne peux pas dire le nom où j'étais ghostwriter de la Dircom. Je faisais des petits textes de 700-800 signes. Et puis un jour ça s'est arrêté, et puis on m'a dit oui on te recontactera, et puis on m'a jamais recontacté. Et puis je recroise le boss deux ans après.

  • Speaker #1

    Vous avez été remplacé.

  • Speaker #0

    Et là il me dit, ah tu sais c'est génial parce que maintenant je fais écrire les textes que tu faisais par chat GPT. Je leur dis, écris des petits textes vaguement rigolos, de toute façon on leur a eu de la range-côte etc. Et il me dit ça me convient parfaitement. Et ça lui coûte moins cher. Bon j'étais pas très cher mais... Estimez-vous heureux de pouvoir encore continuer de bosser au Figaro Magazine ? Oui,

  • Speaker #1

    non mais ça va pas durer longtemps. Mais c'est vrai que c'est terrible parce qu'on se dit qu'on est remplaçable finalement.

  • Speaker #0

    Moi j'ai atteint mon obsolescence programmée, ouais.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve strictement à rien ?

  • Speaker #0

    Comme disait l'autre, c'est plus beau parce que c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah, Edmond Rostand. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Alors au risque de vous décevoir, je pense que certains écrivains peuvent être gentils. Par exemple, un poète un peu élégiaque qui fait des lignes sur un paysage, par exemple, peut être gentil. Normalement, je pense qu'un critique littéraire doit savoir être méchant.

  • Speaker #1

    C'est rare, hein ? Je crois qu'à part vous et moi, il n'y en a plus beaucoup.

  • Speaker #0

    Non, non, c'est vrai, mais vous avez cité Angelo Rinaldi tout à l'heure. Il faut se souvenir de Renaud Matignon, Rinaldi, Barbette de Révy. Et il faut se forcer à être méchant de temps en temps.

  • Speaker #1

    Pourquoi d'ailleurs ? Pour faire un exemple ? Pour montrer qu'on est libre ?

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier la fameuse phrase de Beaumarchais...

  • Speaker #1

    Ah !

  • Speaker #0

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est pas un éloge flatteur » .

  • Speaker #1

    Devise du Figaro ! Exactement, voilà. Quel faillot !

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et non parce que je veux dire, le milieu littéraire et l'actualité littéraire est un monde où il y a énormément de fausses valeurs. Et de temps en temps, c'est bien de rappeler... Moi, j'adorais quand j'étais petit, les Abinavs de l'Empereur d'Andersen. Donc tout d'un coup, ce gosse arrive et dit, non mais l'Empereur est nu, quoi. Et de temps en temps, quand il y a des très mauvais livres encensés par tout le monde, il est bien de rappeler que c'est de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis ça n'engage que vous. Votre avis n'est pas forcément la vérité. C'est ça que les gens oublient parfois.

  • Speaker #0

    Bien sûr, oui, c'est vrai qu'après les gens sont très susceptibles maintenant, donc quand on écrit un mauvais papier, c'est la chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et il faut rappeler que tout ça aussi est un jeu, quoi.

  • Speaker #1

    Récemment, on m'a reproché d'avoir critiqué une femme en étant un homme. Et le fait d'être un homme m'interdisait de critiquer un auteur de sexe féminin. C'était intéressant. Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    Je dirais l'angoisse existentielle. Un quatrième choix. Oui, ou l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Ça, c'est ce qui vous plaît ?

  • Speaker #0

    J'aime bien cette forme de... Je vois certains de mes amis qui gagnent beaucoup d'argent semblent parfois méconnaître cette zone de l'existence, cette espèce d'inquiétude qui permet parfois de découvrir des trucs intéressants.

  • Speaker #1

    Vous allez voir vos amis milliardaires et vous leur dites « Oh là, mon pauvre, t'as pas de chance, tu n'es pas angoissé ! » Exactement ! D'accord, très bien. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Alors le truc c'est que moi j'écris quand mes enfants sont à l'école, donc entre 8h30 et midi, et je ne bois pas au petit déjeuner. Donc hélas, pas encore, pas encore.

  • Speaker #1

    Je ne peux jamais dire, Fontaine, je ne boirai pas tout le monde. Tout à fait,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai que le jour où je jouerai à du whisky, quand mes enfants mangent des Chocapic, je serai sur une mauvaise pente je pense.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Bon on a déjà parlé, mais est-ce que vous pensez que c'est un mal nécessaire, une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que beaucoup de critiques sont très mauvais. Mais quand je lis un papier, une bonne descente, je trouve que c'est un enchantement. Et sans flagornerie, c'est vrai, quand vous faites des descentes...

  • Speaker #1

    C'est toujours plus facile aussi. Attention, il faut faire attention à cette...

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce qu'en fait, une descente un peu systématique, justement, ce n'est pas une bonne descente, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être sincère.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Non, je trouve que ça sert à quelque chose. Oui, c'est un petit contre-pouvoir qu'il faut garder.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur JD Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ouais, ou sur Kubrick qui était un peu comme ça reclus. Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne suis pas sûr que Salinger, si on en croit... Mais je ne sais pas si ça va vous faire plaisir ce que je veux dire. Si on en croit Joyce Maynard, JD Salinger n'était pas un type si cool que ça.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Là par exemple,

  • Speaker #1

    vous avez parlé pendant une heure, est-ce que c'était pénible ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Ah ben voilà, c'est ça que je voulais entendre. Un roman doit-il réparer le monde ?

  • Speaker #0

    Alors je me méfie beaucoup, parce qu'il y a un côté un peu stalinien dans cette... Par ailleurs, Réparer les vivants de Maïs de Kerrangan n'est pas trop ce que j'aime en littérature. Mais en même temps, si je retourne votre question, et si c'est est-ce qu'un livre doit empirer le monde, je ne sais pas ce qu'il faut se souhaiter non plus. Il faut aussi, oui. Est-ce qu'il y a une bonne réponse ? Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    Alors il sera publié en août 2045 quand j'aurai 60 ans.

  • Speaker #1

    Très bien. Êtes-vous un ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    J'essaye au minimum parce que justement je pense que être ouin-ouin n'est pas conforme avec l'idée de la noblesse.

  • Speaker #1

    Bravo. Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oui mais comme on finit toujours par se faire prendre un ou un autre, on peut essayer mais...

  • Speaker #1

    Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Alors je vais en citer deux. Patrick Modiane en reste pour moi une référence dans son peste de monde onirique qu'il a créé. Et un écrivain qui m'a rendu vraiment moins bête, c'est Cécile Gilbert. Pour citer un écrivain...

  • Speaker #1

    Contemporain qui est venu ici même dans ce salon.

  • Speaker #0

    Je dois beaucoup, j'ai découvert beaucoup de livres et elle m'a vraiment rendu moins bête je pense.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle n'est pas seulement romancière. une essayiste littéraire. Si vous étiez très riche, est-ce que vous cesseriez d'écrire ?

  • Speaker #0

    Soyez honnête. C'est vrai que l'idée, si j'étais très riche, est-ce que je deviendrais reclus et peut-être que je sortirais un livre d'entendu ? Là,

  • Speaker #1

    vous deviendrez vraiment un vieux garçon.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas que ça soit à me souhaiter. En fait, c'est marrant parce que quand on est justement... On est toujours... pris par nos galères, mais c'est aussi nos galères qui nous poussent à devoir un peu nous dépasser. Si demain, j'étais enfermé dans un château avec du personnel...

  • Speaker #1

    C'est ce qui était la vie normale de vos ancêtres.

  • Speaker #0

    C'est vrai, ce qui aurait dû être ma vie, hélas. Mais peut-être que ça rendrait de moi une loque, donc c'est peut-être pas souhaitable.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que dans mon livre précédent, où je mettais en scène deux personnages qui rêvaient de devenir écrivains, et l'un des deux se rêvait à la fois d'un écrivain maudit, mais en écrivain à succès. Et je disais, on ne peut pas avoir... le spleen et l'argent du spleen. Et cette phrase a été pas mal citée dans la presse. Donc c'est pas brillant, mais je resterai peut-être pour cette phrase.

  • Speaker #1

    Elle est pas mal, elle est pas mal. Mais celle sur... Il a encore deux ou trois divorces devant lui, elle est pas mal aussi. J'aime bien, j'aime bien. Tout à fait. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Non. La question Farronnet de 451, si les livres étaient interdits, lequel seriez-vous prêt à retenir par cœur ? le le réciter dans une forêt.

  • Speaker #0

    Vous connaissez ma réponse, je suis obligé de dire les Maximes de l'Angecourt. Ah,

  • Speaker #1

    c'est bien. Je sais que l'atavisme familial vous honore. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ? Alors, tout le monde, maintenant, dans les émissions de télé à Paris-Sy, dit tout le temps « j'ai été sauvé par tel ou tel livre » .

  • Speaker #0

    Alors, absolument pas. Je m'y attendais ! Non, non, mais en revanche, honnêtement, je me souviens quand j'ai lu « Testament » de Gombrowicz. Quand j'avais 26-27 ans, ça m'a vraiment ouvert une fenêtre dans le cerveau. Et après, j'ai beaucoup lu Gombrowicz, notamment un livre que j'adore de lui, qui est Souvenirs de Pologne. Lui aussi, aristopolonais et tout ça, qui a cette éthos aristocratique. Il ne m'a pas sauvé, mais il fait partie de ces quelques écrivains qui m'ont... Qui vous ont ouvert des horizons. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Je dirais 11 ans, quand je... 1994. Tout à fait, ouais.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ? Ou quand vous regardez votre bibliographie, vous dites celui-là, il est en trop.

  • Speaker #0

    J'ai vraiment honte, j'ai écrit quand j'étais jeune un livre qui s'appelait Godrio le Golgotha. Mais j'adorais les allitérations à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais il existe, il était chez Léo Cher.

  • Speaker #0

    Non, il était dans une collection de Gallimard qui est L'Arpenteur.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est bien chez Gallimard.

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai vendu 300 ou 400 exemplaires de ce livre. Et l'autre jour, j'étais à un salon du livre à Besançon, et je ne sais pas pourquoi le libraire avait mis ce livre sur la table. Et j'avais envie de le dissimuler.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi ? Je ne sais pas très bien,

  • Speaker #0

    parce que c'est un livre où c'était une accumulation d'allitérations, de jeux de mots, ce que j'ai essayé d'épurer depuis.

  • Speaker #1

    C'est, comme disait Michel Déon, un péché de jeunesse. Merci infiniment, Louis-Henri de La Rochefoucauld, d'être venu nonchalamment devisé dans un salon aristocratique chez La Pérouse, où beaucoup de... Just No Binar sont venus depuis 300 ans. Je vous ordonne de lire L'Amour Moderne de Louis-Henri de La Rochefoucauld, c'est aux éditions Robert Laffont. Merci à l'équipe du Figaro TV de continuer à supporter ces enregistrements. Merci à ma fille qui gère le Community Management. Abonnez-vous à la chaîne YouTube, likez-nous, likez-nous, mettez des cœurs partout, ça fait plaisir. Et puis, n'oubliez pas, la lecture est à l'esprit, ce que le sport est au corps. A bientôt. Non, mais écoute,

  • Speaker #0

    on n'a rien vu.

  • Speaker #1

    Cheers.

  • Speaker #0

    On retraque.

Description

Cette semaine je vous propose un entretien avec un aristocrate déjanté, dernier rejeton d'une grande famille d'écrivains. Son dernier roman figure sur la liste du Prix Interallié 2025. "L'amour moderne" raconte l'histoire d'une famille assassinée dans le 16eme arrondissement. Il s'agit donc d'un titre ironique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Louis-Henri de La Rochefoucauld, bonsoir. Vous publiez L'Amour moderne, vos éditions Robert Laffont. Vous avez 40 ans, vous êtes critique littéraire à l'Express, comme Angelo Rinaldi, notre maître à tous. Alors, L'Amour moderne est-il impossible ?

  • Speaker #1

    Il est difficile, mais je dirais que dans ce livre qui paraît assez pessimiste... En grande partie, j'essaie quand même de montrer qu'un acte 2 est possible. Oui, pour deux des trois personnages.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui rend l'amour compliqué aujourd'hui par rapport à... Il y a un siècle ou deux, est-ce que c'est la vitesse, est-ce que c'est la folie, est-ce que c'est la technologie ?

  • Speaker #1

    Ce qui est vrai c'est que j'ai appelé ce livre l'amour moderne avec une pointe d'ironie parce que finalement moi je pense qu'on n'a rien fait mieux depuis l'amour courtois il y a quelques siècles. Et finalement j'aurais pu appeler ce livre l'amour anti-moderne et en effet je pense que rien n'est fait pour simplifier le rapport. dans les couples aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je résume votre pensée, l'amour courtois c'est quoi ? C'est un baladin, un troubadour qui chante au pied d'une tour où une belle dame ne le verra jamais.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est ça votre conception de l'amour idéal ?

  • Speaker #1

    Oui, un amour comme ça, un peu éthéré, me semblait une... Est-ce qu'au XXe siècle on a fait mieux ? J'en suis pas sûr. Est-ce que le mariage bourgeois c'était mieux ? Je crois pas. Et est-ce qu'aujourd'hui le chemsex c'est mieux ? Dieu merci, moi je suis trop vieux pour avoir connu tout ça.

  • Speaker #0

    Vous pouvez essayer, oui.

  • Speaker #1

    Donc, non, non, écoutez, ce livre est une sorte de tentative de réhabilitation de... Oui, alors ça dit, c'est une forme d'amour à distance, parce que c'est vrai que les deux personnages qui essayent de se rapprocher dans ce livre sont assez lents, c'est un livre assez chaste.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Les fans de Houellebecq seront déçus de ce livre.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas raconter comment l'histoire se termine, parce que sinon, les gens n'auront plus besoin d'acheter votre œuvre. Mais ça débute par un crime épouvantable qui a eu lieu en 1994. Un père de famille qui a tué sa femme et ses deux enfants, un enfant ayant survécu en se planquant dans un placard. Et c'était la famille parfaite. C'est-à-dire que ce que vous voulez peut-être montrer, c'est que... Même les familles, et surtout les familles qui ont l'air le plus normal, le plus impeccable, en réalité cachent une violence, un danger ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce que Sébastien Tellier appelle l'amour et la violence. C'est inspiré d'une histoire que j'ai connue quand j'avais 9 ans, en effet en 1994, d'une famille qui vivait dans un hôtel particulier du 16e arrondissement. L'un des fils était avec moi en CE2 à l'époque. Le père de famille, comme dans le livre, est un brillant polytechnicien qui a travaillé en cabinet ministériel, etc. Tout semble bien aller, mais il est pris d'une sorte de délire un peu paranoïaco-psychotique. Et donc un jour, en effet...

  • Speaker #0

    Il était très, très exagérément jaloux, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors il se trouve qu'il soupçonnait sa femme de le tromper, avec le peintre qui avait réalisé justement le portrait de famille. Ironie de l'histoire, c'est le peintre qui a fait ce portrait de la famille parfaite. Ralph Lauren qui, selon le mari, le cocuit imaginaire ou pas, puisque tout ça est un peu trouble, mais en tout cas il est persuadé que sa femme le trompe et il finit un jour comme ça par tuer sa famille, quelques années avant Dupont de Ligonnès. C'est une affaire qui ressemble pas mal à l'affaire roman et à l'affaire Dupont de Ligonnès.

  • Speaker #0

    Et ça, ça vous a beaucoup marqué dans votre enfance et vous en faites un peu le prétexte, le fil conducteur de tout le livre. Dans le roman, le héros s'appelle Ivan Kamenov. Et il est attiré par une célèbre actrice dont la sœur était la femme tuée dans cette affaire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, au début du livre, lui est une espèce de dramaturge qui a eu du succès, mais là il est un peu période de jachère. Bon, en gros, il glande, quoi. Et un homme qui s'appelle Michel Hugo, qui est une sorte de parrain du cinéma français, par ailleurs propriétaire d'un théâtre, prend contact avec lui pour qu'il écrive une pièce pour son épouse, qui s'appelle Alban. Et son mari se dit, peut-être qu'à défaut de tourner dans des films, il acceptera de revenir au théâtre. Et il se trouve que le personnage d'Ivan, en effet, sait que cette femme a un lien avec ce fait divers. Et donc, il accepte ce projet pour avoir l'occasion de rencontrer cette femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous diriez que c'est une comédie romantique, ce livre ?

  • Speaker #1

    C'est une sorte de vaudeville grinçant, je dirais.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très noir, en fait. Dès le début, avec ce crime, mais plus on avance... Contrairement à vos autres romans, je dirais, vous êtes assez loufoque, vous aimez bien le burlesque, vous êtes, comme on pourrait dire, comme d'autres grands auteurs, comme moi-même, par exemple, attiré par la potacherie. Et il y a ça au début du livre. Et puis, plus on avance, et plus, finalement, c'est une histoire très tragique et très... et très mélancolique, ce qui est nouveau chez vous.

  • Speaker #1

    Mais vos livres aussi ont leur fond de spleen.

  • Speaker #0

    C'est possible, c'est possible. On est des faux potaches.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je sais que vous aimez comme moi un livre qui est La vie de Patachon de Pierre de Régnier, qui est un livre que je conseille à tout le monde, qui est comme ça la vie d'une fêtarde qui s'appelle Emma Patachon. Et le livre est un peu délirant et plus on avance dans le livre, plus c'est en fait mélancolique.

  • Speaker #0

    Mais L'écume des jours devient aussi.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Et je crois qu'en fait, c'est esthétiquement peut-être ce que je préfère. C'est la frivolité splinétique.

  • Speaker #0

    Mais ça a été... Alors, c'était pas vraiment... C'est un peu nouveau, je dirais, chez vous. Il y a même des passages dans le 16e arrondissement de déambulation modianesques.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, Modiano, c'est une vieille passion pour moi. C'est vrai que quand j'avais 18-20 ans, c'était vraiment mon écrivain préféré. Et c'est vrai que c'est ce qui m'est resté de lui. c'est ce goût de tourner en rond en définiment dans les mêmes dans les mêmes coins. À l'heure des écrivains voyageurs à la Sylvain Tesson je propose une contre-programmation qui est de tourner en rond dans le 16ème en définiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous croyez que le fait de basculer comme ça dans une forme presque de dépression ou de noirceur c'est une question d'âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être j'arrive à un âge où des écrivains que j'aime bien commencent à mourir Fille de Gérald, il est mort à quoi, 44 ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    J'ai 40 ans, donc j'arrive peut-être dans le temps auditionnel. Non, je ne sais pas. Je crois que c'est après la vie, tout simplement. Il se trouve que moi, quand cette histoire m'a eu lieu, j'avais donc 8-9 ans, et j'ai une petite fille qui a 8 ans, et qui va à l'école, dans la même école primaire où moi j'en ai... Qui est Franklin. Exactement, qui est Franklin.

  • Speaker #0

    Saint-Louis-de-Gonzague.

  • Speaker #1

    Tout à fait, voilà, que j'appelle Loyola dans le livre, mais enfin... Les connaisseurs des beaux quartiers auront reconnu l'adresse. Et je pense que retourner sur les lieux avec ma fille, qui a l'âge que j'avais à ce moment-là... Ça vous a ramené à cet âme. Ça m'a ramené à ces états d'âme que j'avais à ce moment-là. Et ça crée, ouais, une forme de... Il y a pas mal de textes de Peggy, pour parler d'un auteur plus sérieux, quoi qu'assez délirant dans son genre, mais il y a pas mal de textes de Peggy sur la mélancolie de l'homme de 40 ans. Et ben voilà, j'arrive à cet âge tragique.

  • Speaker #0

    Mais... Pourquoi en avoir fait une fiction ? Puisque c'est une histoire vraie, vous auriez pu, au lieu de vous appeler Yvan, vous auriez pu vous appeler Louis-Henri et assumer la part autobiographique.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors, pour répondre aux critiques littéraires que vous êtes, je dirais que pour moi, il y a un peu l'école Carrère et l'école Modiano. Le récit, le non-fiction et tout ça, qui est plus dans l'air du temps en ce moment. Et moi, d'abord, je n'ai pas ce talent-là et je n'ai pas ce goût-là non plus. Je crois que je préférais retrouver comme ça, de manière un peu onirique, cette période sombre de mon enfance.

  • Speaker #0

    Oui, d'autant que Carrère l'a fait sur l'affaire Romand, qui est aussi un meurtre familial, un meurtre collectif. Yvan tombe amoureux à 38 ans, de la femme de son producteur, actrice de plus de 10 ans plus que lui. Qui verriez-vous dans le rôle ? Je me suis demandé Marion Cotillard, Cécile de France.

  • Speaker #1

    Je crains que Marion Cotillard ne soit pas assez élégante pour jouer ce personnage. Vous dites donc !

  • Speaker #0

    Comment osez-vous ?

  • Speaker #1

    Je préfère Cécile de France. Non, alors je dis qu'elle ressemble un peu à Lorraine Bacal dans Le Crime de Laurent Express, mais c'est une référence un peu vintage. Aujourd'hui, qu'est-ce que j'aimerais bien comme actrice ?

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas eu de proposition d'adaptation ?

  • Speaker #1

    Non, non, hélas. Comme actrice française, alors ?

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #1

    Là j'ai du mal. Bon allons-y pour Cécile de France. En tant que directeur de casting, vous ne proposez que Thiar et Cécile de France. Je prends Cécile de France.

  • Speaker #0

    Vous avez un don pour la vanne qui tue. Il n'avait jamais compris une ligne au livre qui paraissait aux éditions du Seuil. C'est pas très très gentil pour les éditions du Seuil.

  • Speaker #1

    Mais oui, mais est-ce que c'est faux ? Est-ce que vous comprenez quelque chose au livre qui sort au Seuil ?

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire que vous êtes le Sacha Guitry de Technicard ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est un grand compliment. En tout cas, j'aimais bien dans Technicard, parce que j'ai arrêté de bosser à Technicard pour me consacrer à l'Express il y a quelques mois. Mais c'est vrai que j'aimais bien essayer de mettre de l'humour dans les papiers, ouais.

  • Speaker #0

    Mais vous en mettez toujours dans les maquillages. Tout à fait, c'est ce que j'essaye au maximum,

  • Speaker #1

    ouais. Mais vous êtes mon maître en ce domaine.

