- Speaker #0
Bonjour, je suis Maud Bernos, photographe depuis longtemps et podcasteuse depuis maintenant, et je vous propose d'écouter Des Clics, un podcast dédié aux femmes photographes. Pour l'enregistrement de ce douzième épisode, je reçois la photographe Flore Prebay. Avant cette rencontre, je ne connaissais pas Flore. C'est un vrai coup de foudre de photographie qui m'a menée jusqu'à elle. Un jour, en feuilletant un magazine, je suis tombée sur ses photographies. Des photographies d'une douceur rare, des photographies intemporelles, des photographies qui semblaient sortir d'un rêve, des paysages à couper le souffle, de temps en temps une silhouette, des tons pastels, une lumière diaphane, un caractère pictural. C'était lunaire et énigmatique. J'ai tout de suite été envoûtée par cette ambiance si particulière et par cette sensation presque tactile. Les photos de flore, on a envie de les toucher. En me plongeant dans l'article, j'ai découvert que cette série s'intitulait « Deuil blanc » et j'ai tout de suite été interpellée par ces deux mots « deuil blanc » . Il s'agit du deuil silencieux, où la personne que l'on aime est encore là physiquement, mais ne l'est plus tout à fait mentalement ou affectivement. Et tout dans ce travail m'a semblé profondément poétique, comme une tentative de saisir ou peut-être de retenir la vie qui s'efface doucement. J'ai ressenti une urgence presque instinctive, celle de rencontrer Flore et de lui donner la parole dans des clics. Nous nous sommes retrouvés à la galerie Fichail, située non loin du canal Saint-Martin à Paris. Tess, responsable de la galerie, était là, là-haut, discrètement installée sur la mezzanine, derrière son ordinateur. C'est dans cette galerie que Flore expose sa série d'œil blanc depuis le 16 octobre et jusqu'au 30 novembre. Il faisait encore doux dehors, nous venions tout juste de passer à l'heure d'hiver. Nous nous sommes assises autour d'une grande table en bois qui trône au centre de la galerie. Tout autour, les photographies de flore nous enveloppaient silencieuses mais puissantes. Par moments, on devinait le souffle de la rue filtrant depuis l'extérieur, juste assez pour rappeler que la vie continuait derrière les murs, tandis que là, dans cette parenthèse suspendue, L'entretien pouvait commencer. Bonjour Flore, pour commencer cet enregistrement de déclic, pourrais-tu me dire à quoi ressemblent tes nuits et qu'est-ce qui t'empêche de dormir la nuit ?
- Speaker #1
Ah là là, ce qui m'empêche de dormir la nuit ? Je dors plutôt bien la nuit, mais je dirais plutôt... Oui, des obsessions entre l'absence, présence. Ça m'intéresse beaucoup l'invisible, en fait, de manière générale. Je pense que ça se ressent dans le travail. Et donc, parfois, quand je m'endors la nuit, je vois un petit peu des araignées ou des hallucinations. Et je me réveille et je me dis, oula, qu'est-ce que c'est que ça ? Mais non, après, pas trop d'empêchement de dormir la nuit.
- Speaker #0
Et est-ce que tes nuits t'inspirent ? pour ton œuvre photographique ?
- Speaker #1
Oui, je suis beaucoup plus productive la nuit. Je ne dors pas tant que ça. Je suis plutôt une personne qui se couche à 3h du matin et qui se réveille plutôt à 10h. Ça dépend des moments.
- Speaker #0
Donc, tu es du soir.
- Speaker #1
Voilà, plutôt du soir. Donc, j'aime bien retoucher la nuit, travailler la nuit, avoir un petit peu ce calme environnant que je trouve très agréable et très apaisant où le téléphone ne sonne pas.
- Speaker #0
Ou le monde d'or.
- Speaker #1
Voilà, exactement.
- Speaker #0
Comment es-tu devenue ce que tu es ? Quel est ton parcours ?
