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Vivre son corps

Épisode 11: Charlotte Moreau "Ce qui est important pour moi, maintenant, c'est de m'aligner [avec mon corps]"

Épisode 11: Charlotte Moreau "Ce qui est important pour moi, maintenant, c'est de m'aligner [avec mon corps]"

2h07 |28/09/2025
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Épisode 11: Charlotte Moreau "Ce qui est important pour moi, maintenant, c'est de m'aligner [avec mon corps]"

Épisode 11: Charlotte Moreau "Ce qui est important pour moi, maintenant, c'est de m'aligner [avec mon corps]"

2h07 |28/09/2025
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Description

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Charlotte Moreau, journaliste au magazine ELLE où elle explore les liens entre pop culture, mode et corps, et autrice du récit autobiographique 76 kilos. Dans ce texte intime, elle raconte avec une grande honnêteté son rapport au poids, à l’image et à l’héritage familial, en questionnant ce que signifie habiter son corps dans une société saturée d’injonctions.


Depuis près de vingt ans, Charlotte donne une voix sensible et éclairante aux vécus corporels des femmes à travers ses articles, ses livres et sa rubrique « En corps heureux » dans ELLE.


Dans cet épisode, nous revenons sur son parcours, de l’enfance marquée par la culture du bronzage, de la minceur et de la coquetterie, à la quarantaine où elle affirme : « il faut que je sois là où j’ai envie d’être avec mon corps ».


Charlotte évoque l’évolution de son rapport aux vêtements, sa relation à la nourriture, les kg liés au couple, le corps fragmenté et les corps dits midsize — ni minces ni gros — souvent invisibilisés.


Elle revient aussi sur l’écriture de 76 kilos, son pouvoir thérapeutique, et partage son regard de journaliste sur les paradoxes contemporains entre injonctions et acceptation, ainsi que sur la force des témoignages recueillis dans « En corps heureux ».


Enfin, nous parlons du soin : ses rituels, la place centrale du sommeil et ses réflexions sur le mouvement et la manière d’habiter son corps à la quarantaine.


Un échange sincère et lumineux, qui interroge nos blessures mais aussi nos possibles réconciliations avec le corps.


L’épisode est disponible sur toutes les plateformes d’écoute (Apple Podcast, Spotify, etc.).


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Charlotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Vivre son corps.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'accueillir sur ce podcast aujourd'hui pour une conversation intime, à la fois donc personnelle mais aussi je pense collective sur le thème du corps, donc celui qu'on habite, qu'on regarde et que l'on juge aussi, parfois trop vite, parfois avec un peu de dureté.

  • Speaker #1

    Ce sont trois verbes qui résonnent beaucoup pour moi.

  • Speaker #0

    Génial, on en parlera alors. Habiter, regarder juger ouais c'est On rentre dans le cœur du sujet dès le début de l'introduction. Donc, depuis plusieurs années, tu explores le sujet du corps. Avec beaucoup de justesse, je trouve, dans ton métier de journaliste, puisque tu es journaliste chez Elle. Mais aussi dans ton récit autobiographique bouleversant, qui s'appelle 76 kilos, dans lequel tu racontes avec pudeur, humour et lucidité. En tout cas, c'est ma perception. Ta propre relation au poids, à l'image de soi et au regard des autres. On s'est rencontré autour d'un projet éditorial que tu as lancé pour le magazine Elle, donc c'est la rubrique Encore Heureux, E-N plus loin C-O-R-P-S, une série de témoignages sensibles où les femmes racontent leur rapport à leur corps et à laquelle j'ai eu la chance de participer, donc on en reparlera. Et j'ai très vite senti chez toi une écoute et une empathie assez rare, je dois dire. Aujourd'hui, dans cet épisode, on va parler ensemble du rapport à ton corps, donc depuis l'enfance, en passant par l'adolescence et jusqu'à aujourd'hui. On va parler évidemment de complexe, mais aussi peut-être d'apaisement. On parlera donc de ton récit « 76 kilos » , j'en ai parlé, des thématiques que tu y abordes, comme par exemple les corps mid-size, ces corps que l'on qualifie de ni minces et de ni gros. On abordera l'importance de prendre la parole pour reprendre possession de son corps. Ça, c'est un sujet, moi, qui me tient particulièrement à cœur. On parlera aussi de cette tension permanente entre acceptation de soi et injonction contemporaine, parfois déguisée sous les évis du bien-être ou de la santé. Et puis le paradoxe de notre époque, où on peut être célébré pour sa liberté corporelle et en même temps attaqué pour avoir perdu du poids. On discutera de l'impact des médias sur tout ça, et ça sera aussi l'occasion de revenir sur ton travail de journaliste, et notamment cette rubrique Encore Heureux que j'évoquais à l'instant. Et comme toujours dans ce podcast, on prendra le temps d'évoquer le soin du corps, du mental, et les rituels qui t'aident à te sentir peut-être un peu plus chez toi, dans ton corps.

  • Speaker #1

    Rendez-vous pour 24 heures d'enregistrement. Voilà.

  • Speaker #0

    Non mais on peut aussi faire en deux temps. Donc tu viens aujourd'hui puis tu reviendras plus tard. Comme ça, il y a aussi une chronologie. Donc pour commencer, Charlotte, est-ce que tu pourrais, si le tablette, te présenter en quelques phrases auprès de ceux qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle donc Charlotte Moreau. J'ai 44 ans. Je suis journaliste et auteur. Et j'écris sur la pop culture. la célébrité en particulier, sur les vêtements et sur le corps. Donc du coup, ces trois thématiques se sont entrelacées au fil des années. Au début, j'étais vraiment ciblée pop culture. Et puis la mode est arrivée un peu plus tard. Et puis une fois que vous attaquez la mode, vous débouchez toujours sur le corps. Il y a une sorte de connexion fatale entre les deux. Donc voilà, c'est trois thématiques qui m'occupent à la fois en tant que journaliste et auteur, les unes nourrissant les autres et inversement.

  • Speaker #0

    Tu avais lancé un podcast, je crois, un podcast qui s'appelait « Mode » , non ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, j'ai fait. En fait, j'ai écrit un livre qui s'appelle « Le dressing code » , « Comment porter enfin l'intégralité de votre garde-robe » . Et du coup, j'en ai fait une sorte de prolongation via un podcast en six épisodes. qui rayonne autour de thématiques centrales dans le livre, de rapports à l'image de soi, à l'acte d'acheter, à la construction d'une garde-robe et d'une identité par le vêtement. J'ai adoré faire ça parce que je trouve que vraiment, pour en avoir beaucoup parlé avec la communauté qui me suit depuis à peu près, quasiment 20 ans maintenant, parce que j'ai commencé par un... Parler des vêtements à travers un blog avant de le faire professionnellement et avant de le faire par le biais des livres. Donc ça fait quasiment 20 ans que je discute avec des femmes de vêtements et donc de leur corps. Et je vois que les questions restent quand même centrales sur l'identité, l'autorisation, l'image, le confort. si ça reste... Heureusement, le Covid a mis un petit coup de pied dans la fourmilière, mais ça reste quand même un de mes premiers articles pour le site du L, parce que d'abord j'ai travaillé pour le site avant d'entrer au magazine papier. C'était que l'inconfort vestimentaire était la norme pour les femmes, que les hommes n'achètent et ne s'habillent pas du tout de la même manière que nous. Et Dieu merci, on est de la génération qui est en train de voir ce truc-là un petit peu se... Voilà, je ne vais pas dire s'effondrer, mais se désagréger un petit peu. Et toute cette idée que le confort n'est par exemple pas compatible avec, je ne dirais même pas l'élégance, mais le style, juste le style, et encore besoin d'être désamorcé, notamment.

  • Speaker #0

    Écoute, je ne peux pas m'empêcher de penser à ma sœur, puisqu'elle a monté une... Une marque qui s'appelle Maison Figura, donc une marque de vêtements d'intérieur, mais aussi d'objets, des coussins, des plaids, etc. Et en fait, elle a lancé cette marque exactement pour ça, après le Covid, parce qu'elle s'est rendue compte que les femmes, quand elles rentraient chez elle, elles se changeaient pour justement trouver du confort. Et en fait, elles se changeaient souvent avec des vêtements que tu n'as peut-être pas trop envie de montrer si quelqu'un vient chez toi. Donc des choses, des vieux joggings, trouées, etc. pas vraiment dans l'élégance. Et donc, l'objectif, c'est que les vêtements qu'elle propose, allient à la fois esthétisme et confort. Parce que, comme tu le disais, la façon dont on se vêtit, c'est aussi une manière de parler de soi. Il y a aussi une forme de respect, je trouve, dans la manière dont on s'habille. C'est important de porter des vêtements qui ne soient pas forcément troués, tachés, etc. Ça peut arriver, mais je veux dire, au quotidien, il y a un vrai lien entre... Entre tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a une vraie réconciliation à faire sur le fait qu'un jogging n'a pas besoin d'être abîmé ou troué. Ça peut être un beau jogging.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Moi, c'est vrai que j'ai le sentiment d'avoir des évidences qui ne sont pas forcément partagées. Je travaille aux ailes, mais surtout j'ai grandi en lisant elles. Il y a toujours eu, dans les séries mode, dans tous ces corps de femmes qui étaient présentés, le mélange entre très bien très féminin, très délicat, très fragile potentiellement, et le sportswear. Là, c'est vraiment l'identité à fond du magazine. Et donc, cette idée que le sportswear est forcément négligé, abîmé, me heurte profondément esthétiquement, parce que je trouve que c'est quelque chose qui est super puissant en termes de style et de contraste de style. Et je pense qu'il y a beaucoup de solutions à trouver par ce biais-là, en fait, de mélanger des pièces comme ça au reste et de trouver quelque chose de très créatif et de très confortable à la fois.

  • Speaker #0

    Complètement. Écoute Charlotte, la première question que je pose à tous mes invités, c'est la suivante. C'est une question qui est assez simple en apparence, mais qui, je trouve, en dit beaucoup. Comment est-ce que tu te sens dans ton corps ici et maintenant alors qu'on s'apprête à démarrer notre conversation ?

  • Speaker #1

    Alors je ne suis plus essoufflée, parce qu'on est au cinquième étage sans ascenseur. Et en fait, et ça va en dire long sur mon rapport à mon corps, j'ai vécu cette montée des marches comme un suspense, c'est-à-dire je me suis dit à quel moment je vais être essoufflée, à quel moment les cuisses vont tirer un petit peu. Je dirais que ça s'est produit entre le troisième et le quatrième étage, ce qui est un peu décevant pour moi. Merde, sitôt ! Et donc je suis arrivée ici, j'étais complètement hors d'haleine quand je suis rentrée et que je t'ai saluée.

  • Speaker #0

    Alors je ne l'ai pas perçue comme ça.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment... Voilà, ça pouvait passer pour de l'émotion, des fusions, mais j'étais vraiment essoufflée. Donc voilà, il y a ces deux trucs en fait. Il y a vraiment la sensation physique du corps où ça y est, je suis redescendue à à peu près quelque chose de confortable physiquement. Et le fait que je suis quand même très installée dans mon corps image. Vraiment, j'ai pensé à la tenue que j'allais mettre pour venir te voir, sans penser que potentiellement il y aurait quelque chose de visuel à faire. Aussi parce que maintenant je me dis, vu le job que j'ai, ça a toujours été un plaisir, si tu veux, de réfléchir à ma tenue et aux messages qu'elle envoie, etc. Mais là, c'est devenu carrément une douce obligation.

  • Speaker #0

    Oui, pour qu'il y ait une forme de cohérence, tu veux dire,

  • Speaker #1

    entre ton discours et l'image. Et par ailleurs, je pense que le corps-image, c'est vraiment quelque chose qui a été très important dans la manière dont je me suis construite, mon identité, ma culture familiale, etc. Et là, je suis à un stade de l'année où il y a quelque chose de très important pour moi dans ma culture familiale, c'est que je suis un peu bronzée. D'accord. Et donc... Donc ça, ça fait partie des grandes mythologies familiales dans ma famille de femmes. Vraiment, on est très majoritairement des femmes. Et il y a toujours cette idée que le bronzage est notre plus beau vêtement, notre plus beau look, la manière la plus indolore de se sublimer par rapport à des familles où tu peux avoir une forte culture, par exemple, de l'effort physique. Tous les enfants font du sport ou un sport. Nous, c'est tous les enfants bronzés. D'accord.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'une famille qui vient du sud de la France ou qui vient d'une région où il y a du soleil ?

  • Speaker #1

    Absolument pas. Et c'est là que, du coup, ça devient une occupation et vraiment un souci. C'est qu'il fallait mettre en place les conditions du bronzage. Il fallait donc faire la crêpe, comme on disait. Moi, je suis née en 1980 et ma mère est une boumeuse, comme on dit. Donc, ça impliquait de faire la crêpe, donc d'y passer du temps, d'avoir la bonne météo. Donc, on est très météo-sensible dans la famille. très... Voilà, revigorée par le soleil, très plombée par la pluie. Tout ça, mine de rien, s'est mis en place au fil des années. Moi, j'ai deux grandes sœurs en plus qui sont beaucoup plus âgées que moi. Donc moi, je suis née en 80 et mes sœurs en 66 et 70. Et donc, voilà, j'avais ces corps de femme face à moi, étendues, bronzées. Moi, j'ai une peau qui prend beaucoup moins le soleil que celle de mes sœurs et de ma mère. Dans la famille, je suis à la fois la moins bronzée, la moins mince. Donc il y avait vraiment ce truc-là du bronzage et de la minceur qui était vraiment la base en fait dans la famille, où on a des assiettes bien pleines, le goût des réunions familiales, des grosses tablées, des buffets, des plats bien présentés, de se resservir, mais comme si ça n'avait aucun impact en fait sur la silhouette. C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a une incompréhension entre prendre du poids... et la quantité qu'on avale. Il y a... En fait, c'est un lien qui n'est pas fait dans ma famille. Tous censés beaucoup manger et tous censés rester minces. Et récemment, il y a une phrase que m'a lancée ma mère, que je citais d'ailleurs dans mon projet 76 kilos, dont tu parlais tout à l'heure. Elle me disait, mais de qui tu tiens ?

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai lue, cette phrase. Ça m'a marquée, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ce genre de phrase, voilà, ce qui... Assez révélateur sur la famille, la manière dont on se construit les unes par rapport aux autres, de qui tu tiens. Ça a vraiment été les deux critères esthétiques les plus forts avec lesquels j'ai grandi. Le corps mince et bronzé, la sensation d'être différente par rapport aux autres femmes de ma famille. Parce que vraiment, si je prends la famille élargie, tout le monde est plus mince que moi. Et le fait qu'aujourd'hui, si ma mère me voyait là, elle apprécierait le reste de bronzage que j'affiche. Et c'est pareil, c'est une saison où on est censé être au top, être le plus accompli de manière corporelle. C'est le mois d'août, normalement on est au top de nous-mêmes à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et à partir de quel âge, tu dirais, t'as senti que ces sujets-là avaient une importance dans ta famille à l'adolescence ? Non. Dès la petite enfance, tu as déjà des souvenirs ? Parce que tu voyais peut-être ta maman s'exposer au soleil ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu un souvenir, j'ai le souvenir assez tardif de m'être dit en fait, il n'y a pas de nécessité à passer tes journées de vacances allongées pour prendre le soleil. Je crois que mon déclic, il a été vraiment... J'avais vraiment 25 ans passé et j'avais passé des... C'était la rentrée... au journal pour lequel je travaillais à l'époque, je travaillais au Parisien, dans lequel j'ai écrit très longtemps. Et je suis rentrée de vacances en ayant vraiment passé plusieurs heures par jour à m'exposer, et un de mes collègues, que j'adore, m'a dit « Ah, mais t'es pas partie ! » Et là, en fait, il y a plein de trucs qui se sont mis en place. C'est-à-dire que j'ai perçu enfin l'absurdité d'y passer autant de temps pour un tel résultat. puisque le résultat, ce n'est pas simplement le regard que je porte sur moi, mais aussi le regard des autres. Et là, je me suis dit, en fait, mon corps ne peut plus, ne veut plus, parce que j'ai le souvenir d'avoir quand même un peu réussi à bronzer quand j'étais petite, où là, pour le coup, je passais du temps dehors, mais pour jouer. pas allongée, inerte. Et donc, ce qui est le meilleur bronzage, finalement, là, il venait assez naturellement. J'ai le souvenir de beaucoup de biafines, de beaucoup de coups de soleil. Et j'ai l'impression que passé un certain âge, ça ne marchait plus. Un peu comme les régimes, au bout d'un moment, en force d'en avoir trop fait, ne marchent plus. Le corps ne bronzait plus. Et donc, tout ça, assez tardif, finalement.

  • Speaker #0

    Et dans ta famille, est-ce que le corps était un sujet au-delà de la dimension bronzage, esthétique, etc. ? Donc tu parlais de minceur, est-ce que tu te souviens de discours autour de la minceur ? Est-ce que le corps existait vraiment en tant que tel ? Est-ce que ta maman par exemple mentionnait la minceur de tes sœurs ? Est-ce que c'était un sujet ou pas ?

  • Speaker #1

    C'est ça l'été, mais en creux, c'est-à-dire qu'il pouvait y avoir des conversations sur l'absence de minceur. D'accord,

  • Speaker #0

    assez tournée dans l'autre sens.

  • Speaker #1

    Tournée dans l'autre sens, assimilée au laissé-aller, de manière assez classique, un manque de raffinement. Oui,

  • Speaker #0

    manque de volonté.

  • Speaker #1

    Voilà. Et à côté de ça, l'absence de coquetterie étant aussi perçue comme anormale. Il n'y avait pas vraiment de discours direct sur qu'est-ce qu'il faut faire puisque c'est normal, c'est évident. Il y avait plutôt des sujets, et là c'est plutôt du côté de ma mère, moins mes sœurs, des sujets sur c'est pas bien de ne pas faire tout ça, voilà ce que ça donne, c'est pas des corps auxquels on a envie de ressembler, il y a quand même un minimum, etc. Donc cette idée d'être... coquette, d'avoir une culture non pas du bien-être au sens healthy, sain, du terme, de l'activité physique, on n'était pas du tout là-dedans mais vraiment esthétique, cosmétique, vestimentaire. Le fait de se maquiller, d'aimer ça, de voir ça comme quelque chose de très positif, quelque chose qui veut dire qu'on va bien aussi. Il y a eu de manière assez nette, vraiment dans mon histoire familiale, des moments où pas de maquillage, ça voulait dire que je vais très mal. Et donc ça, ça a contribué aussi avec est-ce que ça a formé mon goût ou est-ce que c'est venu s'y ajouter ? C'est encore un truc à élucider. Mais je dirais que dans ma famille, on a cette idée que l'ornement, donc cosmétique, vestimentaire, maquillage, etc. est quelque chose de très positif, de très créatif, de... Et qui est une manière de se façonner, en fait, qui est vraiment une histoire d'identité. Pour moi, ça a été logique, tout ça. Et en fait, quand j'y réfléchis aujourd'hui, et que je vois vanter, à droite à gauche, le naturel comme étant la vraie forme de beauté, c'est quelque chose qui me heurte beaucoup. Parce que, déjà, je trouve ça injuste sur le plan, ne serait-ce que génétique. Enfin, voilà. Et puis assez triste, quoi. Ça veut dire que ton identité, c'est ce avec quoi tu nais et puis c'est rien d'autre. Tu ne peux pas te forger de destin, tu ne peux pas exprimer d'individualité. Et j'entends évidemment à quel point la presse féminine, et notamment le titre pour lequel je travaille, peut être vue comme une forme de tyrannie blindée d'injonctions. Et j'entends ça, mais j'ai envie de répondre aussi que l'ornement peut aussi être autre chose qu'une injonction. Ça peut être une manière de se célébrer, de se construire, d'être plus, tout en étant... Moi, je suis très tranquille avec le fait que je ne suis pas une femme puissante. Je suis ok avec le fait d'être médiocre sur tout un tas de sujets, donc je ne suis pas à la recherche d'une version optimisée, mais tout le côté créatif vraiment de l'ornement, d'une manière générale, que ce soit vêtements ou maquillage, me procure une joie profonde. Donc ça, je pense que cette sérénité-là est familiale aussi, donc c'est un truc que moi je trouve très positif, et que ça coince pour moi au moment où je dévie du... de ce qui n'est pas de l'ornement, c'est-à-dire de ce qui est vraiment le corps, l'organisme du corps, le poids, et où là, je vois que je ne fit pas avec les images avec lesquelles j'ai grandi.

  • Speaker #0

    Ou les standards même de société.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu as dit plein de choses hyper intéressantes, je trouve. En fait, c'est une question aussi de juste milieu, tu vois, par rapport à comment est-ce que tu utilises les ornements, les habits, le maquillage, etc. Forcément, si tu es dans un excès au point de ne pas pouvoir sortir de chez toi non maquillée, Parce que c'est trop douloureux, ou parce que... Ça interroge peut-être des choses sur notre société aussi. Sur l'acceptation de la beauté naturelle. Parce qu'aujourd'hui, avec tous les réseaux sociaux, etc., on est au contact de femmes qui ne représentent pas forcément la vraie vie, entre guillemets. Enfin, on est au contact de femmes qui représentent la vraie vie, mais il y a quand même beaucoup de sophistication, etc., sur la partie maquillage, habits, vêtements, etc. qui, du coup, je trouve, biaise un peu notre regard, habite notre regard à des choses qui ne sont pas vraiment réelles, en fait. Donc, moi, je trouve ça intéressant aussi, cette tendance de la clean beauty, dans le sens pas clean, environmental friendly, mais clean beauty plus dans le sens où on revient au minimalisme parce que ça montre aussi une autre facette de la beauté des femmes, une beauté assez naturelle, en fait, tout simplement. Mais je te rejoins.

  • Speaker #1

    c'est extrêmement ambivalent comme beaucoup de choses d'ailleurs en matière de beauté et de critères de beauté féminin parce que moi je considère et je non je constate plutôt que je ne considère que pas mal de nanas qui ne se maquillent pas sont extrêmement minces, blanches privilégiées csp plus ça ça se si je fais le tour de tous les comptes instagram et newsletter mode que je consulte et lis c'est quand même ça ... et que le maquillage dans certaines sphères est vu comme quelque chose d'un peu peuple voilà réservé aux moches et qu'il y a tout ce truc là que moi je sens assez puissamment et qui m'agace parce que voilà la vérité est un petit peu au milieu de tout ça et que j'entends notamment que quand t'as grandi dans une Dans une culture familiale où la mère n'est pas coquette et où elle a une identité puissante, une personnalité extrêmement solaire et affirmée, c'est normal que soit ça ton modèle de féminité.

  • Speaker #0

    Ton référentiel.

  • Speaker #1

    Non mais voilà, c'est logique. C'est clair. Et à côté de ça, je me méfie donc vachement de ce discours que je trouve... facilement un petit peu happy few de dire tout ce qui est clean beauty et naturel c'est pour une certaine catégorie de personnes qui fit déjà pas mal de critères morphologiques notamment socio-économiques

  • Speaker #0

    aussi c'est tout un business il y a tout un marché sur Instagram là-dessus t'as raison, les influenceuses qu'on voit elles sont toutes hyper minces plutôt CSP++ non mais je te rejoins si on parle de ton corps si tu regardes un peu en arrière sur ton parcours comment est-ce que tu décrirais en un mot la relation avec ton corps la relation que tu as construite je vais être je

  • Speaker #1

    vais pas être très originale je vais vraiment dire mentale tout en ayant une forme j'ai vraiment une énergie qui est de type nerveux je suis allée récemment pour la première fois chez une acupointe ponctrice qui m'a confirmé ce dont je me doutais. Elle m'a dit votre énergie, alors après on y croit ou pas, elle m'a dit votre énergie, elle circule entre le cœur et la tête. Le reste du corps, donc tout ce qui est symbolique de la performance, le mouvement, ça ne circule pas bien. Ça se voit même sur mes jambes, j'ai une circulation catastrophique qui fait que j'ai les jambes marbrées. Et donc tout ce qui... Et ça, ça s'est construit aussi par l'inquiétude de ma mère. que j'ai vraiment intégré, je pense, quand j'étais petite fille, dès que tu... Je n'étais pas la petite fille qui grimpe aux arbres, clairement, parce que ma mère était dans... Attention, ne te fais pas mal, ne fais pas ceci, ne cours pas, ne tombe pas. Et donc, je pense que c'est mis en place à ce moment-là quelque chose de l'ordre du... Mon corps ne va pas être performant. Je ne peux pas lui faire confiance pour réaliser un truc. Je suis maladroite. je suis mal coordonnée. Et c'est terrible, je sens que je reproduis auprès de mes filles. Donc il y en a une qui est plutôt... qui a réussi à ne pas trop se laisser imprégner là-dessus, il y en a une autre qui fait tout tomber, littéralement tout lui tombe des mains. Et je me dis, putain, j'ai mis quand même suffisamment de temps à identifier ce truc-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est dur à identifier.

  • Speaker #1

    Non mais voilà.

  • Speaker #0

    De d'où ça vient.

  • Speaker #1

    Exactement. De pas se faire confiance physiquement. Alors il y avait aussi, sur le plan de la santé, des trucs qui... qui m'ont aussi renforcée dans ce sentiment que de toute façon, mon corps n'est pas capable de faire des efforts ou d'être efficace. Quand j'entends des gens parler de leur corps outil, c'est toujours sidérant pour moi tellement je suis loin de ça. J'ai un petit peu d'asthme après l'effort, j'ai un petit problème cardiaque qui fait que je suis vite bridée dans ce que je veux faire, techniquement bridée. Mais sur l'agilité ou les trucs qui ne sont pas cardio... Il y a aussi cette idée que je ne suis pas agile. Et donc ça, c'était vraiment... ça, je pense que c'est vraiment un truc qui vient de l'enfance et qui m'a accompagnée et qui encore aujourd'hui fait que l'énergie est très concentrée, comme je le disais, dans le haut du corps. dans le regard, là pour me regarder et pour me voir comme un être en deux dimensions, m'habiller, là c'est bon, ça marche bien. Pour bouger, ça marche moins bien. Et j'ai été étrangement touchée quand l'acupunctrice a regardé comment l'énergie concrètement circule dans le corps, donc l'énergie qui est plus structurelle, c'est-à-dire est-ce que vos organes sont en bonne santé, et l'énergie du jour, c'est-à-dire est-ce que vous êtes... marcher sur les nerfs ou pas. Et donc, elle m'a dit que les deux étaient forts chez moi. Donc, j'ai à la fois ce côté un peu nerveux, un peu speed, qui était très puissant qu'elle a fort senti, mais elle a dit en fait, votre corps dessous, il va bien, mais ça a tendance, l'énergie est un peu nerveuse, ça a tendance à masquer le reste, et du coup, je pense que je suis coupée de potentiellement un corps qui pourrait performer plus que ce que je lui demande, parce que je lui fais pas forcément confiance. Et j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir me regarder et envisager mon corps de manière mentale. Et j'ai bien conscience que si j'avais des problèmes de santé, j'en serais pas là du tout. J'aurais pas ce luxe de me dire quelle image j'ai envie de construire, quelle image je donne. Est-ce que je peux me rapprocher de mes critères de beauté ? Si j'ai le temps de penser à tout ça, c'est aussi parce que mon corps il fait bien son job. il me porte là où j'ai envie d'aller alors certes je le challenge pas trop c'est sûr, j'aurais préféré arriver au cinquième étage sans être essoufflée, ça ne fut pas le cas mais tu vois il y a vraiment ce truc là de me dire je suis à un stade de ma vie où mon corps marche suffisamment bien pour que je sois dans le mental tu vois, il y a ce truc très ambivalent de à un moment donné si ton corps vraiment soit à des problèmes soit tu envoies des messages tu es fatalement moins dans le mental mais oui tu es dans le corps tu es dans le ressenti de la douleur ou de peu importe ce que tu sais mais oui tu es dans le ressenti et la douleur ça je sais l'éviter la supprimer il n'y a pas de problème je ne suis pas anti médicaments je prends des anti-inflammatoires ou je vais chez l'ostéo dès qu'il y a un truc installé donc la douleur je la supprime je l'évite voilà péridurale pour mes accouchements. Je n'ai aucun...

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas un sujet pour toi. Oui.

  • Speaker #1

    Et j'ai une peur panique du dentiste. Enfin, je n'aime pas les efforts, vraiment. L'idée de dépassement de soi, mais totalement étrangère. J'aime bien me dépasser sur plein de plans, mais pas sur le physique. Voilà. Avec encore cette peur de me dire de toute façon, je ne vais pas y arriver.

  • Speaker #0

    Et comment tu t'es sentie quand elle t'a dit ça, la cuponctrice ? Tu as senti un soulagement ?

  • Speaker #1

    Oui, vraiment. vraiment parce qu'elle m'a à la fois confortée dans un truc que je sentais très fort, parce que je suis aussi allée la voir pour ça en lui disant « Je me sens quand même comme quelqu'un d'énergie, et pourtant j'ai cette peur panique d'être fatiguée, et j'ai cette peur panique de l'effort. À un moment donné, qu'est-ce qui fait que dans mon corps, il y a ce carburant et que ça ne circule pas là où il faudrait ? » Et donc elle a identifié cette forme de dissociation entre « Le potentiel est là, mais en fait, vous n'en servez pas. » Et après, voilà, il faut que j'y crois, en fait. Bien sûr. Il faut que je fasse confiance à mon corps et j'ai souvenir des vacances qui...

  • Speaker #0

    Il y a quelques années, d'avoir fait une randonnée, pas un truc de ouf, vraiment un truc simple, mais où je pensais que j'allais être dans le mal en permanence, et en fait ça allait nickel.

  • Speaker #1

    Parfois on projette par anticipation des choses qui vont être horribles, et en fait c'est ok.

  • Speaker #0

    Ça, ça reste un truc qu'il faut que je déconstruise vraiment. Il faut que je trouve le sport qui me fait plaisir. Je ne l'ai toujours pas trouvé.

  • Speaker #1

    T'es en recherche ? Non.

  • Speaker #0

    Il faudrait. Il faudrait parce que là, j'arrive à un stade où j'arrive sur la périménopause, donc j'ai 44 ans. Là, il faut. Tu peux te permettre d'être un peu molle pendant la trentaine parce que tu as tellement d'autres sujets à déminer. La maternité, la carrière, le couple. Essayer de préserver un tout petit peu de vie sociale et tes amitiés. Là, ma trentaine, c'était vraiment tout ça.

  • Speaker #1

    Oui, tu es dans une phase de construction en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Là, la quarantaine, je me dis, la quarantaine, c'est le corps. Là, vraiment, il faut que tu sois là où tu as envie d'être. Il faut que tu sois raccord avec la mère que tu as envie d'être. Et la mère que j'ai envie d'être, c'est à la fois mes, comment dire, mes icônes, mes standards de beauté, mais aussi une mère dont on ne se dit pas forcément « Ah tiens, elle a pris cher après ses deux grossesses quand on me voit. »

  • Speaker #1

    Tu vois ce que je veux dire ? Non, mais c'est bien que tu le dises.

  • Speaker #0

    Non, mais voilà, de ne pas être définie non plus par ça. Ouais, j'ai traversé ça. et franchement physiquement ça m'a changé là j'ai envie non pas de revenir au corps d'avant puisque évidemment on s'est dit que ce n'est pas possible mais de ne plus être définie par ça que ce soit plus le premier truc auquel je pense quand je me vois c'est de me dire les grossesses t'as pris cher peut-être que cette consultation là va être alors moi j'aime pas trop l'idée d'éléments déclencheurs de

  • Speaker #1

    prise de conscience comme ça je pense que c'est un cheminement Oui. et une accumulation c'est par étape etc mais est-ce que tu penses que potentiellement cette consultation peut être un peu l'élément qui va justement te donner l'élan pour rechercher ce sport je pense qu'il faudrait que j'y retourne ça

  • Speaker #0

    m'a fait une sorte de bien immédiat déjà en rentrant j'ai super bien dormi j'ai des problèmes de sommeil chroniques ça c'est un signal fort voilà là clairement d'ailleurs Alors... On en reparlera peut-être du coup à la fin de l'épisode, mais vraiment le soin du sommeil, c'est le soin principal auquel j'accorde beaucoup d'espace mental et de priorité. J'écourte mes soirées pour ça. Vraiment, je rigole pas du tout avec ça parce que j'ai un très mauvais sommeil. Donc j'ai compris que ça entretenait mon anxiété par rapport à mes performances physiques et mentales. Parce que je me suis persuadée que j'étais pas capable d'écrire un bon texte si j'avais pas... Un minimum de sommeil. Là, c'est vraiment mon truc numéro un, c'est dormir. Et je pense que là, il est temps quand même que le truc numéro deux, ce soit vraiment le mouvement. J'ai des conversations sans fin avec des copines qui s'éclatent à faire du sport, à être dans le mouvement. Et putain, j'aimerais... Oui, tu vois,

  • Speaker #1

    j'aimerais aussi d'avoir ce goût-là, peut-être.

  • Speaker #0

    Je ne détesterais pas être cette connasse qui partage ses séances de sport sur les réseaux sociaux, son nombre de kilomètres. Et je me dis, putain, j'aimerais bien rejoindre cette tribu de filles très, très énervantes qui sont là, qui vont à la salle de sport, qui partagent toutes ces stories que moi, je zappe. J'en ai rien à foutre. Oui,

  • Speaker #1

    on s'en fiche.

  • Speaker #0

    Arrête, franchement.

  • Speaker #1

    Tu vois ?

  • Speaker #0

    Putain. C'est parce que si seulement j'étais à leur place, je ferais exactement la même chose, mais évidemment.

  • Speaker #1

    Après, je te rassure, ce n'est pas pour me jeter des fleurs, mais je fais du sport tous les jours. Je ne publie jamais sur Instagram que je fais du sport tous les jours. Je veux dire, c'est un sujet entre toi et toi-même. Tu ne fais pas du sport pour montrer aux autres que tu as fait du sport. Mais tu vois, je pense qu'il y a un culte aussi de dire j'ai fait du sport, j'ai besoin de le partager avec les autres. Parce que c'est une forme de fierté aussi, parce que c'est très socialement bien vu de faire du sport. d'être en forme physiquement, etc. Mais je ne jette pas l'absar, parce que moi je fais parfois des choses sur Instagram pour me gonfler un peu l'ego. Alors c'est pas le sport, c'est peut-être autre chose, enfin c'est probablement autre chose. Je ne jette pas l'absar, mais c'est assez amusant je trouve.

  • Speaker #0

    Ah mais ça tout dépend d'où tu pars en fait. Quels sont tes bagages, tes souffrances vis-à-vis de ça. Je pense que c'est jamais anodin et que quand tu le fais, le partage, c'est qu'il y a toujours quelque chose à soigner, à résoudre. et que clairement en plus il y a certains sports qu'on fait vraiment pour dire qu'on les fait c'est à dire que notre auditoire, audience, notre public fait partie intégrante du plaisir qu'on a à pouvoir faire ce sport je pense que c'est très très fort avec le running notamment oui il y a un aspect aussi communautaire qui est hyper fort,

  • Speaker #1

    sur Strava tu peux partager tes courses etc donc il y a une dimension communautaire t'as raison qui entretient cette

  • Speaker #0

    Et ça entretient aussi la motivation et je sais que c'est important de ne pas avoir la discipline que tu as, c'est-à-dire faire du sport tous les jours. pas forcément avec des gens et sans que personne le sache, mais ça pour moi, c'est le niveau ceinture noire du bien-être. Enfin, tu vois, là vraiment, on arrive à un degré d'alignement et juste de soin de soi qui, pour moi, est absolument magique et très, très désirable.

  • Speaker #1

    Bon, après, on pourra reparler aussi de ce que ça peut cacher derrière, l'hyperactivité, etc.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Mais non,

  • Speaker #0

    non, je suis assez...

  • Speaker #1

    Merci. et si on revient sur ton parcours avec ton corps, est-ce qu'il y a eu des moments un peu structurants dans la construction de cette relation ça peut être une grossesse ça peut être un accident de vie ça peut être tout ce que je dirais que après

  • Speaker #0

    ma deuxième grossesse j'en avais fait un papier sur le site j'avais fait un papier qui s'appelait en prenant du poids j'ai trouvé mon style Donc j'en reviens du coup encore aux vêtements. Mais ça a marqué, donc là c'est 2018, donc on est en 2025, ça a marqué pour moi 7 ans de tentatives d'auto-persuasion que n'étant plus dans la catégorie du 38-40, il ne fallait plus que je me jette sur les vêtements qui me font paraître la plus mince possible et que j'allais vraiment me demander voilà c'est quoi. Vraiment mon style, à part essayer de paraître mince. Ça, ça a été un truc vraiment très fort pour moi, de me dire, j'ai jamais pris autant de plaisir à m'habiller que depuis que je ne me rabats plus sur... J'achète la taille dans laquelle je rentre.

  • Speaker #1

    La taille limite, quoi, un peu.

  • Speaker #0

    Voilà. Tu vois ? Ça, ça a été super fort. Ça a eu cet inconvénient que ça m'a entretenue dans l'idée que... Maintenant, peu importe le poids, tant qu'il était sous un certain seuil, ça allait, voilà. Le problème, c'est que le seuil qui allait, je l'ai dépassé. Mais que tout de même, je me suis sentie vraiment plus forte et plus créative et plus dans l'expression de moi-même à partir du moment où mon poids m'a contrainte à trouver la manière dont je voulais m'orner. On revient à cette idée d'ornement. Donc ça, ça a été un truc assez fort pour moi. Et le moment aussi où j'ai compris que j'ai jamais été aussi bien dans mon corps que quand j'étais pas en couple. D'accord. C'est intéressant. Les kilos du couple, c'est absolument déterminant pour moi. Célibataire, donc potentiellement en recherche de quelqu'un. Et c'est là que, non seulement... Enfin, comment dire ? C'est même pas simplement l'envie de correspondre à une certaine image pour pouvoir séduire ou être choisie, etc. C'est simplement que le côté bon coup de fourchette disparaît, en fait, dès que je suis plus en couple. Donc là, ça m'est pas arrivé depuis un moment, parce que je suis quasiment 18 ans avec le père de mes filles. Mais vraiment, si je retrace, et je l'ai fait pour 76 kilos, si je retrace les moments où je me suis sentie la plus alignée, affûtée avec mes critères esthétiques, c'était à chaque fois des moments où j'étais célibataire. À chaque fois.

  • Speaker #1

    Et comment tu l'expliques, ça ? C'est la dimension émotionnelle ou c'est le temps que tu as de disponible pour toi ?

  • Speaker #0

    C'est à la fois le temps, à la fois, si je suis totalement précise, avec toujours un mec en ligne de mire avec qui les choses ne se concrétisent pas encore, donc tu vois une sorte de oui un entre deux quoi, voilà une sorte de chassé croisé amoureux de se préparer comme on va au combat et vraiment et là le besoin de me remplir disparaît totalement, parce que mon truc avec la nourriture c'est quand même beaucoup ça, c'est les proportions je mange pas de manière rôle. totalement, enfin j'ai pas d'appétence particulière pour le sucre par exemple, j'ai pas de problème avec la junk food, j'ai vraiment des problèmes de quantité et de se remplir.

  • Speaker #1

    De satiété ?

  • Speaker #0

    Et de absolument pas écouter ça, vraiment pas, encore une fois il y avait dans ma famille cette, oh là là j'ai trop mangé, tu vois après les réunions de famille qui étant le signal d'un repas réussi.

  • Speaker #1

    Mais tu avais cette injonction à « il faut finir son assiette » .

  • Speaker #0

    Alors, mes parents n'étaient pas tout à fait alignés là-dessus. Je me souviens que mon père me disait « t'as pas besoin de finir » . Et ça, je pense que c'est tellement important. Mais c'est tellement dur à désamorcer quand de l'autre côté, et notamment là dans la famille que moi j'ai créée, mon compagnon vient de « on gâche pas » . Donc, on gâche pas, donc on finit l'assiette. ce qui pose du coup la question des quantités qu'on y met au départ, de la taille de l'assiette aussi, ça a l'air débile, mais ces méga grandes assiettes, du coup, psychologiquement et optiquement, ça joue. Donc oui, il y a eu... Il y avait une sorte de discours un peu dissonant entre ma mère et mon père là-dessus. Et je pense que mon père était assez moderne tout en étant né en 1937. Donc quand même bravo à lui. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    Surtout à cette période-là.

  • Speaker #0

    Voilà, il était assez moderne. Mais je pense que c'était aussi lié à ça et du fait qu'il a souffert de pas mal de privations quand il était petit. Et qu'on lui disait beaucoup de finir au-delà de sa fin parce que justement on n'est jamais sûr du lendemain. Et je pense que ça, c'est resté un truc auquel moi, je n'ai pas été assez sensible, je pense. Et il avait raison. Et là, du coup, j'essaie de me dire, bon, il faut que je réussisse à être là-dedans avec mes enfants, tout en étant assez maligne sur l'histoire du gâchis et donc de vachement travailler cette question-là. Oui,

  • Speaker #1

    c'est un vrai sujet. Je voudrais qu'on parle de zones peut-être plus sensibles du corps, de zones un peu plus complexes. Il y a des parties du corps qu'on habite peut-être plus difficilement que d'autres. souvent c'est lire le regard des autres ou alors à ce qu'on a pu nous dire dans le passé ou alors fait croire et en fait ce sujet je trouve ça rejoint vachement l'idée du corps fragmenté donc il y a pas mal d'auteurs qui ont étudié ça en sociologie du corps le corps fragmenté c'est l'idée qu'il y a des zones du corps qui sont c'est l'idée que le corps il est pas perçu comme un tout il est pas perçu comme une globalité vivante mais il est plutôt perçu comme hiérarchisé en fonction des zones. Il y a une hiérarchie en fonction des zones. Il est évalué zone par zone. Il y a des parties de notre corps qui sont socialement facilement valorisées. Et puis, il y a des parties qui sont socialement plus facilement sujets à la honte ou au dégoût ou au jugement. Je pense pour les femmes notamment au ventre, aux cuisses et aux fesses, par exemple. Et en fait, à force d'intérioriser cet espèce de découpage par zone, on se crée nous-mêmes aussi un discours intérieur sur le fait qu'on aime plus ou moins certaines parties de notre corps et on ne voit plus notre corps comme une entité globale qui vit. Est-ce qu'il y a des parties de ton corps que tu as mis plus de temps à apprivoiser et pourquoi ? Est-ce que ce que je viens de dire, ça fait écho ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, ce que tu viens de dire fait écho et je voudrais rebondir là-dessus. c'est que je trouve qu'on a énormément de diversité de beauté possible en termes de visage ou de cheveux. En revanche, si tu prends des zones qui sont assez exposées comme les bras, je pense qu'on a toute une idée de ce à quoi un bras parfait peut ressembler.

  • Speaker #1

    Pareil pour la taille.

  • Speaker #0

    Voilà. Les jambes, il y a quand même de la diversité, je dirais, entre un modèle très athlétique et des jambes très très fines. Alors chacun peut avoir ses goûts. Mais les bras et le ventre, il y a clairement un seul canevas, un seul modèle qui fonctionne. Et je me souviens de ma stupeur quand en colonie de vacances, j'avais 14 ans, j'ai découvert que tout le monde n'avait pas le même ventre que moi. Qu'il y avait des filles que je pouvais trouver gauler bizarrement et qui avaient le ventre plat. Et donc j'ai découvert ça dans les douches collectives. colonie de vacances. Et là, je me suis dit, mais en fait, moi, j'ai toujours eu, j'ai toujours été assez dodu quand j'étais petite. Et ensuite, j'ai toujours eu des capitons sur le ventre, tout le temps, quel que soit mon poids. Et découvrir un ventre lisse et ferme chez des nanas qui, par exemple, avaient beaucoup de culottes de cheval ou avaient des seins asymétriques. Je te parle vraiment de ce que j'ai vu sous la douche. Mais ce ventre plat. Et là, je me suis dit, putain, mais... C'est injuste. Vraiment, j'avais le sentiment de me dire pourquoi est-ce que moi, tu vois, je n'ai pas de culotte de cheval vraiment marquée. J'ai la poitrine qui est plutôt symétrique. J'ai le gabarit qui, globalement, est assez symétrique et proportionné. Et je le gâche, en fait, en étant en surpoids par rapport à ce que moi, j'estime être la personne à laquelle je pourrais ressembler. Et ce ventre, ça n'a pas avec le reste, quoi. Et là, vraiment, j'ai beau voir sur certaines photos, on voit des nanas, enfin, sur certaines photos sur Instagram, pardon, on voit des nanas qui ont carrément un ventre creux où je sais que ce que je vois me déplaît esthétiquement, mais ça restera toujours plus joli qu'une nana qui a un petit ventre. Sans même parler de la texture. La texture du ventre, la peau lisse et tout. La texture de la peau, c'est aussi un truc... Pareil que j'ai mis du temps à identifier sur le fait que je pouvais vraiment fantasmer, je regarde beaucoup les filles dans la rue, depuis toujours, et je pouvais totalement fantasmer sur le grain de peau d'une fille. Tu vois, vraiment lisse, mat, là on en revient au bronzage, etc. Je me souviens de fascinations pour des filles qui, par exemple, blondes à peau mat, tu vois, sans être non plus forcément... Ou châtains à peau mat, sans être une dingue des cheveux blondes d'une manière générale, mais je trouve qu'il y a un truc charmant qui se dégage de ce type de... Parce que c'est contrasté, tu t'attends à ce qu'une fille blonde ait la peau très claire, etc. Et donc, moi, je ne suis pas là-dedans avec mes cheveux très foncés et ma peau très claire. Donc forcément, tu vas vers un truc qui est assez loin de toi. Mais dans cette idée du corps fragmenté, il y avait la manière dont je considère la peau, la manière dont je considère le ventre, la manière dont je considère les bras, etc.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça t'a empêchée de faire des choses ?

  • Speaker #0

    Alors, je... Vraiment mon malaise par rapport à mon poids a vraiment commencé quand la structure du visage a changé chez moi et les bras. C'est-à-dire que pour moi, tant que je ne prenais pas des épaules de largeur de dos et de bras, ça allait. Au moment où ça commençait à se voir, où moi je le voyais, là je me suis dit non, ça va plus. Parce que ça pour moi c'est un marqueur de, je mets des guillemets, minceur, de garder des bras fins. Hier, j'ai vu une...

  • Speaker #1

    Tout étant relatif dans le fin, par ailleurs.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Hier, j'ai vu une vidéo d'une Instagrammeuse expliquant les 10 trucs que je trouve classe chez quelqu'un. Et elle citait les bras. Les bras fins et musclés, c'est hyper élégant. Et voilà, moi, je suis encore là-dedans, clairement. Je me souviens de m'être dit, en regardant Friends, puisque pour moi, les bras parfaits, c'est ceux de Jennifer Aniston.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et je comparais avec ceux de Courtney Cox, et je lui disais, c'est bizarre, Courtney Cox est vraiment une femme mince, et en fait, par rapport à Jennifer Aniston, elle a des bras qui sont beaucoup moins ciselés, et je me disais, c'est dommage ces bras. Enfin, tu vois à quel point on est... Ça impacte, quoi. Voilà, il y a des zones sur lesquelles, comme ça, ça peut paraître secondaire par rapport au ventre, parce qu'on peut le planquer. Les bras, à un moment donné, ça devient difficile, mais c'est quelque chose qui est récurrent dans toutes les interviews que je fais pour Encore Heureux, c'est de cacher les bras.

  • Speaker #1

    Oui, je voudrais qu'on en reparle tout à l'heure, des sujets qui reviennent un peu de façon régulière. Et donc, toi, par exemple, ça peut t'arriver de pas montrer tes bras dans certaines situations, de faire en sorte de mettre des manches longues alors que...

  • Speaker #0

    Alors, ça me...

  • Speaker #1

    Est-ce que ça te contraint, en fait ?

  • Speaker #0

    Ça me contraint pas au quotidien, ça me contraint quand je vais voir ma mère. parce que j'ai souvenir c'était l'année dernière la première fois que j'ai porté un débardeur de l'année il y a eu un jour de très grand beau temps au mois d'avril le truc qui n'arrive jamais, il faisait 25°C je me suis mise en débardeur j'étais pas bronzée, en débardeur et je sortais de l'hiver les kilos de l'hiver et donc j'ai eu droit à une remarque Sur ma carrure, elle a ce geste qu'elle a souvent pour commenter les carrures déplaisantes. Elle a ce geste de mettre ses mains devant les épaules et de gonfler les joues et de gonfler la cachetauracie comme ça. Je ne sais pas si on peut visualiser le truc. Et donc ça, c'était le commentaire sur mes bras. Si je lui en parlais demain, elle n'aurait aucun souvenir de ça. C'est fait de manière totalement fluide et inconsciente et ne pensant jamais à mal. Elle pense être au contraire attentive, bienveillante, prévenante, etc.

  • Speaker #1

    Mais heureusement que tu as tout déconstruit de ton côté et que tu as cette forme de lucidité.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, je ne sais pas si je déconstruis assez, mais en tout cas, je suis lucide. Voilà, il peut m'arriver ça. Et ça, ça va me faire chier.

  • Speaker #1

    Et justement, c'est intéressant cet exemple précis. Quel impact ça a sur toi ?

  • Speaker #0

    Alors, l'impact, ça va être que je ne vais pas changer ma façon de m'habiller, mais que je vais être dans l'expectative et une sorte de tension sourde de la remarque va tomber. Tu l'attends en fait. Voilà. Elle va tomber une fois parce que c'est la sortie de l'hiver, etc. Et on est toujours un petit peu fragile quand on sort de l'hiver et qu'on va vers le corps du printemps, le corps de l'été, on va dire le corps des beaux jours,

  • Speaker #1

    par exemple,

  • Speaker #0

    le corps de l'hiver. Et donc, ouais, il y a ce suspense de se dire, est-ce que je vais y avoir droit ? Et puis après, elle va s'y faire. Comme on habite à côté, on se voit quand même régulièrement. Elle va s'y faire et elle ne va plus faire forcément la remarque. Mais il y aura ce cap à franchir, ce cap annuel. Tu vois, il y a des filles pour qui c'est l'épreuve du maillot dans la cabine d'essayage ou la première plage. Moi, ça va être les bras devant ma mère. C'est ce truc annuel-là. Et c'est ce qui va me... Donner le signal de mon été. Est-ce que j'ai fait ce qu'il fallait pour correspondre à ce que je veux être pendant l'hiver ? Ou est-ce que je pars sur une très mauvaise... Le summer body, je sais que c'est une expression détestable. Et qu'on en fait des chansons. J'adore cette chanson. Et on le remet en question et on en rigole. Pour moi, ça reste tout à fait un guide. de me dire voilà mon summer body je le travaille, pas forcément en termes de poids puisque je suis assez inefficace de ce point de vue là, mais en termes de conscience que c'est pas le même corps que le corps de l'hiver,

  • Speaker #1

    clairement donc tout ce que tu partages dans la relation à ton corps, tu en as fait un objet d'écriture, ça s'appelle 76 kilos donc c'est un récit autobiographique qui est très fort moi j'ai été vraiment marquée par l'honnêteté Merci. de tes propos. Merci. C'est vrai parce que parfois, en fait, tu écris sur un sujet, mais tu ne dis pas tout. Il y a des choses que tu te réserves pour toi parce qu'on n'ose pas ou peu importe la raison d'ailleurs. Mais toi, en tout cas, j'ai ressenti une honnêteté très forte. Tu parles de la complexité évidemment du rapport à ton corps. Il y a une grande intelligence aussi, je trouve, dans le regard que tu portes sur ce corps. Parce que... On sent que tu as fait tout un travail aussi sur ce corps. Il y avait beaucoup de prise de recul. Donc tu parles de plein de sujets dans ce récit. La première question que je voulais te poser, c'est pourquoi avoir choisi ce titre de 76 kilos ? En fait, c'est assez fort d'afficher ce poids. Généralement, le poids, c'est quelque chose qu'on garde pour soi. D'ailleurs, moi, je me suis fait la réflexion. Je me suis demandé, est-ce que j'avais déjà dit mon poids, par exemple, à mes amis ou à des gens autres que ma famille ? Parce que dans ma famille... ça peut arriver qu'on en parle. On n'en parle pas trop, mais quand même, ça peut arriver. Mais à mes amis, jamais. Je n'ai jamais dit mon poids à mes amis. Je trouve ça assez courageux d'afficher ce poids en titre de récit. Est-ce que c'était une manière de reprendre possession de ce poids ? Est-ce que c'était une manière peut-être thérapeutique aussi d'aborder les choses ?

  • Speaker #0

    Alors Thérapeutique, clairement, je l'espérais au début. Là, je me suis rendue compte, après 11 chapitres sur 12 prévus que...

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est un livre qui dure un an, en fait. Il y a un chapitre par mois.

  • Speaker #0

    J'ai décidé d'écrire une fois par mois pendant un an là-dessus.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux juste dire aux auditeurs où est-ce qu'on peut le retrouver ?

  • Speaker #0

    Alors, on peut le retrouver sur la plateforme Kessel, K-E-S-E-L, qui est une plateforme de newsletters sur laquelle vous pouvez trouver des... Des projets comme le mien, qui sont donc des livres, mais publiés sous format newsletter. Et donc, ce que je trouvais fort dans le fait d'appeler ça 76 kilos, c'est qu'en fait, tellement de choses étaient déjà sous-entendues dans le choix de ce titre, qui pour moi n'est pas un poids de femme, et c'est par là que j'ai commencé, parce que...

  • Speaker #1

    C'était le poids de ton père, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'était le poids de mon père. c'est le poids de beaucoup d'hommes que je connais. Et dans ma famille, on avait cette... Donc finalement, je reviens encore énormément sur ce qui m'a été transmis familialement. Il y avait deux dizaines qui fonctionnaient pour les femmes. C'était la dizaine des 50 et la dizaine des 60. Par rapport à notre taille, voilà.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu avais aussi ce rapport poids-taille où il fallait qu'il y ait minimum 20 ? Oui, bien sûr. Parce que moi, j'ai été vachement... Bien sûr,

  • Speaker #0

    évidemment.

  • Speaker #1

    Il fallait minimum 10. L'idéal, c'était plus on se rapprochait de 20, mieux c'était.

  • Speaker #0

    La même jauge. La même jauge, donc je fais 1m74, donc 54 c'est bien, jusqu'à 64 et après c'est n'importe quoi. Et alors je vais faire hurler certainement pas mal de gens qui m'écoutent, mais il s'avère qu'après des calculs scientifiques précis de taux de masse musculaire et de taux de masse graisseuse, De fait, c'est vraiment... 64, qui est pour moi le haut de la fourchette saine par rapport à mon style de vie, au fait que je ne fais pas de sport, que au-delà de 64, en gardant le même style de vie, c'est que j'ai trop de graisse dans mon corps. Et donc ça, c'est scientifique, attesté. Je sais que c'est terrible de le dire et terrible à entendre.

  • Speaker #1

    Donc tu donnes un peu raison à la règle des 10.

  • Speaker #0

    Voilà. Il se trouve que par rapport à la vie que j'ai, la règle des 10, elle est OK. Elle est valable. Donc j'ai grandi quand même avec la règle des 20, 20 de différence par rapport à la taille. Et 20 qui sont devenus 10, bon, peut-être parce qu'avec le temps, on se relâche. Mais du coup, passer dans la dizaine avec les 7, là, vraiment, c'était problématique. C'était une dizaine problématique, tout comme la dizaine qui commence par 4 est problématique dans ma famille aussi. Parce qu'il y a des troubles du comportement alimentaire dans ma famille, dans plusieurs branches de ma famille, et que vraiment, symboliquement, on sait que quand ça passe sous les 50 kilos, vu la taille qu'on fait, c'est pas normal. Donc il y a ces deux bornes de chaque côté, la dizaine des 40, la dizaine des 70, les deux problématiques. Donc du coup, dire ça et dire que c'était mon poids, moi, qui ai toujours cherché, parce que je suis présente sur les réseaux depuis quasiment 20 ans, et que je me prends en photo depuis quasiment 20 ans avec toujours un bien vestimentaire, mais que sur ces silhouettes, j'essaie d'être dans mon meilleur profil, d'éviter le profil d'ailleurs. Le fameux ventre.

  • Speaker #1

    Tu te prends de face.

  • Speaker #0

    Je me prends de face, en inclinant le visage d'une certaine manière. J'en suis pas au point Victoria Beckham du Bon Profil, parce que pour qui la suit, il y a une manière d'incliner la tête et le visage tout à fait millimétrée. J'en suis pas à l'art, mais je l'ai. Et elle est tellement belle, cette femme. Et voilà.

  • Speaker #1

    Pas besoin. Enfin, personne n'a besoin, mais en l'occurrence...

  • Speaker #0

    Non, mais tout est dit dans cette manière de... d'incliner le visage pour parler à la caméra. Je sens que, sans en arriver là, je sens que je tends quand même à me figer sur un certain type de sourire qui ne va pas aller...

  • Speaker #1

    Trop marquer les plis.

  • Speaker #0

    Tu vois, trop marquer les traits, qui ne va pas me bouffir les yeux. Donc c'est un certain type de mimique, une manière de prendre la lumière, de se présenter. J'évite les vidéos à mort, parce que là, tu ne contrôles plus rien.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la vidéo, c'est assez fatal.

