- Speaker #0
Quand on arrive sur la route, tout à fait en bas de la route, il y a un panneau silence. Et quand on arrive sur le parking en haut de la colline, il y a un deuxième panneau silence. Et ce qui est extraordinaire, c'est que ce sont d'abord les enfants qui remarquent ces panneaux silences et non pas les adultes. Ils font vraiment un effort pour se taire quand ils s'approchent de la chapelle. C'est eux qui nous éduquent finalement au silence.
- Speaker #1
L'âme a besoin de silence pour adorer. Jésus a tant à nous dire. Cette citation de Sainte Élisabeth de la Trinité résume bien l'esprit du Carmel. Pour comprendre le sens du silence dans la vie contemplative, je me suis rendu au Carmel de Dijon, où a vécu cette sainte carmélite. J'ai rencontré Sœur Marie-Martine, l'Abbesse, qui m'a expliqué la place essentielle qu'occupe le silence dans leur vie quotidienne. Je suis Gilles Donada, journaliste à La Croix. Dans ce podcast, nous poussons la porte d'un monastère à la rencontre d'un moine ou d'une moniale qui témoigne de son aventure spirituelle. Vous écoutez la deuxième saison de Croix, Vie de moine
- Speaker #0
Pourquoi le silence ? Parce que nous avons justement choisi, il y a plus de 40 ans, de quitter la ville de Dijon. Nous sommes actuellement donc transférés à Flavignero et on a quitté Dijon pour justement vivre davantage le silence, profiter du silence. Et on est partis de Dijon parce que des immeubles se construisaient tout autour du monastère. Surtout l'été, les radios, les télévisions, les fenêtres ouvertes, donc tout le monde profitait du bruit. Et puis le voisinage devenait de plus en plus bruyant. Sans silence, il n'y a pas de vie au monastère. Quand on vient de Dijon... Il faut déjà faire une longue route, 13 kilomètres, pour arriver dans ce lieu. Et les personnes qui montent jusqu'au Carmel nous disent déjà, c'est comme un exode. On quitte le bruit vers un lieu de silence. Quand vous dites silence, Moi j'entends tout de suite une parole d'Elisabeth, de la Trinité, qui dit Écoutez celui qui attend à nous dire Faire silence pour écouter celui qui attend à nous dire. Voilà, je crois que si le Seigneur parle, il parle dans le silence. Et là on peut penser au prophète Élie. Élie n'entend pas le Seigneur dans l'ouragan. Dans la tempête, dans les tremblements de terre, mais dans un fin silence. Et voilà, c'est toute l'origine du Carmel. Carmel et silence est tout un. Je pourrais résumer ça comme ça, même si ce n'est pas une formule, du moins je ne pense pas, qui soit dans les écrits de nos saints. Tous parlent du silence parce que le silence, c'est le seul langage que Dieu entend, c'est le silencieux amour. Voilà, ça c'est Saint Jean de la Croix. J'aime beaucoup cette parole parce qu'il parle du silence comme un langage. C'est quand même beau. Bien sûr, Sainte Thérèse, notre mère Sainte Thérèse qui nous ramène toujours, qui dit nous tenir à notre règle, chercher à vivre toujours dans le silence et l'espérance Et c'est là que le Seigneur prend soin de nos âmes. C'est parce qu'il parle qu'on a besoin de se taire. On n'est pas obligé de se taire. Le silence, c'est une attention à soi, aux autres, au Seigneur. Déjà, le silence est inscrit dans notre règle. Vous garderez le silence depuis la fin de complice jusqu'à préprime du jour suivant. Dans notre emploi du temps, nous avons deux heures d'oraison, deux heures de prière silencieuse, à la chapelle, toutes ensemble. Et on fait silence ensemble, on écoute ensemble, on prie ensemble, mais en silence. Il y a des lieux de silence aussi, des lieux où on ne parle pas. Le cloître, le réfectoire, les cellules des sœurs, d'ailleurs personne n'y rentre, c'est vraiment personnel. Donc c'est vraiment un lieu de silence. Nous sommes seuls dans nos lieux de travail, mais on évite de parler dans les lieux de passage. Parce que... c'est aussi le respect de l'autre qui est important on ne fait pas tout, n'importe où,
- Speaker #1
n'importe comment c'est un métier ancien oui,
- Speaker #2
je me demande s'il n'est pas du 19ème il y a des parties plus récentes qui sont fixés par écrou, mais tout le reste tient par des chevilles. Il n'y a aucun clou nulle part.
- Speaker #1
Et vous tissez quoi, en fait ?
- Speaker #2
Alors là, c'est une écharpe, mais on fait aussi des ponchos, beaucoup de ponchos, ça marche très très bien. On peut faire des tapis aussi, on peut faire des coussins, des étoiles pour les fenêtres, c'est très très divers.
- Speaker #1
Et normalement, le travail, c'est ça, il s'effectue en silence ? Oui,
- Speaker #2
chacun est seul dans son atelier, le travail se fait en silence, oui. On peut continuer de prier. Ça occupe les mains et ça laisse l'esprit.
