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#3 ANAÏS OUDART cover
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DES CLICS

#3 ANAÏS OUDART

#3 ANAÏS OUDART

35min |04/02/2025|

310

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DES CLICS

#3 ANAÏS OUDART

#3 ANAÏS OUDART

35min |04/02/2025|

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Description

Des Clics, Conversations avec des femmes photographes est un podcast pour célébrer la force et l'unicité du regard féminin dans la photographie contemporaine.

Dans ce nouvel épisode, je reçois la photographe Anaïs Oudart.

Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social.

Elle s’est formée à l’école des beaux arts de Bordeaux puis au studio Rouchon à Paris et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude ou Denis Rouvre.

Elle est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes.

Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparait derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite happée par l’intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaitra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L’enregistrement peut commencer. 

Site internet d'Anaïs : www.oudartanais.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Maud Bernos, photographe depuis longtemps et podcasteuse depuis maintenant,

  • Speaker #1

    et je vous propose d'écouter Déclic,

  • Speaker #0

    un podcast dédié aux femmes photographes. Nous y parlerons photographie, bien sûr, mais aussi création, parcours, influence, obsession, combat et désir. Tous les mois, je recevrai une photographe qui nous dévoilera son parcours de création, sa vision du féminisme et ses engagements en tant que femme photographe. Aujourd'hui, je suis très heureuse d'accueillir à mes côtés la photographe Anaïs Oudard. Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social. Elle s'est formée à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux, puis au Studio Rouchon à Paris, et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goud ou Denis Roux. Je ne l'avais jamais rencontrée avant cette conversation, mais depuis de très longs mois, je voyais défiler sur mes écrans et sur les murs d'exposition une photo toujours la même, de celle qui nous marque et que l'on n'oublie pas. Le portrait en pied d'une jeune femme, debout sur un socle en bois, majestueuse, la tête haute, les cheveux courts, une canne couleur or à la main et vêtue d'une robe ocre. Il s'agit d'Aéria, véritable muse de la photographe, qui deviendra par la suite sa grande amie. C'est donc grâce à Aéria et à cette photographie issue de la série Héroïne 17 que nous nous sommes rencontrés. Anaïs est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes. Distinguée par de nombreux prix et soutiens, tels que le soutien à la photographie documentaire du CNAP, la grande commande de photojournalisme de la BNF, le prix Caritas Photo Social, le prix Fougi les femmes s'exposent ou le mentorat des filles de la photo, ce travail se décline en trois volets. Le premier volet, Héroïne 17, nous plonge dans l'univers de jeunes filles en situation de rupture familiale. Après avoir connu la rue, où certaines n'ont eu d'autre choix que la prostitution, elle cherche à se reconstruire dans des foyers ou des familles d'accueil. Pour le second volet, L'étreinte du serpent la photographe s'est rendue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo pour aller à la rencontre de femmes victimes de viols comme armes de guerre. Le troisième et dernier volet, Perles d'Ukraine porte sur les abus et violences sexuelles subies par les femmes ukrainiennes depuis le début de l'invasion russe. Ces trois projets, bien que très différents, se sont juxtaposées dans le temps. Les histoires se mêlent, s'entremêlent, se démêlent, à l'image de ses vies. Anaïs les raconte avec autant de gravité que d'humilité. Anaïs les vit avec son âme et ses tripes. Et comme elle le dit si bien, nous sommes tout petits à côté de ces femmes. Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre, pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparaît derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite tapée par l'intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaîtra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L'enregistrement peut commencer. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #1

    Je suis ravie de t'accueillir aujourd'hui dans les locaux de la Cité Audacieuse à Paris.

  • Speaker #2

    Bonjour Maud, merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Pour commencer, j'aimerais savoir qu'est-ce qui t'empêche de dormir à la nuit ?