  • Speaker #0

    Ça pardonne pas. Ça pardonne pas. Surtout passé un certain âge, je trouve. Je peux te dire ça tout en étant horrifiée par tous les contenus qui vont te dire « À 44 ans, elle est incroyable ! » Enfin, tu vois, voilà. Bonne ambivalence. Non, mais tant mieux. Oui. C'est ça. Donc du coup, voilà, pour faire une très très longue réponse à une question très simple. 76 kilos, pour moi, contenait... énormément de problématiques induites et immédiatement compréhensibles par les femmes qui me lisent. Ce qui n'est pas le cas de pas mal de gens, et ça je l'ai découvert avec surprise pour en avoir parlé dans le milieu de l'édition avec des gens qui ne comprenaient pas le titre du livre, ne comprennent pas à quoi ça fait référence. D'accord. Et donc là, voilà le niveau d'impensé où on en est. Si c'est un homme éditeur qui voit ce titre sur le manuscrit et ne comprend pas le sujet, Si c'est une femme très mince, elle ne comprend pas le sujet. Et donc là, je me suis dit, voilà, c'est vraiment de là que je veux écrire, c'est-à-dire, je vous montre une certaine image que j'espère la plus conforme à mes standards, mais je fais 76 kilos. Et 76 kilos, c'est rien par rapport à 95 ou 150, et c'est impensable par rapport à 50, 55. il y a vraiment une sorte de de trou noir de trou noir et je me suis dit c'est de là que je veux écrire et si je dis le chiffre celles qui savent, elles savent Bon, bah moi j'ai su tout de suite.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est qui a venu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Tu parles dans ce récit de cette catégorie de femmes mid-size. C'est un terme qui vient du UK, je crois ? Oui. Et donc c'est un terme qui désigne celles qui sont ni minces ni grosses. Et tu as écrit mid-size, j'ai envie de dire que j'en suis. Qu'est-ce que ça a changé pour toi, la découverte de cette catégorie de femmes ? Parce qu'on n'en entend pas beaucoup parler en France, les mid-size.

  • Speaker #1

    Non, c'est très...

  • Speaker #0

    Déjà, il n'y a même pas de mots, c'est ce que tu dis. Il n'y a pas de mots en français pour qualifier mid-size.

  • Speaker #1

    En français, il n'y a pas de mots. En français, il y a normal ou grosse.

  • Speaker #0

    Voilà. On ne dit pas taille intermédiaire. Oui,

  • Speaker #1

    ça n'existe pas. Donc, si tu suis là encore les chiffres que te donne ton impédance maître sur ta masse musculaire et ta masse graisseuse, normal, c'est mince. Au-delà de normal, c'est en surpoids, donc grosse. mid-size. médicalement ne correspond à rien c'est vraiment un terme je pense qui est esthétique et culturel avant d'être un terme morphologique oui parce que voilà tu vas avoir tout un tas de spécialistes qui vont te dire que tu vas être en extrême excellente santé en étant mid-size et puis si tu vas voir des spécialistes de vraiment du poids ils vont te dire que non tu es en surpoids surpoids voilà

  • Speaker #0

    C'est dommage qu'on ne fasse pas évoluer ces critères très scientifiques. Parce que finalement, peut-être que les choses doivent évoluer aussi avec la réalité du monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Il y a une culture française qui est très imprégnée déjà de cette mythologie de la femme française. Il y a eu ces bouquins qui ont eu un énorme succès aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, de « French women don't get fat » . Il y en a eu deux comme ça, écrits par une Française. Donc il y a cette idée que la femme Française, elle est mince, normale, donc mince. Et du coup, mid-size, là-dedans, moi je suis allée voir tout un tas de médecins pour me convaincre que j'avais une raison médicale d'intervenir et aucun d'entre eux n'a cité mon poids. comme une raison de faire quoi que ce soit. Donc là, c'est vraiment... En termes de santé, je pense qu'on n'a aucun repère sur ce qui est bon pour nous ou pas. Mon cardiologue qui me suit pour mon problème cardiaque n'est absolument pas inquiet du poids que je fais. Alors qu'à côté de ça, quand je vais voir une diététicienne et qu'elle mesure la masse graisseuse, il y a marqué obésité physiologique. Parce que... J'ai beau avoir une bonne masse musculaire, j'ai quand même un ratio de masse non musculaire qui est trop important par rapport aux critères médicaux qui datent de je ne sais quand, et qui te disent si tu es vraiment en bonne santé ou pas. Donc mid-size, c'est un petit peu le terme idéal. Mais très rapidement, ça a été en fait récupéré par des nanas qui étaient dans un discours hyper positif et militant et d'affirmation de soi et de je m'assume. Alors est-ce que tu as besoin d'assumer quoi que ce soit quand tu es mid-size ? Je ne suis pas sûre qu'on en soit là.

  • Speaker #0

    Tu fais écho au body...

  • Speaker #1

    positive alors que le body positive normalement devrait idéalement être le propos et la revendication de femmes qui sont bien au-delà du mid-size et que donc on a un peu vidé les femmes considérées grosses ou rondes de ce truc d'affirmation de soi en disant voilà nous on est juste un tout petit peu au-dessus de la norme Mais on s'assume quand même. Alors si tu t'assumes quand tu es à ce stade-là de ton poids, qu'est-ce qui reste aux autres à assumer ? Il y a une manière de réduire les critères qui était assez à double tranchant avec ce mot. Et aujourd'hui encore, quand je le tag sur certaines de mes photos de look, je me dis « mais pourquoi je mets ce mot-là ? » Est-ce que j'ai vraiment le droit de me dire que je suis dans cette catégorie-là alors que... Putain mais laisse les souffrances et les revendications sur le poids à... à une autre catégorie de personnes, enfin ferme ta gueule tu vois juste.

  • Speaker #0

    Donc tu as évolué là-dessus, parce qu'au départ, quand tu as découvert ce terme, il y avait une forme de soulagement d'appartenir à une catégorie qui n'existait visiblement pas.

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment un phénomène... Ça s'est vraiment séparé entre « grâce à ce mot, j'ai accès à des tas d'images de femmes qui te ressemblent, que j'adore, que je consulte de manière absolument joyeuse et créative. » Et tu les identifies grâce à ce mot. Oui. Et je les remercie d'exister. Et à côté de ça, tu as « est-ce que ce mot, c'est moi ? » Et donc vraiment, là, j'ai appris à faire la part des choses entre... Putain, pardon, je deviens de toute façon plus vulgaire. Non, pas de problème. J'ai une vraie joie à voir ces corps-là, à les trouver super inspirants en termes notamment de stylisme. Et est-ce que ça va m'aider, moi, à me situer, à me dire, à me raconter ? Je pense que non. Je pense que je reste encore très, très imprégnée. de la normalité entre guillemets médicale, cette histoire de l'écart entre la taille et le poids de 10 à 20 kilos, je fais mesurer ma masse graisseuse. Clairement, je prends le chemin de quelqu'un qui ne va pas aller dire « je suis mid-size et je vous emmerde, je ne prends pas ce chemin-là » . Donc à un moment donné, il a fallu être honnête par rapport à ce que tout ce... En fait, toute cette réflexion par rapport à ce mot... m'a fait avancer de dingue en termes d'honnêteté vis-à-vis de moi-même, je pense. Ouais,

  • Speaker #0

    c'est fort. Il y a une phrase aussi qui m'a marquée. Désolée, c'est une transition... Enfin, sans transition. Il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit « je mange pour récupérer mon espace » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    J'ai trouvé que c'était assez puissant, mais limite politique. Parce qu'aujourd'hui, quand on est une femme, il vaut mieux pas prendre trop de place, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Donc j'ai trouvé ça fort de dire « je mange pour récupérer mon espace » . Ça renverse un peu les injonctions, finalement. Qu'est-ce que tu voulais dire avec cette phrase ?

  • Speaker #1

    Alors cette phrase, je l'ai vraiment ressentie comme une sorte d'épiphanie intime parce que j'étais en train d'échanger des messages sur WhatsApp avec une copine à moi qui est très, très mince, très affûtée, très sportive. Je préparais le dîner, je discutais avec elle sur WhatsApp. J'avais mes filles autour qui faisaient un boucan d'enfer. Et là, je me retrouve à manger un truc, mais debout, devant le frigo, tout en préparant à manger. Et là, j'ai pris conscience, en fait, de l'accumulation de ce contexte-là, que voilà le genre de situation dans laquelle je me remplis, c'est-à-dire, autour de moi, il y a trop. Dès que je suis toute seule, donc, je te le disais tout à l'heure, pas en couple, ou toute seule dans la journée, je peux bosser cinq heures d'affilée sans penser à manger. Voilà, il n'y a pas d'enjeu avec la nourriture avalée sans même y penser. Il y a un enjeu quand il y a beaucoup de sollicitations autour. Et donc là, je pense que par rapport à ça, il y a quelque chose chez moi de l'idée de se dire que ce n'est pas une fatalité et qu'on fait tout le constat d'être complètement débordé sur sollicité au bout du rouleau quand on est mère. On est toutes d'accord là-dessus. Et moi, ça se traduit par je mange de la nourriture parce que je me donne une sensation corporelle pour moi par rapport à tout ce qui est... Je suis très sensible au son en plus, assez misophone. Donc voilà, tout ce qui est agitation et vacarme autour de moi, ça me met en état de tension. Et donc là, manger un truc pour... Voilà, c'est un moment où c'est moi, mon corps, où je me retrouve moi et où je lui fais plaisir. Et à partir du moment où j'ai pris conscience de cette phrase, j'aimerais te dire que j'ai pu réduire naturellement les moments à risque comme ça, où on va dire c'est la fenêtre 18h-22h, voire 16h-22h, où là tout peut arriver. C'est pas si simple. C'est vraiment beaucoup de choses à détricoter et je vois que je suis encore... Je fais encore trop de prises de nourriture comme ça, debout, à l'arrache. Tout ce chapitre-là, j'avais vraiment essayé d'être très visuelle pour que le lecteur ou la lectrice puisse me voir en train de me remplir comme ça, debout au milieu du chaos, et de me dire, voilà, là j'ai localisé qu'est-ce que je veux que ma vie soit ça ? Non. Comment faire pour ne plus être vulnérable dans ces moments-là ? Je cherche encore.

  • Speaker #0

    comment. Oui, bien sûr. Non, mais c'est pas évident. Puis, l'alimentation a un tel pouvoir apaisant, c'est hyper fort, en fait. Donc, quand tu veux faire redescendre des émotions, en fait, l'effet, il est immédiat. Tu mets quelque chose dans ta bouche, en plus, généralement, c'est des choses qui sont assez réconfortantes, etc. Donc, l'impact, il est immédiat.

  • Speaker #1

    Pour moi, les émotions, c'est toutes, en fait. Je ne mange pas simplement pour me réconforter. Je mange pour fêter un truc. Je ne mange pas parce que je suis joyeuse. C'est toutes les émotions. Il n'y en a pas une qui échappe à ce truc de manger. Donc du coup, en plus, on est dans une famille où on a vraiment tous le bec salé. Donc c'est un peu les pires trucs à ce moment-là, ça va être la charcuterie, moi je vais pas m'envoyer une tablette de chocolat, mais ça va être de la pâte à négras.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce genre de trucs que je vais manger à ce moment-là. Et ouais, sur le côté émotionnel, c'est pour moi très très difficile de décorer les deux. Et à côté de ça, je me souviens d'avoir ressenti un truc très fort quand justement pour la série d'entretien Encore Heureux que je fais pour le L, Une des femmes qui a témoigné m'a raconté à quel point elle était en paix avec ça, en se disant il y a eu des moments dans ma vie où je mangeais mes émotions et je suis ok avec ça parce que je préférais ça plutôt que l'état psychologique dans lequel j'aurais pu être sans ça et que parfois ça aide. Et j'aurais pu me dire oui mais bon si tu suis ce principe au bout d'un moment c'est hyper destructeur pour ton corps etc. Ben non, en entendant dire ça je me suis dit putain elle le dit, merci de le dire. Et en même temps, quand tu dis ça, qu'est-ce que tu en fais après ? Est-ce que ça reste une bonne manière de t'alimenter ? Non. Et à chaque fois que j'entends des femmes dire des choses un petit peu out of the box, comme ça, sur l'alimentation, ou une autre témoin qui me disait « j'apprends à décorréler nourriture et plaisir, par exemple, à manger pour m'alimenter » , c'est un discours qui m'a toujours paru dingue, et en fait, maintenant, c'est le genre de choses que j'aime bien entendre. parce que je me dis, en fait, c'est possible d'être dans quelque chose de plus rationnel que si tu te dis que chaque repas doit être un plaisir, forcément, il y a de la frustration derrière. Si tu arrives à te dire qu'un repas est une manière aussi de faire fonctionner ton corps, pas tous les repas, mais certains, il y a d'un coup la pression qui redescend quand même, tu vois ? d'essayer de retirer ce côté alimentation plaisir, alimentation gourmande même quand t'es en rééquilibrage alimentaire il y a aussi cette idée que les recettes doivent être gourmandes par exemple et que si t'arrives pas à faire ça, si tu manques de temps, si tu manques de talent culinaire t'as un peu raté le truc donc ouais ça c'est des questions que je me pose en ce moment que faire de l'idée de gourmandise et de plaisir autour de la bouffe est-ce qu'il y a quelque chose sur quoi je peux avancer là-dessus Merci. Parce que je suis gourmande et terrible en cuisine. J'ai le cauchemar en cuisine. Donc voilà, j'ai pas les moyens de mes ambitions.

  • Speaker #0

    C'est pas évident là.

  • Speaker #1

    Donc c'est forcément de la bouffe qui naturellement est soit transformée, soit très grasse. Du fromage, de la charcuterie. Et donc voilà.

  • Speaker #0

    Tu racontes aussi un épisode douloureux dans ce récit. Celui où on te croit enceinte alors que tu ne l'es pas. Tu écris parmi toutes mes hontes celle-ci, passer de la fierté d'être enceinte à la honte de le sembler. Est-ce que tu peux nous parler de ce moment et de ce que ça a réveillé en toi ? Et d'ailleurs tu en parles à un autre moment où là c'est toi qui portes un regard sur toi-même.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Où tu te dis j'ai un ventre qui pourrait être un ventre d'une femme enceinte.

  • Speaker #1

    Ça c'est incroyablement enraciné. Et je pense que ça peut résonner pour pas mal de nanas. J'ai jamais eu autant de réactions à un sujet que quand j'ai posté ce sujet-là sur mon Instagram en guise de... Petite avant-goût du chapitre.

  • Speaker #0

    Et puis la photo était très bien trouvée. Tu avais posté une photo de ton ventre.

  • Speaker #1

    De moi, de profil.

  • Speaker #0

    Donc tu étais habillée, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et alors, figure-toi qu'en plus, depuis ce moment-là, je suis harcelée de publicités Instagram pour un complément alimentaire dont le nom m'échappe parce que je n'ai pas envie de leur faire de pub. Mais où tu vois des nanas ultra minces qui se filment de profil avec leur ventre plat en disant ... ça c'était moi il y a 6 semaines vous ne le croiriez pas non je ne suis pas enceinte et donc l'idée c'est de te vendre un truc qui t'aide à pas avoir le ventre qui gonfle d'ailleurs le ventre on draine pas et l'image qui est associée à ça et à ce qui est anormal est tellement violente qu'à chaque fois je fais suivre à des copines qui sont pareil dans des réflexions et des complexes par rapport à leur ventre et ils disent viens on leur casse la gueule Merci. et donc du coup je sais à quel point le moindre petit renflement est tout de suite part dans la normalité L apostrophe anormalité et part dans le tiens est-ce qu'elle est enceinte et j'en rigolais avec une de mes lectrices qui me disait t'inquiète bientôt on arrive à l'âge où les gens ne se posent même plus la question se diront bien juste trop vieille pour ça. Donc c'est encore un privilège de pouvoir se poser la question. Mais il y a quelque chose de tellement puissant et ancré en nous, dans cette idée que quand on est enceinte, on a cette pareil, encore une fois, une femme témoignante dans Encore Heureux, disait on a cette légitimité sociale à être ronde quand on est enceinte. Et qu'enfin, là, il n'y a plus à cacher ce ventre qui reste, on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure, ça reste un truc extrêmement vissé, extrêmement fermé en termes de diversité possible de morphologie. Il n'y en a vraiment qu'une. Et du coup, moi, je m'étais sentie vraiment, je me sens vraiment rattrapée par ça en permanence, c'est-à-dire que ça peut, ça influe les vêtements que je... J'achète, ça influe la manière dont je me prends photo, dont je me présente, ça influe sur la manière dont je me tiens, parce que j'ai pas envie... Encore une fois, ça me ramène à cette femme-mère, et j'ai envie d'être plus que la mère de mes enfants, une femme qui a été enceinte, une femme dont on peut se dire qu'elle est enceinte. J'ai envie que ce truc-là, c'est derrière moi, que ce soit terminé, quoi. Et le fait de voir cette image-là de moi, en partant chez mon fameux cardiologue en plus, je me suis dit, je ne peux pas arriver là-bas, et que lui me dise ça, lui qui s'en contrefout de mon poids, en fait, je me suis imaginée être face à ce médecin, et qu'il me dirait, ouh, Mme Moreau, connaissant mon âge en plus, là, tu vois, on rigolait sur le fait que les grossesses gériatriques... commence à 35 ans, 44, et je me suis changée pour aller chez ce médecin dont je sais qu'il n'en a rien à faire de mon poids. D'ailleurs, il me fait des compliments en s'excusant de m'en faire à chaque fois qu'on se voit sur le fait qu'il me trouve charmante. Ça, c'est encore un autre sujet. C'est gentil. Je fais partie de cette génération qui accepte les compliments de manière assez calme. Je me dis pas c'est inconvenant, il a pas à dire ça, il s'excuse quand même de le faire. Et donc je me dis je sais que ce médecin là il est pas jugeant sur mon apparence etc. Et pourtant je me change avant de dire allez, pour que ça se voit moins et que moi j'ai moins ce sentiment de putain. La brioche quoi.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on parle des nouvelles générations par rapport à ça. Ouais. Je crois que t'en parles dans 76 kilos non ? Ouais. Y'a pas un moment donné où tu dis si les Gen Z me lisaient, on lèverait les yeux au sel en disant... Mais en fait, il faut en rigoler. Quand quelqu'un te demande si tu es enceinte alors que tu ne l'es pas, il faut prendre ça avec humour, il faut en rigoler, etc. Il faut s'en foutre. En gros, est-ce que tu penses que pour les nouvelles générations, il y a une prise de recul peut-être plus importante sur ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Dans celles que je côtoie, en tout cas, vraiment, ma référence, c'est les animatrices de centre aéré de mes filles et de périscolaire. où je vois qu'en termes de tatouage, de nail art, de poids, de morpho, il y a une liberté.

  • Speaker #0

    où je me dis une insolence oui oui exactement on n'en a jamais vu autant que là récemment tout ça est embrassé

  • Speaker #1

    avec une joie qui chez moi créerait mille questions parce que moi j'ai grandi avec cette Cette idée de ce à quoi il faut ressembler qui reste là mentalement très très présente et dont je pense que je ne me déferais jamais. Donc là maintenant il faut être aligné soit avec ce en quoi tu crois et t'essaies de coïncider, soit faire exploser ce avec quoi tu as grandi. J'ai essayé avec 76 kilos, je n'ai rien fait d'exploser du tout. J'ai fait que comprendre à quel point ça m'avait structuré et que... Ma foi, c'est pas grave, j'en suis pas si loin, et que peut-être, si je me donne les moyens, je peux... Ce qui est important pour moi maintenant, c'est de m'aligner. Même si c'est m'aligner avec un truc qui peut paraître débile. En matière de santé, je sais que ce sera bénéfique pour moi, que je suis pas dans une approche malsaine du truc. Donc ouais, il y a cette envie de m'aligner. Je sais pas si c'est hyper cool de le dire. En tout cas, moi, ça m'a soulagée de me dire arrête avec le body positif parce qu'en fait, tu n'y arriveras pas, tu vois, tout simplement. Et je suis heureuse de voir la jeune génération faire ça avec ton naturel. Et je me dis voilà, il faut que ce truc ne soit pas contraint. Il ne faut pas que ce soit un effort.

  • Speaker #0

    Il faut que ça vienne avec un peu de spontanéité.

  • Speaker #1

    Et miraculeusement, on a réussi, venant de là où on vient, à créer un monde où en 2025, les nanas... vont spontanément mettre des crop tops sur des corps qui correspondent pas tout à fait aux corps validés normés, et elles le font sans qu'il y ait eu besoin de déconstruire quoi que ce soit. Je ne sais pas par quel miracle ça a lieu en fait, par quel miracle cette génération-là y arrive, mais je me dis voilà, pour elles c'est bon, malgré le retour du culte de la minceur, malgré aux MPIC, etc. à mon avis, sont concernants plutôt pour ma génération à moi. Oui,

  • Speaker #0

    et puis quand même, les personnalités qui ont vraiment vanté les mérites de ce produit, c'est quand même Kim Kardashian, je crois, de mémoire,

  • Speaker #1

    et

  • Speaker #0

    Elon Musk. Donc c'est des générations aussi, peut-être que ne regardent pas les plus jeunes, je ne sais pas en fait.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai l'impression qu'elles ont plus le choix, alors que Les femmes notamment qui font un métier d'image, qui sont dans la trentaine, comme Kim Kardashian, je ne sais pas exactement quel âge elle a. Oui, je sais quel âge elle a,

  • Speaker #0

    35,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Voilà, trentaine qui vont arriver sur quarantaine, etc., basculer de ce côté-là, sont peut-être plus la clientèle en première intention.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    complètement. Et que la jeune génération va plus réchapper à ce truc-là, à part... On va dire une frange vraiment radicale de skinny talkers qui ne me paraissent pas être la majorité des femmes.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    J'ai quand même l'impression qu'on les voit beaucoup, on les entend beaucoup, aussi parce qu'on les dénonce beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, ça fait quand même un gros tollé sur les réseaux sociaux, toute cette tendance du skinny talk. Pour rappel, pour ceux qui n'ont pas suivi, c'était sur TikTok. Des femmes qui mettaient en avant leur corps particulièrement maigre. On n'était même plus dans la minceur, on était plutôt dans la maigreur. Et il y avait une apologie de la maigreur. Et aussi de conseils pour y arriver, je crois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je crois.

  • Speaker #1

    La totale. Bref,

  • Speaker #0

    la totale. Mais tu vois, pour revenir sur cette génération peut-être un peu plus décomplexée et qui se sent plus libre par rapport à ça, c'est intéressant quand même parce qu'on n'a jamais été dans une société aussi riche en éléments de comparaison. Parce qu'avant, quand il n'y avait pas les réseaux sociaux, la comparaison, c'était les gens qu'on voyait dans les magazines, c'était les stars, c'était la télé-réalité à la télé, etc. Donc le comparatif était moins important que là, sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, tu as accès au monde entier, à des gens qui sont potentiellement des amis, des collègues, etc. Donc les comparaisons sont beaucoup plus propices.

  • Speaker #1

    C'est super juste.

  • Speaker #0

    Alors qu'il y a quand même un mouvement de ces nouvelles générations qui essaient de se détacher de ça. Je sais pas, est-ce qu'on a atteint peut-être un extrême et du coup il y a un rejet de ce culte de l'image qu'on voit sur les réseaux sociaux, etc. ? Je sais pas.

  • Speaker #1

    C'est certain qu'on n'a pas fini de mesurer l'impact en termes d'imaginaire et de représentation des réseaux sociaux, et par là j'entends l'impact aussi positif. Oui, bien sûr. Parce qu'il ne faut pas se leurrer par rapport aux images avec lesquelles les filles adolescentes dans les années 90 comme moi ont grandi. Oui.

  • Speaker #0

    Avec les Kate Moss...

  • Speaker #1

    Voilà, en termes de diversité, c'est très très peu de choses. Et donc là, aujourd'hui, quand bien même les réseaux sociaux, tu as tout, du coup, tu as le pire, mais tu as aussi la diversité. Et donc, le miracle vient peut-être tout simplement de là, d'avoir accès à toutes ces images, toutes ces représentations possibles. Quand bien même il y a bagarre et il y a quand même injonction, il y a quand même tendance inquiétante et toxique, il y a forcément tout. Mais tu peux aller aussi être exposé de manière assez naturelle à des contenus qui, au contraire,

  • Speaker #0

    dénoncent ou sont plus dans la mesure, etc. Non, je suis complètement d'accord. Et donc du coup en tant que journaliste je trouve ça intéressant qu'on aborde ces sujets là parce que toi tu observes de près l'évolution et le retour en arrière potentiellement des discours sur le corps dans la société évidemment donc on a connu les dictats des années 90-2000 auxquels nous on a été confrontés où la minceur était évidemment la norme après il y a eu ce mouvement body positive bon aujourd'hui on sait plus trop si c'est toujours d'actualité ou pas parce qu'il y a un vrai retour en arrière avec Ces sujets que tu mentionnais tout à l'heure, l'Olympique, cette obsession du contrôle, tous les contenus skinny talk, etc. Et aussi, je lisais ça à la dernière Fashion Week, apparemment 95% des mannequins faisaient du 34 ou du 36, alors qu'en France, le 34, c'est 1,6% de la population.

  • Speaker #1

    Et encore du 36 pour un mannequin,

  • Speaker #0

    c'est beaucoup. Non, c'est sûr. Donc bref, il y a une vraie obsession du contrôle qui revient. Et à la fois, je le disais en introduction, une contradiction absolument hyper violente autour de la perception de la minceur avec des femmes comme... Enfin, je ne sais pas si c'est en intro ou en off, mais en tout cas, avec des femmes comme Anna Roy, qui est une sage-femme qui a écrit un livre qui s'appelle « Énorme » , dans lequel elle raconte son processus, comment est-ce qu'elle a perdu du poids, etc. Et elle s'est complètement faite bâcher là-dessus, cette perte de poids. Elle a même été accusée, je crois, de grossophobie. Enfin, je ne veux pas dire des bêtises, mais il me semble. Donc voilà, on est une société où on cultive la minceur, etc. Et à la fois, quand des femmes maigrissent, elles se font bâcher parce qu'elles maigrissent. Et je crois aussi que tu donnais un exemple dans « 76 kilos » de Lily Collins. Tu sais qu'elle a été critiquée parce qu'elle a fait appel à une mère porteuse. Alors, elle n'a pas été critiquée. parce qu'elle a fait appel à une mère poteuse. Elle a été critiquée parce que ça lui aurait permis de conserver sa ligne, apparemment. C'est complètement ambivalent, en fait, comme discours. On nous demande d'être minces, et puis après, quand on veut garder la ligne, on nous critique, et quand on perd du poids, on nous critique.

  • Speaker #1

    C'est toute la logique de « les femmes ne gagnent jamais » . Voilà. Et de... C'est un double standard en permanence. Lily Collins, on voit très bien qu'elle est... C'est quelqu'un qui est encore extrêmement filiforme de nature. Ce n'est pas une actrice qui s'affame ni rien.

  • Speaker #0

    Elle avait écrit un super bouquin,

  • Speaker #1

    Lily Collins.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si tu l'avais vu ou pas.

  • Speaker #1

    Non, je ne savais même pas.

  • Speaker #0

    Elle a écrit un bouquin, Lily Collins, sur son histoire, le rapport à son corps, etc. Je ne sais plus comment il s'appelle.

  • Speaker #1

    J'espère qu'elle ne parle pas d'anorexie dedans, sinon ça... Ah, c'est le cas. D'accord. Donc tu vois, moi je la voyais comme quelqu'un de naturellement filiforme. Donc c'est pas le cas.

  • Speaker #0

    Mais je l'ai lu il y a longtemps, donc je retrouverai.

  • Speaker #1

    Donc ça explique aussi le recours à une mère porteuse, et le fait qu'on lui fasse payer aujourd'hui comme étant un choix superficiel.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est bien de là.

  • Speaker #1

    Alors que parallèlement, Margot Robbie... Et puis après, je sais pas combien de temps Emily in Paris va continuer à être produit par Netflix, mais Clairement, dans son activité professionnelle, elle ne peut pas changer de corps. Qu'une femme fasse des arbitrages personnels en termes de vie privée pour sa carrière, de toute façon, c'est un truc sur lequel les gens vont juger, ils vont lui tomber dessus, parce que vu comme carriériste aussi. Et parallèlement au fait qu'elle avait accueilli... Un enfant ou deux, je ne sais plus si c'était des jumeaux ou un enfant, alors que Margot Robbie, parallèlement, se faisait tailler parce qu'elle avait flingué son corps à cause de la grossesse, qu'elle était déformée, etc. Il y avait vraiment les deux phases du même problème, avec cette manière de dire que vous avez échoué, que Lily Collins a échoué, que Margot Robbie a échoué, et qu'il n'y a aucun moyen, finalement. Si on écoute les réseaux sociaux aujourd'hui, d'être dans le juste.

  • Speaker #0

    et puis cette idée qui faillait être juste quelque part déjà extrêmement dérangeante aussi donc il y a vraiment et Anna Roy ce qu'on lui reprochait c'était son discours sur le fait de mincir vu

  • Speaker #1

    comme un moi j'ai lu son livre je l'ai pas lu et je te confirme Lily Collins a bien écrit un bouquin qui s'appelle Unfiltered dans lequel elle raconte son histoire quand elle était adolescente par rapport à l'anorexie,

  • Speaker #0

    la boulimie et ben voilà tu vois, je me suis fait moi la spécialiste du corps je me suis fait complètement avoir par l'image que j'avais d'elle enfin voilà pour moi c'était ce genre d'organisme qui naturellement brûle tout oui qui est un métabolisme le fameux métabolisme et donc Anna Roy alors à quel point suis-je grossophobe moi-même pour ne pas avoir perçu la grossophobie du bouquin je ne sais pas Mais j'étais hyper étonnée. Est-ce que ça vient de gens qui ne l'ont pas lu ? C'est possible. Est-ce que ça vient du fait que certains extraits soient difficiles à lire ? Je ne sais pas. Il y a un tel parcours, un tel cheminement chez elle de vie qui explique pourquoi elle s'est retrouvée à faire un certain poids, pourquoi elle ne le veut plus. et pourquoi elle a le sentiment de se retrouver et que son identité n'était pas au poids qu'elle pesait. Voilà, tout ça suit un cheminement logique, que je trouve qui est plutôt bien expliqué. Et effectivement, c'est devenu extrêmement difficile d'avoir ce genre de discours aujourd'hui, parce que ça met la tête dans la merde. ça met tout le monde la tête dans la merde en disant voilà moi j'ai fait cet effort là et c'est mieux pour moi etc faites la même chose c'est pas un discours qu'on peut entendre sans se dire, sans se positionner par rapport à lui et se dire qu'est-ce que moi je fais et que font les femmes qui sont en surpoids quand elles entendent ça et qu'est-ce qu'elles ressentent et tout ça est incroyablement légitime Et le problème, c'est la cohabitation entre le ressenti légitime d'Anna Roy, le ressenti légitime de certaines femmes dont on va dire qu'elles sont grosses, rondes, en surpoids, et qui souhaitent rester comme telles, et à qui indirectement ce livre vient dire non, c'est pas ce qu'il te faut. Comment tu fais, enfin comment tu vis en fait dans un monde où tout ça cohabite ? Donc il y a encore... Je pense une plus grande diversité de parcours possibles qui s'offre à nous aujourd'hui, mais on a encore tellement tendance à se projeter dans le parcours de l'autre et pas à dire voilà c'est son histoire, moi la mienne et autre. Et il faut toujours que ce soit validé par notre propre expérience en fait. Et à partir du moment où on n'arrive pas à se projeter dans le parcours de l'autre, ben c'est pas bon.

  • Speaker #1

    Oui c'est pas bon. Et c'est vrai, ça arrive souvent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui est devenu difficile aujourd'hui, c'est que tu as toujours la possibilité de faire du mal, d'offenser légitimement quelqu'un qui te lit. Tu peux faire légitimement du mal à quelqu'un qui te lit en étant pourtant toi tout à fait sincère et alignée dans ce que tu racontes.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qui était totalement la posture de Anna Roy, quand elle a écrit son livre. C'était pas pour culpabiliser les femmes, c'était pour raconter et livrer son témoignage.

  • Speaker #0

    Et on lui a reproché aussi notamment son discours par rapport au sucre. Oui, parce qu'il y a un vrai sujet aujourd'hui de savoir si oui ou non, c'est toxique, ça crée une addiction, etc.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle a totalement arrêté le sucre, en fait. Pour information, elle ne mange plus de sucre raffiné. Je pense qu'elle mange des fruits, etc.

  • Speaker #0

    Et je pense que là encore, on a un manque de... de vrais cadres médicaux, scientifiques. Par rapport à l'alimentation, à la minceur et ce que la minceur implique, aux manières de s'alimenter, on a un manque de repères vraiment que tout le monde prendrait pour acquis. Sur le sucre, il y a encore débat. Et le fait qu'il y ait débat sur autant de choses par rapport à l'alimentation, ne serait-ce que les différentes manières de se mettre en rééquilibrage alimentaire. Il y a 12 000 méthodes qui sont incompatibles les unes avec les autres et contradictoires. Ça fait que, voilà, on a moins de repères aujourd'hui qu'on en avait, même s'ils étaient mauvais, dans les années 90 ou 2000.

  • Speaker #1

    Le discours était plus simple, quoi. Ouais, un discours.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    On suivait le truc, alors que là, aujourd'hui,

  • Speaker #0

    t'as une diversité de solutions. Et du coup, de possibilités de se sentir un peu perdue. Ouais, complètement. Et d'acceptation du fait que... personne puisse avoir d'autres repères, que toi, tu puisses en avoir encore d'autres et que tout ça puisse en bonne intelligence coexister sur les réseaux. En même temps, c'est passionnant parce que tu apprends plein de choses à voir chaque camp exprimer ses convictions. Je ne sais pas où elle en est aujourd'hui, quelques mois après avoir sorti son livre. Mais ça a vraiment mis le doigt sur où on en est par rapport à la grossophobie aujourd'hui. Qu'est-ce qui est légitime ? À quel moment on est blessant ? À quel moment on est offensant ? Voilà. Moi, je n'ai pas la bonne méthode non plus. Et je pense qu'à chaque fois que j'ouvre la bouche sur le poids, je peux offenser des milliers de personnes. par rapport à ce que je dis, et c'est légitime qu'elles se sentent offensées, si moi je raconte mon histoire.

  • Speaker #1

    Et l'évolution de la presse féminine sur ces sujets-là, alors je ne parle pas forcément de la grossophobie en particulier, mais plutôt sur le traitement du corps, dans les magazines féminins, qu'est-ce que tu as pu constater toi depuis 20 ans ? Où est-ce qu'on en est là un peu ? Est-ce que les lignes ont vraiment bougé ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors la sémantique a bougé, ça c'est clair. On n'utilise plus le mot régime au L. Je ne suis même pas sûre que minceur, comme il y avait le spécial minceur. Avant ça, il y avait le spécial maigrir. Voilà, tous ces mots-là me semblent avoir disparu. On est plutôt sur un spécial, on va parler de forme, de bien-être. On ne va pas relayer le dernier régime à la mode. On va rester, et ça, ça a toujours été fort l'ADN du magazine, et je pense de ce type de magazine en général, on va être sur la gourmandise. Ça, c'est un truc qui va rester très fort, très ancré. Après, moi, ce que je trouve, à titre personnel, assez compliqué avec la presse féminine, c'est qu'elle suppose un talent au fourneau.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Que moi, je... Enfin, voilà. La base, c'est que tu aimes cuisiner, que tu sais cuisiner. Et ça, moi, il me semble qu'en 2025... Et que tu as le temps.

  • Speaker #1

    Et que tu as le temps.

  • Speaker #0

    Et que tu en fais une priorité. Moi, il me semble que ça, en 2025, ça pose quand même question. J'ai l'impression que socialement, dire que tu n'aimes pas faire la cuisine, c'est encore un truc problématique. T'es vue comme quelqu'un de sec de corps et de cœur. Enfin, tu vois, forcément, quelqu'un de vraiment épanoui ne peut que aimer faire la cuisine. Tu vois, il y a encore ce truc très présent, je trouve. Et du coup, quand je vois, moi, des figures de femmes, que ce soit dans des séries, des films ou des interviews de femmes qui disent « la cuisine, c'est pas mon truc » , tu vois, je suis là, je me dis « mais merci de le dire ! » Merci de le dire, juste parce que, voilà, pour moi, il y a ce dernier truc. de se dire une femme en 2025 pour peu qu'elle soit très occupée professionnellement ou socialement elle a le droit d'en avoir rien à faire de faire la cuisine de faire des recettes gourmandes et pourtant d'aimer manger et comment tu réconcilies ces trucs là donc ce savoir-faire culinaire qui est considéré comme acquis dans la presse féminine reste pour moi Le dernier endroit où il faut peut-être un peu travailler. Oui, changer des choses. Parce qu'après... En faire évoluer. Voilà. Après, ce qui est de ne plus utiliser les mots qui fâchent et d'être dans des propositions assez saines. Le job est fait.

  • Speaker #1

    Et dans les corps, peut-être qu'on montre aussi.

  • Speaker #0

    Et dans les corps.

  • Speaker #1

    Oui. Là, il y a encore des choses à faire évoluer quand même.

  • Speaker #0

    Là, c'est encore très, très, très compliqué.

  • Speaker #1

    Quand tu regardes les magazines, c'est toujours...

  • Speaker #0

    C'est super compliqué.

  • Speaker #1

    C'est assez lisse, quoi.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça, c'est pas un sujet valable que pour les magazines féminins, c'est un sujet aussi valable pour les marques, les marques de vêtements, etc.

  • Speaker #0

    C'est le saffron qui se mord la queue, et ceci explique cela. C'est-à-dire que, comment tu peux proposer autre chose quand tout le reste continue d'être promu ? Alors, après, on parle de gros annonceurs. des annonceurs qui vont avoir le budget pour mettre des pubs dans ton magazine. C'est le luxe. Ce n'est pas les petites marques florissantes de plus en plus nombreuses qui font poser des nanas de tout gabarit qui vont acheter une page de pub dans un magazine féminin. Et de là vient le problème. Le luxe est encore hyper vissé sur... À un moment donné, ce n'est même pas la minceur, c'est quasiment l'absence de... Je ne vais pas dire l'absence de corps, mais voilà. On en est presque là parfois. Ou alors le corps très sexy, mais moins en ce moment, je dirais. Et si les annonceurs dans la presse féminine étaient représentatifs de ce que nous on voit comme annonceurs, ne serait-ce que sur Instagram, je pense que par capillarité, tout changerait aussi dans les shootings et que ce serait beaucoup plus aligné. Dieu merci ! On a les réseaux sociaux pour voir des marques qui font des pubs sur des corps qui sont beaucoup plus divers et représentatifs de la rue. Et tant que de toute façon la presse féminine fonctionnera sur ce système-là de financement, c'est-à-dire que le prix du magazine en kiosque et les abonnements ne suffit pas à faire survivre le magazine. et que toi tu veux pouvoir continuer d'écrire dans ce magazine et de proposer des articles où justement tu remets en question, où tu parles de diversité, etc. Le problème, c'est que l'existence de ces textes est conditionnée par des marques qui ne promeuvent pas la diversité. Donc c'est un peu un truc de cheval de Troie, finalement. C'est d'essayer d'amener ce discours-là, et c'est fait de manière très consciente aux ailes. d'essayer d'amener ce discours-là et ces pistes de réflexion-là dans un magazine qui continue d'être visuellement, esthétiquement très marqué par les corps minces. Et c'est parce qu'il est marqué comme ça qu'il se vend et c'est parce qu'il se vend que tu peux parler aux lectrices de diversité. C'est absurde, mais on en est à essayer. de donner cette révolution douce de l'intérieur.

  • Speaker #1

    Et toi, tu y contribues ? Avec notamment ta rubrique Encore Heureux,

  • Speaker #0

    je trouve. Qui est une rubrique en ligne. Parce que c'est vrai que nous, on a un seul format de témoignage dans l'EL. C'est mon histoire, qui est très large et qui est multithématique. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est toi aussi qui gères cette rubrique,

  • Speaker #0

    non ? Il y en a toutes les semaines et en fait, ça tourne. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Régulièrement, il y a ton nom.

  • Speaker #0

    Toute la rédaction, elle tourne là-dessus. Et les formats vraiment spécifiques sur le corps avec autant de place, parce que c'est des interviews très longues. Oui. Le principe de Encore Heureux, c'est une interview très très longue, où vraiment tu laisses une femme raconter la manière dont elle a tissé sa relation avec son corps. C'est incompatible avec la presse papier parce que c'est trop long. Et on veut le faire souvent. Donc, l'astuce, c'est de faire sur le web, en se disant que... Voilà, ces textes-là vont quand même essayer d'être diffusés, de rayonner beaucoup. Et c'est vraiment la force du site web, c'est d'être sur le témoignage vraiment long. Et tu peux regarder les stats de trafic des sites féminins, le format témoignage au long cours, quel que soit le thème, ça peut être les relations familiales, le couple, c'est ce qui marche le plus. D'accord. Donc, les gens s'abonnent pour ça au site. et s'abonner à un site c'est quand même une démarche c'est pas tout le monde qui le fait donc voilà ces textes existent pour qu'ils existent sous cette forme, ils doivent être sur le web et sur le web ça marche donc on mène et c'est quand même identifié à la marque du L donc on mène ces batailles sur deux fronts simultanés donc on va être plus facilement sur le vêtement Et aussi le corps, ce que je trouve très intéressant et qui a été fait notamment tout l'��té au L, c'est de raconter le corps par une mère et sa fille. Le rapport à l'épilation, le rapport au bronzage, etc. Et de voir comment chaque génération vit le truc.

  • Speaker #1

    C'est intéressant.

  • Speaker #0

    Et donc, mine de rien, voilà, avec... Cet effort-là d'essayer de dire, faisant entendre en fait tous les vécus, on trouve des astuces. Et ça va être un sujet global et du coup on va y entrer par chaque personne et citer de manière assez courte. Et sur le web, on va faire l'exercice inverse, formalons.

  • Speaker #1

    Et par rapport à la rubrique Encore Heureux, est-ce que toi tu observes dans les récits des, on en parlait un peu tout à l'heure, mais des thématiques qui reviennent tout le temps ? Ou est-ce qu'à contrario, tu dirais qu'il y a une grande diversité d'expériences ? C'est peut-être un peu dédonnant.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai eu une remarque récemment sur Instagram me disant « Pourquoi toutes ces histoires tragiques, ça s'appelle « Encore heureux » ? » Et je comprends cette remarque, parce que c'est vrai que souvent, les femmes qui font la démarche de témoigner viennent avec un truc douloureux, l'envie de... de se réaligner, de résoudre quelque chose, plutôt qu'avec. Moi, je suis super bien dans mon corps et je vais vous raconter pourquoi. Il y a toujours une histoire de trucs qui sont soit douloureux, soit pas alignés. Et donc, j'ai essayé d'expliquer à cette lectrice qui me disait, encore heureux, ça correspond, tu vois, à la promesse. Et je disais, mais pour moi, il n'y a rien de plus heureux qu'être dans le récit. dans l'appropriation de son parcours, de raconter, de mettre des mots sur le truc. Et ce que je demande à chaque témoin, c'est toujours de finir sur une note positive. Ça, c'est la charte de la rubrique. Tu ne peux pas juste te faire plomber pendant 10 000 signes par quelqu'un qui est dans le schwarz total et qui ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Il y a toujours un truc. Il faut aller jusqu'au bout de l'histoire, du coup. Parfois, c'est en amorce du sujet. Parfois, il faut vraiment aller au bout. Et donc, pour moi... qui suis moi-même dans une démarche de dire, voilà, je ne suis pas dans le corps que je voudrais, mais je suis dans une démarche de m'interroger, de me raconter. Et en cela, je sens que mon corps est heureux parce que je le regarde, je l'interroge et tout. Pour moi, la promesse, elle est là dans le fait de prendre la parole, tout simplement.

  • Speaker #1

    Puis je trouve que c'est des discours où il y a beaucoup d'espoir aussi. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette avis de lectrice, mais après, évidemment, nos avis sont conditionnés aussi par nos histoires. J'ai témoigné dans cette rubrique, donc je le vois avec un regard différent, probablement. Mais moi, le mot qui me vient de cette rubrique, c'est le mot « espoir » .

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vraiment... Ce magnifique jeu de mots, « encore heureux » vient de Julie Dessagne, qui est la boss du digital chez nous. Et c'est vraiment quand elle m'a dit « est-ce que tu veux bien faire ça ? » et pour moi c'était un tel cadeau parce que c'était tellement solaire, ne serait-ce que le titre de la rubrique. Et en même temps, j'ai su tout de suite que tout ce qui était injonction, complexe, allait devenir essentiel à la rubrique. Que ça pouvait pas simplement être l'histoire d'une femme, comme je te le disais tout à l'heure, totalement bien dans sa peau, qui allait nous donner ses secrets pour être bien dans sa peau. Parce que c'est pas de ça dont on a forcément besoin. Il y en a, mais c'est pas la majorité.

  • Speaker #1

    Tu sais que moi je m'interroge beaucoup par rapport à ce podcast. Comment je le positionne. Parce qu'aujourd'hui je donne principalement la parole à des femmes qui ont des choses à raconter sur leur corps, avec des vécus très riches. souvent quand même assez douloureux. On ne va pas se voiler la face. C'était aussi l'objectif de ce podcast. Et de déconstruire aussi tous les schémas sociétaux, etc. Mais je m'interroge beaucoup sur aussi interviewer des femmes très solaires. Ce n'est pas parce que tu as une histoire douloureuse que tu n'es pas solaire. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais ces femmes qui n'ont jamais eu de complexe, qui sont hyper bien dans leur basket, pour qui le corps n'est même pas un sujet. pour aussi avoir une... Je ne sais pas, mettre des mots aussi sur ce que c'est qu'une vie aussi où le corps n'est pas un sujet. Et ouais, je m'interroge pas mal en fait. Alors je l'ai un petit peu fait avec une coach chez Dynamo qui s'appelle Justine Roja dans le dernier épisode. Mais on est parti sur un angle autour du mindset, donc de la détermination, du goût de l'effort, etc. Donc c'était axé corps, mais très lié au mindset, à la confiance en soi, etc. Donc c'était intéressant. Pardon, je referme la parenthèse, mais moi aussi ça m'interroge.

  • Speaker #0

    Je pense que le point commun entre tous ces parcours, c'est qu'il y a à un moment donné un truc atypique. Par exemple, récemment dans Encore Heureux, j'ai raconté l'histoire d'une femme qui a décidé de se raser le crâne. Aucun problème de... tu vois, d'injonction, il n'y avait absolument pas ça dans son témoignage. Mais se raser le crâne, c'est tellement atypique par rapport à ce que tu attends d'une femme.

  • Speaker #1

    Absolument, les cheveux...

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    l'élément central de la féminité.

  • Speaker #0

    Il y avait une histoire, et à chaque fois qu'on est dans un témoignage, puisque tu me demandais qu'est-ce qui revient de manière obsessionnelle, c'est toujours le poids. Et là, je pense que je peux faire un million d'épisodes dessus, il y aura toujours des gens pour aller lire. Et moi, je serais toujours fascinée de... Voilà, aussi parce que je m'identifie forcément, je serais fascinée d'écouter ces histoires-là. Donc, quand tu sors de cette problématique-là, du poids, et que ma foi s'est plutôt alignée, et que tout va bien dans leur vie, il y a toujours, à un moment donné, un truc singulier qu'elles ont envie de raconter par rapport à un choix qu'elles ont fait physique qui n'est pas... Comment dire ? consensuelle. Et donc, je pense que partant de là, si t'interviewes une nana qui est dans le sport à fond, c'est pas le quotidien de Madame Tout-le-Monde. Donc, il y a toujours matière à un petit peu équilibrer les choses pour être à la fois dans le vécu potentiellement des côtés traumatiques et le vécu un peu atypique.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison.

  • Speaker #0

    Puisque finalement, un destin de femme, c'est tellement... On s'en fait une image tellement figée, normée, que c'est très facile d'être atypique, en fait. Dès que tu échappes un tout petit peu aux millions de critères qui pèsent sur nous, hop, tu es originale.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison. Non, tu as raison. Est-ce que cette posture d'écoute, parce que tu as une posture d'écoute aussi, les échanges se font de manière écrite pour le témoignage encore heureux ? Mais tu as quand même une posture d'écoute toi, parce qu'il y a des allers-retours qui se font avec la personne qui est interviewée. Mais est-ce que tu dirais que cette posture d'écoute, elle t'apporte à toi des choses par rapport à tes réflexions, sur ton propre rapport au corps, etc., même si les histoires sont différentes de la tienne ?

  • Speaker #0

    Ça a clairement été un déclencheur pour moi. Je pense que j'en étais peut-être à... Là, j'en suis à quasiment l'épisode 37 ou 38. Je pense que c'est autour de l'épisode 10 où j'ai fait une interview avec une femme qui me racontait les années 90. Et là je me suis dit ok, en fait, il y avait trop de choses qui résonnaient vis-à-vis de moi, et pourtant je sais qu'on en parle souvent de cette époque-là et d'où on vient, etc. Rien de neuf peut-être, mais les mots qu'elle avait posés là-dessus... Sa manière de les décrire, ça m'a fait prendre conscience de beaucoup de choses que je pensais évidentes, que je n'avais pas regardé avec du recul. Donc, à partir du moment où j'ai fait cette interview-là, j'ai commencé à réfléchir à... Pardon, je souris parce qu'il y a ton chien qui est endormi au creux de ton coude et il est tellement, tellement mignon.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le gros dodo là.

  • Speaker #0

    Ah ouais, trop chou. Et donc à partir du moment où j'ai reçu ce témoignage, je me suis dit mais j'ai envie de raconter tout ça moi aussi. Pas la même chose parce qu'on n'a pas eu le même parcours, mais à quel point tout ça est puissant, à quel point tout ça est encore là.

  • Speaker #1

    Et utile aussi je trouve.

  • Speaker #0

    Et utile, exactement. Franchement. Et vraiment je ne remercierai jamais assez. Toutes ces 37 femmes dont tu fais partie qui m'ont fait confiance et qui m'ont raconté de manière aussi fouillée et sincère ce qu'elles ont vécu.

  • Speaker #1

    Et tu sais, pour la petite histoire, c'était l'année dernière, donc moi, c'était l'année dernière. Et pour la petite histoire, c'était à la même époque, c'était juillet-août où je t'ai envoyé mes réponses. C'est drôle quand même qu'un an après, à la même période, du coup, on se voit et on échange. On échange les rôles.

  • Speaker #0

    Nous sommes les compagnies estivales. C'est vrai, tu parlais de posture d'écoute. Moi, c'est vrai que je suis habituée à...

  • Speaker #1

    On n'a pas parlé de ça.

  • Speaker #0

    Voilà, à écouter. J'écoute le vécu des autres. Je raconte le mien de manière très contrôlée. Je dis ce que je veux dire. J'écris ce que je veux écrire. Il n'y a personne qui me relie parce que c'est publié sur une plateforme. Je fais quand même relire à un copain à moi qui est un homme de 59 ans. C'est important aussi de le savoir. Pour moi, si lui, il l'a senti, ce que j'ai voulu transmettre dans le chapitre, c'est que c'est bon.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas s'il écoutera ce podcast, mais je le sais, lui s'appelle Yves. Donc, moi, j'ai vachement de contrôle dans le choix de mes mots. Et du coup, pour moi, l'exercice qu'on fait aujourd'hui, il est vraiment assez inédit parce qu'interagir... chercher justement à penser à voix haute, chercher les bons mots, c'est quelque chose dans quoi je ne suis pas du tout au quotidien, ni en tant que journaliste, ni en tant qu'auteur. Donc merci de renverser la chaise.

  • Speaker #1

    Merci de m'admettre à cet exercice, et qui n'est pas évident en plus, c'est-à-dire de formuler une pensée claire, qui reflète précisément ce qu'on ressent, ce qu'on pense, etc. Ce n'est pas si évident que ça à faire. écoute je voudrais qu'on termine sur cette thématique du corps et du soin comment est-ce que toi tu prends soin de ton corps au quotidien ça peut être aussi en lien avec les saisons parfois

  • Speaker #0

    les femmes ont des pratiques quand on change de saison etc quels sont tes outils vraiment mon obsession c'est de ne pas être fatiguée donc Merci. Donc je vais vraiment trouver toujours le temps d'aller me coucher suffisamment tôt pour avoir mon quota de sommeil. Mais je ne vais pas trouver le temps d'aller faire du sport.

  • Speaker #1

    C'est une question de priorisation.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est-à-dire qu'il y a un truc qui est... C'est certainement cette histoire de corps performant avec laquelle je me bagarre encore un petit peu et de me dire que je ne vais pas prendre de plaisir, que ça ne va pas être source de plaisir alors qu'aller se coucher... C'est un plaisir. Oui, oui, bien sûr. Voilà, c'est immédiat. Donc, il y a ce truc-là. Donc, il y a ce truc par rapport au sommeil qui est le premier soin. Encore une fois, le moins indolore. Tu ne pousses pas dans tes retranchements en allant te coucher.

  • Speaker #1

    Et tu parlais tout à l'heure de troubles du sommeil. Tu es sujette, du coup,

  • Speaker #0

    des insomnies. Oui, oui, oui. Je suis hyper vigilante. Donc, c'est-à-dire que le moindre son me réveille. Je mets beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à me rendormir. Par rapport à mon compagnon qui est un ancien pompier volontaire et qui donc se rendort sur commande. Forcément, tu t'es appris à fonctionner comme ça. Depuis que j'ai 40 ans, je dirais que le maquillage est vraiment devenu central. Parce que je me réveille avec... Finalement, tout gravite autour du sommeil dans le soin chez moi. Je me réveille avec cette tête, c'est Florence Foresti qui, dans ses bonnes années, avait fait un sketch là-dessus sur le fait que tu te réveilles avec la gueule plus fatiguée le matin que la veille au soir en allant te coucher. Donc j'ai franchi ce cap. Du coup, le soin, du maquillage est vraiment un truc dans lequel je trouve plaisir, créativité, expression de moi-même. déploiement.

  • Speaker #1

    Donc tu changes tous les jours de make-up ?

  • Speaker #0

    J'apprends beaucoup par rapport à ma physionomie. En termes de colorimétrie, ce qui vraiment va me donner le plus d'éclats. Je ne veux pas dire que je suis éclatante au quotidien, mais en tout cas, c'est ce que je vise. Ce que je vise, c'est non pas un certain... type de beauté ou une certaine tendance de beauté mais à avoir l'air le plus frais possible donc ça c'est vraiment les deux trucs principaux après l'hydratation du corps à mort, donc intérieur extérieur, ça c'est non négociable je prends le temps après chaque douche de me crémer de la tête aux pieds je bois 2 à 3 litres par jour sans problème, ça y a vachement de... voilà C'est même pas de la rigueur, c'est-à-dire que ça vient naturellement. Et ensuite, sur les soins qui peuvent être plus ponctuels, là, je tombe dans cet écueil de je suis dans le mental, je suis dans ma tête. Si je vais faire un massage, je vais avoir 12 000 idées de papier, de boulot pendant le massage, donc je vais pas en profiter. Donc j'essaie de pas y mettre trop d'argent parce que, voilà, je suis à un stade de ma vie où j'en profite pas réellement. Et j'ai pris l'option bien-être de ma mutuelle pour avoir une petite enveloppe annuelle qui est trop petite à mon goût d'ostéopathie, diététicienne, tous ces trucs-là qui font partie des moments que moi j'aime bien m'accorder. Je trouve ça dingue que ce soit une histoire de bien-être et que ce soit plafonné. Mais bon, toujours est-il que... Je sais que je consacre plus d'argent à financer mes éventuels problèmes de santé via ma mutuelle, parce que je ne suis pas salariée, donc tu le sens vraiment directement plein pot sur tes finances. Après en avoir pris une planchée, je me suis dit que je mets une certaine somme pour me dire que je peux avoir des problèmes de santé, c'est couvert, et je prends soin de moi de cette manière-là, en étant déjà dans le budget. Et de me dire que c'est une bonne manière de dépenser mon argent. Même si quand tu fais le calcul, tu vois que tu ne t'y retrouves pas.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais ça peut paraître débile ou aller de soi, mais je pense que pour les gens qui bossent en indépendant, le choix de la mutuelle et l'entente de la mutuelle, c'est un sujet.

  • Speaker #1

    Et pour le mental, est-ce que tu fais des choses ? La méditation ?

  • Speaker #0

    Mais jamais ! C'est mon idée de l'enfer, la méditation. C'est-à-dire que... Je sais, hein. à quel point c'est pas possible de dire ça que juste je passe à côté d'un immense plaisir et qu'un jour peut-être je changerai d'avis c'est mon idée de l'enfer, de l'enfermement voilà j'ai vécu une adolescence un peu sous cloche, j'avais pas le droit de sortir donc j'ai eu une vie intérieure très riche on va dire ce qui fait que ça bouillonne dans ma tête en permanence Oui. Et me demander de ne plus penser à rien, c'est juste la négation de mon fonctionnement profond, de la manière dont j'ai été élevée, de la place que je pouvais prendre dans l'espace public, la plus réduite possible parce qu'on avait peur pour moi et donc je restais chez moi, je ne me baladais pas dehors. Et je remarque souvent un lien entre, alors je me gourre peut-être, mais les femmes qui font de la méditation. Ce sont souvent des femmes qui vont faire du sport à l'extérieur, qui ont cette pratique-là que moi je n'ai pas. Et donc voilà, pour moi, l'idée de m'enfermer avec mes pensées qui déjà m'empêchent de dormir, alors je sais, si j'y arrivais, je dormirais mieux, etc.

  • Speaker #1

    Bon après on sait pas.