  • Speaker #0

    Oh, mais oui. Qu'est-ce qui s'est passé au Masque et la Plume ? Vous êtes allé au Masque et la Plume une seule fois. Ils ne vous ont jamais rappelé. J'ai fait deux émissions. Ah, deux émissions, d'accord.

  • Speaker #1

    Première émission, Rebecca Manzoni me dit « C'est sujet génial, etc. Revenez. » Donc je reviens trois semaines plus tard. Et là, je n'ai plus jamais une nouvelle.

  • Speaker #0

    Vous avez fait une vanne qui ne passait pas ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    Alors je me suis moqué d'un écrivain du Seuil qui est Edouard Louis, pour ne pas le nommer. Et alors peut-être que ça ne passe pas sur les ondes de France Inter. Mais j'ai dit du bien de Scholastique Mukasanga. Donc je pensais que... En plus, sincèrement, parce que j'avais adoré son livre. Et j'ai dit justement que... En fait, Scholastique Mukasanga raconte un livre sur des choses horribles qui se passent au Rwanda, mais de manière très pudique et tout ça. Et je disais, ça nous change des pleurnicheries d'Edouard Louis.

  • Speaker #0

    Vous croyez que c'est à cause de ça ?

  • Speaker #1

    Elisabeth Philippe s'est un peu crispée à ce moment-là. Et voilà, il n'y a pas eu de suite.

  • Speaker #0

    Vous dites que la reconnaissance légale du droit d'autorité... hauteur et le seul progrès durable apporté par la Révolution française. C'est Beaumarchais qui a eu l'idée. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Si vous connaissez d'autres progrès apportés par la Révolution française...

  • Speaker #0

    La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non ?

  • Speaker #1

    Je rappelle à vos auditeurs que vous êtes aristos par votre mère. Je ne sais pas ce qui s'est passé pour votre famille à ce moment-là, mais ça s'est bien passé.

  • Speaker #0

    Mais vous vous en êtes jamais remis, mais bon, c'était il y a longtemps, vous avez écrit un livre qui s'appelle La Révolution Française. Tout à fait, oui, non, tout à fait. Et bon, il faut l'accepter, elle a eu lieu. Passons sur l'événement,

  • Speaker #1

    passons sur l'événement, oui. Enfin, en tout cas, je vois que la France, là où on parle, la France n'a pas de gouvernement, donc deux siècles après, on est bien avancé, oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai, c'est vrai que c'est... Je l'ai dit à Adeline de Clermont-Tonnerre, je reçois beaucoup d'aristos dans cette émission.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que c'est une bonne émission.

  • Speaker #0

    Une émission très small, très très small. Je voulais vous féliciter aussi pour la couverture de Flock. où on voit ce couple qui trinque au champagne au milieu d'une ville de Paris en ruine et en feu, avec la tour Eiffel qui s'effondre. D'où est venue cette idée ? C'est vraiment splendide. Je pense que c'est la plus belle couverture de livre de la rentrée littéraire.

  • Speaker #1

    C'est aussi mon avis. Non, en fait, le nouveau patron des éditions, Robert Laffont, Frédéric Martin, a voulu qu'on fasse des couves illustrées. Et il se trouve, alors c'est pas un dessin original, c'est un dessin qui a fait la couve du magazine Monsieur, il y a une dizaine d'années. Ah oui, d'accord. Et j'adorais ce dessin, donc j'ai appelé Floch, qui a accepté que j'utilise ce dessin.

  • Speaker #0

    C'est bien que votre éditeur ait ce souci-là, parce que je trouve malheureusement en France la qualité des couvertures pas très... C'est un exercice qui devrait être un exercice amusant et artistique, et c'est faible en général. Alors il y a un personnage dans le livre qui est nommé Jean-Yves Leblanc, qui sort avec des mannequins. qu'un qui prend de la cocaïne au bain-douche. Mais où allez-vous chercher tout ça ?

  • Speaker #1

    Vous avez connu sans doute le modèle. Un certain Jean-Luc Brunel.

  • Speaker #0

    Jean-Luc Brunel, oui, qui était un ami de mon père.

  • Speaker #1

    Et bien ce personnage, en fait, il se trouve que ce fait d'hiver tragique qu'il y a eu dans mon école, ils avaient un lien familial avec Jean-Luc Brunel. Et donc ce personnage, alors je l'ai appelé Jean-Yves, ce qui fait référence à une autre personne que vous avez connue.

  • Speaker #0

    Oui, Jean-Yves Le Fur.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais bon je dirais que c'est 90% Brunel qui est un personnage quand même sombre. Mais je ne savais pas que c'était un ami de votre père. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Non mais c'est ce qui est bien dans le livre, c'est qu'on reconnaît les gens sans les reconnaître complètement. Ça reste quand même une fiction.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et d'ailleurs les personnages d'Alban, Blanzac, la comédienne, et le méchant Michel Hugo, pour le coup, ne renvoient à aucun personnage.

  • Speaker #0

    Ah bon, moi j'ai reconnu... Non, quelques producteurs de cinéma pourraient s'identifier.

  • Speaker #1

    Oui, je connais moins bien ce milieu que vous, mais quant à Yvan, le personnage principal ne me ressemble absolument pas.

  • Speaker #0

    Le vrai sujet du livre, c'est peut-être l'année 1994. C'est-à-dire cette année-là, il y a beaucoup d'événements qui vous ont frappé. Non seulement ce triple meurtre dans le 16e arrondissement, dans une famille apparemment sans problème. Il y a le suicide de Kurt Cobain, celui de François de Grosseouvre, l'accident d'Ayrton Senna. Et pour vous, vous avez 8 ans et c'est cataclysmique tout ça.

  • Speaker #1

    Oui parce que ce fait divers qui a eu lieu dans la réalité en mi-mai 1994, le suicide de Grossof c'est au mois d'avril et la mort d'Ayrton Senna c'est le 1er mai. Donc tout ça était une espèce de séquence. Et moi je me souviens que gros souffle, pourtant j'étais pas vieux, mais un suicide à l'Elysée, mon père avait dû m'en parler, ça m'avait paru un truc très très mystérieux. Alors moi j'ai raté cette fois le permis de conduire, donc la voiture n'est pas ma passion, mais j'avais des copains qui regardaient la Formule 1, donc je me souviens dans la cour de récréation de cette émotion de la mort de Sénat qui avait eu lieu en direct, et puis après ce camarade qui se fait tuer. Et puis c'est vrai qu'après j'ai découvert plus tard, parce que je ne lisais pas Guy Debord en CE2, je veux bien frimer, mais... Et après, quand j'ai découvert plus tard qu'il y avait ce suicide... Debord s'est tué aussi en 1994. Guy Debord s'est suicidé en 1994 aussi. Et donc Kurt Cobain aussi, comme vous l'avez cité. Ça fait une espèce de constellation... Et Bérégovoy. Alors Bérégovoy, c'est 93.

  • Speaker #0

    Ah d'accord, ok.

  • Speaker #1

    La veille de cette tentative d'attentat sur Monica Seles au tournoi de tennis de Hambourg.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, j'avais complètement oublié. Monica Seles était en train de jouer au tennis et on l'a poignardée pendant un match.

  • Speaker #1

    Elle est à un changement de côté à Hambourg. Donc en Allemagne, il y a un fan de Steffi Graf, qui était sa grande rivale, arrive et lui plante un couteau dans le dos. Et donc les images que vous pouvez voir sur YouTube, si vous avez le goût de l'hémoglobine...

  • Speaker #0

    Oui, ben alors non merci.

  • Speaker #1

    Non, elles sont saisissantes, parce qu'on voit Monica Céleste qui tout d'un coup est prise comme ça, une espèce de suffocation, et tombe sur le cours. Et là, les médecins viennent la chercher. Et Bérégovoy ou Monica Céleste, je ne sais plus, ça s'est passé... L'un des deux s'est passé le 1er mai 93, donc pile un an avant la mort d'Ayrton Senna, le 1er mai 94. enfin je sais pas Dans mon esprit d'enfant, puis quand j'essaie d'analyser cette année-là, tout fait des espèces de correspondances un peu comme ça, bizarres.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est assez étrange dans le livre, c'est que le personnage est un enfant protégé dans un milieu favorisé, dans une école privée, tout devrait aller plutôt bien, et il est comme ça saisi par... En fait, il découvre que la vie n'est pas... Voilà, que l'existence de la tragédie, quoi, en fait.

  • Speaker #1

    Tout à fait, oui, c'est un peu un livre sur l'envers du décor et sur ce qu'il y a derrière les apparences, la traversée des apparences, comme dit Virginia Woolf. Et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, que j'aime bien cette couverture, parce que le livre se passe un peu aussi dans le milieu du théâtre. Et cette couverture que vous avez montrée avec ce fond rouge, il y a quelque chose aussi du rideau du théâtre. Et donc, oui, c'est ça, de l'envers du décor.

  • Speaker #0

    Il y a une scène de mariage au château d'Arkang, près de chez moi. Alors là, quand même, je vous en veux un peu, puisque vous dites, il faisait un temps de chien, enfin un temps basque. C'est complètement faux, il y a aussi beaucoup de soleil au Pays Basque, voyons. C'est un cliché, ça.

  • Speaker #1

    Oui, alors surtout qu'en plus, ce qui est drôle, c'est que le mariage dont je me suis inspiré, c'est le mariage d'une de mes tantes qui avait eu lieu en Champagne-Ardenne. Et là, pour le coup, ça avait été des sauts d'eau toute la journée. et j'ai délocalisé ça au château d'Arkang où s'était marié un de nos amis communs dont je peux citer le nom qui était Thierry Perroux.

  • Speaker #0

    Ah oui ? C'était marié là-bas, il y a une dizaine d'années, voilà. D'accord. La question de la page 82. C'est une nouvelle question. C'est une nouvelle rubrique, c'est la question de la page 82. Page 82, vous dites... Prendre une seule menière au Lutetia, est-ce que c'est de gauche ? Je vous la pose.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a vraiment des gens de gauche ? C'est une question que je n'ai jamais vraiment réussi à résoudre.

  • Speaker #0

    Vous voulez dire sur Terre ou au Lutetia ?

  • Speaker #1

    Alors... Au lieu des SIA, je ne pense pas. Et sur Terre, j'en sais pas.

  • Speaker #0

    Vous citez aussi Des Profondistes, Oscar Wilde. Alors, je vais vous demander de lire le passage, mais je n'ai pas... Je n'ai pas la page. Ah, voilà. Voilà, je l'ai. C'est là où j'ai mis des traces de stylos billes.

  • Speaker #1

    Alors, vous voulez que je lise ? Oui, parce que... À partir de là,

  • Speaker #0

    jusque-là, parce que ça va montrer que même si vous essayez de blaguer tout le temps ici, en réalité, dans le livre, vous le faites un peu moins.

  • Speaker #1

    On se souvient que Wilde, à la suite de son procès perdu contre Lord Queensberry, le père de son amant Alfred Douglas, avait été condamné à deux années de travaux forcés. En 1897, finissant de purger sa peine de prison à la jôle de Reading, Wilde, 42 ans, au bout du rouleau, vêtu de guenilles, avait pris la plume pour écrire des profondices, longues lettres adressées à Alfred. Regrettant de n'avoir pas connu auprès de lui une atmosphère intellectuelle faite de calme, de paix et de solitude, il avait eu ses lignes. Tu admirais mon travail lorsqu'il était achevé, tu aimais le succès éclatant de mes premières et les brillants festins qui les suivaient. Tu étais fier, et c'était fort naturel, d'être l'ami d'un artiste aussi éminent, mais tu étais incapable de comprendre les conditions requises par la production d'une œuvre d'art.

  • Speaker #0

    Alors là c'est un moment important, parce que vous essayez de faire passer un message là, c'est de dire que nous, les écrivains, On est invivable.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai le souvenir comme ça d'une... Je ne sais plus quelle fille qui tournait autour de Picasso et la mère de Picasso lui avait dit il s'est tombé, il est déjà marié à son art. Et c'est vrai que... Parfois quand on est... On a besoin d'un peu de concentration quoi. Alors après il faut faire la part des choses. Moi je m'occupe pas mal de mes enfants donc j'essaye que quand je travaille sur mes livres ça ne soit pas à leur détriment.

  • Speaker #0

    Mais pendant qu'ils sont à l'école, il faut travailler entre 8h30 et 16h15.

  • Speaker #1

    Merci à l'éducation nationale de nous permettre de travailler. Et non, et après, c'est vrai que là, il parle vraiment à son amant. Et c'est aussi, je crois que c'est plus par rapport au conjoint. Cette histoire d'un conjoint qui, par exemple, quand vous avez du succès, est content, mais ne comprend pas que pour qu'il y ait ce succès, il y a aussi les heures creuses où en effet, il faut supporter que vous ayez besoin de solitude et de calme.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose dont vous avez souffert personnellement ? C'est compliqué de se concentrer sur son travail artistique ?

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est un peu un cliché l'idée de l'artiste qui doit rester célibataire, comme Flaubert et tout ça, après tout, il y a plein d'écrivains qui ont eu des vies, qui ont réussi à avoir des vies familiales heureuses.

  • Speaker #0

    Charles Dickens écrivait ses livres entourés de sa marmaille. Tout à fait,

  • Speaker #1

    il y a tous les exemples possibles. Et en même temps, je trouve toujours assez malsain aussi les couples où le conjoint devient une espèce de secrétaire du grand homme ou de la grande femme, etc. Il y a un truc que je trouve un peu bizarre là-dedans. Donc je ne sais pas, je n'ai pas la recette de la bonne relation.

  • Speaker #0

    J'essaie de vous titiller parce que je me demande quand vous allez fendre l'armure. C'est-à-dire, tous vos livres sont des romans, vous êtes un partisan de la réelle fiction. Mais est-ce qu'un jour vous n'avez pas basculé dans la confession intime et osé franchir le pas ? Peut-être,

  • Speaker #1

    peut-être, peut-être. On n'est pas obligé,

  • Speaker #0

    mais Modiano, que vous aimez, il l'a fait, lui.

  • Speaker #1

    Oui, un pédigré ? Oui. Est-ce qu'il l'avait fait avant ?

  • Speaker #0

    Peut-être que dans Villatrice, il parle de si brave garçon, il parle de son pensionnat.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Mais est-ce qu'il a vraiment fait un livre sur la mort de son frère, par exemple ? Non, jamais. Rudy, ce fameux frère qui l'a perdu enfant. Non,

  • Speaker #0

    c'est une seule phrase dans un pédigree.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Oui, c'est très bizarre d'ailleurs la manière dont il en parle. Non, écoutez, la vie est longue. Donc peut-être que ça m'arrivera de... Mais écoutez, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Parce que par exemple, le type qui tue toute sa famille, vous dites qu'il était en pension... À la Flèche ? À la Flèche, en pritanné de la Flèche. Il a été victime d'abus, il a été frappé, peut-être violé, tout ça. Bon, vous vous racontez Franklin, je ne sais pas, est-ce que vous avez été traumatisé à Franklin ?

  • Speaker #1

    Alors non, pas à Franklin, moi ce qui m'a le plus traumatisé, alors j'étais victime de rien de sérieux, mais je suis allé en Angleterre dans un pensionnat à Eastbourne quand j'avais 11 ans, et là je me souviens que j'étais seul, j'étais la French Frog dont tout le monde se moquait. Et j'ai des souvenirs précis d'avoir découvert la profondeur de la mélancolie à Eastbourne quand j'avais 11 ans.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs, Yvan est dans ce fait. C'est donc un passage intime dans le livre. Et voilà,

  • Speaker #1

    peut-être que je pourrais plus parler un jour de ces souvenirs-là.

  • Speaker #0

    C'est curieux parce que Guillaume Gallienne, que j'ai reçu ici, lui aussi a été en pension en Angleterre, mais lui, il a adoré. Parce que justement, comme il était excentrique... Les anglais le toléraient comme il était. Là où il a été vraiment maltraité, c'est en France.

  • Speaker #1

    J'étais pas assez excentrique.

  • Speaker #0

    C'est le onzième livre. C'est votre onzième livre. Onze livres, ça commence à faire une œuvre. Qu'est-ce que vous avez essayé de dire, si jamais vous deviez essayer de résumer, qu'est-ce que vous avez essayé de dire toutes ces années dans ces onze livres ?

  • Speaker #1

    Je sais pas parce que je... pense que je suis un écrivain à maturation lente. Et donc, j'ai l'impression qu'à 40 ans, j'arrive... J'ai l'impression d'avoir progressé ces dernières années, tout ça. Oui, je confirme. Non, je suis content d'avoir parlé, d'avoir fait quelques tableaux poétiques de la pension anglaise, de la mort de ce camarade de classe. Et je crois... J'ai essayé de peindre un peu le 16e arrondissement. J'ai essayé de remettre le 16e arrondissement dans la littérature mondiale. Et peut-être d'essayer de mêler un peu ce que je disais sur Pierre de Régnier, ce que faisait Sagan aussi un peu, parce que ce livre est assez inspiré d'un livre de Sagan qui s'appelle Le miroir agaré, qui est aussi une sorte de triangle amoureux dans le monde du théâtre. J'essaye de faire perdurer une forme d'esprit français mêlant justement frivolité et profondeur dans un paysage littéraire qui, je crois, ne le tolère assez peu.

  • Speaker #0

    mais je dirais même plus plus sérieusement que... Si jamais il y a un message, je ne vous le souhaite pas, mais c'est que peut-être vous... Parlez de la noblesse. C'est évidemment un sujet complètement inactuel, désuet et tout, mais puisque vous venez d'une très ancienne famille, très prestigieuse, et que vous êtes un descendant d'un immense écrivain qui est François de La Rochefoucauld, du coup, dans plusieurs de vos livres, y compris dans celui-là, vous rendez un peu hommage à, non pas l'aristocratie, mais certaines valeurs de ce monde-là, de ce monde presque disparu.

  • Speaker #1

    Mais alors, comme mes sœurs me reprochent de radoter, c'est pour ça que j'en ai fait ce livre. Ivan Kamenov est un dessin de Russe blanc.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, comme ça, ça vous permet d'éviter le...

  • Speaker #1

    Donc je fais une phrase sur la révolution russe, parce que je me suis dit, voilà, ça me permet de décaler légèrement le truc.

  • Speaker #0

    Mais je vous ai perçu à jour quand même.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Non, mais c'est vrai que c'est un thème qui m'est assez cher, et je pense que ça veut dire quelque chose dans la littérature française, d'ailleurs, et dans la manière d'être.

  • Speaker #0

    parce que ce qui est bizarre c'est que vous n'êtes pas snob puisque vous n'avez pas besoin de l'être quand on s'appelle La Rochefoucauld, mais en revanche, quand même, vous ne renoncez pas, vous ne vous grimez pas en autre chose, vous voyez ? C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, non, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est compliqué d'assumer l'idée d'être un aristo fauché en

  • Speaker #1

    2025. Oui, en même temps, il y a une forme de fierté, pas au sens d'orgueil mal placé, mais... Je vois parfois des trucs, par exemple, en censé, dans la presse de gauche, de très mauvais livres, de camelotes trucs, et je me dis, bon, tout ça, finalement, passera avec l'écume des jours. Et je me dis, voilà, on est encore là, mille ans après. Donc, je sais pas, les Édouard-Louis passeront.

  • Speaker #0

    Oui, mais je sais pas, vous pouvez, de toute façon... Vous pouvez y aller, on est sur le Figaro Télé, donc on a tout à fait le droit de dire du bien de la noblesse. Quelles sont les valeurs de la noblesse que vous défendez encore aujourd'hui ? C'est quoi ? C'est un désintéressement ? C'est le panache ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a l'idée que l'argent ne doit pas passer en premier. L'idée, oui, une forme de détachement. Je pense qu'il y a pas mal de choses communes avec un certain esprit anglais. Je trouve que les aristos... un peu un esprit anglais.

  • Speaker #0

    D'être un peu fou et un petit peu je m'en foutiste.

  • Speaker #1

    Oui, d'avoir une manière, une forme de désinvolture par rapport à des choses qui paraissent importantes pour d'autres gens. Et en même temps, après, d'accorder une importance folle pour des choses qui paraissent dérisoires.

  • Speaker #0

    Oui, comme les boutons de manchette. Tout à fait, voilà, tout à fait.

  • Speaker #1

    Par exemple, les seuls boutons de manchette que j'ai, c'est les boutons de manchette du jockey club dont je suis membre. Et voilà, ça par exemple, ce détail m'importe.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, j'ai eu tort de dire que vous n'étiez pas snob. Est-ce que vous êtes monarchiste ? Parce qu'il y a un de vos livres où le narrateur rencontre Louis XVI dans un bar pas loin d'ici. Et finalement, vous faisiez l'éloge de ce système-là où il y a quelqu'un qui incarne le pays et qui ne sert à rien.

  • Speaker #1

    En fait, s'il y avait quelqu'un de charismatique... La monarchie élective serait peut-être pas si mal, comme en Angleterre.

  • Speaker #0

    Ça éviterait qu'il y ait autant de bordel en France que comme en ce moment.

  • Speaker #1

    Là, c'est vrai que ça va pas très bien, honnêtement. On sait pas ce qui va succéder à la Ve République, mais...

  • Speaker #0

    L'utilité d'un roi, c'est quoi ? C'est la permanence de... C'est quoi ? C'est pour...

  • Speaker #1

    Oui, c'est cette espèce d'idée. Alors déjà, franchement, c'est pas mal, parce que ça veut dire que les ambitions... Là... Quand Sébastien Lecornu parle des appétits partisans des uns et des autres, avec un roi, les appétits partisans s'arrêtent à Matignon, puisque la plus haute marche est inaccessible. Donc peut-être que finalement, ça rendrait les hommes politiques un peu plus humbles.

  • Speaker #0

    Bon, parlons de choses sérieuses à présent. Le Chef-Faire est-il vraiment le meilleur restaurant du XVIe ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai exagéré. Il y a un resto que j'aime beaucoup, mais alors dans le nom m'échappe parce que je commence à perdre la tête à 40 ans, qui est Ruggy de Maupassant. Le Relais du Bois. Je préfère le Relais du Bois. Ah bon, le Relais du Bois,

  • Speaker #0

    ok, très bien. Je me demandais, le meurtrier dont vous parlez, le père de famille qui a liquidé sa famille, il a été condamné, il a dû purger sa peine et aujourd'hui il est en liberté.