  • Speaker #2

    Au moment présent, pas grand-chose, parce que je suis vraiment fatiguée, donc tout va bien à ce niveau-là. Mais oui, il m'est arrivé de faire quelques petits cauchemars suite aux séries que j'ai réalisées sur ces trois dernières années.

  • Speaker #1

    On va parler de tes séries dans pas longtemps. Est-ce que tu peux me dire quelle a été ton enfance et surtout, comment t'es arrivée à la photo ? Quel a été un peu ton parcours jusqu'à la photo ?

  • Speaker #2

    Déjà, tu as demandé la question sur l'enfance, comment ça s'est passé. Je suis née à Paris, mais on est descendue à Bordeaux quand j'avais 6 ans. Et je suis remontée à Paris à 32 ans, donc vraiment, je me sens appartenir à la ville de Bordeaux. Et comment je suis venue à la photographie ? En fait, on a beaucoup voyagé avec ma famille et mon père était un photographe amateur à Averti, on va dire. Il réalisait lors de tous nos voyages des diapositives. Et puis le soir, après le voyage, on avait ces grandes rétrospectives de nos voyages. Donc, je pense que j'ai développé un attrait et un goût pour la photographie en regardant mon père photographier pendant ses voyages. Et je me souviens quand j'avais 9 ans. En fait, je crois qu'on était au Maroc et je crois qu'on était dans le parc de Majolans. Mais en fait, on n'avait pas le droit de toucher à son appareil photo. C'était super mystique. Et puis il me l'a prêté pour réaliser mon premier cliché. Je m'en rappelle vraiment, c'était assez fort pour moi. C'est assez banal comme histoire, mais ça m'a marquée. Puis j'ai toujours voulu devenir photographe. En fait, je l'avais décidé quand j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Et ce premier cliché a été fait du coup avec l'appareil de ton père ? C'était des diapositives. Ah, des diapositives. Et tu te souviens de cette première photo ?

  • Speaker #2

    Non, par contre, je ne me rappelle pas. Mais je me rappelle la sensation de toucher cet appareil qui était un peu spécial.

  • Speaker #1

    Et de... D'avoir une espèce de révélation tout de suite, afin que ça soit une évidence ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout, mais en fait, j'avais décidé, j'avais 9 ans, j'avais quelques économies, parce que ma mère, elle rigole encore de ça souvent, mais j'avais quelques économies, et puis j'avais tout dépensé pour m'acheter un petit boîtier, et j'étais très frustrée parce que j'avais plus d'argent, mais j'avais l'appareil photo. Et enfin, je sais pas, j'ai toujours voulu être photographe, je sais pas si c'est lié à cette image. En tout cas, je sais qu'il y avait tout un mystère autour de la photographie, parce qu'on n'avait pas le droit de toucher à cet appareil photo, mais aussi peut-être parce que... Peut-être que la photographie était associée au voyage et puis on a beaucoup voyagé et puis j'ai un goût pour... pour ça. Donc, je ne sais pas exactement.

  • Speaker #1

    Et tu as fait une école ou pas du tout ? Je crois que tu as décidé...

  • Speaker #2

    J'ai fait une fac de langue, donc rien à voir. Mais quand j'avais 23 ans, j'ai fait une formation aux techniques de la photographie. Mais après, j'ai beaucoup appris seule. J'ai aussi été assistante d'un photographe sur Bordeaux qui m'avait beaucoup appris. Et j'ai toujours suivi des cours, en fait. J'ai toujours suivi des cours. J'ai suivi les cours d'électroire. Les cours d'histoire des beaux-arts, j'ai fait des cours d'histoire de la photographie pendant pas mal de temps avec un professeur que j'aime beaucoup qui s'appelle Marion Walter. Voilà, j'ai fait ça. Et puis même, je suis montée à Paris, j'ai suivi les cours du musée du jeu de paume, l'histoire de la photographie. Et puis là, j'ai repris mes études. Du coup, il y a un an, je fais une VAE, validation d'acquis d'expérience à l'école Louis Lumière. Donc, je fais un master de photographie et je suis en train de préparer un mémoire sur... La matérialité et le renoncement à l'œuvre, c'est vraiment une recherche qui me passionne au moment présent parce que ce n'est pas du tout mon champ de la photographie. Je découvre plein d'artistes et c'est assez passionnant.