  • Speaker #0

    Voilà. Bon, il paraît.

  • Speaker #1

    Et peut-être des activités créatives, parce que tu vois, en fait, prendre soin de son psychisme, bon, heureusement il n'y a pas que la méditation. Mais ça peut être aussi, je sais pas, des activités créatives, ça peut être de la lecture aussi,

  • Speaker #0

    c'est une forme... Alors, la lecture, ça réinitialise de dingue, j'essaie de vraiment...

Description

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Charlotte Moreau, journaliste au magazine ELLE où elle explore les liens entre pop culture, mode et corps, et autrice du récit autobiographique 76 kilos. Dans ce texte intime, elle raconte avec une grande honnêteté son rapport au poids, à l’image et à l’héritage familial, en questionnant ce que signifie habiter son corps dans une société saturée d’injonctions.


Depuis près de vingt ans, Charlotte donne une voix sensible et éclairante aux vécus corporels des femmes à travers ses articles, ses livres et sa rubrique « En corps heureux » dans ELLE.


Dans cet épisode, nous revenons sur son parcours, de l’enfance marquée par la culture du bronzage, de la minceur et de la coquetterie, à la quarantaine où elle affirme : « il faut que je sois là où j’ai envie d’être avec mon corps ».


Charlotte évoque l’évolution de son rapport aux vêtements, sa relation à la nourriture, les kg liés au couple, le corps fragmenté et les corps dits midsize — ni minces ni gros — souvent invisibilisés.


Elle revient aussi sur l’écriture de 76 kilos, son pouvoir thérapeutique, et partage son regard de journaliste sur les paradoxes contemporains entre injonctions et acceptation, ainsi que sur la force des témoignages recueillis dans « En corps heureux ».


Enfin, nous parlons du soin : ses rituels, la place centrale du sommeil et ses réflexions sur le mouvement et la manière d’habiter son corps à la quarantaine.


Un échange sincère et lumineux, qui interroge nos blessures mais aussi nos possibles réconciliations avec le corps.


L’épisode est disponible sur toutes les plateformes d’écoute (Apple Podcast, Spotify, etc.).


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Charlotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Vivre son corps.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'accueillir sur ce podcast aujourd'hui pour une conversation intime, à la fois donc personnelle mais aussi je pense collective sur le thème du corps, donc celui qu'on habite, qu'on regarde et que l'on juge aussi, parfois trop vite, parfois avec un peu de dureté.

  • Speaker #1

    Ce sont trois verbes qui résonnent beaucoup pour moi.

  • Speaker #0

    Génial, on en parlera alors. Habiter, regarder juger ouais c'est On rentre dans le cœur du sujet dès le début de l'introduction. Donc, depuis plusieurs années, tu explores le sujet du corps. Avec beaucoup de justesse, je trouve, dans ton métier de journaliste, puisque tu es journaliste chez Elle. Mais aussi dans ton récit autobiographique bouleversant, qui s'appelle 76 kilos, dans lequel tu racontes avec pudeur, humour et lucidité. En tout cas, c'est ma perception. Ta propre relation au poids, à l'image de soi et au regard des autres. On s'est rencontré autour d'un projet éditorial que tu as lancé pour le magazine Elle, donc c'est la rubrique Encore Heureux, E-N plus loin C-O-R-P-S, une série de témoignages sensibles où les femmes racontent leur rapport à leur corps et à laquelle j'ai eu la chance de participer, donc on en reparlera. Et j'ai très vite senti chez toi une écoute et une empathie assez rare, je dois dire. Aujourd'hui, dans cet épisode, on va parler ensemble du rapport à ton corps, donc depuis l'enfance, en passant par l'adolescence et jusqu'à aujourd'hui. On va parler évidemment de complexe, mais aussi peut-être d'apaisement. On parlera donc de ton récit « 76 kilos » , j'en ai parlé, des thématiques que tu y abordes, comme par exemple les corps mid-size, ces corps que l'on qualifie de ni minces et de ni gros. On abordera l'importance de prendre la parole pour reprendre possession de son corps. Ça, c'est un sujet, moi, qui me tient particulièrement à cœur. On parlera aussi de cette tension permanente entre acceptation de soi et injonction contemporaine, parfois déguisée sous les évis du bien-être ou de la santé. Et puis le paradoxe de notre époque, où on peut être célébré pour sa liberté corporelle et en même temps attaqué pour avoir perdu du poids. On discutera de l'impact des médias sur tout ça, et ça sera aussi l'occasion de revenir sur ton travail de journaliste, et notamment cette rubrique Encore Heureux que j'évoquais à l'instant. Et comme toujours dans ce podcast, on prendra le temps d'évoquer le soin du corps, du mental, et les rituels qui t'aident à te sentir peut-être un peu plus chez toi, dans ton corps.

  • Speaker #1

    Rendez-vous pour 24 heures d'enregistrement. Voilà.

  • Speaker #0

    Non mais on peut aussi faire en deux temps. Donc tu viens aujourd'hui puis tu reviendras plus tard. Comme ça, il y a aussi une chronologie. Donc pour commencer, Charlotte, est-ce que tu pourrais, si le tablette, te présenter en quelques phrases auprès de ceux qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle donc Charlotte Moreau. J'ai 44 ans. Je suis journaliste et auteur. Et j'écris sur la pop culture. la célébrité en particulier, sur les vêtements et sur le corps. Donc du coup, ces trois thématiques se sont entrelacées au fil des années. Au début, j'étais vraiment ciblée pop culture. Et puis la mode est arrivée un peu plus tard. Et puis une fois que vous attaquez la mode, vous débouchez toujours sur le corps. Il y a une sorte de connexion fatale entre les deux. Donc voilà, c'est trois thématiques qui m'occupent à la fois en tant que journaliste et auteur, les unes nourrissant les autres et inversement.

  • Speaker #0

    Tu avais lancé un podcast, je crois, un podcast qui s'appelait « Mode » , non ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, j'ai fait. En fait, j'ai écrit un livre qui s'appelle « Le dressing code » , « Comment porter enfin l'intégralité de votre garde-robe » . Et du coup, j'en ai fait une sorte de prolongation via un podcast en six épisodes. qui rayonne autour de thématiques centrales dans le livre, de rapports à l'image de soi, à l'acte d'acheter, à la construction d'une garde-robe et d'une identité par le vêtement. J'ai adoré faire ça parce que je trouve que vraiment, pour en avoir beaucoup parlé avec la communauté qui me suit depuis à peu près, quasiment 20 ans maintenant, parce que j'ai commencé par un... Parler des vêtements à travers un blog avant de le faire professionnellement et avant de le faire par le biais des livres. Donc ça fait quasiment 20 ans que je discute avec des femmes de vêtements et donc de leur corps. Et je vois que les questions restent quand même centrales sur l'identité, l'autorisation, l'image, le confort. si ça reste... Heureusement, le Covid a mis un petit coup de pied dans la fourmilière, mais ça reste quand même un de mes premiers articles pour le site du L, parce que d'abord j'ai travaillé pour le site avant d'entrer au magazine papier. C'était que l'inconfort vestimentaire était la norme pour les femmes, que les hommes n'achètent et ne s'habillent pas du tout de la même manière que nous. Et Dieu merci, on est de la génération qui est en train de voir ce truc-là un petit peu se... Voilà, je ne vais pas dire s'effondrer, mais se désagréger un petit peu. Et toute cette idée que le confort n'est par exemple pas compatible avec, je ne dirais même pas l'élégance, mais le style, juste le style, et encore besoin d'être désamorcé, notamment.

  • Speaker #0

    Écoute, je ne peux pas m'empêcher de penser à ma sœur, puisqu'elle a monté une... Une marque qui s'appelle Maison Figura, donc une marque de vêtements d'intérieur, mais aussi d'objets, des coussins, des plaids, etc. Et en fait, elle a lancé cette marque exactement pour ça, après le Covid, parce qu'elle s'est rendue compte que les femmes, quand elles rentraient chez elle, elles se changeaient pour justement trouver du confort. Et en fait, elles se changeaient souvent avec des vêtements que tu n'as peut-être pas trop envie de montrer si quelqu'un vient chez toi. Donc des choses, des vieux joggings, trouées, etc. pas vraiment dans l'élégance. Et donc, l'objectif, c'est que les vêtements qu'elle propose, allient à la fois esthétisme et confort. Parce que, comme tu le disais, la façon dont on se vêtit, c'est aussi une manière de parler de soi. Il y a aussi une forme de respect, je trouve, dans la manière dont on s'habille. C'est important de porter des vêtements qui ne soient pas forcément troués, tachés, etc. Ça peut arriver, mais je veux dire, au quotidien, il y a un vrai lien entre... Entre tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a une vraie réconciliation à faire sur le fait qu'un jogging n'a pas besoin d'être abîmé ou troué. Ça peut être un beau jogging.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Moi, c'est vrai que j'ai le sentiment d'avoir des évidences qui ne sont pas forcément partagées. Je travaille aux ailes, mais surtout j'ai grandi en lisant elles. Il y a toujours eu, dans les séries mode, dans tous ces corps de femmes qui étaient présentés, le mélange entre très bien très féminin, très délicat, très fragile potentiellement, et le sportswear. Là, c'est vraiment l'identité à fond du magazine. Et donc, cette idée que le sportswear est forcément négligé, abîmé, me heurte profondément esthétiquement, parce que je trouve que c'est quelque chose qui est super puissant en termes de style et de contraste de style. Et je pense qu'il y a beaucoup de solutions à trouver par ce biais-là, en fait, de mélanger des pièces comme ça au reste et de trouver quelque chose de très créatif et de très confortable à la fois.

  • Speaker #0

    Complètement. Écoute Charlotte, la première question que je pose à tous mes invités, c'est la suivante. C'est une question qui est assez simple en apparence, mais qui, je trouve, en dit beaucoup. Comment est-ce que tu te sens dans ton corps ici et maintenant alors qu'on s'apprête à démarrer notre conversation ?

  • Speaker #1

    Alors je ne suis plus essoufflée, parce qu'on est au cinquième étage sans ascenseur. Et en fait, et ça va en dire long sur mon rapport à mon corps, j'ai vécu cette montée des marches comme un suspense, c'est-à-dire je me suis dit à quel moment je vais être essoufflée, à quel moment les cuisses vont tirer un petit peu. Je dirais que ça s'est produit entre le troisième et le quatrième étage, ce qui est un peu décevant pour moi. Merde, sitôt ! Et donc je suis arrivée ici, j'étais complètement hors d'haleine quand je suis rentrée et que je t'ai saluée.

  • Speaker #0

    Alors je ne l'ai pas perçue comme ça.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment... Voilà, ça pouvait passer pour de l'émotion, des fusions, mais j'étais vraiment essoufflée. Donc voilà, il y a ces deux trucs en fait. Il y a vraiment la sensation physique du corps où ça y est, je suis redescendue à à peu près quelque chose de confortable physiquement. Et le fait que je suis quand même très installée dans mon corps image. Vraiment, j'ai pensé à la tenue que j'allais mettre pour venir te voir, sans penser que potentiellement il y aurait quelque chose de visuel à faire. Aussi parce que maintenant je me dis, vu le job que j'ai, ça a toujours été un plaisir, si tu veux, de réfléchir à ma tenue et aux messages qu'elle envoie, etc. Mais là, c'est devenu carrément une douce obligation.

  • Speaker #0

    Oui, pour qu'il y ait une forme de cohérence, tu veux dire,

  • Speaker #1

    entre ton discours et l'image. Et par ailleurs, je pense que le corps-image, c'est vraiment quelque chose qui a été très important dans la manière dont je me suis construite, mon identité, ma culture familiale, etc. Et là, je suis à un stade de l'année où il y a quelque chose de très important pour moi dans ma culture familiale, c'est que je suis un peu bronzée. D'accord. Et donc... Donc ça, ça fait partie des grandes mythologies familiales dans ma famille de femmes. Vraiment, on est très majoritairement des femmes. Et il y a toujours cette idée que le bronzage est notre plus beau vêtement, notre plus beau look, la manière la plus indolore de se sublimer par rapport à des familles où tu peux avoir une forte culture, par exemple, de l'effort physique. Tous les enfants font du sport ou un sport. Nous, c'est tous les enfants bronzés. D'accord.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'une famille qui vient du sud de la France ou qui vient d'une région où il y a du soleil ?

  • Speaker #1

    Absolument pas. Et c'est là que, du coup, ça devient une occupation et vraiment un souci. C'est qu'il fallait mettre en place les conditions du bronzage. Il fallait donc faire la crêpe, comme on disait. Moi, je suis née en 1980 et ma mère est une boumeuse, comme on dit. Donc, ça impliquait de faire la crêpe, donc d'y passer du temps, d'avoir la bonne météo. Donc, on est très météo-sensible dans la famille. très... Voilà, revigorée par le soleil, très plombée par la pluie. Tout ça, mine de rien, s'est mis en place au fil des années. Moi, j'ai deux grandes sœurs en plus qui sont beaucoup plus âgées que moi. Donc moi, je suis née en 80 et mes sœurs en 66 et 70. Et donc, voilà, j'avais ces corps de femme face à moi, étendues, bronzées. Moi, j'ai une peau qui prend beaucoup moins le soleil que celle de mes sœurs et de ma mère. Dans la famille, je suis à la fois la moins bronzée, la moins mince. Donc il y avait vraiment ce truc-là du bronzage et de la minceur qui était vraiment la base en fait dans la famille, où on a des assiettes bien pleines, le goût des réunions familiales, des grosses tablées, des buffets, des plats bien présentés, de se resservir, mais comme si ça n'avait aucun impact en fait sur la silhouette. C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a une incompréhension entre prendre du poids... et la quantité qu'on avale. Il y a... En fait, c'est un lien qui n'est pas fait dans ma famille. Tous censés beaucoup manger et tous censés rester minces. Et récemment, il y a une phrase que m'a lancée ma mère, que je citais d'ailleurs dans mon projet 76 kilos, dont tu parlais tout à l'heure. Elle me disait, mais de qui tu tiens ?

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai lue, cette phrase. Ça m'a marquée, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ce genre de phrase, voilà, ce qui... Assez révélateur sur la famille, la manière dont on se construit les unes par rapport aux autres, de qui tu tiens. Ça a vraiment été les deux critères esthétiques les plus forts avec lesquels j'ai grandi. Le corps mince et bronzé, la sensation d'être différente par rapport aux autres femmes de ma famille. Parce que vraiment, si je prends la famille élargie, tout le monde est plus mince que moi. Et le fait qu'aujourd'hui, si ma mère me voyait là, elle apprécierait le reste de bronzage que j'affiche. Et c'est pareil, c'est une saison où on est censé être au top, être le plus accompli de manière corporelle. C'est le mois d'août, normalement on est au top de nous-mêmes à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et à partir de quel âge, tu dirais, t'as senti que ces sujets-là avaient une importance dans ta famille à l'adolescence ? Non. Dès la petite enfance, tu as déjà des souvenirs ? Parce que tu voyais peut-être ta maman s'exposer au soleil ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu un souvenir, j'ai le souvenir assez tardif de m'être dit en fait, il n'y a pas de nécessité à passer tes journées de vacances allongées pour prendre le soleil. Je crois que mon déclic, il a été vraiment... J'avais vraiment 25 ans passé et j'avais passé des... C'était la rentrée... au journal pour lequel je travaillais à l'époque, je travaillais au Parisien, dans lequel j'ai écrit très longtemps. Et je suis rentrée de vacances en ayant vraiment passé plusieurs heures par jour à m'exposer, et un de mes collègues, que j'adore, m'a dit « Ah, mais t'es pas partie ! » Et là, en fait, il y a plein de trucs qui se sont mis en place. C'est-à-dire que j'ai perçu enfin l'absurdité d'y passer autant de temps pour un tel résultat. puisque le résultat, ce n'est pas simplement le regard que je porte sur moi, mais aussi le regard des autres. Et là, je me suis dit, en fait, mon corps ne peut plus, ne veut plus, parce que j'ai le souvenir d'avoir quand même un peu réussi à bronzer quand j'étais petite, où là, pour le coup, je passais du temps dehors, mais pour jouer. pas allongée, inerte. Et donc, ce qui est le meilleur bronzage, finalement, là, il venait assez naturellement. J'ai le souvenir de beaucoup de biafines, de beaucoup de coups de soleil. Et j'ai l'impression que passé un certain âge, ça ne marchait plus. Un peu comme les régimes, au bout d'un moment, en force d'en avoir trop fait, ne marchent plus. Le corps ne bronzait plus. Et donc, tout ça, assez tardif, finalement.

  • Speaker #0

    Et dans ta famille, est-ce que le corps était un sujet au-delà de la dimension bronzage, esthétique, etc. ? Donc tu parlais de minceur, est-ce que tu te souviens de discours autour de la minceur ? Est-ce que le corps existait vraiment en tant que tel ? Est-ce que ta maman par exemple mentionnait la minceur de tes sœurs ? Est-ce que c'était un sujet ou pas ?

  • Speaker #1

    C'est ça l'été, mais en creux, c'est-à-dire qu'il pouvait y avoir des conversations sur l'absence de minceur. D'accord,

  • Speaker #0

    assez tournée dans l'autre sens.

  • Speaker #1

    Tournée dans l'autre sens, assimilée au laissé-aller, de manière assez classique, un manque de raffinement. Oui,

  • Speaker #0

    manque de volonté.

  • Speaker #1

    Voilà. Et à côté de ça, l'absence de coquetterie étant aussi perçue comme anormale. Il n'y avait pas vraiment de discours direct sur qu'est-ce qu'il faut faire puisque c'est normal, c'est évident. Il y avait plutôt des sujets, et là c'est plutôt du côté de ma mère, moins mes sœurs, des sujets sur c'est pas bien de ne pas faire tout ça, voilà ce que ça donne, c'est pas des corps auxquels on a envie de ressembler, il y a quand même un minimum, etc. Donc cette idée d'être... coquette, d'avoir une culture non pas du bien-être au sens healthy, sain, du terme, de l'activité physique, on n'était pas du tout là-dedans mais vraiment esthétique, cosmétique, vestimentaire. Le fait de se maquiller, d'aimer ça, de voir ça comme quelque chose de très positif, quelque chose qui veut dire qu'on va bien aussi. Il y a eu de manière assez nette, vraiment dans mon histoire familiale, des moments où pas de maquillage, ça voulait dire que je vais très mal. Et donc ça, ça a contribué aussi avec est-ce que ça a formé mon goût ou est-ce que c'est venu s'y ajouter ? C'est encore un truc à élucider. Mais je dirais que dans ma famille, on a cette idée que l'ornement, donc cosmétique, vestimentaire, maquillage, etc. est quelque chose de très positif, de très créatif, de... Et qui est une manière de se façonner, en fait, qui est vraiment une histoire d'identité. Pour moi, ça a été logique, tout ça. Et en fait, quand j'y réfléchis aujourd'hui, et que je vois vanter, à droite à gauche, le naturel comme étant la vraie forme de beauté, c'est quelque chose qui me heurte beaucoup. Parce que, déjà, je trouve ça injuste sur le plan, ne serait-ce que génétique. Enfin, voilà. Et puis assez triste, quoi. Ça veut dire que ton identité, c'est ce avec quoi tu nais et puis c'est rien d'autre. Tu ne peux pas te forger de destin, tu ne peux pas exprimer d'individualité. Et j'entends évidemment à quel point la presse féminine, et notamment le titre pour lequel je travaille, peut être vue comme une forme de tyrannie blindée d'injonctions. Et j'entends ça, mais j'ai envie de répondre aussi que l'ornement peut aussi être autre chose qu'une injonction. Ça peut être une manière de se célébrer, de se construire, d'être plus, tout en étant... Moi, je suis très tranquille avec le fait que je ne suis pas une femme puissante. Je suis ok avec le fait d'être médiocre sur tout un tas de sujets, donc je ne suis pas à la recherche d'une version optimisée, mais tout le côté créatif vraiment de l'ornement, d'une manière générale, que ce soit vêtements ou maquillage, me procure une joie profonde. Donc ça, je pense que cette sérénité-là est familiale aussi, donc c'est un truc que moi je trouve très positif, et que ça coince pour moi au moment où je dévie du... de ce qui n'est pas de l'ornement, c'est-à-dire de ce qui est vraiment le corps, l'organisme du corps, le poids, et où là, je vois que je ne fit pas avec les images avec lesquelles j'ai grandi.

  • Speaker #0

    Ou les standards même de société.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu as dit plein de choses hyper intéressantes, je trouve. En fait, c'est une question aussi de juste milieu, tu vois, par rapport à comment est-ce que tu utilises les ornements, les habits, le maquillage, etc. Forcément, si tu es dans un excès au point de ne pas pouvoir sortir de chez toi non maquillée, Parce que c'est trop douloureux, ou parce que... Ça interroge peut-être des choses sur notre société aussi. Sur l'acceptation de la beauté naturelle. Parce qu'aujourd'hui, avec tous les réseaux sociaux, etc., on est au contact de femmes qui ne représentent pas forcément la vraie vie, entre guillemets. Enfin, on est au contact de femmes qui représentent la vraie vie, mais il y a quand même beaucoup de sophistication, etc., sur la partie maquillage, habits, vêtements, etc. qui, du coup, je trouve, biaise un peu notre regard, habite notre regard à des choses qui ne sont pas vraiment réelles, en fait. Donc, moi, je trouve ça intéressant aussi, cette tendance de la clean beauty, dans le sens pas clean, environmental friendly, mais clean beauty plus dans le sens où on revient au minimalisme parce que ça montre aussi une autre facette de la beauté des femmes, une beauté assez naturelle, en fait, tout simplement. Mais je te rejoins.

  • Speaker #1

    c'est extrêmement ambivalent comme beaucoup de choses d'ailleurs en matière de beauté et de critères de beauté féminin parce que moi je considère et je non je constate plutôt que je ne considère que pas mal de nanas qui ne se maquillent pas sont extrêmement minces, blanches privilégiées csp plus ça ça se si je fais le tour de tous les comptes instagram et newsletter mode que je consulte et lis c'est quand même ça ... et que le maquillage dans certaines sphères est vu comme quelque chose d'un peu peuple voilà réservé aux moches et qu'il y a tout ce truc là que moi je sens assez puissamment et qui m'agace parce que voilà la vérité est un petit peu au milieu de tout ça et que j'entends notamment que quand t'as grandi dans une Dans une culture familiale où la mère n'est pas coquette et où elle a une identité puissante, une personnalité extrêmement solaire et affirmée, c'est normal que soit ça ton modèle de féminité.

  • Speaker #0

    Ton référentiel.

  • Speaker #1

    Non mais voilà, c'est logique. C'est clair. Et à côté de ça, je me méfie donc vachement de ce discours que je trouve... facilement un petit peu happy few de dire tout ce qui est clean beauty et naturel c'est pour une certaine catégorie de personnes qui fit déjà pas mal de critères morphologiques notamment socio-économiques

  • Speaker #0

    aussi c'est tout un business il y a tout un marché sur Instagram là-dessus t'as raison, les influenceuses qu'on voit elles sont toutes hyper minces plutôt CSP++ non mais je te rejoins si on parle de ton corps si tu regardes un peu en arrière sur ton parcours comment est-ce que tu décrirais en un mot la relation avec ton corps la relation que tu as construite je vais être je

  • Speaker #1

    vais pas être très originale je vais vraiment dire mentale tout en ayant une forme j'ai vraiment une énergie qui est de type nerveux je suis allée récemment pour la première fois chez une acupointe ponctrice qui m'a confirmé ce dont je me doutais. Elle m'a dit votre énergie, alors après on y croit ou pas, elle m'a dit votre énergie, elle circule entre le cœur et la tête. Le reste du corps, donc tout ce qui est symbolique de la performance, le mouvement, ça ne circule pas bien. Ça se voit même sur mes jambes, j'ai une circulation catastrophique qui fait que j'ai les jambes marbrées. Et donc tout ce qui... Et ça, ça s'est construit aussi par l'inquiétude de ma mère. que j'ai vraiment intégré, je pense, quand j'étais petite fille, dès que tu... Je n'étais pas la petite fille qui grimpe aux arbres, clairement, parce que ma mère était dans... Attention, ne te fais pas mal, ne fais pas ceci, ne cours pas, ne tombe pas. Et donc, je pense que c'est mis en place à ce moment-là quelque chose de l'ordre du... Mon corps ne va pas être performant. Je ne peux pas lui faire confiance pour réaliser un truc. Je suis maladroite. je suis mal coordonnée. Et c'est terrible, je sens que je reproduis auprès de mes filles. Donc il y en a une qui est plutôt... qui a réussi à ne pas trop se laisser imprégner là-dessus, il y en a une autre qui fait tout tomber, littéralement tout lui tombe des mains. Et je me dis, putain, j'ai mis quand même suffisamment de temps à identifier ce truc-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est dur à identifier.

  • Speaker #1

    Non mais voilà.

  • Speaker #0

    De d'où ça vient.

  • Speaker #1

    Exactement. De pas se faire confiance physiquement. Alors il y avait aussi, sur le plan de la santé, des trucs qui... qui m'ont aussi renforcée dans ce sentiment que de toute façon, mon corps n'est pas capable de faire des efforts ou d'être efficace. Quand j'entends des gens parler de leur corps outil, c'est toujours sidérant pour moi tellement je suis loin de ça. J'ai un petit peu d'asthme après l'effort, j'ai un petit problème cardiaque qui fait que je suis vite bridée dans ce que je veux faire, techniquement bridée. Mais sur l'agilité ou les trucs qui ne sont pas cardio... Il y a aussi cette idée que je ne suis pas agile. Et donc ça, c'était vraiment... ça, je pense que c'est vraiment un truc qui vient de l'enfance et qui m'a accompagnée et qui encore aujourd'hui fait que l'énergie est très concentrée, comme je le disais, dans le haut du corps. dans le regard, là pour me regarder et pour me voir comme un être en deux dimensions, m'habiller, là c'est bon, ça marche bien. Pour bouger, ça marche moins bien. Et j'ai été étrangement touchée quand l'acupunctrice a regardé comment l'énergie concrètement circule dans le corps, donc l'énergie qui est plus structurelle, c'est-à-dire est-ce que vos organes sont en bonne santé, et l'énergie du jour, c'est-à-dire est-ce que vous êtes... marcher sur les nerfs ou pas. Et donc, elle m'a dit que les deux étaient forts chez moi. Donc, j'ai à la fois ce côté un peu nerveux, un peu speed, qui était très puissant qu'elle a fort senti, mais elle a dit en fait, votre corps dessous, il va bien, mais ça a tendance, l'énergie est un peu nerveuse, ça a tendance à masquer le reste, et du coup, je pense que je suis coupée de potentiellement un corps qui pourrait performer plus que ce que je lui demande, parce que je lui fais pas forcément confiance. Et j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir me regarder et envisager mon corps de manière mentale. Et j'ai bien conscience que si j'avais des problèmes de santé, j'en serais pas là du tout. J'aurais pas ce luxe de me dire quelle image j'ai envie de construire, quelle image je donne. Est-ce que je peux me rapprocher de mes critères de beauté ? Si j'ai le temps de penser à tout ça, c'est aussi parce que mon corps il fait bien son job. il me porte là où j'ai envie d'aller alors certes je le challenge pas trop c'est sûr, j'aurais préféré arriver au cinquième étage sans être essoufflée, ça ne fut pas le cas mais tu vois il y a vraiment ce truc là de me dire je suis à un stade de ma vie où mon corps marche suffisamment bien pour que je sois dans le mental tu vois, il y a ce truc très ambivalent de à un moment donné si ton corps vraiment soit à des problèmes soit tu envoies des messages tu es fatalement moins dans le mental mais oui tu es dans le corps tu es dans le ressenti de la douleur ou de peu importe ce que tu sais mais oui tu es dans le ressenti et la douleur ça je sais l'éviter la supprimer il n'y a pas de problème je ne suis pas anti médicaments je prends des anti-inflammatoires ou je vais chez l'ostéo dès qu'il y a un truc installé donc la douleur je la supprime je l'évite voilà péridurale pour mes accouchements. Je n'ai aucun...

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas un sujet pour toi. Oui.

  • Speaker #1

    Et j'ai une peur panique du dentiste. Enfin, je n'aime pas les efforts, vraiment. L'idée de dépassement de soi, mais totalement étrangère. J'aime bien me dépasser sur plein de plans, mais pas sur le physique. Voilà. Avec encore cette peur de me dire de toute façon, je ne vais pas y arriver.

  • Speaker #0

    Et comment tu t'es sentie quand elle t'a dit ça, la cuponctrice ? Tu as senti un soulagement ?

  • Speaker #1

    Oui, vraiment. vraiment parce qu'elle m'a à la fois confortée dans un truc que je sentais très fort, parce que je suis aussi allée la voir pour ça en lui disant « Je me sens quand même comme quelqu'un d'énergie, et pourtant j'ai cette peur panique d'être fatiguée, et j'ai cette peur panique de l'effort. À un moment donné, qu'est-ce qui fait que dans mon corps, il y a ce carburant et que ça ne circule pas là où il faudrait ? » Et donc elle a identifié cette forme de dissociation entre « Le potentiel est là, mais en fait, vous n'en servez pas. » Et après, voilà, il faut que j'y crois, en fait. Bien sûr. Il faut que je fasse confiance à mon corps et j'ai souvenir des vacances qui...

  • Speaker #0

    Il y a quelques années, d'avoir fait une randonnée, pas un truc de ouf, vraiment un truc simple, mais où je pensais que j'allais être dans le mal en permanence, et en fait ça allait nickel.

  • Speaker #1

    Parfois on projette par anticipation des choses qui vont être horribles, et en fait c'est ok.

  • Speaker #0

    Ça, ça reste un truc qu'il faut que je déconstruise vraiment. Il faut que je trouve le sport qui me fait plaisir. Je ne l'ai toujours pas trouvé.

  • Speaker #1

    T'es en recherche ? Non.

  • Speaker #0

    Il faudrait. Il faudrait parce que là, j'arrive à un stade où j'arrive sur la périménopause, donc j'ai 44 ans. Là, il faut. Tu peux te permettre d'être un peu molle pendant la trentaine parce que tu as tellement d'autres sujets à déminer. La maternité, la carrière, le couple. Essayer de préserver un tout petit peu de vie sociale et tes amitiés. Là, ma trentaine, c'était vraiment tout ça.

  • Speaker #1

    Oui, tu es dans une phase de construction en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Là, la quarantaine, je me dis, la quarantaine, c'est le corps. Là, vraiment, il faut que tu sois là où tu as envie d'être. Il faut que tu sois raccord avec la mère que tu as envie d'être. Et la mère que j'ai envie d'être, c'est à la fois mes, comment dire, mes icônes, mes standards de beauté, mais aussi une mère dont on ne se dit pas forcément « Ah tiens, elle a pris cher après ses deux grossesses quand on me voit. »

  • Speaker #1

    Tu vois ce que je veux dire ? Non, mais c'est bien que tu le dises.

  • Speaker #0

    Non, mais voilà, de ne pas être définie non plus par ça. Ouais, j'ai traversé ça. et franchement physiquement ça m'a changé là j'ai envie non pas de revenir au corps d'avant puisque évidemment on s'est dit que ce n'est pas possible mais de ne plus être définie par ça que ce soit plus le premier truc auquel je pense quand je me vois c'est de me dire les grossesses t'as pris cher peut-être que cette consultation là va être alors moi j'aime pas trop l'idée d'éléments déclencheurs de

  • Speaker #1

    prise de conscience comme ça je pense que c'est un cheminement Oui. et une accumulation c'est par étape etc mais est-ce que tu penses que potentiellement cette consultation peut être un peu l'élément qui va justement te donner l'élan pour rechercher ce sport je pense qu'il faudrait que j'y retourne ça

  • Speaker #0

    m'a fait une sorte de bien immédiat déjà en rentrant j'ai super bien dormi j'ai des problèmes de sommeil chroniques ça c'est un signal fort voilà là clairement d'ailleurs Alors... On en reparlera peut-être du coup à la fin de l'épisode, mais vraiment le soin du sommeil, c'est le soin principal auquel j'accorde beaucoup d'espace mental et de priorité. J'écourte mes soirées pour ça. Vraiment, je rigole pas du tout avec ça parce que j'ai un très mauvais sommeil. Donc j'ai compris que ça entretenait mon anxiété par rapport à mes performances physiques et mentales. Parce que je me suis persuadée que j'étais pas capable d'écrire un bon texte si j'avais pas... Un minimum de sommeil. Là, c'est vraiment mon truc numéro un, c'est dormir. Et je pense que là, il est temps quand même que le truc numéro deux, ce soit vraiment le mouvement. J'ai des conversations sans fin avec des copines qui s'éclatent à faire du sport, à être dans le mouvement. Et putain, j'aimerais... Oui, tu vois,

  • Speaker #1

    j'aimerais aussi d'avoir ce goût-là, peut-être.

  • Speaker #0

    Je ne détesterais pas être cette connasse qui partage ses séances de sport sur les réseaux sociaux, son nombre de kilomètres. Et je me dis, putain, j'aimerais bien rejoindre cette tribu de filles très, très énervantes qui sont là, qui vont à la salle de sport, qui partagent toutes ces stories que moi, je zappe. J'en ai rien à foutre. Oui,

  • Speaker #1

    on s'en fiche.

  • Speaker #0

    Arrête, franchement.

  • Speaker #1

    Tu vois ?

  • Speaker #0

    Putain. C'est parce que si seulement j'étais à leur place, je ferais exactement la même chose, mais évidemment.

  • Speaker #1

    Après, je te rassure, ce n'est pas pour me jeter des fleurs, mais je fais du sport tous les jours. Je ne publie jamais sur Instagram que je fais du sport tous les jours. Je veux dire, c'est un sujet entre toi et toi-même. Tu ne fais pas du sport pour montrer aux autres que tu as fait du sport. Mais tu vois, je pense qu'il y a un culte aussi de dire j'ai fait du sport, j'ai besoin de le partager avec les autres. Parce que c'est une forme de fierté aussi, parce que c'est très socialement bien vu de faire du sport. d'être en forme physiquement, etc. Mais je ne jette pas l'absar, parce que moi je fais parfois des choses sur Instagram pour me gonfler un peu l'ego. Alors c'est pas le sport, c'est peut-être autre chose, enfin c'est probablement autre chose. Je ne jette pas l'absar, mais c'est assez amusant je trouve.

  • Speaker #0

    Ah mais ça tout dépend d'où tu pars en fait. Quels sont tes bagages, tes souffrances vis-à-vis de ça. Je pense que c'est jamais anodin et que quand tu le fais, le partage, c'est qu'il y a toujours quelque chose à soigner, à résoudre. et que clairement en plus il y a certains sports qu'on fait vraiment pour dire qu'on les fait c'est à dire que notre auditoire, audience, notre public fait partie intégrante du plaisir qu'on a à pouvoir faire ce sport je pense que c'est très très fort avec le running notamment oui il y a un aspect aussi communautaire qui est hyper fort,

  • Speaker #1

    sur Strava tu peux partager tes courses etc donc il y a une dimension communautaire t'as raison qui entretient cette

  • Speaker #0

    Et ça entretient aussi la motivation et je sais que c'est important de ne pas avoir la discipline que tu as, c'est-à-dire faire du sport tous les jours. pas forcément avec des gens et sans que personne le sache, mais ça pour moi, c'est le niveau ceinture noire du bien-être. Enfin, tu vois, là vraiment, on arrive à un degré d'alignement et juste de soin de soi qui, pour moi, est absolument magique et très, très désirable.

  • Speaker #1

    Bon, après, on pourra reparler aussi de ce que ça peut cacher derrière, l'hyperactivité, etc.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Mais non,

  • Speaker #0

    non, je suis assez...

  • Speaker #1

    Merci. et si on revient sur ton parcours avec ton corps, est-ce qu'il y a eu des moments un peu structurants dans la construction de cette relation ça peut être une grossesse ça peut être un accident de vie ça peut être tout ce que je dirais que après

  • Speaker #0

    ma deuxième grossesse j'en avais fait un papier sur le site j'avais fait un papier qui s'appelait en prenant du poids j'ai trouvé mon style Donc j'en reviens du coup encore aux vêtements. Mais ça a marqué, donc là c'est 2018, donc on est en 2025, ça a marqué pour moi 7 ans de tentatives d'auto-persuasion que n'étant plus dans la catégorie du 38-40, il ne fallait plus que je me jette sur les vêtements qui me font paraître la plus mince possible et que j'allais vraiment me demander voilà c'est quoi. Vraiment mon style, à part essayer de paraître mince. Ça, ça a été un truc vraiment très fort pour moi, de me dire, j'ai jamais pris autant de plaisir à m'habiller que depuis que je ne me rabats plus sur... J'achète la taille dans laquelle je rentre.

  • Speaker #1

    La taille limite, quoi, un peu.

  • Speaker #0

    Voilà. Tu vois ? Ça, ça a été super fort. Ça a eu cet inconvénient que ça m'a entretenue dans l'idée que... Maintenant, peu importe le poids, tant qu'il était sous un certain seuil, ça allait, voilà. Le problème, c'est que le seuil qui allait, je l'ai dépassé. Mais que tout de même, je me suis sentie vraiment plus forte et plus créative et plus dans l'expression de moi-même à partir du moment où mon poids m'a contrainte à trouver la manière dont je voulais m'orner. On revient à cette idée d'ornement. Donc ça, ça a été un truc assez fort pour moi. Et le moment aussi où j'ai compris que j'ai jamais été aussi bien dans mon corps que quand j'étais pas en couple. D'accord. C'est intéressant. Les kilos du couple, c'est absolument déterminant pour moi. Célibataire, donc potentiellement en recherche de quelqu'un. Et c'est là que, non seulement... Enfin, comment dire ? C'est même pas simplement l'envie de correspondre à une certaine image pour pouvoir séduire ou être choisie, etc. C'est simplement que le côté bon coup de fourchette disparaît, en fait, dès que je suis plus en couple. Donc là, ça m'est pas arrivé depuis un moment, parce que je suis quasiment 18 ans avec le père de mes filles. Mais vraiment, si je retrace, et je l'ai fait pour 76 kilos, si je retrace les moments où je me suis sentie la plus alignée, affûtée avec mes critères esthétiques, c'était à chaque fois des moments où j'étais célibataire. À chaque fois.

  • Speaker #1

    Et comment tu l'expliques, ça ? C'est la dimension émotionnelle ou c'est le temps que tu as de disponible pour toi ?

  • Speaker #0

    C'est à la fois le temps, à la fois, si je suis totalement précise, avec toujours un mec en ligne de mire avec qui les choses ne se concrétisent pas encore, donc tu vois une sorte de oui un entre deux quoi, voilà une sorte de chassé croisé amoureux de se préparer comme on va au combat et vraiment et là le besoin de me remplir disparaît totalement, parce que mon truc avec la nourriture c'est quand même beaucoup ça, c'est les proportions je mange pas de manière rôle. totalement, enfin j'ai pas d'appétence particulière pour le sucre par exemple, j'ai pas de problème avec la junk food, j'ai vraiment des problèmes de quantité et de se remplir.

  • Speaker #1

    De satiété ?

  • Speaker #0

    Et de absolument pas écouter ça, vraiment pas, encore une fois il y avait dans ma famille cette, oh là là j'ai trop mangé, tu vois après les réunions de famille qui étant le signal d'un repas réussi.

  • Speaker #1

    Mais tu avais cette injonction à « il faut finir son assiette » .

  • Speaker #0

    Alors, mes parents n'étaient pas tout à fait alignés là-dessus. Je me souviens que mon père me disait « t'as pas besoin de finir » . Et ça, je pense que c'est tellement important. Mais c'est tellement dur à désamorcer quand de l'autre côté, et notamment là dans la famille que moi j'ai créée, mon compagnon vient de « on gâche pas » . Donc, on gâche pas, donc on finit l'assiette. ce qui pose du coup la question des quantités qu'on y met au départ, de la taille de l'assiette aussi, ça a l'air débile, mais ces méga grandes assiettes, du coup, psychologiquement et optiquement, ça joue. Donc oui, il y a eu... Il y avait une sorte de discours un peu dissonant entre ma mère et mon père là-dessus. Et je pense que mon père était assez moderne tout en étant né en 1937. Donc quand même bravo à lui. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    Surtout à cette période-là.

  • Speaker #0

    Voilà, il était assez moderne. Mais je pense que c'était aussi lié à ça et du fait qu'il a souffert de pas mal de privations quand il était petit. Et qu'on lui disait beaucoup de finir au-delà de sa fin parce que justement on n'est jamais sûr du lendemain. Et je pense que ça, c'est resté un truc auquel moi, je n'ai pas été assez sensible, je pense. Et il avait raison. Et là, du coup, j'essaie de me dire, bon, il faut que je réussisse à être là-dedans avec mes enfants, tout en étant assez maligne sur l'histoire du gâchis et donc de vachement travailler cette question-là. Oui,

  • Speaker #1

    c'est un vrai sujet. Je voudrais qu'on parle de zones peut-être plus sensibles du corps, de zones un peu plus complexes. Il y a des parties du corps qu'on habite peut-être plus difficilement que d'autres. souvent c'est lire le regard des autres ou alors à ce qu'on a pu nous dire dans le passé ou alors fait croire et en fait ce sujet je trouve ça rejoint vachement l'idée du corps fragmenté donc il y a pas mal d'auteurs qui ont étudié ça en sociologie du corps le corps fragmenté c'est l'idée qu'il y a des zones du corps qui sont c'est l'idée que le corps il est pas perçu comme un tout il est pas perçu comme une globalité vivante mais il est plutôt perçu comme hiérarchisé en fonction des zones. Il y a une hiérarchie en fonction des zones. Il est évalué zone par zone. Il y a des parties de notre corps qui sont socialement facilement valorisées. Et puis, il y a des parties qui sont socialement plus facilement sujets à la honte ou au dégoût ou au jugement. Je pense pour les femmes notamment au ventre, aux cuisses et aux fesses, par exemple. Et en fait, à force d'intérioriser cet espèce de découpage par zone, on se crée nous-mêmes aussi un discours intérieur sur le fait qu'on aime plus ou moins certaines parties de notre corps et on ne voit plus notre corps comme une entité globale qui vit. Est-ce qu'il y a des parties de ton corps que tu as mis plus de temps à apprivoiser et pourquoi ? Est-ce que ce que je viens de dire, ça fait écho ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, ce que tu viens de dire fait écho et je voudrais rebondir là-dessus. c'est que je trouve qu'on a énormément de diversité de beauté possible en termes de visage ou de cheveux. En revanche, si tu prends des zones qui sont assez exposées comme les bras, je pense qu'on a toute une idée de ce à quoi un bras parfait peut ressembler.

  • Speaker #1

    Pareil pour la taille.

  • Speaker #0

    Voilà. Les jambes, il y a quand même de la diversité, je dirais, entre un modèle très athlétique et des jambes très très fines. Alors chacun peut avoir ses goûts. Mais les bras et le ventre, il y a clairement un seul canevas, un seul modèle qui fonctionne. Et je me souviens de ma stupeur quand en colonie de vacances, j'avais 14 ans, j'ai découvert que tout le monde n'avait pas le même ventre que moi. Qu'il y avait des filles que je pouvais trouver gauler bizarrement et qui avaient le ventre plat. Et donc j'ai découvert ça dans les douches collectives. colonie de vacances. Et là, je me suis dit, mais en fait, moi, j'ai toujours eu, j'ai toujours été assez dodu quand j'étais petite. Et ensuite, j'ai toujours eu des capitons sur le ventre, tout le temps, quel que soit mon poids. Et découvrir un ventre lisse et ferme chez des nanas qui, par exemple, avaient beaucoup de culottes de cheval ou avaient des seins asymétriques. Je te parle vraiment de ce que j'ai vu sous la douche. Mais ce ventre plat. Et là, je me suis dit, putain, mais... C'est injuste. Vraiment, j'avais le sentiment de me dire pourquoi est-ce que moi, tu vois, je n'ai pas de culotte de cheval vraiment marquée. J'ai la poitrine qui est plutôt symétrique. J'ai le gabarit qui, globalement, est assez symétrique et proportionné. Et je le gâche, en fait, en étant en surpoids par rapport à ce que moi, j'estime être la personne à laquelle je pourrais ressembler. Et ce ventre, ça n'a pas avec le reste, quoi. Et là, vraiment, j'ai beau voir sur certaines photos, on voit des nanas, enfin, sur certaines photos sur Instagram, pardon, on voit des nanas qui ont carrément un ventre creux où je sais que ce que je vois me déplaît esthétiquement, mais ça restera toujours plus joli qu'une nana qui a un petit ventre. Sans même parler de la texture. La texture du ventre, la peau lisse et tout. La texture de la peau, c'est aussi un truc... Pareil que j'ai mis du temps à identifier sur le fait que je pouvais vraiment fantasmer, je regarde beaucoup les filles dans la rue, depuis toujours, et je pouvais totalement fantasmer sur le grain de peau d'une fille. Tu vois, vraiment lisse, mat, là on en revient au bronzage, etc. Je me souviens de fascinations pour des filles qui, par exemple, blondes à peau mat, tu vois, sans être non plus forcément... Ou châtains à peau mat, sans être une dingue des cheveux blondes d'une manière générale, mais je trouve qu'il y a un truc charmant qui se dégage de ce type de... Parce que c'est contrasté, tu t'attends à ce qu'une fille blonde ait la peau très claire, etc. Et donc, moi, je ne suis pas là-dedans avec mes cheveux très foncés et ma peau très claire. Donc forcément, tu vas vers un truc qui est assez loin de toi. Mais dans cette idée du corps fragmenté, il y avait la manière dont je considère la peau, la manière dont je considère le ventre, la manière dont je considère les bras, etc.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça t'a empêchée de faire des choses ?

  • Speaker #0

    Alors, je... Vraiment mon malaise par rapport à mon poids a vraiment commencé quand la structure du visage a changé chez moi et les bras. C'est-à-dire que pour moi, tant que je ne prenais pas des épaules de largeur de dos et de bras, ça allait. Au moment où ça commençait à se voir, où moi je le voyais, là je me suis dit non, ça va plus. Parce que ça pour moi c'est un marqueur de, je mets des guillemets, minceur, de garder des bras fins. Hier, j'ai vu une...

  • Speaker #1

    Tout étant relatif dans le fin, par ailleurs.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Hier, j'ai vu une vidéo d'une Instagrammeuse expliquant les 10 trucs que je trouve classe chez quelqu'un. Et elle citait les bras. Les bras fins et musclés, c'est hyper élégant. Et voilà, moi, je suis encore là-dedans, clairement. Je me souviens de m'être dit, en regardant Friends, puisque pour moi, les bras parfaits, c'est ceux de Jennifer Aniston.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et je comparais avec ceux de Courtney Cox, et je lui disais, c'est bizarre, Courtney Cox est vraiment une femme mince, et en fait, par rapport à Jennifer Aniston, elle a des bras qui sont beaucoup moins ciselés, et je me disais, c'est dommage ces bras. Enfin, tu vois à quel point on est... Ça impacte, quoi. Voilà, il y a des zones sur lesquelles, comme ça, ça peut paraître secondaire par rapport au ventre, parce qu'on peut le planquer. Les bras, à un moment donné, ça devient difficile, mais c'est quelque chose qui est récurrent dans toutes les interviews que je fais pour Encore Heureux, c'est de cacher les bras.

  • Speaker #1

    Oui, je voudrais qu'on en reparle tout à l'heure, des sujets qui reviennent un peu de façon régulière. Et donc, toi, par exemple, ça peut t'arriver de pas montrer tes bras dans certaines situations, de faire en sorte de mettre des manches longues alors que...

  • Speaker #0

    Alors, ça me...

  • Speaker #1

    Est-ce que ça te contraint, en fait ?

  • Speaker #0

    Ça me contraint pas au quotidien, ça me contraint quand je vais voir ma mère. parce que j'ai souvenir c'était l'année dernière la première fois que j'ai porté un débardeur de l'année il y a eu un jour de très grand beau temps au mois d'avril le truc qui n'arrive jamais, il faisait 25°C je me suis mise en débardeur j'étais pas bronzée, en débardeur et je sortais de l'hiver les kilos de l'hiver et donc j'ai eu droit à une remarque Sur ma carrure, elle a ce geste qu'elle a souvent pour commenter les carrures déplaisantes. Elle a ce geste de mettre ses mains devant les épaules et de gonfler les joues et de gonfler la cachetauracie comme ça. Je ne sais pas si on peut visualiser le truc. Et donc ça, c'était le commentaire sur mes bras. Si je lui en parlais demain, elle n'aurait aucun souvenir de ça. C'est fait de manière totalement fluide et inconsciente et ne pensant jamais à mal. Elle pense être au contraire attentive, bienveillante, prévenante, etc.

  • Speaker #1

    Mais heureusement que tu as tout déconstruit de ton côté et que tu as cette forme de lucidité.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, je ne sais pas si je déconstruis assez, mais en tout cas, je suis lucide. Voilà, il peut m'arriver ça. Et ça, ça va me faire chier.

  • Speaker #1

    Et justement, c'est intéressant cet exemple précis. Quel impact ça a sur toi ?

  • Speaker #0

    Alors, l'impact, ça va être que je ne vais pas changer ma façon de m'habiller, mais que je vais être dans l'expectative et une sorte de tension sourde de la remarque va tomber. Tu l'attends en fait. Voilà. Elle va tomber une fois parce que c'est la sortie de l'hiver, etc. Et on est toujours un petit peu fragile quand on sort de l'hiver et qu'on va vers le corps du printemps, le corps de l'été, on va dire le corps des beaux jours,

  • Speaker #1

    par exemple,

  • Speaker #0

    le corps de l'hiver. Et donc, ouais, il y a ce suspense de se dire, est-ce que je vais y avoir droit ? Et puis après, elle va s'y faire. Comme on habite à côté, on se voit quand même régulièrement. Elle va s'y faire et elle ne va plus faire forcément la remarque. Mais il y aura ce cap à franchir, ce cap annuel. Tu vois, il y a des filles pour qui c'est l'épreuve du maillot dans la cabine d'essayage ou la première plage. Moi, ça va être les bras devant ma mère. C'est ce truc annuel-là. Et c'est ce qui va me... Donner le signal de mon été. Est-ce que j'ai fait ce qu'il fallait pour correspondre à ce que je veux être pendant l'hiver ? Ou est-ce que je pars sur une très mauvaise... Le summer body, je sais que c'est une expression détestable. Et qu'on en fait des chansons. J'adore cette chanson. Et on le remet en question et on en rigole. Pour moi, ça reste tout à fait un guide. de me dire voilà mon summer body je le travaille, pas forcément en termes de poids puisque je suis assez inefficace de ce point de vue là, mais en termes de conscience que c'est pas le même corps que le corps de l'hiver,

  • Speaker #1

    clairement donc tout ce que tu partages dans la relation à ton corps, tu en as fait un objet d'écriture, ça s'appelle 76 kilos donc c'est un récit autobiographique qui est très fort moi j'ai été vraiment marquée par l'honnêteté Merci. de tes propos. Merci. C'est vrai parce que parfois, en fait, tu écris sur un sujet, mais tu ne dis pas tout. Il y a des choses que tu te réserves pour toi parce qu'on n'ose pas ou peu importe la raison d'ailleurs. Mais toi, en tout cas, j'ai ressenti une honnêteté très forte. Tu parles de la complexité évidemment du rapport à ton corps. Il y a une grande intelligence aussi, je trouve, dans le regard que tu portes sur ce corps. Parce que... On sent que tu as fait tout un travail aussi sur ce corps. Il y avait beaucoup de prise de recul. Donc tu parles de plein de sujets dans ce récit. La première question que je voulais te poser, c'est pourquoi avoir choisi ce titre de 76 kilos ? En fait, c'est assez fort d'afficher ce poids. Généralement, le poids, c'est quelque chose qu'on garde pour soi. D'ailleurs, moi, je me suis fait la réflexion. Je me suis demandé, est-ce que j'avais déjà dit mon poids, par exemple, à mes amis ou à des gens autres que ma famille ? Parce que dans ma famille... ça peut arriver qu'on en parle. On n'en parle pas trop, mais quand même, ça peut arriver. Mais à mes amis, jamais. Je n'ai jamais dit mon poids à mes amis. Je trouve ça assez courageux d'afficher ce poids en titre de récit. Est-ce que c'était une manière de reprendre possession de ce poids ? Est-ce que c'était une manière peut-être thérapeutique aussi d'aborder les choses ?

  • Speaker #0

    Alors Thérapeutique, clairement, je l'espérais au début. Là, je me suis rendue compte, après 11 chapitres sur 12 prévus que...

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est un livre qui dure un an, en fait. Il y a un chapitre par mois.

  • Speaker #0

    J'ai décidé d'écrire une fois par mois pendant un an là-dessus.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux juste dire aux auditeurs où est-ce qu'on peut le retrouver ?

  • Speaker #0

    Alors, on peut le retrouver sur la plateforme Kessel, K-E-S-E-L, qui est une plateforme de newsletters sur laquelle vous pouvez trouver des... Des projets comme le mien, qui sont donc des livres, mais publiés sous format newsletter. Et donc, ce que je trouvais fort dans le fait d'appeler ça 76 kilos, c'est qu'en fait, tellement de choses étaient déjà sous-entendues dans le choix de ce titre, qui pour moi n'est pas un poids de femme, et c'est par là que j'ai commencé, parce que...

  • Speaker #1

    C'était le poids de ton père, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'était le poids de mon père. c'est le poids de beaucoup d'hommes que je connais. Et dans ma famille, on avait cette... Donc finalement, je reviens encore énormément sur ce qui m'a été transmis familialement. Il y avait deux dizaines qui fonctionnaient pour les femmes. C'était la dizaine des 50 et la dizaine des 60. Par rapport à notre taille, voilà.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu avais aussi ce rapport poids-taille où il fallait qu'il y ait minimum 20 ? Oui, bien sûr. Parce que moi, j'ai été vachement... Bien sûr,

  • Speaker #0

    évidemment.

  • Speaker #1

    Il fallait minimum 10. L'idéal, c'était plus on se rapprochait de 20, mieux c'était.

  • Speaker #0

    La même jauge. La même jauge, donc je fais 1m74, donc 54 c'est bien, jusqu'à 64 et après c'est n'importe quoi. Et alors je vais faire hurler certainement pas mal de gens qui m'écoutent, mais il s'avère qu'après des calculs scientifiques précis de taux de masse musculaire et de taux de masse graisseuse, De fait, c'est vraiment... 64, qui est pour moi le haut de la fourchette saine par rapport à mon style de vie, au fait que je ne fais pas de sport, que au-delà de 64, en gardant le même style de vie, c'est que j'ai trop de graisse dans mon corps. Et donc ça, c'est scientifique, attesté. Je sais que c'est terrible de le dire et terrible à entendre.

  • Speaker #1

    Donc tu donnes un peu raison à la règle des 10.

  • Speaker #0

    Voilà. Il se trouve que par rapport à la vie que j'ai, la règle des 10, elle est OK. Elle est valable. Donc j'ai grandi quand même avec la règle des 20, 20 de différence par rapport à la taille. Et 20 qui sont devenus 10, bon, peut-être parce qu'avec le temps, on se relâche. Mais du coup, passer dans la dizaine avec les 7, là, vraiment, c'était problématique. C'était une dizaine problématique, tout comme la dizaine qui commence par 4 est problématique dans ma famille aussi. Parce qu'il y a des troubles du comportement alimentaire dans ma famille, dans plusieurs branches de ma famille, et que vraiment, symboliquement, on sait que quand ça passe sous les 50 kilos, vu la taille qu'on fait, c'est pas normal. Donc il y a ces deux bornes de chaque côté, la dizaine des 40, la dizaine des 70, les deux problématiques. Donc du coup, dire ça et dire que c'était mon poids, moi, qui ai toujours cherché, parce que je suis présente sur les réseaux depuis quasiment 20 ans, et que je me prends en photo depuis quasiment 20 ans avec toujours un bien vestimentaire, mais que sur ces silhouettes, j'essaie d'être dans mon meilleur profil, d'éviter le profil d'ailleurs. Le fameux ventre.

  • Speaker #1

    Tu te prends de face.

  • Speaker #0

    Je me prends de face, en inclinant le visage d'une certaine manière. J'en suis pas au point Victoria Beckham du Bon Profil, parce que pour qui la suit, il y a une manière d'incliner la tête et le visage tout à fait millimétrée. J'en suis pas à l'art, mais je l'ai. Et elle est tellement belle, cette femme. Et voilà.

  • Speaker #1

    Pas besoin. Enfin, personne n'a besoin, mais en l'occurrence...

  • Speaker #0

    Non, mais tout est dit dans cette manière de... d'incliner le visage pour parler à la caméra. Je sens que, sans en arriver là, je sens que je tends quand même à me figer sur un certain type de sourire qui ne va pas aller...

  • Speaker #1

    Trop marquer les plis.

  • Speaker #0

    Tu vois, trop marquer les traits, qui ne va pas me bouffir les yeux. Donc c'est un certain type de mimique, une manière de prendre la lumière, de se présenter. J'évite les vidéos à mort, parce que là, tu ne contrôles plus rien.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la vidéo, c'est assez fatal.