  • Speaker #1

    Il est libre, il est peut-être dans le quartier à l'heure où on parle. Oui, oui, je sais qu'il est sorti de prison il y a quelques années, oui.

  • Speaker #0

    C'est fou, c'est comme Jean-Claude Romand. Jean-Claude Romand est en liberté.

  • Speaker #1

    Alors Jean-Claude Romand, je crois qu'il était passé par l'habit de Fongombo, où il a été plus ou moins oblat, un peu, et qui, à ma connaissance, il en est parti, je ne sais pas où il est maintenant. Et Dupont de Ligonnès, seuls vous savez où il est.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas moi, c'est Stabenrath qui sait où il est.

  • Speaker #1

    Une part de moi, je crois, est entre 93 et donc l'Angleterre, c'était 96-97. Une part de moi restera toujours fixée dans cette espèce d'espace-temps parallèle.

  • Speaker #0

    C'est le moment où vous êtes devenu adulte ?

  • Speaker #1

    C'est l'âge de raison, oui. C'est le moment où je m'aperçois que le monde des adultes est un monde assez bizarre. Même à l'Elysée, même là où il est censé être le pouvoir, il y a quelqu'un qui peut se tirer une balle dans la tête.

  • Speaker #0

    Oui, et je découvre cette tristesse d'enfant en Angleterre que je n'avais pas connue avant.

  • Speaker #1

    Et puis surtout, c'était un camarade à vous, un pote de classe qui s'est fait jouer par son père.

  • Speaker #0

    Tout à fait, on nous en a très peu parlé en plus, ce que je raconte dans le livre, parce que ça m'a frappé à posteriori. C'est dans mon souvenir, mais qui est peut-être une fiction, mais dans mon souvenir, on nous réunit sous le préau un matin. Donc évidemment, dans mes souvenirs, c'est un préau de Toussaint, alors qu'en fait, c'est au mois de mai, donc il faisait peut-être un grand soleil. En tout cas, la directrice nous dit qu'il s'est passé quelque chose de grave. Vous ne reverrez pas votre camarade.

  • Speaker #1

    Ah oui, sans donner de détails.

  • Speaker #0

    Et il me semble qu'on ne nous a rien dit d'autre. Et puis après, on est monté en classe. Et puis c'était la fin de l'année scolaire. Donc après, il y avait les grandes vacances. Et puis en septembre d'après, c'était une affaire classée.

  • Speaker #1

    Et à Franklin, vous n'étiez pas en classe avec Brigitte Macron ? Elle a été prof à Franklin.

  • Speaker #0

    Elle a été prof, bien sûr. Elle a eu des cousins à moi, mais elle a été prof... Moi, j'étais parti depuis longtemps, ouais. Non, j'ai raté de peu Viviane Lemaire, la mère de Lemaire, la mère de Bruno Lemaire, qui a été directrice du petit collège après mon départ. Donc, je suis passé à côté de grande dame, mais...

  • Speaker #1

    Oui. Et il y a cette phrase vers la fin du livre qui, à mon avis, vous définit bien. Malgré ses farces, il demeurerait à jamais un enfant triste du 16e arrondissement.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est le mélange Guitry-Modiano, ouais.

  • Speaker #1

    C'est très beau, c'est très beau. Alors, on passe au jeu devine tes citations, je vous lis des phrases de vous, tirées de tous vos livres, et vous devez deviner, sans tricher, dans quel livre vous avez écrit ceci. Ivan, c'est facile, Ivan n'était pas l'homme de sa vie, de toute façon, il n'était même pas un homme.

  • Speaker #0

    C'est donc L'amour moderne, ouais.

  • Speaker #1

    L'amour moderne, 2025. Elle est dure avec lui, quand même, la femme d'Ivan. Tout à fait. C'est l'histoire d'un type qui n'arrive pas à être un homme ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça d'ailleurs qu'Yvan, au début du livre, vient de se séparer de sa femme.

  • Speaker #1

    Mais alors s'il n'est vraiment pas un homme, elle a raison de le quitter ?

  • Speaker #0

    Oui, mais il n'est pas un mâle alpha, voilà.

  • Speaker #1

    Voilà, oui c'est ça.

  • Speaker #0

    Mais donc il est un homme sensible. Est-ce qu'un homme sensible est un homme ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois, oui. Autre phrase de vous. À son jeune âge, il avait encore deux ou trois divorces devant lui.

  • Speaker #0

    C'est toujours dans les morts modernes.

  • Speaker #1

    Excellent aphorisme. Alors ça, vraiment, j'adore. Encore un. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Ça, c'est mon ancêtre. François de La Rochefoucauld dans ses Maximes.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est les Maximes de La Rochefoucauld. 1665. Bravo de ne pas vous être attribué ce tube. Parce que c'est un peu son tube. Je la relis. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Mais je me demande si dans mon livre, il n'y a pas un sample de mon ancêtre. Ah oui ? Non crédité, une phrase de lui que je m'amuse à rebidouiller. Je crois, je crois,

  • Speaker #1

    oui. Je vous en dis d'autres de ces tubes, parce que c'est toujours un plaisir de les réécouter. Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés. Ça, c'est toujours votre ancêtre. Et puis, qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. Ça, franchement.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on se sent écrasé d'être l'arrière-arrière-arrière-petit-fils d'un grand écrivain ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc assez troublant quand on...

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'y en a pas eu beaucoup d'autres, La Rochefoucauld, à part vous deux ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a un qui était un copain de Proust, qui a écrit des livres, dans un livre qui vend pas mal, qui s'appelait L'Amant et le Médecin, mais qui n'est pas passé à la postérité, qui s'est présenté à l'Académie française, qui n'a pas été pris et tout ça. Ça, ça arrive à des gens très bien. C'est vrai, c'est vrai. Non, il y a eu Edmé de la Rochefoucauld, qui était une femme de lettres. Mais vous êtes trop jeune pour l'avoir connue.

  • Speaker #1

    Si, je l'ai croisée, je crois. C'est une vieille dame qui était vivante jusqu'à récemment.

  • Speaker #0

    Elle avait un salon littéraire.

  • Speaker #1

    Jusque dans les années 70, non ?

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui, exactement.

  • Speaker #1

    J'ai vu la croiser.

  • Speaker #0

    Non, ce qui est un peu troublant, c'est que j'ai chez moi la pléiade où il y a marqué de la Rochefoucauld, il n'y a pas marqué le prénom. Donc je pourrais faire croire que c'est... C'est ça votre but !

  • Speaker #1

    Autre phrase, de vous cette fois. Quand on n'a plus de château à transmettre, on peut au moins tenter d'aménager pour ses enfants une mémoire habitable.

  • Speaker #0

    C'est un livre que j'avais appelé Château de Sable, oui. Oui,

  • Speaker #1

    2022, prix des deux magots.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je précise que l'amour moderne est sur la liste du prix Renaudot.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc là encore, vous voyez, on peut tenter d'aménager une mémoire habitable. Il y avait déjà cette idée... que l'aristo désargenté a quand même quelque chose à transmettre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires familiales, il y a beaucoup de... Mon père, par exemple, est un homme qui a une mémoire phénoménale et qui est le spécialiste dans notre famille. Et c'est vrai qu'à chaque fois que je lui parle de personnages historiques, à chaque fois il me dit « Tu sais c'est drôle, on avait tel lien de parenté, par telle branche, par tel truc, etc. »

  • Speaker #1

    Bah oui, parce que Léla Rochefoucauld, il y a eu je ne sais combien d'évêques...

  • Speaker #0

    Oui, alors normalement les évêques n'ont pas censé avoir de descendance. Mais non, il y a eu pas mal de mariages illustres qui me donnent des ancêtres improbables. Par exemple, je descends de Lully. qui est plutôt connu pour son homosexualité, mais enfin il avait une femme avec laquelle il a eu des enfants. Donc j'ai quelques ancêtres comme ça assez pittoresques à travers les siècles.

  • Speaker #1

    Autre phrase, ça j'aime beaucoup. On ne naît pas vieux garçon, on le devient.

  • Speaker #0

    Ça c'était le club des vieux garçons. Déjà il était question du jockey, il y a déjà des thèmes il y a dix ans qui étaient des thèmes récurrents.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vous considérez comme un vieux garçon ou pas ? Un vieux garçon normalement n'a pas d'enfant, vous avez deux enfants.

  • Speaker #0

    Tout à fait, j'ai raté cette vocation que je m'imaginais. Je me voyais bien quand j'avais 20 ans, 25 ans, à devenir une sorte de Flaubert ronchonnant. Mais j'ai eu des enfants donc... Ça vous a sauvé. Tout à fait, ça m'a sauvé de la vieille garçonnité.

  • Speaker #1

    Parce que le vieux garçon c'est pas forcément très séduisant, c'est un peu sur des personnes qui se lavent pas souvent, qui vivent au milieu de leur... de leurs petites affaires et qu'ils deviennent des maniaques.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait un peu les frères Goncourt ou les... Non, écoutez, je prends une douche par jour.

  • Speaker #1

    Une dernière pour la route. Quand on passe de la rive Ausha la rive droite, on sent comme une variation de climat.

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier, l'avant-moderne.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est vrai ou vous le pensez vraiment ? Il y a une grande différence de climat apparue entre la rive gauche et la rive droite ? Alors,

  • Speaker #0

    c'est une phrase un peu... Je crois que c'est le personnage d'Ivan qui se moque de... d'Alban. Mais c'est vrai que c'est quand même... Je sais pas.

  • Speaker #1

    Il fait plus froid ou plus chaud, Rive Gauche ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est vraiment une bonne question. Je sais pas. En tout cas, moi, j'ai toujours vécu Rive Droite et j'en suis assez content. C'est comme ça que quand je vais déjeuner avec des éditeurs et tout ça, la Rive Gauche, pour moi, garde un petit exotisme. Oui. Je suis pané dans ce monde-là. Donc c'est deux mondes différents. En plus, je suis sur donc rive droite, mais à l'extrême ouest.

  • Speaker #1

    Non, mais écoutez, c'est pourtant simple. Il fait 3 degrés de moins rive droite parce que c'est des grandes avenues très larges. Donc il y a du vent et il fait beaucoup plus froid que dans les petites rues du quartier de chez la Pérouse. On a chaud l'hiver alors que chez vous, c'est le pôle nord.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci Gilles Lopetré de cette information.

  • Speaker #1

    Bon, alors, on passe au questionnaire de Bec Bédé, puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre, L'Amour Moderne, au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Pour des raisons de santé mentale élémentaires, parce qu'on n'arrête pas de nous saouler avec la santé mentale depuis quelques mois. Et vous voyez bien, quand vous scrollez pendant une heure, vous êtes dans un état de tension nerveuse impossible. Alors quand vous lisez un livre qui vous plaît, vous entrez dans une... hypnose assez agréable.

  • Speaker #1

    Donc vous voulez dire que ce livre devrait être remboursé par la Sécurité sociale ?

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    C'est une question douloureuse pour moi parce que j'ai perdu un boulot à cause de ChatGPT. Je peux vous raconter l'anecdote en une minute. Il y a quelques années, je bossais pour une prestigieuse enseigne parisienne dont je ne peux pas dire le nom où j'étais ghostwriter de la Dircom. Je faisais des petits textes de 700-800 signes. Et puis un jour ça s'est arrêté, et puis on m'a dit oui on te recontactera, et puis on m'a jamais recontacté. Et puis je recroise le boss deux ans après.

  • Speaker #1

    Vous avez été remplacé.

  • Speaker #0

    Et là il me dit, ah tu sais c'est génial parce que maintenant je fais écrire les textes que tu faisais par chat GPT. Je leur dis, écris des petits textes vaguement rigolos, de toute façon on leur a eu de la range-côte etc. Et il me dit ça me convient parfaitement. Et ça lui coûte moins cher. Bon j'étais pas très cher mais... Estimez-vous heureux de pouvoir encore continuer de bosser au Figaro Magazine ? Oui,

  • Speaker #1

    non mais ça va pas durer longtemps. Mais c'est vrai que c'est terrible parce qu'on se dit qu'on est remplaçable finalement.

  • Speaker #0

    Moi j'ai atteint mon obsolescence programmée, ouais.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve strictement à rien ?

  • Speaker #0

    Comme disait l'autre, c'est plus beau parce que c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah, Edmond Rostand. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Alors au risque de vous décevoir, je pense que certains écrivains peuvent être gentils. Par exemple, un poète un peu élégiaque qui fait des lignes sur un paysage, par exemple, peut être gentil. Normalement, je pense qu'un critique littéraire doit savoir être méchant.

  • Speaker #1

    C'est rare, hein ? Je crois qu'à part vous et moi, il n'y en a plus beaucoup.

  • Speaker #0

    Non, non, c'est vrai, mais vous avez cité Angelo Rinaldi tout à l'heure. Il faut se souvenir de Renaud Matignon, Rinaldi, Barbette de Révy. Et il faut se forcer à être méchant de temps en temps.

  • Speaker #1

    Pourquoi d'ailleurs ? Pour faire un exemple ? Pour montrer qu'on est libre ?

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier la fameuse phrase de Beaumarchais...

  • Speaker #1

    Ah !

  • Speaker #0

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est pas un éloge flatteur » .

  • Speaker #1

    Devise du Figaro ! Exactement, voilà. Quel faillot !

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et non parce que je veux dire, le milieu littéraire et l'actualité littéraire est un monde où il y a énormément de fausses valeurs. Et de temps en temps, c'est bien de rappeler... Moi, j'adorais quand j'étais petit, les Abinavs de l'Empereur d'Andersen. Donc tout d'un coup, ce gosse arrive et dit, non mais l'Empereur est nu, quoi. Et de temps en temps, quand il y a des très mauvais livres encensés par tout le monde, il est bien de rappeler que c'est de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis ça n'engage que vous. Votre avis n'est pas forcément la vérité. C'est ça que les gens oublient parfois.

  • Speaker #0

    Bien sûr, oui, c'est vrai qu'après les gens sont très susceptibles maintenant, donc quand on écrit un mauvais papier, c'est la chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et il faut rappeler que tout ça aussi est un jeu, quoi.

  • Speaker #1

    Récemment, on m'a reproché d'avoir critiqué une femme en étant un homme. Et le fait d'être un homme m'interdisait de critiquer un auteur de sexe féminin. C'était intéressant. Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    Je dirais l'angoisse existentielle. Un quatrième choix. Oui, ou l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Ça, c'est ce qui vous plaît ?

  • Speaker #0

    J'aime bien cette forme de... Je vois certains de mes amis qui gagnent beaucoup d'argent semblent parfois méconnaître cette zone de l'existence, cette espèce d'inquiétude qui permet parfois de découvrir des trucs intéressants.

  • Speaker #1

    Vous allez voir vos amis milliardaires et vous leur dites « Oh là, mon pauvre, t'as pas de chance, tu n'es pas angoissé ! » Exactement ! D'accord, très bien. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Alors le truc c'est que moi j'écris quand mes enfants sont à l'école, donc entre 8h30 et midi, et je ne bois pas au petit déjeuner. Donc hélas, pas encore, pas encore.

  • Speaker #1

    Je ne peux jamais dire, Fontaine, je ne boirai pas tout le monde. Tout à fait,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai que le jour où je jouerai à du whisky, quand mes enfants mangent des Chocapic, je serai sur une mauvaise pente je pense.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Bon on a déjà parlé, mais est-ce que vous pensez que c'est un mal nécessaire, une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que beaucoup de critiques sont très mauvais. Mais quand je lis un papier, une bonne descente, je trouve que c'est un enchantement. Et sans flagornerie, c'est vrai, quand vous faites des descentes...

  • Speaker #1

    C'est toujours plus facile aussi. Attention, il faut faire attention à cette...

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce qu'en fait, une descente un peu systématique, justement, ce n'est pas une bonne descente, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être sincère.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Non, je trouve que ça sert à quelque chose. Oui, c'est un petit contre-pouvoir qu'il faut garder.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur JD Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ouais, ou sur Kubrick qui était un peu comme ça reclus. Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne suis pas sûr que Salinger, si on en croit... Mais je ne sais pas si ça va vous faire plaisir ce que je veux dire. Si on en croit Joyce Maynard, JD Salinger n'était pas un type si cool que ça.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Là par exemple,

  • Speaker #1

    vous avez parlé pendant une heure, est-ce que c'était pénible ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Ah ben voilà, c'est ça que je voulais entendre. Un roman doit-il réparer le monde ?

  • Speaker #0

    Alors je me méfie beaucoup, parce qu'il y a un côté un peu stalinien dans cette... Par ailleurs, Réparer les vivants de Maïs de Kerrangan n'est pas trop ce que j'aime en littérature. Mais en même temps, si je retourne votre question, et si c'est est-ce qu'un livre doit empirer le monde, je ne sais pas ce qu'il faut se souhaiter non plus. Il faut aussi, oui. Est-ce qu'il y a une bonne réponse ? Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    Alors il sera publié en août 2045 quand j'aurai 60 ans.

  • Speaker #1

    Très bien. Êtes-vous un ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    J'essaye au minimum parce que justement je pense que être ouin-ouin n'est pas conforme avec l'idée de la noblesse.

  • Speaker #1

    Bravo. Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oui mais comme on finit toujours par se faire prendre un ou un autre, on peut essayer mais...

  • Speaker #1

    Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Alors je vais en citer deux. Patrick Modiane en reste pour moi une référence dans son peste de monde onirique qu'il a créé. Et un écrivain qui m'a rendu vraiment moins bête, c'est Cécile Gilbert. Pour citer un écrivain...

  • Speaker #1

    Contemporain qui est venu ici même dans ce salon.

  • Speaker #0

    Je dois beaucoup, j'ai découvert beaucoup de livres et elle m'a vraiment rendu moins bête je pense.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle n'est pas seulement romancière. une essayiste littéraire. Si vous étiez très riche, est-ce que vous cesseriez d'écrire ?

  • Speaker #0

    Soyez honnête. C'est vrai que l'idée, si j'étais très riche, est-ce que je deviendrais reclus et peut-être que je sortirais un livre d'entendu ? Là,

  • Speaker #1

    vous deviendrez vraiment un vieux garçon.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas que ça soit à me souhaiter. En fait, c'est marrant parce que quand on est justement... On est toujours... pris par nos galères, mais c'est aussi nos galères qui nous poussent à devoir un peu nous dépasser. Si demain, j'étais enfermé dans un château avec du personnel...

  • Speaker #1

    C'est ce qui était la vie normale de vos ancêtres.

  • Speaker #0

    C'est vrai, ce qui aurait dû être ma vie, hélas. Mais peut-être que ça rendrait de moi une loque, donc c'est peut-être pas souhaitable.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que dans mon livre précédent, où je mettais en scène deux personnages qui rêvaient de devenir écrivains, et l'un des deux se rêvait à la fois d'un écrivain maudit, mais en écrivain à succès. Et je disais, on ne peut pas avoir... le spleen et l'argent du spleen. Et cette phrase a été pas mal citée dans la presse. Donc c'est pas brillant, mais je resterai peut-être pour cette phrase.

  • Speaker #1

    Elle est pas mal, elle est pas mal. Mais celle sur... Il a encore deux ou trois divorces devant lui, elle est pas mal aussi. J'aime bien, j'aime bien. Tout à fait. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Non. La question Farronnet de 451, si les livres étaient interdits, lequel seriez-vous prêt à retenir par cœur ? le le réciter dans une forêt.

  • Speaker #0

    Vous connaissez ma réponse, je suis obligé de dire les Maximes de l'Angecourt. Ah,

  • Speaker #1

    c'est bien. Je sais que l'atavisme familial vous honore. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ? Alors, tout le monde, maintenant, dans les émissions de télé à Paris-Sy, dit tout le temps « j'ai été sauvé par tel ou tel livre » .

  • Speaker #0

    Alors, absolument pas. Je m'y attendais ! Non, non, mais en revanche, honnêtement, je me souviens quand j'ai lu « Testament » de Gombrowicz. Quand j'avais 26-27 ans, ça m'a vraiment ouvert une fenêtre dans le cerveau. Et après, j'ai beaucoup lu Gombrowicz, notamment un livre que j'adore de lui, qui est Souvenirs de Pologne. Lui aussi, aristopolonais et tout ça, qui a cette éthos aristocratique. Il ne m'a pas sauvé, mais il fait partie de ces quelques écrivains qui m'ont... Qui vous ont ouvert des horizons. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Je dirais 11 ans, quand je... 1994. Tout à fait, ouais.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ? Ou quand vous regardez votre bibliographie, vous dites celui-là, il est en trop.

  • Speaker #0

    J'ai vraiment honte, j'ai écrit quand j'étais jeune un livre qui s'appelait Godrio le Golgotha. Mais j'adorais les allitérations à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais il existe, il était chez Léo Cher.

  • Speaker #0

    Non, il était dans une collection de Gallimard qui est L'Arpenteur.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est bien chez Gallimard.

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai vendu 300 ou 400 exemplaires de ce livre. Et l'autre jour, j'étais à un salon du livre à Besançon, et je ne sais pas pourquoi le libraire avait mis ce livre sur la table. Et j'avais envie de le dissimuler.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi ? Je ne sais pas très bien,

  • Speaker #0

    parce que c'est un livre où c'était une accumulation d'allitérations, de jeux de mots, ce que j'ai essayé d'épurer depuis.

  • Speaker #1

    C'est, comme disait Michel Déon, un péché de jeunesse. Merci infiniment, Louis-Henri de La Rochefoucauld, d'être venu nonchalamment devisé dans un salon aristocratique chez La Pérouse, où beaucoup de... Just No Binar sont venus depuis 300 ans. Je vous ordonne de lire L'Amour Moderne de Louis-Henri de La Rochefoucauld, c'est aux éditions Robert Laffont. Merci à l'équipe du Figaro TV de continuer à supporter ces enregistrements. Merci à ma fille qui gère le Community Management. Abonnez-vous à la chaîne YouTube, likez-nous, likez-nous, mettez des cœurs partout, ça fait plaisir. Et puis, n'oubliez pas, la lecture est à l'esprit, ce que le sport est au corps. A bientôt. Non, mais écoute,

  • Speaker #0

    on n'a rien vu.

  • Speaker #1

    Cheers.

  • Speaker #0

    On retraque.

