- Speaker #0
Après accompli le dernier office de la journée célébré à 8h30 du soir, le monastère cistercien Notre-Dame d'Assay, situé dans le Jura, plonge dans la nuit, le silence et la prière jusqu'au lendemain matin. Pour découvrir ce que vivent les moines à la nuit, j'ai suivi pas à pas le frère Jean-Philippe, qui est entré à l'abbaye d'Assay en 2020. Je suis Gilles Denoda, journaliste à La Croix. Dans ce podcast, nous poussons la porte d'un monastère à la rencontre d'un moine ou d'une moniale qui témoigne de son aventure spirituelle. Vous écoutez la deuxième saison de Croix, vie de moine.
- Speaker #1
Ici,
- Speaker #2
on dégoule et c'est là que toute la communauté va converger, se rendre vigile.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a un sens particulier pour la vigile cette heure-ci demain ?
- Speaker #2
Ah oui, vigile, c'est la veille. Donc, c'est une veille qu'on fait pour nos frères, pour le monde entier. Puisque... La vocation des moines, c'est de prier toujours, de veiller toujours. L'usage et la pratique font que la prière continuelle s'effectue sept fois par jour. En commençant maintenant, si vous voulez bien, on va se diriger vers le cœur. accueilli entre les musulmans qui ont eu quelque quoi du plus âtre. C'est vraiment un plaisir à face des troupes pour rejoindre l'unité des frères et être à l'unisson. Allez !
- Speaker #3
Allé, allé, allé, allé, allé, allé.
- Speaker #4
Acclamez le Seigneur terre entière, servez le Seigneur dans l'allégresse. Venez à lui avec des sons de joie
- Speaker #3
Alléluia, Alléluia, Alléluia
- Speaker #5
La nuit, il y a déjà une qualité de silence particulière, puisque entre compli et vigile, c'est silence absolu. Même si elles sont très atténuées, les rumeurs du monde ne franchissent plus les murs de l'abbaye. Oui, il y a une qualité de prière particulière, il y a un recueillement plus facile, plus aisé, je dirais une plus grande intimité. La nuit, c'est le moment d'une expression plus personnelle, plus intime. Heureux l'homme qui ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit. Voilà une petite phrase et ça suffit à lancer toute l'impulsion monastique en fait, puisque tout est dit. Alors aussi on pense au Nouveau Testament, à Matthieu 25, au milieu de la nuit on cria, voici l'époux, allez à sa rencontre. Et heureux le serviteur que son maître trouvera l'attendant au détour de cette colonne. Il va être là, peut-être qu'il va venir, et il faut qu'on soit là pour l'accueillir. En cela, on partage la même espérance qu'avec les Juifs finalement, puisque comme eux, nous attendons le retour du Messie. Donc la vigilance, c'est une vigilance de tous les instants. J'ai envie de dire même que c'est presque plus facile la nuit. puisque la journée, il est si facile de se laisser accaparer par toutes les préoccupations. Alors nous, moi, nous nous organisons pour que les préoccupations ne nous submergent pas. Et précisément afin qu'on soit dans cet état permanent de veille, c'est-à-dire centré en fait sur l'essentiel de notre vie qui est d'abord la présence à Dieu. C'est notre métier. Il y a une bonne quinzaine de psaumes qui parlent de la nuit. Le psaume 15 qui dit Je bénis le Seigneur qui me conseille, même la nuit mon cœur m'avertit On voit l'évocation du rêve là. Ou bien le psaume 16 Tu sondes mon cœur, tu me visites la nuit, tu m'éprouves sans rien trouver.
- Speaker #2
Mes pensées n'ont pas franchi mes lèvres
- Speaker #5
Je dirais que... Le psautier, de toute façon, c'est le panorama de l'âme humaine. Il n'y a pas un sentiment humain qui soit ignoré par le psautier. Donc la nuit dans les psaumes, en fait, ça reflète la crainte, l'effroi, l'espérance, l'obscurité. L'obscurité au sens propre ou au sens symbolique. L'obscurité de l'ignorance ou l'incompréhension, ou en fait la nuit de l'âme. ou la nuit dans laquelle nous tâtonnons tous, le sentiment que moi j'interprète des psaumes, c'est un petit peu le sentiment qu'on pourrait presque tous avoir dans la vie, celle d'un petit enfant qui doit se balader dans la forêt. Alors s'il est tout seul, c'est l'épouvante, c'est l'effroi, c'est la peur. Mais s'il met la main dans la main de son père,
- Speaker #2
alors là c'est plus pareil du tout,
- Speaker #5
c'est l'aventure, c'est la rigolade. Donc voilà, les psaumes reflètent ça et c'est un petit peu un résumé de ce qu'on pouvait tous faire dans nos vies, mettre notre main dans la main du Seigneur.