- Speaker #1
Alors j'ai fait un bac littéraire et je voulais absolument travailler dans l'artistique, donc initialement je voulais faire du théâtre. J'ai fait un parcours, un bac moitié théâtre, moitié études normales. Et j'ai fini par prendre des photos au théâtre, où la photographie a pris plus de place que le théâtre en soi, et je faisais des photos de mes... camarades de classe, au théâtre. Et finalement, à la fin de mon bac, j'ai dit non, en fait, je veux faire une école de photo et plus une école de théâtre, donc revirement de situation. Et je suis partie à l'école de Condé, où j'ai étudié pendant trois ans la photographie et j'ai été diplômée il y a cinq ans. Et ensuite, j'ai continué à photographier, photographier, c'était très important pour moi. pour moi de photographier ce qui m'entoure, de travailler un petit peu tous les sujets qui me tiennent à cœur dans mon quotidien. Et puis ensuite, j'ai monté... J'ai un studio photo qui s'appelle le Studio des Polis, qui est un studio de production et aussi où on fait des shootings de mode. Et dans ce studio, j'ai commencé à créer des séries plus personnelles. Et là, depuis cette année, j'ai un atelier d'artiste à la Maison des Artistes, où là, je peux vraiment passer mon temps à créer mes séries personnelles.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux me parler de ton lien avec la photographie de mode ?
- Speaker #1
Alors moi, en fait... Justement, quand je suis sortie d'école, je travaillais beaucoup avec des modèles. J'ai proposé au prix Picto de la mode en 2023 une série sur la dysmorphophobie, qui était une série qui parlait vraiment des dérives du milieu de la mode.
- Speaker #0
Qu'est-ce que la dysmorphophobie ?
- Speaker #1
La dysmorphophobie, c'est quand on se perçoit autrement qu'on est. C'est un trouble mental où réellement les personnes se trouvent par exemple avec un très gros nez alors que personne d'autre ne le verrait ou alors se sentent plus grosses qu'elles ne le sont ou à l'inverse se sentent plus maigres qu'elles ne le sont. Enfin en tout cas ont eu une perception de leur corps qui n'est pas du tout telle qu'elle. Et les réseaux sociaux je trouvais, en tout cas c'est ce que j'ai voulu dénoncer dans cette série. montrait vraiment, nous montre avec des filtres, nous montre plus du tout tel que nous sommes aujourd'hui. Et la mode participe aussi à ces aspects négatifs qu'on peut avoir sur nous-mêmes. Et donc je trouvais ça très challengeant de présenter une série sur ça dans un concours de la mode. Et c'était un peu ça passe ou ça casse. Et finalement j'ai été sélectionnée au prix et j'ai pu présenter mon travail au Palais Galliera, musée de la mode. Et c'était super chouette cette expérience-là, de pouvoir interroger sur ces dérives-là que je vivais au quotidien avec mes modèles de mode qui me rapportaient des histoires très compliquées. Et je me suis dit, moi en tant qu'actrice de la photographie, je fais partie de cette machine en fait, indirectement en sélectionnant des modèles avec une certaine taille, une certaine forme. Je fais partie de cette machine et je me dois donc d'en parler et d'interroger sur ça. Et donc c'était parti vraiment de là. Donc pas directement sur la mode en soi, mais en tout cas essayer de travailler là-dessus. Et puis en fait, au fur et à mesure du temps, j'ai plus envie par contre de travailler dans une grosse machine qui pouvait heurter mes valeurs, on va dire ça comme ça.
- Speaker #0
Flore, est-ce qu'on pourrait maintenant passer à ta série D'œil blanc ? J'aimerais bien que tu me racontes la genèse de cette série où le fond et la forme sont essentiels et fondamentaux.