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Description

Cette semaine je vous propose un entretien avec un aristocrate déjanté, dernier rejeton d'une grande famille d'écrivains. Son dernier roman figure sur la liste du Prix Interallié 2025. "L'amour moderne" raconte l'histoire d'une famille assassinée dans le 16eme arrondissement. Il s'agit donc d'un titre ironique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Louis-Henri de La Rochefoucauld, bonsoir. Vous publiez L'Amour moderne, vos éditions Robert Laffont. Vous avez 40 ans, vous êtes critique littéraire à l'Express, comme Angelo Rinaldi, notre maître à tous. Alors, L'Amour moderne est-il impossible ?

  • Speaker #1

    Il est difficile, mais je dirais que dans ce livre qui paraît assez pessimiste... En grande partie, j'essaie quand même de montrer qu'un acte 2 est possible. Oui, pour deux des trois personnages.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui rend l'amour compliqué aujourd'hui par rapport à... Il y a un siècle ou deux, est-ce que c'est la vitesse, est-ce que c'est la folie, est-ce que c'est la technologie ?

  • Speaker #1

    Ce qui est vrai c'est que j'ai appelé ce livre l'amour moderne avec une pointe d'ironie parce que finalement moi je pense qu'on n'a rien fait mieux depuis l'amour courtois il y a quelques siècles. Et finalement j'aurais pu appeler ce livre l'amour anti-moderne et en effet je pense que rien n'est fait pour simplifier le rapport. dans les couples aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je résume votre pensée, l'amour courtois c'est quoi ? C'est un baladin, un troubadour qui chante au pied d'une tour où une belle dame ne le verra jamais.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est ça votre conception de l'amour idéal ?

  • Speaker #1

    Oui, un amour comme ça, un peu éthéré, me semblait une... Est-ce qu'au XXe siècle on a fait mieux ? J'en suis pas sûr. Est-ce que le mariage bourgeois c'était mieux ? Je crois pas. Et est-ce qu'aujourd'hui le chemsex c'est mieux ? Dieu merci, moi je suis trop vieux pour avoir connu tout ça.

  • Speaker #0

    Vous pouvez essayer, oui.

  • Speaker #1

    Donc, non, non, écoutez, ce livre est une sorte de tentative de réhabilitation de... Oui, alors ça dit, c'est une forme d'amour à distance, parce que c'est vrai que les deux personnages qui essayent de se rapprocher dans ce livre sont assez lents, c'est un livre assez chaste.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Les fans de Houellebecq seront déçus de ce livre.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas raconter comment l'histoire se termine, parce que sinon, les gens n'auront plus besoin d'acheter votre œuvre. Mais ça débute par un crime épouvantable qui a eu lieu en 1994. Un père de famille qui a tué sa femme et ses deux enfants, un enfant ayant survécu en se planquant dans un placard. Et c'était la famille parfaite. C'est-à-dire que ce que vous voulez peut-être montrer, c'est que... Même les familles, et surtout les familles qui ont l'air le plus normal, le plus impeccable, en réalité cachent une violence, un danger ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce que Sébastien Tellier appelle l'amour et la violence. C'est inspiré d'une histoire que j'ai connue quand j'avais 9 ans, en effet en 1994, d'une famille qui vivait dans un hôtel particulier du 16e arrondissement. L'un des fils était avec moi en CE2 à l'époque. Le père de famille, comme dans le livre, est un brillant polytechnicien qui a travaillé en cabinet ministériel, etc. Tout semble bien aller, mais il est pris d'une sorte de délire un peu paranoïaco-psychotique. Et donc un jour, en effet...

  • Speaker #0

    Il était très, très exagérément jaloux, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors il se trouve qu'il soupçonnait sa femme de le tromper, avec le peintre qui avait réalisé justement le portrait de famille. Ironie de l'histoire, c'est le peintre qui a fait ce portrait de la famille parfaite. Ralph Lauren qui, selon le mari, le cocuit imaginaire ou pas, puisque tout ça est un peu trouble, mais en tout cas il est persuadé que sa femme le trompe et il finit un jour comme ça par tuer sa famille, quelques années avant Dupont de Ligonnès. C'est une affaire qui ressemble pas mal à l'affaire roman et à l'affaire Dupont de Ligonnès.

  • Speaker #0

    Et ça, ça vous a beaucoup marqué dans votre enfance et vous en faites un peu le prétexte, le fil conducteur de tout le livre. Dans le roman, le héros s'appelle Ivan Kamenov. Et il est attiré par une célèbre actrice dont la sœur était la femme tuée dans cette affaire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, au début du livre, lui est une espèce de dramaturge qui a eu du succès, mais là il est un peu période de jachère. Bon, en gros, il glande, quoi. Et un homme qui s'appelle Michel Hugo, qui est une sorte de parrain du cinéma français, par ailleurs propriétaire d'un théâtre, prend contact avec lui pour qu'il écrive une pièce pour son épouse, qui s'appelle Alban. Et son mari se dit, peut-être qu'à défaut de tourner dans des films, il acceptera de revenir au théâtre. Et il se trouve que le personnage d'Ivan, en effet, sait que cette femme a un lien avec ce fait divers. Et donc, il accepte ce projet pour avoir l'occasion de rencontrer cette femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous diriez que c'est une comédie romantique, ce livre ?

  • Speaker #1

    C'est une sorte de vaudeville grinçant, je dirais.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très noir, en fait. Dès le début, avec ce crime, mais plus on avance... Contrairement à vos autres romans, je dirais, vous êtes assez loufoque, vous aimez bien le burlesque, vous êtes, comme on pourrait dire, comme d'autres grands auteurs, comme moi-même, par exemple, attiré par la potacherie. Et il y a ça au début du livre. Et puis, plus on avance, et plus, finalement, c'est une histoire très tragique et très... et très mélancolique, ce qui est nouveau chez vous.

  • Speaker #1

    Mais vos livres aussi ont leur fond de spleen.

  • Speaker #0

    C'est possible, c'est possible. On est des faux potaches.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je sais que vous aimez comme moi un livre qui est La vie de Patachon de Pierre de Régnier, qui est un livre que je conseille à tout le monde, qui est comme ça la vie d'une fêtarde qui s'appelle Emma Patachon. Et le livre est un peu délirant et plus on avance dans le livre, plus c'est en fait mélancolique.

  • Speaker #0

    Mais L'écume des jours devient aussi.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Et je crois qu'en fait, c'est esthétiquement peut-être ce que je préfère. C'est la frivolité splinétique.

  • Speaker #0

    Mais ça a été... Alors, c'était pas vraiment... C'est un peu nouveau, je dirais, chez vous. Il y a même des passages dans le 16e arrondissement de déambulation modianesques.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, Modiano, c'est une vieille passion pour moi. C'est vrai que quand j'avais 18-20 ans, c'était vraiment mon écrivain préféré. Et c'est vrai que c'est ce qui m'est resté de lui. c'est ce goût de tourner en rond en définiment dans les mêmes dans les mêmes coins. À l'heure des écrivains voyageurs à la Sylvain Tesson je propose une contre-programmation qui est de tourner en rond dans le 16ème en définiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous croyez que le fait de basculer comme ça dans une forme presque de dépression ou de noirceur c'est une question d'âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être j'arrive à un âge où des écrivains que j'aime bien commencent à mourir Fille de Gérald, il est mort à quoi, 44 ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    J'ai 40 ans, donc j'arrive peut-être dans le temps auditionnel. Non, je ne sais pas. Je crois que c'est après la vie, tout simplement. Il se trouve que moi, quand cette histoire m'a eu lieu, j'avais donc 8-9 ans, et j'ai une petite fille qui a 8 ans, et qui va à l'école, dans la même école primaire où moi j'en ai... Qui est Franklin. Exactement, qui est Franklin.

  • Speaker #0

    Saint-Louis-de-Gonzague.

  • Speaker #1

    Tout à fait, voilà, que j'appelle Loyola dans le livre, mais enfin... Les connaisseurs des beaux quartiers auront reconnu l'adresse. Et je pense que retourner sur les lieux avec ma fille, qui a l'âge que j'avais à ce moment-là... Ça vous a ramené à cet âme. Ça m'a ramené à ces états d'âme que j'avais à ce moment-là. Et ça crée, ouais, une forme de... Il y a pas mal de textes de Peggy, pour parler d'un auteur plus sérieux, quoi qu'assez délirant dans son genre, mais il y a pas mal de textes de Peggy sur la mélancolie de l'homme de 40 ans. Et ben voilà, j'arrive à cet âge tragique.

  • Speaker #0

    Mais... Pourquoi en avoir fait une fiction ? Puisque c'est une histoire vraie, vous auriez pu, au lieu de vous appeler Yvan, vous auriez pu vous appeler Louis-Henri et assumer la part autobiographique.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors, pour répondre aux critiques littéraires que vous êtes, je dirais que pour moi, il y a un peu l'école Carrère et l'école Modiano. Le récit, le non-fiction et tout ça, qui est plus dans l'air du temps en ce moment. Et moi, d'abord, je n'ai pas ce talent-là et je n'ai pas ce goût-là non plus. Je crois que je préférais retrouver comme ça, de manière un peu onirique, cette période sombre de mon enfance.

  • Speaker #0

    Oui, d'autant que Carrère l'a fait sur l'affaire Romand, qui est aussi un meurtre familial, un meurtre collectif. Yvan tombe amoureux à 38 ans, de la femme de son producteur, actrice de plus de 10 ans plus que lui. Qui verriez-vous dans le rôle ? Je me suis demandé Marion Cotillard, Cécile de France.

  • Speaker #1

    Je crains que Marion Cotillard ne soit pas assez élégante pour jouer ce personnage. Vous dites donc !

  • Speaker #0

    Comment osez-vous ?

  • Speaker #1

    Je préfère Cécile de France. Non, alors je dis qu'elle ressemble un peu à Lorraine Bacal dans Le Crime de Laurent Express, mais c'est une référence un peu vintage. Aujourd'hui, qu'est-ce que j'aimerais bien comme actrice ?

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas eu de proposition d'adaptation ?

  • Speaker #1

    Non, non, hélas. Comme actrice française, alors ?

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #1

    Là j'ai du mal. Bon allons-y pour Cécile de France. En tant que directeur de casting, vous ne proposez que Thiar et Cécile de France. Je prends Cécile de France.

  • Speaker #0

    Vous avez un don pour la vanne qui tue. Il n'avait jamais compris une ligne au livre qui paraissait aux éditions du Seuil. C'est pas très très gentil pour les éditions du Seuil.

  • Speaker #1

    Mais oui, mais est-ce que c'est faux ? Est-ce que vous comprenez quelque chose au livre qui sort au Seuil ?

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire que vous êtes le Sacha Guitry de Technicard ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est un grand compliment. En tout cas, j'aimais bien dans Technicard, parce que j'ai arrêté de bosser à Technicard pour me consacrer à l'Express il y a quelques mois. Mais c'est vrai que j'aimais bien essayer de mettre de l'humour dans les papiers, ouais.

  • Speaker #0

    Mais vous en mettez toujours dans les maquillages. Tout à fait, c'est ce que j'essaye au maximum,

  • Speaker #1

    ouais. Mais vous êtes mon maître en ce domaine.

  • Speaker #0

    Oh, mais oui. Qu'est-ce qui s'est passé au Masque et la Plume ? Vous êtes allé au Masque et la Plume une seule fois. Ils ne vous ont jamais rappelé. J'ai fait deux émissions. Ah, deux émissions, d'accord.

  • Speaker #1

    Première émission, Rebecca Manzoni me dit « C'est sujet génial, etc. Revenez. » Donc je reviens trois semaines plus tard. Et là, je n'ai plus jamais une nouvelle.

  • Speaker #0

    Vous avez fait une vanne qui ne passait pas ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    Alors je me suis moqué d'un écrivain du Seuil qui est Edouard Louis, pour ne pas le nommer. Et alors peut-être que ça ne passe pas sur les ondes de France Inter. Mais j'ai dit du bien de Scholastique Mukasanga. Donc je pensais que... En plus, sincèrement, parce que j'avais adoré son livre. Et j'ai dit justement que... En fait, Scholastique Mukasanga raconte un livre sur des choses horribles qui se passent au Rwanda, mais de manière très pudique et tout ça. Et je disais, ça nous change des pleurnicheries d'Edouard Louis.

  • Speaker #0

    Vous croyez que c'est à cause de ça ?

  • Speaker #1

    Elisabeth Philippe s'est un peu crispée à ce moment-là. Et voilà, il n'y a pas eu de suite.

  • Speaker #0

    Vous dites que la reconnaissance légale du droit d'autorité... hauteur et le seul progrès durable apporté par la Révolution française. C'est Beaumarchais qui a eu l'idée. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Si vous connaissez d'autres progrès apportés par la Révolution française...

  • Speaker #0

    La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non ?

  • Speaker #1

    Je rappelle à vos auditeurs que vous êtes aristos par votre mère. Je ne sais pas ce qui s'est passé pour votre famille à ce moment-là, mais ça s'est bien passé.

  • Speaker #0

    Mais vous vous en êtes jamais remis, mais bon, c'était il y a longtemps, vous avez écrit un livre qui s'appelle La Révolution Française. Tout à fait, oui, non, tout à fait. Et bon, il faut l'accepter, elle a eu lieu. Passons sur l'événement,

  • Speaker #1

    passons sur l'événement, oui. Enfin, en tout cas, je vois que la France, là où on parle, la France n'a pas de gouvernement, donc deux siècles après, on est bien avancé, oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai, c'est vrai que c'est... Je l'ai dit à Adeline de Clermont-Tonnerre, je reçois beaucoup d'aristos dans cette émission.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que c'est une bonne émission.

  • Speaker #0

    Une émission très small, très très small. Je voulais vous féliciter aussi pour la couverture de Flock. où on voit ce couple qui trinque au champagne au milieu d'une ville de Paris en ruine et en feu, avec la tour Eiffel qui s'effondre. D'où est venue cette idée ? C'est vraiment splendide. Je pense que c'est la plus belle couverture de livre de la rentrée littéraire.

  • Speaker #1

    C'est aussi mon avis. Non, en fait, le nouveau patron des éditions, Robert Laffont, Frédéric Martin, a voulu qu'on fasse des couves illustrées. Et il se trouve, alors c'est pas un dessin original, c'est un dessin qui a fait la couve du magazine Monsieur, il y a une dizaine d'années. Ah oui, d'accord. Et j'adorais ce dessin, donc j'ai appelé Floch, qui a accepté que j'utilise ce dessin.

  • Speaker #0

    C'est bien que votre éditeur ait ce souci-là, parce que je trouve malheureusement en France la qualité des couvertures pas très... C'est un exercice qui devrait être un exercice amusant et artistique, et c'est faible en général. Alors il y a un personnage dans le livre qui est nommé Jean-Yves Leblanc, qui sort avec des mannequins. qu'un qui prend de la cocaïne au bain-douche. Mais où allez-vous chercher tout ça ?

  • Speaker #1

    Vous avez connu sans doute le modèle. Un certain Jean-Luc Brunel.

  • Speaker #0

    Jean-Luc Brunel, oui, qui était un ami de mon père.

  • Speaker #1

    Et bien ce personnage, en fait, il se trouve que ce fait d'hiver tragique qu'il y a eu dans mon école, ils avaient un lien familial avec Jean-Luc Brunel. Et donc ce personnage, alors je l'ai appelé Jean-Yves, ce qui fait référence à une autre personne que vous avez connue.

  • Speaker #0

    Oui, Jean-Yves Le Fur.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais bon je dirais que c'est 90% Brunel qui est un personnage quand même sombre. Mais je ne savais pas que c'était un ami de votre père. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Non mais c'est ce qui est bien dans le livre, c'est qu'on reconnaît les gens sans les reconnaître complètement. Ça reste quand même une fiction.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et d'ailleurs les personnages d'Alban, Blanzac, la comédienne, et le méchant Michel Hugo, pour le coup, ne renvoient à aucun personnage.

  • Speaker #0

    Ah bon, moi j'ai reconnu... Non, quelques producteurs de cinéma pourraient s'identifier.

  • Speaker #1

    Oui, je connais moins bien ce milieu que vous, mais quant à Yvan, le personnage principal ne me ressemble absolument pas.

  • Speaker #0

    Le vrai sujet du livre, c'est peut-être l'année 1994. C'est-à-dire cette année-là, il y a beaucoup d'événements qui vous ont frappé. Non seulement ce triple meurtre dans le 16e arrondissement, dans une famille apparemment sans problème. Il y a le suicide de Kurt Cobain, celui de François de Grosseouvre, l'accident d'Ayrton Senna. Et pour vous, vous avez 8 ans et c'est cataclysmique tout ça.

  • Speaker #1

    Oui parce que ce fait divers qui a eu lieu dans la réalité en mi-mai 1994, le suicide de Grossof c'est au mois d'avril et la mort d'Ayrton Senna c'est le 1er mai. Donc tout ça était une espèce de séquence. Et moi je me souviens que gros souffle, pourtant j'étais pas vieux, mais un suicide à l'Elysée, mon père avait dû m'en parler, ça m'avait paru un truc très très mystérieux. Alors moi j'ai raté cette fois le permis de conduire, donc la voiture n'est pas ma passion, mais j'avais des copains qui regardaient la Formule 1, donc je me souviens dans la cour de récréation de cette émotion de la mort de Sénat qui avait eu lieu en direct, et puis après ce camarade qui se fait tuer. Et puis c'est vrai qu'après j'ai découvert plus tard, parce que je ne lisais pas Guy Debord en CE2, je veux bien frimer, mais... Et après, quand j'ai découvert plus tard qu'il y avait ce suicide... Debord s'est tué aussi en 1994. Guy Debord s'est suicidé en 1994 aussi. Et donc Kurt Cobain aussi, comme vous l'avez cité. Ça fait une espèce de constellation... Et Bérégovoy. Alors Bérégovoy, c'est 93.

  • Speaker #0

    Ah d'accord, ok.

  • Speaker #1

    La veille de cette tentative d'attentat sur Monica Seles au tournoi de tennis de Hambourg.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, j'avais complètement oublié. Monica Seles était en train de jouer au tennis et on l'a poignardée pendant un match.

  • Speaker #1

    Elle est à un changement de côté à Hambourg. Donc en Allemagne, il y a un fan de Steffi Graf, qui était sa grande rivale, arrive et lui plante un couteau dans le dos. Et donc les images que vous pouvez voir sur YouTube, si vous avez le goût de l'hémoglobine...

  • Speaker #0

    Oui, ben alors non merci.

  • Speaker #1

    Non, elles sont saisissantes, parce qu'on voit Monica Céleste qui tout d'un coup est prise comme ça, une espèce de suffocation, et tombe sur le cours. Et là, les médecins viennent la chercher. Et Bérégovoy ou Monica Céleste, je ne sais plus, ça s'est passé... L'un des deux s'est passé le 1er mai 93, donc pile un an avant la mort d'Ayrton Senna, le 1er mai 94. enfin je sais pas Dans mon esprit d'enfant, puis quand j'essaie d'analyser cette année-là, tout fait des espèces de correspondances un peu comme ça, bizarres.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est assez étrange dans le livre, c'est que le personnage est un enfant protégé dans un milieu favorisé, dans une école privée, tout devrait aller plutôt bien, et il est comme ça saisi par... En fait, il découvre que la vie n'est pas... Voilà, que l'existence de la tragédie, quoi, en fait.

  • Speaker #1

    Tout à fait, oui, c'est un peu un livre sur l'envers du décor et sur ce qu'il y a derrière les apparences, la traversée des apparences, comme dit Virginia Woolf. Et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, que j'aime bien cette couverture, parce que le livre se passe un peu aussi dans le milieu du théâtre. Et cette couverture que vous avez montrée avec ce fond rouge, il y a quelque chose aussi du rideau du théâtre. Et donc, oui, c'est ça, de l'envers du décor.

  • Speaker #0

    Il y a une scène de mariage au château d'Arkang, près de chez moi. Alors là, quand même, je vous en veux un peu, puisque vous dites, il faisait un temps de chien, enfin un temps basque. C'est complètement faux, il y a aussi beaucoup de soleil au Pays Basque, voyons. C'est un cliché, ça.

  • Speaker #1

    Oui, alors surtout qu'en plus, ce qui est drôle, c'est que le mariage dont je me suis inspiré, c'est le mariage d'une de mes tantes qui avait eu lieu en Champagne-Ardenne. Et là, pour le coup, ça avait été des sauts d'eau toute la journée. et j'ai délocalisé ça au château d'Arkang où s'était marié un de nos amis communs dont je peux citer le nom qui était Thierry Perroux.

  • Speaker #0

    Ah oui ? C'était marié là-bas, il y a une dizaine d'années, voilà. D'accord. La question de la page 82. C'est une nouvelle question. C'est une nouvelle rubrique, c'est la question de la page 82. Page 82, vous dites... Prendre une seule menière au Lutetia, est-ce que c'est de gauche ? Je vous la pose.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a vraiment des gens de gauche ? C'est une question que je n'ai jamais vraiment réussi à résoudre.

  • Speaker #0

    Vous voulez dire sur Terre ou au Lutetia ?

  • Speaker #1

    Alors... Au lieu des SIA, je ne pense pas. Et sur Terre, j'en sais pas.

  • Speaker #0

    Vous citez aussi Des Profondistes, Oscar Wilde. Alors, je vais vous demander de lire le passage, mais je n'ai pas... Je n'ai pas la page. Ah, voilà. Voilà, je l'ai. C'est là où j'ai mis des traces de stylos billes.

  • Speaker #1

    Alors, vous voulez que je lise ? Oui, parce que... À partir de là,

  • Speaker #0

    jusque-là, parce que ça va montrer que même si vous essayez de blaguer tout le temps ici, en réalité, dans le livre, vous le faites un peu moins.

  • Speaker #1

    On se souvient que Wilde, à la suite de son procès perdu contre Lord Queensberry, le père de son amant Alfred Douglas, avait été condamné à deux années de travaux forcés. En 1897, finissant de purger sa peine de prison à la jôle de Reading, Wilde, 42 ans, au bout du rouleau, vêtu de guenilles, avait pris la plume pour écrire des profondices, longues lettres adressées à Alfred. Regrettant de n'avoir pas connu auprès de lui une atmosphère intellectuelle faite de calme, de paix et de solitude, il avait eu ses lignes. Tu admirais mon travail lorsqu'il était achevé, tu aimais le succès éclatant de mes premières et les brillants festins qui les suivaient. Tu étais fier, et c'était fort naturel, d'être l'ami d'un artiste aussi éminent, mais tu étais incapable de comprendre les conditions requises par la production d'une œuvre d'art.