  • Speaker #0

    Ça pardonne pas. Ça pardonne pas. Surtout passé un certain âge, je trouve. Je peux te dire ça tout en étant horrifiée par tous les contenus qui vont te dire « À 44 ans, elle est incroyable ! » Enfin, tu vois, voilà. Bonne ambivalence. Non, mais tant mieux. Oui. C'est ça. Donc du coup, voilà, pour faire une très très longue réponse à une question très simple. 76 kilos, pour moi, contenait... énormément de problématiques induites et immédiatement compréhensibles par les femmes qui me lisent. Ce qui n'est pas le cas de pas mal de gens, et ça je l'ai découvert avec surprise pour en avoir parlé dans le milieu de l'édition avec des gens qui ne comprenaient pas le titre du livre, ne comprennent pas à quoi ça fait référence. D'accord. Et donc là, voilà le niveau d'impensé où on en est. Si c'est un homme éditeur qui voit ce titre sur le manuscrit et ne comprend pas le sujet, Si c'est une femme très mince, elle ne comprend pas le sujet. Et donc là, je me suis dit, voilà, c'est vraiment de là que je veux écrire, c'est-à-dire, je vous montre une certaine image que j'espère la plus conforme à mes standards, mais je fais 76 kilos. Et 76 kilos, c'est rien par rapport à 95 ou 150, et c'est impensable par rapport à 50, 55. il y a vraiment une sorte de de trou noir de trou noir et je me suis dit c'est de là que je veux écrire et si je dis le chiffre celles qui savent, elles savent Bon, bah moi j'ai su tout de suite.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est qui a venu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Tu parles dans ce récit de cette catégorie de femmes mid-size. C'est un terme qui vient du UK, je crois ? Oui. Et donc c'est un terme qui désigne celles qui sont ni minces ni grosses. Et tu as écrit mid-size, j'ai envie de dire que j'en suis. Qu'est-ce que ça a changé pour toi, la découverte de cette catégorie de femmes ? Parce qu'on n'en entend pas beaucoup parler en France, les mid-size.

  • Speaker #1

    Non, c'est très...

  • Speaker #0

    Déjà, il n'y a même pas de mots, c'est ce que tu dis. Il n'y a pas de mots en français pour qualifier mid-size.

  • Speaker #1

    En français, il n'y a pas de mots. En français, il y a normal ou grosse.

  • Speaker #0

    Voilà. On ne dit pas taille intermédiaire. Oui,

  • Speaker #1

    ça n'existe pas. Donc, si tu suis là encore les chiffres que te donne ton impédance maître sur ta masse musculaire et ta masse graisseuse, normal, c'est mince. Au-delà de normal, c'est en surpoids, donc grosse. mid-size. médicalement ne correspond à rien c'est vraiment un terme je pense qui est esthétique et culturel avant d'être un terme morphologique oui parce que voilà tu vas avoir tout un tas de spécialistes qui vont te dire que tu vas être en extrême excellente santé en étant mid-size et puis si tu vas voir des spécialistes de vraiment du poids ils vont te dire que non tu es en surpoids surpoids voilà

  • Speaker #0

    C'est dommage qu'on ne fasse pas évoluer ces critères très scientifiques. Parce que finalement, peut-être que les choses doivent évoluer aussi avec la réalité du monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Il y a une culture française qui est très imprégnée déjà de cette mythologie de la femme française. Il y a eu ces bouquins qui ont eu un énorme succès aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, de « French women don't get fat » . Il y en a eu deux comme ça, écrits par une Française. Donc il y a cette idée que la femme Française, elle est mince, normale, donc mince. Et du coup, mid-size, là-dedans, moi je suis allée voir tout un tas de médecins pour me convaincre que j'avais une raison médicale d'intervenir et aucun d'entre eux n'a cité mon poids. comme une raison de faire quoi que ce soit. Donc là, c'est vraiment... En termes de santé, je pense qu'on n'a aucun repère sur ce qui est bon pour nous ou pas. Mon cardiologue qui me suit pour mon problème cardiaque n'est absolument pas inquiet du poids que je fais. Alors qu'à côté de ça, quand je vais voir une diététicienne et qu'elle mesure la masse graisseuse, il y a marqué obésité physiologique. Parce que... J'ai beau avoir une bonne masse musculaire, j'ai quand même un ratio de masse non musculaire qui est trop important par rapport aux critères médicaux qui datent de je ne sais quand, et qui te disent si tu es vraiment en bonne santé ou pas. Donc mid-size, c'est un petit peu le terme idéal. Mais très rapidement, ça a été en fait récupéré par des nanas qui étaient dans un discours hyper positif et militant et d'affirmation de soi et de je m'assume. Alors est-ce que tu as besoin d'assumer quoi que ce soit quand tu es mid-size ? Je ne suis pas sûre qu'on en soit là.

  • Speaker #0

    Tu fais écho au body...

  • Speaker #1

    positive alors que le body positive normalement devrait idéalement être le propos et la revendication de femmes qui sont bien au-delà du mid-size et que donc on a un peu vidé les femmes considérées grosses ou rondes de ce truc d'affirmation de soi en disant voilà nous on est juste un tout petit peu au-dessus de la norme Mais on s'assume quand même. Alors si tu t'assumes quand tu es à ce stade-là de ton poids, qu'est-ce qui reste aux autres à assumer ? Il y a une manière de réduire les critères qui était assez à double tranchant avec ce mot. Et aujourd'hui encore, quand je le tag sur certaines de mes photos de look, je me dis « mais pourquoi je mets ce mot-là ? » Est-ce que j'ai vraiment le droit de me dire que je suis dans cette catégorie-là alors que... Putain mais laisse les souffrances et les revendications sur le poids à... à une autre catégorie de personnes, enfin ferme ta gueule tu vois juste.

  • Speaker #0

    Donc tu as évolué là-dessus, parce qu'au départ, quand tu as découvert ce terme, il y avait une forme de soulagement d'appartenir à une catégorie qui n'existait visiblement pas.

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment un phénomène... Ça s'est vraiment séparé entre « grâce à ce mot, j'ai accès à des tas d'images de femmes qui te ressemblent, que j'adore, que je consulte de manière absolument joyeuse et créative. » Et tu les identifies grâce à ce mot. Oui. Et je les remercie d'exister. Et à côté de ça, tu as « est-ce que ce mot, c'est moi ? » Et donc vraiment, là, j'ai appris à faire la part des choses entre... Putain, pardon, je deviens de toute façon plus vulgaire. Non, pas de problème. J'ai une vraie joie à voir ces corps-là, à les trouver super inspirants en termes notamment de stylisme. Et est-ce que ça va m'aider, moi, à me situer, à me dire, à me raconter ? Je pense que non. Je pense que je reste encore très, très imprégnée. de la normalité entre guillemets médicale, cette histoire de l'écart entre la taille et le poids de 10 à 20 kilos, je fais mesurer ma masse graisseuse. Clairement, je prends le chemin de quelqu'un qui ne va pas aller dire « je suis mid-size et je vous emmerde, je ne prends pas ce chemin-là » . Donc à un moment donné, il a fallu être honnête par rapport à ce que tout ce... En fait, toute cette réflexion par rapport à ce mot... m'a fait avancer de dingue en termes d'honnêteté vis-à-vis de moi-même, je pense. Ouais,

  • Speaker #0

    c'est fort. Il y a une phrase aussi qui m'a marquée. Désolée, c'est une transition... Enfin, sans transition. Il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit « je mange pour récupérer mon espace » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    J'ai trouvé que c'était assez puissant, mais limite politique. Parce qu'aujourd'hui, quand on est une femme, il vaut mieux pas prendre trop de place, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Donc j'ai trouvé ça fort de dire « je mange pour récupérer mon espace » . Ça renverse un peu les injonctions, finalement. Qu'est-ce que tu voulais dire avec cette phrase ?

  • Speaker #1

    Alors cette phrase, je l'ai vraiment ressentie comme une sorte d'épiphanie intime parce que j'étais en train d'échanger des messages sur WhatsApp avec une copine à moi qui est très, très mince, très affûtée, très sportive. Je préparais le dîner, je discutais avec elle sur WhatsApp. J'avais mes filles autour qui faisaient un boucan d'enfer. Et là, je me retrouve à manger un truc, mais debout, devant le frigo, tout en préparant à manger. Et là, j'ai pris conscience, en fait, de l'accumulation de ce contexte-là, que voilà le genre de situation dans laquelle je me remplis, c'est-à-dire, autour de moi, il y a trop. Dès que je suis toute seule, donc, je te le disais tout à l'heure, pas en couple, ou toute seule dans la journée, je peux bosser cinq heures d'affilée sans penser à manger. Voilà, il n'y a pas d'enjeu avec la nourriture avalée sans même y penser. Il y a un enjeu quand il y a beaucoup de sollicitations autour. Et donc là, je pense que par rapport à ça, il y a quelque chose chez moi de l'idée de se dire que ce n'est pas une fatalité et qu'on fait tout le constat d'être complètement débordé sur sollicité au bout du rouleau quand on est mère. On est toutes d'accord là-dessus. Et moi, ça se traduit par je mange de la nourriture parce que je me donne une sensation corporelle pour moi par rapport à tout ce qui est... Je suis très sensible au son en plus, assez misophone. Donc voilà, tout ce qui est agitation et vacarme autour de moi, ça me met en état de tension. Et donc là, manger un truc pour... Voilà, c'est un moment où c'est moi, mon corps, où je me retrouve moi et où je lui fais plaisir. Et à partir du moment où j'ai pris conscience de cette phrase, j'aimerais te dire que j'ai pu réduire naturellement les moments à risque comme ça, où on va dire c'est la fenêtre 18h-22h, voire 16h-22h, où là tout peut arriver. C'est pas si simple. C'est vraiment beaucoup de choses à détricoter et je vois que je suis encore... Je fais encore trop de prises de nourriture comme ça, debout, à l'arrache. Tout ce chapitre-là, j'avais vraiment essayé d'être très visuelle pour que le lecteur ou la lectrice puisse me voir en train de me remplir comme ça, debout au milieu du chaos, et de me dire, voilà, là j'ai localisé qu'est-ce que je veux que ma vie soit ça ? Non. Comment faire pour ne plus être vulnérable dans ces moments-là ? Je cherche encore.

  • Speaker #0

    comment. Oui, bien sûr. Non, mais c'est pas évident. Puis, l'alimentation a un tel pouvoir apaisant, c'est hyper fort, en fait. Donc, quand tu veux faire redescendre des émotions, en fait, l'effet, il est immédiat. Tu mets quelque chose dans ta bouche, en plus, généralement, c'est des choses qui sont assez réconfortantes, etc. Donc, l'impact, il est immédiat.

  • Speaker #1

    Pour moi, les émotions, c'est toutes, en fait. Je ne mange pas simplement pour me réconforter. Je mange pour fêter un truc. Je ne mange pas parce que je suis joyeuse. C'est toutes les émotions. Il n'y en a pas une qui échappe à ce truc de manger. Donc du coup, en plus, on est dans une famille où on a vraiment tous le bec salé. Donc c'est un peu les pires trucs à ce moment-là, ça va être la charcuterie, moi je vais pas m'envoyer une tablette de chocolat, mais ça va être de la pâte à négras.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce genre de trucs que je vais manger à ce moment-là. Et ouais, sur le côté émotionnel, c'est pour moi très très difficile de décorer les deux. Et à côté de ça, je me souviens d'avoir ressenti un truc très fort quand justement pour la série d'entretien Encore Heureux que je fais pour le L, Une des femmes qui a témoigné m'a raconté à quel point elle était en paix avec ça, en se disant il y a eu des moments dans ma vie où je mangeais mes émotions et je suis ok avec ça parce que je préférais ça plutôt que l'état psychologique dans lequel j'aurais pu être sans ça et que parfois ça aide. Et j'aurais pu me dire oui mais bon si tu suis ce principe au bout d'un moment c'est hyper destructeur pour ton corps etc. Ben non, en entendant dire ça je me suis dit putain elle le dit, merci de le dire. Et en même temps, quand tu dis ça, qu'est-ce que tu en fais après ? Est-ce que ça reste une bonne manière de t'alimenter ? Non. Et à chaque fois que j'entends des femmes dire des choses un petit peu out of the box, comme ça, sur l'alimentation, ou une autre témoin qui me disait « j'apprends à décorréler nourriture et plaisir, par exemple, à manger pour m'alimenter » , c'est un discours qui m'a toujours paru dingue, et en fait, maintenant, c'est le genre de choses que j'aime bien entendre. parce que je me dis, en fait, c'est possible d'être dans quelque chose de plus rationnel que si tu te dis que chaque repas doit être un plaisir, forcément, il y a de la frustration derrière. Si tu arrives à te dire qu'un repas est une manière aussi de faire fonctionner ton corps, pas tous les repas, mais certains, il y a d'un coup la pression qui redescend quand même, tu vois ? d'essayer de retirer ce côté alimentation plaisir, alimentation gourmande même quand t'es en rééquilibrage alimentaire il y a aussi cette idée que les recettes doivent être gourmandes par exemple et que si t'arrives pas à faire ça, si tu manques de temps, si tu manques de talent culinaire t'as un peu raté le truc donc ouais ça c'est des questions que je me pose en ce moment que faire de l'idée de gourmandise et de plaisir autour de la bouffe est-ce qu'il y a quelque chose sur quoi je peux avancer là-dessus Merci. Parce que je suis gourmande et terrible en cuisine. J'ai le cauchemar en cuisine. Donc voilà, j'ai pas les moyens de mes ambitions.

  • Speaker #0

    C'est pas évident là.

  • Speaker #1

    Donc c'est forcément de la bouffe qui naturellement est soit transformée, soit très grasse. Du fromage, de la charcuterie. Et donc voilà.

  • Speaker #0

    Tu racontes aussi un épisode douloureux dans ce récit. Celui où on te croit enceinte alors que tu ne l'es pas. Tu écris parmi toutes mes hontes celle-ci, passer de la fierté d'être enceinte à la honte de le sembler. Est-ce que tu peux nous parler de ce moment et de ce que ça a réveillé en toi ? Et d'ailleurs tu en parles à un autre moment où là c'est toi qui portes un regard sur toi-même.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Où tu te dis j'ai un ventre qui pourrait être un ventre d'une femme enceinte.

  • Speaker #1

    Ça c'est incroyablement enraciné. Et je pense que ça peut résonner pour pas mal de nanas. J'ai jamais eu autant de réactions à un sujet que quand j'ai posté ce sujet-là sur mon Instagram en guise de... Petite avant-goût du chapitre.

  • Speaker #0

    Et puis la photo était très bien trouvée. Tu avais posté une photo de ton ventre.

  • Speaker #1

    De moi, de profil.

  • Speaker #0

    Donc tu étais habillée, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et alors, figure-toi qu'en plus, depuis ce moment-là, je suis harcelée de publicités Instagram pour un complément alimentaire dont le nom m'échappe parce que je n'ai pas envie de leur faire de pub. Mais où tu vois des nanas ultra minces qui se filment de profil avec leur ventre plat en disant ... ça c'était moi il y a 6 semaines vous ne le croiriez pas non je ne suis pas enceinte et donc l'idée c'est de te vendre un truc qui t'aide à pas avoir le ventre qui gonfle d'ailleurs le ventre on draine pas et l'image qui est associée à ça et à ce qui est anormal est tellement violente qu'à chaque fois je fais suivre à des copines qui sont pareil dans des réflexions et des complexes par rapport à leur ventre et ils disent viens on leur casse la gueule Merci. et donc du coup je sais à quel point le moindre petit renflement est tout de suite part dans la normalité L apostrophe anormalité et part dans le tiens est-ce qu'elle est enceinte et j'en rigolais avec une de mes lectrices qui me disait t'inquiète bientôt on arrive à l'âge où les gens ne se posent même plus la question se diront bien juste trop vieille pour ça. Donc c'est encore un privilège de pouvoir se poser la question. Mais il y a quelque chose de tellement puissant et ancré en nous, dans cette idée que quand on est enceinte, on a cette pareil, encore une fois, une femme témoignante dans Encore Heureux, disait on a cette légitimité sociale à être ronde quand on est enceinte. Et qu'enfin, là, il n'y a plus à cacher ce ventre qui reste, on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure, ça reste un truc extrêmement vissé, extrêmement fermé en termes de diversité possible de morphologie. Il n'y en a vraiment qu'une. Et du coup, moi, je m'étais sentie vraiment, je me sens vraiment rattrapée par ça en permanence, c'est-à-dire que ça peut, ça influe les vêtements que je... J'achète, ça influe la manière dont je me prends photo, dont je me présente, ça influe sur la manière dont je me tiens, parce que j'ai pas envie... Encore une fois, ça me ramène à cette femme-mère, et j'ai envie d'être plus que la mère de mes enfants, une femme qui a été enceinte, une femme dont on peut se dire qu'elle est enceinte. J'ai envie que ce truc-là, c'est derrière moi, que ce soit terminé, quoi. Et le fait de voir cette image-là de moi, en partant chez mon fameux cardiologue en plus, je me suis dit, je ne peux pas arriver là-bas, et que lui me dise ça, lui qui s'en contrefout de mon poids, en fait, je me suis imaginée être face à ce médecin, et qu'il me dirait, ouh, Mme Moreau, connaissant mon âge en plus, là, tu vois, on rigolait sur le fait que les grossesses gériatriques... commence à 35 ans, 44, et je me suis changée pour aller chez ce médecin dont je sais qu'il n'en a rien à faire de mon poids. D'ailleurs, il me fait des compliments en s'excusant de m'en faire à chaque fois qu'on se voit sur le fait qu'il me trouve charmante. Ça, c'est encore un autre sujet. C'est gentil. Je fais partie de cette génération qui accepte les compliments de manière assez calme. Je me dis pas c'est inconvenant, il a pas à dire ça, il s'excuse quand même de le faire. Et donc je me dis je sais que ce médecin là il est pas jugeant sur mon apparence etc. Et pourtant je me change avant de dire allez, pour que ça se voit moins et que moi j'ai moins ce sentiment de putain. La brioche quoi.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on parle des nouvelles générations par rapport à ça. Ouais. Je crois que t'en parles dans 76 kilos non ? Ouais. Y'a pas un moment donné où tu dis si les Gen Z me lisaient, on lèverait les yeux au sel en disant... Mais en fait, il faut en rigoler. Quand quelqu'un te demande si tu es enceinte alors que tu ne l'es pas, il faut prendre ça avec humour, il faut en rigoler, etc. Il faut s'en foutre. En gros, est-ce que tu penses que pour les nouvelles générations, il y a une prise de recul peut-être plus importante sur ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Dans celles que je côtoie, en tout cas, vraiment, ma référence, c'est les animatrices de centre aéré de mes filles et de périscolaire. où je vois qu'en termes de tatouage, de nail art, de poids, de morpho, il y a une liberté.

  • Speaker #0

    où je me dis une insolence oui oui exactement on n'en a jamais vu autant que là récemment tout ça est embrassé

  • Speaker #1

    avec une joie qui chez moi créerait mille questions parce que moi j'ai grandi avec cette Cette idée de ce à quoi il faut ressembler qui reste là mentalement très très présente et dont je pense que je ne me déferais jamais. Donc là maintenant il faut être aligné soit avec ce en quoi tu crois et t'essaies de coïncider, soit faire exploser ce avec quoi tu as grandi. J'ai essayé avec 76 kilos, je n'ai rien fait d'exploser du tout. J'ai fait que comprendre à quel point ça m'avait structuré et que... Ma foi, c'est pas grave, j'en suis pas si loin, et que peut-être, si je me donne les moyens, je peux... Ce qui est important pour moi maintenant, c'est de m'aligner. Même si c'est m'aligner avec un truc qui peut paraître débile. En matière de santé, je sais que ce sera bénéfique pour moi, que je suis pas dans une approche malsaine du truc. Donc ouais, il y a cette envie de m'aligner. Je sais pas si c'est hyper cool de le dire. En tout cas, moi, ça m'a soulagée de me dire arrête avec le body positif parce qu'en fait, tu n'y arriveras pas, tu vois, tout simplement. Et je suis heureuse de voir la jeune génération faire ça avec ton naturel. Et je me dis voilà, il faut que ce truc ne soit pas contraint. Il ne faut pas que ce soit un effort.

  • Speaker #0

    Il faut que ça vienne avec un peu de spontanéité.

  • Speaker #1

    Et miraculeusement, on a réussi, venant de là où on vient, à créer un monde où en 2025, les nanas... vont spontanément mettre des crop tops sur des corps qui correspondent pas tout à fait aux corps validés normés, et elles le font sans qu'il y ait eu besoin de déconstruire quoi que ce soit. Je ne sais pas par quel miracle ça a lieu en fait, par quel miracle cette génération-là y arrive, mais je me dis voilà, pour elles c'est bon, malgré le retour du culte de la minceur, malgré aux MPIC, etc. à mon avis, sont concernants plutôt pour ma génération à moi. Oui,

  • Speaker #0

    et puis quand même, les personnalités qui ont vraiment vanté les mérites de ce produit, c'est quand même Kim Kardashian, je crois, de mémoire,

  • Speaker #1

    et

  • Speaker #0

    Elon Musk. Donc c'est des générations aussi, peut-être que ne regardent pas les plus jeunes, je ne sais pas en fait.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai l'impression qu'elles ont plus le choix, alors que Les femmes notamment qui font un métier d'image, qui sont dans la trentaine, comme Kim Kardashian, je ne sais pas exactement quel âge elle a. Oui, je sais quel âge elle a,

  • Speaker #0

    35,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Voilà, trentaine qui vont arriver sur quarantaine, etc., basculer de ce côté-là, sont peut-être plus la clientèle en première intention.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    complètement. Et que la jeune génération va plus réchapper à ce truc-là, à part... On va dire une frange vraiment radicale de skinny talkers qui ne me paraissent pas être la majorité des femmes.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    J'ai quand même l'impression qu'on les voit beaucoup, on les entend beaucoup, aussi parce qu'on les dénonce beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, ça fait quand même un gros tollé sur les réseaux sociaux, toute cette tendance du skinny talk. Pour rappel, pour ceux qui n'ont pas suivi, c'était sur TikTok. Des femmes qui mettaient en avant leur corps particulièrement maigre. On n'était même plus dans la minceur, on était plutôt dans la maigreur. Et il y avait une apologie de la maigreur. Et aussi de conseils pour y arriver, je crois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je crois.

  • Speaker #1

    La totale. Bref,

  • Speaker #0

    la totale. Mais tu vois, pour revenir sur cette génération peut-être un peu plus décomplexée et qui se sent plus libre par rapport à ça, c'est intéressant quand même parce qu'on n'a jamais été dans une société aussi riche en éléments de comparaison. Parce qu'avant, quand il n'y avait pas les réseaux sociaux, la comparaison, c'était les gens qu'on voyait dans les magazines, c'était les stars, c'était la télé-réalité à la télé, etc. Donc le comparatif était moins important que là, sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, tu as accès au monde entier, à des gens qui sont potentiellement des amis, des collègues, etc. Donc les comparaisons sont beaucoup plus propices.

  • Speaker #1

    C'est super juste.

  • Speaker #0

    Alors qu'il y a quand même un mouvement de ces nouvelles générations qui essaient de se détacher de ça. Je sais pas, est-ce qu'on a atteint peut-être un extrême et du coup il y a un rejet de ce culte de l'image qu'on voit sur les réseaux sociaux, etc. ? Je sais pas.

  • Speaker #1

    C'est certain qu'on n'a pas fini de mesurer l'impact en termes d'imaginaire et de représentation des réseaux sociaux, et par là j'entends l'impact aussi positif. Oui, bien sûr. Parce qu'il ne faut pas se leurrer par rapport aux images avec lesquelles les filles adolescentes dans les années 90 comme moi ont grandi. Oui.

  • Speaker #0

    Avec les Kate Moss...

  • Speaker #1

    Voilà, en termes de diversité, c'est très très peu de choses. Et donc là, aujourd'hui, quand bien même les réseaux sociaux, tu as tout, du coup, tu as le pire, mais tu as aussi la diversité. Et donc, le miracle vient peut-être tout simplement de là, d'avoir accès à toutes ces images, toutes ces représentations possibles. Quand bien même il y a bagarre et il y a quand même injonction, il y a quand même tendance inquiétante et toxique, il y a forcément tout. Mais tu peux aller aussi être exposé de manière assez naturelle à des contenus qui, au contraire,

  • Speaker #0

    dénoncent ou sont plus dans la mesure, etc. Non, je suis complètement d'accord. Et donc du coup en tant que journaliste je trouve ça intéressant qu'on aborde ces sujets là parce que toi tu observes de près l'évolution et le retour en arrière potentiellement des discours sur le corps dans la société évidemment donc on a connu les dictats des années 90-2000 auxquels nous on a été confrontés où la minceur était évidemment la norme après il y a eu ce mouvement body positive bon aujourd'hui on sait plus trop si c'est toujours d'actualité ou pas parce qu'il y a un vrai retour en arrière avec Ces sujets que tu mentionnais tout à l'heure, l'Olympique, cette obsession du contrôle, tous les contenus skinny talk, etc. Et aussi, je lisais ça à la dernière Fashion Week, apparemment 95% des mannequins faisaient du 34 ou du 36, alors qu'en France, le 34, c'est 1,6% de la population.

  • Speaker #1

    Et encore du 36 pour un mannequin,

  • Speaker #0

    c'est beaucoup. Non, c'est sûr. Donc bref, il y a une vraie obsession du contrôle qui revient. Et à la fois, je le disais en introduction, une contradiction absolument hyper violente autour de la perception de la minceur avec des femmes comme... Enfin, je ne sais pas si c'est en intro ou en off, mais en tout cas, avec des femmes comme Anna Roy, qui est une sage-femme qui a écrit un livre qui s'appelle « Énorme » , dans lequel elle raconte son processus, comment est-ce qu'elle a perdu du poids, etc. Et elle s'est complètement faite bâcher là-dessus, cette perte de poids. Elle a même été accusée, je crois, de grossophobie. Enfin, je ne veux pas dire des bêtises, mais il me semble. Donc voilà, on est une société où on cultive la minceur, etc. Et à la fois, quand des femmes maigrissent, elles se font bâcher parce qu'elles maigrissent. Et je crois aussi que tu donnais un exemple dans « 76 kilos » de Lily Collins. Tu sais qu'elle a été critiquée parce qu'elle a fait appel à une mère porteuse. Alors, elle n'a pas été critiquée. parce qu'elle a fait appel à une mère poteuse. Elle a été critiquée parce que ça lui aurait permis de conserver sa ligne, apparemment. C'est complètement ambivalent, en fait, comme discours. On nous demande d'être minces, et puis après, quand on veut garder la ligne, on nous critique, et quand on perd du poids, on nous critique.

  • Speaker #1

    C'est toute la logique de « les femmes ne gagnent jamais » . Voilà. Et de... C'est un double standard en permanence. Lily Collins, on voit très bien qu'elle est... C'est quelqu'un qui est encore extrêmement filiforme de nature. Ce n'est pas une actrice qui s'affame ni rien.

  • Speaker #0

    Elle avait écrit un super bouquin,

  • Speaker #1

    Lily Collins.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si tu l'avais vu ou pas.

  • Speaker #1

    Non, je ne savais même pas.

  • Speaker #0

    Elle a écrit un bouquin, Lily Collins, sur son histoire, le rapport à son corps, etc. Je ne sais plus comment il s'appelle.

  • Speaker #1

    J'espère qu'elle ne parle pas d'anorexie dedans, sinon ça... Ah, c'est le cas. D'accord. Donc tu vois, moi je la voyais comme quelqu'un de naturellement filiforme. Donc c'est pas le cas.

  • Speaker #0

    Mais je l'ai lu il y a longtemps, donc je retrouverai.

  • Speaker #1

    Donc ça explique aussi le recours à une mère porteuse, et le fait qu'on lui fasse payer aujourd'hui comme étant un choix superficiel.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est bien de là.

  • Speaker #1

    Alors que parallèlement, Margot Robbie... Et puis après, je sais pas combien de temps Emily in Paris va continuer à être produit par Netflix, mais Clairement, dans son activité professionnelle, elle ne peut pas changer de corps. Qu'une femme fasse des arbitrages personnels en termes de vie privée pour sa carrière, de toute façon, c'est un truc sur lequel les gens vont juger, ils vont lui tomber dessus, parce que vu comme carriériste aussi. Et parallèlement au fait qu'elle avait accueilli... Un enfant ou deux, je ne sais plus si c'était des jumeaux ou un enfant, alors que Margot Robbie, parallèlement, se faisait tailler parce qu'elle avait flingué son corps à cause de la grossesse, qu'elle était déformée, etc. Il y avait vraiment les deux phases du même problème, avec cette manière de dire que vous avez échoué, que Lily Collins a échoué, que Margot Robbie a échoué, et qu'il n'y a aucun moyen, finalement. Si on écoute les réseaux sociaux aujourd'hui, d'être dans le juste.

  • Speaker #0

    et puis cette idée qui faillait être juste quelque part déjà extrêmement dérangeante aussi donc il y a vraiment et Anna Roy ce qu'on lui reprochait c'était son discours sur le fait de mincir vu

  • Speaker #1

    comme un moi j'ai lu son livre je l'ai pas lu et je te confirme Lily Collins a bien écrit un bouquin qui s'appelle Unfiltered dans lequel elle raconte son histoire quand elle était adolescente par rapport à l'anorexie,

  • Speaker #0

    la boulimie et ben voilà tu vois, je me suis fait moi la spécialiste du corps je me suis fait complètement avoir par l'image que j'avais d'elle enfin voilà pour moi c'était ce genre d'organisme qui naturellement brûle tout oui qui est un métabolisme le fameux métabolisme et donc Anna Roy alors à quel point suis-je grossophobe moi-même pour ne pas avoir perçu la grossophobie du bouquin je ne sais pas Mais j'étais hyper étonnée. Est-ce que ça vient de gens qui ne l'ont pas lu ? C'est possible. Est-ce que ça vient du fait que certains extraits soient difficiles à lire ? Je ne sais pas. Il y a un tel parcours, un tel cheminement chez elle de vie qui explique pourquoi elle s'est retrouvée à faire un certain poids, pourquoi elle ne le veut plus. et pourquoi elle a le sentiment de se retrouver et que son identité n'était pas au poids qu'elle pesait. Voilà, tout ça suit un cheminement logique, que je trouve qui est plutôt bien expliqué. Et effectivement, c'est devenu extrêmement difficile d'avoir ce genre de discours aujourd'hui, parce que ça met la tête dans la merde. ça met tout le monde la tête dans la merde en disant voilà moi j'ai fait cet effort là et c'est mieux pour moi etc faites la même chose c'est pas un discours qu'on peut entendre sans se dire, sans se positionner par rapport à lui et se dire qu'est-ce que moi je fais et que font les femmes qui sont en surpoids quand elles entendent ça et qu'est-ce qu'elles ressentent et tout ça est incroyablement légitime Et le problème, c'est la cohabitation entre le ressenti légitime d'Anna Roy, le ressenti légitime de certaines femmes dont on va dire qu'elles sont grosses, rondes, en surpoids, et qui souhaitent rester comme telles, et à qui indirectement ce livre vient dire non, c'est pas ce qu'il te faut. Comment tu fais, enfin comment tu vis en fait dans un monde où tout ça cohabite ? Donc il y a encore... Je pense une plus grande diversité de parcours possibles qui s'offre à nous aujourd'hui, mais on a encore tellement tendance à se projeter dans le parcours de l'autre et pas à dire voilà c'est son histoire, moi la mienne et autre. Et il faut toujours que ce soit validé par notre propre expérience en fait. Et à partir du moment où on n'arrive pas à se projeter dans le parcours de l'autre, ben c'est pas bon.

  • Speaker #1

    Oui c'est pas bon. Et c'est vrai, ça arrive souvent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui est devenu difficile aujourd'hui, c'est que tu as toujours la possibilité de faire du mal, d'offenser légitimement quelqu'un qui te lit. Tu peux faire légitimement du mal à quelqu'un qui te lit en étant pourtant toi tout à fait sincère et alignée dans ce que tu racontes.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qui était totalement la posture de Anna Roy, quand elle a écrit son livre. C'était pas pour culpabiliser les femmes, c'était pour raconter et livrer son témoignage.

  • Speaker #0

    Et on lui a reproché aussi notamment son discours par rapport au sucre. Oui, parce qu'il y a un vrai sujet aujourd'hui de savoir si oui ou non, c'est toxique, ça crée une addiction, etc.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle a totalement arrêté le sucre, en fait. Pour information, elle ne mange plus de sucre raffiné. Je pense qu'elle mange des fruits, etc.

  • Speaker #0

    Et je pense que là encore, on a un manque de... de vrais cadres médicaux, scientifiques. Par rapport à l'alimentation, à la minceur et ce que la minceur implique, aux manières de s'alimenter, on a un manque de repères vraiment que tout le monde prendrait pour acquis. Sur le sucre, il y a encore débat. Et le fait qu'il y ait débat sur autant de choses par rapport à l'alimentation, ne serait-ce que les différentes manières de se mettre en rééquilibrage alimentaire. Il y a 12 000 méthodes qui sont incompatibles les unes avec les autres et contradictoires. Ça fait que, voilà, on a moins de repères aujourd'hui qu'on en avait, même s'ils étaient mauvais, dans les années 90 ou 2000.

  • Speaker #1

    Le discours était plus simple, quoi. Ouais, un discours.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    On suivait le truc, alors que là, aujourd'hui,

  • Speaker #0

    t'as une diversité de solutions. Et du coup, de possibilités de se sentir un peu perdue. Ouais, complètement. Et d'acceptation du fait que... personne puisse avoir d'autres repères, que toi, tu puisses en avoir encore d'autres et que tout ça puisse en bonne intelligence coexister sur les réseaux. En même temps, c'est passionnant parce que tu apprends plein de choses à voir chaque camp exprimer ses convictions. Je ne sais pas où elle en est aujourd'hui, quelques mois après avoir sorti son livre. Mais ça a vraiment mis le doigt sur où on en est par rapport à la grossophobie aujourd'hui. Qu'est-ce qui est légitime ? À quel moment on est blessant ? À quel moment on est offensant ? Voilà. Moi, je n'ai pas la bonne méthode non plus. Et je pense qu'à chaque fois que j'ouvre la bouche sur le poids, je peux offenser des milliers de personnes. par rapport à ce que je dis, et c'est légitime qu'elles se sentent offensées, si moi je raconte mon histoire.

  • Speaker #1

    Et l'évolution de la presse féminine sur ces sujets-là, alors je ne parle pas forcément de la grossophobie en particulier, mais plutôt sur le traitement du corps, dans les magazines féminins, qu'est-ce que tu as pu constater toi depuis 20 ans ? Où est-ce qu'on en est là un peu ? Est-ce que les lignes ont vraiment bougé ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors la sémantique a bougé, ça c'est clair. On n'utilise plus le mot régime au L. Je ne suis même pas sûre que minceur, comme il y avait le spécial minceur. Avant ça, il y avait le spécial maigrir. Voilà, tous ces mots-là me semblent avoir disparu. On est plutôt sur un spécial, on va parler de forme, de bien-être. On ne va pas relayer le dernier régime à la mode. On va rester, et ça, ça a toujours été fort l'ADN du magazine, et je pense de ce type de magazine en général, on va être sur la gourmandise. Ça, c'est un truc qui va rester très fort, très ancré. Après, moi, ce que je trouve, à titre personnel, assez compliqué avec la presse féminine, c'est qu'elle suppose un talent au fourneau.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Que moi, je... Enfin, voilà. La base, c'est que tu aimes cuisiner, que tu sais cuisiner. Et ça, moi, il me semble qu'en 2025... Et que tu as le temps.

  • Speaker #1

    Et que tu as le temps.

  • Speaker #0

    Et que tu en fais une priorité. Moi, il me semble que ça, en 2025, ça pose quand même question. J'ai l'impression que socialement, dire que tu n'aimes pas faire la cuisine, c'est encore un truc problématique. T'es vue comme quelqu'un de sec de corps et de cœur. Enfin, tu vois, forcément, quelqu'un de vraiment épanoui ne peut que aimer faire la cuisine. Tu vois, il y a encore ce truc très présent, je trouve. Et du coup, quand je vois, moi, des figures de femmes, que ce soit dans des séries, des films ou des interviews de femmes qui disent « la cuisine, c'est pas mon truc » , tu vois, je suis là, je me dis « mais merci de le dire ! » Merci de le dire, juste parce que, voilà, pour moi, il y a ce dernier truc. de se dire une femme en 2025 pour peu qu'elle soit très occupée professionnellement ou socialement elle a le droit d'en avoir rien à faire de faire la cuisine de faire des recettes gourmandes et pourtant d'aimer manger et comment tu réconcilies ces trucs là donc ce savoir-faire culinaire qui est considéré comme acquis dans la presse féminine reste pour moi Le dernier endroit où il faut peut-être un peu travailler. Oui, changer des choses. Parce qu'après... En faire évoluer. Voilà. Après, ce qui est de ne plus utiliser les mots qui fâchent et d'être dans des propositions assez saines. Le job est fait.

  • Speaker #1

    Et dans les corps, peut-être qu'on montre aussi.

  • Speaker #0

    Et dans les corps.

  • Speaker #1

    Oui. Là, il y a encore des choses à faire évoluer quand même.

  • Speaker #0

    Là, c'est encore très, très, très compliqué.

  • Speaker #1

    Quand tu regardes les magazines, c'est toujours...

  • Speaker #0

    C'est super compliqué.

  • Speaker #1

    C'est assez lisse, quoi.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça, c'est pas un sujet valable que pour les magazines féminins, c'est un sujet aussi valable pour les marques, les marques de vêtements, etc.

  • Speaker #0

    C'est le saffron qui se mord la queue, et ceci explique cela. C'est-à-dire que, comment tu peux proposer autre chose quand tout le reste continue d'être promu ? Alors, après, on parle de gros annonceurs. des annonceurs qui vont avoir le budget pour mettre des pubs dans ton magazine. C'est le luxe. Ce n'est pas les petites marques florissantes de plus en plus nombreuses qui font poser des nanas de tout gabarit qui vont acheter une page de pub dans un magazine féminin. Et de là vient le problème. Le luxe est encore hyper vissé sur... À un moment donné, ce n'est même pas la minceur, c'est quasiment l'absence de... Je ne vais pas dire l'absence de corps, mais voilà. On en est presque là parfois. Ou alors le corps très sexy, mais moins en ce moment, je dirais. Et si les annonceurs dans la presse féminine étaient représentatifs de ce que nous on voit comme annonceurs, ne serait-ce que sur Instagram, je pense que par capillarité, tout changerait aussi dans les shootings et que ce serait beaucoup plus aligné. Dieu merci ! On a les réseaux sociaux pour voir des marques qui font des pubs sur des corps qui sont beaucoup plus divers et représentatifs de la rue. Et tant que de toute façon la presse féminine fonctionnera sur ce système-là de financement, c'est-à-dire que le prix du magazine en kiosque et les abonnements ne suffit pas à faire survivre le magazine. et que toi tu veux pouvoir continuer d'écrire dans ce magazine et de proposer des articles où justement tu remets en question, où tu parles de diversité, etc. Le problème, c'est que l'existence de ces textes est conditionnée par des marques qui ne promeuvent pas la diversité. Donc c'est un peu un truc de cheval de Troie, finalement. C'est d'essayer d'amener ce discours-là, et c'est fait de manière très consciente aux ailes. d'essayer d'amener ce discours-là et ces pistes de réflexion-là dans un magazine qui continue d'être visuellement, esthétiquement très marqué par les corps minces. Et c'est parce qu'il est marqué comme ça qu'il se vend et c'est parce qu'il se vend que tu peux parler aux lectrices de diversité. C'est absurde, mais on en est à essayer. de donner cette révolution douce de l'intérieur.

  • Speaker #1

    Et toi, tu y contribues ? Avec notamment ta rubrique Encore Heureux,

  • Speaker #0

    je trouve. Qui est une rubrique en ligne. Parce que c'est vrai que nous, on a un seul format de témoignage dans l'EL. C'est mon histoire, qui est très large et qui est multithématique. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est toi aussi qui gères cette rubrique,

  • Speaker #0

    non ? Il y en a toutes les semaines et en fait, ça tourne. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Régulièrement, il y a ton nom.

  • Speaker #0

    Toute la rédaction, elle tourne là-dessus. Et les formats vraiment spécifiques sur le corps avec autant de place, parce que c'est des interviews très longues. Oui. Le principe de Encore Heureux, c'est une interview très très longue, où vraiment tu laisses une femme raconter la manière dont elle a tissé sa relation avec son corps. C'est incompatible avec la presse papier parce que c'est trop long. Et on veut le faire souvent. Donc, l'astuce, c'est de faire sur le web, en se disant que... Voilà, ces textes-là vont quand même essayer d'être diffusés, de rayonner beaucoup. Et c'est vraiment la force du site web, c'est d'être sur le témoignage vraiment long. Et tu peux regarder les stats de trafic des sites féminins, le format témoignage au long cours, quel que soit le thème, ça peut être les relations familiales, le couple, c'est ce qui marche le plus. D'accord. Donc, les gens s'abonnent pour ça au site. et s'abonner à un site c'est quand même une démarche c'est pas tout le monde qui le fait donc voilà ces textes existent pour qu'ils existent sous cette forme, ils doivent être sur le web et sur le web ça marche donc on mène et c'est quand même identifié à la marque du L donc on mène ces batailles sur deux fronts simultanés donc on va être plus facilement sur le vêtement Et aussi le corps, ce que je trouve très intéressant et qui a été fait notamment tout l'��té au L, c'est de raconter le corps par une mère et sa fille. Le rapport à l'épilation, le rapport au bronzage, etc. Et de voir comment chaque génération vit le truc.

  • Speaker #1

    C'est intéressant.

  • Speaker #0

    Et donc, mine de rien, voilà, avec... Cet effort-là d'essayer de dire, faisant entendre en fait tous les vécus, on trouve des astuces. Et ça va être un sujet global et du coup on va y entrer par chaque personne et citer de manière assez courte. Et sur le web, on va faire l'exercice inverse, formalons.

  • Speaker #1

    Et par rapport à la rubrique Encore Heureux, est-ce que toi tu observes dans les récits des, on en parlait un peu tout à l'heure, mais des thématiques qui reviennent tout le temps ? Ou est-ce qu'à contrario, tu dirais qu'il y a une grande diversité d'expériences ? C'est peut-être un peu dédonnant.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai eu une remarque récemment sur Instagram me disant « Pourquoi toutes ces histoires tragiques, ça s'appelle « Encore heureux » ? » Et je comprends cette remarque, parce que c'est vrai que souvent, les femmes qui font la démarche de témoigner viennent avec un truc douloureux, l'envie de... de se réaligner, de résoudre quelque chose, plutôt qu'avec. Moi, je suis super bien dans mon corps et je vais vous raconter pourquoi. Il y a toujours une histoire de trucs qui sont soit douloureux, soit pas alignés. Et donc, j'ai essayé d'expliquer à cette lectrice qui me disait, encore heureux, ça correspond, tu vois, à la promesse. Et je disais, mais pour moi, il n'y a rien de plus heureux qu'être dans le récit. dans l'appropriation de son parcours, de raconter, de mettre des mots sur le truc. Et ce que je demande à chaque témoin, c'est toujours de finir sur une note positive. Ça, c'est la charte de la rubrique. Tu ne peux pas juste te faire plomber pendant 10 000 signes par quelqu'un qui est dans le schwarz total et qui ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Il y a toujours un truc. Il faut aller jusqu'au bout de l'histoire, du coup. Parfois, c'est en amorce du sujet. Parfois, il faut vraiment aller au bout. Et donc, pour moi... qui suis moi-même dans une démarche de dire, voilà, je ne suis pas dans le corps que je voudrais, mais je suis dans une démarche de m'interroger, de me raconter. Et en cela, je sens que mon corps est heureux parce que je le regarde, je l'interroge et tout. Pour moi, la promesse, elle est là dans le fait de prendre la parole, tout simplement.

  • Speaker #1

    Puis je trouve que c'est des discours où il y a beaucoup d'espoir aussi. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette avis de lectrice, mais après, évidemment, nos avis sont conditionnés aussi par nos histoires. J'ai témoigné dans cette rubrique, donc je le vois avec un regard différent, probablement. Mais moi, le mot qui me vient de cette rubrique, c'est le mot « espoir » .

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vraiment... Ce magnifique jeu de mots, « encore heureux » vient de Julie Dessagne, qui est la boss du digital chez nous. Et c'est vraiment quand elle m'a dit « est-ce que tu veux bien faire ça ? » et pour moi c'était un tel cadeau parce que c'était tellement solaire, ne serait-ce que le titre de la rubrique. Et en même temps, j'ai su tout de suite que tout ce qui était injonction, complexe, allait devenir essentiel à la rubrique. Que ça pouvait pas simplement être l'histoire d'une femme, comme je te le disais tout à l'heure, totalement bien dans sa peau, qui allait nous donner ses secrets pour être bien dans sa peau. Parce que c'est pas de ça dont on a forcément besoin. Il y en a, mais c'est pas la majorité.

  • Speaker #1

    Tu sais que moi je m'interroge beaucoup par rapport à ce podcast. Comment je le positionne. Parce qu'aujourd'hui je donne principalement la parole à des femmes qui ont des choses à raconter sur leur corps, avec des vécus très riches. souvent quand même assez douloureux. On ne va pas se voiler la face. C'était aussi l'objectif de ce podcast. Et de déconstruire aussi tous les schémas sociétaux, etc. Mais je m'interroge beaucoup sur aussi interviewer des femmes très solaires. Ce n'est pas parce que tu as une histoire douloureuse que tu n'es pas solaire. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais ces femmes qui n'ont jamais eu de complexe, qui sont hyper bien dans leur basket, pour qui le corps n'est même pas un sujet. pour aussi avoir une... Je ne sais pas, mettre des mots aussi sur ce que c'est qu'une vie aussi où le corps n'est pas un sujet. Et ouais, je m'interroge pas mal en fait. Alors je l'ai un petit peu fait avec une coach chez Dynamo qui s'appelle Justine Roja dans le dernier épisode. Mais on est parti sur un angle autour du mindset, donc de la détermination, du goût de l'effort, etc. Donc c'était axé corps, mais très lié au mindset, à la confiance en soi, etc. Donc c'était intéressant. Pardon, je referme la parenthèse, mais moi aussi ça m'interroge.

  • Speaker #0

    Je pense que le point commun entre tous ces parcours, c'est qu'il y a à un moment donné un truc atypique. Par exemple, récemment dans Encore Heureux, j'ai raconté l'histoire d'une femme qui a décidé de se raser le crâne. Aucun problème de... tu vois, d'injonction, il n'y avait absolument pas ça dans son témoignage. Mais se raser le crâne, c'est tellement atypique par rapport à ce que tu attends d'une femme.

  • Speaker #1

    Absolument, les cheveux...

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    l'élément central de la féminité.

  • Speaker #0

    Il y avait une histoire, et à chaque fois qu'on est dans un témoignage, puisque tu me demandais qu'est-ce qui revient de manière obsessionnelle, c'est toujours le poids. Et là, je pense que je peux faire un million d'épisodes dessus, il y aura toujours des gens pour aller lire. Et moi, je serais toujours fascinée de... Voilà, aussi parce que je m'identifie forcément, je serais fascinée d'écouter ces histoires-là. Donc, quand tu sors de cette problématique-là, du poids, et que ma foi s'est plutôt alignée, et que tout va bien dans leur vie, il y a toujours, à un moment donné, un truc singulier qu'elles ont envie de raconter par rapport à un choix qu'elles ont fait physique qui n'est pas... Comment dire ? consensuelle. Et donc, je pense que partant de là, si t'interviewes une nana qui est dans le sport à fond, c'est pas le quotidien de Madame Tout-le-Monde. Donc, il y a toujours matière à un petit peu équilibrer les choses pour être à la fois dans le vécu potentiellement des côtés traumatiques et le vécu un peu atypique.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison.

  • Speaker #0

    Puisque finalement, un destin de femme, c'est tellement... On s'en fait une image tellement figée, normée, que c'est très facile d'être atypique, en fait. Dès que tu échappes un tout petit peu aux millions de critères qui pèsent sur nous, hop, tu es originale.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison. Non, tu as raison. Est-ce que cette posture d'écoute, parce que tu as une posture d'écoute aussi, les échanges se font de manière écrite pour le témoignage encore heureux ? Mais tu as quand même une posture d'écoute toi, parce qu'il y a des allers-retours qui se font avec la personne qui est interviewée. Mais est-ce que tu dirais que cette posture d'écoute, elle t'apporte à toi des choses par rapport à tes réflexions, sur ton propre rapport au corps, etc., même si les histoires sont différentes de la tienne ?

  • Speaker #0

    Ça a clairement été un déclencheur pour moi. Je pense que j'en étais peut-être à... Là, j'en suis à quasiment l'épisode 37 ou 38. Je pense que c'est autour de l'épisode 10 où j'ai fait une interview avec une femme qui me racontait les années 90. Et là je me suis dit ok, en fait, il y avait trop de choses qui résonnaient vis-à-vis de moi, et pourtant je sais qu'on en parle souvent de cette époque-là et d'où on vient, etc. Rien de neuf peut-être, mais les mots qu'elle avait posés là-dessus... Sa manière de les décrire, ça m'a fait prendre conscience de beaucoup de choses que je pensais évidentes, que je n'avais pas regardé avec du recul. Donc, à partir du moment où j'ai fait cette interview-là, j'ai commencé à réfléchir à... Pardon, je souris parce qu'il y a ton chien qui est endormi au creux de ton coude et il est tellement, tellement mignon.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le gros dodo là.

  • Speaker #0

    Ah ouais, trop chou. Et donc à partir du moment où j'ai reçu ce témoignage, je me suis dit mais j'ai envie de raconter tout ça moi aussi. Pas la même chose parce qu'on n'a pas eu le même parcours, mais à quel point tout ça est puissant, à quel point tout ça est encore là.

  • Speaker #1

    Et utile aussi je trouve.

  • Speaker #0

    Et utile, exactement. Franchement. Et vraiment je ne remercierai jamais assez. Toutes ces 37 femmes dont tu fais partie qui m'ont fait confiance et qui m'ont raconté de manière aussi fouillée et sincère ce qu'elles ont vécu.

  • Speaker #1

    Et tu sais, pour la petite histoire, c'était l'année dernière, donc moi, c'était l'année dernière. Et pour la petite histoire, c'était à la même époque, c'était juillet-août où je t'ai envoyé mes réponses. C'est drôle quand même qu'un an après, à la même période, du coup, on se voit et on échange. On échange les rôles.

  • Speaker #0

    Nous sommes les compagnies estivales. C'est vrai, tu parlais de posture d'écoute. Moi, c'est vrai que je suis habituée à...

  • Speaker #1

    On n'a pas parlé de ça.

  • Speaker #0

    Voilà, à écouter. J'écoute le vécu des autres. Je raconte le mien de manière très contrôlée. Je dis ce que je veux dire. J'écris ce que je veux écrire. Il n'y a personne qui me relie parce que c'est publié sur une plateforme. Je fais quand même relire à un copain à moi qui est un homme de 59 ans. C'est important aussi de le savoir. Pour moi, si lui, il l'a senti, ce que j'ai voulu transmettre dans le chapitre, c'est que c'est bon.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas s'il écoutera ce podcast, mais je le sais, lui s'appelle Yves. Donc, moi, j'ai vachement de contrôle dans le choix de mes mots. Et du coup, pour moi, l'exercice qu'on fait aujourd'hui, il est vraiment assez inédit parce qu'interagir... chercher justement à penser à voix haute, chercher les bons mots, c'est quelque chose dans quoi je ne suis pas du tout au quotidien, ni en tant que journaliste, ni en tant qu'auteur. Donc merci de renverser la chaise.

  • Speaker #1

    Merci de m'admettre à cet exercice, et qui n'est pas évident en plus, c'est-à-dire de formuler une pensée claire, qui reflète précisément ce qu'on ressent, ce qu'on pense, etc. Ce n'est pas si évident que ça à faire. écoute je voudrais qu'on termine sur cette thématique du corps et du soin comment est-ce que toi tu prends soin de ton corps au quotidien ça peut être aussi en lien avec les saisons parfois

  • Speaker #0

    les femmes ont des pratiques quand on change de saison etc quels sont tes outils vraiment mon obsession c'est de ne pas être fatiguée donc Merci. Donc je vais vraiment trouver toujours le temps d'aller me coucher suffisamment tôt pour avoir mon quota de sommeil. Mais je ne vais pas trouver le temps d'aller faire du sport.

  • Speaker #1

    C'est une question de priorisation.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est-à-dire qu'il y a un truc qui est... C'est certainement cette histoire de corps performant avec laquelle je me bagarre encore un petit peu et de me dire que je ne vais pas prendre de plaisir, que ça ne va pas être source de plaisir alors qu'aller se coucher... C'est un plaisir. Oui, oui, bien sûr. Voilà, c'est immédiat. Donc, il y a ce truc-là. Donc, il y a ce truc par rapport au sommeil qui est le premier soin. Encore une fois, le moins indolore. Tu ne pousses pas dans tes retranchements en allant te coucher.

  • Speaker #1

    Et tu parlais tout à l'heure de troubles du sommeil. Tu es sujette, du coup,

  • Speaker #0

    des insomnies. Oui, oui, oui. Je suis hyper vigilante. Donc, c'est-à-dire que le moindre son me réveille. Je mets beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à me rendormir. Par rapport à mon compagnon qui est un ancien pompier volontaire et qui donc se rendort sur commande. Forcément, tu t'es appris à fonctionner comme ça. Depuis que j'ai 40 ans, je dirais que le maquillage est vraiment devenu central. Parce que je me réveille avec... Finalement, tout gravite autour du sommeil dans le soin chez moi. Je me réveille avec cette tête, c'est Florence Foresti qui, dans ses bonnes années, avait fait un sketch là-dessus sur le fait que tu te réveilles avec la gueule plus fatiguée le matin que la veille au soir en allant te coucher. Donc j'ai franchi ce cap. Du coup, le soin, du maquillage est vraiment un truc dans lequel je trouve plaisir, créativité, expression de moi-même. déploiement.

  • Speaker #1

    Donc tu changes tous les jours de make-up ?

  • Speaker #0

    J'apprends beaucoup par rapport à ma physionomie. En termes de colorimétrie, ce qui vraiment va me donner le plus d'éclats. Je ne veux pas dire que je suis éclatante au quotidien, mais en tout cas, c'est ce que je vise. Ce que je vise, c'est non pas un certain... type de beauté ou une certaine tendance de beauté mais à avoir l'air le plus frais possible donc ça c'est vraiment les deux trucs principaux après l'hydratation du corps à mort, donc intérieur extérieur, ça c'est non négociable je prends le temps après chaque douche de me crémer de la tête aux pieds je bois 2 à 3 litres par jour sans problème, ça y a vachement de... voilà C'est même pas de la rigueur, c'est-à-dire que ça vient naturellement. Et ensuite, sur les soins qui peuvent être plus ponctuels, là, je tombe dans cet écueil de je suis dans le mental, je suis dans ma tête. Si je vais faire un massage, je vais avoir 12 000 idées de papier, de boulot pendant le massage, donc je vais pas en profiter. Donc j'essaie de pas y mettre trop d'argent parce que, voilà, je suis à un stade de ma vie où j'en profite pas réellement. Et j'ai pris l'option bien-être de ma mutuelle pour avoir une petite enveloppe annuelle qui est trop petite à mon goût d'ostéopathie, diététicienne, tous ces trucs-là qui font partie des moments que moi j'aime bien m'accorder. Je trouve ça dingue que ce soit une histoire de bien-être et que ce soit plafonné. Mais bon, toujours est-il que... Je sais que je consacre plus d'argent à financer mes éventuels problèmes de santé via ma mutuelle, parce que je ne suis pas salariée, donc tu le sens vraiment directement plein pot sur tes finances. Après en avoir pris une planchée, je me suis dit que je mets une certaine somme pour me dire que je peux avoir des problèmes de santé, c'est couvert, et je prends soin de moi de cette manière-là, en étant déjà dans le budget. Et de me dire que c'est une bonne manière de dépenser mon argent. Même si quand tu fais le calcul, tu vois que tu ne t'y retrouves pas.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais ça peut paraître débile ou aller de soi, mais je pense que pour les gens qui bossent en indépendant, le choix de la mutuelle et l'entente de la mutuelle, c'est un sujet.

  • Speaker #1

    Et pour le mental, est-ce que tu fais des choses ? La méditation ?

  • Speaker #0

    Mais jamais ! C'est mon idée de l'enfer, la méditation. C'est-à-dire que... Je sais, hein. à quel point c'est pas possible de dire ça que juste je passe à côté d'un immense plaisir et qu'un jour peut-être je changerai d'avis c'est mon idée de l'enfer, de l'enfermement voilà j'ai vécu une adolescence un peu sous cloche, j'avais pas le droit de sortir donc j'ai eu une vie intérieure très riche on va dire ce qui fait que ça bouillonne dans ma tête en permanence Oui. Et me demander de ne plus penser à rien, c'est juste la négation de mon fonctionnement profond, de la manière dont j'ai été élevée, de la place que je pouvais prendre dans l'espace public, la plus réduite possible parce qu'on avait peur pour moi et donc je restais chez moi, je ne me baladais pas dehors. Et je remarque souvent un lien entre, alors je me gourre peut-être, mais les femmes qui font de la méditation. Ce sont souvent des femmes qui vont faire du sport à l'extérieur, qui ont cette pratique-là que moi je n'ai pas. Et donc voilà, pour moi, l'idée de m'enfermer avec mes pensées qui déjà m'empêchent de dormir, alors je sais, si j'y arrivais, je dormirais mieux, etc.

  • Speaker #1

    Bon après on sait pas.

  • Speaker #0

    Voilà. Bon, il paraît.