- Speaker #1
Alors, c'est une série que j'ai commencé à faire, en tout cas qui a été créée à l'été 2024. C'est une série où je suis partie en Islande, en van, avec une amie. Et en fait, initialement, je devais partir en Islande avec ma mère. Ma mère n'a pas pu nous suivre dans ce voyage parce qu'elle a été diagnostiquée d'une démence frontotemporale. Donc une démence frontotemporale, c'est une démence en fait avec des... Oui, voilà, comment dire ? La mémoire qui s'effrite, mais pas un Alzheimer ou quelque chose comme ça. C'est vraiment juste les choses du quotidien qu'elle... qu'elle ne pouvait plus comprendre, un crayon ça sert à écrire, des choses très simples. Où j'ai commencé à la perdre progressivement et est venue cette idée de deuil blanc, donc du deuil avant le deuil où la personne est là mais elle n'est plus là. Et quelques mois plus tard elle a été diagnostiquée également de la maladie de Charcot. Et en fait cette série en Islande, j'ai fait un petit peu l'apologie de ce deuil-là. où j'ai voulu traiter de la disparition progressive de ma mère, mais ça ne m'est pas apparu tout de suite, pas du tout. Initialement, je me suis dit, je pars en Islande, je fais un portrait du pays, je parle du territoire, enfin quelque chose de vraiment différent. Et en fin de compte, c'est vraiment le portrait de ma mère qui m'est apparu. Et donc j'ai dit à mon amie Chloé, de poser pour moi comme une représentation de ma mère. Et ça m'est venu plutôt à la rentrée des photos, donc pas directement sur place, où là j'ai vu des pleins, j'ai vu des vides dans les images que j'ai voulu combler avec du papier artisanal qui est fait par mon oncle, qui est artisan papetier, parce que je travaille entre la photographie, le papier artisanal et la peinture, parce que chaque tirage est repeint à la main. Et puis, ce travail a été fait sur plusieurs semaines, en tout cas de prise de vue du paysage islandais. Et quand je suis rentrée, j'avais un tas de feuilles qui traînaient chez moi, artisanales, que mon oncle m'avait données pour mon mariage. Et donc, trois ans plus tôt, j'avais jamais ouvert le paquet. Et finalement, j'ai fini par l'ouvrir. et je me suis dit ça marcherait super bien, on va tester avec ça. Et donc je l'ai appelé et puis finalement on a travaillé ensemble sur la série en disant il faudrait plutôt de ci, de ça, donc on a créé le papier. Et puis j'ai commencé à faire des tests et j'ai eu la chance d'exposer au salon Approche, Unrepresented. Et donc ça a été aussi une révélation de travailler des médiums différents de la photographie. Sachant que dans ce salon, il n'y a que des photographes qui travaillent avec différents médiums, qui ne sont pas que de la photo. Et donc ça m'a encore ouvert une nouvelle fenêtre sur ma pratique photographique.
- Speaker #0
J'avais lu que ton oncle était artisan papetier, et rien que le terme est assez magique. Et j'ai l'impression du coup qu'il y a aussi une histoire de filiation, non seulement à travers la thématique, à travers le deuil blanc, mais aussi à travers le papier et la forme, puisque c'est...
- Speaker #1
Complètement. Le papier fait vraiment partie de l'œuvre. C'est vraiment une extension de l'œuvre et pas seulement le support. Et mon oncle, Frédéric Gironde, de Ruscompepe, je précise quand même, c'est important. il travaille depuis des années le papier, il travaille plutôt avec des institutions il ne travaille pas directement avec des artistes, en tout cas pas des photographes et ça a permis aussi d'ouvrir un champ de possibles hyper intéressant et de questionner aussi la longévité du papier, est-ce que ça va bien prendre dans le temps, il y a eu plein de questions qui se sont posées et avec ce support qui n'est pas en tout cas pas du tout expérimenté Merci.
- Speaker #0
Il a contribué directement à l'œuvre, parce qu'il a choisi avec toi les papiers qui pouvaient correspondre à telle ou telle image, ou pas jusque-là quand même ?
- Speaker #1
Non, pas trop, parce que c'était vraiment moi qui interrogeais ça. Donc non, en fait c'est mon oncle qui a choisi, on va dire, deux bases, des teintes de papier, qui a travaillé son papier initialement. Et moi, je suis venue faire des thèses pour savoir comment ça allait répondre à mes photographies. Et lui ne connaissait pas les photographies avant. Donc, il y a un peu ce lien-là.