- Speaker #0
Si on veut vraiment vivre notre vie de silence, il faut qu'il y ait des lieux de parole. des lieux où on puisse échanger. Donc il y a aussi tout un rituel. Quand on sort de l'office de Vepre et que nous avons notre heure de récréation, on s'attend toutes pour commencer la récréation, donc on est en silence. On prie ensemble, prière de quelques minutes, on s'assoit et là on parle. Et quand l'heure est finie, Il y a la sœur qui doit sonner la cloche chaque semaine, donne un petit son de cloche, et là, c'est le grand silence. Voilà, donc on sait que c'est fini. Et on monte, on va prendre notre repas à ce moment-là. Il y a une disposition intérieure à entrer et à sortir dans le silence. Pourquoi le silence peut être difficile ou est difficile à certaines heures ? Parce qu'on est des aides de relation et qu'on a aussi besoin de parler. Tout simplement, on a besoin de se raconter, de dire que notre histoire n'a peut-être pas toujours été facile ou que notre histoire est belle. Mais le silence peut aussi être un vrai combat. Ça s'apprivoise, mais ce n'est pas facile de vivre le silence, surtout le silence des pensées, des ruminations, de ce qui nous a blessés, ce qui nous a fait du mal dans une relation ou même les événements du monde. On n'est pas en dehors de tout ce qui se vit à l'extérieur. Le bruit de la guerre, il rentre aussi chez nous. Dans la mesure où on rumine une contrariété, ou une parole qui nous a fait du mal parce qu'on était mal disposé, qu'on était de mauvaise humeur, on est aussi des personnes, j'allais dire normales, pardon. Oui, si on a de la jalousie et qu'on en veut à l'autre, quelle est la différence avec ceux qui font la guerre ? On a vraiment une place à tenir au cœur de ce monde pour que la paix vraiment se construise et vienne. Si on n'a pas la paix en nous, on ne peut pas la demander ailleurs. Quand on arrive toute jeune au Novicia, on est surprise que le silence prend tellement de place. Alors on a plus ou moins, je pense aussi, on a plus ou moins une disposition déjà personnelle. C'est le silence de la prière, le silence du Carmel qui m'a attirée au départ. Plus petite, j'aimais bien déjà le silence. J'étais bien avec moi-même dans le silence. Je pense qu'il y a une disposition, mais ce n'est pas obligé. Ce sont des choses qu'on apprend au fur et à mesure, mais je pense que le silence devient plus profond. Le silence m'a appris aussi à écouter les autres. Le silence m'a appris à mieux vivre la liturgie aussi. C'est vrai que de ces derniers temps même, j'étais beaucoup plus attentive au silence dans la musique, aux pauses. Dans un chant, quand il y a un moment de silence, vraiment le faire. Parce que ça nous redonne une respiration, ça nous redonne de reprendre notre souffle, de nous arrêter, de lâcher. Ce que le silence m'a appris, c'est à... à me connaître mieux, à m'accueillir tel que j'étais, et au fil des jours, dans les situations, quelles qu'elles soient, faire avec ce que je suis, mais en toute simplicité. Et ce que je ne sais pas faire, je ne le sais pas faire. Je crois que le silence a aussi une force de réconciliation avec soi-même. Et quand on est réconcilié avec soi, la vie change. Parce qu'on ne regarde plus à côté, on n'a plus envie d'être ça, parce qu'on sait qu'on ne pourra jamais l'être. Donc c'est beau. Rien de plus beau que d'être ce qu'on est en vérité. On a des dons qui sont cachés, mais accueillir les dons qu'on nous a faits, et puis les mettre au service des autres, ben voilà.
- Speaker #3
Bienge glorieuse,
- Speaker #2
blanche colombe du
- Speaker #0
Oui, je crois qu'avec l'âge, avec l'expérience aussi, notre manière de vivre et d'avancer dans la vie change. Et le silence fait partie de la vie.
- Speaker #3
Donc oui,
- Speaker #0
ça évolue. C'est beau. Alors bon, on peut arriver et puis être dans le bain tout de suite. Mais je pense que le vrai silence, ça s'apprend. On l'apprend aussi par osmose. Quand on voit une sœur ancienne prier, quand on voit une sœur ancienne se déplacer, quand on voit une sœur qui a de l'expérience dans la vie de Carmelite, elle enseigne de par sa manière d'être. On sent une attitude ajustée, une manière d'être ajustée à ce que demande Sainte Thérèse d'Avila, notre mère. C'est pour ça qu'elle a voulu que ces Carmels soient des petites communautés. Pour qu'on puisse vraiment vivre le silence, pour qu'on puisse être vraiment des sœurs entre nous et qu'on soit comme une famille. Le silence nous apprivoise. Et nous apprivoisons le silence. Je pense que ça marche dans les deux sens. On entend le silence, il faut écouter le silence. C'est parce que c'est notre être profond qui est touché. Si on veut être attentive à celui qui nous habite, il faut vraiment se taire. Faire silence, c'est écouter son cœur. Je dirais comme ça.
- Speaker #1
Nous voici arrivés au terme du septième épisode de Vie de Moine. S'il vous a intéressé, s'il vous a touché, n'hésitez pas à le partager, à vous abonner et à laisser une étoile, un avis ou un cœur. Croire est à retrouver sur toutes les plateformes et sur le site et l'appli La Croix.