  • Speaker #0

    Alors là c'est un moment important, parce que vous essayez de faire passer un message là, c'est de dire que nous, les écrivains, On est invivable.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai le souvenir comme ça d'une... Je ne sais plus quelle fille qui tournait autour de Picasso et la mère de Picasso lui avait dit il s'est tombé, il est déjà marié à son art. Et c'est vrai que... Parfois quand on est... On a besoin d'un peu de concentration quoi. Alors après il faut faire la part des choses. Moi je m'occupe pas mal de mes enfants donc j'essaye que quand je travaille sur mes livres ça ne soit pas à leur détriment.

  • Speaker #0

    Mais pendant qu'ils sont à l'école, il faut travailler entre 8h30 et 16h15.

  • Speaker #1

    Merci à l'éducation nationale de nous permettre de travailler. Et non, et après, c'est vrai que là, il parle vraiment à son amant. Et c'est aussi, je crois que c'est plus par rapport au conjoint. Cette histoire d'un conjoint qui, par exemple, quand vous avez du succès, est content, mais ne comprend pas que pour qu'il y ait ce succès, il y a aussi les heures creuses où en effet, il faut supporter que vous ayez besoin de solitude et de calme.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose dont vous avez souffert personnellement ? C'est compliqué de se concentrer sur son travail artistique ?

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est un peu un cliché l'idée de l'artiste qui doit rester célibataire, comme Flaubert et tout ça, après tout, il y a plein d'écrivains qui ont eu des vies, qui ont réussi à avoir des vies familiales heureuses.

  • Speaker #0

    Charles Dickens écrivait ses livres entourés de sa marmaille. Tout à fait,

  • Speaker #1

    il y a tous les exemples possibles. Et en même temps, je trouve toujours assez malsain aussi les couples où le conjoint devient une espèce de secrétaire du grand homme ou de la grande femme, etc. Il y a un truc que je trouve un peu bizarre là-dedans. Donc je ne sais pas, je n'ai pas la recette de la bonne relation.

  • Speaker #0

    J'essaie de vous titiller parce que je me demande quand vous allez fendre l'armure. C'est-à-dire, tous vos livres sont des romans, vous êtes un partisan de la réelle fiction. Mais est-ce qu'un jour vous n'avez pas basculé dans la confession intime et osé franchir le pas ? Peut-être,

  • Speaker #1

    peut-être, peut-être. On n'est pas obligé,

  • Speaker #0

    mais Modiano, que vous aimez, il l'a fait, lui.

  • Speaker #1

    Oui, un pédigré ? Oui. Est-ce qu'il l'avait fait avant ?

  • Speaker #0

    Peut-être que dans Villatrice, il parle de si brave garçon, il parle de son pensionnat.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Mais est-ce qu'il a vraiment fait un livre sur la mort de son frère, par exemple ? Non, jamais. Rudy, ce fameux frère qui l'a perdu enfant. Non,

  • Speaker #0

    c'est une seule phrase dans un pédigree.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Oui, c'est très bizarre d'ailleurs la manière dont il en parle. Non, écoutez, la vie est longue. Donc peut-être que ça m'arrivera de... Mais écoutez, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Parce que par exemple, le type qui tue toute sa famille, vous dites qu'il était en pension... À la Flèche ? À la Flèche, en pritanné de la Flèche. Il a été victime d'abus, il a été frappé, peut-être violé, tout ça. Bon, vous vous racontez Franklin, je ne sais pas, est-ce que vous avez été traumatisé à Franklin ?

  • Speaker #1

    Alors non, pas à Franklin, moi ce qui m'a le plus traumatisé, alors j'étais victime de rien de sérieux, mais je suis allé en Angleterre dans un pensionnat à Eastbourne quand j'avais 11 ans, et là je me souviens que j'étais seul, j'étais la French Frog dont tout le monde se moquait. Et j'ai des souvenirs précis d'avoir découvert la profondeur de la mélancolie à Eastbourne quand j'avais 11 ans.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs, Yvan est dans ce fait. C'est donc un passage intime dans le livre. Et voilà,

  • Speaker #1

    peut-être que je pourrais plus parler un jour de ces souvenirs-là.

  • Speaker #0

    C'est curieux parce que Guillaume Gallienne, que j'ai reçu ici, lui aussi a été en pension en Angleterre, mais lui, il a adoré. Parce que justement, comme il était excentrique... Les anglais le toléraient comme il était. Là où il a été vraiment maltraité, c'est en France.

  • Speaker #1

    J'étais pas assez excentrique.

  • Speaker #0

    C'est le onzième livre. C'est votre onzième livre. Onze livres, ça commence à faire une œuvre. Qu'est-ce que vous avez essayé de dire, si jamais vous deviez essayer de résumer, qu'est-ce que vous avez essayé de dire toutes ces années dans ces onze livres ?

  • Speaker #1

    Je sais pas parce que je... pense que je suis un écrivain à maturation lente. Et donc, j'ai l'impression qu'à 40 ans, j'arrive... J'ai l'impression d'avoir progressé ces dernières années, tout ça. Oui, je confirme. Non, je suis content d'avoir parlé, d'avoir fait quelques tableaux poétiques de la pension anglaise, de la mort de ce camarade de classe. Et je crois... J'ai essayé de peindre un peu le 16e arrondissement. J'ai essayé de remettre le 16e arrondissement dans la littérature mondiale. Et peut-être d'essayer de mêler un peu ce que je disais sur Pierre de Régnier, ce que faisait Sagan aussi un peu, parce que ce livre est assez inspiré d'un livre de Sagan qui s'appelle Le miroir agaré, qui est aussi une sorte de triangle amoureux dans le monde du théâtre. J'essaye de faire perdurer une forme d'esprit français mêlant justement frivolité et profondeur dans un paysage littéraire qui, je crois, ne le tolère assez peu.

  • Speaker #0

    mais je dirais même plus plus sérieusement que... Si jamais il y a un message, je ne vous le souhaite pas, mais c'est que peut-être vous... Parlez de la noblesse. C'est évidemment un sujet complètement inactuel, désuet et tout, mais puisque vous venez d'une très ancienne famille, très prestigieuse, et que vous êtes un descendant d'un immense écrivain qui est François de La Rochefoucauld, du coup, dans plusieurs de vos livres, y compris dans celui-là, vous rendez un peu hommage à, non pas l'aristocratie, mais certaines valeurs de ce monde-là, de ce monde presque disparu.

  • Speaker #1

    Mais alors, comme mes sœurs me reprochent de radoter, c'est pour ça que j'en ai fait ce livre. Ivan Kamenov est un dessin de Russe blanc.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, comme ça, ça vous permet d'éviter le...

  • Speaker #1

    Donc je fais une phrase sur la révolution russe, parce que je me suis dit, voilà, ça me permet de décaler légèrement le truc.

  • Speaker #0

    Mais je vous ai perçu à jour quand même.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Non, mais c'est vrai que c'est un thème qui m'est assez cher, et je pense que ça veut dire quelque chose dans la littérature française, d'ailleurs, et dans la manière d'être.

  • Speaker #0

    parce que ce qui est bizarre c'est que vous n'êtes pas snob puisque vous n'avez pas besoin de l'être quand on s'appelle La Rochefoucauld, mais en revanche, quand même, vous ne renoncez pas, vous ne vous grimez pas en autre chose, vous voyez ? C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, non, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est compliqué d'assumer l'idée d'être un aristo fauché en

  • Speaker #1

    2025. Oui, en même temps, il y a une forme de fierté, pas au sens d'orgueil mal placé, mais... Je vois parfois des trucs, par exemple, en censé, dans la presse de gauche, de très mauvais livres, de camelotes trucs, et je me dis, bon, tout ça, finalement, passera avec l'écume des jours. Et je me dis, voilà, on est encore là, mille ans après. Donc, je sais pas, les Édouard-Louis passeront.

  • Speaker #0

    Oui, mais je sais pas, vous pouvez, de toute façon... Vous pouvez y aller, on est sur le Figaro Télé, donc on a tout à fait le droit de dire du bien de la noblesse. Quelles sont les valeurs de la noblesse que vous défendez encore aujourd'hui ? C'est quoi ? C'est un désintéressement ? C'est le panache ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a l'idée que l'argent ne doit pas passer en premier. L'idée, oui, une forme de détachement. Je pense qu'il y a pas mal de choses communes avec un certain esprit anglais. Je trouve que les aristos... un peu un esprit anglais.

  • Speaker #0

    D'être un peu fou et un petit peu je m'en foutiste.

  • Speaker #1

    Oui, d'avoir une manière, une forme de désinvolture par rapport à des choses qui paraissent importantes pour d'autres gens. Et en même temps, après, d'accorder une importance folle pour des choses qui paraissent dérisoires.

  • Speaker #0

    Oui, comme les boutons de manchette. Tout à fait, voilà, tout à fait.

  • Speaker #1

    Par exemple, les seuls boutons de manchette que j'ai, c'est les boutons de manchette du jockey club dont je suis membre. Et voilà, ça par exemple, ce détail m'importe.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, j'ai eu tort de dire que vous n'étiez pas snob. Est-ce que vous êtes monarchiste ? Parce qu'il y a un de vos livres où le narrateur rencontre Louis XVI dans un bar pas loin d'ici. Et finalement, vous faisiez l'éloge de ce système-là où il y a quelqu'un qui incarne le pays et qui ne sert à rien.

  • Speaker #1

    En fait, s'il y avait quelqu'un de charismatique... La monarchie élective serait peut-être pas si mal, comme en Angleterre.

  • Speaker #0

    Ça éviterait qu'il y ait autant de bordel en France que comme en ce moment.

  • Speaker #1

    Là, c'est vrai que ça va pas très bien, honnêtement. On sait pas ce qui va succéder à la Ve République, mais...

  • Speaker #0

    L'utilité d'un roi, c'est quoi ? C'est la permanence de... C'est quoi ? C'est pour...

  • Speaker #1

    Oui, c'est cette espèce d'idée. Alors déjà, franchement, c'est pas mal, parce que ça veut dire que les ambitions... Là... Quand Sébastien Lecornu parle des appétits partisans des uns et des autres, avec un roi, les appétits partisans s'arrêtent à Matignon, puisque la plus haute marche est inaccessible. Donc peut-être que finalement, ça rendrait les hommes politiques un peu plus humbles.

  • Speaker #0

    Bon, parlons de choses sérieuses à présent. Le Chef-Faire est-il vraiment le meilleur restaurant du XVIe ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai exagéré. Il y a un resto que j'aime beaucoup, mais alors dans le nom m'échappe parce que je commence à perdre la tête à 40 ans, qui est Ruggy de Maupassant. Le Relais du Bois. Je préfère le Relais du Bois. Ah bon, le Relais du Bois,

  • Speaker #0

    ok, très bien. Je me demandais, le meurtrier dont vous parlez, le père de famille qui a liquidé sa famille, il a été condamné, il a dû purger sa peine et aujourd'hui il est en liberté.

  • Speaker #1

    Il est libre, il est peut-être dans le quartier à l'heure où on parle. Oui, oui, je sais qu'il est sorti de prison il y a quelques années, oui.

  • Speaker #0

    C'est fou, c'est comme Jean-Claude Romand. Jean-Claude Romand est en liberté.

  • Speaker #1

    Alors Jean-Claude Romand, je crois qu'il était passé par l'habit de Fongombo, où il a été plus ou moins oblat, un peu, et qui, à ma connaissance, il en est parti, je ne sais pas où il est maintenant. Et Dupont de Ligonnès, seuls vous savez où il est.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas moi, c'est Stabenrath qui sait où il est.

  • Speaker #1

    Une part de moi, je crois, est entre 93 et donc l'Angleterre, c'était 96-97. Une part de moi restera toujours fixée dans cette espèce d'espace-temps parallèle.

  • Speaker #0

    C'est le moment où vous êtes devenu adulte ?

  • Speaker #1

    C'est l'âge de raison, oui. C'est le moment où je m'aperçois que le monde des adultes est un monde assez bizarre. Même à l'Elysée, même là où il est censé être le pouvoir, il y a quelqu'un qui peut se tirer une balle dans la tête.

  • Speaker #0

    Oui, et je découvre cette tristesse d'enfant en Angleterre que je n'avais pas connue avant.

  • Speaker #1

    Et puis surtout, c'était un camarade à vous, un pote de classe qui s'est fait jouer par son père.

  • Speaker #0

    Tout à fait, on nous en a très peu parlé en plus, ce que je raconte dans le livre, parce que ça m'a frappé à posteriori. C'est dans mon souvenir, mais qui est peut-être une fiction, mais dans mon souvenir, on nous réunit sous le préau un matin. Donc évidemment, dans mes souvenirs, c'est un préau de Toussaint, alors qu'en fait, c'est au mois de mai, donc il faisait peut-être un grand soleil. En tout cas, la directrice nous dit qu'il s'est passé quelque chose de grave. Vous ne reverrez pas votre camarade.

  • Speaker #1

    Ah oui, sans donner de détails.

  • Speaker #0

    Et il me semble qu'on ne nous a rien dit d'autre. Et puis après, on est monté en classe. Et puis c'était la fin de l'année scolaire. Donc après, il y avait les grandes vacances. Et puis en septembre d'après, c'était une affaire classée.

  • Speaker #1

    Et à Franklin, vous n'étiez pas en classe avec Brigitte Macron ? Elle a été prof à Franklin.

  • Speaker #0

    Elle a été prof, bien sûr. Elle a eu des cousins à moi, mais elle a été prof... Moi, j'étais parti depuis longtemps, ouais. Non, j'ai raté de peu Viviane Lemaire, la mère de Lemaire, la mère de Bruno Lemaire, qui a été directrice du petit collège après mon départ. Donc, je suis passé à côté de grande dame, mais...

  • Speaker #1

    Oui. Et il y a cette phrase vers la fin du livre qui, à mon avis, vous définit bien. Malgré ses farces, il demeurerait à jamais un enfant triste du 16e arrondissement.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est le mélange Guitry-Modiano, ouais.

  • Speaker #1

    C'est très beau, c'est très beau. Alors, on passe au jeu devine tes citations, je vous lis des phrases de vous, tirées de tous vos livres, et vous devez deviner, sans tricher, dans quel livre vous avez écrit ceci. Ivan, c'est facile, Ivan n'était pas l'homme de sa vie, de toute façon, il n'était même pas un homme.

  • Speaker #0

    C'est donc L'amour moderne, ouais.

  • Speaker #1

    L'amour moderne, 2025. Elle est dure avec lui, quand même, la femme d'Ivan. Tout à fait. C'est l'histoire d'un type qui n'arrive pas à être un homme ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça d'ailleurs qu'Yvan, au début du livre, vient de se séparer de sa femme.

  • Speaker #1

    Mais alors s'il n'est vraiment pas un homme, elle a raison de le quitter ?

  • Speaker #0

    Oui, mais il n'est pas un mâle alpha, voilà.

  • Speaker #1

    Voilà, oui c'est ça.

  • Speaker #0

    Mais donc il est un homme sensible. Est-ce qu'un homme sensible est un homme ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois, oui. Autre phrase de vous. À son jeune âge, il avait encore deux ou trois divorces devant lui.

  • Speaker #0

    C'est toujours dans les morts modernes.

  • Speaker #1

    Excellent aphorisme. Alors ça, vraiment, j'adore. Encore un. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Ça, c'est mon ancêtre. François de La Rochefoucauld dans ses Maximes.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est les Maximes de La Rochefoucauld. 1665. Bravo de ne pas vous être attribué ce tube. Parce que c'est un peu son tube. Je la relis. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Mais je me demande si dans mon livre, il n'y a pas un sample de mon ancêtre. Ah oui ? Non crédité, une phrase de lui que je m'amuse à rebidouiller. Je crois, je crois,

  • Speaker #1

    oui. Je vous en dis d'autres de ces tubes, parce que c'est toujours un plaisir de les réécouter. Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés. Ça, c'est toujours votre ancêtre. Et puis, qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. Ça, franchement.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on se sent écrasé d'être l'arrière-arrière-arrière-petit-fils d'un grand écrivain ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc assez troublant quand on...

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'y en a pas eu beaucoup d'autres, La Rochefoucauld, à part vous deux ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a un qui était un copain de Proust, qui a écrit des livres, dans un livre qui vend pas mal, qui s'appelait L'Amant et le Médecin, mais qui n'est pas passé à la postérité, qui s'est présenté à l'Académie française, qui n'a pas été pris et tout ça. Ça, ça arrive à des gens très bien. C'est vrai, c'est vrai. Non, il y a eu Edmé de la Rochefoucauld, qui était une femme de lettres. Mais vous êtes trop jeune pour l'avoir connue.

  • Speaker #1

    Si, je l'ai croisée, je crois. C'est une vieille dame qui était vivante jusqu'à récemment.

  • Speaker #0

    Elle avait un salon littéraire.

  • Speaker #1

    Jusque dans les années 70, non ?

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui, exactement.

  • Speaker #1

    J'ai vu la croiser.

  • Speaker #0

    Non, ce qui est un peu troublant, c'est que j'ai chez moi la pléiade où il y a marqué de la Rochefoucauld, il n'y a pas marqué le prénom. Donc je pourrais faire croire que c'est... C'est ça votre but !

  • Speaker #1

    Autre phrase, de vous cette fois. Quand on n'a plus de château à transmettre, on peut au moins tenter d'aménager pour ses enfants une mémoire habitable.

  • Speaker #0

    C'est un livre que j'avais appelé Château de Sable, oui. Oui,

  • Speaker #1

    2022, prix des deux magots.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je précise que l'amour moderne est sur la liste du prix Renaudot.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc là encore, vous voyez, on peut tenter d'aménager une mémoire habitable. Il y avait déjà cette idée... que l'aristo désargenté a quand même quelque chose à transmettre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires familiales, il y a beaucoup de... Mon père, par exemple, est un homme qui a une mémoire phénoménale et qui est le spécialiste dans notre famille. Et c'est vrai qu'à chaque fois que je lui parle de personnages historiques, à chaque fois il me dit « Tu sais c'est drôle, on avait tel lien de parenté, par telle branche, par tel truc, etc. »

  • Speaker #1

    Bah oui, parce que Léla Rochefoucauld, il y a eu je ne sais combien d'évêques...

  • Speaker #0

    Oui, alors normalement les évêques n'ont pas censé avoir de descendance. Mais non, il y a eu pas mal de mariages illustres qui me donnent des ancêtres improbables. Par exemple, je descends de Lully. qui est plutôt connu pour son homosexualité, mais enfin il avait une femme avec laquelle il a eu des enfants. Donc j'ai quelques ancêtres comme ça assez pittoresques à travers les siècles.

  • Speaker #1

    Autre phrase, ça j'aime beaucoup. On ne naît pas vieux garçon, on le devient.

  • Speaker #0

    Ça c'était le club des vieux garçons. Déjà il était question du jockey, il y a déjà des thèmes il y a dix ans qui étaient des thèmes récurrents.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vous considérez comme un vieux garçon ou pas ? Un vieux garçon normalement n'a pas d'enfant, vous avez deux enfants.

  • Speaker #0

    Tout à fait, j'ai raté cette vocation que je m'imaginais. Je me voyais bien quand j'avais 20 ans, 25 ans, à devenir une sorte de Flaubert ronchonnant. Mais j'ai eu des enfants donc... Ça vous a sauvé. Tout à fait, ça m'a sauvé de la vieille garçonnité.

  • Speaker #1

    Parce que le vieux garçon c'est pas forcément très séduisant, c'est un peu sur des personnes qui se lavent pas souvent, qui vivent au milieu de leur... de leurs petites affaires et qu'ils deviennent des maniaques.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait un peu les frères Goncourt ou les... Non, écoutez, je prends une douche par jour.

  • Speaker #1

    Une dernière pour la route. Quand on passe de la rive Ausha la rive droite, on sent comme une variation de climat.

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier, l'avant-moderne.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est vrai ou vous le pensez vraiment ? Il y a une grande différence de climat apparue entre la rive gauche et la rive droite ? Alors,

  • Speaker #0

    c'est une phrase un peu... Je crois que c'est le personnage d'Ivan qui se moque de... d'Alban. Mais c'est vrai que c'est quand même... Je sais pas.

  • Speaker #1

    Il fait plus froid ou plus chaud, Rive Gauche ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est vraiment une bonne question. Je sais pas. En tout cas, moi, j'ai toujours vécu Rive Droite et j'en suis assez content. C'est comme ça que quand je vais déjeuner avec des éditeurs et tout ça, la Rive Gauche, pour moi, garde un petit exotisme. Oui. Je suis pané dans ce monde-là. Donc c'est deux mondes différents. En plus, je suis sur donc rive droite, mais à l'extrême ouest.

  • Speaker #1

    Non, mais écoutez, c'est pourtant simple. Il fait 3 degrés de moins rive droite parce que c'est des grandes avenues très larges. Donc il y a du vent et il fait beaucoup plus froid que dans les petites rues du quartier de chez la Pérouse. On a chaud l'hiver alors que chez vous, c'est le pôle nord.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci Gilles Lopetré de cette information.

  • Speaker #1

    Bon, alors, on passe au questionnaire de Bec Bédé, puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre, L'Amour Moderne, au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Pour des raisons de santé mentale élémentaires, parce qu'on n'arrête pas de nous saouler avec la santé mentale depuis quelques mois. Et vous voyez bien, quand vous scrollez pendant une heure, vous êtes dans un état de tension nerveuse impossible. Alors quand vous lisez un livre qui vous plaît, vous entrez dans une... hypnose assez agréable.

  • Speaker #1

    Donc vous voulez dire que ce livre devrait être remboursé par la Sécurité sociale ?

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    C'est une question douloureuse pour moi parce que j'ai perdu un boulot à cause de ChatGPT. Je peux vous raconter l'anecdote en une minute. Il y a quelques années, je bossais pour une prestigieuse enseigne parisienne dont je ne peux pas dire le nom où j'étais ghostwriter de la Dircom. Je faisais des petits textes de 700-800 signes. Et puis un jour ça s'est arrêté, et puis on m'a dit oui on te recontactera, et puis on m'a jamais recontacté. Et puis je recroise le boss deux ans après.