  • Speaker #1

    Et peut-être des activités créatives, parce que tu vois, en fait, prendre soin de son psychisme, bon, heureusement il n'y a pas que la méditation. Mais ça peut être aussi, je sais pas, des activités créatives, ça peut être de la lecture aussi,

  • Speaker #0

    c'est une forme... Alors, la lecture, ça réinitialise de dingue, j'essaie de vraiment...

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Description

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Charlotte Moreau, journaliste au magazine ELLE où elle explore les liens entre pop culture, mode et corps, et autrice du récit autobiographique 76 kilos. Dans ce texte intime, elle raconte avec une grande honnêteté son rapport au poids, à l’image et à l’héritage familial, en questionnant ce que signifie habiter son corps dans une société saturée d’injonctions.


Depuis près de vingt ans, Charlotte donne une voix sensible et éclairante aux vécus corporels des femmes à travers ses articles, ses livres et sa rubrique « En corps heureux » dans ELLE.


Dans cet épisode, nous revenons sur son parcours, de l’enfance marquée par la culture du bronzage, de la minceur et de la coquetterie, à la quarantaine où elle affirme : « il faut que je sois là où j’ai envie d’être avec mon corps ».


Charlotte évoque l’évolution de son rapport aux vêtements, sa relation à la nourriture, les kg liés au couple, le corps fragmenté et les corps dits midsize — ni minces ni gros — souvent invisibilisés.


Elle revient aussi sur l’écriture de 76 kilos, son pouvoir thérapeutique, et partage son regard de journaliste sur les paradoxes contemporains entre injonctions et acceptation, ainsi que sur la force des témoignages recueillis dans « En corps heureux ».


Enfin, nous parlons du soin : ses rituels, la place centrale du sommeil et ses réflexions sur le mouvement et la manière d’habiter son corps à la quarantaine.


Un échange sincère et lumineux, qui interroge nos blessures mais aussi nos possibles réconciliations avec le corps.


L’épisode est disponible sur toutes les plateformes d’écoute (Apple Podcast, Spotify, etc.).


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Charlotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Vivre son corps.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'accueillir sur ce podcast aujourd'hui pour une conversation intime, à la fois donc personnelle mais aussi je pense collective sur le thème du corps, donc celui qu'on habite, qu'on regarde et que l'on juge aussi, parfois trop vite, parfois avec un peu de dureté.

  • Speaker #1

    Ce sont trois verbes qui résonnent beaucoup pour moi.

  • Speaker #0

    Génial, on en parlera alors. Habiter, regarder juger ouais c'est On rentre dans le cœur du sujet dès le début de l'introduction. Donc, depuis plusieurs années, tu explores le sujet du corps. Avec beaucoup de justesse, je trouve, dans ton métier de journaliste, puisque tu es journaliste chez Elle. Mais aussi dans ton récit autobiographique bouleversant, qui s'appelle 76 kilos, dans lequel tu racontes avec pudeur, humour et lucidité. En tout cas, c'est ma perception. Ta propre relation au poids, à l'image de soi et au regard des autres. On s'est rencontré autour d'un projet éditorial que tu as lancé pour le magazine Elle, donc c'est la rubrique Encore Heureux, E-N plus loin C-O-R-P-S, une série de témoignages sensibles où les femmes racontent leur rapport à leur corps et à laquelle j'ai eu la chance de participer, donc on en reparlera. Et j'ai très vite senti chez toi une écoute et une empathie assez rare, je dois dire. Aujourd'hui, dans cet épisode, on va parler ensemble du rapport à ton corps, donc depuis l'enfance, en passant par l'adolescence et jusqu'à aujourd'hui. On va parler évidemment de complexe, mais aussi peut-être d'apaisement. On parlera donc de ton récit « 76 kilos » , j'en ai parlé, des thématiques que tu y abordes, comme par exemple les corps mid-size, ces corps que l'on qualifie de ni minces et de ni gros. On abordera l'importance de prendre la parole pour reprendre possession de son corps. Ça, c'est un sujet, moi, qui me tient particulièrement à cœur. On parlera aussi de cette tension permanente entre acceptation de soi et injonction contemporaine, parfois déguisée sous les évis du bien-être ou de la santé. Et puis le paradoxe de notre époque, où on peut être célébré pour sa liberté corporelle et en même temps attaqué pour avoir perdu du poids. On discutera de l'impact des médias sur tout ça, et ça sera aussi l'occasion de revenir sur ton travail de journaliste, et notamment cette rubrique Encore Heureux que j'évoquais à l'instant. Et comme toujours dans ce podcast, on prendra le temps d'évoquer le soin du corps, du mental, et les rituels qui t'aident à te sentir peut-être un peu plus chez toi, dans ton corps.

  • Speaker #1

    Rendez-vous pour 24 heures d'enregistrement. Voilà.

  • Speaker #0

    Non mais on peut aussi faire en deux temps. Donc tu viens aujourd'hui puis tu reviendras plus tard. Comme ça, il y a aussi une chronologie. Donc pour commencer, Charlotte, est-ce que tu pourrais, si le tablette, te présenter en quelques phrases auprès de ceux qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle donc Charlotte Moreau. J'ai 44 ans. Je suis journaliste et auteur. Et j'écris sur la pop culture. la célébrité en particulier, sur les vêtements et sur le corps. Donc du coup, ces trois thématiques se sont entrelacées au fil des années. Au début, j'étais vraiment ciblée pop culture. Et puis la mode est arrivée un peu plus tard. Et puis une fois que vous attaquez la mode, vous débouchez toujours sur le corps. Il y a une sorte de connexion fatale entre les deux. Donc voilà, c'est trois thématiques qui m'occupent à la fois en tant que journaliste et auteur, les unes nourrissant les autres et inversement.

  • Speaker #0

    Tu avais lancé un podcast, je crois, un podcast qui s'appelait « Mode » , non ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, j'ai fait. En fait, j'ai écrit un livre qui s'appelle « Le dressing code » , « Comment porter enfin l'intégralité de votre garde-robe » . Et du coup, j'en ai fait une sorte de prolongation via un podcast en six épisodes. qui rayonne autour de thématiques centrales dans le livre, de rapports à l'image de soi, à l'acte d'acheter, à la construction d'une garde-robe et d'une identité par le vêtement. J'ai adoré faire ça parce que je trouve que vraiment, pour en avoir beaucoup parlé avec la communauté qui me suit depuis à peu près, quasiment 20 ans maintenant, parce que j'ai commencé par un... Parler des vêtements à travers un blog avant de le faire professionnellement et avant de le faire par le biais des livres. Donc ça fait quasiment 20 ans que je discute avec des femmes de vêtements et donc de leur corps. Et je vois que les questions restent quand même centrales sur l'identité, l'autorisation, l'image, le confort. si ça reste... Heureusement, le Covid a mis un petit coup de pied dans la fourmilière, mais ça reste quand même un de mes premiers articles pour le site du L, parce que d'abord j'ai travaillé pour le site avant d'entrer au magazine papier. C'était que l'inconfort vestimentaire était la norme pour les femmes, que les hommes n'achètent et ne s'habillent pas du tout de la même manière que nous. Et Dieu merci, on est de la génération qui est en train de voir ce truc-là un petit peu se... Voilà, je ne vais pas dire s'effondrer, mais se désagréger un petit peu. Et toute cette idée que le confort n'est par exemple pas compatible avec, je ne dirais même pas l'élégance, mais le style, juste le style, et encore besoin d'être désamorcé, notamment.

  • Speaker #0

    Écoute, je ne peux pas m'empêcher de penser à ma sœur, puisqu'elle a monté une... Une marque qui s'appelle Maison Figura, donc une marque de vêtements d'intérieur, mais aussi d'objets, des coussins, des plaids, etc. Et en fait, elle a lancé cette marque exactement pour ça, après le Covid, parce qu'elle s'est rendue compte que les femmes, quand elles rentraient chez elle, elles se changeaient pour justement trouver du confort. Et en fait, elles se changeaient souvent avec des vêtements que tu n'as peut-être pas trop envie de montrer si quelqu'un vient chez toi. Donc des choses, des vieux joggings, trouées, etc. pas vraiment dans l'élégance. Et donc, l'objectif, c'est que les vêtements qu'elle propose, allient à la fois esthétisme et confort. Parce que, comme tu le disais, la façon dont on se vêtit, c'est aussi une manière de parler de soi. Il y a aussi une forme de respect, je trouve, dans la manière dont on s'habille. C'est important de porter des vêtements qui ne soient pas forcément troués, tachés, etc. Ça peut arriver, mais je veux dire, au quotidien, il y a un vrai lien entre... Entre tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a une vraie réconciliation à faire sur le fait qu'un jogging n'a pas besoin d'être abîmé ou troué. Ça peut être un beau jogging.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Moi, c'est vrai que j'ai le sentiment d'avoir des évidences qui ne sont pas forcément partagées. Je travaille aux ailes, mais surtout j'ai grandi en lisant elles. Il y a toujours eu, dans les séries mode, dans tous ces corps de femmes qui étaient présentés, le mélange entre très bien très féminin, très délicat, très fragile potentiellement, et le sportswear. Là, c'est vraiment l'identité à fond du magazine. Et donc, cette idée que le sportswear est forcément négligé, abîmé, me heurte profondément esthétiquement, parce que je trouve que c'est quelque chose qui est super puissant en termes de style et de contraste de style. Et je pense qu'il y a beaucoup de solutions à trouver par ce biais-là, en fait, de mélanger des pièces comme ça au reste et de trouver quelque chose de très créatif et de très confortable à la fois.

  • Speaker #0

    Complètement. Écoute Charlotte, la première question que je pose à tous mes invités, c'est la suivante. C'est une question qui est assez simple en apparence, mais qui, je trouve, en dit beaucoup. Comment est-ce que tu te sens dans ton corps ici et maintenant alors qu'on s'apprête à démarrer notre conversation ?

  • Speaker #1

    Alors je ne suis plus essoufflée, parce qu'on est au cinquième étage sans ascenseur. Et en fait, et ça va en dire long sur mon rapport à mon corps, j'ai vécu cette montée des marches comme un suspense, c'est-à-dire je me suis dit à quel moment je vais être essoufflée, à quel moment les cuisses vont tirer un petit peu. Je dirais que ça s'est produit entre le troisième et le quatrième étage, ce qui est un peu décevant pour moi. Merde, sitôt ! Et donc je suis arrivée ici, j'étais complètement hors d'haleine quand je suis rentrée et que je t'ai saluée.

  • Speaker #0

    Alors je ne l'ai pas perçue comme ça.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment... Voilà, ça pouvait passer pour de l'émotion, des fusions, mais j'étais vraiment essoufflée. Donc voilà, il y a ces deux trucs en fait. Il y a vraiment la sensation physique du corps où ça y est, je suis redescendue à à peu près quelque chose de confortable physiquement. Et le fait que je suis quand même très installée dans mon corps image. Vraiment, j'ai pensé à la tenue que j'allais mettre pour venir te voir, sans penser que potentiellement il y aurait quelque chose de visuel à faire. Aussi parce que maintenant je me dis, vu le job que j'ai, ça a toujours été un plaisir, si tu veux, de réfléchir à ma tenue et aux messages qu'elle envoie, etc. Mais là, c'est devenu carrément une douce obligation.

  • Speaker #0

    Oui, pour qu'il y ait une forme de cohérence, tu veux dire,

  • Speaker #1

    entre ton discours et l'image. Et par ailleurs, je pense que le corps-image, c'est vraiment quelque chose qui a été très important dans la manière dont je me suis construite, mon identité, ma culture familiale, etc. Et là, je suis à un stade de l'année où il y a quelque chose de très important pour moi dans ma culture familiale, c'est que je suis un peu bronzée. D'accord. Et donc... Donc ça, ça fait partie des grandes mythologies familiales dans ma famille de femmes. Vraiment, on est très majoritairement des femmes. Et il y a toujours cette idée que le bronzage est notre plus beau vêtement, notre plus beau look, la manière la plus indolore de se sublimer par rapport à des familles où tu peux avoir une forte culture, par exemple, de l'effort physique. Tous les enfants font du sport ou un sport. Nous, c'est tous les enfants bronzés. D'accord.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'une famille qui vient du sud de la France ou qui vient d'une région où il y a du soleil ?

  • Speaker #1

    Absolument pas. Et c'est là que, du coup, ça devient une occupation et vraiment un souci. C'est qu'il fallait mettre en place les conditions du bronzage. Il fallait donc faire la crêpe, comme on disait. Moi, je suis née en 1980 et ma mère est une boumeuse, comme on dit. Donc, ça impliquait de faire la crêpe, donc d'y passer du temps, d'avoir la bonne météo. Donc, on est très météo-sensible dans la famille. très... Voilà, revigorée par le soleil, très plombée par la pluie. Tout ça, mine de rien, s'est mis en place au fil des années. Moi, j'ai deux grandes sœurs en plus qui sont beaucoup plus âgées que moi. Donc moi, je suis née en 80 et mes sœurs en 66 et 70. Et donc, voilà, j'avais ces corps de femme face à moi, étendues, bronzées. Moi, j'ai une peau qui prend beaucoup moins le soleil que celle de mes sœurs et de ma mère. Dans la famille, je suis à la fois la moins bronzée, la moins mince. Donc il y avait vraiment ce truc-là du bronzage et de la minceur qui était vraiment la base en fait dans la famille, où on a des assiettes bien pleines, le goût des réunions familiales, des grosses tablées, des buffets, des plats bien présentés, de se resservir, mais comme si ça n'avait aucun impact en fait sur la silhouette. C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a une incompréhension entre prendre du poids... et la quantité qu'on avale. Il y a... En fait, c'est un lien qui n'est pas fait dans ma famille. Tous censés beaucoup manger et tous censés rester minces. Et récemment, il y a une phrase que m'a lancée ma mère, que je citais d'ailleurs dans mon projet 76 kilos, dont tu parlais tout à l'heure. Elle me disait, mais de qui tu tiens ?

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai lue, cette phrase. Ça m'a marquée, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ce genre de phrase, voilà, ce qui... Assez révélateur sur la famille, la manière dont on se construit les unes par rapport aux autres, de qui tu tiens. Ça a vraiment été les deux critères esthétiques les plus forts avec lesquels j'ai grandi. Le corps mince et bronzé, la sensation d'être différente par rapport aux autres femmes de ma famille. Parce que vraiment, si je prends la famille élargie, tout le monde est plus mince que moi. Et le fait qu'aujourd'hui, si ma mère me voyait là, elle apprécierait le reste de bronzage que j'affiche. Et c'est pareil, c'est une saison où on est censé être au top, être le plus accompli de manière corporelle. C'est le mois d'août, normalement on est au top de nous-mêmes à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et à partir de quel âge, tu dirais, t'as senti que ces sujets-là avaient une importance dans ta famille à l'adolescence ? Non. Dès la petite enfance, tu as déjà des souvenirs ? Parce que tu voyais peut-être ta maman s'exposer au soleil ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu un souvenir, j'ai le souvenir assez tardif de m'être dit en fait, il n'y a pas de nécessité à passer tes journées de vacances allongées pour prendre le soleil. Je crois que mon déclic, il a été vraiment... J'avais vraiment 25 ans passé et j'avais passé des... C'était la rentrée... au journal pour lequel je travaillais à l'époque, je travaillais au Parisien, dans lequel j'ai écrit très longtemps. Et je suis rentrée de vacances en ayant vraiment passé plusieurs heures par jour à m'exposer, et un de mes collègues, que j'adore, m'a dit « Ah, mais t'es pas partie ! » Et là, en fait, il y a plein de trucs qui se sont mis en place. C'est-à-dire que j'ai perçu enfin l'absurdité d'y passer autant de temps pour un tel résultat. puisque le résultat, ce n'est pas simplement le regard que je porte sur moi, mais aussi le regard des autres. Et là, je me suis dit, en fait, mon corps ne peut plus, ne veut plus, parce que j'ai le souvenir d'avoir quand même un peu réussi à bronzer quand j'étais petite, où là, pour le coup, je passais du temps dehors, mais pour jouer. pas allongée, inerte. Et donc, ce qui est le meilleur bronzage, finalement, là, il venait assez naturellement. J'ai le souvenir de beaucoup de biafines, de beaucoup de coups de soleil. Et j'ai l'impression que passé un certain âge, ça ne marchait plus. Un peu comme les régimes, au bout d'un moment, en force d'en avoir trop fait, ne marchent plus. Le corps ne bronzait plus. Et donc, tout ça, assez tardif, finalement.

  • Speaker #0

    Et dans ta famille, est-ce que le corps était un sujet au-delà de la dimension bronzage, esthétique, etc. ? Donc tu parlais de minceur, est-ce que tu te souviens de discours autour de la minceur ? Est-ce que le corps existait vraiment en tant que tel ? Est-ce que ta maman par exemple mentionnait la minceur de tes sœurs ? Est-ce que c'était un sujet ou pas ?

  • Speaker #1

    C'est ça l'été, mais en creux, c'est-à-dire qu'il pouvait y avoir des conversations sur l'absence de minceur. D'accord,

  • Speaker #0

    assez tournée dans l'autre sens.

  • Speaker #1

    Tournée dans l'autre sens, assimilée au laissé-aller, de manière assez classique, un manque de raffinement. Oui,

  • Speaker #0

    manque de volonté.

  • Speaker #1

    Voilà. Et à côté de ça, l'absence de coquetterie étant aussi perçue comme anormale. Il n'y avait pas vraiment de discours direct sur qu'est-ce qu'il faut faire puisque c'est normal, c'est évident. Il y avait plutôt des sujets, et là c'est plutôt du côté de ma mère, moins mes sœurs, des sujets sur c'est pas bien de ne pas faire tout ça, voilà ce que ça donne, c'est pas des corps auxquels on a envie de ressembler, il y a quand même un minimum, etc. Donc cette idée d'être... coquette, d'avoir une culture non pas du bien-être au sens healthy, sain, du terme, de l'activité physique, on n'était pas du tout là-dedans mais vraiment esthétique, cosmétique, vestimentaire. Le fait de se maquiller, d'aimer ça, de voir ça comme quelque chose de très positif, quelque chose qui veut dire qu'on va bien aussi. Il y a eu de manière assez nette, vraiment dans mon histoire familiale, des moments où pas de maquillage, ça voulait dire que je vais très mal. Et donc ça, ça a contribué aussi avec est-ce que ça a formé mon goût ou est-ce que c'est venu s'y ajouter ? C'est encore un truc à élucider. Mais je dirais que dans ma famille, on a cette idée que l'ornement, donc cosmétique, vestimentaire, maquillage, etc. est quelque chose de très positif, de très créatif, de... Et qui est une manière de se façonner, en fait, qui est vraiment une histoire d'identité. Pour moi, ça a été logique, tout ça. Et en fait, quand j'y réfléchis aujourd'hui, et que je vois vanter, à droite à gauche, le naturel comme étant la vraie forme de beauté, c'est quelque chose qui me heurte beaucoup. Parce que, déjà, je trouve ça injuste sur le plan, ne serait-ce que génétique. Enfin, voilà. Et puis assez triste, quoi. Ça veut dire que ton identité, c'est ce avec quoi tu nais et puis c'est rien d'autre. Tu ne peux pas te forger de destin, tu ne peux pas exprimer d'individualité. Et j'entends évidemment à quel point la presse féminine, et notamment le titre pour lequel je travaille, peut être vue comme une forme de tyrannie blindée d'injonctions. Et j'entends ça, mais j'ai envie de répondre aussi que l'ornement peut aussi être autre chose qu'une injonction. Ça peut être une manière de se célébrer, de se construire, d'être plus, tout en étant... Moi, je suis très tranquille avec le fait que je ne suis pas une femme puissante. Je suis ok avec le fait d'être médiocre sur tout un tas de sujets, donc je ne suis pas à la recherche d'une version optimisée, mais tout le côté créatif vraiment de l'ornement, d'une manière générale, que ce soit vêtements ou maquillage, me procure une joie profonde. Donc ça, je pense que cette sérénité-là est familiale aussi, donc c'est un truc que moi je trouve très positif, et que ça coince pour moi au moment où je dévie du... de ce qui n'est pas de l'ornement, c'est-à-dire de ce qui est vraiment le corps, l'organisme du corps, le poids, et où là, je vois que je ne fit pas avec les images avec lesquelles j'ai grandi.

  • Speaker #0

    Ou les standards même de société.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu as dit plein de choses hyper intéressantes, je trouve. En fait, c'est une question aussi de juste milieu, tu vois, par rapport à comment est-ce que tu utilises les ornements, les habits, le maquillage, etc. Forcément, si tu es dans un excès au point de ne pas pouvoir sortir de chez toi non maquillée, Parce que c'est trop douloureux, ou parce que... Ça interroge peut-être des choses sur notre société aussi. Sur l'acceptation de la beauté naturelle. Parce qu'aujourd'hui, avec tous les réseaux sociaux, etc., on est au contact de femmes qui ne représentent pas forcément la vraie vie, entre guillemets. Enfin, on est au contact de femmes qui représentent la vraie vie, mais il y a quand même beaucoup de sophistication, etc., sur la partie maquillage, habits, vêtements, etc. qui, du coup, je trouve, biaise un peu notre regard, habite notre regard à des choses qui ne sont pas vraiment réelles, en fait. Donc, moi, je trouve ça intéressant aussi, cette tendance de la clean beauty, dans le sens pas clean, environmental friendly, mais clean beauty plus dans le sens où on revient au minimalisme parce que ça montre aussi une autre facette de la beauté des femmes, une beauté assez naturelle, en fait, tout simplement. Mais je te rejoins.

  • Speaker #1

    c'est extrêmement ambivalent comme beaucoup de choses d'ailleurs en matière de beauté et de critères de beauté féminin parce que moi je considère et je non je constate plutôt que je ne considère que pas mal de nanas qui ne se maquillent pas sont extrêmement minces, blanches privilégiées csp plus ça ça se si je fais le tour de tous les comptes instagram et newsletter mode que je consulte et lis c'est quand même ça ... et que le maquillage dans certaines sphères est vu comme quelque chose d'un peu peuple voilà réservé aux moches et qu'il y a tout ce truc là que moi je sens assez puissamment et qui m'agace parce que voilà la vérité est un petit peu au milieu de tout ça et que j'entends notamment que quand t'as grandi dans une Dans une culture familiale où la mère n'est pas coquette et où elle a une identité puissante, une personnalité extrêmement solaire et affirmée, c'est normal que soit ça ton modèle de féminité.

  • Speaker #0

    Ton référentiel.

  • Speaker #1

    Non mais voilà, c'est logique. C'est clair. Et à côté de ça, je me méfie donc vachement de ce discours que je trouve... facilement un petit peu happy few de dire tout ce qui est clean beauty et naturel c'est pour une certaine catégorie de personnes qui fit déjà pas mal de critères morphologiques notamment socio-économiques

  • Speaker #0

    aussi c'est tout un business il y a tout un marché sur Instagram là-dessus t'as raison, les influenceuses qu'on voit elles sont toutes hyper minces plutôt CSP++ non mais je te rejoins si on parle de ton corps si tu regardes un peu en arrière sur ton parcours comment est-ce que tu décrirais en un mot la relation avec ton corps la relation que tu as construite je vais être je

  • Speaker #1

    vais pas être très originale je vais vraiment dire mentale tout en ayant une forme j'ai vraiment une énergie qui est de type nerveux je suis allée récemment pour la première fois chez une acupointe ponctrice qui m'a confirmé ce dont je me doutais. Elle m'a dit votre énergie, alors après on y croit ou pas, elle m'a dit votre énergie, elle circule entre le cœur et la tête. Le reste du corps, donc tout ce qui est symbolique de la performance, le mouvement, ça ne circule pas bien. Ça se voit même sur mes jambes, j'ai une circulation catastrophique qui fait que j'ai les jambes marbrées. Et donc tout ce qui... Et ça, ça s'est construit aussi par l'inquiétude de ma mère. que j'ai vraiment intégré, je pense, quand j'étais petite fille, dès que tu... Je n'étais pas la petite fille qui grimpe aux arbres, clairement, parce que ma mère était dans... Attention, ne te fais pas mal, ne fais pas ceci, ne cours pas, ne tombe pas. Et donc, je pense que c'est mis en place à ce moment-là quelque chose de l'ordre du... Mon corps ne va pas être performant. Je ne peux pas lui faire confiance pour réaliser un truc. Je suis maladroite. je suis mal coordonnée. Et c'est terrible, je sens que je reproduis auprès de mes filles. Donc il y en a une qui est plutôt... qui a réussi à ne pas trop se laisser imprégner là-dessus, il y en a une autre qui fait tout tomber, littéralement tout lui tombe des mains. Et je me dis, putain, j'ai mis quand même suffisamment de temps à identifier ce truc-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est dur à identifier.

  • Speaker #1

    Non mais voilà.

  • Speaker #0

    De d'où ça vient.

  • Speaker #1

    Exactement. De pas se faire confiance physiquement. Alors il y avait aussi, sur le plan de la santé, des trucs qui... qui m'ont aussi renforcée dans ce sentiment que de toute façon, mon corps n'est pas capable de faire des efforts ou d'être efficace. Quand j'entends des gens parler de leur corps outil, c'est toujours sidérant pour moi tellement je suis loin de ça. J'ai un petit peu d'asthme après l'effort, j'ai un petit problème cardiaque qui fait que je suis vite bridée dans ce que je veux faire, techniquement bridée. Mais sur l'agilité ou les trucs qui ne sont pas cardio... Il y a aussi cette idée que je ne suis pas agile. Et donc ça, c'était vraiment... ça, je pense que c'est vraiment un truc qui vient de l'enfance et qui m'a accompagnée et qui encore aujourd'hui fait que l'énergie est très concentrée, comme je le disais, dans le haut du corps. dans le regard, là pour me regarder et pour me voir comme un être en deux dimensions, m'habiller, là c'est bon, ça marche bien. Pour bouger, ça marche moins bien. Et j'ai été étrangement touchée quand l'acupunctrice a regardé comment l'énergie concrètement circule dans le corps, donc l'énergie qui est plus structurelle, c'est-à-dire est-ce que vos organes sont en bonne santé, et l'énergie du jour, c'est-à-dire est-ce que vous êtes... marcher sur les nerfs ou pas. Et donc, elle m'a dit que les deux étaient forts chez moi. Donc, j'ai à la fois ce côté un peu nerveux, un peu speed, qui était très puissant qu'elle a fort senti, mais elle a dit en fait, votre corps dessous, il va bien, mais ça a tendance, l'énergie est un peu nerveuse, ça a tendance à masquer le reste, et du coup, je pense que je suis coupée de potentiellement un corps qui pourrait performer plus que ce que je lui demande, parce que je lui fais pas forcément confiance. Et j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir me regarder et envisager mon corps de manière mentale. Et j'ai bien conscience que si j'avais des problèmes de santé, j'en serais pas là du tout. J'aurais pas ce luxe de me dire quelle image j'ai envie de construire, quelle image je donne. Est-ce que je peux me rapprocher de mes critères de beauté ? Si j'ai le temps de penser à tout ça, c'est aussi parce que mon corps il fait bien son job. il me porte là où j'ai envie d'aller alors certes je le challenge pas trop c'est sûr, j'aurais préféré arriver au cinquième étage sans être essoufflée, ça ne fut pas le cas mais tu vois il y a vraiment ce truc là de me dire je suis à un stade de ma vie où mon corps marche suffisamment bien pour que je sois dans le mental tu vois, il y a ce truc très ambivalent de à un moment donné si ton corps vraiment soit à des problèmes soit tu envoies des messages tu es fatalement moins dans le mental mais oui tu es dans le corps tu es dans le ressenti de la douleur ou de peu importe ce que tu sais mais oui tu es dans le ressenti et la douleur ça je sais l'éviter la supprimer il n'y a pas de problème je ne suis pas anti médicaments je prends des anti-inflammatoires ou je vais chez l'ostéo dès qu'il y a un truc installé donc la douleur je la supprime je l'évite voilà péridurale pour mes accouchements. Je n'ai aucun...

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas un sujet pour toi. Oui.

  • Speaker #1

    Et j'ai une peur panique du dentiste. Enfin, je n'aime pas les efforts, vraiment. L'idée de dépassement de soi, mais totalement étrangère. J'aime bien me dépasser sur plein de plans, mais pas sur le physique. Voilà. Avec encore cette peur de me dire de toute façon, je ne vais pas y arriver.

  • Speaker #0

    Et comment tu t'es sentie quand elle t'a dit ça, la cuponctrice ? Tu as senti un soulagement ?

  • Speaker #1

    Oui, vraiment. vraiment parce qu'elle m'a à la fois confortée dans un truc que je sentais très fort, parce que je suis aussi allée la voir pour ça en lui disant « Je me sens quand même comme quelqu'un d'énergie, et pourtant j'ai cette peur panique d'être fatiguée, et j'ai cette peur panique de l'effort. À un moment donné, qu'est-ce qui fait que dans mon corps, il y a ce carburant et que ça ne circule pas là où il faudrait ? » Et donc elle a identifié cette forme de dissociation entre « Le potentiel est là, mais en fait, vous n'en servez pas. » Et après, voilà, il faut que j'y crois, en fait. Bien sûr. Il faut que je fasse confiance à mon corps et j'ai souvenir des vacances qui...

  • Speaker #0

    Il y a quelques années, d'avoir fait une randonnée, pas un truc de ouf, vraiment un truc simple, mais où je pensais que j'allais être dans le mal en permanence, et en fait ça allait nickel.

  • Speaker #1

    Parfois on projette par anticipation des choses qui vont être horribles, et en fait c'est ok.

  • Speaker #0

    Ça, ça reste un truc qu'il faut que je déconstruise vraiment. Il faut que je trouve le sport qui me fait plaisir. Je ne l'ai toujours pas trouvé.

  • Speaker #1

    T'es en recherche ? Non.

  • Speaker #0

    Il faudrait. Il faudrait parce que là, j'arrive à un stade où j'arrive sur la périménopause, donc j'ai 44 ans. Là, il faut. Tu peux te permettre d'être un peu molle pendant la trentaine parce que tu as tellement d'autres sujets à déminer. La maternité, la carrière, le couple. Essayer de préserver un tout petit peu de vie sociale et tes amitiés. Là, ma trentaine, c'était vraiment tout ça.

  • Speaker #1

    Oui, tu es dans une phase de construction en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Là, la quarantaine, je me dis, la quarantaine, c'est le corps. Là, vraiment, il faut que tu sois là où tu as envie d'être. Il faut que tu sois raccord avec la mère que tu as envie d'être. Et la mère que j'ai envie d'être, c'est à la fois mes, comment dire, mes icônes, mes standards de beauté, mais aussi une mère dont on ne se dit pas forcément « Ah tiens, elle a pris cher après ses deux grossesses quand on me voit. »

  • Speaker #1

    Tu vois ce que je veux dire ? Non, mais c'est bien que tu le dises.

  • Speaker #0

    Non, mais voilà, de ne pas être définie non plus par ça. Ouais, j'ai traversé ça. et franchement physiquement ça m'a changé là j'ai envie non pas de revenir au corps d'avant puisque évidemment on s'est dit que ce n'est pas possible mais de ne plus être définie par ça que ce soit plus le premier truc auquel je pense quand je me vois c'est de me dire les grossesses t'as pris cher peut-être que cette consultation là va être alors moi j'aime pas trop l'idée d'éléments déclencheurs de

  • Speaker #1

    prise de conscience comme ça je pense que c'est un cheminement Oui. et une accumulation c'est par étape etc mais est-ce que tu penses que potentiellement cette consultation peut être un peu l'élément qui va justement te donner l'élan pour rechercher ce sport je pense qu'il faudrait que j'y retourne ça

  • Speaker #0

    m'a fait une sorte de bien immédiat déjà en rentrant j'ai super bien dormi j'ai des problèmes de sommeil chroniques ça c'est un signal fort voilà là clairement d'ailleurs Alors... On en reparlera peut-être du coup à la fin de l'épisode, mais vraiment le soin du sommeil, c'est le soin principal auquel j'accorde beaucoup d'espace mental et de priorité. J'écourte mes soirées pour ça. Vraiment, je rigole pas du tout avec ça parce que j'ai un très mauvais sommeil. Donc j'ai compris que ça entretenait mon anxiété par rapport à mes performances physiques et mentales. Parce que je me suis persuadée que j'étais pas capable d'écrire un bon texte si j'avais pas... Un minimum de sommeil. Là, c'est vraiment mon truc numéro un, c'est dormir. Et je pense que là, il est temps quand même que le truc numéro deux, ce soit vraiment le mouvement. J'ai des conversations sans fin avec des copines qui s'éclatent à faire du sport, à être dans le mouvement. Et putain, j'aimerais... Oui, tu vois,

  • Speaker #1

    j'aimerais aussi d'avoir ce goût-là, peut-être.

  • Speaker #0

    Je ne détesterais pas être cette connasse qui partage ses séances de sport sur les réseaux sociaux, son nombre de kilomètres. Et je me dis, putain, j'aimerais bien rejoindre cette tribu de filles très, très énervantes qui sont là, qui vont à la salle de sport, qui partagent toutes ces stories que moi, je zappe. J'en ai rien à foutre. Oui,

  • Speaker #1

    on s'en fiche.

  • Speaker #0

    Arrête, franchement.

  • Speaker #1

    Tu vois ?

  • Speaker #0

    Putain. C'est parce que si seulement j'étais à leur place, je ferais exactement la même chose, mais évidemment.

  • Speaker #1

    Après, je te rassure, ce n'est pas pour me jeter des fleurs, mais je fais du sport tous les jours. Je ne publie jamais sur Instagram que je fais du sport tous les jours. Je veux dire, c'est un sujet entre toi et toi-même. Tu ne fais pas du sport pour montrer aux autres que tu as fait du sport. Mais tu vois, je pense qu'il y a un culte aussi de dire j'ai fait du sport, j'ai besoin de le partager avec les autres. Parce que c'est une forme de fierté aussi, parce que c'est très socialement bien vu de faire du sport. d'être en forme physiquement, etc. Mais je ne jette pas l'absar, parce que moi je fais parfois des choses sur Instagram pour me gonfler un peu l'ego. Alors c'est pas le sport, c'est peut-être autre chose, enfin c'est probablement autre chose. Je ne jette pas l'absar, mais c'est assez amusant je trouve.

  • Speaker #0

    Ah mais ça tout dépend d'où tu pars en fait. Quels sont tes bagages, tes souffrances vis-à-vis de ça. Je pense que c'est jamais anodin et que quand tu le fais, le partage, c'est qu'il y a toujours quelque chose à soigner, à résoudre. et que clairement en plus il y a certains sports qu'on fait vraiment pour dire qu'on les fait c'est à dire que notre auditoire, audience, notre public fait partie intégrante du plaisir qu'on a à pouvoir faire ce sport je pense que c'est très très fort avec le running notamment oui il y a un aspect aussi communautaire qui est hyper fort,

  • Speaker #1

    sur Strava tu peux partager tes courses etc donc il y a une dimension communautaire t'as raison qui entretient cette

  • Speaker #0

    Et ça entretient aussi la motivation et je sais que c'est important de ne pas avoir la discipline que tu as, c'est-à-dire faire du sport tous les jours. pas forcément avec des gens et sans que personne le sache, mais ça pour moi, c'est le niveau ceinture noire du bien-être. Enfin, tu vois, là vraiment, on arrive à un degré d'alignement et juste de soin de soi qui, pour moi, est absolument magique et très, très désirable.

  • Speaker #1

    Bon, après, on pourra reparler aussi de ce que ça peut cacher derrière, l'hyperactivité, etc.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Mais non,

  • Speaker #0

    non, je suis assez...

  • Speaker #1

    Merci. et si on revient sur ton parcours avec ton corps, est-ce qu'il y a eu des moments un peu structurants dans la construction de cette relation ça peut être une grossesse ça peut être un accident de vie ça peut être tout ce que je dirais que après

  • Speaker #0

    ma deuxième grossesse j'en avais fait un papier sur le site j'avais fait un papier qui s'appelait en prenant du poids j'ai trouvé mon style Donc j'en reviens du coup encore aux vêtements. Mais ça a marqué, donc là c'est 2018, donc on est en 2025, ça a marqué pour moi 7 ans de tentatives d'auto-persuasion que n'étant plus dans la catégorie du 38-40, il ne fallait plus que je me jette sur les vêtements qui me font paraître la plus mince possible et que j'allais vraiment me demander voilà c'est quoi. Vraiment mon style, à part essayer de paraître mince. Ça, ça a été un truc vraiment très fort pour moi, de me dire, j'ai jamais pris autant de plaisir à m'habiller que depuis que je ne me rabats plus sur... J'achète la taille dans laquelle je rentre.

  • Speaker #1

    La taille limite, quoi, un peu.

  • Speaker #0

    Voilà. Tu vois ? Ça, ça a été super fort. Ça a eu cet inconvénient que ça m'a entretenue dans l'idée que... Maintenant, peu importe le poids, tant qu'il était sous un certain seuil, ça allait, voilà. Le problème, c'est que le seuil qui allait, je l'ai dépassé. Mais que tout de même, je me suis sentie vraiment plus forte et plus créative et plus dans l'expression de moi-même à partir du moment où mon poids m'a contrainte à trouver la manière dont je voulais m'orner. On revient à cette idée d'ornement. Donc ça, ça a été un truc assez fort pour moi. Et le moment aussi où j'ai compris que j'ai jamais été aussi bien dans mon corps que quand j'étais pas en couple. D'accord. C'est intéressant. Les kilos du couple, c'est absolument déterminant pour moi. Célibataire, donc potentiellement en recherche de quelqu'un. Et c'est là que, non seulement... Enfin, comment dire ? C'est même pas simplement l'envie de correspondre à une certaine image pour pouvoir séduire ou être choisie, etc. C'est simplement que le côté bon coup de fourchette disparaît, en fait, dès que je suis plus en couple. Donc là, ça m'est pas arrivé depuis un moment, parce que je suis quasiment 18 ans avec le père de mes filles. Mais vraiment, si je retrace, et je l'ai fait pour 76 kilos, si je retrace les moments où je me suis sentie la plus alignée, affûtée avec mes critères esthétiques, c'était à chaque fois des moments où j'étais célibataire. À chaque fois.

  • Speaker #1

    Et comment tu l'expliques, ça ? C'est la dimension émotionnelle ou c'est le temps que tu as de disponible pour toi ?

  • Speaker #0

    C'est à la fois le temps, à la fois, si je suis totalement précise, avec toujours un mec en ligne de mire avec qui les choses ne se concrétisent pas encore, donc tu vois une sorte de oui un entre deux quoi, voilà une sorte de chassé croisé amoureux de se préparer comme on va au combat et vraiment et là le besoin de me remplir disparaît totalement, parce que mon truc avec la nourriture c'est quand même beaucoup ça, c'est les proportions je mange pas de manière rôle. totalement, enfin j'ai pas d'appétence particulière pour le sucre par exemple, j'ai pas de problème avec la junk food, j'ai vraiment des problèmes de quantité et de se remplir.

  • Speaker #1

    De satiété ?

  • Speaker #0

    Et de absolument pas écouter ça, vraiment pas, encore une fois il y avait dans ma famille cette, oh là là j'ai trop mangé, tu vois après les réunions de famille qui étant le signal d'un repas réussi.

  • Speaker #1

    Mais tu avais cette injonction à « il faut finir son assiette » .

  • Speaker #0

    Alors, mes parents n'étaient pas tout à fait alignés là-dessus. Je me souviens que mon père me disait « t'as pas besoin de finir » . Et ça, je pense que c'est tellement important. Mais c'est tellement dur à désamorcer quand de l'autre côté, et notamment là dans la famille que moi j'ai créée, mon compagnon vient de « on gâche pas » . Donc, on gâche pas, donc on finit l'assiette. ce qui pose du coup la question des quantités qu'on y met au départ, de la taille de l'assiette aussi, ça a l'air débile, mais ces méga grandes assiettes, du coup, psychologiquement et optiquement, ça joue. Donc oui, il y a eu... Il y avait une sorte de discours un peu dissonant entre ma mère et mon père là-dessus. Et je pense que mon père était assez moderne tout en étant né en 1937. Donc quand même bravo à lui. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    Surtout à cette période-là.

  • Speaker #0

    Voilà, il était assez moderne. Mais je pense que c'était aussi lié à ça et du fait qu'il a souffert de pas mal de privations quand il était petit. Et qu'on lui disait beaucoup de finir au-delà de sa fin parce que justement on n'est jamais sûr du lendemain. Et je pense que ça, c'est resté un truc auquel moi, je n'ai pas été assez sensible, je pense. Et il avait raison. Et là, du coup, j'essaie de me dire, bon, il faut que je réussisse à être là-dedans avec mes enfants, tout en étant assez maligne sur l'histoire du gâchis et donc de vachement travailler cette question-là. Oui,

  • Speaker #1

    c'est un vrai sujet. Je voudrais qu'on parle de zones peut-être plus sensibles du corps, de zones un peu plus complexes. Il y a des parties du corps qu'on habite peut-être plus difficilement que d'autres. souvent c'est lire le regard des autres ou alors à ce qu'on a pu nous dire dans le passé ou alors fait croire et en fait ce sujet je trouve ça rejoint vachement l'idée du corps fragmenté donc il y a pas mal d'auteurs qui ont étudié ça en sociologie du corps le corps fragmenté c'est l'idée qu'il y a des zones du corps qui sont c'est l'idée que le corps il est pas perçu comme un tout il est pas perçu comme une globalité vivante mais il est plutôt perçu comme hiérarchisé en fonction des zones. Il y a une hiérarchie en fonction des zones. Il est évalué zone par zone. Il y a des parties de notre corps qui sont socialement facilement valorisées. Et puis, il y a des parties qui sont socialement plus facilement sujets à la honte ou au dégoût ou au jugement. Je pense pour les femmes notamment au ventre, aux cuisses et aux fesses, par exemple. Et en fait, à force d'intérioriser cet espèce de découpage par zone, on se crée nous-mêmes aussi un discours intérieur sur le fait qu'on aime plus ou moins certaines parties de notre corps et on ne voit plus notre corps comme une entité globale qui vit. Est-ce qu'il y a des parties de ton corps que tu as mis plus de temps à apprivoiser et pourquoi ? Est-ce que ce que je viens de dire, ça fait écho ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, ce que tu viens de dire fait écho et je voudrais rebondir là-dessus. c'est que je trouve qu'on a énormément de diversité de beauté possible en termes de visage ou de cheveux. En revanche, si tu prends des zones qui sont assez exposées comme les bras, je pense qu'on a toute une idée de ce à quoi un bras parfait peut ressembler.

  • Speaker #1

    Pareil pour la taille.

  • Speaker #0

    Voilà. Les jambes, il y a quand même de la diversité, je dirais, entre un modèle très athlétique et des jambes très très fines. Alors chacun peut avoir ses goûts. Mais les bras et le ventre, il y a clairement un seul canevas, un seul modèle qui fonctionne. Et je me souviens de ma stupeur quand en colonie de vacances, j'avais 14 ans, j'ai découvert que tout le monde n'avait pas le même ventre que moi. Qu'il y avait des filles que je pouvais trouver gauler bizarrement et qui avaient le ventre plat. Et donc j'ai découvert ça dans les douches collectives. colonie de vacances. Et là, je me suis dit, mais en fait, moi, j'ai toujours eu, j'ai toujours été assez dodu quand j'étais petite. Et ensuite, j'ai toujours eu des capitons sur le ventre, tout le temps, quel que soit mon poids. Et découvrir un ventre lisse et ferme chez des nanas qui, par exemple, avaient beaucoup de culottes de cheval ou avaient des seins asymétriques. Je te parle vraiment de ce que j'ai vu sous la douche. Mais ce ventre plat. Et là, je me suis dit, putain, mais... C'est injuste. Vraiment, j'avais le sentiment de me dire pourquoi est-ce que moi, tu vois, je n'ai pas de culotte de cheval vraiment marquée. J'ai la poitrine qui est plutôt symétrique. J'ai le gabarit qui, globalement, est assez symétrique et proportionné. Et je le gâche, en fait, en étant en surpoids par rapport à ce que moi, j'estime être la personne à laquelle je pourrais ressembler. Et ce ventre, ça n'a pas avec le reste, quoi. Et là, vraiment, j'ai beau voir sur certaines photos, on voit des nanas, enfin, sur certaines photos sur Instagram, pardon, on voit des nanas qui ont carrément un ventre creux où je sais que ce que je vois me déplaît esthétiquement, mais ça restera toujours plus joli qu'une nana qui a un petit ventre. Sans même parler de la texture. La texture du ventre, la peau lisse et tout. La texture de la peau, c'est aussi un truc... Pareil que j'ai mis du temps à identifier sur le fait que je pouvais vraiment fantasmer, je regarde beaucoup les filles dans la rue, depuis toujours, et je pouvais totalement fantasmer sur le grain de peau d'une fille. Tu vois, vraiment lisse, mat, là on en revient au bronzage, etc. Je me souviens de fascinations pour des filles qui, par exemple, blondes à peau mat, tu vois, sans être non plus forcément... Ou châtains à peau mat, sans être une dingue des cheveux blondes d'une manière générale, mais je trouve qu'il y a un truc charmant qui se dégage de ce type de... Parce que c'est contrasté, tu t'attends à ce qu'une fille blonde ait la peau très claire, etc. Et donc, moi, je ne suis pas là-dedans avec mes cheveux très foncés et ma peau très claire. Donc forcément, tu vas vers un truc qui est assez loin de toi. Mais dans cette idée du corps fragmenté, il y avait la manière dont je considère la peau, la manière dont je considère le ventre, la manière dont je considère les bras, etc.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça t'a empêchée de faire des choses ?

  • Speaker #0

    Alors, je... Vraiment mon malaise par rapport à mon poids a vraiment commencé quand la structure du visage a changé chez moi et les bras. C'est-à-dire que pour moi, tant que je ne prenais pas des épaules de largeur de dos et de bras, ça allait. Au moment où ça commençait à se voir, où moi je le voyais, là je me suis dit non, ça va plus. Parce que ça pour moi c'est un marqueur de, je mets des guillemets, minceur, de garder des bras fins. Hier, j'ai vu une...

  • Speaker #1

    Tout étant relatif dans le fin, par ailleurs.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Hier, j'ai vu une vidéo d'une Instagrammeuse expliquant les 10 trucs que je trouve classe chez quelqu'un. Et elle citait les bras. Les bras fins et musclés, c'est hyper élégant. Et voilà, moi, je suis encore là-dedans, clairement. Je me souviens de m'être dit, en regardant Friends, puisque pour moi, les bras parfaits, c'est ceux de Jennifer Aniston.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et je comparais avec ceux de Courtney Cox, et je lui disais, c'est bizarre, Courtney Cox est vraiment une femme mince, et en fait, par rapport à Jennifer Aniston, elle a des bras qui sont beaucoup moins ciselés, et je me disais, c'est dommage ces bras. Enfin, tu vois à quel point on est... Ça impacte, quoi. Voilà, il y a des zones sur lesquelles, comme ça, ça peut paraître secondaire par rapport au ventre, parce qu'on peut le planquer. Les bras, à un moment donné, ça devient difficile, mais c'est quelque chose qui est récurrent dans toutes les interviews que je fais pour Encore Heureux, c'est de cacher les bras.

  • Speaker #1

    Oui, je voudrais qu'on en reparle tout à l'heure, des sujets qui reviennent un peu de façon régulière. Et donc, toi, par exemple, ça peut t'arriver de pas montrer tes bras dans certaines situations, de faire en sorte de mettre des manches longues alors que...

  • Speaker #0

    Alors, ça me...

  • Speaker #1

    Est-ce que ça te contraint, en fait ?

  • Speaker #0

    Ça me contraint pas au quotidien, ça me contraint quand je vais voir ma mère. parce que j'ai souvenir c'était l'année dernière la première fois que j'ai porté un débardeur de l'année il y a eu un jour de très grand beau temps au mois d'avril le truc qui n'arrive jamais, il faisait 25°C je me suis mise en débardeur j'étais pas bronzée, en débardeur et je sortais de l'hiver les kilos de l'hiver et donc j'ai eu droit à une remarque Sur ma carrure, elle a ce geste qu'elle a souvent pour commenter les carrures déplaisantes. Elle a ce geste de mettre ses mains devant les épaules et de gonfler les joues et de gonfler la cachetauracie comme ça. Je ne sais pas si on peut visualiser le truc. Et donc ça, c'était le commentaire sur mes bras. Si je lui en parlais demain, elle n'aurait aucun souvenir de ça. C'est fait de manière totalement fluide et inconsciente et ne pensant jamais à mal. Elle pense être au contraire attentive, bienveillante, prévenante, etc.

  • Speaker #1

    Mais heureusement que tu as tout déconstruit de ton côté et que tu as cette forme de lucidité.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, je ne sais pas si je déconstruis assez, mais en tout cas, je suis lucide. Voilà, il peut m'arriver ça. Et ça, ça va me faire chier.

  • Speaker #1

    Et justement, c'est intéressant cet exemple précis. Quel impact ça a sur toi ?

  • Speaker #0

    Alors, l'impact, ça va être que je ne vais pas changer ma façon de m'habiller, mais que je vais être dans l'expectative et une sorte de tension sourde de la remarque va tomber. Tu l'attends en fait. Voilà. Elle va tomber une fois parce que c'est la sortie de l'hiver, etc. Et on est toujours un petit peu fragile quand on sort de l'hiver et qu'on va vers le corps du printemps, le corps de l'été, on va dire le corps des beaux jours,

  • Speaker #1

    par exemple,

  • Speaker #0

    le corps de l'hiver. Et donc, ouais, il y a ce suspense de se dire, est-ce que je vais y avoir droit ? Et puis après, elle va s'y faire. Comme on habite à côté, on se voit quand même régulièrement. Elle va s'y faire et elle ne va plus faire forcément la remarque. Mais il y aura ce cap à franchir, ce cap annuel. Tu vois, il y a des filles pour qui c'est l'épreuve du maillot dans la cabine d'essayage ou la première plage. Moi, ça va être les bras devant ma mère. C'est ce truc annuel-là. Et c'est ce qui va me... Donner le signal de mon été. Est-ce que j'ai fait ce qu'il fallait pour correspondre à ce que je veux être pendant l'hiver ? Ou est-ce que je pars sur une très mauvaise... Le summer body, je sais que c'est une expression détestable. Et qu'on en fait des chansons. J'adore cette chanson. Et on le remet en question et on en rigole. Pour moi, ça reste tout à fait un guide. de me dire voilà mon summer body je le travaille, pas forcément en termes de poids puisque je suis assez inefficace de ce point de vue là, mais en termes de conscience que c'est pas le même corps que le corps de l'hiver,

  • Speaker #1

    clairement donc tout ce que tu partages dans la relation à ton corps, tu en as fait un objet d'écriture, ça s'appelle 76 kilos donc c'est un récit autobiographique qui est très fort moi j'ai été vraiment marquée par l'honnêteté Merci. de tes propos. Merci. C'est vrai parce que parfois, en fait, tu écris sur un sujet, mais tu ne dis pas tout. Il y a des choses que tu te réserves pour toi parce qu'on n'ose pas ou peu importe la raison d'ailleurs. Mais toi, en tout cas, j'ai ressenti une honnêteté très forte. Tu parles de la complexité évidemment du rapport à ton corps. Il y a une grande intelligence aussi, je trouve, dans le regard que tu portes sur ce corps. Parce que... On sent que tu as fait tout un travail aussi sur ce corps. Il y avait beaucoup de prise de recul. Donc tu parles de plein de sujets dans ce récit. La première question que je voulais te poser, c'est pourquoi avoir choisi ce titre de 76 kilos ? En fait, c'est assez fort d'afficher ce poids. Généralement, le poids, c'est quelque chose qu'on garde pour soi. D'ailleurs, moi, je me suis fait la réflexion. Je me suis demandé, est-ce que j'avais déjà dit mon poids, par exemple, à mes amis ou à des gens autres que ma famille ? Parce que dans ma famille... ça peut arriver qu'on en parle. On n'en parle pas trop, mais quand même, ça peut arriver. Mais à mes amis, jamais. Je n'ai jamais dit mon poids à mes amis. Je trouve ça assez courageux d'afficher ce poids en titre de récit. Est-ce que c'était une manière de reprendre possession de ce poids ? Est-ce que c'était une manière peut-être thérapeutique aussi d'aborder les choses ?

  • Speaker #0

    Alors Thérapeutique, clairement, je l'espérais au début. Là, je me suis rendue compte, après 11 chapitres sur 12 prévus que...

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est un livre qui dure un an, en fait. Il y a un chapitre par mois.

  • Speaker #0

    J'ai décidé d'écrire une fois par mois pendant un an là-dessus.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux juste dire aux auditeurs où est-ce qu'on peut le retrouver ?

  • Speaker #0

    Alors, on peut le retrouver sur la plateforme Kessel, K-E-S-E-L, qui est une plateforme de newsletters sur laquelle vous pouvez trouver des... Des projets comme le mien, qui sont donc des livres, mais publiés sous format newsletter. Et donc, ce que je trouvais fort dans le fait d'appeler ça 76 kilos, c'est qu'en fait, tellement de choses étaient déjà sous-entendues dans le choix de ce titre, qui pour moi n'est pas un poids de femme, et c'est par là que j'ai commencé, parce que...

  • Speaker #1

    C'était le poids de ton père, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'était le poids de mon père. c'est le poids de beaucoup d'hommes que je connais. Et dans ma famille, on avait cette... Donc finalement, je reviens encore énormément sur ce qui m'a été transmis familialement. Il y avait deux dizaines qui fonctionnaient pour les femmes. C'était la dizaine des 50 et la dizaine des 60. Par rapport à notre taille, voilà.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu avais aussi ce rapport poids-taille où il fallait qu'il y ait minimum 20 ? Oui, bien sûr. Parce que moi, j'ai été vachement... Bien sûr,

  • Speaker #0

    évidemment.

  • Speaker #1

    Il fallait minimum 10. L'idéal, c'était plus on se rapprochait de 20, mieux c'était.

  • Speaker #0

    La même jauge. La même jauge, donc je fais 1m74, donc 54 c'est bien, jusqu'à 64 et après c'est n'importe quoi. Et alors je vais faire hurler certainement pas mal de gens qui m'écoutent, mais il s'avère qu'après des calculs scientifiques précis de taux de masse musculaire et de taux de masse graisseuse, De fait, c'est vraiment... 64, qui est pour moi le haut de la fourchette saine par rapport à mon style de vie, au fait que je ne fais pas de sport, que au-delà de 64, en gardant le même style de vie, c'est que j'ai trop de graisse dans mon corps. Et donc ça, c'est scientifique, attesté. Je sais que c'est terrible de le dire et terrible à entendre.

  • Speaker #1

    Donc tu donnes un peu raison à la règle des 10.

  • Speaker #0

    Voilà. Il se trouve que par rapport à la vie que j'ai, la règle des 10, elle est OK. Elle est valable. Donc j'ai grandi quand même avec la règle des 20, 20 de différence par rapport à la taille. Et 20 qui sont devenus 10, bon, peut-être parce qu'avec le temps, on se relâche. Mais du coup, passer dans la dizaine avec les 7, là, vraiment, c'était problématique. C'était une dizaine problématique, tout comme la dizaine qui commence par 4 est problématique dans ma famille aussi. Parce qu'il y a des troubles du comportement alimentaire dans ma famille, dans plusieurs branches de ma famille, et que vraiment, symboliquement, on sait que quand ça passe sous les 50 kilos, vu la taille qu'on fait, c'est pas normal. Donc il y a ces deux bornes de chaque côté, la dizaine des 40, la dizaine des 70, les deux problématiques. Donc du coup, dire ça et dire que c'était mon poids, moi, qui ai toujours cherché, parce que je suis présente sur les réseaux depuis quasiment 20 ans, et que je me prends en photo depuis quasiment 20 ans avec toujours un bien vestimentaire, mais que sur ces silhouettes, j'essaie d'être dans mon meilleur profil, d'éviter le profil d'ailleurs. Le fameux ventre.

  • Speaker #1

    Tu te prends de face.

  • Speaker #0

    Je me prends de face, en inclinant le visage d'une certaine manière. J'en suis pas au point Victoria Beckham du Bon Profil, parce que pour qui la suit, il y a une manière d'incliner la tête et le visage tout à fait millimétrée. J'en suis pas à l'art, mais je l'ai. Et elle est tellement belle, cette femme. Et voilà.

  • Speaker #1

    Pas besoin. Enfin, personne n'a besoin, mais en l'occurrence...

  • Speaker #0

    Non, mais tout est dit dans cette manière de... d'incliner le visage pour parler à la caméra. Je sens que, sans en arriver là, je sens que je tends quand même à me figer sur un certain type de sourire qui ne va pas aller...

  • Speaker #1

    Trop marquer les plis.

  • Speaker #0

    Tu vois, trop marquer les traits, qui ne va pas me bouffir les yeux. Donc c'est un certain type de mimique, une manière de prendre la lumière, de se présenter. J'évite les vidéos à mort, parce que là, tu ne contrôles plus rien.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la vidéo, c'est assez fatal.