- Speaker #2
On est venu à la cuisine. C'est un balai assez bien réglé. Tout se met en place pour que les frères puissent prendre leur petit déjeuner. Donc chacun à son rythme. Un bol de thé avec du lait. Et puis ensuite, je rejoins assez vite le scriptoria. En fait, c'est une pièce très importante dans la tradition, dans toutes les abbayes et dans la tradition cistercienne. C'est la survivance de l'époque où les abbayes vivaient des copies que les moines faisaient de la Bible, mais des textes de l'Antiquité. C'était avant que M. Gutenberg invente l'imprimerie. Donc le scriptorium, ça vient du latin évidemment scriptura, donc c'est là où les moines écrivaient, copiaient. Alors le scriptorium, puisque ce n'est plus le lieu de l'écriture, par contre c'est le lieu maintenant de la Lectio Divina. Et donc c'est peut-être le moment le plus privilégié pour être dans son cœur à cœur avec le Seigneur, puisque la Lectio Divina c'est... la lecture divine bien sûr et c'est l'occasion pour moi, pour mes frères en fait de reparcourir inlassablement nos écritures alors bien sûr la Bible mais Il y a toute la patristique, les écrits des premiers moines,
- Speaker #5
les apophtèques,
- Speaker #2
tous ces textes que nous passons, que nous repassons, que nous mâchons, que nous remâchons pour s'en imprégner. Parce qu'en fait, on ne peut les savourer qu'en les pratiquant et en les repratiquant. Et chaque fois, en fait, il y a... une alchimie qui fait que on trouve un nouvel éclairage nouvelle résonance un nouvel écho donc action divina c'est le moment de la journée qui est vraiment consacré à une spiritualité en toute quiétude pupitres action
- Speaker #5
Notre fondamental, c'est Ora et clavora donc la prière et le travail. Pour la méditation, pour la réflexion, pour la nourriture spirituelle, le temps privilégié, c'est le temps de la lecture divine. Une demi-heure pour les uns, une bonne heure pour les autres. En tout cas, c'est le moment de relire, de méditer, de prendre des notes et puis de se nourrir de cette parole.
- Speaker #2
à 6h15, je vais quitter un petit peu le scriptorium. En fait, personnellement, j'ai une pratique matinale du scriptorium. Mais en fait, les frères peuvent y aller à tout moment du jour ou de la nuit. Pour l'instant, on va marquer une petite respiration avant de rejoindre l'aude à 8 heures.
- Speaker #0
Et en quoi consiste cette respiration ?
- Speaker #2
Tout simplement, en fait, pour...
- Speaker #5
là encore moi personnellement faire ce qui est interdit au scriptorium c'est-à-dire aller mettre sur mon ordinateur les réflexions issues du
- Speaker #2
scriptorium justement
- Speaker #0
ce sont les cloches de...
- Speaker #5
Alors c'est l'Aude. Après vigile, la veille, l'Aude, la louange, et qui sera suivie par l'Eucharistie. Vous ne pouvez pas mieux tomber, c'est dans les très très belles journées de l'année, et l'abbaye d'Assay vous offre une aube qui correspond à l'Aude, une aube magnifique. Vous êtes chanceux.
- Speaker #0
Et par rapport à la nuit ?
- Speaker #5
Maintenant, on arrive à la fin de la nuit, puisque le soleil s'élève, et en fait, le début de l'aude marque la fin de la nuit.
- Speaker #0
Nous voici arrivés au terme du neuvième épisode de Vie de moine. S'il vous a intéressé, s'il vous a touché, n'hésitez pas à le partager, à vous abonner et à laisser une étoile, un avis ou un cœur. Croix est à retrouver sur toutes les plateformes et sur le site et l'appli Lacroix.