- Speaker #0
Il a contribué, mais oui, en tant qu'artisan papetier.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Et l'expression d'œil blanc, c'est vraiment une expression qui existe ?
- Speaker #1
Oui. Alors, en fait, j'ai trouvé ce terme en cherchant sur Internet, tout bêtement. j'avais besoin de me sentir comprise et de voir un petit peu si d'autres gens ressentaient ça en lien avec cette démence frontotemporale. J'étais sur un groupe Facebook d'aidants de gens pour la démence et il y a une dame qui me dit « Oh là là, quel enfer ce deuil blanc ! » Du coup, ça m'interpelle, je me dis « qu'est-ce que c'est ? » Je cherche sur Internet « qu'est-ce que le deuil blanc ? » et effectivement, c'est une vraie définition. Et en fait, cette définition m'a profondément réconfortée. Ce que j'ai retrouvé dans les mots de cette définition, exactement ce que je vivais avec ma mère, le premier appel qu'on ne peut plus passer parce qu'elle perd sa voix, enfin voilà, plein de petits moments qui nous sont arrachés alors qu'elle est encore là. Et donc c'était très intéressant pour moi d'utiliser cette expression et je la trouvais d'une poésie incroyable. Et surtout, ce qui est fou dans ce travail, c'est que les papiers artisanaux sont colorés et donc il n'y a jamais de blanc dans mes images parce que les blancs prennent la couleur du papier. Et donc appeler le projet d'œil blanc alors qu'il n'y a aucun blanc, je trouvais ça très intéressant d'avoir ce lien-là. Et donc voilà, le deuil avant le deuil d'une personne qui disparaît progressivement, c'était un peu ce que je retiendrais.
- Speaker #0
Il n'y a pas de blanc, mais... Mais il y a de la lumière.
- Speaker #1
Oui, parce que vraiment, c'est important pour moi. Ça, c'est vraiment un pré-chapitre du deuil blanc, où en fait, ce deuil est vraiment venu avant le deuil, où justement, ce n'est pas ce deuil noir où la personne est décédée. Il y avait vraiment encore de la vie, encore de la lumière et plein de choses à vivre à ce moment-là. Et donc, c'était important, je pense aussi, que les images soient colorées, lumineuses. Il y a juste effectivement les deux photos noires. Donc, c'est le glacier et la vague qui s'apparenteraient peut-être au choc de l'annonce.
- Speaker #0
Et tu peins aussi sur tes tirages.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Et est-ce que peindre, c'est une façon de redonner vie ? Parce qu'une image photographique, en principe, c'est figé, c'est fixe. On t'a déjà posé la question.
- Speaker #1
Non, non, non, même pas.
- Speaker #0
Est-ce que... Oui, t'as compris ma question. Oui,
- Speaker #1
j'ai compris la question. Mais effectivement, l'idée de peindre, en tout cas pour D'œil Blanc, c'était génial pour moi parce que ça me permettait de passer du temps avec chaque photo, avec chaque souvenir et réfléchir vraiment aussi au-delà de la photographie figée. C'était surtout passer du temps avec ma mère, directement, passer du temps avec chaque image, réfléchir à ce que ça voulait dire, pouvoir les nommer. leur trouver un titre et vraiment s'accaparer de l'objet. Et comme je ne fais pas d'argentique directement, je ne passe pas du temps dans les bains, en mettant les mains dans l'eau. J'avais envie que ça sorte de l'écran, qu'il y ait de la texture, de retrouver vraiment un objet photographique et pas seulement une photographie qu'on voit sur un ordinateur. Et l'objet photographique devient une obsession réelle, je pense, dans mon travail. Là, même pour mes prochaines séries, j'aurais envie de sculptures photographiques, j'aurais envie d'aller encore plus loin dans la matérialité, à la limite de l'art contemporain finalement. Et vraiment, l'idée de peindre sur cette série, ça m'a permis de passer du temps avec ma mère, je pense. Et de faire ce deuil blanc, indirectement. Je pense qu'il y a de ça.