  • Speaker #1

    C'est super intéressant parce que tu es photographe et tu reprends des études de photo mais beaucoup plus théoriques et beaucoup plus intellectuelles que pratiques et techniques.

  • Speaker #2

    Vraiment, parce que je ne vais pas aux cours de technique, parce que comme en effet tu as mentionné que j'ai travaillé au studio Rouchon, j'ai quand même beaucoup appris la technique auprès de grands photographes. Donc je ne suis pas à les cours de technique, même s'il y a des professeurs vraiment incroyables et que j'aurai encore à apprendre. Après c'est tellement infini, donc je me focalise un peu sur les cours d'esthétique et d'histoire de la photographie et des procédés anciens. En fait j'y suis allée plus tôt, j'avais oublié, mais j'y suis allée plus tôt pour découvrir les procédés anciens. Et je me suis pris de passion pour le côté éphémère des œuvres photographiques, l'effacement, etc.

  • Speaker #1

    Quand était ta dernière séance photo et qu'est-ce que tu as photographié ?

  • Speaker #2

    Ma dernière séance photo était très cool. En fait, cet été, j'ai repris une série photo qui s'appelle Zone blanche terre-mer sur la terre de mes ancêtres, donc la maison familiale, la maison de ma grand-mère en Aveyron. C'est un sujet que j'avais commencé il y a trois ans. Et c'est aussi un sujet qu'avec mon amie Sarah Leduc, on appellerait un sujet détox qui fait du bien. Donc, la dernière séance, c'était avec des danseurs d'une troupe de danse traditionnelle à Véronèse. Donc, je suis allée dans une famille, ils m'ont accueillie. Et c'était très sympa parce que je ne refaisais vivre aucun traumatisme à personne. Et du coup, c'était relax. C'était un moment chouette.

  • Speaker #1

    C'était un moment doux.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Ça a changé beaucoup de tes trois séries ? Je ne sais pas si pour toi c'est trois séries différentes, si c'est trois volets d'une série. Dans Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle du crène, la thématique qui réunit les images, c'est des femmes qui ont toutes été violentées, d'une façon ou d'une autre. Mais je ne sais pas quelle est la première de ces séries.

  • Speaker #2

    Et si tu veux, je te redis le contexte. Oui, en fait... En 2018-2019, j'étais l'assistante du portraitiste Denis Rouvre et on a répondu à une commande de Médecins du Monde. On a traversé dix pays, on travaillait sur les violences faites aux femmes. Et j'ai été très touchée, donc on est allé en République démocratique du Congo, plus particulièrement à l'Est, à Bukavu, et particulièrement à l'hôpital de Pandzi où le docteur Mukwege, célèbre gynécologue congolais et prix Nobel de la paix 2018, répare le système génital détruit des femmes. Donc on a passé simplement trois jours dans cet hôpital, mais c'est trois jours qui m'ont profondément marquée. Je pense qu'on se souvient évidemment toute sa vie, je pense quand on entend le premier témoignage d'une survivante du viol comme arme de guerre. Du coup, j'ai jamais pu oublier en fait ces témoignages, parce que quand elles en parlent, elles le font, il y a des convulsions du corps, c'est très particulier. Et du coup j'ai décidé, donc on y est allé en février 2019 et j'ai décidé d'y retourner à titre personnel en septembre 2019. Donc j'ai commencé ce projet sur les violences faites aux femmes qui se déclinent en trois chapitres. Donc Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle d'Ukraine. Mais j'ai commencé par le Congo, L'étreinte du serpent. Quand je suis retournée à Pandzi, il y avait cette horreur, mais il y avait aussi ce courage, ces femmes en fait qui frappaient sur la table avec leur... tasse là dans la cantine et puis qui chantait et puis qui parfois dansait. Il n'y avait pas que l'horreur, en fait. Il y avait aussi de la solidarité, de la force.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est une façon de réparer ces femmes, de les photographier, de les aider à se réparer ?

