- Speaker #0
Salut les artistes ! L'épisode d'aujourd'hui s'adresse aux batteurs-batteuses curieux de découvrir l'histoire de la batterie et comment cet instrument extraordinaire a su innover et s'adapter à chacune des époques. Nous y parlerons également comment trouver un geste souple dans une frappe puissante et comment le corps est-il impliqué dans le jeu complexe de cet instrument aux multiples facettes. Je suis ravie d'accueillir aujourd'hui et de partager cet épisode avec Didier Embact compositeur, batteur professionnel, podcasteur de la Batterie Podcast et chroniqueur dans Batterie Magazine. Sans plus attendre, voyageons dans le temps aux origines de la batterie. Bonjour Didier, merci d'être avec nous aujourd'hui pour nous parler de la batterie.
- Speaker #1
Oui, bonjour Sophie et merci de m'inviter dans ce podcast. Merci beaucoup pour cette invitation.
- Speaker #0
C'est avec plaisir. Tu as un podcast qui s'appelle La Batterie Podcast, où tu y parles de l'histoire de la batterie, qui est un vaste sujet.
- Speaker #1
Oui, effectivement. La Batterie Podcast tourne autour de l'histoire de la batterie. Aujourd'hui, il y a pas mal de podcasts autour de la batterie, des podcasts d'interviews ou simplement d'études diverses. Moi, je me suis rendu compte il y a quelques temps que l'histoire de la batterie était un peu ignorée des musiciens et musiciennes. Et voilà, j'ai voulu faire ce podcast pour que ce soit accessible à tous et à toutes. Et en plus, en complément de ce podcast, d'ailleurs, j'écris aussi dans le magazine Batterie Magazine, petite chronique aussi sur l'histoire de la batterie qui s'appelle un peu Distro.
- Speaker #0
Donc voilà notre point commun. Toi, tu parles de l'histoire de la batterie et moi, j'ai envie de partager dans mon podcast. corps musicien, de parler de la santé du corps musicien, car c'est aussi un sujet qui est assez mis de côté, mis à l'écart par les artistes et c'est important quand même de prendre conscience de son corps. Alors justement, je t'ai invitée pour qu'on puisse parler un petit peu ensemble de la batterie et un petit peu de ses contraintes à travers son histoire. J'imagine que l'instrument de la batterie n'est pas tel qu'il est actuellement. Les instruments ont dû évoluer, bouger ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Parce que le kit de batterie a lui-même évolué énormément au cours du siècle. En fait, la batterie est vieille d'environ 150 ans. Et au tout départ, de toute façon, les musiciens et les musiciennes s'asseyaient sur une simple chaise, ou en tous les cas, ce qu'ils trouvaient à leur porter. En tous les cas, c'est ce que j'ai pu remarquer sur quelques photos. Il y a une façon de jouer de la batterie au tout départ, lorsque le set, le kit de batterie n'était pas constitué, qui s'appelle le double drumming. Ça consistait en simplement une grosse caisse et une caisse claire. La caisse claire était simplement posée sur une chaise et on jouait des deux instruments à la main, enfin tous les deux avec des baguettes et pas au pied en tous les cas. Et le batteur, et pas vraiment le batteuse à l'époque, eh bien il jouait assis sur une chaise. Enfin, ce qu'il trouvait, quelque chose, une caisse, n'importe quoi. Après, ça a évolué lorsque le kit a été constitué et s'est vendu en tant que kit par des grandes marques de batteries. Au lieu d'acheter d'un côté une caisse claire, de l'autre côté une grosse caisse ou une cymbale, on pouvait acheter une batterie complète.
- Speaker #0
Et c'est à partir de quand qu'on pouvait acheter ce genre de kit ? A partir de quelle année à peu près ?
- Speaker #1
C'est au tout début du XXe siècle, avant la guerre de 1914.
- Speaker #0
D'accord, donc en fait c'est tout récent cette adaptation ? Ne serait-ce que du siège, maintenant il existe des sièges de batteur hyper confortables qu'on peut régler en hauteur, en inclinaison, tout ça. Alors qu'à l'époque, ils jouaient vraiment dans des conditions un peu précaires.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Mais ça a mis du temps. Je n'ai pas précisément regardé quelles étaient les adaptations du siège de batterie, quoique ça pourrait être un sujet intéressant. Mais je sais que dans les années 30-40, c'était un simple... Je ne sais même pas comment appeler ça. On dirait un cylindre avec un coussin, quoi. Qui n'était pas réglable. Donc, il y avait une hauteur déterminée et on se débrouillait avec ça.