  • Speaker #1

    Vous avez été remplacé.

  • Speaker #0

    Et là il me dit, ah tu sais c'est génial parce que maintenant je fais écrire les textes que tu faisais par chat GPT. Je leur dis, écris des petits textes vaguement rigolos, de toute façon on leur a eu de la range-côte etc. Et il me dit ça me convient parfaitement. Et ça lui coûte moins cher. Bon j'étais pas très cher mais... Estimez-vous heureux de pouvoir encore continuer de bosser au Figaro Magazine ? Oui,

  • Speaker #1

    non mais ça va pas durer longtemps. Mais c'est vrai que c'est terrible parce qu'on se dit qu'on est remplaçable finalement.

  • Speaker #0

    Moi j'ai atteint mon obsolescence programmée, ouais.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve strictement à rien ?

  • Speaker #0

    Comme disait l'autre, c'est plus beau parce que c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah, Edmond Rostand. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Alors au risque de vous décevoir, je pense que certains écrivains peuvent être gentils. Par exemple, un poète un peu élégiaque qui fait des lignes sur un paysage, par exemple, peut être gentil. Normalement, je pense qu'un critique littéraire doit savoir être méchant.

  • Speaker #1

    C'est rare, hein ? Je crois qu'à part vous et moi, il n'y en a plus beaucoup.

  • Speaker #0

    Non, non, c'est vrai, mais vous avez cité Angelo Rinaldi tout à l'heure. Il faut se souvenir de Renaud Matignon, Rinaldi, Barbette de Révy. Et il faut se forcer à être méchant de temps en temps.

  • Speaker #1

    Pourquoi d'ailleurs ? Pour faire un exemple ? Pour montrer qu'on est libre ?

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier la fameuse phrase de Beaumarchais...

  • Speaker #1

    Ah !

  • Speaker #0

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est pas un éloge flatteur » .

  • Speaker #1

    Devise du Figaro ! Exactement, voilà. Quel faillot !

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et non parce que je veux dire, le milieu littéraire et l'actualité littéraire est un monde où il y a énormément de fausses valeurs. Et de temps en temps, c'est bien de rappeler... Moi, j'adorais quand j'étais petit, les Abinavs de l'Empereur d'Andersen. Donc tout d'un coup, ce gosse arrive et dit, non mais l'Empereur est nu, quoi. Et de temps en temps, quand il y a des très mauvais livres encensés par tout le monde, il est bien de rappeler que c'est de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis ça n'engage que vous. Votre avis n'est pas forcément la vérité. C'est ça que les gens oublient parfois.

  • Speaker #0

    Bien sûr, oui, c'est vrai qu'après les gens sont très susceptibles maintenant, donc quand on écrit un mauvais papier, c'est la chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et il faut rappeler que tout ça aussi est un jeu, quoi.

  • Speaker #1

    Récemment, on m'a reproché d'avoir critiqué une femme en étant un homme. Et le fait d'être un homme m'interdisait de critiquer un auteur de sexe féminin. C'était intéressant. Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    Je dirais l'angoisse existentielle. Un quatrième choix. Oui, ou l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Ça, c'est ce qui vous plaît ?

  • Speaker #0

    J'aime bien cette forme de... Je vois certains de mes amis qui gagnent beaucoup d'argent semblent parfois méconnaître cette zone de l'existence, cette espèce d'inquiétude qui permet parfois de découvrir des trucs intéressants.

  • Speaker #1

    Vous allez voir vos amis milliardaires et vous leur dites « Oh là, mon pauvre, t'as pas de chance, tu n'es pas angoissé ! » Exactement ! D'accord, très bien. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Alors le truc c'est que moi j'écris quand mes enfants sont à l'école, donc entre 8h30 et midi, et je ne bois pas au petit déjeuner. Donc hélas, pas encore, pas encore.

  • Speaker #1

    Je ne peux jamais dire, Fontaine, je ne boirai pas tout le monde. Tout à fait,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai que le jour où je jouerai à du whisky, quand mes enfants mangent des Chocapic, je serai sur une mauvaise pente je pense.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Bon on a déjà parlé, mais est-ce que vous pensez que c'est un mal nécessaire, une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que beaucoup de critiques sont très mauvais. Mais quand je lis un papier, une bonne descente, je trouve que c'est un enchantement. Et sans flagornerie, c'est vrai, quand vous faites des descentes...

  • Speaker #1

    C'est toujours plus facile aussi. Attention, il faut faire attention à cette...

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce qu'en fait, une descente un peu systématique, justement, ce n'est pas une bonne descente, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être sincère.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Non, je trouve que ça sert à quelque chose. Oui, c'est un petit contre-pouvoir qu'il faut garder.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur JD Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ouais, ou sur Kubrick qui était un peu comme ça reclus. Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne suis pas sûr que Salinger, si on en croit... Mais je ne sais pas si ça va vous faire plaisir ce que je veux dire. Si on en croit Joyce Maynard, JD Salinger n'était pas un type si cool que ça.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Là par exemple,

  • Speaker #1

    vous avez parlé pendant une heure, est-ce que c'était pénible ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Ah ben voilà, c'est ça que je voulais entendre. Un roman doit-il réparer le monde ?

  • Speaker #0

    Alors je me méfie beaucoup, parce qu'il y a un côté un peu stalinien dans cette... Par ailleurs, Réparer les vivants de Maïs de Kerrangan n'est pas trop ce que j'aime en littérature. Mais en même temps, si je retourne votre question, et si c'est est-ce qu'un livre doit empirer le monde, je ne sais pas ce qu'il faut se souhaiter non plus. Il faut aussi, oui. Est-ce qu'il y a une bonne réponse ? Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    Alors il sera publié en août 2045 quand j'aurai 60 ans.

  • Speaker #1

    Très bien. Êtes-vous un ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    J'essaye au minimum parce que justement je pense que être ouin-ouin n'est pas conforme avec l'idée de la noblesse.

  • Speaker #1

    Bravo. Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oui mais comme on finit toujours par se faire prendre un ou un autre, on peut essayer mais...

  • Speaker #1

    Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Alors je vais en citer deux. Patrick Modiane en reste pour moi une référence dans son peste de monde onirique qu'il a créé. Et un écrivain qui m'a rendu vraiment moins bête, c'est Cécile Gilbert. Pour citer un écrivain...

  • Speaker #1

    Contemporain qui est venu ici même dans ce salon.

  • Speaker #0

    Je dois beaucoup, j'ai découvert beaucoup de livres et elle m'a vraiment rendu moins bête je pense.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle n'est pas seulement romancière. une essayiste littéraire. Si vous étiez très riche, est-ce que vous cesseriez d'écrire ?

  • Speaker #0

    Soyez honnête. C'est vrai que l'idée, si j'étais très riche, est-ce que je deviendrais reclus et peut-être que je sortirais un livre d'entendu ? Là,

  • Speaker #1

    vous deviendrez vraiment un vieux garçon.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas que ça soit à me souhaiter. En fait, c'est marrant parce que quand on est justement... On est toujours... pris par nos galères, mais c'est aussi nos galères qui nous poussent à devoir un peu nous dépasser. Si demain, j'étais enfermé dans un château avec du personnel...

  • Speaker #1

    C'est ce qui était la vie normale de vos ancêtres.

  • Speaker #0

    C'est vrai, ce qui aurait dû être ma vie, hélas. Mais peut-être que ça rendrait de moi une loque, donc c'est peut-être pas souhaitable.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que dans mon livre précédent, où je mettais en scène deux personnages qui rêvaient de devenir écrivains, et l'un des deux se rêvait à la fois d'un écrivain maudit, mais en écrivain à succès. Et je disais, on ne peut pas avoir... le spleen et l'argent du spleen. Et cette phrase a été pas mal citée dans la presse. Donc c'est pas brillant, mais je resterai peut-être pour cette phrase.

  • Speaker #1

    Elle est pas mal, elle est pas mal. Mais celle sur... Il a encore deux ou trois divorces devant lui, elle est pas mal aussi. J'aime bien, j'aime bien. Tout à fait. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Non. La question Farronnet de 451, si les livres étaient interdits, lequel seriez-vous prêt à retenir par cœur ? le le réciter dans une forêt.

  • Speaker #0

    Vous connaissez ma réponse, je suis obligé de dire les Maximes de l'Angecourt. Ah,

  • Speaker #1

    c'est bien. Je sais que l'atavisme familial vous honore. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ? Alors, tout le monde, maintenant, dans les émissions de télé à Paris-Sy, dit tout le temps « j'ai été sauvé par tel ou tel livre » .

  • Speaker #0

    Alors, absolument pas. Je m'y attendais ! Non, non, mais en revanche, honnêtement, je me souviens quand j'ai lu « Testament » de Gombrowicz. Quand j'avais 26-27 ans, ça m'a vraiment ouvert une fenêtre dans le cerveau. Et après, j'ai beaucoup lu Gombrowicz, notamment un livre que j'adore de lui, qui est Souvenirs de Pologne. Lui aussi, aristopolonais et tout ça, qui a cette éthos aristocratique. Il ne m'a pas sauvé, mais il fait partie de ces quelques écrivains qui m'ont... Qui vous ont ouvert des horizons. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Je dirais 11 ans, quand je... 1994. Tout à fait, ouais.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ? Ou quand vous regardez votre bibliographie, vous dites celui-là, il est en trop.

  • Speaker #0

    J'ai vraiment honte, j'ai écrit quand j'étais jeune un livre qui s'appelait Godrio le Golgotha. Mais j'adorais les allitérations à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais il existe, il était chez Léo Cher.

  • Speaker #0

    Non, il était dans une collection de Gallimard qui est L'Arpenteur.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est bien chez Gallimard.

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai vendu 300 ou 400 exemplaires de ce livre. Et l'autre jour, j'étais à un salon du livre à Besançon, et je ne sais pas pourquoi le libraire avait mis ce livre sur la table. Et j'avais envie de le dissimuler.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi ? Je ne sais pas très bien,

  • Speaker #0

    parce que c'est un livre où c'était une accumulation d'allitérations, de jeux de mots, ce que j'ai essayé d'épurer depuis.

  • Speaker #1

    C'est, comme disait Michel Déon, un péché de jeunesse. Merci infiniment, Louis-Henri de La Rochefoucauld, d'être venu nonchalamment devisé dans un salon aristocratique chez La Pérouse, où beaucoup de... Just No Binar sont venus depuis 300 ans. Je vous ordonne de lire L'Amour Moderne de Louis-Henri de La Rochefoucauld, c'est aux éditions Robert Laffont. Merci à l'équipe du Figaro TV de continuer à supporter ces enregistrements. Merci à ma fille qui gère le Community Management. Abonnez-vous à la chaîne YouTube, likez-nous, likez-nous, mettez des cœurs partout, ça fait plaisir. Et puis, n'oubliez pas, la lecture est à l'esprit, ce que le sport est au corps. A bientôt. Non, mais écoute,

  • Speaker #0

    on n'a rien vu.

  • Speaker #1

    Cheers.

  • Speaker #0

    On retraque.

Description

Cette semaine je vous propose un entretien avec un aristocrate déjanté, dernier rejeton d'une grande famille d'écrivains. Son dernier roman figure sur la liste du Prix Interallié 2025. "L'amour moderne" raconte l'histoire d'une famille assassinée dans le 16eme arrondissement. Il s'agit donc d'un titre ironique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Louis-Henri de La Rochefoucauld, bonsoir. Vous publiez L'Amour moderne, vos éditions Robert Laffont. Vous avez 40 ans, vous êtes critique littéraire à l'Express, comme Angelo Rinaldi, notre maître à tous. Alors, L'Amour moderne est-il impossible ?

  • Speaker #1

    Il est difficile, mais je dirais que dans ce livre qui paraît assez pessimiste... En grande partie, j'essaie quand même de montrer qu'un acte 2 est possible. Oui, pour deux des trois personnages.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui rend l'amour compliqué aujourd'hui par rapport à... Il y a un siècle ou deux, est-ce que c'est la vitesse, est-ce que c'est la folie, est-ce que c'est la technologie ?

  • Speaker #1

    Ce qui est vrai c'est que j'ai appelé ce livre l'amour moderne avec une pointe d'ironie parce que finalement moi je pense qu'on n'a rien fait mieux depuis l'amour courtois il y a quelques siècles. Et finalement j'aurais pu appeler ce livre l'amour anti-moderne et en effet je pense que rien n'est fait pour simplifier le rapport. dans les couples aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je résume votre pensée, l'amour courtois c'est quoi ? C'est un baladin, un troubadour qui chante au pied d'une tour où une belle dame ne le verra jamais.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est ça votre conception de l'amour idéal ?

  • Speaker #1

    Oui, un amour comme ça, un peu éthéré, me semblait une... Est-ce qu'au XXe siècle on a fait mieux ? J'en suis pas sûr. Est-ce que le mariage bourgeois c'était mieux ? Je crois pas. Et est-ce qu'aujourd'hui le chemsex c'est mieux ? Dieu merci, moi je suis trop vieux pour avoir connu tout ça.

  • Speaker #0

    Vous pouvez essayer, oui.

  • Speaker #1

    Donc, non, non, écoutez, ce livre est une sorte de tentative de réhabilitation de... Oui, alors ça dit, c'est une forme d'amour à distance, parce que c'est vrai que les deux personnages qui essayent de se rapprocher dans ce livre sont assez lents, c'est un livre assez chaste.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Les fans de Houellebecq seront déçus de ce livre.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas raconter comment l'histoire se termine, parce que sinon, les gens n'auront plus besoin d'acheter votre œuvre. Mais ça débute par un crime épouvantable qui a eu lieu en 1994. Un père de famille qui a tué sa femme et ses deux enfants, un enfant ayant survécu en se planquant dans un placard. Et c'était la famille parfaite. C'est-à-dire que ce que vous voulez peut-être montrer, c'est que... Même les familles, et surtout les familles qui ont l'air le plus normal, le plus impeccable, en réalité cachent une violence, un danger ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce que Sébastien Tellier appelle l'amour et la violence. C'est inspiré d'une histoire que j'ai connue quand j'avais 9 ans, en effet en 1994, d'une famille qui vivait dans un hôtel particulier du 16e arrondissement. L'un des fils était avec moi en CE2 à l'époque. Le père de famille, comme dans le livre, est un brillant polytechnicien qui a travaillé en cabinet ministériel, etc. Tout semble bien aller, mais il est pris d'une sorte de délire un peu paranoïaco-psychotique. Et donc un jour, en effet...

  • Speaker #0

    Il était très, très exagérément jaloux, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors il se trouve qu'il soupçonnait sa femme de le tromper, avec le peintre qui avait réalisé justement le portrait de famille. Ironie de l'histoire, c'est le peintre qui a fait ce portrait de la famille parfaite. Ralph Lauren qui, selon le mari, le cocuit imaginaire ou pas, puisque tout ça est un peu trouble, mais en tout cas il est persuadé que sa femme le trompe et il finit un jour comme ça par tuer sa famille, quelques années avant Dupont de Ligonnès. C'est une affaire qui ressemble pas mal à l'affaire roman et à l'affaire Dupont de Ligonnès.

  • Speaker #0

    Et ça, ça vous a beaucoup marqué dans votre enfance et vous en faites un peu le prétexte, le fil conducteur de tout le livre. Dans le roman, le héros s'appelle Ivan Kamenov. Et il est attiré par une célèbre actrice dont la sœur était la femme tuée dans cette affaire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, au début du livre, lui est une espèce de dramaturge qui a eu du succès, mais là il est un peu période de jachère. Bon, en gros, il glande, quoi. Et un homme qui s'appelle Michel Hugo, qui est une sorte de parrain du cinéma français, par ailleurs propriétaire d'un théâtre, prend contact avec lui pour qu'il écrive une pièce pour son épouse, qui s'appelle Alban. Et son mari se dit, peut-être qu'à défaut de tourner dans des films, il acceptera de revenir au théâtre. Et il se trouve que le personnage d'Ivan, en effet, sait que cette femme a un lien avec ce fait divers. Et donc, il accepte ce projet pour avoir l'occasion de rencontrer cette femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous diriez que c'est une comédie romantique, ce livre ?

  • Speaker #1

    C'est une sorte de vaudeville grinçant, je dirais.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très noir, en fait. Dès le début, avec ce crime, mais plus on avance... Contrairement à vos autres romans, je dirais, vous êtes assez loufoque, vous aimez bien le burlesque, vous êtes, comme on pourrait dire, comme d'autres grands auteurs, comme moi-même, par exemple, attiré par la potacherie. Et il y a ça au début du livre. Et puis, plus on avance, et plus, finalement, c'est une histoire très tragique et très... et très mélancolique, ce qui est nouveau chez vous.

  • Speaker #1

    Mais vos livres aussi ont leur fond de spleen.

  • Speaker #0

    C'est possible, c'est possible. On est des faux potaches.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je sais que vous aimez comme moi un livre qui est La vie de Patachon de Pierre de Régnier, qui est un livre que je conseille à tout le monde, qui est comme ça la vie d'une fêtarde qui s'appelle Emma Patachon. Et le livre est un peu délirant et plus on avance dans le livre, plus c'est en fait mélancolique.

  • Speaker #0

    Mais L'écume des jours devient aussi.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Et je crois qu'en fait, c'est esthétiquement peut-être ce que je préfère. C'est la frivolité splinétique.

  • Speaker #0

    Mais ça a été... Alors, c'était pas vraiment... C'est un peu nouveau, je dirais, chez vous. Il y a même des passages dans le 16e arrondissement de déambulation modianesques.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, Modiano, c'est une vieille passion pour moi. C'est vrai que quand j'avais 18-20 ans, c'était vraiment mon écrivain préféré. Et c'est vrai que c'est ce qui m'est resté de lui. c'est ce goût de tourner en rond en définiment dans les mêmes dans les mêmes coins. À l'heure des écrivains voyageurs à la Sylvain Tesson je propose une contre-programmation qui est de tourner en rond dans le 16ème en définiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous croyez que le fait de basculer comme ça dans une forme presque de dépression ou de noirceur c'est une question d'âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être j'arrive à un âge où des écrivains que j'aime bien commencent à mourir Fille de Gérald, il est mort à quoi, 44 ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    J'ai 40 ans, donc j'arrive peut-être dans le temps auditionnel. Non, je ne sais pas. Je crois que c'est après la vie, tout simplement. Il se trouve que moi, quand cette histoire m'a eu lieu, j'avais donc 8-9 ans, et j'ai une petite fille qui a 8 ans, et qui va à l'école, dans la même école primaire où moi j'en ai... Qui est Franklin. Exactement, qui est Franklin.

  • Speaker #0

    Saint-Louis-de-Gonzague.

  • Speaker #1

    Tout à fait, voilà, que j'appelle Loyola dans le livre, mais enfin... Les connaisseurs des beaux quartiers auront reconnu l'adresse. Et je pense que retourner sur les lieux avec ma fille, qui a l'âge que j'avais à ce moment-là... Ça vous a ramené à cet âme. Ça m'a ramené à ces états d'âme que j'avais à ce moment-là. Et ça crée, ouais, une forme de... Il y a pas mal de textes de Peggy, pour parler d'un auteur plus sérieux, quoi qu'assez délirant dans son genre, mais il y a pas mal de textes de Peggy sur la mélancolie de l'homme de 40 ans. Et ben voilà, j'arrive à cet âge tragique.

  • Speaker #0

    Mais... Pourquoi en avoir fait une fiction ? Puisque c'est une histoire vraie, vous auriez pu, au lieu de vous appeler Yvan, vous auriez pu vous appeler Louis-Henri et assumer la part autobiographique.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Alors, pour répondre aux critiques littéraires que vous êtes, je dirais que pour moi, il y a un peu l'école Carrère et l'école Modiano. Le récit, le non-fiction et tout ça, qui est plus dans l'air du temps en ce moment. Et moi, d'abord, je n'ai pas ce talent-là et je n'ai pas ce goût-là non plus. Je crois que je préférais retrouver comme ça, de manière un peu onirique, cette période sombre de mon enfance.

  • Speaker #0

    Oui, d'autant que Carrère l'a fait sur l'affaire Romand, qui est aussi un meurtre familial, un meurtre collectif. Yvan tombe amoureux à 38 ans, de la femme de son producteur, actrice de plus de 10 ans plus que lui. Qui verriez-vous dans le rôle ? Je me suis demandé Marion Cotillard, Cécile de France.

  • Speaker #1

    Je crains que Marion Cotillard ne soit pas assez élégante pour jouer ce personnage. Vous dites donc !

  • Speaker #0

    Comment osez-vous ?

  • Speaker #1

    Je préfère Cécile de France. Non, alors je dis qu'elle ressemble un peu à Lorraine Bacal dans Le Crime de Laurent Express, mais c'est une référence un peu vintage. Aujourd'hui, qu'est-ce que j'aimerais bien comme actrice ?

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas eu de proposition d'adaptation ?

  • Speaker #1

    Non, non, hélas. Comme actrice française, alors ?

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #1

    Là j'ai du mal. Bon allons-y pour Cécile de France. En tant que directeur de casting, vous ne proposez que Thiar et Cécile de France. Je prends Cécile de France.

  • Speaker #0

    Vous avez un don pour la vanne qui tue. Il n'avait jamais compris une ligne au livre qui paraissait aux éditions du Seuil. C'est pas très très gentil pour les éditions du Seuil.

  • Speaker #1

    Mais oui, mais est-ce que c'est faux ? Est-ce que vous comprenez quelque chose au livre qui sort au Seuil ?

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire que vous êtes le Sacha Guitry de Technicard ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est un grand compliment. En tout cas, j'aimais bien dans Technicard, parce que j'ai arrêté de bosser à Technicard pour me consacrer à l'Express il y a quelques mois. Mais c'est vrai que j'aimais bien essayer de mettre de l'humour dans les papiers, ouais.

  • Speaker #0

    Mais vous en mettez toujours dans les maquillages. Tout à fait, c'est ce que j'essaye au maximum,

  • Speaker #1

    ouais. Mais vous êtes mon maître en ce domaine.

  • Speaker #0

    Oh, mais oui. Qu'est-ce qui s'est passé au Masque et la Plume ? Vous êtes allé au Masque et la Plume une seule fois. Ils ne vous ont jamais rappelé. J'ai fait deux émissions. Ah, deux émissions, d'accord.