  • Speaker #2

    Non, non, pas du tout. Je ne me donnerai pas du tout ce... Je préfère rester à ma petite place.

  • Speaker #1

    Mais de leur donner cette place pour s'exprimer et pour les magnifier en fait, parce que tu les magnifies à travers tes photos. Moi je vois des reines en fait, partout dans tes photos je vois des reines.

  • Speaker #2

    Alors peut-être pour les survivantes des violences sexuelles, j'ai du mal à... Je n'ai pas trouvé ma place, c'est trop compliqué. à mener, et puis on est vraiment tout petit à côté de ces femmes, c'est clair, par rapport à leur courage, etc. Pour le projet Héroïne 17, oui, l'idée, c'était de rendre hommage à ces femmes, de les magnifier, de témoigner de ces parcours de vie, de leur courage à traverser ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour les auditeurs qui nous écoutent, tu peux raconter un petit peu le synopsis de Héroïne 17 ?

  • Speaker #2

    Alors, Héroïne 17, c'est un sujet qui a été réalisé pour rendre hommage à des jeunes femmes qui ont toutes connu une situation de rupture familiale dans leur enfance. Donc j'ai pu noter, constater trois conséquences à la rupture familiale, qui sont un placement à eux, donc un placement à l'aide sociale à l'enfance, un passage dans la rue ou dans les centres d'hébergement d'urgence pour certains. Et j'ai aussi pu constater, ce n'est pas le cas de toutes, mais j'ai pu constater la prostitution, l'utilisation de la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Il y a beaucoup de jeunes femmes qui s'en sortent parce qu'elles ont été aidées à un moment donné dans leur parcours. C'est soit par un professeur, soit par le parent d'amis qui leur a tendu la main. Et elles sont nombreuses à se tourner vers des études en lien avec l'aide sociale. Elles sont nombreuses à se tourner vers un métier qui leur permettra de rendre l'appareil. Et en fait... C'est une boucle.

  • Speaker #1

    Il y a une proximité et une douceur qui se déploient de toutes ces photos. Et je pense à une photo particulière de Héroïne 17, dont j'aimerais bien que tu me parles un peu plus, qui est une photo d'une jeune femme africaine, où elle regarde vers le haut, fin de mon souvenir, et on dirait qu'elle a une larme qui coule.

  • Speaker #2

    Ah oui. Avec Erlian, on s'est vraiment très bien entendues, je l'ai rencontrée dans le cadre du projet Heroine 17 et on est allées, je crois, jusqu'à faire huit séances ensemble. Mais après, c'était aussi parce que j'ai fait des tests, un peu de shooting, un peu mode avec elle. On a expérimenté différentes choses parce qu'elle a un physique qui me fait... Si, je la trouve... Et du coup, tu voulais que je te raconte quelque chose.

  • Speaker #1

    L'histoire de cette photo avec la larme.

  • Speaker #2

    J'ai pas trop envie parce que, je suis désolée, j'ai pas trop envie. On n'aime pas trop cette photo avec Aria. Elle s'associe bien avec une autre, mais je ne suis pas fan de cette image.

  • Speaker #1

    Et pourquoi tu ne l'aimes pas ?

  • Speaker #2

    On ne l'aime pas trop toutes les deux parce que, tu sais, ça fait un peu la tristesse, tu vois. Les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, c'est un côté un peu dramatique. Donc, il y a beaucoup de gens, en fait...

  • Speaker #1

    C'est étonnant d'avoir ce regard-là parce que moi, je ne vois pas du tout... Je vois une très belle image, très digne. Je ne vois pas du tout, justement, le côté dramatique. Donc, c'est étonnant de voir le...