- Speaker #0
D'accord. Donc, qu'on soit grand ou petit, c'était le même cylindre, quoi.
- Speaker #1
Oui, oui. Petit ou grand, tu avais ce truc. Mais après, je ne sais pas de quelle façon il était adaptable ou si on pouvait acheter de plusieurs dimensions. Je n'en sais rien. Je n'ai pas encore vu dans les catalogues de batteries ce genre d'accessoires. Je ne me souviens pas avoir vu. Mais je ne me souviens pas avoir vu des sièges de batteries en vente dans les années... 30 ou 40. Et en tous les cas, ce qui est sûr, c'est que le siège réglable, à mon avis, il est assez récent en réalité. Ça a daté des années 60, 70 peut-être. Mais maintenant, oui, c'est très performant. C'est-à-dire que tu as une... Une sorte de vis, tu peux régler la hauteur de ton siège très facilement. Justement, il ne faut surtout pas acheter un siège dont la hauteur ne serait pas réglable ou alors, comme j'ai vu assez souvent, où il y a trois trous et tu as un réglage pour être vraiment très bas et un autre moyen et juste un autre assez haut. Il faut vraiment régler pour ton propre corps, ça c'est évident. Ah bah oui,
- Speaker #0
mais il m'arrive de croire des batteurs qui s'assoient sur un tabouret classique. Sans qu'il soit réglable. Et j'avoue que je préfère quand même la hauteur réglable parce que selon la hauteur des jambes, pour libérer mobilité des pédales, c'est quand même plus agréable et plus confortable d'avoir le dos bien positionné et les pieds souples sur les pédales.
- Speaker #1
Oui, c'est sûr. Et évidemment, en étant bien assis, disons qu'on est confortable dans plusieurs sens du terme.
- Speaker #0
Voilà, confortable physiquement et confortable pour le jeu surtout.
- Speaker #1
On peut jouer plus vite, on peut jouer plus longtemps vraisemblablement, parce qu'évidemment il n'y a pas de douleur qui se crée. Donc oui, c'est super important, c'est sûr. Et surtout ça nous permet d'avoir des positions de pied très différentes, donc on peut essayer plusieurs techniques. Et j'imagine que quand on est assis sur un siège qui n'est pas vraiment réglé, si on arrive à avoir une technique, c'est déjà bien. Oui,
- Speaker #0
parce qu'il faut savoir quand même que le mouvement de la pédale part de la hanche, en fait, et est transmis au pied. Souvent, on pense qu'au pied, mais il faut faire attention parce que si on a une hanche qui est trop fléchie, le siège trop bas, on va avoir un mouvement qui ne va pas être assez libéré dans la hanche et qui va être crispé dans le pied. J'ai déjà croisé des batteurs avec des tendinites, des rolleveurs, qui ne pouvaient plus jouer du tout à cause de ça. Donc, c'est vraiment hyper important.
- Speaker #1
Il y a quelques exemples. connu, Phil Collins par exemple, on sait très bien qu'il est malade en ce moment, et c'est vraisemblablement par sa posture au long des années, lui qui était pourtant super reconnu, qui a beaucoup tourné, mais il avait une, paraît-il, en tous les cas, moi je n'arrive pas trop à voir ça sur les vidéos, mais en tous les cas, il paraît-il, il avait une posture horrible. Mais j'en vois d'autres, maintenant que je me suis un petit peu intéressé à ça, je regarde certaines vidéos avec un autre oeil, quand je vois des... Des vidéos de Nick Masson, le batteur de Pink Floyd, je me dis mais c'est incroyable comment il joue vlouté. Et ce mec-là, il a vraiment de la chance. Là, ça va encore, il a un âge avancé, mais bon, il tient debout, il n'est pas malade. Apparemment, il n'y a rien qui l'a fait souffrir, donc tant mieux pour lui. Et on voit vraiment dans certaines vidéos, il est très penché sur sa batterie avec un dos très rond. Il n'est pas droit.