- Speaker #0
Et combien de temps tu as passé avec ta mère à peindre, justement, dans ton atelier ? Ou combien de temps tu as passé sur cette série après l'avoir photographiée en Islande ?
- Speaker #1
Franchement, j'ai passé huit mois, je pense. Vraiment huit mois de travail entre la sélection des images. tester les supports, savoir ce que j'allais en faire parce qu'au départ je partais sur un portrait du pays donc je me suis bien égarée. Finalement ça m'a sauté à la figure en fait que c'était mon deuil et que c'était pas du tout du tout le portrait du pays. Et puis la peinture, il a fallu beaucoup de tests pour savoir entre l'aquarelle, est-ce que le papier allait bien boire la peinture, comment fixer, plein de questions techniques en fait et toujours un geste qui vient par contre instinctivement. et où je ne réfléchis pas du tout les photos. Pour le coup, je ne me suis jamais fait un croquis en avance. Ça a toujours été instinctif. Je suis très à la one again sur tout ce que je fais. Et donc, il n'y a pas vraiment un procédé. Une fois que j'ai compris comment ça marchait pour moi, je me suis mis un petit protocole, mais sans vraiment l'avoir dans ma tête. C'était vraiment plus instinctif. Et je dirais... tout mis bout à bout entre le livre d'artiste qui m'a pris un temps fou. C'est surtout ce livre-là qui m'a vraiment pris beaucoup de temps. Je dirais huit mois de travail.
- Speaker #0
Et tu es rentrée d'Islande, tu as travaillé huit mois sur cette série. En fait,
- Speaker #1
elle était exposée à Approche en avril et j'ai continué à travailler la série même pendant l'expo, même après l'expo où là j'ai pu proposer pour cette exposition à l'affiche Aiguerré, des nouveaux tirages aussi.
- Speaker #0
D'accord, oui, ça s'est fait très très vite.
- Speaker #1
C'est encore en train de maturer, de continuer sur d'autres choses. Après, j'essaye de pas trop la continuer, cette série, d'œil blanc en tout cas, parce que c'est plus mes sentiments du moment. Et donc, parce que ma mère est décédée en juin. Et du coup, il n'y a plus lieu d'œil blanc, en tout cas.
- Speaker #0
Et est-ce qu'elle a vu ? Est-ce qu'elle a participé à sa façon à cette série ? Elle a vu, elle a compris ce que tu faisais ou pas du tout ?
- Speaker #1
Elle a compris que j'exposais à Approche. Et elle était très fière que j'expose mes photos, on va dire ça plus dans ce sens-là. Où elle a dit, wow, trop bien, tu vas faire une exposition. Elle n'a pas forcément compris que ça parlait d'elle au départ. Et puis après, je pense, elle a dû comprendre. Parce que je lui avais envoyé un SMS. où je faisais une lecture de portfolio, et je lui ai dit, je vais présenter un projet sur toi, plein d'amour, j'espère qu'un jour tu verras le projet, etc. Et elle m'avait juste répondu, je t'aime, tout simplement. Et je pense que là, elle a compris que je parlais d'elle. Et puis elle avait l'habitude aussi que je fasse des photos, je lui avais demandé en avril, donc elle avait été diagnostiquée en avril 2024. Et j'avais commencé à faire des photos de reportages d'elle. Et donc avec son accord, je l'ai photographiée jusqu'à la fin, où on la voit réellement. On verra si je sors ce projet-là ou pas, mais je ne pense pas, puisqu'il est un peu en pudique. Mais en tout cas, j'ai fait beaucoup de photographies d'elle, donc elle savait que je travaillais sur elle et sur sa maladie. Et elle était plutôt ok avec ça, parce que ça a toujours été ma manière de communiquer. Donc voilà.
- Speaker #0
Mais justement, tu viens de dire le mot, je crois que tu as utilisé le mot pudique ou impudique, je sais pas. Mais c'est ce qui est magique et frappant et magnifique dans cette série, c'est que c'est justement une série sur le deuil blanc et que c'est pas du tout impudique. On devine des silhouettes de temps en temps dans un paysage assez lunaire. tout sauf impudique et voyeuriste.