  • Speaker #0

    Ça pardonne pas. Ça pardonne pas. Surtout passé un certain âge, je trouve. Je peux te dire ça tout en étant horrifiée par tous les contenus qui vont te dire « À 44 ans, elle est incroyable ! » Enfin, tu vois, voilà. Bonne ambivalence. Non, mais tant mieux. Oui. C'est ça. Donc du coup, voilà, pour faire une très très longue réponse à une question très simple. 76 kilos, pour moi, contenait... énormément de problématiques induites et immédiatement compréhensibles par les femmes qui me lisent. Ce qui n'est pas le cas de pas mal de gens, et ça je l'ai découvert avec surprise pour en avoir parlé dans le milieu de l'édition avec des gens qui ne comprenaient pas le titre du livre, ne comprennent pas à quoi ça fait référence. D'accord. Et donc là, voilà le niveau d'impensé où on en est. Si c'est un homme éditeur qui voit ce titre sur le manuscrit et ne comprend pas le sujet, Si c'est une femme très mince, elle ne comprend pas le sujet. Et donc là, je me suis dit, voilà, c'est vraiment de là que je veux écrire, c'est-à-dire, je vous montre une certaine image que j'espère la plus conforme à mes standards, mais je fais 76 kilos. Et 76 kilos, c'est rien par rapport à 95 ou 150, et c'est impensable par rapport à 50, 55. il y a vraiment une sorte de de trou noir de trou noir et je me suis dit c'est de là que je veux écrire et si je dis le chiffre celles qui savent, elles savent Bon, bah moi j'ai su tout de suite.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est qui a venu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Tu parles dans ce récit de cette catégorie de femmes mid-size. C'est un terme qui vient du UK, je crois ? Oui. Et donc c'est un terme qui désigne celles qui sont ni minces ni grosses. Et tu as écrit mid-size, j'ai envie de dire que j'en suis. Qu'est-ce que ça a changé pour toi, la découverte de cette catégorie de femmes ? Parce qu'on n'en entend pas beaucoup parler en France, les mid-size.

  • Speaker #1

    Non, c'est très...

  • Speaker #0

    Déjà, il n'y a même pas de mots, c'est ce que tu dis. Il n'y a pas de mots en français pour qualifier mid-size.

  • Speaker #1

    En français, il n'y a pas de mots. En français, il y a normal ou grosse.

  • Speaker #0

    Voilà. On ne dit pas taille intermédiaire. Oui,

  • Speaker #1

    ça n'existe pas. Donc, si tu suis là encore les chiffres que te donne ton impédance maître sur ta masse musculaire et ta masse graisseuse, normal, c'est mince. Au-delà de normal, c'est en surpoids, donc grosse. mid-size. médicalement ne correspond à rien c'est vraiment un terme je pense qui est esthétique et culturel avant d'être un terme morphologique oui parce que voilà tu vas avoir tout un tas de spécialistes qui vont te dire que tu vas être en extrême excellente santé en étant mid-size et puis si tu vas voir des spécialistes de vraiment du poids ils vont te dire que non tu es en surpoids surpoids voilà

  • Speaker #0

    C'est dommage qu'on ne fasse pas évoluer ces critères très scientifiques. Parce que finalement, peut-être que les choses doivent évoluer aussi avec la réalité du monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Il y a une culture française qui est très imprégnée déjà de cette mythologie de la femme française. Il y a eu ces bouquins qui ont eu un énorme succès aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, de « French women don't get fat » . Il y en a eu deux comme ça, écrits par une Française. Donc il y a cette idée que la femme Française, elle est mince, normale, donc mince. Et du coup, mid-size, là-dedans, moi je suis allée voir tout un tas de médecins pour me convaincre que j'avais une raison médicale d'intervenir et aucun d'entre eux n'a cité mon poids. comme une raison de faire quoi que ce soit. Donc là, c'est vraiment... En termes de santé, je pense qu'on n'a aucun repère sur ce qui est bon pour nous ou pas. Mon cardiologue qui me suit pour mon problème cardiaque n'est absolument pas inquiet du poids que je fais. Alors qu'à côté de ça, quand je vais voir une diététicienne et qu'elle mesure la masse graisseuse, il y a marqué obésité physiologique. Parce que... J'ai beau avoir une bonne masse musculaire, j'ai quand même un ratio de masse non musculaire qui est trop important par rapport aux critères médicaux qui datent de je ne sais quand, et qui te disent si tu es vraiment en bonne santé ou pas. Donc mid-size, c'est un petit peu le terme idéal. Mais très rapidement, ça a été en fait récupéré par des nanas qui étaient dans un discours hyper positif et militant et d'affirmation de soi et de je m'assume. Alors est-ce que tu as besoin d'assumer quoi que ce soit quand tu es mid-size ? Je ne suis pas sûre qu'on en soit là.

  • Speaker #0

    Tu fais écho au body...

  • Speaker #1

    positive alors que le body positive normalement devrait idéalement être le propos et la revendication de femmes qui sont bien au-delà du mid-size et que donc on a un peu vidé les femmes considérées grosses ou rondes de ce truc d'affirmation de soi en disant voilà nous on est juste un tout petit peu au-dessus de la norme Mais on s'assume quand même. Alors si tu t'assumes quand tu es à ce stade-là de ton poids, qu'est-ce qui reste aux autres à assumer ? Il y a une manière de réduire les critères qui était assez à double tranchant avec ce mot. Et aujourd'hui encore, quand je le tag sur certaines de mes photos de look, je me dis « mais pourquoi je mets ce mot-là ? » Est-ce que j'ai vraiment le droit de me dire que je suis dans cette catégorie-là alors que... Putain mais laisse les souffrances et les revendications sur le poids à... à une autre catégorie de personnes, enfin ferme ta gueule tu vois juste.

  • Speaker #0

    Donc tu as évolué là-dessus, parce qu'au départ, quand tu as découvert ce terme, il y avait une forme de soulagement d'appartenir à une catégorie qui n'existait visiblement pas.

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment un phénomène... Ça s'est vraiment séparé entre « grâce à ce mot, j'ai accès à des tas d'images de femmes qui te ressemblent, que j'adore, que je consulte de manière absolument joyeuse et créative. » Et tu les identifies grâce à ce mot. Oui. Et je les remercie d'exister. Et à côté de ça, tu as « est-ce que ce mot, c'est moi ? » Et donc vraiment, là, j'ai appris à faire la part des choses entre... Putain, pardon, je deviens de toute façon plus vulgaire. Non, pas de problème. J'ai une vraie joie à voir ces corps-là, à les trouver super inspirants en termes notamment de stylisme. Et est-ce que ça va m'aider, moi, à me situer, à me dire, à me raconter ? Je pense que non. Je pense que je reste encore très, très imprégnée. de la normalité entre guillemets médicale, cette histoire de l'écart entre la taille et le poids de 10 à 20 kilos, je fais mesurer ma masse graisseuse. Clairement, je prends le chemin de quelqu'un qui ne va pas aller dire « je suis mid-size et je vous emmerde, je ne prends pas ce chemin-là » . Donc à un moment donné, il a fallu être honnête par rapport à ce que tout ce... En fait, toute cette réflexion par rapport à ce mot... m'a fait avancer de dingue en termes d'honnêteté vis-à-vis de moi-même, je pense. Ouais,

  • Speaker #0

    c'est fort. Il y a une phrase aussi qui m'a marquée. Désolée, c'est une transition... Enfin, sans transition. Il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit « je mange pour récupérer mon espace » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    J'ai trouvé que c'était assez puissant, mais limite politique. Parce qu'aujourd'hui, quand on est une femme, il vaut mieux pas prendre trop de place, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Donc j'ai trouvé ça fort de dire « je mange pour récupérer mon espace » . Ça renverse un peu les injonctions, finalement. Qu'est-ce que tu voulais dire avec cette phrase ?

  • Speaker #1

    Alors cette phrase, je l'ai vraiment ressentie comme une sorte d'épiphanie intime parce que j'étais en train d'échanger des messages sur WhatsApp avec une copine à moi qui est très, très mince, très affûtée, très sportive. Je préparais le dîner, je discutais avec elle sur WhatsApp. J'avais mes filles autour qui faisaient un boucan d'enfer. Et là, je me retrouve à manger un truc, mais debout, devant le frigo, tout en préparant à manger. Et là, j'ai pris conscience, en fait, de l'accumulation de ce contexte-là, que voilà le genre de situation dans laquelle je me remplis, c'est-à-dire, autour de moi, il y a trop. Dès que je suis toute seule, donc, je te le disais tout à l'heure, pas en couple, ou toute seule dans la journée, je peux bosser cinq heures d'affilée sans penser à manger. Voilà, il n'y a pas d'enjeu avec la nourriture avalée sans même y penser. Il y a un enjeu quand il y a beaucoup de sollicitations autour. Et donc là, je pense que par rapport à ça, il y a quelque chose chez moi de l'idée de se dire que ce n'est pas une fatalité et qu'on fait tout le constat d'être complètement débordé sur sollicité au bout du rouleau quand on est mère. On est toutes d'accord là-dessus. Et moi, ça se traduit par je mange de la nourriture parce que je me donne une sensation corporelle pour moi par rapport à tout ce qui est... Je suis très sensible au son en plus, assez misophone. Donc voilà, tout ce qui est agitation et vacarme autour de moi, ça me met en état de tension. Et donc là, manger un truc pour... Voilà, c'est un moment où c'est moi, mon corps, où je me retrouve moi et où je lui fais plaisir. Et à partir du moment où j'ai pris conscience de cette phrase, j'aimerais te dire que j'ai pu réduire naturellement les moments à risque comme ça, où on va dire c'est la fenêtre 18h-22h, voire 16h-22h, où là tout peut arriver. C'est pas si simple. C'est vraiment beaucoup de choses à détricoter et je vois que je suis encore... Je fais encore trop de prises de nourriture comme ça, debout, à l'arrache. Tout ce chapitre-là, j'avais vraiment essayé d'être très visuelle pour que le lecteur ou la lectrice puisse me voir en train de me remplir comme ça, debout au milieu du chaos, et de me dire, voilà, là j'ai localisé qu'est-ce que je veux que ma vie soit ça ? Non. Comment faire pour ne plus être vulnérable dans ces moments-là ? Je cherche encore.

  • Speaker #0

    comment. Oui, bien sûr. Non, mais c'est pas évident. Puis, l'alimentation a un tel pouvoir apaisant, c'est hyper fort, en fait. Donc, quand tu veux faire redescendre des émotions, en fait, l'effet, il est immédiat. Tu mets quelque chose dans ta bouche, en plus, généralement, c'est des choses qui sont assez réconfortantes, etc. Donc, l'impact, il est immédiat.

  • Speaker #1

    Pour moi, les émotions, c'est toutes, en fait. Je ne mange pas simplement pour me réconforter. Je mange pour fêter un truc. Je ne mange pas parce que je suis joyeuse. C'est toutes les émotions. Il n'y en a pas une qui échappe à ce truc de manger. Donc du coup, en plus, on est dans une famille où on a vraiment tous le bec salé. Donc c'est un peu les pires trucs à ce moment-là, ça va être la charcuterie, moi je vais pas m'envoyer une tablette de chocolat, mais ça va être de la pâte à négras.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce genre de trucs que je vais manger à ce moment-là. Et ouais, sur le côté émotionnel, c'est pour moi très très difficile de décorer les deux. Et à côté de ça, je me souviens d'avoir ressenti un truc très fort quand justement pour la série d'entretien Encore Heureux que je fais pour le L, Une des femmes qui a témoigné m'a raconté à quel point elle était en paix avec ça, en se disant il y a eu des moments dans ma vie où je mangeais mes émotions et je suis ok avec ça parce que je préférais ça plutôt que l'état psychologique dans lequel j'aurais pu être sans ça et que parfois ça aide. Et j'aurais pu me dire oui mais bon si tu suis ce principe au bout d'un moment c'est hyper destructeur pour ton corps etc. Ben non, en entendant dire ça je me suis dit putain elle le dit, merci de le dire. Et en même temps, quand tu dis ça, qu'est-ce que tu en fais après ? Est-ce que ça reste une bonne manière de t'alimenter ? Non. Et à chaque fois que j'entends des femmes dire des choses un petit peu out of the box, comme ça, sur l'alimentation, ou une autre témoin qui me disait « j'apprends à décorréler nourriture et plaisir, par exemple, à manger pour m'alimenter » , c'est un discours qui m'a toujours paru dingue, et en fait, maintenant, c'est le genre de choses que j'aime bien entendre. parce que je me dis, en fait, c'est possible d'être dans quelque chose de plus rationnel que si tu te dis que chaque repas doit être un plaisir, forcément, il y a de la frustration derrière. Si tu arrives à te dire qu'un repas est une manière aussi de faire fonctionner ton corps, pas tous les repas, mais certains, il y a d'un coup la pression qui redescend quand même, tu vois ? d'essayer de retirer ce côté alimentation plaisir, alimentation gourmande même quand t'es en rééquilibrage alimentaire il y a aussi cette idée que les recettes doivent être gourmandes par exemple et que si t'arrives pas à faire ça, si tu manques de temps, si tu manques de talent culinaire t'as un peu raté le truc donc ouais ça c'est des questions que je me pose en ce moment que faire de l'idée de gourmandise et de plaisir autour de la bouffe est-ce qu'il y a quelque chose sur quoi je peux avancer là-dessus Merci. Parce que je suis gourmande et terrible en cuisine. J'ai le cauchemar en cuisine. Donc voilà, j'ai pas les moyens de mes ambitions.

  • Speaker #0

    C'est pas évident là.

  • Speaker #1

    Donc c'est forcément de la bouffe qui naturellement est soit transformée, soit très grasse. Du fromage, de la charcuterie. Et donc voilà.

  • Speaker #0

    Tu racontes aussi un épisode douloureux dans ce récit. Celui où on te croit enceinte alors que tu ne l'es pas. Tu écris parmi toutes mes hontes celle-ci, passer de la fierté d'être enceinte à la honte de le sembler. Est-ce que tu peux nous parler de ce moment et de ce que ça a réveillé en toi ? Et d'ailleurs tu en parles à un autre moment où là c'est toi qui portes un regard sur toi-même.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Où tu te dis j'ai un ventre qui pourrait être un ventre d'une femme enceinte.

  • Speaker #1

    Ça c'est incroyablement enraciné. Et je pense que ça peut résonner pour pas mal de nanas. J'ai jamais eu autant de réactions à un sujet que quand j'ai posté ce sujet-là sur mon Instagram en guise de... Petite avant-goût du chapitre.

  • Speaker #0

    Et puis la photo était très bien trouvée. Tu avais posté une photo de ton ventre.

  • Speaker #1

    De moi, de profil.

  • Speaker #0

    Donc tu étais habillée, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et alors, figure-toi qu'en plus, depuis ce moment-là, je suis harcelée de publicités Instagram pour un complément alimentaire dont le nom m'échappe parce que je n'ai pas envie de leur faire de pub. Mais où tu vois des nanas ultra minces qui se filment de profil avec leur ventre plat en disant ... ça c'était moi il y a 6 semaines vous ne le croiriez pas non je ne suis pas enceinte et donc l'idée c'est de te vendre un truc qui t'aide à pas avoir le ventre qui gonfle d'ailleurs le ventre on draine pas et l'image qui est associée à ça et à ce qui est anormal est tellement violente qu'à chaque fois je fais suivre à des copines qui sont pareil dans des réflexions et des complexes par rapport à leur ventre et ils disent viens on leur casse la gueule Merci. et donc du coup je sais à quel point le moindre petit renflement est tout de suite part dans la normalité L apostrophe anormalité et part dans le tiens est-ce qu'elle est enceinte et j'en rigolais avec une de mes lectrices qui me disait t'inquiète bientôt on arrive à l'âge où les gens ne se posent même plus la question se diront bien juste trop vieille pour ça. Donc c'est encore un privilège de pouvoir se poser la question. Mais il y a quelque chose de tellement puissant et ancré en nous, dans cette idée que quand on est enceinte, on a cette pareil, encore une fois, une femme témoignante dans Encore Heureux, disait on a cette légitimité sociale à être ronde quand on est enceinte. Et qu'enfin, là, il n'y a plus à cacher ce ventre qui reste, on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure, ça reste un truc extrêmement vissé, extrêmement fermé en termes de diversité possible de morphologie. Il n'y en a vraiment qu'une. Et du coup, moi, je m'étais sentie vraiment, je me sens vraiment rattrapée par ça en permanence, c'est-à-dire que ça peut, ça influe les vêtements que je... J'achète, ça influe la manière dont je me prends photo, dont je me présente, ça influe sur la manière dont je me tiens, parce que j'ai pas envie... Encore une fois, ça me ramène à cette femme-mère, et j'ai envie d'être plus que la mère de mes enfants, une femme qui a été enceinte, une femme dont on peut se dire qu'elle est enceinte. J'ai envie que ce truc-là, c'est derrière moi, que ce soit terminé, quoi. Et le fait de voir cette image-là de moi, en partant chez mon fameux cardiologue en plus, je me suis dit, je ne peux pas arriver là-bas, et que lui me dise ça, lui qui s'en contrefout de mon poids, en fait, je me suis imaginée être face à ce médecin, et qu'il me dirait, ouh, Mme Moreau, connaissant mon âge en plus, là, tu vois, on rigolait sur le fait que les grossesses gériatriques... commence à 35 ans, 44, et je me suis changée pour aller chez ce médecin dont je sais qu'il n'en a rien à faire de mon poids. D'ailleurs, il me fait des compliments en s'excusant de m'en faire à chaque fois qu'on se voit sur le fait qu'il me trouve charmante. Ça, c'est encore un autre sujet. C'est gentil. Je fais partie de cette génération qui accepte les compliments de manière assez calme. Je me dis pas c'est inconvenant, il a pas à dire ça, il s'excuse quand même de le faire. Et donc je me dis je sais que ce médecin là il est pas jugeant sur mon apparence etc. Et pourtant je me change avant de dire allez, pour que ça se voit moins et que moi j'ai moins ce sentiment de putain. La brioche quoi.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on parle des nouvelles générations par rapport à ça. Ouais. Je crois que t'en parles dans 76 kilos non ? Ouais. Y'a pas un moment donné où tu dis si les Gen Z me lisaient, on lèverait les yeux au sel en disant... Mais en fait, il faut en rigoler. Quand quelqu'un te demande si tu es enceinte alors que tu ne l'es pas, il faut prendre ça avec humour, il faut en rigoler, etc. Il faut s'en foutre. En gros, est-ce que tu penses que pour les nouvelles générations, il y a une prise de recul peut-être plus importante sur ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Dans celles que je côtoie, en tout cas, vraiment, ma référence, c'est les animatrices de centre aéré de mes filles et de périscolaire. où je vois qu'en termes de tatouage, de nail art, de poids, de morpho, il y a une liberté.

  • Speaker #0

    où je me dis une insolence oui oui exactement on n'en a jamais vu autant que là récemment tout ça est embrassé

  • Speaker #1

    avec une joie qui chez moi créerait mille questions parce que moi j'ai grandi avec cette Cette idée de ce à quoi il faut ressembler qui reste là mentalement très très présente et dont je pense que je ne me déferais jamais. Donc là maintenant il faut être aligné soit avec ce en quoi tu crois et t'essaies de coïncider, soit faire exploser ce avec quoi tu as grandi. J'ai essayé avec 76 kilos, je n'ai rien fait d'exploser du tout. J'ai fait que comprendre à quel point ça m'avait structuré et que... Ma foi, c'est pas grave, j'en suis pas si loin, et que peut-être, si je me donne les moyens, je peux... Ce qui est important pour moi maintenant, c'est de m'aligner. Même si c'est m'aligner avec un truc qui peut paraître débile. En matière de santé, je sais que ce sera bénéfique pour moi, que je suis pas dans une approche malsaine du truc. Donc ouais, il y a cette envie de m'aligner. Je sais pas si c'est hyper cool de le dire. En tout cas, moi, ça m'a soulagée de me dire arrête avec le body positif parce qu'en fait, tu n'y arriveras pas, tu vois, tout simplement. Et je suis heureuse de voir la jeune génération faire ça avec ton naturel. Et je me dis voilà, il faut que ce truc ne soit pas contraint. Il ne faut pas que ce soit un effort.

  • Speaker #0

    Il faut que ça vienne avec un peu de spontanéité.

  • Speaker #1

    Et miraculeusement, on a réussi, venant de là où on vient, à créer un monde où en 2025, les nanas... vont spontanément mettre des crop tops sur des corps qui correspondent pas tout à fait aux corps validés normés, et elles le font sans qu'il y ait eu besoin de déconstruire quoi que ce soit. Je ne sais pas par quel miracle ça a lieu en fait, par quel miracle cette génération-là y arrive, mais je me dis voilà, pour elles c'est bon, malgré le retour du culte de la minceur, malgré aux MPIC, etc. à mon avis, sont concernants plutôt pour ma génération à moi. Oui,

  • Speaker #0

    et puis quand même, les personnalités qui ont vraiment vanté les mérites de ce produit, c'est quand même Kim Kardashian, je crois, de mémoire,

  • Speaker #1

    et

  • Speaker #0

    Elon Musk. Donc c'est des générations aussi, peut-être que ne regardent pas les plus jeunes, je ne sais pas en fait.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai l'impression qu'elles ont plus le choix, alors que Les femmes notamment qui font un métier d'image, qui sont dans la trentaine, comme Kim Kardashian, je ne sais pas exactement quel âge elle a. Oui, je sais quel âge elle a,

  • Speaker #0

    35,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Voilà, trentaine qui vont arriver sur quarantaine, etc., basculer de ce côté-là, sont peut-être plus la clientèle en première intention.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    complètement. Et que la jeune génération va plus réchapper à ce truc-là, à part... On va dire une frange vraiment radicale de skinny talkers qui ne me paraissent pas être la majorité des femmes.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    J'ai quand même l'impression qu'on les voit beaucoup, on les entend beaucoup, aussi parce qu'on les dénonce beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, ça fait quand même un gros tollé sur les réseaux sociaux, toute cette tendance du skinny talk. Pour rappel, pour ceux qui n'ont pas suivi, c'était sur TikTok. Des femmes qui mettaient en avant leur corps particulièrement maigre. On n'était même plus dans la minceur, on était plutôt dans la maigreur. Et il y avait une apologie de la maigreur. Et aussi de conseils pour y arriver, je crois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je crois.

  • Speaker #1

    La totale. Bref,

  • Speaker #0

    la totale. Mais tu vois, pour revenir sur cette génération peut-être un peu plus décomplexée et qui se sent plus libre par rapport à ça, c'est intéressant quand même parce qu'on n'a jamais été dans une société aussi riche en éléments de comparaison. Parce qu'avant, quand il n'y avait pas les réseaux sociaux, la comparaison, c'était les gens qu'on voyait dans les magazines, c'était les stars, c'était la télé-réalité à la télé, etc. Donc le comparatif était moins important que là, sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, tu as accès au monde entier, à des gens qui sont potentiellement des amis, des collègues, etc. Donc les comparaisons sont beaucoup plus propices.

  • Speaker #1

    C'est super juste.

  • Speaker #0

    Alors qu'il y a quand même un mouvement de ces nouvelles générations qui essaient de se détacher de ça. Je sais pas, est-ce qu'on a atteint peut-être un extrême et du coup il y a un rejet de ce culte de l'image qu'on voit sur les réseaux sociaux, etc. ? Je sais pas.

  • Speaker #1

    C'est certain qu'on n'a pas fini de mesurer l'impact en termes d'imaginaire et de représentation des réseaux sociaux, et par là j'entends l'impact aussi positif. Oui, bien sûr. Parce qu'il ne faut pas se leurrer par rapport aux images avec lesquelles les filles adolescentes dans les années 90 comme moi ont grandi. Oui.

  • Speaker #0

    Avec les Kate Moss...

  • Speaker #1

    Voilà, en termes de diversité, c'est très très peu de choses. Et donc là, aujourd'hui, quand bien même les réseaux sociaux, tu as tout, du coup, tu as le pire, mais tu as aussi la diversité. Et donc, le miracle vient peut-être tout simplement de là, d'avoir accès à toutes ces images, toutes ces représentations possibles. Quand bien même il y a bagarre et il y a quand même injonction, il y a quand même tendance inquiétante et toxique, il y a forcément tout. Mais tu peux aller aussi être exposé de manière assez naturelle à des contenus qui, au contraire,

  • Speaker #0

    dénoncent ou sont plus dans la mesure, etc. Non, je suis complètement d'accord. Et donc du coup en tant que journaliste je trouve ça intéressant qu'on aborde ces sujets là parce que toi tu observes de près l'évolution et le retour en arrière potentiellement des discours sur le corps dans la société évidemment donc on a connu les dictats des années 90-2000 auxquels nous on a été confrontés où la minceur était évidemment la norme après il y a eu ce mouvement body positive bon aujourd'hui on sait plus trop si c'est toujours d'actualité ou pas parce qu'il y a un vrai retour en arrière avec Ces sujets que tu mentionnais tout à l'heure, l'Olympique, cette obsession du contrôle, tous les contenus skinny talk, etc. Et aussi, je lisais ça à la dernière Fashion Week, apparemment 95% des mannequins faisaient du 34 ou du 36, alors qu'en France, le 34, c'est 1,6% de la population.

  • Speaker #1

    Et encore du 36 pour un mannequin,

  • Speaker #0

    c'est beaucoup. Non, c'est sûr. Donc bref, il y a une vraie obsession du contrôle qui revient. Et à la fois, je le disais en introduction, une contradiction absolument hyper violente autour de la perception de la minceur avec des femmes comme... Enfin, je ne sais pas si c'est en intro ou en off, mais en tout cas, avec des femmes comme Anna Roy, qui est une sage-femme qui a écrit un livre qui s'appelle « Énorme » , dans lequel elle raconte son processus, comment est-ce qu'elle a perdu du poids, etc. Et elle s'est complètement faite bâcher là-dessus, cette perte de poids. Elle a même été accusée, je crois, de grossophobie. Enfin, je ne veux pas dire des bêtises, mais il me semble. Donc voilà, on est une société où on cultive la minceur, etc. Et à la fois, quand des femmes maigrissent, elles se font bâcher parce qu'elles maigrissent. Et je crois aussi que tu donnais un exemple dans « 76 kilos » de Lily Collins. Tu sais qu'elle a été critiquée parce qu'elle a fait appel à une mère porteuse. Alors, elle n'a pas été critiquée. parce qu'elle a fait appel à une mère poteuse. Elle a été critiquée parce que ça lui aurait permis de conserver sa ligne, apparemment. C'est complètement ambivalent, en fait, comme discours. On nous demande d'être minces, et puis après, quand on veut garder la ligne, on nous critique, et quand on perd du poids, on nous critique.

  • Speaker #1

    C'est toute la logique de « les femmes ne gagnent jamais » . Voilà. Et de... C'est un double standard en permanence. Lily Collins, on voit très bien qu'elle est... C'est quelqu'un qui est encore extrêmement filiforme de nature. Ce n'est pas une actrice qui s'affame ni rien.

  • Speaker #0

    Elle avait écrit un super bouquin,

  • Speaker #1

    Lily Collins.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si tu l'avais vu ou pas.

  • Speaker #1

    Non, je ne savais même pas.

  • Speaker #0

    Elle a écrit un bouquin, Lily Collins, sur son histoire, le rapport à son corps, etc. Je ne sais plus comment il s'appelle.

  • Speaker #1

    J'espère qu'elle ne parle pas d'anorexie dedans, sinon ça... Ah, c'est le cas. D'accord. Donc tu vois, moi je la voyais comme quelqu'un de naturellement filiforme. Donc c'est pas le cas.

  • Speaker #0

    Mais je l'ai lu il y a longtemps, donc je retrouverai.

  • Speaker #1

    Donc ça explique aussi le recours à une mère porteuse, et le fait qu'on lui fasse payer aujourd'hui comme étant un choix superficiel.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est bien de là.

  • Speaker #1

    Alors que parallèlement, Margot Robbie... Et puis après, je sais pas combien de temps Emily in Paris va continuer à être produit par Netflix, mais Clairement, dans son activité professionnelle, elle ne peut pas changer de corps. Qu'une femme fasse des arbitrages personnels en termes de vie privée pour sa carrière, de toute façon, c'est un truc sur lequel les gens vont juger, ils vont lui tomber dessus, parce que vu comme carriériste aussi. Et parallèlement au fait qu'elle avait accueilli... Un enfant ou deux, je ne sais plus si c'était des jumeaux ou un enfant, alors que Margot Robbie, parallèlement, se faisait tailler parce qu'elle avait flingué son corps à cause de la grossesse, qu'elle était déformée, etc. Il y avait vraiment les deux phases du même problème, avec cette manière de dire que vous avez échoué, que Lily Collins a échoué, que Margot Robbie a échoué, et qu'il n'y a aucun moyen, finalement. Si on écoute les réseaux sociaux aujourd'hui, d'être dans le juste.

  • Speaker #0

    et puis cette idée qui faillait être juste quelque part déjà extrêmement dérangeante aussi donc il y a vraiment et Anna Roy ce qu'on lui reprochait c'était son discours sur le fait de mincir vu

  • Speaker #1

    comme un moi j'ai lu son livre je l'ai pas lu et je te confirme Lily Collins a bien écrit un bouquin qui s'appelle Unfiltered dans lequel elle raconte son histoire quand elle était adolescente par rapport à l'anorexie,

  • Speaker #0

    la boulimie et ben voilà tu vois, je me suis fait moi la spécialiste du corps je me suis fait complètement avoir par l'image que j'avais d'elle enfin voilà pour moi c'était ce genre d'organisme qui naturellement brûle tout oui qui est un métabolisme le fameux métabolisme et donc Anna Roy alors à quel point suis-je grossophobe moi-même pour ne pas avoir perçu la grossophobie du bouquin je ne sais pas Mais j'étais hyper étonnée. Est-ce que ça vient de gens qui ne l'ont pas lu ? C'est possible. Est-ce que ça vient du fait que certains extraits soient difficiles à lire ? Je ne sais pas. Il y a un tel parcours, un tel cheminement chez elle de vie qui explique pourquoi elle s'est retrouvée à faire un certain poids, pourquoi elle ne le veut plus. et pourquoi elle a le sentiment de se retrouver et que son identité n'était pas au poids qu'elle pesait. Voilà, tout ça suit un cheminement logique, que je trouve qui est plutôt bien expliqué. Et effectivement, c'est devenu extrêmement difficile d'avoir ce genre de discours aujourd'hui, parce que ça met la tête dans la merde. ça met tout le monde la tête dans la merde en disant voilà moi j'ai fait cet effort là et c'est mieux pour moi etc faites la même chose c'est pas un discours qu'on peut entendre sans se dire, sans se positionner par rapport à lui et se dire qu'est-ce que moi je fais et que font les femmes qui sont en surpoids quand elles entendent ça et qu'est-ce qu'elles ressentent et tout ça est incroyablement légitime Et le problème, c'est la cohabitation entre le ressenti légitime d'Anna Roy, le ressenti légitime de certaines femmes dont on va dire qu'elles sont grosses, rondes, en surpoids, et qui souhaitent rester comme telles, et à qui indirectement ce livre vient dire non, c'est pas ce qu'il te faut. Comment tu fais, enfin comment tu vis en fait dans un monde où tout ça cohabite ? Donc il y a encore... Je pense une plus grande diversité de parcours possibles qui s'offre à nous aujourd'hui, mais on a encore tellement tendance à se projeter dans le parcours de l'autre et pas à dire voilà c'est son histoire, moi la mienne et autre. Et il faut toujours que ce soit validé par notre propre expérience en fait. Et à partir du moment où on n'arrive pas à se projeter dans le parcours de l'autre, ben c'est pas bon.

  • Speaker #1

    Oui c'est pas bon. Et c'est vrai, ça arrive souvent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui est devenu difficile aujourd'hui, c'est que tu as toujours la possibilité de faire du mal, d'offenser légitimement quelqu'un qui te lit. Tu peux faire légitimement du mal à quelqu'un qui te lit en étant pourtant toi tout à fait sincère et alignée dans ce que tu racontes.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qui était totalement la posture de Anna Roy, quand elle a écrit son livre. C'était pas pour culpabiliser les femmes, c'était pour raconter et livrer son témoignage.

  • Speaker #0

    Et on lui a reproché aussi notamment son discours par rapport au sucre. Oui, parce qu'il y a un vrai sujet aujourd'hui de savoir si oui ou non, c'est toxique, ça crée une addiction, etc.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle a totalement arrêté le sucre, en fait. Pour information, elle ne mange plus de sucre raffiné. Je pense qu'elle mange des fruits, etc.

  • Speaker #0

    Et je pense que là encore, on a un manque de... de vrais cadres médicaux, scientifiques. Par rapport à l'alimentation, à la minceur et ce que la minceur implique, aux manières de s'alimenter, on a un manque de repères vraiment que tout le monde prendrait pour acquis. Sur le sucre, il y a encore débat. Et le fait qu'il y ait débat sur autant de choses par rapport à l'alimentation, ne serait-ce que les différentes manières de se mettre en rééquilibrage alimentaire. Il y a 12 000 méthodes qui sont incompatibles les unes avec les autres et contradictoires. Ça fait que, voilà, on a moins de repères aujourd'hui qu'on en avait, même s'ils étaient mauvais, dans les années 90 ou 2000.

  • Speaker #1

    Le discours était plus simple, quoi. Ouais, un discours.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    On suivait le truc, alors que là, aujourd'hui,

  • Speaker #0

    t'as une diversité de solutions. Et du coup, de possibilités de se sentir un peu perdue. Ouais, complètement. Et d'acceptation du fait que... personne puisse avoir d'autres repères, que toi, tu puisses en avoir encore d'autres et que tout ça puisse en bonne intelligence coexister sur les réseaux. En même temps, c'est passionnant parce que tu apprends plein de choses à voir chaque camp exprimer ses convictions. Je ne sais pas où elle en est aujourd'hui, quelques mois après avoir sorti son livre. Mais ça a vraiment mis le doigt sur où on en est par rapport à la grossophobie aujourd'hui. Qu'est-ce qui est légitime ? À quel moment on est blessant ? À quel moment on est offensant ? Voilà. Moi, je n'ai pas la bonne méthode non plus. Et je pense qu'à chaque fois que j'ouvre la bouche sur le poids, je peux offenser des milliers de personnes. par rapport à ce que je dis, et c'est légitime qu'elles se sentent offensées, si moi je raconte mon histoire.

  • Speaker #1

    Et l'évolution de la presse féminine sur ces sujets-là, alors je ne parle pas forcément de la grossophobie en particulier, mais plutôt sur le traitement du corps, dans les magazines féminins, qu'est-ce que tu as pu constater toi depuis 20 ans ? Où est-ce qu'on en est là un peu ? Est-ce que les lignes ont vraiment bougé ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors la sémantique a bougé, ça c'est clair. On n'utilise plus le mot régime au L. Je ne suis même pas sûre que minceur, comme il y avait le spécial minceur. Avant ça, il y avait le spécial maigrir. Voilà, tous ces mots-là me semblent avoir disparu. On est plutôt sur un spécial, on va parler de forme, de bien-être. On ne va pas relayer le dernier régime à la mode. On va rester, et ça, ça a toujours été fort l'ADN du magazine, et je pense de ce type de magazine en général, on va être sur la gourmandise. Ça, c'est un truc qui va rester très fort, très ancré. Après, moi, ce que je trouve, à titre personnel, assez compliqué avec la presse féminine, c'est qu'elle suppose un talent au fourneau.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Que moi, je... Enfin, voilà. La base, c'est que tu aimes cuisiner, que tu sais cuisiner. Et ça, moi, il me semble qu'en 2025... Et que tu as le temps.

  • Speaker #1

    Et que tu as le temps.

  • Speaker #0

    Et que tu en fais une priorité. Moi, il me semble que ça, en 2025, ça pose quand même question. J'ai l'impression que socialement, dire que tu n'aimes pas faire la cuisine, c'est encore un truc problématique. T'es vue comme quelqu'un de sec de corps et de cœur. Enfin, tu vois, forcément, quelqu'un de vraiment épanoui ne peut que aimer faire la cuisine. Tu vois, il y a encore ce truc très présent, je trouve. Et du coup, quand je vois, moi, des figures de femmes, que ce soit dans des séries, des films ou des interviews de femmes qui disent « la cuisine, c'est pas mon truc » , tu vois, je suis là, je me dis « mais merci de le dire ! » Merci de le dire, juste parce que, voilà, pour moi, il y a ce dernier truc. de se dire une femme en 2025 pour peu qu'elle soit très occupée professionnellement ou socialement elle a le droit d'en avoir rien à faire de faire la cuisine de faire des recettes gourmandes et pourtant d'aimer manger et comment tu réconcilies ces trucs là donc ce savoir-faire culinaire qui est considéré comme acquis dans la presse féminine reste pour moi Le dernier endroit où il faut peut-être un peu travailler. Oui, changer des choses. Parce qu'après... En faire évoluer. Voilà. Après, ce qui est de ne plus utiliser les mots qui fâchent et d'être dans des propositions assez saines. Le job est fait.

  • Speaker #1

    Et dans les corps, peut-être qu'on montre aussi.

  • Speaker #0

    Et dans les corps.

  • Speaker #1

    Oui. Là, il y a encore des choses à faire évoluer quand même.

  • Speaker #0

    Là, c'est encore très, très, très compliqué.

  • Speaker #1

    Quand tu regardes les magazines, c'est toujours...

  • Speaker #0

    C'est super compliqué.

  • Speaker #1

    C'est assez lisse, quoi.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça, c'est pas un sujet valable que pour les magazines féminins, c'est un sujet aussi valable pour les marques, les marques de vêtements, etc.

  • Speaker #0

    C'est le saffron qui se mord la queue, et ceci explique cela. C'est-à-dire que, comment tu peux proposer autre chose quand tout le reste continue d'être promu ? Alors, après, on parle de gros annonceurs. des annonceurs qui vont avoir le budget pour mettre des pubs dans ton magazine. C'est le luxe. Ce n'est pas les petites marques florissantes de plus en plus nombreuses qui font poser des nanas de tout gabarit qui vont acheter une page de pub dans un magazine féminin. Et de là vient le problème. Le luxe est encore hyper vissé sur... À un moment donné, ce n'est même pas la minceur, c'est quasiment l'absence de... Je ne vais pas dire l'absence de corps, mais voilà. On en est presque là parfois. Ou alors le corps très sexy, mais moins en ce moment, je dirais. Et si les annonceurs dans la presse féminine étaient représentatifs de ce que nous on voit comme annonceurs, ne serait-ce que sur Instagram, je pense que par capillarité, tout changerait aussi dans les shootings et que ce serait beaucoup plus aligné. Dieu merci ! On a les réseaux sociaux pour voir des marques qui font des pubs sur des corps qui sont beaucoup plus divers et représentatifs de la rue. Et tant que de toute façon la presse féminine fonctionnera sur ce système-là de financement, c'est-à-dire que le prix du magazine en kiosque et les abonnements ne suffit pas à faire survivre le magazine. et que toi tu veux pouvoir continuer d'écrire dans ce magazine et de proposer des articles où justement tu remets en question, où tu parles de diversité, etc. Le problème, c'est que l'existence de ces textes est conditionnée par des marques qui ne promeuvent pas la diversité. Donc c'est un peu un truc de cheval de Troie, finalement. C'est d'essayer d'amener ce discours-là, et c'est fait de manière très consciente aux ailes. d'essayer d'amener ce discours-là et ces pistes de réflexion-là dans un magazine qui continue d'être visuellement, esthétiquement très marqué par les corps minces. Et c'est parce qu'il est marqué comme ça qu'il se vend et c'est parce qu'il se vend que tu peux parler aux lectrices de diversité. C'est absurde, mais on en est à essayer. de donner cette révolution douce de l'intérieur.

  • Speaker #1

    Et toi, tu y contribues ? Avec notamment ta rubrique Encore Heureux,

  • Speaker #0

    je trouve. Qui est une rubrique en ligne. Parce que c'est vrai que nous, on a un seul format de témoignage dans l'EL. C'est mon histoire, qui est très large et qui est multithématique. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est toi aussi qui gères cette rubrique,

  • Speaker #0

    non ? Il y en a toutes les semaines et en fait, ça tourne. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Régulièrement, il y a ton nom.

  • Speaker #0

    Toute la rédaction, elle tourne là-dessus. Et les formats vraiment spécifiques sur le corps avec autant de place, parce que c'est des interviews très longues. Oui. Le principe de Encore Heureux, c'est une interview très très longue, où vraiment tu laisses une femme raconter la manière dont elle a tissé sa relation avec son corps. C'est incompatible avec la presse papier parce que c'est trop long. Et on veut le faire souvent. Donc, l'astuce, c'est de faire sur le web, en se disant que... Voilà, ces textes-là vont quand même essayer d'être diffusés, de rayonner beaucoup. Et c'est vraiment la force du site web, c'est d'être sur le témoignage vraiment long. Et tu peux regarder les stats de trafic des sites féminins, le format témoignage au long cours, quel que soit le thème, ça peut être les relations familiales, le couple, c'est ce qui marche le plus. D'accord. Donc, les gens s'abonnent pour ça au site. et s'abonner à un site c'est quand même une démarche c'est pas tout le monde qui le fait donc voilà ces textes existent pour qu'ils existent sous cette forme, ils doivent être sur le web et sur le web ça marche donc on mène et c'est quand même identifié à la marque du L donc on mène ces batailles sur deux fronts simultanés donc on va être plus facilement sur le vêtement Et aussi le corps, ce que je trouve très intéressant et qui a été fait notamment tout l'��té au L, c'est de raconter le corps par une mère et sa fille. Le rapport à l'épilation, le rapport au bronzage, etc. Et de voir comment chaque génération vit le truc.

  • Speaker #1

    C'est intéressant.

  • Speaker #0

    Et donc, mine de rien, voilà, avec... Cet effort-là d'essayer de dire, faisant entendre en fait tous les vécus, on trouve des astuces. Et ça va être un sujet global et du coup on va y entrer par chaque personne et citer de manière assez courte. Et sur le web, on va faire l'exercice inverse, formalons.

  • Speaker #1

    Et par rapport à la rubrique Encore Heureux, est-ce que toi tu observes dans les récits des, on en parlait un peu tout à l'heure, mais des thématiques qui reviennent tout le temps ? Ou est-ce qu'à contrario, tu dirais qu'il y a une grande diversité d'expériences ? C'est peut-être un peu dédonnant.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai eu une remarque récemment sur Instagram me disant « Pourquoi toutes ces histoires tragiques, ça s'appelle « Encore heureux » ? » Et je comprends cette remarque, parce que c'est vrai que souvent, les femmes qui font la démarche de témoigner viennent avec un truc douloureux, l'envie de... de se réaligner, de résoudre quelque chose, plutôt qu'avec. Moi, je suis super bien dans mon corps et je vais vous raconter pourquoi. Il y a toujours une histoire de trucs qui sont soit douloureux, soit pas alignés. Et donc, j'ai essayé d'expliquer à cette lectrice qui me disait, encore heureux, ça correspond, tu vois, à la promesse. Et je disais, mais pour moi, il n'y a rien de plus heureux qu'être dans le récit. dans l'appropriation de son parcours, de raconter, de mettre des mots sur le truc. Et ce que je demande à chaque témoin, c'est toujours de finir sur une note positive. Ça, c'est la charte de la rubrique. Tu ne peux pas juste te faire plomber pendant 10 000 signes par quelqu'un qui est dans le schwarz total et qui ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Il y a toujours un truc. Il faut aller jusqu'au bout de l'histoire, du coup. Parfois, c'est en amorce du sujet. Parfois, il faut vraiment aller au bout. Et donc, pour moi... qui suis moi-même dans une démarche de dire, voilà, je ne suis pas dans le corps que je voudrais, mais je suis dans une démarche de m'interroger, de me raconter. Et en cela, je sens que mon corps est heureux parce que je le regarde, je l'interroge et tout. Pour moi, la promesse, elle est là dans le fait de prendre la parole, tout simplement.

  • Speaker #1

    Puis je trouve que c'est des discours où il y a beaucoup d'espoir aussi. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette avis de lectrice, mais après, évidemment, nos avis sont conditionnés aussi par nos histoires. J'ai témoigné dans cette rubrique, donc je le vois avec un regard différent, probablement. Mais moi, le mot qui me vient de cette rubrique, c'est le mot « espoir » .

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vraiment... Ce magnifique jeu de mots, « encore heureux » vient de Julie Dessagne, qui est la boss du digital chez nous. Et c'est vraiment quand elle m'a dit « est-ce que tu veux bien faire ça ? » et pour moi c'était un tel cadeau parce que c'était tellement solaire, ne serait-ce que le titre de la rubrique. Et en même temps, j'ai su tout de suite que tout ce qui était injonction, complexe, allait devenir essentiel à la rubrique. Que ça pouvait pas simplement être l'histoire d'une femme, comme je te le disais tout à l'heure, totalement bien dans sa peau, qui allait nous donner ses secrets pour être bien dans sa peau. Parce que c'est pas de ça dont on a forcément besoin. Il y en a, mais c'est pas la majorité.

  • Speaker #1

    Tu sais que moi je m'interroge beaucoup par rapport à ce podcast. Comment je le positionne. Parce qu'aujourd'hui je donne principalement la parole à des femmes qui ont des choses à raconter sur leur corps, avec des vécus très riches. souvent quand même assez douloureux. On ne va pas se voiler la face. C'était aussi l'objectif de ce podcast. Et de déconstruire aussi tous les schémas sociétaux, etc. Mais je m'interroge beaucoup sur aussi interviewer des femmes très solaires. Ce n'est pas parce que tu as une histoire douloureuse que tu n'es pas solaire. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais ces femmes qui n'ont jamais eu de complexe, qui sont hyper bien dans leur basket, pour qui le corps n'est même pas un sujet. pour aussi avoir une... Je ne sais pas, mettre des mots aussi sur ce que c'est qu'une vie aussi où le corps n'est pas un sujet. Et ouais, je m'interroge pas mal en fait. Alors je l'ai un petit peu fait avec une coach chez Dynamo qui s'appelle Justine Roja dans le dernier épisode. Mais on est parti sur un angle autour du mindset, donc de la détermination, du goût de l'effort, etc. Donc c'était axé corps, mais très lié au mindset, à la confiance en soi, etc. Donc c'était intéressant. Pardon, je referme la parenthèse, mais moi aussi ça m'interroge.

  • Speaker #0

    Je pense que le point commun entre tous ces parcours, c'est qu'il y a à un moment donné un truc atypique. Par exemple, récemment dans Encore Heureux, j'ai raconté l'histoire d'une femme qui a décidé de se raser le crâne. Aucun problème de... tu vois, d'injonction, il n'y avait absolument pas ça dans son témoignage. Mais se raser le crâne, c'est tellement atypique par rapport à ce que tu attends d'une femme.

  • Speaker #1

    Absolument, les cheveux...

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    l'élément central de la féminité.

  • Speaker #0

    Il y avait une histoire, et à chaque fois qu'on est dans un témoignage, puisque tu me demandais qu'est-ce qui revient de manière obsessionnelle, c'est toujours le poids. Et là, je pense que je peux faire un million d'épisodes dessus, il y aura toujours des gens pour aller lire. Et moi, je serais toujours fascinée de... Voilà, aussi parce que je m'identifie forcément, je serais fascinée d'écouter ces histoires-là. Donc, quand tu sors de cette problématique-là, du poids, et que ma foi s'est plutôt alignée, et que tout va bien dans leur vie, il y a toujours, à un moment donné, un truc singulier qu'elles ont envie de raconter par rapport à un choix qu'elles ont fait physique qui n'est pas... Comment dire ? consensuelle. Et donc, je pense que partant de là, si t'interviewes une nana qui est dans le sport à fond, c'est pas le quotidien de Madame Tout-le-Monde. Donc, il y a toujours matière à un petit peu équilibrer les choses pour être à la fois dans le vécu potentiellement des côtés traumatiques et le vécu un peu atypique.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison.

  • Speaker #0

    Puisque finalement, un destin de femme, c'est tellement... On s'en fait une image tellement figée, normée, que c'est très facile d'être atypique, en fait. Dès que tu échappes un tout petit peu aux millions de critères qui pèsent sur nous, hop, tu es originale.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison. Non, tu as raison. Est-ce que cette posture d'écoute, parce que tu as une posture d'écoute aussi, les échanges se font de manière écrite pour le témoignage encore heureux ? Mais tu as quand même une posture d'écoute toi, parce qu'il y a des allers-retours qui se font avec la personne qui est interviewée. Mais est-ce que tu dirais que cette posture d'écoute, elle t'apporte à toi des choses par rapport à tes réflexions, sur ton propre rapport au corps, etc., même si les histoires sont différentes de la tienne ?

  • Speaker #0

    Ça a clairement été un déclencheur pour moi. Je pense que j'en étais peut-être à... Là, j'en suis à quasiment l'épisode 37 ou 38. Je pense que c'est autour de l'épisode 10 où j'ai fait une interview avec une femme qui me racontait les années 90. Et là je me suis dit ok, en fait, il y avait trop de choses qui résonnaient vis-à-vis de moi, et pourtant je sais qu'on en parle souvent de cette époque-là et d'où on vient, etc. Rien de neuf peut-être, mais les mots qu'elle avait posés là-dessus... Sa manière de les décrire, ça m'a fait prendre conscience de beaucoup de choses que je pensais évidentes, que je n'avais pas regardé avec du recul. Donc, à partir du moment où j'ai fait cette interview-là, j'ai commencé à réfléchir à... Pardon, je souris parce qu'il y a ton chien qui est endormi au creux de ton coude et il est tellement, tellement mignon.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le gros dodo là.

  • Speaker #0

    Ah ouais, trop chou. Et donc à partir du moment où j'ai reçu ce témoignage, je me suis dit mais j'ai envie de raconter tout ça moi aussi. Pas la même chose parce qu'on n'a pas eu le même parcours, mais à quel point tout ça est puissant, à quel point tout ça est encore là.

  • Speaker #1

    Et utile aussi je trouve.

  • Speaker #0

    Et utile, exactement. Franchement. Et vraiment je ne remercierai jamais assez. Toutes ces 37 femmes dont tu fais partie qui m'ont fait confiance et qui m'ont raconté de manière aussi fouillée et sincère ce qu'elles ont vécu.

  • Speaker #1

    Et tu sais, pour la petite histoire, c'était l'année dernière, donc moi, c'était l'année dernière. Et pour la petite histoire, c'était à la même époque, c'était juillet-août où je t'ai envoyé mes réponses. C'est drôle quand même qu'un an après, à la même période, du coup, on se voit et on échange. On échange les rôles.

  • Speaker #0

    Nous sommes les compagnies estivales. C'est vrai, tu parlais de posture d'écoute. Moi, c'est vrai que je suis habituée à...

  • Speaker #1

    On n'a pas parlé de ça.

  • Speaker #0

    Voilà, à écouter. J'écoute le vécu des autres. Je raconte le mien de manière très contrôlée. Je dis ce que je veux dire. J'écris ce que je veux écrire. Il n'y a personne qui me relie parce que c'est publié sur une plateforme. Je fais quand même relire à un copain à moi qui est un homme de 59 ans. C'est important aussi de le savoir. Pour moi, si lui, il l'a senti, ce que j'ai voulu transmettre dans le chapitre, c'est que c'est bon.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas s'il écoutera ce podcast, mais je le sais, lui s'appelle Yves. Donc, moi, j'ai vachement de contrôle dans le choix de mes mots. Et du coup, pour moi, l'exercice qu'on fait aujourd'hui, il est vraiment assez inédit parce qu'interagir... chercher justement à penser à voix haute, chercher les bons mots, c'est quelque chose dans quoi je ne suis pas du tout au quotidien, ni en tant que journaliste, ni en tant qu'auteur. Donc merci de renverser la chaise.

  • Speaker #1

    Merci de m'admettre à cet exercice, et qui n'est pas évident en plus, c'est-à-dire de formuler une pensée claire, qui reflète précisément ce qu'on ressent, ce qu'on pense, etc. Ce n'est pas si évident que ça à faire. écoute je voudrais qu'on termine sur cette thématique du corps et du soin comment est-ce que toi tu prends soin de ton corps au quotidien ça peut être aussi en lien avec les saisons parfois

  • Speaker #0

    les femmes ont des pratiques quand on change de saison etc quels sont tes outils vraiment mon obsession c'est de ne pas être fatiguée donc Merci. Donc je vais vraiment trouver toujours le temps d'aller me coucher suffisamment tôt pour avoir mon quota de sommeil. Mais je ne vais pas trouver le temps d'aller faire du sport.

  • Speaker #1

    C'est une question de priorisation.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est-à-dire qu'il y a un truc qui est... C'est certainement cette histoire de corps performant avec laquelle je me bagarre encore un petit peu et de me dire que je ne vais pas prendre de plaisir, que ça ne va pas être source de plaisir alors qu'aller se coucher... C'est un plaisir. Oui, oui, bien sûr. Voilà, c'est immédiat. Donc, il y a ce truc-là. Donc, il y a ce truc par rapport au sommeil qui est le premier soin. Encore une fois, le moins indolore. Tu ne pousses pas dans tes retranchements en allant te coucher.

  • Speaker #1

    Et tu parlais tout à l'heure de troubles du sommeil. Tu es sujette, du coup,

  • Speaker #0

    des insomnies. Oui, oui, oui. Je suis hyper vigilante. Donc, c'est-à-dire que le moindre son me réveille. Je mets beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à me rendormir. Par rapport à mon compagnon qui est un ancien pompier volontaire et qui donc se rendort sur commande. Forcément, tu t'es appris à fonctionner comme ça. Depuis que j'ai 40 ans, je dirais que le maquillage est vraiment devenu central. Parce que je me réveille avec... Finalement, tout gravite autour du sommeil dans le soin chez moi. Je me réveille avec cette tête, c'est Florence Foresti qui, dans ses bonnes années, avait fait un sketch là-dessus sur le fait que tu te réveilles avec la gueule plus fatiguée le matin que la veille au soir en allant te coucher. Donc j'ai franchi ce cap. Du coup, le soin, du maquillage est vraiment un truc dans lequel je trouve plaisir, créativité, expression de moi-même. déploiement.

  • Speaker #1

    Donc tu changes tous les jours de make-up ?

  • Speaker #0

    J'apprends beaucoup par rapport à ma physionomie. En termes de colorimétrie, ce qui vraiment va me donner le plus d'éclats. Je ne veux pas dire que je suis éclatante au quotidien, mais en tout cas, c'est ce que je vise. Ce que je vise, c'est non pas un certain... type de beauté ou une certaine tendance de beauté mais à avoir l'air le plus frais possible donc ça c'est vraiment les deux trucs principaux après l'hydratation du corps à mort, donc intérieur extérieur, ça c'est non négociable je prends le temps après chaque douche de me crémer de la tête aux pieds je bois 2 à 3 litres par jour sans problème, ça y a vachement de... voilà C'est même pas de la rigueur, c'est-à-dire que ça vient naturellement. Et ensuite, sur les soins qui peuvent être plus ponctuels, là, je tombe dans cet écueil de je suis dans le mental, je suis dans ma tête. Si je vais faire un massage, je vais avoir 12 000 idées de papier, de boulot pendant le massage, donc je vais pas en profiter. Donc j'essaie de pas y mettre trop d'argent parce que, voilà, je suis à un stade de ma vie où j'en profite pas réellement. Et j'ai pris l'option bien-être de ma mutuelle pour avoir une petite enveloppe annuelle qui est trop petite à mon goût d'ostéopathie, diététicienne, tous ces trucs-là qui font partie des moments que moi j'aime bien m'accorder. Je trouve ça dingue que ce soit une histoire de bien-être et que ce soit plafonné. Mais bon, toujours est-il que... Je sais que je consacre plus d'argent à financer mes éventuels problèmes de santé via ma mutuelle, parce que je ne suis pas salariée, donc tu le sens vraiment directement plein pot sur tes finances. Après en avoir pris une planchée, je me suis dit que je mets une certaine somme pour me dire que je peux avoir des problèmes de santé, c'est couvert, et je prends soin de moi de cette manière-là, en étant déjà dans le budget. Et de me dire que c'est une bonne manière de dépenser mon argent. Même si quand tu fais le calcul, tu vois que tu ne t'y retrouves pas.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais ça peut paraître débile ou aller de soi, mais je pense que pour les gens qui bossent en indépendant, le choix de la mutuelle et l'entente de la mutuelle, c'est un sujet.

  • Speaker #1

    Et pour le mental, est-ce que tu fais des choses ? La méditation ?

  • Speaker #0

    Mais jamais ! C'est mon idée de l'enfer, la méditation. C'est-à-dire que... Je sais, hein. à quel point c'est pas possible de dire ça que juste je passe à côté d'un immense plaisir et qu'un jour peut-être je changerai d'avis c'est mon idée de l'enfer, de l'enfermement voilà j'ai vécu une adolescence un peu sous cloche, j'avais pas le droit de sortir donc j'ai eu une vie intérieure très riche on va dire ce qui fait que ça bouillonne dans ma tête en permanence Oui. Et me demander de ne plus penser à rien, c'est juste la négation de mon fonctionnement profond, de la manière dont j'ai été élevée, de la place que je pouvais prendre dans l'espace public, la plus réduite possible parce qu'on avait peur pour moi et donc je restais chez moi, je ne me baladais pas dehors. Et je remarque souvent un lien entre, alors je me gourre peut-être, mais les femmes qui font de la méditation. Ce sont souvent des femmes qui vont faire du sport à l'extérieur, qui ont cette pratique-là que moi je n'ai pas. Et donc voilà, pour moi, l'idée de m'enfermer avec mes pensées qui déjà m'empêchent de dormir, alors je sais, si j'y arrivais, je dormirais mieux, etc.

  • Speaker #1

    Bon après on sait pas.

  • Speaker #0

    Voilà. Bon, il paraît.

  • Speaker #1

    Et peut-être des activités créatives, parce que tu vois, en fait, prendre soin de son psychisme, bon, heureusement il n'y a pas que la méditation. Mais ça peut être aussi, je sais pas, des activités créatives, ça peut être de la lecture aussi,

  • Speaker #0

    c'est une forme... Alors, la lecture, ça réinitialise de dingue, j'essaie de vraiment...