- Speaker #0
Alors si on en revient à l'histoire de la batterie, tout début de la batterie, où tu m'as dit qu'il y avait un double drumming, une caisse claire. Et puis petit à petit, les instruments se sont un petit peu remplis, se sont étayés.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Ça a été assez rapide et ça s'est fait en deux temps. Ce sont des instruments de fanfare dont la grosse caisse a été posée au sol. Les caissières et cymbales ont été attachées comme on pouvait. On a posé la caissière sur un pied, on a attaché la... Les cymbales sur la grosse caisse, au départ, c'était vraiment ça. Et puis, petit à petit, on a ajouté d'autres instruments pour agrémenter tout ça, parce que l'ensemble, grosse caisse, caisse claire, cymbales, ça fait vraiment beaucoup de bruit. Et pour jouer avec des orchestres, où les types étaient peut-être 4-5, avec une clarinette, une trompette et je ne sais quoi d'autre, ça développait beaucoup de volume. Donc, pour pouvoir continuer à jouer en accompagnant ces instruments, avant, on a ajouté des petites choses, par exemple des woodblocks, c'est-à-dire une pièce de bois. sur laquelle on tape avec des baguettes, des cloches. Donc au départ, ça s'est vraiment joué sur des petites choses. Et puis on a ajouté des castagnettes, un tambourin, un triangle. Voilà, plein de petites percussions comme ça. Donc là, ça fait déjà un set un peu conséquent. Et puis ensuite, on a ajouté des instruments chinois. Les cymbales venaient de Chine, qu'on appelle les tomes, venaient de Chine aussi. Toujours dans le but d'agrémenter les sons et d'avoir aussi des petites choses. Parce que là, comme je disais, la grosse caisse, c'est la caisse claire. développer vraiment beaucoup de volume. Et puis petit à petit la batterie a fait son entrée dans le théâtre accompagnée également des pièces, des pièces de vaudeville surtout, c'est à dire des choses avec plusieurs numéros comme dans les cirques, c'est à dire qu'on avait un prestidigitateur, un groupe de danseurs puis je sais pas, un comique etc enfin il y avait des numéros qui se succédaient comme ça Aux Etats-Unis, ça s'appelait le vaudeville. En France, on appelle ça le music hall.
- Speaker #0
Quelles étaient les inspirations à ce moment-là ? Est-ce que c'était plus du jazz ?
- Speaker #1
Oui, la batterie est née avec le ragtime, avec le jazz. Elle est née pour faire danser les gens. Des orchestres de balle, en fait, qui, au départ, jouaient du ragtime et qui s'est vite transformé. en jazz. Mais c'est un jazz dansant. Le truc qu'on oublie, c'est que le jazz, comme on peut le comprendre aujourd'hui, c'est aussi une invention relativement récente. Ça date du bebop, donc des années 50 peut-être. Le jazz, c'est vraiment quelque chose qui était créé pour danser, dans les dancing.
- Speaker #0
Je me demandais, selon l'univers artistique, les domaines musicaux, jazz, rock, pop, metal, la batterie n'est pas formée de la même façon, elle n'est pas organisée de la même façon. Il y a des instruments qui sont plus utilisés selon l'univers artistique ?
- Speaker #1
Oui, exactement. C'est-à-dire qu'au départ, quand je te disais pour le musical Vaudville, la batterie s'est retrouvée à sonoriser des choses, pas seulement à accompagner de la musique. C'est-à-dire qu'on lui a demandé, par exemple, de faire le bruitage du cinéma. Il y avait toute une série de bruitages, je ne sais pas, des noix de coco pour imiter le bruit des pas de chevaux, des machines pour imiter le vent. le bruit d'une locomotive, etc. Enfin, il y avait plein de trucs. Le batteur, là, était vraiment super encombré par tout ça. Il y a des images où on voit... Enfin, c'est plus une batterie, c'est un cafarnaum gigantesque. Non seulement d'instruments de musique, mais aussi de choses comme les hapeaux, tu sais, les petits sifflets pour les oiseaux. Enfin, plein de trucs comme ça, vraiment plein de petites choses.
- Speaker #0
Ils étaient bruiteurs de films ?
- Speaker #1
Voilà, c'est ça. Le batteur, à un moment donné, combinait deux métiers. Celui de bruiteur. et celui d'instrumentiste. Et puis, évidemment, à l'arrivée du cinéma parlant, tout ça, ça a fini. Et d'ailleurs, il y a eu beaucoup de batteurs au chômage. Certains ont rejoint les rangs des bruiteurs et d'autres sont quand même restés dans les théâtres, mais ils avaient moins besoin d'eux, en tous les cas, c'est sûr. Et puis, à l'arrivée d'orchestres jazz plus imposants qu'on appelle les big bands, le kit de batterie s'est de nouveau amenuisé. On l'a réduit à grosse caisse, caisse claire. Quelques tomes, quelques cymbales.