  • Speaker #1

    Première émission, Rebecca Manzoni me dit « C'est sujet génial, etc. Revenez. » Donc je reviens trois semaines plus tard. Et là, je n'ai plus jamais une nouvelle.

  • Speaker #0

    Vous avez fait une vanne qui ne passait pas ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    Alors je me suis moqué d'un écrivain du Seuil qui est Edouard Louis, pour ne pas le nommer. Et alors peut-être que ça ne passe pas sur les ondes de France Inter. Mais j'ai dit du bien de Scholastique Mukasanga. Donc je pensais que... En plus, sincèrement, parce que j'avais adoré son livre. Et j'ai dit justement que... En fait, Scholastique Mukasanga raconte un livre sur des choses horribles qui se passent au Rwanda, mais de manière très pudique et tout ça. Et je disais, ça nous change des pleurnicheries d'Edouard Louis.

  • Speaker #0

    Vous croyez que c'est à cause de ça ?

  • Speaker #1

    Elisabeth Philippe s'est un peu crispée à ce moment-là. Et voilà, il n'y a pas eu de suite.

  • Speaker #0

    Vous dites que la reconnaissance légale du droit d'autorité... hauteur et le seul progrès durable apporté par la Révolution française. C'est Beaumarchais qui a eu l'idée. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Si vous connaissez d'autres progrès apportés par la Révolution française...

  • Speaker #0

    La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non ?

  • Speaker #1

    Je rappelle à vos auditeurs que vous êtes aristos par votre mère. Je ne sais pas ce qui s'est passé pour votre famille à ce moment-là, mais ça s'est bien passé.

  • Speaker #0

    Mais vous vous en êtes jamais remis, mais bon, c'était il y a longtemps, vous avez écrit un livre qui s'appelle La Révolution Française. Tout à fait, oui, non, tout à fait. Et bon, il faut l'accepter, elle a eu lieu. Passons sur l'événement,

  • Speaker #1

    passons sur l'événement, oui. Enfin, en tout cas, je vois que la France, là où on parle, la France n'a pas de gouvernement, donc deux siècles après, on est bien avancé, oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai, c'est vrai que c'est... Je l'ai dit à Adeline de Clermont-Tonnerre, je reçois beaucoup d'aristos dans cette émission.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que c'est une bonne émission.

  • Speaker #0

    Une émission très small, très très small. Je voulais vous féliciter aussi pour la couverture de Flock. où on voit ce couple qui trinque au champagne au milieu d'une ville de Paris en ruine et en feu, avec la tour Eiffel qui s'effondre. D'où est venue cette idée ? C'est vraiment splendide. Je pense que c'est la plus belle couverture de livre de la rentrée littéraire.

  • Speaker #1

    C'est aussi mon avis. Non, en fait, le nouveau patron des éditions, Robert Laffont, Frédéric Martin, a voulu qu'on fasse des couves illustrées. Et il se trouve, alors c'est pas un dessin original, c'est un dessin qui a fait la couve du magazine Monsieur, il y a une dizaine d'années. Ah oui, d'accord. Et j'adorais ce dessin, donc j'ai appelé Floch, qui a accepté que j'utilise ce dessin.

  • Speaker #0

    C'est bien que votre éditeur ait ce souci-là, parce que je trouve malheureusement en France la qualité des couvertures pas très... C'est un exercice qui devrait être un exercice amusant et artistique, et c'est faible en général. Alors il y a un personnage dans le livre qui est nommé Jean-Yves Leblanc, qui sort avec des mannequins. qu'un qui prend de la cocaïne au bain-douche. Mais où allez-vous chercher tout ça ?

  • Speaker #1

    Vous avez connu sans doute le modèle. Un certain Jean-Luc Brunel.

  • Speaker #0

    Jean-Luc Brunel, oui, qui était un ami de mon père.

  • Speaker #1

    Et bien ce personnage, en fait, il se trouve que ce fait d'hiver tragique qu'il y a eu dans mon école, ils avaient un lien familial avec Jean-Luc Brunel. Et donc ce personnage, alors je l'ai appelé Jean-Yves, ce qui fait référence à une autre personne que vous avez connue.

  • Speaker #0

    Oui, Jean-Yves Le Fur.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais bon je dirais que c'est 90% Brunel qui est un personnage quand même sombre. Mais je ne savais pas que c'était un ami de votre père. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Non mais c'est ce qui est bien dans le livre, c'est qu'on reconnaît les gens sans les reconnaître complètement. Ça reste quand même une fiction.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et d'ailleurs les personnages d'Alban, Blanzac, la comédienne, et le méchant Michel Hugo, pour le coup, ne renvoient à aucun personnage.

  • Speaker #0

    Ah bon, moi j'ai reconnu... Non, quelques producteurs de cinéma pourraient s'identifier.

  • Speaker #1

    Oui, je connais moins bien ce milieu que vous, mais quant à Yvan, le personnage principal ne me ressemble absolument pas.

  • Speaker #0

    Le vrai sujet du livre, c'est peut-être l'année 1994. C'est-à-dire cette année-là, il y a beaucoup d'événements qui vous ont frappé. Non seulement ce triple meurtre dans le 16e arrondissement, dans une famille apparemment sans problème. Il y a le suicide de Kurt Cobain, celui de François de Grosseouvre, l'accident d'Ayrton Senna. Et pour vous, vous avez 8 ans et c'est cataclysmique tout ça.

  • Speaker #1

    Oui parce que ce fait divers qui a eu lieu dans la réalité en mi-mai 1994, le suicide de Grossof c'est au mois d'avril et la mort d'Ayrton Senna c'est le 1er mai. Donc tout ça était une espèce de séquence. Et moi je me souviens que gros souffle, pourtant j'étais pas vieux, mais un suicide à l'Elysée, mon père avait dû m'en parler, ça m'avait paru un truc très très mystérieux. Alors moi j'ai raté cette fois le permis de conduire, donc la voiture n'est pas ma passion, mais j'avais des copains qui regardaient la Formule 1, donc je me souviens dans la cour de récréation de cette émotion de la mort de Sénat qui avait eu lieu en direct, et puis après ce camarade qui se fait tuer. Et puis c'est vrai qu'après j'ai découvert plus tard, parce que je ne lisais pas Guy Debord en CE2, je veux bien frimer, mais... Et après, quand j'ai découvert plus tard qu'il y avait ce suicide... Debord s'est tué aussi en 1994. Guy Debord s'est suicidé en 1994 aussi. Et donc Kurt Cobain aussi, comme vous l'avez cité. Ça fait une espèce de constellation... Et Bérégovoy. Alors Bérégovoy, c'est 93.

  • Speaker #0

    Ah d'accord, ok.

  • Speaker #1

    La veille de cette tentative d'attentat sur Monica Seles au tournoi de tennis de Hambourg.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, j'avais complètement oublié. Monica Seles était en train de jouer au tennis et on l'a poignardée pendant un match.

  • Speaker #1

    Elle est à un changement de côté à Hambourg. Donc en Allemagne, il y a un fan de Steffi Graf, qui était sa grande rivale, arrive et lui plante un couteau dans le dos. Et donc les images que vous pouvez voir sur YouTube, si vous avez le goût de l'hémoglobine...

  • Speaker #0

    Oui, ben alors non merci.

  • Speaker #1

    Non, elles sont saisissantes, parce qu'on voit Monica Céleste qui tout d'un coup est prise comme ça, une espèce de suffocation, et tombe sur le cours. Et là, les médecins viennent la chercher. Et Bérégovoy ou Monica Céleste, je ne sais plus, ça s'est passé... L'un des deux s'est passé le 1er mai 93, donc pile un an avant la mort d'Ayrton Senna, le 1er mai 94. enfin je sais pas Dans mon esprit d'enfant, puis quand j'essaie d'analyser cette année-là, tout fait des espèces de correspondances un peu comme ça, bizarres.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est assez étrange dans le livre, c'est que le personnage est un enfant protégé dans un milieu favorisé, dans une école privée, tout devrait aller plutôt bien, et il est comme ça saisi par... En fait, il découvre que la vie n'est pas... Voilà, que l'existence de la tragédie, quoi, en fait.

  • Speaker #1

    Tout à fait, oui, c'est un peu un livre sur l'envers du décor et sur ce qu'il y a derrière les apparences, la traversée des apparences, comme dit Virginia Woolf. Et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, que j'aime bien cette couverture, parce que le livre se passe un peu aussi dans le milieu du théâtre. Et cette couverture que vous avez montrée avec ce fond rouge, il y a quelque chose aussi du rideau du théâtre. Et donc, oui, c'est ça, de l'envers du décor.

  • Speaker #0

    Il y a une scène de mariage au château d'Arkang, près de chez moi. Alors là, quand même, je vous en veux un peu, puisque vous dites, il faisait un temps de chien, enfin un temps basque. C'est complètement faux, il y a aussi beaucoup de soleil au Pays Basque, voyons. C'est un cliché, ça.

  • Speaker #1

    Oui, alors surtout qu'en plus, ce qui est drôle, c'est que le mariage dont je me suis inspiré, c'est le mariage d'une de mes tantes qui avait eu lieu en Champagne-Ardenne. Et là, pour le coup, ça avait été des sauts d'eau toute la journée. et j'ai délocalisé ça au château d'Arkang où s'était marié un de nos amis communs dont je peux citer le nom qui était Thierry Perroux.

  • Speaker #0

    Ah oui ? C'était marié là-bas, il y a une dizaine d'années, voilà. D'accord. La question de la page 82. C'est une nouvelle question. C'est une nouvelle rubrique, c'est la question de la page 82. Page 82, vous dites... Prendre une seule menière au Lutetia, est-ce que c'est de gauche ? Je vous la pose.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a vraiment des gens de gauche ? C'est une question que je n'ai jamais vraiment réussi à résoudre.

  • Speaker #0

    Vous voulez dire sur Terre ou au Lutetia ?

  • Speaker #1

    Alors... Au lieu des SIA, je ne pense pas. Et sur Terre, j'en sais pas.

  • Speaker #0

    Vous citez aussi Des Profondistes, Oscar Wilde. Alors, je vais vous demander de lire le passage, mais je n'ai pas... Je n'ai pas la page. Ah, voilà. Voilà, je l'ai. C'est là où j'ai mis des traces de stylos billes.

  • Speaker #1

    Alors, vous voulez que je lise ? Oui, parce que... À partir de là,

  • Speaker #0

    jusque-là, parce que ça va montrer que même si vous essayez de blaguer tout le temps ici, en réalité, dans le livre, vous le faites un peu moins.

  • Speaker #1

    On se souvient que Wilde, à la suite de son procès perdu contre Lord Queensberry, le père de son amant Alfred Douglas, avait été condamné à deux années de travaux forcés. En 1897, finissant de purger sa peine de prison à la jôle de Reading, Wilde, 42 ans, au bout du rouleau, vêtu de guenilles, avait pris la plume pour écrire des profondices, longues lettres adressées à Alfred. Regrettant de n'avoir pas connu auprès de lui une atmosphère intellectuelle faite de calme, de paix et de solitude, il avait eu ses lignes. Tu admirais mon travail lorsqu'il était achevé, tu aimais le succès éclatant de mes premières et les brillants festins qui les suivaient. Tu étais fier, et c'était fort naturel, d'être l'ami d'un artiste aussi éminent, mais tu étais incapable de comprendre les conditions requises par la production d'une œuvre d'art.

  • Speaker #0

    Alors là c'est un moment important, parce que vous essayez de faire passer un message là, c'est de dire que nous, les écrivains, On est invivable.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai le souvenir comme ça d'une... Je ne sais plus quelle fille qui tournait autour de Picasso et la mère de Picasso lui avait dit il s'est tombé, il est déjà marié à son art. Et c'est vrai que... Parfois quand on est... On a besoin d'un peu de concentration quoi. Alors après il faut faire la part des choses. Moi je m'occupe pas mal de mes enfants donc j'essaye que quand je travaille sur mes livres ça ne soit pas à leur détriment.

  • Speaker #0

    Mais pendant qu'ils sont à l'école, il faut travailler entre 8h30 et 16h15.

  • Speaker #1

    Merci à l'éducation nationale de nous permettre de travailler. Et non, et après, c'est vrai que là, il parle vraiment à son amant. Et c'est aussi, je crois que c'est plus par rapport au conjoint. Cette histoire d'un conjoint qui, par exemple, quand vous avez du succès, est content, mais ne comprend pas que pour qu'il y ait ce succès, il y a aussi les heures creuses où en effet, il faut supporter que vous ayez besoin de solitude et de calme.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose dont vous avez souffert personnellement ? C'est compliqué de se concentrer sur son travail artistique ?

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est un peu un cliché l'idée de l'artiste qui doit rester célibataire, comme Flaubert et tout ça, après tout, il y a plein d'écrivains qui ont eu des vies, qui ont réussi à avoir des vies familiales heureuses.

  • Speaker #0

    Charles Dickens écrivait ses livres entourés de sa marmaille. Tout à fait,

  • Speaker #1

    il y a tous les exemples possibles. Et en même temps, je trouve toujours assez malsain aussi les couples où le conjoint devient une espèce de secrétaire du grand homme ou de la grande femme, etc. Il y a un truc que je trouve un peu bizarre là-dedans. Donc je ne sais pas, je n'ai pas la recette de la bonne relation.

  • Speaker #0

    J'essaie de vous titiller parce que je me demande quand vous allez fendre l'armure. C'est-à-dire, tous vos livres sont des romans, vous êtes un partisan de la réelle fiction. Mais est-ce qu'un jour vous n'avez pas basculé dans la confession intime et osé franchir le pas ? Peut-être,

  • Speaker #1

    peut-être, peut-être. On n'est pas obligé,

  • Speaker #0

    mais Modiano, que vous aimez, il l'a fait, lui.

  • Speaker #1

    Oui, un pédigré ? Oui. Est-ce qu'il l'avait fait avant ?

  • Speaker #0

    Peut-être que dans Villatrice, il parle de si brave garçon, il parle de son pensionnat.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est vrai. Mais est-ce qu'il a vraiment fait un livre sur la mort de son frère, par exemple ? Non, jamais. Rudy, ce fameux frère qui l'a perdu enfant. Non,

  • Speaker #0

    c'est une seule phrase dans un pédigree.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Oui, c'est très bizarre d'ailleurs la manière dont il en parle. Non, écoutez, la vie est longue. Donc peut-être que ça m'arrivera de... Mais écoutez, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Parce que par exemple, le type qui tue toute sa famille, vous dites qu'il était en pension... À la Flèche ? À la Flèche, en pritanné de la Flèche. Il a été victime d'abus, il a été frappé, peut-être violé, tout ça. Bon, vous vous racontez Franklin, je ne sais pas, est-ce que vous avez été traumatisé à Franklin ?

  • Speaker #1

    Alors non, pas à Franklin, moi ce qui m'a le plus traumatisé, alors j'étais victime de rien de sérieux, mais je suis allé en Angleterre dans un pensionnat à Eastbourne quand j'avais 11 ans, et là je me souviens que j'étais seul, j'étais la French Frog dont tout le monde se moquait. Et j'ai des souvenirs précis d'avoir découvert la profondeur de la mélancolie à Eastbourne quand j'avais 11 ans.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs, Yvan est dans ce fait. C'est donc un passage intime dans le livre. Et voilà,

  • Speaker #1

    peut-être que je pourrais plus parler un jour de ces souvenirs-là.

  • Speaker #0

    C'est curieux parce que Guillaume Gallienne, que j'ai reçu ici, lui aussi a été en pension en Angleterre, mais lui, il a adoré. Parce que justement, comme il était excentrique... Les anglais le toléraient comme il était. Là où il a été vraiment maltraité, c'est en France.

  • Speaker #1

    J'étais pas assez excentrique.

  • Speaker #0

    C'est le onzième livre. C'est votre onzième livre. Onze livres, ça commence à faire une œuvre. Qu'est-ce que vous avez essayé de dire, si jamais vous deviez essayer de résumer, qu'est-ce que vous avez essayé de dire toutes ces années dans ces onze livres ?

  • Speaker #1

    Je sais pas parce que je... pense que je suis un écrivain à maturation lente. Et donc, j'ai l'impression qu'à 40 ans, j'arrive... J'ai l'impression d'avoir progressé ces dernières années, tout ça. Oui, je confirme. Non, je suis content d'avoir parlé, d'avoir fait quelques tableaux poétiques de la pension anglaise, de la mort de ce camarade de classe. Et je crois... J'ai essayé de peindre un peu le 16e arrondissement. J'ai essayé de remettre le 16e arrondissement dans la littérature mondiale. Et peut-être d'essayer de mêler un peu ce que je disais sur Pierre de Régnier, ce que faisait Sagan aussi un peu, parce que ce livre est assez inspiré d'un livre de Sagan qui s'appelle Le miroir agaré, qui est aussi une sorte de triangle amoureux dans le monde du théâtre. J'essaye de faire perdurer une forme d'esprit français mêlant justement frivolité et profondeur dans un paysage littéraire qui, je crois, ne le tolère assez peu.

  • Speaker #0

    mais je dirais même plus plus sérieusement que... Si jamais il y a un message, je ne vous le souhaite pas, mais c'est que peut-être vous... Parlez de la noblesse. C'est évidemment un sujet complètement inactuel, désuet et tout, mais puisque vous venez d'une très ancienne famille, très prestigieuse, et que vous êtes un descendant d'un immense écrivain qui est François de La Rochefoucauld, du coup, dans plusieurs de vos livres, y compris dans celui-là, vous rendez un peu hommage à, non pas l'aristocratie, mais certaines valeurs de ce monde-là, de ce monde presque disparu.

  • Speaker #1

    Mais alors, comme mes sœurs me reprochent de radoter, c'est pour ça que j'en ai fait ce livre. Ivan Kamenov est un dessin de Russe blanc.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, comme ça, ça vous permet d'éviter le...

  • Speaker #1

    Donc je fais une phrase sur la révolution russe, parce que je me suis dit, voilà, ça me permet de décaler légèrement le truc.

  • Speaker #0

    Mais je vous ai perçu à jour quand même.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Non, mais c'est vrai que c'est un thème qui m'est assez cher, et je pense que ça veut dire quelque chose dans la littérature française, d'ailleurs, et dans la manière d'être.

  • Speaker #0

    parce que ce qui est bizarre c'est que vous n'êtes pas snob puisque vous n'avez pas besoin de l'être quand on s'appelle La Rochefoucauld, mais en revanche, quand même, vous ne renoncez pas, vous ne vous grimez pas en autre chose, vous voyez ? C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Tout à fait, non, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est compliqué d'assumer l'idée d'être un aristo fauché en

  • Speaker #1

    2025. Oui, en même temps, il y a une forme de fierté, pas au sens d'orgueil mal placé, mais... Je vois parfois des trucs, par exemple, en censé, dans la presse de gauche, de très mauvais livres, de camelotes trucs, et je me dis, bon, tout ça, finalement, passera avec l'écume des jours. Et je me dis, voilà, on est encore là, mille ans après. Donc, je sais pas, les Édouard-Louis passeront.

  • Speaker #0

    Oui, mais je sais pas, vous pouvez, de toute façon... Vous pouvez y aller, on est sur le Figaro Télé, donc on a tout à fait le droit de dire du bien de la noblesse. Quelles sont les valeurs de la noblesse que vous défendez encore aujourd'hui ? C'est quoi ? C'est un désintéressement ? C'est le panache ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a l'idée que l'argent ne doit pas passer en premier. L'idée, oui, une forme de détachement. Je pense qu'il y a pas mal de choses communes avec un certain esprit anglais. Je trouve que les aristos... un peu un esprit anglais.

  • Speaker #0

    D'être un peu fou et un petit peu je m'en foutiste.

  • Speaker #1

    Oui, d'avoir une manière, une forme de désinvolture par rapport à des choses qui paraissent importantes pour d'autres gens. Et en même temps, après, d'accorder une importance folle pour des choses qui paraissent dérisoires.

  • Speaker #0

    Oui, comme les boutons de manchette. Tout à fait, voilà, tout à fait.

  • Speaker #1

    Par exemple, les seuls boutons de manchette que j'ai, c'est les boutons de manchette du jockey club dont je suis membre. Et voilà, ça par exemple, ce détail m'importe.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, j'ai eu tort de dire que vous n'étiez pas snob. Est-ce que vous êtes monarchiste ? Parce qu'il y a un de vos livres où le narrateur rencontre Louis XVI dans un bar pas loin d'ici. Et finalement, vous faisiez l'éloge de ce système-là où il y a quelqu'un qui incarne le pays et qui ne sert à rien.

  • Speaker #1

    En fait, s'il y avait quelqu'un de charismatique... La monarchie élective serait peut-être pas si mal, comme en Angleterre.

  • Speaker #0

    Ça éviterait qu'il y ait autant de bordel en France que comme en ce moment.

  • Speaker #1

    Là, c'est vrai que ça va pas très bien, honnêtement. On sait pas ce qui va succéder à la Ve République, mais...

  • Speaker #0

    L'utilité d'un roi, c'est quoi ? C'est la permanence de... C'est quoi ? C'est pour...

  • Speaker #1

    Oui, c'est cette espèce d'idée. Alors déjà, franchement, c'est pas mal, parce que ça veut dire que les ambitions... Là... Quand Sébastien Lecornu parle des appétits partisans des uns et des autres, avec un roi, les appétits partisans s'arrêtent à Matignon, puisque la plus haute marche est inaccessible. Donc peut-être que finalement, ça rendrait les hommes politiques un peu plus humbles.

  • Speaker #0

    Bon, parlons de choses sérieuses à présent. Le Chef-Faire est-il vraiment le meilleur restaurant du XVIe ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai exagéré. Il y a un resto que j'aime beaucoup, mais alors dans le nom m'échappe parce que je commence à perdre la tête à 40 ans, qui est Ruggy de Maupassant. Le Relais du Bois. Je préfère le Relais du Bois. Ah bon, le Relais du Bois,

  • Speaker #0

    ok, très bien. Je me demandais, le meurtrier dont vous parlez, le père de famille qui a liquidé sa famille, il a été condamné, il a dû purger sa peine et aujourd'hui il est en liberté.