- Speaker #1
C'était vraiment mon leitmotiv, c'était vraiment de dire que je voulais en faire de la poésie, avoir quelque chose de très poétique, très onirique et pas du tout dans une démarche fondale ni documentaire sur sa maladie. Je voulais vraiment questionner cette fragilité de l'existence à travers ces photographies-là. Et là, je vais exposer prochainement une autre série qui s'appelle La salle d'attente. qui est une série de photos...
- Speaker #0
C'est marrant parce que... Excuse-moi, je te coupe, parce que justement, j'avais une question, je ne savais pas si j'aurais le temps de te la poser là-dessus, parce que j'ai vu des photos qui s'appelaient La salle d'attente et je ne savais pas si c'était lié ou pas.
- Speaker #1
Voilà, justement, en fait, j'ai fait un travail... qui s'appelle la salle d'attente, qui était en soins palliatifs, où ma mère est décédée en juin, où j'ai été avec elle jour et nuit pendant trois semaines. J'ai fait des photos d'elle, directement, plus frontale. Et le lendemain de son décès, je suis partie à Biarritz. Et j'ai fait des photos à Biarritz, de la mère, etc. C'est une série qui va mélanger des photos de ma mère dans cette salle d'attente à attendre son décès. et la plage, parce que c'était un endroit où elle se sentait super bien. Et donc, c'est une fusion vraiment de ces deux photos-là, enfin, de ces deux temps-là. Et c'est vraiment le passage vers la suite de son voyage. Et donc, je voulais redorer un peu l'image des soins palliatifs, parce que j'avais l'image, quand ma mère est rentrée en soins palliatifs, c'était très... Je voyais les photographies en noir et blanc, avec des iscares, enfin, je voyais des choses... terrible dans ma tête, alors qu'en fait, pas du tout. Nous, on a été super bien accompagnés. C'était un moment très poétique. J'ai pu descendre son lit dans le jardin. Enfin, c'était super beau et les images sont justement assez poétiques et pas, j'espère, pas voyeuristes. Et là, je vais me tenter à l'exercice effectivement de les montrer plus frontalement. Et donc, ce sera le deuxième chapitre de David Blanc, ce sera la salle d'attente. Et puis ensuite, on clôturera, j'imagine, ce chapitre sur ma mère.
- Speaker #0
Est-ce que pour toi, créer est une façon de traverser ?
- Speaker #1
Oui, complètement.
- Speaker #0
Et de se détacher peut-être ou d'apprivoiser ?
- Speaker #1
C'est ça. En fait, ce qui m'a beaucoup aidée justement, que ce soit Jeanne Garnier pendant les soins palliatifs et tout ça, c'est vraiment d'avoir comme un écran entre une réalité et ce qu'on traverse vraiment. Et donc, c'est très intéressant pour moi d'avoir l'appareil photo et puis pouvoir revenir dessus et faire un témoignage que ça a existé. Parce que justement, on le disait tout à l'heure, la temporalité était très courte. En fait, elle est décédée en moins d'un an. Et en fait, ce temps-là, on a l'impression de l'avoir soufflé et de se dire « Waouh, ça n'a pas existé » . Mais grâce à mes photographies, en tout cas pour moi, j'ai l'impression d'avoir donné ce temps-là et de pouvoir dire... comme si j'avais... témoigner de ces moments qui ont existé comme la salle d'attente par exemple avoir vraiment ces trois semaines en palliatif, c'est passé très lentement et c'est passé très vite et le fait d'avoir des photos qui témoignent de ce moment là je pense que ça m'a beaucoup aidé à traverser les choses et la faire exister aussi à travers ces projets photographiques ce que j'ai fait le livre d'artiste qui a été acquis à la BNF par Héloïse Knessa. Et donc le fait de savoir que ma mère est à la BNF, ça la rend éternelle. Donc il y a aussi ces choses-là qui m'ont beaucoup aidée pour traverser la vie. Et de manière générale, tous les sujets que j'ai faits, même pour mon diplôme et tout, c'était des sujets intimes et qui me permettaient de traverser des périodes de ma vie. Et je pense que je vais continuer dans cette voie-là, puisque ce projet m'a permis de me retrouver aussi. en tant que photographe, a des valeurs que j'avais depuis le départ.