- Speaker #0
C'est celle qui ressemble le plus à la batterie actuelle.
- Speaker #1
Voilà, c'est la batterie actuelle. Elle est née dans les années 30 à peu près, avec un batteur qui s'appelle Gincropa. Lui et sa marque de batterie préférée ont vraiment standardisé le kit de batterie. C'est un kit qu'on retrouve un peu aujourd'hui. Ce n'est pas exactement le même, bien entendu, mais quand on voit ce batteur, on reconnaît une batterie d'aujourd'hui. Alors que quand on voit les batteurs des années 15, 16 ou des années 20, c'est déjà un peu plus compliqué. Il y a vraiment beaucoup de choses qui ont changé. Y compris dans l'esthétique de la batterie. C'est vraiment très différent. Aujourd'hui, quand on voit une batterie, on a vraiment l'impression d'un instrument. Parce que tout est à peu près de la même couleur. Tous les tambours se ressemblent un peu. On sait qu'ils sont de différentes grandeurs, mais ils se ressemblent peu ou prou. On sait que les cymbales, par exemple, de loin, en tous les cas, on voit que c'est un ensemble. Alors qu'avant les années 30, on voit que c'est un assemblage. Dans les années 20, on voit très bien que c'est un assemblage d'instruments divers. Et quelques années après, c'est devenu... un instrument.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, puisque tu parles de cymbales, je sais qu'il en existe plusieurs sortes, selon l'esthétique musicale qu'on utilise. Et j'imagine que de toute façon, l'utilisation des baguettes va être différente selon le répertoire qu'on joue. Est-ce que ça a forcément une importance sur le geste ? La forme, le poids, la forme de l'olive, le poids de la baguette va avoir une incidence sur le son ?
- Speaker #1
Oui, évidemment, bien entendu. Plus la baguette pèse, plus il va y avoir de volume.
- Speaker #0
C'est pour ça que dans les baguettes, ils utilisent vraiment des grosses baguettes qui ont un diamètre assez important pour pouvoir jouer en extérieur et avoir du son.
- Speaker #1
Moi, j'ai fait l'expérience de tambours japonais il n'y a pas très longtemps. Ces tambours-là, qui ont une peau assez épaisse et un diamètre assez conséquent, ça ne se joue pas avec des baguettes pour manger. Ça ressemble plus à une bûche. La baguette ressemble plus à une bûche qu'à une baguette.
- Speaker #0
Oui, donc c'est en fait aussi la résistance de la peau de l'instrument qui va conditionner la baguette qu'on va utiliser.
- Speaker #1
Oui, pour les batteurs actuels, la question de la résistance de la peau ne se pose plus vraiment parce que ce sont des peaux synthétiques. Là, je te parlais des tambours japonais, parce qu'ils utilisent des peaux animales. Des peaux synthétiques, certes, elles sont plus ou moins épaisses, mais elles n'ont pas du tout la résistance des peaux animales. Elles sont beaucoup plus légères.
- Speaker #0
Et ça s'accorde une caisse claire et des tomes ?
- Speaker #1
Oui, la batterie s'accorde. Tout s'accorde.
- Speaker #0
On peut jouer différentes notes avec un même tome si on modifie un peu la tension de la peau, enfin de la surface ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr.
- Speaker #0
Donc ça doit changer aussi la résistance avec laquelle on frappe avec la baguette. Donc un petit paramétrage du geste. Là, je vous donne un petit tip pour les batteurs qui nous écoutent. Hyper important de faire le réglage. Une fois que vous avez réglé vos notes au tome, de faire un petit réglage, de ressentir le rebond de la baguette sur l'instrument, parce que si c'est plus ou moins tendu, le rebond va être complètement différent. Donc faire un petit paramétrage de chaque partie de vos instruments, c'est vraiment essentiel pour ne pas se faire mal. Voilà pour le petit aparté santé à la batterie.