  • Speaker #2

    Tu n'es pas toute seule à le penser. Je pense que quand on a créé les scénographies pour la Galerie du Château d'Eau à Toulouse et la mairie du 10e avec Marie Guillemin, et puis c'était Christian Cojol et Michael Zarmati, eux ont vraiment choisi de sélectionner cette image. J'étais un petit peu contre au début. Et puis voilà, tant mieux si d'autres ont une autre lecture.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une... Une autre qui m'a marquée particulièrement, je crois qu'elle s'appelle Médina.

  • Speaker #2

    Médina, oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui est sur un lit avec une tenue, on dirait une tenue de princesse rose, ses cheveux blonds. Et pareil, hyper respectable. Elle impose le respect, cette photo.

  • Speaker #2

    Oui, j'adore Médina. Je l'ai rencontrée à Nantes dans une structure qui s'appelle Repères 44. C'est des anciens enfants placés qui vont aider les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance quand ils sortent juste. Ils s'entraident entre eux. J'ai rencontré Médina et je l'ai remarquée avec une personnalité incroyable. Donc, elle a été d'accord pour intégrer le projet. Et à chaque fois, souvent, les jeunes femmes me demandent comment elles doivent se représenter. Je laisse vraiment libre inspiration à chacune. Elle ne donne pas d'indication précise, c'est vraiment libre à chacune. Et donc en fait, elle ne voulait pas faire la séance photo chez elle, elle m'a invitée chez une amie, je pense qu'elle était plus à l'aise comme ça. Et en fait, quand je suis arrivée en bas de l'immeuble, elle avait déjà cette coiffe incroyable, donc c'était surprise. Et elle avait prévu cette tenue, c'était une belle surprise pour moi, j'adore comme elle est représentée avec cette robe. Et elle, en fait, j'en parle très librement parce qu'elle est très engagée à ce niveau-là. Elle a utilisé la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Et maintenant, elle lutte vraiment pour que ça n'arrive plus aux autres jeunes adolescentes.

  • Speaker #1

    Du coup, tu es très proche de toute cette femme que tu ne connaissais pas avant. Mais j'imagine que... Que les photographier avec ces sujets-là, ça rapproche énormément et que tu dois avoir maintenant des liens avec toutes ?

  • Speaker #2

    Alors pas toutes parce que j'ai quand même rencontré une centaine de femmes en l'espace de deux ans et puis il y a des fois avec, comme c'est pas sur le même continent etc. Mais avec certaines j'ai loué des liens forts, je sais qu'avec Eriyan on aime bien être ensemble quand il y a une exposition ou une signature de livre etc. Mais oui, il y a certaines jeunes femmes qui m'ont touchée, je me rappellerai d'elles toute ma vie et que je revois parfois.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui en toi résonne à ce point-là pour te lancer dans ces projets et dans ces histoires ? Parce que c'est dur, c'est très dur. Les photos ne sont pas dures, mais ces vies sont terribles. Il faut être super costaud pour mener à terme trois séries comme ça, avec ces sujets aussi difficiles.

  • Speaker #2

    Le Congo, je n'ai pas vraiment eu le choix que de faire ce projet. Ça répondait vraiment à une nécessité. J'avais entendu, comme j'ai dit tout à l'heure, j'avais entendu ce témoignage d'une femme à l'hôpital de Pansy en pleine convulsion. Ça m'a vraiment marquée. Donc, en fait, j'y pensais tout le temps. Donc, je n'ai pas eu le choix, en fait. Mais je pense qu'en fait... Personnellement, je pense qu'un photographe ne choisit pas vraiment son sujet. Il répond à une nécessité, une obligation d'écrire quelque chose parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Enfin, c'est comme ça que j'ai créé ces trois séries, en tout cas. Et donc, le Congo, oui, j'avais besoin d'y retourner, de voir. Et puis de voir qu'il y a aussi de la force, de la beauté, qu'elles ont une foi qui me touche particulièrement, qu'elles gardent une foi incroyable en ayant traversé toutes ces épreuves. Je suis très admirative. Je suis très admirative, j'aime être avec elles, j'aime les rencontrer en fait.