Description

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Charlotte Moreau, journaliste au magazine ELLE où elle explore les liens entre pop culture, mode et corps, et autrice du récit autobiographique 76 kilos. Dans ce texte intime, elle raconte avec une grande honnêteté son rapport au poids, à l’image et à l’héritage familial, en questionnant ce que signifie habiter son corps dans une société saturée d’injonctions.


Depuis près de vingt ans, Charlotte donne une voix sensible et éclairante aux vécus corporels des femmes à travers ses articles, ses livres et sa rubrique « En corps heureux » dans ELLE.


Dans cet épisode, nous revenons sur son parcours, de l’enfance marquée par la culture du bronzage, de la minceur et de la coquetterie, à la quarantaine où elle affirme : « il faut que je sois là où j’ai envie d’être avec mon corps ».


Charlotte évoque l’évolution de son rapport aux vêtements, sa relation à la nourriture, les kg liés au couple, le corps fragmenté et les corps dits midsize — ni minces ni gros — souvent invisibilisés.


Elle revient aussi sur l’écriture de 76 kilos, son pouvoir thérapeutique, et partage son regard de journaliste sur les paradoxes contemporains entre injonctions et acceptation, ainsi que sur la force des témoignages recueillis dans « En corps heureux ».


Enfin, nous parlons du soin : ses rituels, la place centrale du sommeil et ses réflexions sur le mouvement et la manière d’habiter son corps à la quarantaine.


Un échange sincère et lumineux, qui interroge nos blessures mais aussi nos possibles réconciliations avec le corps.


L’épisode est disponible sur toutes les plateformes d’écoute (Apple Podcast, Spotify, etc.).


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Charlotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Vivre son corps.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'accueillir sur ce podcast aujourd'hui pour une conversation intime, à la fois donc personnelle mais aussi je pense collective sur le thème du corps, donc celui qu'on habite, qu'on regarde et que l'on juge aussi, parfois trop vite, parfois avec un peu de dureté.

  • Speaker #1

    Ce sont trois verbes qui résonnent beaucoup pour moi.

  • Speaker #0

    Génial, on en parlera alors. Habiter, regarder juger ouais c'est On rentre dans le cœur du sujet dès le début de l'introduction. Donc, depuis plusieurs années, tu explores le sujet du corps. Avec beaucoup de justesse, je trouve, dans ton métier de journaliste, puisque tu es journaliste chez Elle. Mais aussi dans ton récit autobiographique bouleversant, qui s'appelle 76 kilos, dans lequel tu racontes avec pudeur, humour et lucidité. En tout cas, c'est ma perception. Ta propre relation au poids, à l'image de soi et au regard des autres. On s'est rencontré autour d'un projet éditorial que tu as lancé pour le magazine Elle, donc c'est la rubrique Encore Heureux, E-N plus loin C-O-R-P-S, une série de témoignages sensibles où les femmes racontent leur rapport à leur corps et à laquelle j'ai eu la chance de participer, donc on en reparlera. Et j'ai très vite senti chez toi une écoute et une empathie assez rare, je dois dire. Aujourd'hui, dans cet épisode, on va parler ensemble du rapport à ton corps, donc depuis l'enfance, en passant par l'adolescence et jusqu'à aujourd'hui. On va parler évidemment de complexe, mais aussi peut-être d'apaisement. On parlera donc de ton récit « 76 kilos » , j'en ai parlé, des thématiques que tu y abordes, comme par exemple les corps mid-size, ces corps que l'on qualifie de ni minces et de ni gros. On abordera l'importance de prendre la parole pour reprendre possession de son corps. Ça, c'est un sujet, moi, qui me tient particulièrement à cœur. On parlera aussi de cette tension permanente entre acceptation de soi et injonction contemporaine, parfois déguisée sous les évis du bien-être ou de la santé. Et puis le paradoxe de notre époque, où on peut être célébré pour sa liberté corporelle et en même temps attaqué pour avoir perdu du poids. On discutera de l'impact des médias sur tout ça, et ça sera aussi l'occasion de revenir sur ton travail de journaliste, et notamment cette rubrique Encore Heureux que j'évoquais à l'instant. Et comme toujours dans ce podcast, on prendra le temps d'évoquer le soin du corps, du mental, et les rituels qui t'aident à te sentir peut-être un peu plus chez toi, dans ton corps.

  • Speaker #1

    Rendez-vous pour 24 heures d'enregistrement. Voilà.

  • Speaker #0

    Non mais on peut aussi faire en deux temps. Donc tu viens aujourd'hui puis tu reviendras plus tard. Comme ça, il y a aussi une chronologie. Donc pour commencer, Charlotte, est-ce que tu pourrais, si le tablette, te présenter en quelques phrases auprès de ceux qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle donc Charlotte Moreau. J'ai 44 ans. Je suis journaliste et auteur. Et j'écris sur la pop culture. la célébrité en particulier, sur les vêtements et sur le corps. Donc du coup, ces trois thématiques se sont entrelacées au fil des années. Au début, j'étais vraiment ciblée pop culture. Et puis la mode est arrivée un peu plus tard. Et puis une fois que vous attaquez la mode, vous débouchez toujours sur le corps. Il y a une sorte de connexion fatale entre les deux. Donc voilà, c'est trois thématiques qui m'occupent à la fois en tant que journaliste et auteur, les unes nourrissant les autres et inversement.

  • Speaker #0

    Tu avais lancé un podcast, je crois, un podcast qui s'appelait « Mode » , non ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, j'ai fait. En fait, j'ai écrit un livre qui s'appelle « Le dressing code » , « Comment porter enfin l'intégralité de votre garde-robe » . Et du coup, j'en ai fait une sorte de prolongation via un podcast en six épisodes. qui rayonne autour de thématiques centrales dans le livre, de rapports à l'image de soi, à l'acte d'acheter, à la construction d'une garde-robe et d'une identité par le vêtement. J'ai adoré faire ça parce que je trouve que vraiment, pour en avoir beaucoup parlé avec la communauté qui me suit depuis à peu près, quasiment 20 ans maintenant, parce que j'ai commencé par un... Parler des vêtements à travers un blog avant de le faire professionnellement et avant de le faire par le biais des livres. Donc ça fait quasiment 20 ans que je discute avec des femmes de vêtements et donc de leur corps. Et je vois que les questions restent quand même centrales sur l'identité, l'autorisation, l'image, le confort. si ça reste... Heureusement, le Covid a mis un petit coup de pied dans la fourmilière, mais ça reste quand même un de mes premiers articles pour le site du L, parce que d'abord j'ai travaillé pour le site avant d'entrer au magazine papier. C'était que l'inconfort vestimentaire était la norme pour les femmes, que les hommes n'achètent et ne s'habillent pas du tout de la même manière que nous. Et Dieu merci, on est de la génération qui est en train de voir ce truc-là un petit peu se... Voilà, je ne vais pas dire s'effondrer, mais se désagréger un petit peu. Et toute cette idée que le confort n'est par exemple pas compatible avec, je ne dirais même pas l'élégance, mais le style, juste le style, et encore besoin d'être désamorcé, notamment.

  • Speaker #0

    Écoute, je ne peux pas m'empêcher de penser à ma sœur, puisqu'elle a monté une... Une marque qui s'appelle Maison Figura, donc une marque de vêtements d'intérieur, mais aussi d'objets, des coussins, des plaids, etc. Et en fait, elle a lancé cette marque exactement pour ça, après le Covid, parce qu'elle s'est rendue compte que les femmes, quand elles rentraient chez elle, elles se changeaient pour justement trouver du confort. Et en fait, elles se changeaient souvent avec des vêtements que tu n'as peut-être pas trop envie de montrer si quelqu'un vient chez toi. Donc des choses, des vieux joggings, trouées, etc. pas vraiment dans l'élégance. Et donc, l'objectif, c'est que les vêtements qu'elle propose, allient à la fois esthétisme et confort. Parce que, comme tu le disais, la façon dont on se vêtit, c'est aussi une manière de parler de soi. Il y a aussi une forme de respect, je trouve, dans la manière dont on s'habille. C'est important de porter des vêtements qui ne soient pas forcément troués, tachés, etc. Ça peut arriver, mais je veux dire, au quotidien, il y a un vrai lien entre... Entre tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a une vraie réconciliation à faire sur le fait qu'un jogging n'a pas besoin d'être abîmé ou troué. Ça peut être un beau jogging.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Moi, c'est vrai que j'ai le sentiment d'avoir des évidences qui ne sont pas forcément partagées. Je travaille aux ailes, mais surtout j'ai grandi en lisant elles. Il y a toujours eu, dans les séries mode, dans tous ces corps de femmes qui étaient présentés, le mélange entre très bien très féminin, très délicat, très fragile potentiellement, et le sportswear. Là, c'est vraiment l'identité à fond du magazine. Et donc, cette idée que le sportswear est forcément négligé, abîmé, me heurte profondément esthétiquement, parce que je trouve que c'est quelque chose qui est super puissant en termes de style et de contraste de style. Et je pense qu'il y a beaucoup de solutions à trouver par ce biais-là, en fait, de mélanger des pièces comme ça au reste et de trouver quelque chose de très créatif et de très confortable à la fois.

  • Speaker #0

    Complètement. Écoute Charlotte, la première question que je pose à tous mes invités, c'est la suivante. C'est une question qui est assez simple en apparence, mais qui, je trouve, en dit beaucoup. Comment est-ce que tu te sens dans ton corps ici et maintenant alors qu'on s'apprête à démarrer notre conversation ?

  • Speaker #1

    Alors je ne suis plus essoufflée, parce qu'on est au cinquième étage sans ascenseur. Et en fait, et ça va en dire long sur mon rapport à mon corps, j'ai vécu cette montée des marches comme un suspense, c'est-à-dire je me suis dit à quel moment je vais être essoufflée, à quel moment les cuisses vont tirer un petit peu. Je dirais que ça s'est produit entre le troisième et le quatrième étage, ce qui est un peu décevant pour moi. Merde, sitôt ! Et donc je suis arrivée ici, j'étais complètement hors d'haleine quand je suis rentrée et que je t'ai saluée.

  • Speaker #0

    Alors je ne l'ai pas perçue comme ça.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment... Voilà, ça pouvait passer pour de l'émotion, des fusions, mais j'étais vraiment essoufflée. Donc voilà, il y a ces deux trucs en fait. Il y a vraiment la sensation physique du corps où ça y est, je suis redescendue à à peu près quelque chose de confortable physiquement. Et le fait que je suis quand même très installée dans mon corps image. Vraiment, j'ai pensé à la tenue que j'allais mettre pour venir te voir, sans penser que potentiellement il y aurait quelque chose de visuel à faire. Aussi parce que maintenant je me dis, vu le job que j'ai, ça a toujours été un plaisir, si tu veux, de réfléchir à ma tenue et aux messages qu'elle envoie, etc. Mais là, c'est devenu carrément une douce obligation.

  • Speaker #0

    Oui, pour qu'il y ait une forme de cohérence, tu veux dire,

  • Speaker #1

    entre ton discours et l'image. Et par ailleurs, je pense que le corps-image, c'est vraiment quelque chose qui a été très important dans la manière dont je me suis construite, mon identité, ma culture familiale, etc. Et là, je suis à un stade de l'année où il y a quelque chose de très important pour moi dans ma culture familiale, c'est que je suis un peu bronzée. D'accord. Et donc... Donc ça, ça fait partie des grandes mythologies familiales dans ma famille de femmes. Vraiment, on est très majoritairement des femmes. Et il y a toujours cette idée que le bronzage est notre plus beau vêtement, notre plus beau look, la manière la plus indolore de se sublimer par rapport à des familles où tu peux avoir une forte culture, par exemple, de l'effort physique. Tous les enfants font du sport ou un sport. Nous, c'est tous les enfants bronzés. D'accord.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'une famille qui vient du sud de la France ou qui vient d'une région où il y a du soleil ?

  • Speaker #1

    Absolument pas. Et c'est là que, du coup, ça devient une occupation et vraiment un souci. C'est qu'il fallait mettre en place les conditions du bronzage. Il fallait donc faire la crêpe, comme on disait. Moi, je suis née en 1980 et ma mère est une boumeuse, comme on dit. Donc, ça impliquait de faire la crêpe, donc d'y passer du temps, d'avoir la bonne météo. Donc, on est très météo-sensible dans la famille. très... Voilà, revigorée par le soleil, très plombée par la pluie. Tout ça, mine de rien, s'est mis en place au fil des années. Moi, j'ai deux grandes sœurs en plus qui sont beaucoup plus âgées que moi. Donc moi, je suis née en 80 et mes sœurs en 66 et 70. Et donc, voilà, j'avais ces corps de femme face à moi, étendues, bronzées. Moi, j'ai une peau qui prend beaucoup moins le soleil que celle de mes sœurs et de ma mère. Dans la famille, je suis à la fois la moins bronzée, la moins mince. Donc il y avait vraiment ce truc-là du bronzage et de la minceur qui était vraiment la base en fait dans la famille, où on a des assiettes bien pleines, le goût des réunions familiales, des grosses tablées, des buffets, des plats bien présentés, de se resservir, mais comme si ça n'avait aucun impact en fait sur la silhouette. C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a une incompréhension entre prendre du poids... et la quantité qu'on avale. Il y a... En fait, c'est un lien qui n'est pas fait dans ma famille. Tous censés beaucoup manger et tous censés rester minces. Et récemment, il y a une phrase que m'a lancée ma mère, que je citais d'ailleurs dans mon projet 76 kilos, dont tu parlais tout à l'heure. Elle me disait, mais de qui tu tiens ?

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai lue, cette phrase. Ça m'a marquée, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ce genre de phrase, voilà, ce qui... Assez révélateur sur la famille, la manière dont on se construit les unes par rapport aux autres, de qui tu tiens. Ça a vraiment été les deux critères esthétiques les plus forts avec lesquels j'ai grandi. Le corps mince et bronzé, la sensation d'être différente par rapport aux autres femmes de ma famille. Parce que vraiment, si je prends la famille élargie, tout le monde est plus mince que moi. Et le fait qu'aujourd'hui, si ma mère me voyait là, elle apprécierait le reste de bronzage que j'affiche. Et c'est pareil, c'est une saison où on est censé être au top, être le plus accompli de manière corporelle. C'est le mois d'août, normalement on est au top de nous-mêmes à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et à partir de quel âge, tu dirais, t'as senti que ces sujets-là avaient une importance dans ta famille à l'adolescence ? Non. Dès la petite enfance, tu as déjà des souvenirs ? Parce que tu voyais peut-être ta maman s'exposer au soleil ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu un souvenir, j'ai le souvenir assez tardif de m'être dit en fait, il n'y a pas de nécessité à passer tes journées de vacances allongées pour prendre le soleil. Je crois que mon déclic, il a été vraiment... J'avais vraiment 25 ans passé et j'avais passé des... C'était la rentrée... au journal pour lequel je travaillais à l'époque, je travaillais au Parisien, dans lequel j'ai écrit très longtemps. Et je suis rentrée de vacances en ayant vraiment passé plusieurs heures par jour à m'exposer, et un de mes collègues, que j'adore, m'a dit « Ah, mais t'es pas partie ! » Et là, en fait, il y a plein de trucs qui se sont mis en place. C'est-à-dire que j'ai perçu enfin l'absurdité d'y passer autant de temps pour un tel résultat. puisque le résultat, ce n'est pas simplement le regard que je porte sur moi, mais aussi le regard des autres. Et là, je me suis dit, en fait, mon corps ne peut plus, ne veut plus, parce que j'ai le souvenir d'avoir quand même un peu réussi à bronzer quand j'étais petite, où là, pour le coup, je passais du temps dehors, mais pour jouer. pas allongée, inerte. Et donc, ce qui est le meilleur bronzage, finalement, là, il venait assez naturellement. J'ai le souvenir de beaucoup de biafines, de beaucoup de coups de soleil. Et j'ai l'impression que passé un certain âge, ça ne marchait plus. Un peu comme les régimes, au bout d'un moment, en force d'en avoir trop fait, ne marchent plus. Le corps ne bronzait plus. Et donc, tout ça, assez tardif, finalement.

  • Speaker #0

    Et dans ta famille, est-ce que le corps était un sujet au-delà de la dimension bronzage, esthétique, etc. ? Donc tu parlais de minceur, est-ce que tu te souviens de discours autour de la minceur ? Est-ce que le corps existait vraiment en tant que tel ? Est-ce que ta maman par exemple mentionnait la minceur de tes sœurs ? Est-ce que c'était un sujet ou pas ?

  • Speaker #1

    C'est ça l'été, mais en creux, c'est-à-dire qu'il pouvait y avoir des conversations sur l'absence de minceur. D'accord,

  • Speaker #0

    assez tournée dans l'autre sens.

  • Speaker #1

    Tournée dans l'autre sens, assimilée au laissé-aller, de manière assez classique, un manque de raffinement. Oui,

  • Speaker #0

    manque de volonté.

  • Speaker #1

    Voilà. Et à côté de ça, l'absence de coquetterie étant aussi perçue comme anormale. Il n'y avait pas vraiment de discours direct sur qu'est-ce qu'il faut faire puisque c'est normal, c'est évident. Il y avait plutôt des sujets, et là c'est plutôt du côté de ma mère, moins mes sœurs, des sujets sur c'est pas bien de ne pas faire tout ça, voilà ce que ça donne, c'est pas des corps auxquels on a envie de ressembler, il y a quand même un minimum, etc. Donc cette idée d'être... coquette, d'avoir une culture non pas du bien-être au sens healthy, sain, du terme, de l'activité physique, on n'était pas du tout là-dedans mais vraiment esthétique, cosmétique, vestimentaire. Le fait de se maquiller, d'aimer ça, de voir ça comme quelque chose de très positif, quelque chose qui veut dire qu'on va bien aussi. Il y a eu de manière assez nette, vraiment dans mon histoire familiale, des moments où pas de maquillage, ça voulait dire que je vais très mal. Et donc ça, ça a contribué aussi avec est-ce que ça a formé mon goût ou est-ce que c'est venu s'y ajouter ? C'est encore un truc à élucider. Mais je dirais que dans ma famille, on a cette idée que l'ornement, donc cosmétique, vestimentaire, maquillage, etc. est quelque chose de très positif, de très créatif, de... Et qui est une manière de se façonner, en fait, qui est vraiment une histoire d'identité. Pour moi, ça a été logique, tout ça. Et en fait, quand j'y réfléchis aujourd'hui, et que je vois vanter, à droite à gauche, le naturel comme étant la vraie forme de beauté, c'est quelque chose qui me heurte beaucoup. Parce que, déjà, je trouve ça injuste sur le plan, ne serait-ce que génétique. Enfin, voilà. Et puis assez triste, quoi. Ça veut dire que ton identité, c'est ce avec quoi tu nais et puis c'est rien d'autre. Tu ne peux pas te forger de destin, tu ne peux pas exprimer d'individualité. Et j'entends évidemment à quel point la presse féminine, et notamment le titre pour lequel je travaille, peut être vue comme une forme de tyrannie blindée d'injonctions. Et j'entends ça, mais j'ai envie de répondre aussi que l'ornement peut aussi être autre chose qu'une injonction. Ça peut être une manière de se célébrer, de se construire, d'être plus, tout en étant... Moi, je suis très tranquille avec le fait que je ne suis pas une femme puissante. Je suis ok avec le fait d'être médiocre sur tout un tas de sujets, donc je ne suis pas à la recherche d'une version optimisée, mais tout le côté créatif vraiment de l'ornement, d'une manière générale, que ce soit vêtements ou maquillage, me procure une joie profonde. Donc ça, je pense que cette sérénité-là est familiale aussi, donc c'est un truc que moi je trouve très positif, et que ça coince pour moi au moment où je dévie du... de ce qui n'est pas de l'ornement, c'est-à-dire de ce qui est vraiment le corps, l'organisme du corps, le poids, et où là, je vois que je ne fit pas avec les images avec lesquelles j'ai grandi.

  • Speaker #0

    Ou les standards même de société.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu as dit plein de choses hyper intéressantes, je trouve. En fait, c'est une question aussi de juste milieu, tu vois, par rapport à comment est-ce que tu utilises les ornements, les habits, le maquillage, etc. Forcément, si tu es dans un excès au point de ne pas pouvoir sortir de chez toi non maquillée, Parce que c'est trop douloureux, ou parce que... Ça interroge peut-être des choses sur notre société aussi. Sur l'acceptation de la beauté naturelle. Parce qu'aujourd'hui, avec tous les réseaux sociaux, etc., on est au contact de femmes qui ne représentent pas forcément la vraie vie, entre guillemets. Enfin, on est au contact de femmes qui représentent la vraie vie, mais il y a quand même beaucoup de sophistication, etc., sur la partie maquillage, habits, vêtements, etc. qui, du coup, je trouve, biaise un peu notre regard, habite notre regard à des choses qui ne sont pas vraiment réelles, en fait. Donc, moi, je trouve ça intéressant aussi, cette tendance de la clean beauty, dans le sens pas clean, environmental friendly, mais clean beauty plus dans le sens où on revient au minimalisme parce que ça montre aussi une autre facette de la beauté des femmes, une beauté assez naturelle, en fait, tout simplement. Mais je te rejoins.

  • Speaker #1

    c'est extrêmement ambivalent comme beaucoup de choses d'ailleurs en matière de beauté et de critères de beauté féminin parce que moi je considère et je non je constate plutôt que je ne considère que pas mal de nanas qui ne se maquillent pas sont extrêmement minces, blanches privilégiées csp plus ça ça se si je fais le tour de tous les comptes instagram et newsletter mode que je consulte et lis c'est quand même ça ... et que le maquillage dans certaines sphères est vu comme quelque chose d'un peu peuple voilà réservé aux moches et qu'il y a tout ce truc là que moi je sens assez puissamment et qui m'agace parce que voilà la vérité est un petit peu au milieu de tout ça et que j'entends notamment que quand t'as grandi dans une Dans une culture familiale où la mère n'est pas coquette et où elle a une identité puissante, une personnalité extrêmement solaire et affirmée, c'est normal que soit ça ton modèle de féminité.

  • Speaker #0

    Ton référentiel.

  • Speaker #1

    Non mais voilà, c'est logique. C'est clair. Et à côté de ça, je me méfie donc vachement de ce discours que je trouve... facilement un petit peu happy few de dire tout ce qui est clean beauty et naturel c'est pour une certaine catégorie de personnes qui fit déjà pas mal de critères morphologiques notamment socio-économiques

  • Speaker #0

    aussi c'est tout un business il y a tout un marché sur Instagram là-dessus t'as raison, les influenceuses qu'on voit elles sont toutes hyper minces plutôt CSP++ non mais je te rejoins si on parle de ton corps si tu regardes un peu en arrière sur ton parcours comment est-ce que tu décrirais en un mot la relation avec ton corps la relation que tu as construite je vais être je

  • Speaker #1

    vais pas être très originale je vais vraiment dire mentale tout en ayant une forme j'ai vraiment une énergie qui est de type nerveux je suis allée récemment pour la première fois chez une acupointe ponctrice qui m'a confirmé ce dont je me doutais. Elle m'a dit votre énergie, alors après on y croit ou pas, elle m'a dit votre énergie, elle circule entre le cœur et la tête. Le reste du corps, donc tout ce qui est symbolique de la performance, le mouvement, ça ne circule pas bien. Ça se voit même sur mes jambes, j'ai une circulation catastrophique qui fait que j'ai les jambes marbrées. Et donc tout ce qui... Et ça, ça s'est construit aussi par l'inquiétude de ma mère. que j'ai vraiment intégré, je pense, quand j'étais petite fille, dès que tu... Je n'étais pas la petite fille qui grimpe aux arbres, clairement, parce que ma mère était dans... Attention, ne te fais pas mal, ne fais pas ceci, ne cours pas, ne tombe pas. Et donc, je pense que c'est mis en place à ce moment-là quelque chose de l'ordre du... Mon corps ne va pas être performant. Je ne peux pas lui faire confiance pour réaliser un truc. Je suis maladroite. je suis mal coordonnée. Et c'est terrible, je sens que je reproduis auprès de mes filles. Donc il y en a une qui est plutôt... qui a réussi à ne pas trop se laisser imprégner là-dessus, il y en a une autre qui fait tout tomber, littéralement tout lui tombe des mains. Et je me dis, putain, j'ai mis quand même suffisamment de temps à identifier ce truc-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est dur à identifier.

  • Speaker #1

    Non mais voilà.

  • Speaker #0

    De d'où ça vient.

  • Speaker #1

    Exactement. De pas se faire confiance physiquement. Alors il y avait aussi, sur le plan de la santé, des trucs qui... qui m'ont aussi renforcée dans ce sentiment que de toute façon, mon corps n'est pas capable de faire des efforts ou d'être efficace. Quand j'entends des gens parler de leur corps outil, c'est toujours sidérant pour moi tellement je suis loin de ça. J'ai un petit peu d'asthme après l'effort, j'ai un petit problème cardiaque qui fait que je suis vite bridée dans ce que je veux faire, techniquement bridée. Mais sur l'agilité ou les trucs qui ne sont pas cardio... Il y a aussi cette idée que je ne suis pas agile. Et donc ça, c'était vraiment... ça, je pense que c'est vraiment un truc qui vient de l'enfance et qui m'a accompagnée et qui encore aujourd'hui fait que l'énergie est très concentrée, comme je le disais, dans le haut du corps. dans le regard, là pour me regarder et pour me voir comme un être en deux dimensions, m'habiller, là c'est bon, ça marche bien. Pour bouger, ça marche moins bien. Et j'ai été étrangement touchée quand l'acupunctrice a regardé comment l'énergie concrètement circule dans le corps, donc l'énergie qui est plus structurelle, c'est-à-dire est-ce que vos organes sont en bonne santé, et l'énergie du jour, c'est-à-dire est-ce que vous êtes... marcher sur les nerfs ou pas. Et donc, elle m'a dit que les deux étaient forts chez moi. Donc, j'ai à la fois ce côté un peu nerveux, un peu speed, qui était très puissant qu'elle a fort senti, mais elle a dit en fait, votre corps dessous, il va bien, mais ça a tendance, l'énergie est un peu nerveuse, ça a tendance à masquer le reste, et du coup, je pense que je suis coupée de potentiellement un corps qui pourrait performer plus que ce que je lui demande, parce que je lui fais pas forcément confiance. Et j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir me regarder et envisager mon corps de manière mentale. Et j'ai bien conscience que si j'avais des problèmes de santé, j'en serais pas là du tout. J'aurais pas ce luxe de me dire quelle image j'ai envie de construire, quelle image je donne. Est-ce que je peux me rapprocher de mes critères de beauté ? Si j'ai le temps de penser à tout ça, c'est aussi parce que mon corps il fait bien son job. il me porte là où j'ai envie d'aller alors certes je le challenge pas trop c'est sûr, j'aurais préféré arriver au cinquième étage sans être essoufflée, ça ne fut pas le cas mais tu vois il y a vraiment ce truc là de me dire je suis à un stade de ma vie où mon corps marche suffisamment bien pour que je sois dans le mental tu vois, il y a ce truc très ambivalent de à un moment donné si ton corps vraiment soit à des problèmes soit tu envoies des messages tu es fatalement moins dans le mental mais oui tu es dans le corps tu es dans le ressenti de la douleur ou de peu importe ce que tu sais mais oui tu es dans le ressenti et la douleur ça je sais l'éviter la supprimer il n'y a pas de problème je ne suis pas anti médicaments je prends des anti-inflammatoires ou je vais chez l'ostéo dès qu'il y a un truc installé donc la douleur je la supprime je l'évite voilà péridurale pour mes accouchements. Je n'ai aucun...

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas un sujet pour toi. Oui.

  • Speaker #1

    Et j'ai une peur panique du dentiste. Enfin, je n'aime pas les efforts, vraiment. L'idée de dépassement de soi, mais totalement étrangère. J'aime bien me dépasser sur plein de plans, mais pas sur le physique. Voilà. Avec encore cette peur de me dire de toute façon, je ne vais pas y arriver.

  • Speaker #0

    Et comment tu t'es sentie quand elle t'a dit ça, la cuponctrice ? Tu as senti un soulagement ?

  • Speaker #1

    Oui, vraiment. vraiment parce qu'elle m'a à la fois confortée dans un truc que je sentais très fort, parce que je suis aussi allée la voir pour ça en lui disant « Je me sens quand même comme quelqu'un d'énergie, et pourtant j'ai cette peur panique d'être fatiguée, et j'ai cette peur panique de l'effort. À un moment donné, qu'est-ce qui fait que dans mon corps, il y a ce carburant et que ça ne circule pas là où il faudrait ? » Et donc elle a identifié cette forme de dissociation entre « Le potentiel est là, mais en fait, vous n'en servez pas. » Et après, voilà, il faut que j'y crois, en fait. Bien sûr. Il faut que je fasse confiance à mon corps et j'ai souvenir des vacances qui...

  • Speaker #0

    Il y a quelques années, d'avoir fait une randonnée, pas un truc de ouf, vraiment un truc simple, mais où je pensais que j'allais être dans le mal en permanence, et en fait ça allait nickel.

  • Speaker #1

    Parfois on projette par anticipation des choses qui vont être horribles, et en fait c'est ok.

  • Speaker #0

    Ça, ça reste un truc qu'il faut que je déconstruise vraiment. Il faut que je trouve le sport qui me fait plaisir. Je ne l'ai toujours pas trouvé.

  • Speaker #1

    T'es en recherche ? Non.

  • Speaker #0

    Il faudrait. Il faudrait parce que là, j'arrive à un stade où j'arrive sur la périménopause, donc j'ai 44 ans. Là, il faut. Tu peux te permettre d'être un peu molle pendant la trentaine parce que tu as tellement d'autres sujets à déminer. La maternité, la carrière, le couple. Essayer de préserver un tout petit peu de vie sociale et tes amitiés. Là, ma trentaine, c'était vraiment tout ça.

  • Speaker #1

    Oui, tu es dans une phase de construction en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Là, la quarantaine, je me dis, la quarantaine, c'est le corps. Là, vraiment, il faut que tu sois là où tu as envie d'être. Il faut que tu sois raccord avec la mère que tu as envie d'être. Et la mère que j'ai envie d'être, c'est à la fois mes, comment dire, mes icônes, mes standards de beauté, mais aussi une mère dont on ne se dit pas forcément « Ah tiens, elle a pris cher après ses deux grossesses quand on me voit. »

  • Speaker #1

    Tu vois ce que je veux dire ? Non, mais c'est bien que tu le dises.

  • Speaker #0

    Non, mais voilà, de ne pas être définie non plus par ça. Ouais, j'ai traversé ça. et franchement physiquement ça m'a changé là j'ai envie non pas de revenir au corps d'avant puisque évidemment on s'est dit que ce n'est pas possible mais de ne plus être définie par ça que ce soit plus le premier truc auquel je pense quand je me vois c'est de me dire les grossesses t'as pris cher peut-être que cette consultation là va être alors moi j'aime pas trop l'idée d'éléments déclencheurs de

  • Speaker #1

    prise de conscience comme ça je pense que c'est un cheminement Oui. et une accumulation c'est par étape etc mais est-ce que tu penses que potentiellement cette consultation peut être un peu l'élément qui va justement te donner l'élan pour rechercher ce sport je pense qu'il faudrait que j'y retourne ça

  • Speaker #0

    m'a fait une sorte de bien immédiat déjà en rentrant j'ai super bien dormi j'ai des problèmes de sommeil chroniques ça c'est un signal fort voilà là clairement d'ailleurs Alors... On en reparlera peut-être du coup à la fin de l'épisode, mais vraiment le soin du sommeil, c'est le soin principal auquel j'accorde beaucoup d'espace mental et de priorité. J'écourte mes soirées pour ça. Vraiment, je rigole pas du tout avec ça parce que j'ai un très mauvais sommeil. Donc j'ai compris que ça entretenait mon anxiété par rapport à mes performances physiques et mentales. Parce que je me suis persuadée que j'étais pas capable d'écrire un bon texte si j'avais pas... Un minimum de sommeil. Là, c'est vraiment mon truc numéro un, c'est dormir. Et je pense que là, il est temps quand même que le truc numéro deux, ce soit vraiment le mouvement. J'ai des conversations sans fin avec des copines qui s'éclatent à faire du sport, à être dans le mouvement. Et putain, j'aimerais... Oui, tu vois,

  • Speaker #1

    j'aimerais aussi d'avoir ce goût-là, peut-être.

  • Speaker #0

    Je ne détesterais pas être cette connasse qui partage ses séances de sport sur les réseaux sociaux, son nombre de kilomètres. Et je me dis, putain, j'aimerais bien rejoindre cette tribu de filles très, très énervantes qui sont là, qui vont à la salle de sport, qui partagent toutes ces stories que moi, je zappe. J'en ai rien à foutre. Oui,

  • Speaker #1

    on s'en fiche.

  • Speaker #0

    Arrête, franchement.

  • Speaker #1

    Tu vois ?

  • Speaker #0

    Putain. C'est parce que si seulement j'étais à leur place, je ferais exactement la même chose, mais évidemment.

  • Speaker #1

    Après, je te rassure, ce n'est pas pour me jeter des fleurs, mais je fais du sport tous les jours. Je ne publie jamais sur Instagram que je fais du sport tous les jours. Je veux dire, c'est un sujet entre toi et toi-même. Tu ne fais pas du sport pour montrer aux autres que tu as fait du sport. Mais tu vois, je pense qu'il y a un culte aussi de dire j'ai fait du sport, j'ai besoin de le partager avec les autres. Parce que c'est une forme de fierté aussi, parce que c'est très socialement bien vu de faire du sport. d'être en forme physiquement, etc. Mais je ne jette pas l'absar, parce que moi je fais parfois des choses sur Instagram pour me gonfler un peu l'ego. Alors c'est pas le sport, c'est peut-être autre chose, enfin c'est probablement autre chose. Je ne jette pas l'absar, mais c'est assez amusant je trouve.

  • Speaker #0

    Ah mais ça tout dépend d'où tu pars en fait. Quels sont tes bagages, tes souffrances vis-à-vis de ça. Je pense que c'est jamais anodin et que quand tu le fais, le partage, c'est qu'il y a toujours quelque chose à soigner, à résoudre. et que clairement en plus il y a certains sports qu'on fait vraiment pour dire qu'on les fait c'est à dire que notre auditoire, audience, notre public fait partie intégrante du plaisir qu'on a à pouvoir faire ce sport je pense que c'est très très fort avec le running notamment oui il y a un aspect aussi communautaire qui est hyper fort,

  • Speaker #1

    sur Strava tu peux partager tes courses etc donc il y a une dimension communautaire t'as raison qui entretient cette

  • Speaker #0

    Et ça entretient aussi la motivation et je sais que c'est important de ne pas avoir la discipline que tu as, c'est-à-dire faire du sport tous les jours. pas forcément avec des gens et sans que personne le sache, mais ça pour moi, c'est le niveau ceinture noire du bien-être. Enfin, tu vois, là vraiment, on arrive à un degré d'alignement et juste de soin de soi qui, pour moi, est absolument magique et très, très désirable.

  • Speaker #1

    Bon, après, on pourra reparler aussi de ce que ça peut cacher derrière, l'hyperactivité, etc.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Mais non,

  • Speaker #0

    non, je suis assez...

  • Speaker #1

    Merci. et si on revient sur ton parcours avec ton corps, est-ce qu'il y a eu des moments un peu structurants dans la construction de cette relation ça peut être une grossesse ça peut être un accident de vie ça peut être tout ce que je dirais que après

  • Speaker #0

    ma deuxième grossesse j'en avais fait un papier sur le site j'avais fait un papier qui s'appelait en prenant du poids j'ai trouvé mon style Donc j'en reviens du coup encore aux vêtements. Mais ça a marqué, donc là c'est 2018, donc on est en 2025, ça a marqué pour moi 7 ans de tentatives d'auto-persuasion que n'étant plus dans la catégorie du 38-40, il ne fallait plus que je me jette sur les vêtements qui me font paraître la plus mince possible et que j'allais vraiment me demander voilà c'est quoi. Vraiment mon style, à part essayer de paraître mince. Ça, ça a été un truc vraiment très fort pour moi, de me dire, j'ai jamais pris autant de plaisir à m'habiller que depuis que je ne me rabats plus sur... J'achète la taille dans laquelle je rentre.

  • Speaker #1

    La taille limite, quoi, un peu.

  • Speaker #0

    Voilà. Tu vois ? Ça, ça a été super fort. Ça a eu cet inconvénient que ça m'a entretenue dans l'idée que... Maintenant, peu importe le poids, tant qu'il était sous un certain seuil, ça allait, voilà. Le problème, c'est que le seuil qui allait, je l'ai dépassé. Mais que tout de même, je me suis sentie vraiment plus forte et plus créative et plus dans l'expression de moi-même à partir du moment où mon poids m'a contrainte à trouver la manière dont je voulais m'orner. On revient à cette idée d'ornement. Donc ça, ça a été un truc assez fort pour moi. Et le moment aussi où j'ai compris que j'ai jamais été aussi bien dans mon corps que quand j'étais pas en couple. D'accord. C'est intéressant. Les kilos du couple, c'est absolument déterminant pour moi. Célibataire, donc potentiellement en recherche de quelqu'un. Et c'est là que, non seulement... Enfin, comment dire ? C'est même pas simplement l'envie de correspondre à une certaine image pour pouvoir séduire ou être choisie, etc. C'est simplement que le côté bon coup de fourchette disparaît, en fait, dès que je suis plus en couple. Donc là, ça m'est pas arrivé depuis un moment, parce que je suis quasiment 18 ans avec le père de mes filles. Mais vraiment, si je retrace, et je l'ai fait pour 76 kilos, si je retrace les moments où je me suis sentie la plus alignée, affûtée avec mes critères esthétiques, c'était à chaque fois des moments où j'étais célibataire. À chaque fois.

  • Speaker #1

    Et comment tu l'expliques, ça ? C'est la dimension émotionnelle ou c'est le temps que tu as de disponible pour toi ?

  • Speaker #0

    C'est à la fois le temps, à la fois, si je suis totalement précise, avec toujours un mec en ligne de mire avec qui les choses ne se concrétisent pas encore, donc tu vois une sorte de oui un entre deux quoi, voilà une sorte de chassé croisé amoureux de se préparer comme on va au combat et vraiment et là le besoin de me remplir disparaît totalement, parce que mon truc avec la nourriture c'est quand même beaucoup ça, c'est les proportions je mange pas de manière rôle. totalement, enfin j'ai pas d'appétence particulière pour le sucre par exemple, j'ai pas de problème avec la junk food, j'ai vraiment des problèmes de quantité et de se remplir.

  • Speaker #1

    De satiété ?

  • Speaker #0

    Et de absolument pas écouter ça, vraiment pas, encore une fois il y avait dans ma famille cette, oh là là j'ai trop mangé, tu vois après les réunions de famille qui étant le signal d'un repas réussi.

  • Speaker #1

    Mais tu avais cette injonction à « il faut finir son assiette » .

  • Speaker #0

    Alors, mes parents n'étaient pas tout à fait alignés là-dessus. Je me souviens que mon père me disait « t'as pas besoin de finir » . Et ça, je pense que c'est tellement important. Mais c'est tellement dur à désamorcer quand de l'autre côté, et notamment là dans la famille que moi j'ai créée, mon compagnon vient de « on gâche pas » . Donc, on gâche pas, donc on finit l'assiette. ce qui pose du coup la question des quantités qu'on y met au départ, de la taille de l'assiette aussi, ça a l'air débile, mais ces méga grandes assiettes, du coup, psychologiquement et optiquement, ça joue. Donc oui, il y a eu... Il y avait une sorte de discours un peu dissonant entre ma mère et mon père là-dessus. Et je pense que mon père était assez moderne tout en étant né en 1937. Donc quand même bravo à lui. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    Surtout à cette période-là.

  • Speaker #0

    Voilà, il était assez moderne. Mais je pense que c'était aussi lié à ça et du fait qu'il a souffert de pas mal de privations quand il était petit. Et qu'on lui disait beaucoup de finir au-delà de sa fin parce que justement on n'est jamais sûr du lendemain. Et je pense que ça, c'est resté un truc auquel moi, je n'ai pas été assez sensible, je pense. Et il avait raison. Et là, du coup, j'essaie de me dire, bon, il faut que je réussisse à être là-dedans avec mes enfants, tout en étant assez maligne sur l'histoire du gâchis et donc de vachement travailler cette question-là. Oui,

  • Speaker #1

    c'est un vrai sujet. Je voudrais qu'on parle de zones peut-être plus sensibles du corps, de zones un peu plus complexes. Il y a des parties du corps qu'on habite peut-être plus difficilement que d'autres. souvent c'est lire le regard des autres ou alors à ce qu'on a pu nous dire dans le passé ou alors fait croire et en fait ce sujet je trouve ça rejoint vachement l'idée du corps fragmenté donc il y a pas mal d'auteurs qui ont étudié ça en sociologie du corps le corps fragmenté c'est l'idée qu'il y a des zones du corps qui sont c'est l'idée que le corps il est pas perçu comme un tout il est pas perçu comme une globalité vivante mais il est plutôt perçu comme hiérarchisé en fonction des zones. Il y a une hiérarchie en fonction des zones. Il est évalué zone par zone. Il y a des parties de notre corps qui sont socialement facilement valorisées. Et puis, il y a des parties qui sont socialement plus facilement sujets à la honte ou au dégoût ou au jugement. Je pense pour les femmes notamment au ventre, aux cuisses et aux fesses, par exemple. Et en fait, à force d'intérioriser cet espèce de découpage par zone, on se crée nous-mêmes aussi un discours intérieur sur le fait qu'on aime plus ou moins certaines parties de notre corps et on ne voit plus notre corps comme une entité globale qui vit. Est-ce qu'il y a des parties de ton corps que tu as mis plus de temps à apprivoiser et pourquoi ? Est-ce que ce que je viens de dire, ça fait écho ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, ce que tu viens de dire fait écho et je voudrais rebondir là-dessus. c'est que je trouve qu'on a énormément de diversité de beauté possible en termes de visage ou de cheveux. En revanche, si tu prends des zones qui sont assez exposées comme les bras, je pense qu'on a toute une idée de ce à quoi un bras parfait peut ressembler.

  • Speaker #1

    Pareil pour la taille.

  • Speaker #0

    Voilà. Les jambes, il y a quand même de la diversité, je dirais, entre un modèle très athlétique et des jambes très très fines. Alors chacun peut avoir ses goûts. Mais les bras et le ventre, il y a clairement un seul canevas, un seul modèle qui fonctionne. Et je me souviens de ma stupeur quand en colonie de vacances, j'avais 14 ans, j'ai découvert que tout le monde n'avait pas le même ventre que moi. Qu'il y avait des filles que je pouvais trouver gauler bizarrement et qui avaient le ventre plat. Et donc j'ai découvert ça dans les douches collectives. colonie de vacances. Et là, je me suis dit, mais en fait, moi, j'ai toujours eu, j'ai toujours été assez dodu quand j'étais petite. Et ensuite, j'ai toujours eu des capitons sur le ventre, tout le temps, quel que soit mon poids. Et découvrir un ventre lisse et ferme chez des nanas qui, par exemple, avaient beaucoup de culottes de cheval ou avaient des seins asymétriques. Je te parle vraiment de ce que j'ai vu sous la douche. Mais ce ventre plat. Et là, je me suis dit, putain, mais... C'est injuste. Vraiment, j'avais le sentiment de me dire pourquoi est-ce que moi, tu vois, je n'ai pas de culotte de cheval vraiment marquée. J'ai la poitrine qui est plutôt symétrique. J'ai le gabarit qui, globalement, est assez symétrique et proportionné. Et je le gâche, en fait, en étant en surpoids par rapport à ce que moi, j'estime être la personne à laquelle je pourrais ressembler. Et ce ventre, ça n'a pas avec le reste, quoi. Et là, vraiment, j'ai beau voir sur certaines photos, on voit des nanas, enfin, sur certaines photos sur Instagram, pardon, on voit des nanas qui ont carrément un ventre creux où je sais que ce que je vois me déplaît esthétiquement, mais ça restera toujours plus joli qu'une nana qui a un petit ventre. Sans même parler de la texture. La texture du ventre, la peau lisse et tout. La texture de la peau, c'est aussi un truc... Pareil que j'ai mis du temps à identifier sur le fait que je pouvais vraiment fantasmer, je regarde beaucoup les filles dans la rue, depuis toujours, et je pouvais totalement fantasmer sur le grain de peau d'une fille. Tu vois, vraiment lisse, mat, là on en revient au bronzage, etc. Je me souviens de fascinations pour des filles qui, par exemple, blondes à peau mat, tu vois, sans être non plus forcément... Ou châtains à peau mat, sans être une dingue des cheveux blondes d'une manière générale, mais je trouve qu'il y a un truc charmant qui se dégage de ce type de... Parce que c'est contrasté, tu t'attends à ce qu'une fille blonde ait la peau très claire, etc. Et donc, moi, je ne suis pas là-dedans avec mes cheveux très foncés et ma peau très claire. Donc forcément, tu vas vers un truc qui est assez loin de toi. Mais dans cette idée du corps fragmenté, il y avait la manière dont je considère la peau, la manière dont je considère le ventre, la manière dont je considère les bras, etc.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça t'a empêchée de faire des choses ?

  • Speaker #0

    Alors, je... Vraiment mon malaise par rapport à mon poids a vraiment commencé quand la structure du visage a changé chez moi et les bras. C'est-à-dire que pour moi, tant que je ne prenais pas des épaules de largeur de dos et de bras, ça allait. Au moment où ça commençait à se voir, où moi je le voyais, là je me suis dit non, ça va plus. Parce que ça pour moi c'est un marqueur de, je mets des guillemets, minceur, de garder des bras fins. Hier, j'ai vu une...

  • Speaker #1

    Tout étant relatif dans le fin, par ailleurs.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Hier, j'ai vu une vidéo d'une Instagrammeuse expliquant les 10 trucs que je trouve classe chez quelqu'un. Et elle citait les bras. Les bras fins et musclés, c'est hyper élégant. Et voilà, moi, je suis encore là-dedans, clairement. Je me souviens de m'être dit, en regardant Friends, puisque pour moi, les bras parfaits, c'est ceux de Jennifer Aniston.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et je comparais avec ceux de Courtney Cox, et je lui disais, c'est bizarre, Courtney Cox est vraiment une femme mince, et en fait, par rapport à Jennifer Aniston, elle a des bras qui sont beaucoup moins ciselés, et je me disais, c'est dommage ces bras. Enfin, tu vois à quel point on est... Ça impacte, quoi. Voilà, il y a des zones sur lesquelles, comme ça, ça peut paraître secondaire par rapport au ventre, parce qu'on peut le planquer. Les bras, à un moment donné, ça devient difficile, mais c'est quelque chose qui est récurrent dans toutes les interviews que je fais pour Encore Heureux, c'est de cacher les bras.

  • Speaker #1

    Oui, je voudrais qu'on en reparle tout à l'heure, des sujets qui reviennent un peu de façon régulière. Et donc, toi, par exemple, ça peut t'arriver de pas montrer tes bras dans certaines situations, de faire en sorte de mettre des manches longues alors que...

  • Speaker #0

    Alors, ça me...

  • Speaker #1

    Est-ce que ça te contraint, en fait ?

  • Speaker #0

    Ça me contraint pas au quotidien, ça me contraint quand je vais voir ma mère. parce que j'ai souvenir c'était l'année dernière la première fois que j'ai porté un débardeur de l'année il y a eu un jour de très grand beau temps au mois d'avril le truc qui n'arrive jamais, il faisait 25°C je me suis mise en débardeur j'étais pas bronzée, en débardeur et je sortais de l'hiver les kilos de l'hiver et donc j'ai eu droit à une remarque Sur ma carrure, elle a ce geste qu'elle a souvent pour commenter les carrures déplaisantes. Elle a ce geste de mettre ses mains devant les épaules et de gonfler les joues et de gonfler la cachetauracie comme ça. Je ne sais pas si on peut visualiser le truc. Et donc ça, c'était le commentaire sur mes bras. Si je lui en parlais demain, elle n'aurait aucun souvenir de ça. C'est fait de manière totalement fluide et inconsciente et ne pensant jamais à mal. Elle pense être au contraire attentive, bienveillante, prévenante, etc.

  • Speaker #1

    Mais heureusement que tu as tout déconstruit de ton côté et que tu as cette forme de lucidité.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, je ne sais pas si je déconstruis assez, mais en tout cas, je suis lucide. Voilà, il peut m'arriver ça. Et ça, ça va me faire chier.

  • Speaker #1

    Et justement, c'est intéressant cet exemple précis. Quel impact ça a sur toi ?

  • Speaker #0

    Alors, l'impact, ça va être que je ne vais pas changer ma façon de m'habiller, mais que je vais être dans l'expectative et une sorte de tension sourde de la remarque va tomber. Tu l'attends en fait. Voilà. Elle va tomber une fois parce que c'est la sortie de l'hiver, etc. Et on est toujours un petit peu fragile quand on sort de l'hiver et qu'on va vers le corps du printemps, le corps de l'été, on va dire le corps des beaux jours,

  • Speaker #1

    par exemple,

  • Speaker #0

    le corps de l'hiver. Et donc, ouais, il y a ce suspense de se dire, est-ce que je vais y avoir droit ? Et puis après, elle va s'y faire. Comme on habite à côté, on se voit quand même régulièrement. Elle va s'y faire et elle ne va plus faire forcément la remarque. Mais il y aura ce cap à franchir, ce cap annuel. Tu vois, il y a des filles pour qui c'est l'épreuve du maillot dans la cabine d'essayage ou la première plage. Moi, ça va être les bras devant ma mère. C'est ce truc annuel-là. Et c'est ce qui va me... Donner le signal de mon été. Est-ce que j'ai fait ce qu'il fallait pour correspondre à ce que je veux être pendant l'hiver ? Ou est-ce que je pars sur une très mauvaise... Le summer body, je sais que c'est une expression détestable. Et qu'on en fait des chansons. J'adore cette chanson. Et on le remet en question et on en rigole. Pour moi, ça reste tout à fait un guide. de me dire voilà mon summer body je le travaille, pas forcément en termes de poids puisque je suis assez inefficace de ce point de vue là, mais en termes de conscience que c'est pas le même corps que le corps de l'hiver,

  • Speaker #1

    clairement donc tout ce que tu partages dans la relation à ton corps, tu en as fait un objet d'écriture, ça s'appelle 76 kilos donc c'est un récit autobiographique qui est très fort moi j'ai été vraiment marquée par l'honnêteté Merci. de tes propos. Merci. C'est vrai parce que parfois, en fait, tu écris sur un sujet, mais tu ne dis pas tout. Il y a des choses que tu te réserves pour toi parce qu'on n'ose pas ou peu importe la raison d'ailleurs. Mais toi, en tout cas, j'ai ressenti une honnêteté très forte. Tu parles de la complexité évidemment du rapport à ton corps. Il y a une grande intelligence aussi, je trouve, dans le regard que tu portes sur ce corps. Parce que... On sent que tu as fait tout un travail aussi sur ce corps. Il y avait beaucoup de prise de recul. Donc tu parles de plein de sujets dans ce récit. La première question que je voulais te poser, c'est pourquoi avoir choisi ce titre de 76 kilos ? En fait, c'est assez fort d'afficher ce poids. Généralement, le poids, c'est quelque chose qu'on garde pour soi. D'ailleurs, moi, je me suis fait la réflexion. Je me suis demandé, est-ce que j'avais déjà dit mon poids, par exemple, à mes amis ou à des gens autres que ma famille ? Parce que dans ma famille... ça peut arriver qu'on en parle. On n'en parle pas trop, mais quand même, ça peut arriver. Mais à mes amis, jamais. Je n'ai jamais dit mon poids à mes amis. Je trouve ça assez courageux d'afficher ce poids en titre de récit. Est-ce que c'était une manière de reprendre possession de ce poids ? Est-ce que c'était une manière peut-être thérapeutique aussi d'aborder les choses ?

  • Speaker #0

    Alors Thérapeutique, clairement, je l'espérais au début. Là, je me suis rendue compte, après 11 chapitres sur 12 prévus que...

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est un livre qui dure un an, en fait. Il y a un chapitre par mois.

  • Speaker #0

    J'ai décidé d'écrire une fois par mois pendant un an là-dessus.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux juste dire aux auditeurs où est-ce qu'on peut le retrouver ?

  • Speaker #0

    Alors, on peut le retrouver sur la plateforme Kessel, K-E-S-E-L, qui est une plateforme de newsletters sur laquelle vous pouvez trouver des... Des projets comme le mien, qui sont donc des livres, mais publiés sous format newsletter. Et donc, ce que je trouvais fort dans le fait d'appeler ça 76 kilos, c'est qu'en fait, tellement de choses étaient déjà sous-entendues dans le choix de ce titre, qui pour moi n'est pas un poids de femme, et c'est par là que j'ai commencé, parce que...

  • Speaker #1

    C'était le poids de ton père, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'était le poids de mon père. c'est le poids de beaucoup d'hommes que je connais. Et dans ma famille, on avait cette... Donc finalement, je reviens encore énormément sur ce qui m'a été transmis familialement. Il y avait deux dizaines qui fonctionnaient pour les femmes. C'était la dizaine des 50 et la dizaine des 60. Par rapport à notre taille, voilà.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu avais aussi ce rapport poids-taille où il fallait qu'il y ait minimum 20 ? Oui, bien sûr. Parce que moi, j'ai été vachement... Bien sûr,

  • Speaker #0

    évidemment.

  • Speaker #1

    Il fallait minimum 10. L'idéal, c'était plus on se rapprochait de 20, mieux c'était.

  • Speaker #0

    La même jauge. La même jauge, donc je fais 1m74, donc 54 c'est bien, jusqu'à 64 et après c'est n'importe quoi. Et alors je vais faire hurler certainement pas mal de gens qui m'écoutent, mais il s'avère qu'après des calculs scientifiques précis de taux de masse musculaire et de taux de masse graisseuse, De fait, c'est vraiment... 64, qui est pour moi le haut de la fourchette saine par rapport à mon style de vie, au fait que je ne fais pas de sport, que au-delà de 64, en gardant le même style de vie, c'est que j'ai trop de graisse dans mon corps. Et donc ça, c'est scientifique, attesté. Je sais que c'est terrible de le dire et terrible à entendre.

  • Speaker #1

    Donc tu donnes un peu raison à la règle des 10.

  • Speaker #0

    Voilà. Il se trouve que par rapport à la vie que j'ai, la règle des 10, elle est OK. Elle est valable. Donc j'ai grandi quand même avec la règle des 20, 20 de différence par rapport à la taille. Et 20 qui sont devenus 10, bon, peut-être parce qu'avec le temps, on se relâche. Mais du coup, passer dans la dizaine avec les 7, là, vraiment, c'était problématique. C'était une dizaine problématique, tout comme la dizaine qui commence par 4 est problématique dans ma famille aussi. Parce qu'il y a des troubles du comportement alimentaire dans ma famille, dans plusieurs branches de ma famille, et que vraiment, symboliquement, on sait que quand ça passe sous les 50 kilos, vu la taille qu'on fait, c'est pas normal. Donc il y a ces deux bornes de chaque côté, la dizaine des 40, la dizaine des 70, les deux problématiques. Donc du coup, dire ça et dire que c'était mon poids, moi, qui ai toujours cherché, parce que je suis présente sur les réseaux depuis quasiment 20 ans, et que je me prends en photo depuis quasiment 20 ans avec toujours un bien vestimentaire, mais que sur ces silhouettes, j'essaie d'être dans mon meilleur profil, d'éviter le profil d'ailleurs. Le fameux ventre.

  • Speaker #1

    Tu te prends de face.

  • Speaker #0

    Je me prends de face, en inclinant le visage d'une certaine manière. J'en suis pas au point Victoria Beckham du Bon Profil, parce que pour qui la suit, il y a une manière d'incliner la tête et le visage tout à fait millimétrée. J'en suis pas à l'art, mais je l'ai. Et elle est tellement belle, cette femme. Et voilà.

  • Speaker #1

    Pas besoin. Enfin, personne n'a besoin, mais en l'occurrence...

  • Speaker #0

    Non, mais tout est dit dans cette manière de... d'incliner le visage pour parler à la caméra. Je sens que, sans en arriver là, je sens que je tends quand même à me figer sur un certain type de sourire qui ne va pas aller...

  • Speaker #1

    Trop marquer les plis.

  • Speaker #0

    Tu vois, trop marquer les traits, qui ne va pas me bouffir les yeux. Donc c'est un certain type de mimique, une manière de prendre la lumière, de se présenter. J'évite les vidéos à mort, parce que là, tu ne contrôles plus rien.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la vidéo, c'est assez fatal.