- Speaker #1
D'ailleurs, moi je peux ajouter que ça peut être aussi valable pour une batterie électronique. Pour justement pouvoir retrouver les sensations d'une vraie, entre guillemets. C'est-à-dire qu'on peut très bien, enfin sur des batteries électroniques qui en tous les cas disposent de pots plastiques qu'on appelle mèches. Ces pots-là sont souvent, on peut en modifier la tension. Et ce qu'on peut faire, c'est modifier les tensions dans le sens où les tomes les plus aigus peuvent être tendues. Et au contraire, les tomes les graves, elles ont souvent toutes le même diamètre, les tomes de batteries électroniques. Et de faire en sorte que le tome grave, par exemple... soit un peu plus détendu. Et comme ça, ça respecte un peu ce qu'on peut retrouver après sur une batterie acoustique.
- Speaker #0
Ah oui, tu vois, je ne savais pas qu'on pouvait régler une batterie électronique. Ça, c'est vraiment quelque chose que tu m'apprends. Parce que justement, je dis de faire attention quand on passe de l'un à l'autre, parce que vraiment, le rebond de la baguette va être complètement différent et ça fausse un peu le geste. Donc, il faut être hyper vigilant avec les réglages au niveau de... Régler la tension, c'est hyper intéressant ce que tu dis, de vraiment prendre le temps de faire ce travail-là. Même si ça prend un peu de temps, c'est après du temps de gagner pour éviter les tendinites, vraiment.
- Speaker #1
Tout prend du temps de toute façon, mais il faut faire attention. Le réglage de tension des pots sur une batterie électronique n'influe pas du tout sur la hauteur de la note. C'est un autre réglage qui se fait dans l'électronique, bien évidemment.
- Speaker #0
Oui, voilà, c'est ce qui compte, ce n'est pas la note qu'on joue. C'est la tension qu'on va avoir sous la baguette pour obtenir un rebond qui se rapproche de celui d'une batterie acoustique.
- Speaker #1
Voilà, c'est ça.
- Speaker #0
C'est super intéressant. Ton univers artistique, c'est plutôt quel style ?
- Speaker #1
J'ai surtout été marqué par le punk à ses débuts, le rock en général. Et il y a des groupes qu'on a appelés post-punk comme Joy Division ou Baos ou Siouxi at the Benchies, des choses comme ça. qui sont venues à mon oreille et j'ai adhéré tout de suite. Aujourd'hui, peut-être c'est un mouvement qu'on englobe sous le terme de gothique parfois. C'est un mouvement où je me reconnais peu. Parce que comme je te le disais également, j'ai surtout été attiré par le côté énergie et l'immédiateté de ce genre de musique.
- Speaker #0
J'imagine dans ces musiques-là, c'est vraiment beaucoup d'énergie comme tu le dis. Du coup, il faut vraiment avoir une frappe qui prend beaucoup de rebonds. Il ne faut pas frapper fort, mais il faut avoir beaucoup d'énergie cinétique dans le mouvement. Il faut avoir vraiment de la vitesse de mouvement, parce qu'on peut avoir une force de frappe avec de la vitesse de mouvement, pas forcément avec la force avec laquelle on frappe. Et souvent, il y a une petite confusion quand on veut donner du son, entre donner de la vitesse à sa force de frappe et mettre de la puissance au sens musculaire du terme. C'est-à-dire qu'il faut être vraiment détendu pour que la frappe sonne. Et sois forte, sinon on s'épuise tout de suite. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Speaker #1
Oui, oui, c'est primordial, en fait. C'est-à-dire qu'il y a un certain détachement mental à faire entre ce qui est donné par ton mouvement, par tes bras, par tes muscles, et le ressenti global de la musique. C'est-à-dire qu'un tambour qui sonne fort, ce n'est pas parce qu'il est battu très fort. Ça dépend essentiellement de ta posture, en réalité, et de l'arrivée de la baguette sur la peau. Et pour ça, oui, tu as parlé de vitesse. Je pense que ça, évidemment, c'est important. Et c'est important également, comme dans les arts martiaux, on pourra en parler d'ailleurs, qu'il y ait un certain relâchement avant et après le coup.
- Speaker #0
C'est ce que moi j'appelle la conscientisation de la détente avant le geste et après le geste.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Et conscientiser sa détente, souvent on dit ah ouais mais je perds du temps Non, conscientiser sa détente va améliorer l'efficacité du geste musical. Ça me fait vraiment plaisir de t'entendre dire ça Didier. Parce que combien de fois j'entends des musiciens dire Non, non, il faut frapper fort, il faut que j'y aille et qui sont à la limite presque de la tétanisation musculaire pour jouer. Non, conscientiser la détente, c'est la base, la base de quelque chose de musical et de fin et de précis. Oui,
- Speaker #1
je pense que ces personnes-là confondent en réalité l'implication mentale, c'est-à-dire avoir de l'énergie mentale pour arriver à faire ressortir l'émotion que tu veux.