- Speaker #0
Est-ce que la photographie est aussi une façon de traverser ? On en a parlé. Mais est-ce que c'est aussi une façon de t'engager et de te prononcer par rapport à des thématiques fortes comme la dysmorphophobie, que je ne connaissais pas avant de te rencontrer, la maladie, la... Je crois qu'en plus, il y a un vrai engagement par rapport à une association pour la maladie de Charcot. Oui, complètement.
- Speaker #1
C'est bien qu'on en parle, ça. Effectivement, mon travail, il faut que pour moi, ça ait du sens. Et ça ait du sens au-delà de faire des belles photos. C'est important pour moi d'avoir vraiment un sens dans le travail, que ce soit engagé. Pour dénoncer les travers de la photographie de mode, mais pas directement la mode, mais plutôt le regard que la société nous porte et nous... nous empêche du coup nous de nous apprécier nous-mêmes au travers par exemple de la dysmorphophobie et pour le projet pour ma mère c'était important pour moi qu'ils vendent deux tirages en lien avec la galerie Fichail soit reversés aux invents cibles à Olivier Gouin et Virginie Gouin qui luttent tous les jours pour la recherche pour la maladie de Charcot puisque Olivier est atteint aussi de la SLA Merci. Et donc, leur combat est magnifique et les dons de l'association sont reversés à l'Institut du cerveau pour la recherche. Et moi, ça me semblait complètement, hyper important que ma série puisse, d'une manière ou d'une autre, résonner avec ça. Et oui, je pense qu'on peut dire que là-dessus, je suis assez engagée, même pour la salle d'attente. On verra pour la suite, mais je pense que... dans la question des soins palliatifs, se pose aussi la question du choix du décès qu'on a envie d'avoir ou pas. Et ça, c'est des choses dont je parlerai dans mes prochaines séries, oui, je pense.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux me présenter ton livre d'artiste, me parler de ton livre, de la confection de ton livre ? J'imagine que tu as travaillé dans les mêmes types de conditions que pour ta série photo qui est exposée. Mais je précise juste que, d'après ce que je sais, c'est un livre qui existe en 5 exemplaires ou même pas ?
- Speaker #1
Plus que ça. En fait, c'est un livre qui sera en 30 exemplaires au total et qui est fait... par, en fait ce sont des lots de 5 à chaque fois que je réapprovisionne on va dire donc la particularité de mon livre c'est que chaque tirage est peint à la main dans le livre et chaque papier est différent selon chaque exemplaire et ce sont des papiers qui sont qu'on peut retrouver dans l'exposition ou alors des variantes en fonction du papier utilisé la photographie ne raconte pas la même chose et cette maladie étant très instable et bien en fait ça répondait ... complètement au sujet et donc le fait d'avoir un livre pour moi c'était important parce que c'est intime et donc c'est finalement le meilleur objet pour pouvoir définir cette présenter cette série et un livre on a le choix, soit on le regarde soit on le ferme et on le laisse dans sa bibliothèque ça c'est quelque chose qui m'a toujours attirée et je voulais un livre d'artiste et pas un livre générique là j'aimerais bien faire un livre générique pour la série Mais à l'époque, j'avais vraiment envie d'un livre d'artiste où on comprenne le savoir-faire du papier, chaque tirage peint à la main. C'était quelque chose où j'avais envie de passer du temps sur cet objet, comme le reste de l'exposition, et j'avais envie de vraiment me livrer dans cet objet-là. C'est un livre qui a été fait avec Laurel Parker. Laurel Parker, qui est une dame incroyable, qui travaille avec des papiers japonais. des papiers du washi des papiers particuliers et elle a accepté de travailler sur le projet et de faire la relure du livre donc c'était top parce que moi j'avais des tirages qui n'étaient pas forcément au bon format c'était compliqué de tout assembler en tout cas j'avais pas forcément cette envie là et donc elle a mené le projet d'assembler chacun de mes tirages qui sont faits à la main dans le... dans une collection de 30 livres uniques par lot de 5.