  • Speaker #0

    Ça pardonne pas. Ça pardonne pas. Surtout passé un certain âge, je trouve. Je peux te dire ça tout en étant horrifiée par tous les contenus qui vont te dire « À 44 ans, elle est incroyable ! » Enfin, tu vois, voilà. Bonne ambivalence. Non, mais tant mieux. Oui. C'est ça. Donc du coup, voilà, pour faire une très très longue réponse à une question très simple. 76 kilos, pour moi, contenait... énormément de problématiques induites et immédiatement compréhensibles par les femmes qui me lisent. Ce qui n'est pas le cas de pas mal de gens, et ça je l'ai découvert avec surprise pour en avoir parlé dans le milieu de l'édition avec des gens qui ne comprenaient pas le titre du livre, ne comprennent pas à quoi ça fait référence. D'accord. Et donc là, voilà le niveau d'impensé où on en est. Si c'est un homme éditeur qui voit ce titre sur le manuscrit et ne comprend pas le sujet, Si c'est une femme très mince, elle ne comprend pas le sujet. Et donc là, je me suis dit, voilà, c'est vraiment de là que je veux écrire, c'est-à-dire, je vous montre une certaine image que j'espère la plus conforme à mes standards, mais je fais 76 kilos. Et 76 kilos, c'est rien par rapport à 95 ou 150, et c'est impensable par rapport à 50, 55. il y a vraiment une sorte de de trou noir de trou noir et je me suis dit c'est de là que je veux écrire et si je dis le chiffre celles qui savent, elles savent Bon, bah moi j'ai su tout de suite.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est qui a venu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Tu parles dans ce récit de cette catégorie de femmes mid-size. C'est un terme qui vient du UK, je crois ? Oui. Et donc c'est un terme qui désigne celles qui sont ni minces ni grosses. Et tu as écrit mid-size, j'ai envie de dire que j'en suis. Qu'est-ce que ça a changé pour toi, la découverte de cette catégorie de femmes ? Parce qu'on n'en entend pas beaucoup parler en France, les mid-size.

  • Speaker #1

    Non, c'est très...

  • Speaker #0

    Déjà, il n'y a même pas de mots, c'est ce que tu dis. Il n'y a pas de mots en français pour qualifier mid-size.

  • Speaker #1

    En français, il n'y a pas de mots. En français, il y a normal ou grosse.

  • Speaker #0

    Voilà. On ne dit pas taille intermédiaire. Oui,

  • Speaker #1

    ça n'existe pas. Donc, si tu suis là encore les chiffres que te donne ton impédance maître sur ta masse musculaire et ta masse graisseuse, normal, c'est mince. Au-delà de normal, c'est en surpoids, donc grosse. mid-size. médicalement ne correspond à rien c'est vraiment un terme je pense qui est esthétique et culturel avant d'être un terme morphologique oui parce que voilà tu vas avoir tout un tas de spécialistes qui vont te dire que tu vas être en extrême excellente santé en étant mid-size et puis si tu vas voir des spécialistes de vraiment du poids ils vont te dire que non tu es en surpoids surpoids voilà

  • Speaker #0

    C'est dommage qu'on ne fasse pas évoluer ces critères très scientifiques. Parce que finalement, peut-être que les choses doivent évoluer aussi avec la réalité du monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Il y a une culture française qui est très imprégnée déjà de cette mythologie de la femme française. Il y a eu ces bouquins qui ont eu un énorme succès aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, de « French women don't get fat » . Il y en a eu deux comme ça, écrits par une Française. Donc il y a cette idée que la femme Française, elle est mince, normale, donc mince. Et du coup, mid-size, là-dedans, moi je suis allée voir tout un tas de médecins pour me convaincre que j'avais une raison médicale d'intervenir et aucun d'entre eux n'a cité mon poids. comme une raison de faire quoi que ce soit. Donc là, c'est vraiment... En termes de santé, je pense qu'on n'a aucun repère sur ce qui est bon pour nous ou pas. Mon cardiologue qui me suit pour mon problème cardiaque n'est absolument pas inquiet du poids que je fais. Alors qu'à côté de ça, quand je vais voir une diététicienne et qu'elle mesure la masse graisseuse, il y a marqué obésité physiologique. Parce que... J'ai beau avoir une bonne masse musculaire, j'ai quand même un ratio de masse non musculaire qui est trop important par rapport aux critères médicaux qui datent de je ne sais quand, et qui te disent si tu es vraiment en bonne santé ou pas. Donc mid-size, c'est un petit peu le terme idéal. Mais très rapidement, ça a été en fait récupéré par des nanas qui étaient dans un discours hyper positif et militant et d'affirmation de soi et de je m'assume. Alors est-ce que tu as besoin d'assumer quoi que ce soit quand tu es mid-size ? Je ne suis pas sûre qu'on en soit là.

  • Speaker #0

    Tu fais écho au body...

  • Speaker #1

    positive alors que le body positive normalement devrait idéalement être le propos et la revendication de femmes qui sont bien au-delà du mid-size et que donc on a un peu vidé les femmes considérées grosses ou rondes de ce truc d'affirmation de soi en disant voilà nous on est juste un tout petit peu au-dessus de la norme Mais on s'assume quand même. Alors si tu t'assumes quand tu es à ce stade-là de ton poids, qu'est-ce qui reste aux autres à assumer ? Il y a une manière de réduire les critères qui était assez à double tranchant avec ce mot. Et aujourd'hui encore, quand je le tag sur certaines de mes photos de look, je me dis « mais pourquoi je mets ce mot-là ? » Est-ce que j'ai vraiment le droit de me dire que je suis dans cette catégorie-là alors que... Putain mais laisse les souffrances et les revendications sur le poids à... à une autre catégorie de personnes, enfin ferme ta gueule tu vois juste.

  • Speaker #0

    Donc tu as évolué là-dessus, parce qu'au départ, quand tu as découvert ce terme, il y avait une forme de soulagement d'appartenir à une catégorie qui n'existait visiblement pas.

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment un phénomène... Ça s'est vraiment séparé entre « grâce à ce mot, j'ai accès à des tas d'images de femmes qui te ressemblent, que j'adore, que je consulte de manière absolument joyeuse et créative. » Et tu les identifies grâce à ce mot. Oui. Et je les remercie d'exister. Et à côté de ça, tu as « est-ce que ce mot, c'est moi ? » Et donc vraiment, là, j'ai appris à faire la part des choses entre... Putain, pardon, je deviens de toute façon plus vulgaire. Non, pas de problème. J'ai une vraie joie à voir ces corps-là, à les trouver super inspirants en termes notamment de stylisme. Et est-ce que ça va m'aider, moi, à me situer, à me dire, à me raconter ? Je pense que non. Je pense que je reste encore très, très imprégnée. de la normalité entre guillemets médicale, cette histoire de l'écart entre la taille et le poids de 10 à 20 kilos, je fais mesurer ma masse graisseuse. Clairement, je prends le chemin de quelqu'un qui ne va pas aller dire « je suis mid-size et je vous emmerde, je ne prends pas ce chemin-là » . Donc à un moment donné, il a fallu être honnête par rapport à ce que tout ce... En fait, toute cette réflexion par rapport à ce mot... m'a fait avancer de dingue en termes d'honnêteté vis-à-vis de moi-même, je pense. Ouais,

  • Speaker #0

    c'est fort. Il y a une phrase aussi qui m'a marquée. Désolée, c'est une transition... Enfin, sans transition. Il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit « je mange pour récupérer mon espace » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    J'ai trouvé que c'était assez puissant, mais limite politique. Parce qu'aujourd'hui, quand on est une femme, il vaut mieux pas prendre trop de place, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Donc j'ai trouvé ça fort de dire « je mange pour récupérer mon espace » . Ça renverse un peu les injonctions, finalement. Qu'est-ce que tu voulais dire avec cette phrase ?

  • Speaker #1

    Alors cette phrase, je l'ai vraiment ressentie comme une sorte d'épiphanie intime parce que j'étais en train d'échanger des messages sur WhatsApp avec une copine à moi qui est très, très mince, très affûtée, très sportive. Je préparais le dîner, je discutais avec elle sur WhatsApp. J'avais mes filles autour qui faisaient un boucan d'enfer. Et là, je me retrouve à manger un truc, mais debout, devant le frigo, tout en préparant à manger. Et là, j'ai pris conscience, en fait, de l'accumulation de ce contexte-là, que voilà le genre de situation dans laquelle je me remplis, c'est-à-dire, autour de moi, il y a trop. Dès que je suis toute seule, donc, je te le disais tout à l'heure, pas en couple, ou toute seule dans la journée, je peux bosser cinq heures d'affilée sans penser à manger. Voilà, il n'y a pas d'enjeu avec la nourriture avalée sans même y penser. Il y a un enjeu quand il y a beaucoup de sollicitations autour. Et donc là, je pense que par rapport à ça, il y a quelque chose chez moi de l'idée de se dire que ce n'est pas une fatalité et qu'on fait tout le constat d'être complètement débordé sur sollicité au bout du rouleau quand on est mère. On est toutes d'accord là-dessus. Et moi, ça se traduit par je mange de la nourriture parce que je me donne une sensation corporelle pour moi par rapport à tout ce qui est... Je suis très sensible au son en plus, assez misophone. Donc voilà, tout ce qui est agitation et vacarme autour de moi, ça me met en état de tension. Et donc là, manger un truc pour... Voilà, c'est un moment où c'est moi, mon corps, où je me retrouve moi et où je lui fais plaisir. Et à partir du moment où j'ai pris conscience de cette phrase, j'aimerais te dire que j'ai pu réduire naturellement les moments à risque comme ça, où on va dire c'est la fenêtre 18h-22h, voire 16h-22h, où là tout peut arriver. C'est pas si simple. C'est vraiment beaucoup de choses à détricoter et je vois que je suis encore... Je fais encore trop de prises de nourriture comme ça, debout, à l'arrache. Tout ce chapitre-là, j'avais vraiment essayé d'être très visuelle pour que le lecteur ou la lectrice puisse me voir en train de me remplir comme ça, debout au milieu du chaos, et de me dire, voilà, là j'ai localisé qu'est-ce que je veux que ma vie soit ça ? Non. Comment faire pour ne plus être vulnérable dans ces moments-là ? Je cherche encore.

  • Speaker #0

    comment. Oui, bien sûr. Non, mais c'est pas évident. Puis, l'alimentation a un tel pouvoir apaisant, c'est hyper fort, en fait. Donc, quand tu veux faire redescendre des émotions, en fait, l'effet, il est immédiat. Tu mets quelque chose dans ta bouche, en plus, généralement, c'est des choses qui sont assez réconfortantes, etc. Donc, l'impact, il est immédiat.

  • Speaker #1

    Pour moi, les émotions, c'est toutes, en fait. Je ne mange pas simplement pour me réconforter. Je mange pour fêter un truc. Je ne mange pas parce que je suis joyeuse. C'est toutes les émotions. Il n'y en a pas une qui échappe à ce truc de manger. Donc du coup, en plus, on est dans une famille où on a vraiment tous le bec salé. Donc c'est un peu les pires trucs à ce moment-là, ça va être la charcuterie, moi je vais pas m'envoyer une tablette de chocolat, mais ça va être de la pâte à négras.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce genre de trucs que je vais manger à ce moment-là. Et ouais, sur le côté émotionnel, c'est pour moi très très difficile de décorer les deux. Et à côté de ça, je me souviens d'avoir ressenti un truc très fort quand justement pour la série d'entretien Encore Heureux que je fais pour le L, Une des femmes qui a témoigné m'a raconté à quel point elle était en paix avec ça, en se disant il y a eu des moments dans ma vie où je mangeais mes émotions et je suis ok avec ça parce que je préférais ça plutôt que l'état psychologique dans lequel j'aurais pu être sans ça et que parfois ça aide. Et j'aurais pu me dire oui mais bon si tu suis ce principe au bout d'un moment c'est hyper destructeur pour ton corps etc. Ben non, en entendant dire ça je me suis dit putain elle le dit, merci de le dire. Et en même temps, quand tu dis ça, qu'est-ce que tu en fais après ? Est-ce que ça reste une bonne manière de t'alimenter ? Non. Et à chaque fois que j'entends des femmes dire des choses un petit peu out of the box, comme ça, sur l'alimentation, ou une autre témoin qui me disait « j'apprends à décorréler nourriture et plaisir, par exemple, à manger pour m'alimenter » , c'est un discours qui m'a toujours paru dingue, et en fait, maintenant, c'est le genre de choses que j'aime bien entendre. parce que je me dis, en fait, c'est possible d'être dans quelque chose de plus rationnel que si tu te dis que chaque repas doit être un plaisir, forcément, il y a de la frustration derrière. Si tu arrives à te dire qu'un repas est une manière aussi de faire fonctionner ton corps, pas tous les repas, mais certains, il y a d'un coup la pression qui redescend quand même, tu vois ? d'essayer de retirer ce côté alimentation plaisir, alimentation gourmande même quand t'es en rééquilibrage alimentaire il y a aussi cette idée que les recettes doivent être gourmandes par exemple et que si t'arrives pas à faire ça, si tu manques de temps, si tu manques de talent culinaire t'as un peu raté le truc donc ouais ça c'est des questions que je me pose en ce moment que faire de l'idée de gourmandise et de plaisir autour de la bouffe est-ce qu'il y a quelque chose sur quoi je peux avancer là-dessus Merci. Parce que je suis gourmande et terrible en cuisine. J'ai le cauchemar en cuisine. Donc voilà, j'ai pas les moyens de mes ambitions.

  • Speaker #0

    C'est pas évident là.

  • Speaker #1

    Donc c'est forcément de la bouffe qui naturellement est soit transformée, soit très grasse. Du fromage, de la charcuterie. Et donc voilà.

  • Speaker #0

    Tu racontes aussi un épisode douloureux dans ce récit. Celui où on te croit enceinte alors que tu ne l'es pas. Tu écris parmi toutes mes hontes celle-ci, passer de la fierté d'être enceinte à la honte de le sembler. Est-ce que tu peux nous parler de ce moment et de ce que ça a réveillé en toi ? Et d'ailleurs tu en parles à un autre moment où là c'est toi qui portes un regard sur toi-même.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Où tu te dis j'ai un ventre qui pourrait être un ventre d'une femme enceinte.

  • Speaker #1

    Ça c'est incroyablement enraciné. Et je pense que ça peut résonner pour pas mal de nanas. J'ai jamais eu autant de réactions à un sujet que quand j'ai posté ce sujet-là sur mon Instagram en guise de... Petite avant-goût du chapitre.

  • Speaker #0

    Et puis la photo était très bien trouvée. Tu avais posté une photo de ton ventre.

  • Speaker #1

    De moi, de profil.

  • Speaker #0

    Donc tu étais habillée, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et alors, figure-toi qu'en plus, depuis ce moment-là, je suis harcelée de publicités Instagram pour un complément alimentaire dont le nom m'échappe parce que je n'ai pas envie de leur faire de pub. Mais où tu vois des nanas ultra minces qui se filment de profil avec leur ventre plat en disant ... ça c'était moi il y a 6 semaines vous ne le croiriez pas non je ne suis pas enceinte et donc l'idée c'est de te vendre un truc qui t'aide à pas avoir le ventre qui gonfle d'ailleurs le ventre on draine pas et l'image qui est associée à ça et à ce qui est anormal est tellement violente qu'à chaque fois je fais suivre à des copines qui sont pareil dans des réflexions et des complexes par rapport à leur ventre et ils disent viens on leur casse la gueule Merci. et donc du coup je sais à quel point le moindre petit renflement est tout de suite part dans la normalité L apostrophe anormalité et part dans le tiens est-ce qu'elle est enceinte et j'en rigolais avec une de mes lectrices qui me disait t'inquiète bientôt on arrive à l'âge où les gens ne se posent même plus la question se diront bien juste trop vieille pour ça. Donc c'est encore un privilège de pouvoir se poser la question. Mais il y a quelque chose de tellement puissant et ancré en nous, dans cette idée que quand on est enceinte, on a cette pareil, encore une fois, une femme témoignante dans Encore Heureux, disait on a cette légitimité sociale à être ronde quand on est enceinte. Et qu'enfin, là, il n'y a plus à cacher ce ventre qui reste, on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure, ça reste un truc extrêmement vissé, extrêmement fermé en termes de diversité possible de morphologie. Il n'y en a vraiment qu'une. Et du coup, moi, je m'étais sentie vraiment, je me sens vraiment rattrapée par ça en permanence, c'est-à-dire que ça peut, ça influe les vêtements que je... J'achète, ça influe la manière dont je me prends photo, dont je me présente, ça influe sur la manière dont je me tiens, parce que j'ai pas envie... Encore une fois, ça me ramène à cette femme-mère, et j'ai envie d'être plus que la mère de mes enfants, une femme qui a été enceinte, une femme dont on peut se dire qu'elle est enceinte. J'ai envie que ce truc-là, c'est derrière moi, que ce soit terminé, quoi. Et le fait de voir cette image-là de moi, en partant chez mon fameux cardiologue en plus, je me suis dit, je ne peux pas arriver là-bas, et que lui me dise ça, lui qui s'en contrefout de mon poids, en fait, je me suis imaginée être face à ce médecin, et qu'il me dirait, ouh, Mme Moreau, connaissant mon âge en plus, là, tu vois, on rigolait sur le fait que les grossesses gériatriques... commence à 35 ans, 44, et je me suis changée pour aller chez ce médecin dont je sais qu'il n'en a rien à faire de mon poids. D'ailleurs, il me fait des compliments en s'excusant de m'en faire à chaque fois qu'on se voit sur le fait qu'il me trouve charmante. Ça, c'est encore un autre sujet. C'est gentil. Je fais partie de cette génération qui accepte les compliments de manière assez calme. Je me dis pas c'est inconvenant, il a pas à dire ça, il s'excuse quand même de le faire. Et donc je me dis je sais que ce médecin là il est pas jugeant sur mon apparence etc. Et pourtant je me change avant de dire allez, pour que ça se voit moins et que moi j'ai moins ce sentiment de putain. La brioche quoi.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on parle des nouvelles générations par rapport à ça. Ouais. Je crois que t'en parles dans 76 kilos non ? Ouais. Y'a pas un moment donné où tu dis si les Gen Z me lisaient, on lèverait les yeux au sel en disant... Mais en fait, il faut en rigoler. Quand quelqu'un te demande si tu es enceinte alors que tu ne l'es pas, il faut prendre ça avec humour, il faut en rigoler, etc. Il faut s'en foutre. En gros, est-ce que tu penses que pour les nouvelles générations, il y a une prise de recul peut-être plus importante sur ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Dans celles que je côtoie, en tout cas, vraiment, ma référence, c'est les animatrices de centre aéré de mes filles et de périscolaire. où je vois qu'en termes de tatouage, de nail art, de poids, de morpho, il y a une liberté.

  • Speaker #0

    où je me dis une insolence oui oui exactement on n'en a jamais vu autant que là récemment tout ça est embrassé

  • Speaker #1

    avec une joie qui chez moi créerait mille questions parce que moi j'ai grandi avec cette Cette idée de ce à quoi il faut ressembler qui reste là mentalement très très présente et dont je pense que je ne me déferais jamais. Donc là maintenant il faut être aligné soit avec ce en quoi tu crois et t'essaies de coïncider, soit faire exploser ce avec quoi tu as grandi. J'ai essayé avec 76 kilos, je n'ai rien fait d'exploser du tout. J'ai fait que comprendre à quel point ça m'avait structuré et que... Ma foi, c'est pas grave, j'en suis pas si loin, et que peut-être, si je me donne les moyens, je peux... Ce qui est important pour moi maintenant, c'est de m'aligner. Même si c'est m'aligner avec un truc qui peut paraître débile. En matière de santé, je sais que ce sera bénéfique pour moi, que je suis pas dans une approche malsaine du truc. Donc ouais, il y a cette envie de m'aligner. Je sais pas si c'est hyper cool de le dire. En tout cas, moi, ça m'a soulagée de me dire arrête avec le body positif parce qu'en fait, tu n'y arriveras pas, tu vois, tout simplement. Et je suis heureuse de voir la jeune génération faire ça avec ton naturel. Et je me dis voilà, il faut que ce truc ne soit pas contraint. Il ne faut pas que ce soit un effort.

  • Speaker #0

    Il faut que ça vienne avec un peu de spontanéité.

  • Speaker #1

    Et miraculeusement, on a réussi, venant de là où on vient, à créer un monde où en 2025, les nanas... vont spontanément mettre des crop tops sur des corps qui correspondent pas tout à fait aux corps validés normés, et elles le font sans qu'il y ait eu besoin de déconstruire quoi que ce soit. Je ne sais pas par quel miracle ça a lieu en fait, par quel miracle cette génération-là y arrive, mais je me dis voilà, pour elles c'est bon, malgré le retour du culte de la minceur, malgré aux MPIC, etc. à mon avis, sont concernants plutôt pour ma génération à moi. Oui,

  • Speaker #0

    et puis quand même, les personnalités qui ont vraiment vanté les mérites de ce produit, c'est quand même Kim Kardashian, je crois, de mémoire,

  • Speaker #1

    et

  • Speaker #0

    Elon Musk. Donc c'est des générations aussi, peut-être que ne regardent pas les plus jeunes, je ne sais pas en fait.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai l'impression qu'elles ont plus le choix, alors que Les femmes notamment qui font un métier d'image, qui sont dans la trentaine, comme Kim Kardashian, je ne sais pas exactement quel âge elle a. Oui, je sais quel âge elle a,

  • Speaker #0

    35,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Voilà, trentaine qui vont arriver sur quarantaine, etc., basculer de ce côté-là, sont peut-être plus la clientèle en première intention.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    complètement. Et que la jeune génération va plus réchapper à ce truc-là, à part... On va dire une frange vraiment radicale de skinny talkers qui ne me paraissent pas être la majorité des femmes.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    J'ai quand même l'impression qu'on les voit beaucoup, on les entend beaucoup, aussi parce qu'on les dénonce beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, ça fait quand même un gros tollé sur les réseaux sociaux, toute cette tendance du skinny talk. Pour rappel, pour ceux qui n'ont pas suivi, c'était sur TikTok. Des femmes qui mettaient en avant leur corps particulièrement maigre. On n'était même plus dans la minceur, on était plutôt dans la maigreur. Et il y avait une apologie de la maigreur. Et aussi de conseils pour y arriver, je crois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je crois.

  • Speaker #1

    La totale. Bref,

  • Speaker #0

    la totale. Mais tu vois, pour revenir sur cette génération peut-être un peu plus décomplexée et qui se sent plus libre par rapport à ça, c'est intéressant quand même parce qu'on n'a jamais été dans une société aussi riche en éléments de comparaison. Parce qu'avant, quand il n'y avait pas les réseaux sociaux, la comparaison, c'était les gens qu'on voyait dans les magazines, c'était les stars, c'était la télé-réalité à la télé, etc. Donc le comparatif était moins important que là, sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, tu as accès au monde entier, à des gens qui sont potentiellement des amis, des collègues, etc. Donc les comparaisons sont beaucoup plus propices.

  • Speaker #1

    C'est super juste.

  • Speaker #0

    Alors qu'il y a quand même un mouvement de ces nouvelles générations qui essaient de se détacher de ça. Je sais pas, est-ce qu'on a atteint peut-être un extrême et du coup il y a un rejet de ce culte de l'image qu'on voit sur les réseaux sociaux, etc. ? Je sais pas.

  • Speaker #1

    C'est certain qu'on n'a pas fini de mesurer l'impact en termes d'imaginaire et de représentation des réseaux sociaux, et par là j'entends l'impact aussi positif. Oui, bien sûr. Parce qu'il ne faut pas se leurrer par rapport aux images avec lesquelles les filles adolescentes dans les années 90 comme moi ont grandi. Oui.

  • Speaker #0

    Avec les Kate Moss...

  • Speaker #1

    Voilà, en termes de diversité, c'est très très peu de choses. Et donc là, aujourd'hui, quand bien même les réseaux sociaux, tu as tout, du coup, tu as le pire, mais tu as aussi la diversité. Et donc, le miracle vient peut-être tout simplement de là, d'avoir accès à toutes ces images, toutes ces représentations possibles. Quand bien même il y a bagarre et il y a quand même injonction, il y a quand même tendance inquiétante et toxique, il y a forcément tout. Mais tu peux aller aussi être exposé de manière assez naturelle à des contenus qui, au contraire,

  • Speaker #0

    dénoncent ou sont plus dans la mesure, etc. Non, je suis complètement d'accord. Et donc du coup en tant que journaliste je trouve ça intéressant qu'on aborde ces sujets là parce que toi tu observes de près l'évolution et le retour en arrière potentiellement des discours sur le corps dans la société évidemment donc on a connu les dictats des années 90-2000 auxquels nous on a été confrontés où la minceur était évidemment la norme après il y a eu ce mouvement body positive bon aujourd'hui on sait plus trop si c'est toujours d'actualité ou pas parce qu'il y a un vrai retour en arrière avec Ces sujets que tu mentionnais tout à l'heure, l'Olympique, cette obsession du contrôle, tous les contenus skinny talk, etc. Et aussi, je lisais ça à la dernière Fashion Week, apparemment 95% des mannequins faisaient du 34 ou du 36, alors qu'en France, le 34, c'est 1,6% de la population.

  • Speaker #1

    Et encore du 36 pour un mannequin,

  • Speaker #0

    c'est beaucoup. Non, c'est sûr. Donc bref, il y a une vraie obsession du contrôle qui revient. Et à la fois, je le disais en introduction, une contradiction absolument hyper violente autour de la perception de la minceur avec des femmes comme... Enfin, je ne sais pas si c'est en intro ou en off, mais en tout cas, avec des femmes comme Anna Roy, qui est une sage-femme qui a écrit un livre qui s'appelle « Énorme » , dans lequel elle raconte son processus, comment est-ce qu'elle a perdu du poids, etc. Et elle s'est complètement faite bâcher là-dessus, cette perte de poids. Elle a même été accusée, je crois, de grossophobie. Enfin, je ne veux pas dire des bêtises, mais il me semble. Donc voilà, on est une société où on cultive la minceur, etc. Et à la fois, quand des femmes maigrissent, elles se font bâcher parce qu'elles maigrissent. Et je crois aussi que tu donnais un exemple dans « 76 kilos » de Lily Collins. Tu sais qu'elle a été critiquée parce qu'elle a fait appel à une mère porteuse. Alors, elle n'a pas été critiquée. parce qu'elle a fait appel à une mère poteuse. Elle a été critiquée parce que ça lui aurait permis de conserver sa ligne, apparemment. C'est complètement ambivalent, en fait, comme discours. On nous demande d'être minces, et puis après, quand on veut garder la ligne, on nous critique, et quand on perd du poids, on nous critique.

  • Speaker #1

    C'est toute la logique de « les femmes ne gagnent jamais » . Voilà. Et de... C'est un double standard en permanence. Lily Collins, on voit très bien qu'elle est... C'est quelqu'un qui est encore extrêmement filiforme de nature. Ce n'est pas une actrice qui s'affame ni rien.

  • Speaker #0

    Elle avait écrit un super bouquin,

  • Speaker #1

    Lily Collins.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si tu l'avais vu ou pas.

  • Speaker #1

    Non, je ne savais même pas.

  • Speaker #0

    Elle a écrit un bouquin, Lily Collins, sur son histoire, le rapport à son corps, etc. Je ne sais plus comment il s'appelle.

  • Speaker #1

    J'espère qu'elle ne parle pas d'anorexie dedans, sinon ça... Ah, c'est le cas. D'accord. Donc tu vois, moi je la voyais comme quelqu'un de naturellement filiforme. Donc c'est pas le cas.

  • Speaker #0

    Mais je l'ai lu il y a longtemps, donc je retrouverai.

  • Speaker #1

    Donc ça explique aussi le recours à une mère porteuse, et le fait qu'on lui fasse payer aujourd'hui comme étant un choix superficiel.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est bien de là.

  • Speaker #1

    Alors que parallèlement, Margot Robbie... Et puis après, je sais pas combien de temps Emily in Paris va continuer à être produit par Netflix, mais Clairement, dans son activité professionnelle, elle ne peut pas changer de corps. Qu'une femme fasse des arbitrages personnels en termes de vie privée pour sa carrière, de toute façon, c'est un truc sur lequel les gens vont juger, ils vont lui tomber dessus, parce que vu comme carriériste aussi. Et parallèlement au fait qu'elle avait accueilli... Un enfant ou deux, je ne sais plus si c'était des jumeaux ou un enfant, alors que Margot Robbie, parallèlement, se faisait tailler parce qu'elle avait flingué son corps à cause de la grossesse, qu'elle était déformée, etc. Il y avait vraiment les deux phases du même problème, avec cette manière de dire que vous avez échoué, que Lily Collins a échoué, que Margot Robbie a échoué, et qu'il n'y a aucun moyen, finalement. Si on écoute les réseaux sociaux aujourd'hui, d'être dans le juste.

  • Speaker #0

    et puis cette idée qui faillait être juste quelque part déjà extrêmement dérangeante aussi donc il y a vraiment et Anna Roy ce qu'on lui reprochait c'était son discours sur le fait de mincir vu

  • Speaker #1

    comme un moi j'ai lu son livre je l'ai pas lu et je te confirme Lily Collins a bien écrit un bouquin qui s'appelle Unfiltered dans lequel elle raconte son histoire quand elle était adolescente par rapport à l'anorexie,

  • Speaker #0

    la boulimie et ben voilà tu vois, je me suis fait moi la spécialiste du corps je me suis fait complètement avoir par l'image que j'avais d'elle enfin voilà pour moi c'était ce genre d'organisme qui naturellement brûle tout oui qui est un métabolisme le fameux métabolisme et donc Anna Roy alors à quel point suis-je grossophobe moi-même pour ne pas avoir perçu la grossophobie du bouquin je ne sais pas Mais j'étais hyper étonnée. Est-ce que ça vient de gens qui ne l'ont pas lu ? C'est possible. Est-ce que ça vient du fait que certains extraits soient difficiles à lire ? Je ne sais pas. Il y a un tel parcours, un tel cheminement chez elle de vie qui explique pourquoi elle s'est retrouvée à faire un certain poids, pourquoi elle ne le veut plus. et pourquoi elle a le sentiment de se retrouver et que son identité n'était pas au poids qu'elle pesait. Voilà, tout ça suit un cheminement logique, que je trouve qui est plutôt bien expliqué. Et effectivement, c'est devenu extrêmement difficile d'avoir ce genre de discours aujourd'hui, parce que ça met la tête dans la merde. ça met tout le monde la tête dans la merde en disant voilà moi j'ai fait cet effort là et c'est mieux pour moi etc faites la même chose c'est pas un discours qu'on peut entendre sans se dire, sans se positionner par rapport à lui et se dire qu'est-ce que moi je fais et que font les femmes qui sont en surpoids quand elles entendent ça et qu'est-ce qu'elles ressentent et tout ça est incroyablement légitime Et le problème, c'est la cohabitation entre le ressenti légitime d'Anna Roy, le ressenti légitime de certaines femmes dont on va dire qu'elles sont grosses, rondes, en surpoids, et qui souhaitent rester comme telles, et à qui indirectement ce livre vient dire non, c'est pas ce qu'il te faut. Comment tu fais, enfin comment tu vis en fait dans un monde où tout ça cohabite ? Donc il y a encore... Je pense une plus grande diversité de parcours possibles qui s'offre à nous aujourd'hui, mais on a encore tellement tendance à se projeter dans le parcours de l'autre et pas à dire voilà c'est son histoire, moi la mienne et autre. Et il faut toujours que ce soit validé par notre propre expérience en fait. Et à partir du moment où on n'arrive pas à se projeter dans le parcours de l'autre, ben c'est pas bon.

  • Speaker #1

    Oui c'est pas bon. Et c'est vrai, ça arrive souvent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui est devenu difficile aujourd'hui, c'est que tu as toujours la possibilité de faire du mal, d'offenser légitimement quelqu'un qui te lit. Tu peux faire légitimement du mal à quelqu'un qui te lit en étant pourtant toi tout à fait sincère et alignée dans ce que tu racontes.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qui était totalement la posture de Anna Roy, quand elle a écrit son livre. C'était pas pour culpabiliser les femmes, c'était pour raconter et livrer son témoignage.

  • Speaker #0

    Et on lui a reproché aussi notamment son discours par rapport au sucre. Oui, parce qu'il y a un vrai sujet aujourd'hui de savoir si oui ou non, c'est toxique, ça crée une addiction, etc.

  • Speaker #1

    Parce qu'elle a totalement arrêté le sucre, en fait. Pour information, elle ne mange plus de sucre raffiné. Je pense qu'elle mange des fruits, etc.

  • Speaker #0

    Et je pense que là encore, on a un manque de... de vrais cadres médicaux, scientifiques. Par rapport à l'alimentation, à la minceur et ce que la minceur implique, aux manières de s'alimenter, on a un manque de repères vraiment que tout le monde prendrait pour acquis. Sur le sucre, il y a encore débat. Et le fait qu'il y ait débat sur autant de choses par rapport à l'alimentation, ne serait-ce que les différentes manières de se mettre en rééquilibrage alimentaire. Il y a 12 000 méthodes qui sont incompatibles les unes avec les autres et contradictoires. Ça fait que, voilà, on a moins de repères aujourd'hui qu'on en avait, même s'ils étaient mauvais, dans les années 90 ou 2000.

  • Speaker #1

    Le discours était plus simple, quoi. Ouais, un discours.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    On suivait le truc, alors que là, aujourd'hui,

  • Speaker #0

    t'as une diversité de solutions. Et du coup, de possibilités de se sentir un peu perdue. Ouais, complètement. Et d'acceptation du fait que... personne puisse avoir d'autres repères, que toi, tu puisses en avoir encore d'autres et que tout ça puisse en bonne intelligence coexister sur les réseaux. En même temps, c'est passionnant parce que tu apprends plein de choses à voir chaque camp exprimer ses convictions. Je ne sais pas où elle en est aujourd'hui, quelques mois après avoir sorti son livre. Mais ça a vraiment mis le doigt sur où on en est par rapport à la grossophobie aujourd'hui. Qu'est-ce qui est légitime ? À quel moment on est blessant ? À quel moment on est offensant ? Voilà. Moi, je n'ai pas la bonne méthode non plus. Et je pense qu'à chaque fois que j'ouvre la bouche sur le poids, je peux offenser des milliers de personnes. par rapport à ce que je dis, et c'est légitime qu'elles se sentent offensées, si moi je raconte mon histoire.

  • Speaker #1

    Et l'évolution de la presse féminine sur ces sujets-là, alors je ne parle pas forcément de la grossophobie en particulier, mais plutôt sur le traitement du corps, dans les magazines féminins, qu'est-ce que tu as pu constater toi depuis 20 ans ? Où est-ce qu'on en est là un peu ? Est-ce que les lignes ont vraiment bougé ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors la sémantique a bougé, ça c'est clair. On n'utilise plus le mot régime au L. Je ne suis même pas sûre que minceur, comme il y avait le spécial minceur. Avant ça, il y avait le spécial maigrir. Voilà, tous ces mots-là me semblent avoir disparu. On est plutôt sur un spécial, on va parler de forme, de bien-être. On ne va pas relayer le dernier régime à la mode. On va rester, et ça, ça a toujours été fort l'ADN du magazine, et je pense de ce type de magazine en général, on va être sur la gourmandise. Ça, c'est un truc qui va rester très fort, très ancré. Après, moi, ce que je trouve, à titre personnel, assez compliqué avec la presse féminine, c'est qu'elle suppose un talent au fourneau.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Que moi, je... Enfin, voilà. La base, c'est que tu aimes cuisiner, que tu sais cuisiner. Et ça, moi, il me semble qu'en 2025... Et que tu as le temps.

  • Speaker #1

    Et que tu as le temps.

  • Speaker #0

    Et que tu en fais une priorité. Moi, il me semble que ça, en 2025, ça pose quand même question. J'ai l'impression que socialement, dire que tu n'aimes pas faire la cuisine, c'est encore un truc problématique. T'es vue comme quelqu'un de sec de corps et de cœur. Enfin, tu vois, forcément, quelqu'un de vraiment épanoui ne peut que aimer faire la cuisine. Tu vois, il y a encore ce truc très présent, je trouve. Et du coup, quand je vois, moi, des figures de femmes, que ce soit dans des séries, des films ou des interviews de femmes qui disent « la cuisine, c'est pas mon truc » , tu vois, je suis là, je me dis « mais merci de le dire ! » Merci de le dire, juste parce que, voilà, pour moi, il y a ce dernier truc. de se dire une femme en 2025 pour peu qu'elle soit très occupée professionnellement ou socialement elle a le droit d'en avoir rien à faire de faire la cuisine de faire des recettes gourmandes et pourtant d'aimer manger et comment tu réconcilies ces trucs là donc ce savoir-faire culinaire qui est considéré comme acquis dans la presse féminine reste pour moi Le dernier endroit où il faut peut-être un peu travailler. Oui, changer des choses. Parce qu'après... En faire évoluer. Voilà. Après, ce qui est de ne plus utiliser les mots qui fâchent et d'être dans des propositions assez saines. Le job est fait.

  • Speaker #1

    Et dans les corps, peut-être qu'on montre aussi.

  • Speaker #0

    Et dans les corps.

  • Speaker #1

    Oui. Là, il y a encore des choses à faire évoluer quand même.

  • Speaker #0

    Là, c'est encore très, très, très compliqué.

  • Speaker #1

    Quand tu regardes les magazines, c'est toujours...

  • Speaker #0

    C'est super compliqué.

  • Speaker #1

    C'est assez lisse, quoi.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça, c'est pas un sujet valable que pour les magazines féminins, c'est un sujet aussi valable pour les marques, les marques de vêtements, etc.

  • Speaker #0

    C'est le saffron qui se mord la queue, et ceci explique cela. C'est-à-dire que, comment tu peux proposer autre chose quand tout le reste continue d'être promu ? Alors, après, on parle de gros annonceurs. des annonceurs qui vont avoir le budget pour mettre des pubs dans ton magazine. C'est le luxe. Ce n'est pas les petites marques florissantes de plus en plus nombreuses qui font poser des nanas de tout gabarit qui vont acheter une page de pub dans un magazine féminin. Et de là vient le problème. Le luxe est encore hyper vissé sur... À un moment donné, ce n'est même pas la minceur, c'est quasiment l'absence de... Je ne vais pas dire l'absence de corps, mais voilà. On en est presque là parfois. Ou alors le corps très sexy, mais moins en ce moment, je dirais. Et si les annonceurs dans la presse féminine étaient représentatifs de ce que nous on voit comme annonceurs, ne serait-ce que sur Instagram, je pense que par capillarité, tout changerait aussi dans les shootings et que ce serait beaucoup plus aligné. Dieu merci ! On a les réseaux sociaux pour voir des marques qui font des pubs sur des corps qui sont beaucoup plus divers et représentatifs de la rue. Et tant que de toute façon la presse féminine fonctionnera sur ce système-là de financement, c'est-à-dire que le prix du magazine en kiosque et les abonnements ne suffit pas à faire survivre le magazine. et que toi tu veux pouvoir continuer d'écrire dans ce magazine et de proposer des articles où justement tu remets en question, où tu parles de diversité, etc. Le problème, c'est que l'existence de ces textes est conditionnée par des marques qui ne promeuvent pas la diversité. Donc c'est un peu un truc de cheval de Troie, finalement. C'est d'essayer d'amener ce discours-là, et c'est fait de manière très consciente aux ailes. d'essayer d'amener ce discours-là et ces pistes de réflexion-là dans un magazine qui continue d'être visuellement, esthétiquement très marqué par les corps minces. Et c'est parce qu'il est marqué comme ça qu'il se vend et c'est parce qu'il se vend que tu peux parler aux lectrices de diversité. C'est absurde, mais on en est à essayer. de donner cette révolution douce de l'intérieur.

  • Speaker #1

    Et toi, tu y contribues ? Avec notamment ta rubrique Encore Heureux,

  • Speaker #0

    je trouve. Qui est une rubrique en ligne. Parce que c'est vrai que nous, on a un seul format de témoignage dans l'EL. C'est mon histoire, qui est très large et qui est multithématique. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est toi aussi qui gères cette rubrique,

  • Speaker #0

    non ? Il y en a toutes les semaines et en fait, ça tourne. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Régulièrement, il y a ton nom.

  • Speaker #0

    Toute la rédaction, elle tourne là-dessus. Et les formats vraiment spécifiques sur le corps avec autant de place, parce que c'est des interviews très longues. Oui. Le principe de Encore Heureux, c'est une interview très très longue, où vraiment tu laisses une femme raconter la manière dont elle a tissé sa relation avec son corps. C'est incompatible avec la presse papier parce que c'est trop long. Et on veut le faire souvent. Donc, l'astuce, c'est de faire sur le web, en se disant que... Voilà, ces textes-là vont quand même essayer d'être diffusés, de rayonner beaucoup. Et c'est vraiment la force du site web, c'est d'être sur le témoignage vraiment long. Et tu peux regarder les stats de trafic des sites féminins, le format témoignage au long cours, quel que soit le thème, ça peut être les relations familiales, le couple, c'est ce qui marche le plus. D'accord. Donc, les gens s'abonnent pour ça au site. et s'abonner à un site c'est quand même une démarche c'est pas tout le monde qui le fait donc voilà ces textes existent pour qu'ils existent sous cette forme, ils doivent être sur le web et sur le web ça marche donc on mène et c'est quand même identifié à la marque du L donc on mène ces batailles sur deux fronts simultanés donc on va être plus facilement sur le vêtement Et aussi le corps, ce que je trouve très intéressant et qui a été fait notamment tout l'��té au L, c'est de raconter le corps par une mère et sa fille. Le rapport à l'épilation, le rapport au bronzage, etc. Et de voir comment chaque génération vit le truc.

  • Speaker #1

    C'est intéressant.

  • Speaker #0

    Et donc, mine de rien, voilà, avec... Cet effort-là d'essayer de dire, faisant entendre en fait tous les vécus, on trouve des astuces. Et ça va être un sujet global et du coup on va y entrer par chaque personne et citer de manière assez courte. Et sur le web, on va faire l'exercice inverse, formalons.

  • Speaker #1

    Et par rapport à la rubrique Encore Heureux, est-ce que toi tu observes dans les récits des, on en parlait un peu tout à l'heure, mais des thématiques qui reviennent tout le temps ? Ou est-ce qu'à contrario, tu dirais qu'il y a une grande diversité d'expériences ? C'est peut-être un peu dédonnant.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai eu une remarque récemment sur Instagram me disant « Pourquoi toutes ces histoires tragiques, ça s'appelle « Encore heureux » ? » Et je comprends cette remarque, parce que c'est vrai que souvent, les femmes qui font la démarche de témoigner viennent avec un truc douloureux, l'envie de... de se réaligner, de résoudre quelque chose, plutôt qu'avec. Moi, je suis super bien dans mon corps et je vais vous raconter pourquoi. Il y a toujours une histoire de trucs qui sont soit douloureux, soit pas alignés. Et donc, j'ai essayé d'expliquer à cette lectrice qui me disait, encore heureux, ça correspond, tu vois, à la promesse. Et je disais, mais pour moi, il n'y a rien de plus heureux qu'être dans le récit. dans l'appropriation de son parcours, de raconter, de mettre des mots sur le truc. Et ce que je demande à chaque témoin, c'est toujours de finir sur une note positive. Ça, c'est la charte de la rubrique. Tu ne peux pas juste te faire plomber pendant 10 000 signes par quelqu'un qui est dans le schwarz total et qui ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Il y a toujours un truc. Il faut aller jusqu'au bout de l'histoire, du coup. Parfois, c'est en amorce du sujet. Parfois, il faut vraiment aller au bout. Et donc, pour moi... qui suis moi-même dans une démarche de dire, voilà, je ne suis pas dans le corps que je voudrais, mais je suis dans une démarche de m'interroger, de me raconter. Et en cela, je sens que mon corps est heureux parce que je le regarde, je l'interroge et tout. Pour moi, la promesse, elle est là dans le fait de prendre la parole, tout simplement.

  • Speaker #1

    Puis je trouve que c'est des discours où il y a beaucoup d'espoir aussi. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette avis de lectrice, mais après, évidemment, nos avis sont conditionnés aussi par nos histoires. J'ai témoigné dans cette rubrique, donc je le vois avec un regard différent, probablement. Mais moi, le mot qui me vient de cette rubrique, c'est le mot « espoir » .

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vraiment... Ce magnifique jeu de mots, « encore heureux » vient de Julie Dessagne, qui est la boss du digital chez nous. Et c'est vraiment quand elle m'a dit « est-ce que tu veux bien faire ça ? » et pour moi c'était un tel cadeau parce que c'était tellement solaire, ne serait-ce que le titre de la rubrique. Et en même temps, j'ai su tout de suite que tout ce qui était injonction, complexe, allait devenir essentiel à la rubrique. Que ça pouvait pas simplement être l'histoire d'une femme, comme je te le disais tout à l'heure, totalement bien dans sa peau, qui allait nous donner ses secrets pour être bien dans sa peau. Parce que c'est pas de ça dont on a forcément besoin. Il y en a, mais c'est pas la majorité.

  • Speaker #1

    Tu sais que moi je m'interroge beaucoup par rapport à ce podcast. Comment je le positionne. Parce qu'aujourd'hui je donne principalement la parole à des femmes qui ont des choses à raconter sur leur corps, avec des vécus très riches. souvent quand même assez douloureux. On ne va pas se voiler la face. C'était aussi l'objectif de ce podcast. Et de déconstruire aussi tous les schémas sociétaux, etc. Mais je m'interroge beaucoup sur aussi interviewer des femmes très solaires. Ce n'est pas parce que tu as une histoire douloureuse que tu n'es pas solaire. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais ces femmes qui n'ont jamais eu de complexe, qui sont hyper bien dans leur basket, pour qui le corps n'est même pas un sujet. pour aussi avoir une... Je ne sais pas, mettre des mots aussi sur ce que c'est qu'une vie aussi où le corps n'est pas un sujet. Et ouais, je m'interroge pas mal en fait. Alors je l'ai un petit peu fait avec une coach chez Dynamo qui s'appelle Justine Roja dans le dernier épisode. Mais on est parti sur un angle autour du mindset, donc de la détermination, du goût de l'effort, etc. Donc c'était axé corps, mais très lié au mindset, à la confiance en soi, etc. Donc c'était intéressant. Pardon, je referme la parenthèse, mais moi aussi ça m'interroge.

  • Speaker #0

    Je pense que le point commun entre tous ces parcours, c'est qu'il y a à un moment donné un truc atypique. Par exemple, récemment dans Encore Heureux, j'ai raconté l'histoire d'une femme qui a décidé de se raser le crâne. Aucun problème de... tu vois, d'injonction, il n'y avait absolument pas ça dans son témoignage. Mais se raser le crâne, c'est tellement atypique par rapport à ce que tu attends d'une femme.

  • Speaker #1

    Absolument, les cheveux...

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    l'élément central de la féminité.

  • Speaker #0

    Il y avait une histoire, et à chaque fois qu'on est dans un témoignage, puisque tu me demandais qu'est-ce qui revient de manière obsessionnelle, c'est toujours le poids. Et là, je pense que je peux faire un million d'épisodes dessus, il y aura toujours des gens pour aller lire. Et moi, je serais toujours fascinée de... Voilà, aussi parce que je m'identifie forcément, je serais fascinée d'écouter ces histoires-là. Donc, quand tu sors de cette problématique-là, du poids, et que ma foi s'est plutôt alignée, et que tout va bien dans leur vie, il y a toujours, à un moment donné, un truc singulier qu'elles ont envie de raconter par rapport à un choix qu'elles ont fait physique qui n'est pas... Comment dire ? consensuelle. Et donc, je pense que partant de là, si t'interviewes une nana qui est dans le sport à fond, c'est pas le quotidien de Madame Tout-le-Monde. Donc, il y a toujours matière à un petit peu équilibrer les choses pour être à la fois dans le vécu potentiellement des côtés traumatiques et le vécu un peu atypique.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison.

  • Speaker #0

    Puisque finalement, un destin de femme, c'est tellement... On s'en fait une image tellement figée, normée, que c'est très facile d'être atypique, en fait. Dès que tu échappes un tout petit peu aux millions de critères qui pèsent sur nous, hop, tu es originale.

  • Speaker #1

    Oui, tu as raison. Non, tu as raison. Est-ce que cette posture d'écoute, parce que tu as une posture d'écoute aussi, les échanges se font de manière écrite pour le témoignage encore heureux ? Mais tu as quand même une posture d'écoute toi, parce qu'il y a des allers-retours qui se font avec la personne qui est interviewée. Mais est-ce que tu dirais que cette posture d'écoute, elle t'apporte à toi des choses par rapport à tes réflexions, sur ton propre rapport au corps, etc., même si les histoires sont différentes de la tienne ?

  • Speaker #0

    Ça a clairement été un déclencheur pour moi. Je pense que j'en étais peut-être à... Là, j'en suis à quasiment l'épisode 37 ou 38. Je pense que c'est autour de l'épisode 10 où j'ai fait une interview avec une femme qui me racontait les années 90. Et là je me suis dit ok, en fait, il y avait trop de choses qui résonnaient vis-à-vis de moi, et pourtant je sais qu'on en parle souvent de cette époque-là et d'où on vient, etc. Rien de neuf peut-être, mais les mots qu'elle avait posés là-dessus... Sa manière de les décrire, ça m'a fait prendre conscience de beaucoup de choses que je pensais évidentes, que je n'avais pas regardé avec du recul. Donc, à partir du moment où j'ai fait cette interview-là, j'ai commencé à réfléchir à... Pardon, je souris parce qu'il y a ton chien qui est endormi au creux de ton coude et il est tellement, tellement mignon.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le gros dodo là.

  • Speaker #0

    Ah ouais, trop chou. Et donc à partir du moment où j'ai reçu ce témoignage, je me suis dit mais j'ai envie de raconter tout ça moi aussi. Pas la même chose parce qu'on n'a pas eu le même parcours, mais à quel point tout ça est puissant, à quel point tout ça est encore là.

  • Speaker #1

    Et utile aussi je trouve.

  • Speaker #0

    Et utile, exactement. Franchement. Et vraiment je ne remercierai jamais assez. Toutes ces 37 femmes dont tu fais partie qui m'ont fait confiance et qui m'ont raconté de manière aussi fouillée et sincère ce qu'elles ont vécu.

  • Speaker #1

    Et tu sais, pour la petite histoire, c'était l'année dernière, donc moi, c'était l'année dernière. Et pour la petite histoire, c'était à la même époque, c'était juillet-août où je t'ai envoyé mes réponses. C'est drôle quand même qu'un an après, à la même période, du coup, on se voit et on échange. On échange les rôles.

  • Speaker #0

    Nous sommes les compagnies estivales. C'est vrai, tu parlais de posture d'écoute. Moi, c'est vrai que je suis habituée à...

  • Speaker #1

    On n'a pas parlé de ça.

  • Speaker #0

    Voilà, à écouter. J'écoute le vécu des autres. Je raconte le mien de manière très contrôlée. Je dis ce que je veux dire. J'écris ce que je veux écrire. Il n'y a personne qui me relie parce que c'est publié sur une plateforme. Je fais quand même relire à un copain à moi qui est un homme de 59 ans. C'est important aussi de le savoir. Pour moi, si lui, il l'a senti, ce que j'ai voulu transmettre dans le chapitre, c'est que c'est bon.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas s'il écoutera ce podcast, mais je le sais, lui s'appelle Yves. Donc, moi, j'ai vachement de contrôle dans le choix de mes mots. Et du coup, pour moi, l'exercice qu'on fait aujourd'hui, il est vraiment assez inédit parce qu'interagir... chercher justement à penser à voix haute, chercher les bons mots, c'est quelque chose dans quoi je ne suis pas du tout au quotidien, ni en tant que journaliste, ni en tant qu'auteur. Donc merci de renverser la chaise.

  • Speaker #1

    Merci de m'admettre à cet exercice, et qui n'est pas évident en plus, c'est-à-dire de formuler une pensée claire, qui reflète précisément ce qu'on ressent, ce qu'on pense, etc. Ce n'est pas si évident que ça à faire. écoute je voudrais qu'on termine sur cette thématique du corps et du soin comment est-ce que toi tu prends soin de ton corps au quotidien ça peut être aussi en lien avec les saisons parfois

  • Speaker #0

    les femmes ont des pratiques quand on change de saison etc quels sont tes outils vraiment mon obsession c'est de ne pas être fatiguée donc Merci. Donc je vais vraiment trouver toujours le temps d'aller me coucher suffisamment tôt pour avoir mon quota de sommeil. Mais je ne vais pas trouver le temps d'aller faire du sport.

  • Speaker #1

    C'est une question de priorisation.

  • Speaker #0

    Voilà. C'est-à-dire qu'il y a un truc qui est... C'est certainement cette histoire de corps performant avec laquelle je me bagarre encore un petit peu et de me dire que je ne vais pas prendre de plaisir, que ça ne va pas être source de plaisir alors qu'aller se coucher... C'est un plaisir. Oui, oui, bien sûr. Voilà, c'est immédiat. Donc, il y a ce truc-là. Donc, il y a ce truc par rapport au sommeil qui est le premier soin. Encore une fois, le moins indolore. Tu ne pousses pas dans tes retranchements en allant te coucher.

  • Speaker #1

    Et tu parlais tout à l'heure de troubles du sommeil. Tu es sujette, du coup,

  • Speaker #0

    des insomnies. Oui, oui, oui. Je suis hyper vigilante. Donc, c'est-à-dire que le moindre son me réveille. Je mets beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à me rendormir. Par rapport à mon compagnon qui est un ancien pompier volontaire et qui donc se rendort sur commande. Forcément, tu t'es appris à fonctionner comme ça. Depuis que j'ai 40 ans, je dirais que le maquillage est vraiment devenu central. Parce que je me réveille avec... Finalement, tout gravite autour du sommeil dans le soin chez moi. Je me réveille avec cette tête, c'est Florence Foresti qui, dans ses bonnes années, avait fait un sketch là-dessus sur le fait que tu te réveilles avec la gueule plus fatiguée le matin que la veille au soir en allant te coucher. Donc j'ai franchi ce cap. Du coup, le soin, du maquillage est vraiment un truc dans lequel je trouve plaisir, créativité, expression de moi-même. déploiement.

  • Speaker #1

    Donc tu changes tous les jours de make-up ?

  • Speaker #0

    J'apprends beaucoup par rapport à ma physionomie. En termes de colorimétrie, ce qui vraiment va me donner le plus d'éclats. Je ne veux pas dire que je suis éclatante au quotidien, mais en tout cas, c'est ce que je vise. Ce que je vise, c'est non pas un certain... type de beauté ou une certaine tendance de beauté mais à avoir l'air le plus frais possible donc ça c'est vraiment les deux trucs principaux après l'hydratation du corps à mort, donc intérieur extérieur, ça c'est non négociable je prends le temps après chaque douche de me crémer de la tête aux pieds je bois 2 à 3 litres par jour sans problème, ça y a vachement de... voilà C'est même pas de la rigueur, c'est-à-dire que ça vient naturellement. Et ensuite, sur les soins qui peuvent être plus ponctuels, là, je tombe dans cet écueil de je suis dans le mental, je suis dans ma tête. Si je vais faire un massage, je vais avoir 12 000 idées de papier, de boulot pendant le massage, donc je vais pas en profiter. Donc j'essaie de pas y mettre trop d'argent parce que, voilà, je suis à un stade de ma vie où j'en profite pas réellement. Et j'ai pris l'option bien-être de ma mutuelle pour avoir une petite enveloppe annuelle qui est trop petite à mon goût d'ostéopathie, diététicienne, tous ces trucs-là qui font partie des moments que moi j'aime bien m'accorder. Je trouve ça dingue que ce soit une histoire de bien-être et que ce soit plafonné. Mais bon, toujours est-il que... Je sais que je consacre plus d'argent à financer mes éventuels problèmes de santé via ma mutuelle, parce que je ne suis pas salariée, donc tu le sens vraiment directement plein pot sur tes finances. Après en avoir pris une planchée, je me suis dit que je mets une certaine somme pour me dire que je peux avoir des problèmes de santé, c'est couvert, et je prends soin de moi de cette manière-là, en étant déjà dans le budget. Et de me dire que c'est une bonne manière de dépenser mon argent. Même si quand tu fais le calcul, tu vois que tu ne t'y retrouves pas.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais ça peut paraître débile ou aller de soi, mais je pense que pour les gens qui bossent en indépendant, le choix de la mutuelle et l'entente de la mutuelle, c'est un sujet.

  • Speaker #1

    Et pour le mental, est-ce que tu fais des choses ? La méditation ?

  • Speaker #0

    Mais jamais ! C'est mon idée de l'enfer, la méditation. C'est-à-dire que... Je sais, hein. à quel point c'est pas possible de dire ça que juste je passe à côté d'un immense plaisir et qu'un jour peut-être je changerai d'avis c'est mon idée de l'enfer, de l'enfermement voilà j'ai vécu une adolescence un peu sous cloche, j'avais pas le droit de sortir donc j'ai eu une vie intérieure très riche on va dire ce qui fait que ça bouillonne dans ma tête en permanence Oui. Et me demander de ne plus penser à rien, c'est juste la négation de mon fonctionnement profond, de la manière dont j'ai été élevée, de la place que je pouvais prendre dans l'espace public, la plus réduite possible parce qu'on avait peur pour moi et donc je restais chez moi, je ne me baladais pas dehors. Et je remarque souvent un lien entre, alors je me gourre peut-être, mais les femmes qui font de la méditation. Ce sont souvent des femmes qui vont faire du sport à l'extérieur, qui ont cette pratique-là que moi je n'ai pas. Et donc voilà, pour moi, l'idée de m'enfermer avec mes pensées qui déjà m'empêchent de dormir, alors je sais, si j'y arrivais, je dormirais mieux, etc.

  • Speaker #1

    Bon après on sait pas.

  • Speaker #0

    Voilà. Bon, il paraît.

  • Speaker #1

    Et peut-être des activités créatives, parce que tu vois, en fait, prendre soin de son psychisme, bon, heureusement il n'y a pas que la méditation. Mais ça peut être aussi, je sais pas, des activités créatives, ça peut être de la lecture aussi,

  • Speaker #0

    c'est une forme... Alors, la lecture, ça réinitialise de dingue, j'essaie de vraiment...

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