- Speaker #0
L'intention dans le geste musical, quoi.
- Speaker #1
Oui, oui, c'est ça. Et confondre ça avec une certaine implication physique, il n'y a rien à voir en fait. Je me souviens avoir vu des groupes de hardcore, par exemple, c'est-à-dire des gens qui sont extrêmement impliqués dans la vitesse, dans l'énergie, dans la puissance sonore. Évidemment, ces gens-là transpirent énormément parce que ça va très, très vite, mais en même temps, c'est les gens les plus détendus du monde. contrairement à ce qu'on pourrait croire en les regardant. Alors que quand tu les regardes, tu as l'impression qu'ils vont exploser dans la seconde qui suit. Mais c'est une implication qui est beaucoup plus mentale que réellement physique. Ou en tous les cas, dans le physique, il y a une certaine maîtrise. Peut-être qu'on peut appeler ça comme ça.
- Speaker #0
Moi, j'explique ça comme ça d'un point de vue musculaire, si tu veux. C'est qu'on doit avoir un axe stable, la colonne doit être puissante et les mouvements des bras doivent être souples pour une force de frappe efficace. En fait, l'énergie, tu l'as dans ton tonus, dans ton tronc, dans tes organes, dans ta tête, dans ton rythme de respiration. Mais par contre, les membres, les jambes et les bras doivent être souples pour être rapides. Donc, en fait, ça traduit ce que tu dis, toi, dans l'intention, dans l'énergie qu'on met. Ça doit se placer dans la musculature de la colonne vertébrale qui doit être tonique pour libérer la mobilité des quatre membres.
- Speaker #1
Oui, certainement. Après, moi, je ne l'ai pas forcément intellectualisé, mais je l'ai vécu en jouant dans des groupes différents. Je me suis vite rendu compte qu'en réalité, plus j'essayais de faire, moins j'y arrivais. Donc, il y a eu un moment où il fallait avoir une sorte de lâcher prise. Musicalement, comment ça s'est fait ? C'est-à-dire qu'un beau jour, je découvrais un groupe qui s'appelle The Swans, qui jouait extrêmement fort. Quand je dis extrêmement fort, c'est qu'on ne peut pas jouer plus fort, en réalité. Il y avait un type de rythme très lent. Donc, c'était très fort. Très lent, très brutal, très tribal. C'est un genre de musique qui est extrêmement dérangeant. Mais en même temps, il t'entraîne dans une sorte de trance. Moi, c'est un groupe qui m'a plu. Dès que je l'ai écouté, je suis tombé amoureux de ce groupe. Ils jouaient à deux batteurs. Les deux batteurs jouaient à l'unisson la plupart du temps. Peut-être qu'ils jouaient fort. Peut-être que dans d'autres groupes, ils jouaient plus vite que chez les Swans. Mais ils avaient toujours cette sorte de sourire sur les lèvres qui te faisait dire que... En fait, ils étaient certes impliqués, parce que tu ne peux pas faire cette musique sans être impliqué à 100%, mais ils étaient aussi très détendus, parce qu'ils savaient ce qu'ils étaient en train de faire, avec le geste adéquat. Pour eux, il n'y avait donc pas de difficulté. Je pense que c'est quand tu es en difficulté que tu tétanises, que tu veux faire quelque chose qui sort de ton corps, en quelque sorte. C'est-à-dire que ta part d'intention, d'esprit et ton corps sont différents. À partir du moment où c'est différent, c'est là où se créent des tensions. Et en plus, mentalement, c'est horrible. parce qu'en fait, tu souffres pendant que tu joues.
- Speaker #0
En fait, ce que tu dis, ça traduit complètement ce que j'essaye moi d'expliquer quand j'explique le geste à la batterie. C'est de dire qu'il ne faut pas vouloir faire. Il faut avoir l'intention de le faire, mais laisser faire son corps.
- Speaker #1
Oui, oui.