  • Speaker #1

    C'est des combattantes de tous les jours et de toutes les secondes.

  • Speaker #2

    En grande, en toute humilité, parce que c'est un combat intérieur. Elles le font pour briser tout le tabou qu'il y a autour du viol, pour que la honte ne soit pas sur elles mais sur les bourreaux, que la honte change de camp.

  • Speaker #1

    J'ai été dans le Kivu pour un reportage il y a longtemps et c'est... Personnellement, moi, c'est un endroit, c'est l'endroit le plus dur que j'ai connu au monde, où j'ai eu le plus peur. Et je me souviens du silence, du silence, du silence, du silence. Moi, je barrais les jours avant mon retour, comme en prison. Et c'est d'une densité et d'une violence sans nom, en fait. Donc, photographier ces femmes, je trouve ça extraordinaire. Et c'est la question que je me posais, comment... comment tu les approches ?

  • Speaker #2

    Le plus difficile dans ces sujets c'est pas vraiment la photographie en elle-même c'est la rencontre, comment rencontrer comment avoir accès à ces femmes. Pour le sujet Héroïne 17 juste pour te donner un exemple j'ai contacté 35 structures en lien avec l'aide sociale à l'enfance, il n'y en a que 7 qui m'ont ouvert leur porte. Je suis parfois passée par un processus de en moyenne 4 réunions pour être mise en relation avec elles et une fois... que je l'ai rencontrée, ça se passait plutôt très bien parce qu'elles avaient décidé d'être là. Pour le Congo, quand j'ai photographié les femmes, au début, sur mon premier voyage à Pandji, j'étais tout le temps accompagnée par soit un psychologue, un sociologue, une infirmière. Et comme je cherchais à faire des portraits intimes, c'était très compliqué dans ce protocole de créer une relation avec la personne. Du coup, j'ai décidé... d'aller dormir avec elle dans la maison de transit qui les accueille le soir en dehors de l'hôpital. Donc j'ai passé deux ou trois nuits, je crois, pour avoir ce moment un petit peu privilégié, même si j'étais accompagnée d'une infirmière. Voilà, mais du coup, la relation, elle se faisait plus simplement parce qu'on n'était pas entre deux rendez-vous de l'hôpital et ensuite. Ça a été un petit peu plus compliqué de poursuivre le travail à l'hôpital de Pansy, mais comme je m'étais liée d'amitié avec Aline, qui est une des survivantes, et qui travaillait chez Médecins du Monde lors de mon premier voyage, elle a monté les Mutuelles de Solidarité à Boucavou. Les Mutuelles de Solidarité, c'est des femmes qui s'organisent entre elles, survivantes des violences sexuelles, et qui se réunissent une fois par semaine pour montrer... C'est comme une coopérative pour monter des projets. Et donc en fait, j'ai poursuivi le projet en me rendant dans les mutuelles de solidarité accompagnées par Aline. Et après, je me suis liée encore avec Léontine, une autre jeune femme qui m'a épaulée dans d'autres mutuelles de solidarité. Donc je me suis vraiment débrouillée. Et puis quand j'étais sur place, parfois j'ai passé 5, 6 jours, 7 jours dans des attentes, dans des rendez-vous qui ne se faisaient pas. Il fallait juste que je m'arme de patience. Et après, quand je les ai rencontrés, c'est très délicat comme position parce qu'on refait quand même vivre le traumatisme à la personne. C'est pas évident, mais du coup, j'ai vraiment un devoir de résultat aujourd'hui. J'aimerais faire un livre avec ce travail. Et puis, mon objectif, ce serait vraiment de faire une levée de fond. et de rendre un peu par de l'argent, mais parce que c'est utile. Rendre un peu ce qu'en fait, elles m'ont beaucoup, beaucoup donné. Et au moment présent, c'est à moi de leur rendre aussi ce qu'elles m'ont donné. Donc ça, c'est quelque chose que je me suis fixée il y a longtemps pour rendre ce qu'on m'a donné parce qu'elles ont des projets. Léontine, elle voudrait agrandir un atelier de couture et Aline voudrait créer une boulangerie.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'elles ont vu le résultat ? Est-ce qu'elles ont vu tes photos ?