- Speaker #0
Il est magnifique. En fait, c'est vraiment une œuvre d'art. Oui, c'est vraiment une œuvre unique. Tu m'as dit que je n'étais pas obligée de mettre les gants, mais du coup, je n'ose pas toucher le papier.
- Speaker #1
Et par exemple, cette photographie-là, qui est le glacier, elle est sur du papier clair dans le livre et toujours du papier foncé dans l'expo. Donc, ça n'a rien à voir en termes d'un rendu. Et c'est la même photo et il n'y a absolument pas de retouches différentes. Et donc je trouve ça assez dingue de voir comment le papier enflue l'image. Et c'est là où je reviens à ce que je disais, où c'est une extension de l'œuvre et pas seulement le support.
- Speaker #0
J'ai envie de finir dans la joie et la bonne humeur aujourd'hui. Parce que le monde qui nous entoure est bien trash. Est-ce que tu pourrais me partager quelques-uns de tes petits bonheurs ?
- Speaker #1
Mes petits bonheurs ? c'est beau dit comme ça j'aime beaucoup la notion mes petits bonheurs j'ai deux chiens que j'adore j'ai un bouvier bernois et un cavalier king charles qui sont vraiment deux gabarits complètement différents et le fait de me lever le matin et de sortir de mon lit je suis dans les combes et quand je descends l'escalier j'ai les deux qui sont hyper contents de me retrouver et tous les matins c'est vraiment J'ai cette fête vraiment gratuite de ces deux chiens que j'adore en fait. J'aime trop cette sensation de rentrer et d'avoir un peu cet amour inconditionnel qui m'entoure. Ça c'est vraiment mon bonheur du matin. J'ai hâte de me lever pour juste avoir ce petit câlin du matin. Ça c'est un petit bonheur que j'ai. J'aime beaucoup aussi... Avoir ma Kindle dans mon sac tous les jours, mon livre dans les transports, prendre le temps tranquillement. J'aime beaucoup prendre le métro, alors ça peut paraître un petit peu étonnant, mais j'aime beaucoup ces trajets un peu à rallonge qui sont mon quotidien, où je peux juste me plonger dans un livre, écouter de la musique, être un peu coupée pendant ces trajets de métro. J'ai la chance d'être au terminus des lignes, donc souvent j'ai une place assise, ce qui fait que le trajet est plus agréable. Mais voilà, c'est des petites choses bêtes du quotidien qui peuvent être un peu... Des petits bonheurs. Voilà, des petits bonheurs, exactement.
- Speaker #0
Et bien voilà, on finit avec les petits bonheurs de Flore.
- Speaker #1
Le métro, les chiens et la Kindle.
- Speaker #0
C'est pas mal.
- Speaker #1
C'est pas mal.
- Speaker #0
Merci infiniment Flore. Merci à toi. Merci à toi pour ce moment avec toi. On peut retrouver ton travail sur Instagram, sur ton site et surtout en ce moment à l'affiche iGallery jusqu'au 30 novembre et... à la BNF pour voir le livre d'artiste magnifique.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Merci beaucoup, beaucoup.
- Speaker #1
Merci à toi.
- Speaker #0
Merci beaucoup d'avoir écouté ce nouvel épisode de Déclic. Je remercie particulièrement Flore Prebet pour sa confiance et ses mots, Tass et la Galerie Fichail pour leur accueil chaleureux et bien sûr Léa Chevrier pour le mixage. Merci à vous toutes et tous qui écoutez régulièrement ce podcast qui me tient vraiment à cœur. auquel je dédie beaucoup de temps et que je souhaite diffuser le plus longtemps possible. Si vous souhaitez me soutenir, laissez-moi un avis avec plein d'étoiles sur les plateformes de podcast, telles que Apple Podcasts. C'est simple, rapide et ça peut vraiment m'aider. À bientôt !