- Speaker #0
On ne peut pas contrôler complètement le geste. C'est ça le truc. C'est comme tu dis, le lâcher prise. Ce n'est pas vouloir contrôler sa frappe. C'est l'emmener et la laisser faire, la laisser vivre. laisser vivre le son et la frappe de ne pas vouloir faire mais de le laisser faire il faut faire confiance à son corps, il sait comment s'y prendre et parfois quand on a trop de contrôle sur ce qui se passe on ne peut pas avoir un son ouvert parce qu'on bloque le son avec la tétanisation corporelle,
- Speaker #1
le son ne peut pas se diffuser dans l'atmosphère les concerts les plus horribles que j'ai pu faire c'est précisément dans ces zones là c'est à dire quand je n'étais pas vraiment sûr de moi et que je voulais faire quelque chose. Et évidemment, en concert, il ne faut surtout pas vouloir. Et c'est là où tout ça ne va pas, en fait. Et ça ne va pas jusqu'à pouvoir se faire mal, évidemment. Au minimum, tu te fais mal dans la tête. Donc, ce n'est pas terrible. De toute façon, l'apprentissage du geste, il se fait quand tu répètes toi tout seul, quand tu répètes avec ton groupe. Et moi, je sais que j'ai pu libérer des choses parce qu'un des groupes avec qui j'ai tourné pendant une dizaine d'années ont répété tous les jours. Donc, évidemment, non seulement ça t'impose une certaine discipline, mais cette discipline... t'imposes aussi de réfléchir à ce que tu fais parce que c'est hors de question de ressortir d'une semaine, d'un mois de répète où tu as répété 20 jours dans le mois en étant complètement abruti et fatigué. Donc, il a bien fallu trouver une façon de faire. Je pense que j'ai trouvé une façon de faire.
- Speaker #0
Ça, c'est vraiment typiquement dans le cadre de l'encadrement que je fais par rapport à la préparation à la scène. Comme tu le dis ici justement, c'est vraiment de travailler en amont. Et la régularité fait que les muscles du corps s'adaptent à l'endurance. Et en faisant tous les jours, comme ça, on met en place une forme d'endurance du corps à la performance à la batterie qui, en soi, est un des instruments les plus physiques qui soit. Puisqu'on a les deux bras et les deux jambes qui sont mobilisés et qu'il y a une polyvalence gestuelle incroyable. C'est passionnant. Moi, j'adore regarder les batteurs parce que c'est... Moi je suis admirative, je ne serais pas capable de faire ce que vous faites. Je suis capable de l'analyser, de l'interpréter, d'amener de l'amélioration dans votre geste, mais je suis incapable de faire ce que vous faites. Je suis très admirative parce que vraiment, tous les instruments méritent un investissement, mais là c'est un investissement physique, ou si on n'est pas en forme physiquement, si on n'a pas une préparation physique, on ne tient pas le coup. Sur une tournée, comme tu dis, après tu es vanné, vidé, et c'est là qu'on épuise son corps. Donc la préparation c'est primordial.
- Speaker #1
De toute façon, c'est un écueil dans lequel, malheureusement, je suis tombé. Après, je te parle de ça parce qu'en fait, j'ai l'expérience de la chose, mais personne ne me l'a appris et malheureusement, ce sont des erreurs qui me sont arrivées. donc si t'es pas complètement abruti tu te dis il y a quelque chose qui va pas et donc je vais changer un peu mon mode soit de jeu, soit de réflexion par rapport à la batterie etc et c'est comme ça que ça vient,
- Speaker #0
en tous les cas c'est comme ça que c'est venu pour moi et bah écoute Didier je te remercie beaucoup je pense que ça va être le mot de la fin merci beaucoup d'avoir partagé ce moment de nous avoir partagé ton univers passionnant de l'histoire de la batterie alors je rappelle pour tous les batteurs batteuses ou les... musiciens, musiciennes intéressées, allez écouter le super podcast de Didier, La Batterie Podcast. La Batterie Podcast, Didier Embact, et vous allez y apprendre un tas de choses passionnantes par rapport à la batterie.
- Speaker #1
J'espère bien.
- Speaker #0
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Didier.
- Speaker #1
Je t'en prie. Au revoir.
- Speaker #0
Au revoir. Notre fabuleux voyage dans l'histoire de la batterie se termine. Je vous invite à retrouver tous les liens utiles en description de cet épisode de podcast. Vous y retrouverez les liens... du podcast La Batterie, ainsi que les liens utiles pour venir me rejoindre en formation si vous voulez approfondir la posture et le geste à la batterie. Je vous dis à très bientôt et prenez soin de votre corps d'artiste. Bye bye !