  • Speaker #1

    Il est libre, il est peut-être dans le quartier à l'heure où on parle. Oui, oui, je sais qu'il est sorti de prison il y a quelques années, oui.

  • Speaker #0

    C'est fou, c'est comme Jean-Claude Romand. Jean-Claude Romand est en liberté.

  • Speaker #1

    Alors Jean-Claude Romand, je crois qu'il était passé par l'habit de Fongombo, où il a été plus ou moins oblat, un peu, et qui, à ma connaissance, il en est parti, je ne sais pas où il est maintenant. Et Dupont de Ligonnès, seuls vous savez où il est.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas moi, c'est Stabenrath qui sait où il est.

  • Speaker #1

    Une part de moi, je crois, est entre 93 et donc l'Angleterre, c'était 96-97. Une part de moi restera toujours fixée dans cette espèce d'espace-temps parallèle.

  • Speaker #0

    C'est le moment où vous êtes devenu adulte ?

  • Speaker #1

    C'est l'âge de raison, oui. C'est le moment où je m'aperçois que le monde des adultes est un monde assez bizarre. Même à l'Elysée, même là où il est censé être le pouvoir, il y a quelqu'un qui peut se tirer une balle dans la tête.

  • Speaker #0

    Oui, et je découvre cette tristesse d'enfant en Angleterre que je n'avais pas connue avant.

  • Speaker #1

    Et puis surtout, c'était un camarade à vous, un pote de classe qui s'est fait jouer par son père.

  • Speaker #0

    Tout à fait, on nous en a très peu parlé en plus, ce que je raconte dans le livre, parce que ça m'a frappé à posteriori. C'est dans mon souvenir, mais qui est peut-être une fiction, mais dans mon souvenir, on nous réunit sous le préau un matin. Donc évidemment, dans mes souvenirs, c'est un préau de Toussaint, alors qu'en fait, c'est au mois de mai, donc il faisait peut-être un grand soleil. En tout cas, la directrice nous dit qu'il s'est passé quelque chose de grave. Vous ne reverrez pas votre camarade.

  • Speaker #1

    Ah oui, sans donner de détails.

  • Speaker #0

    Et il me semble qu'on ne nous a rien dit d'autre. Et puis après, on est monté en classe. Et puis c'était la fin de l'année scolaire. Donc après, il y avait les grandes vacances. Et puis en septembre d'après, c'était une affaire classée.

  • Speaker #1

    Et à Franklin, vous n'étiez pas en classe avec Brigitte Macron ? Elle a été prof à Franklin.

  • Speaker #0

    Elle a été prof, bien sûr. Elle a eu des cousins à moi, mais elle a été prof... Moi, j'étais parti depuis longtemps, ouais. Non, j'ai raté de peu Viviane Lemaire, la mère de Lemaire, la mère de Bruno Lemaire, qui a été directrice du petit collège après mon départ. Donc, je suis passé à côté de grande dame, mais...

  • Speaker #1

    Oui. Et il y a cette phrase vers la fin du livre qui, à mon avis, vous définit bien. Malgré ses farces, il demeurerait à jamais un enfant triste du 16e arrondissement.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est le mélange Guitry-Modiano, ouais.

  • Speaker #1

    C'est très beau, c'est très beau. Alors, on passe au jeu devine tes citations, je vous lis des phrases de vous, tirées de tous vos livres, et vous devez deviner, sans tricher, dans quel livre vous avez écrit ceci. Ivan, c'est facile, Ivan n'était pas l'homme de sa vie, de toute façon, il n'était même pas un homme.

  • Speaker #0

    C'est donc L'amour moderne, ouais.

  • Speaker #1

    L'amour moderne, 2025. Elle est dure avec lui, quand même, la femme d'Ivan. Tout à fait. C'est l'histoire d'un type qui n'arrive pas à être un homme ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça d'ailleurs qu'Yvan, au début du livre, vient de se séparer de sa femme.

  • Speaker #1

    Mais alors s'il n'est vraiment pas un homme, elle a raison de le quitter ?

  • Speaker #0

    Oui, mais il n'est pas un mâle alpha, voilà.

  • Speaker #1

    Voilà, oui c'est ça.

  • Speaker #0

    Mais donc il est un homme sensible. Est-ce qu'un homme sensible est un homme ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois, oui. Autre phrase de vous. À son jeune âge, il avait encore deux ou trois divorces devant lui.

  • Speaker #0

    C'est toujours dans les morts modernes.

  • Speaker #1

    Excellent aphorisme. Alors ça, vraiment, j'adore. Encore un. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Ça, c'est mon ancêtre. François de La Rochefoucauld dans ses Maximes.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est les Maximes de La Rochefoucauld. 1665. Bravo de ne pas vous être attribué ce tube. Parce que c'est un peu son tube. Je la relis. Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois.

  • Speaker #0

    Mais je me demande si dans mon livre, il n'y a pas un sample de mon ancêtre. Ah oui ? Non crédité, une phrase de lui que je m'amuse à rebidouiller. Je crois, je crois,

  • Speaker #1

    oui. Je vous en dis d'autres de ces tubes, parce que c'est toujours un plaisir de les réécouter. Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés. Ça, c'est toujours votre ancêtre. Et puis, qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. Ça, franchement.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on se sent écrasé d'être l'arrière-arrière-arrière-petit-fils d'un grand écrivain ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc assez troublant quand on...

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'y en a pas eu beaucoup d'autres, La Rochefoucauld, à part vous deux ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a un qui était un copain de Proust, qui a écrit des livres, dans un livre qui vend pas mal, qui s'appelait L'Amant et le Médecin, mais qui n'est pas passé à la postérité, qui s'est présenté à l'Académie française, qui n'a pas été pris et tout ça. Ça, ça arrive à des gens très bien. C'est vrai, c'est vrai. Non, il y a eu Edmé de la Rochefoucauld, qui était une femme de lettres. Mais vous êtes trop jeune pour l'avoir connue.

  • Speaker #1

    Si, je l'ai croisée, je crois. C'est une vieille dame qui était vivante jusqu'à récemment.

  • Speaker #0

    Elle avait un salon littéraire.

  • Speaker #1

    Jusque dans les années 70, non ?

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui, exactement.

  • Speaker #1

    J'ai vu la croiser.

  • Speaker #0

    Non, ce qui est un peu troublant, c'est que j'ai chez moi la pléiade où il y a marqué de la Rochefoucauld, il n'y a pas marqué le prénom. Donc je pourrais faire croire que c'est... C'est ça votre but !

  • Speaker #1

    Autre phrase, de vous cette fois. Quand on n'a plus de château à transmettre, on peut au moins tenter d'aménager pour ses enfants une mémoire habitable.

  • Speaker #0

    C'est un livre que j'avais appelé Château de Sable, oui. Oui,

  • Speaker #1

    2022, prix des deux magots.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je précise que l'amour moderne est sur la liste du prix Renaudot.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc là encore, vous voyez, on peut tenter d'aménager une mémoire habitable. Il y avait déjà cette idée... que l'aristo désargenté a quand même quelque chose à transmettre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires familiales, il y a beaucoup de... Mon père, par exemple, est un homme qui a une mémoire phénoménale et qui est le spécialiste dans notre famille. Et c'est vrai qu'à chaque fois que je lui parle de personnages historiques, à chaque fois il me dit « Tu sais c'est drôle, on avait tel lien de parenté, par telle branche, par tel truc, etc. »

  • Speaker #1

    Bah oui, parce que Léla Rochefoucauld, il y a eu je ne sais combien d'évêques...

  • Speaker #0

    Oui, alors normalement les évêques n'ont pas censé avoir de descendance. Mais non, il y a eu pas mal de mariages illustres qui me donnent des ancêtres improbables. Par exemple, je descends de Lully. qui est plutôt connu pour son homosexualité, mais enfin il avait une femme avec laquelle il a eu des enfants. Donc j'ai quelques ancêtres comme ça assez pittoresques à travers les siècles.

  • Speaker #1

    Autre phrase, ça j'aime beaucoup. On ne naît pas vieux garçon, on le devient.

  • Speaker #0

    Ça c'était le club des vieux garçons. Déjà il était question du jockey, il y a déjà des thèmes il y a dix ans qui étaient des thèmes récurrents.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vous considérez comme un vieux garçon ou pas ? Un vieux garçon normalement n'a pas d'enfant, vous avez deux enfants.

  • Speaker #0

    Tout à fait, j'ai raté cette vocation que je m'imaginais. Je me voyais bien quand j'avais 20 ans, 25 ans, à devenir une sorte de Flaubert ronchonnant. Mais j'ai eu des enfants donc... Ça vous a sauvé. Tout à fait, ça m'a sauvé de la vieille garçonnité.

  • Speaker #1

    Parce que le vieux garçon c'est pas forcément très séduisant, c'est un peu sur des personnes qui se lavent pas souvent, qui vivent au milieu de leur... de leurs petites affaires et qu'ils deviennent des maniaques.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait un peu les frères Goncourt ou les... Non, écoutez, je prends une douche par jour.

  • Speaker #1

    Une dernière pour la route. Quand on passe de la rive Ausha la rive droite, on sent comme une variation de climat.

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier, l'avant-moderne.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est vrai ou vous le pensez vraiment ? Il y a une grande différence de climat apparue entre la rive gauche et la rive droite ? Alors,

  • Speaker #0

    c'est une phrase un peu... Je crois que c'est le personnage d'Ivan qui se moque de... d'Alban. Mais c'est vrai que c'est quand même... Je sais pas.

  • Speaker #1

    Il fait plus froid ou plus chaud, Rive Gauche ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est vraiment une bonne question. Je sais pas. En tout cas, moi, j'ai toujours vécu Rive Droite et j'en suis assez content. C'est comme ça que quand je vais déjeuner avec des éditeurs et tout ça, la Rive Gauche, pour moi, garde un petit exotisme. Oui. Je suis pané dans ce monde-là. Donc c'est deux mondes différents. En plus, je suis sur donc rive droite, mais à l'extrême ouest.

  • Speaker #1

    Non, mais écoutez, c'est pourtant simple. Il fait 3 degrés de moins rive droite parce que c'est des grandes avenues très larges. Donc il y a du vent et il fait beaucoup plus froid que dans les petites rues du quartier de chez la Pérouse. On a chaud l'hiver alors que chez vous, c'est le pôle nord.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci Gilles Lopetré de cette information.

  • Speaker #1

    Bon, alors, on passe au questionnaire de Bec Bédé, puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre, L'Amour Moderne, au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Pour des raisons de santé mentale élémentaires, parce qu'on n'arrête pas de nous saouler avec la santé mentale depuis quelques mois. Et vous voyez bien, quand vous scrollez pendant une heure, vous êtes dans un état de tension nerveuse impossible. Alors quand vous lisez un livre qui vous plaît, vous entrez dans une... hypnose assez agréable.

  • Speaker #1

    Donc vous voulez dire que ce livre devrait être remboursé par la Sécurité sociale ?

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    C'est une question douloureuse pour moi parce que j'ai perdu un boulot à cause de ChatGPT. Je peux vous raconter l'anecdote en une minute. Il y a quelques années, je bossais pour une prestigieuse enseigne parisienne dont je ne peux pas dire le nom où j'étais ghostwriter de la Dircom. Je faisais des petits textes de 700-800 signes. Et puis un jour ça s'est arrêté, et puis on m'a dit oui on te recontactera, et puis on m'a jamais recontacté. Et puis je recroise le boss deux ans après.

  • Speaker #1

    Vous avez été remplacé.

  • Speaker #0

    Et là il me dit, ah tu sais c'est génial parce que maintenant je fais écrire les textes que tu faisais par chat GPT. Je leur dis, écris des petits textes vaguement rigolos, de toute façon on leur a eu de la range-côte etc. Et il me dit ça me convient parfaitement. Et ça lui coûte moins cher. Bon j'étais pas très cher mais... Estimez-vous heureux de pouvoir encore continuer de bosser au Figaro Magazine ? Oui,

  • Speaker #1

    non mais ça va pas durer longtemps. Mais c'est vrai que c'est terrible parce qu'on se dit qu'on est remplaçable finalement.

  • Speaker #0

    Moi j'ai atteint mon obsolescence programmée, ouais.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve strictement à rien ?

  • Speaker #0

    Comme disait l'autre, c'est plus beau parce que c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah, Edmond Rostand. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Alors au risque de vous décevoir, je pense que certains écrivains peuvent être gentils. Par exemple, un poète un peu élégiaque qui fait des lignes sur un paysage, par exemple, peut être gentil. Normalement, je pense qu'un critique littéraire doit savoir être méchant.

  • Speaker #1

    C'est rare, hein ? Je crois qu'à part vous et moi, il n'y en a plus beaucoup.

  • Speaker #0

    Non, non, c'est vrai, mais vous avez cité Angelo Rinaldi tout à l'heure. Il faut se souvenir de Renaud Matignon, Rinaldi, Barbette de Révy. Et il faut se forcer à être méchant de temps en temps.

  • Speaker #1

    Pourquoi d'ailleurs ? Pour faire un exemple ? Pour montrer qu'on est libre ?

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier la fameuse phrase de Beaumarchais...

  • Speaker #1

    Ah !

  • Speaker #0

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est pas un éloge flatteur » .

  • Speaker #1

    Devise du Figaro ! Exactement, voilà. Quel faillot !

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et non parce que je veux dire, le milieu littéraire et l'actualité littéraire est un monde où il y a énormément de fausses valeurs. Et de temps en temps, c'est bien de rappeler... Moi, j'adorais quand j'étais petit, les Abinavs de l'Empereur d'Andersen. Donc tout d'un coup, ce gosse arrive et dit, non mais l'Empereur est nu, quoi. Et de temps en temps, quand il y a des très mauvais livres encensés par tout le monde, il est bien de rappeler que c'est de la merde.

  • Speaker #1

    Et puis ça n'engage que vous. Votre avis n'est pas forcément la vérité. C'est ça que les gens oublient parfois.

  • Speaker #0

    Bien sûr, oui, c'est vrai qu'après les gens sont très susceptibles maintenant, donc quand on écrit un mauvais papier, c'est la chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et il faut rappeler que tout ça aussi est un jeu, quoi.

  • Speaker #1

    Récemment, on m'a reproché d'avoir critiqué une femme en étant un homme. Et le fait d'être un homme m'interdisait de critiquer un auteur de sexe féminin. C'était intéressant. Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    Je dirais l'angoisse existentielle. Un quatrième choix. Oui, ou l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Ça, c'est ce qui vous plaît ?

  • Speaker #0

    J'aime bien cette forme de... Je vois certains de mes amis qui gagnent beaucoup d'argent semblent parfois méconnaître cette zone de l'existence, cette espèce d'inquiétude qui permet parfois de découvrir des trucs intéressants.

  • Speaker #1

    Vous allez voir vos amis milliardaires et vous leur dites « Oh là, mon pauvre, t'as pas de chance, tu n'es pas angoissé ! » Exactement ! D'accord, très bien. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Alors le truc c'est que moi j'écris quand mes enfants sont à l'école, donc entre 8h30 et midi, et je ne bois pas au petit déjeuner. Donc hélas, pas encore, pas encore.

  • Speaker #1

    Je ne peux jamais dire, Fontaine, je ne boirai pas tout le monde. Tout à fait,

  • Speaker #0

    mais c'est vrai que le jour où je jouerai à du whisky, quand mes enfants mangent des Chocapic, je serai sur une mauvaise pente je pense.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Bon on a déjà parlé, mais est-ce que vous pensez que c'est un mal nécessaire, une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que beaucoup de critiques sont très mauvais. Mais quand je lis un papier, une bonne descente, je trouve que c'est un enchantement. Et sans flagornerie, c'est vrai, quand vous faites des descentes...

  • Speaker #1

    C'est toujours plus facile aussi. Attention, il faut faire attention à cette...

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce qu'en fait, une descente un peu systématique, justement, ce n'est pas une bonne descente, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être sincère.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Non, je trouve que ça sert à quelque chose. Oui, c'est un petit contre-pouvoir qu'il faut garder.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur JD Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ouais, ou sur Kubrick qui était un peu comme ça reclus. Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne suis pas sûr que Salinger, si on en croit... Mais je ne sais pas si ça va vous faire plaisir ce que je veux dire. Si on en croit Joyce Maynard, JD Salinger n'était pas un type si cool que ça.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Là par exemple,

  • Speaker #1

    vous avez parlé pendant une heure, est-ce que c'était pénible ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Ah ben voilà, c'est ça que je voulais entendre. Un roman doit-il réparer le monde ?

  • Speaker #0

    Alors je me méfie beaucoup, parce qu'il y a un côté un peu stalinien dans cette... Par ailleurs, Réparer les vivants de Maïs de Kerrangan n'est pas trop ce que j'aime en littérature. Mais en même temps, si je retourne votre question, et si c'est est-ce qu'un livre doit empirer le monde, je ne sais pas ce qu'il faut se souhaiter non plus. Il faut aussi, oui. Est-ce qu'il y a une bonne réponse ? Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    Alors il sera publié en août 2045 quand j'aurai 60 ans.

  • Speaker #1

    Très bien. Êtes-vous un ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    J'essaye au minimum parce que justement je pense que être ouin-ouin n'est pas conforme avec l'idée de la noblesse.

  • Speaker #1

    Bravo. Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oui mais comme on finit toujours par se faire prendre un ou un autre, on peut essayer mais...

  • Speaker #1

    Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Alors je vais en citer deux. Patrick Modiane en reste pour moi une référence dans son peste de monde onirique qu'il a créé. Et un écrivain qui m'a rendu vraiment moins bête, c'est Cécile Gilbert. Pour citer un écrivain...

  • Speaker #1

    Contemporain qui est venu ici même dans ce salon.

  • Speaker #0

    Je dois beaucoup, j'ai découvert beaucoup de livres et elle m'a vraiment rendu moins bête je pense.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle n'est pas seulement romancière. une essayiste littéraire. Si vous étiez très riche, est-ce que vous cesseriez d'écrire ?

  • Speaker #0

    Soyez honnête. C'est vrai que l'idée, si j'étais très riche, est-ce que je deviendrais reclus et peut-être que je sortirais un livre d'entendu ? Là,

  • Speaker #1

    vous deviendrez vraiment un vieux garçon.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas que ça soit à me souhaiter. En fait, c'est marrant parce que quand on est justement... On est toujours... pris par nos galères, mais c'est aussi nos galères qui nous poussent à devoir un peu nous dépasser. Si demain, j'étais enfermé dans un château avec du personnel...

  • Speaker #1

    C'est ce qui était la vie normale de vos ancêtres.

  • Speaker #0

    C'est vrai, ce qui aurait dû être ma vie, hélas. Mais peut-être que ça rendrait de moi une loque, donc c'est peut-être pas souhaitable.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que dans mon livre précédent, où je mettais en scène deux personnages qui rêvaient de devenir écrivains, et l'un des deux se rêvait à la fois d'un écrivain maudit, mais en écrivain à succès. Et je disais, on ne peut pas avoir... le spleen et l'argent du spleen. Et cette phrase a été pas mal citée dans la presse. Donc c'est pas brillant, mais je resterai peut-être pour cette phrase.

  • Speaker #1

    Elle est pas mal, elle est pas mal. Mais celle sur... Il a encore deux ou trois divorces devant lui, elle est pas mal aussi. J'aime bien, j'aime bien. Tout à fait. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Absolument pas.

  • Speaker #1

    Non. La question Farronnet de 451, si les livres étaient interdits, lequel seriez-vous prêt à retenir par cœur ? le le réciter dans une forêt.

  • Speaker #0

    Vous connaissez ma réponse, je suis obligé de dire les Maximes de l'Angecourt. Ah,

  • Speaker #1

    c'est bien. Je sais que l'atavisme familial vous honore. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ? Alors, tout le monde, maintenant, dans les émissions de télé à Paris-Sy, dit tout le temps « j'ai été sauvé par tel ou tel livre » .

  • Speaker #0

    Alors, absolument pas. Je m'y attendais ! Non, non, mais en revanche, honnêtement, je me souviens quand j'ai lu « Testament » de Gombrowicz. Quand j'avais 26-27 ans, ça m'a vraiment ouvert une fenêtre dans le cerveau. Et après, j'ai beaucoup lu Gombrowicz, notamment un livre que j'adore de lui, qui est Souvenirs de Pologne. Lui aussi, aristopolonais et tout ça, qui a cette éthos aristocratique. Il ne m'a pas sauvé, mais il fait partie de ces quelques écrivains qui m'ont... Qui vous ont ouvert des horizons. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Je dirais 11 ans, quand je... 1994. Tout à fait, ouais.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ? Ou quand vous regardez votre bibliographie, vous dites celui-là, il est en trop.

  • Speaker #0

    J'ai vraiment honte, j'ai écrit quand j'étais jeune un livre qui s'appelait Godrio le Golgotha. Mais j'adorais les allitérations à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais il existe, il était chez Léo Cher.

  • Speaker #0

    Non, il était dans une collection de Gallimard qui est L'Arpenteur.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est bien chez Gallimard.

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai vendu 300 ou 400 exemplaires de ce livre. Et l'autre jour, j'étais à un salon du livre à Besançon, et je ne sais pas pourquoi le libraire avait mis ce livre sur la table. Et j'avais envie de le dissimuler.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi ? Je ne sais pas très bien,

  • Speaker #0

    parce que c'est un livre où c'était une accumulation d'allitérations, de jeux de mots, ce que j'ai essayé d'épurer depuis.

  • Speaker #1

    C'est, comme disait Michel Déon, un péché de jeunesse. Merci infiniment, Louis-Henri de La Rochefoucauld, d'être venu nonchalamment devisé dans un salon aristocratique chez La Pérouse, où beaucoup de... Just No Binar sont venus depuis 300 ans. Je vous ordonne de lire L'Amour Moderne de Louis-Henri de La Rochefoucauld, c'est aux éditions Robert Laffont. Merci à l'équipe du Figaro TV de continuer à supporter ces enregistrements. Merci à ma fille qui gère le Community Management. Abonnez-vous à la chaîne YouTube, likez-nous, likez-nous, mettez des cœurs partout, ça fait plaisir. Et puis, n'oubliez pas, la lecture est à l'esprit, ce que le sport est au corps. A bientôt. Non, mais écoute,

  • Speaker #0

    on n'a rien vu.

  • Speaker #1

    Cheers.

  • Speaker #0

    On retraque.

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