  • Speaker #2

    Alors Aline, elles sont affiches. complètement des photos. Je lui ai envoyé, elle n'a même pas téléchargé les images. Et Léontine, en fait, j'ai fait des photos. Je fais toujours une séance, en fait, pour moi et pour elle. Donc avec Léontine, on en a fait plusieurs avec sa maman et sa petite-fille. Donc évidemment, elle, elle adore les images. Donc j'en ai restitué, oui, bien sûr. Et on a fait des séances vraiment, genre, que pour elle.

  • Speaker #1

    D'accord. Quand tu fais les portraits, les séances photos, t'as une séance pour elle et une séance pour...

  • Speaker #2

    Soit je divise la séance en deux, c'est-à-dire que je fais des photos toujours pour les satisfaire, pour qu'elles aient un souvenir, qu'elles aient des belles photos d'elles. Et après, je fais des photos que moi, je pourrais utiliser. D'accord,

  • Speaker #1

    tes portraits intimes, ce que tu veux appeler les portraits intimes.

  • Speaker #2

    Que j'essaye de faire intime, ce n'est pas toujours évident sur ce type de projet.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu appelles un portrait intime ?

  • Speaker #2

    C'est vraiment un portrait où il se dégage une certaine forme de sensibilité, mais je veux dire... Quand c'est des histoires dramatiques où vous savez que vous êtes choisi parce que vous avez vécu ça, bon ben ça bloque complètement, c'est hyper difficile de rentrer dans l'intimité. En tout cas c'est ce que je recherche, c'est ce que je souhaite faire, après selon les sujets c'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus du troisième volet de ce chapitre, qui s'appelle Perles d'Ukraine ? où tu photographies des femmes ukrainiennes.

  • Speaker #2

    En fait, ce projet Perle d'Ukraine, il se divise en deux chapitres. Donc, les survivantes du viol comme arme de guerre et un plus petit chapitre sur une forme de prostitution déguisée dont sont parfois victimes les réfugiés dans les pays qui les accueillent. Donc, au début de l'invasion à grande échelle, on a vraiment entendu parler des femmes... qui étaient sollicitées, enfin beaucoup de femmes sont rentrées dans des agences matrimoniales, des femmes qui n'auraient jamais passé le cap. Et au sein des agences matrimoniales, en fait, on a pu constater des hommes qui proposaient un hébergement en échange de bons procédés. Donc j'ai voulu témoigner, on en a pas mal parlé dans les médias, j'ai voulu témoigner de ça, j'ai voulu rencontrer ces femmes, c'était très compliqué. Je suis rentrée en contact avec les agences matrimoniales, c'était pas possible. Donc j'ai décidé de le documenter, de le montrer autrement. J'ai fait des captures d'écran des femmes ukrainiennes qui étaient présentées dans les agences matrimoniales et j'ai gratté leur visage, je les ai rendues anonymes. Et ces images témoignent de cette histoire d'une forme de prostitution déguisée à travers cet ensemble d'images retravaillées. Voilà, mais c'est un tout petit chapitre. Ensuite... J'ai rencontré des survivantes du viol comme arme de guerre. En fait, j'ai bien envie de raconter l'histoire de Olena, ma grande amie ukrainienne. J'ai rencontré Olena, c'était il y a un an et demi à Berlin. Juste une fille incroyable. Et elle m'avait dit, est-ce que tu sais, à la fin de l'interview, est-ce que tu sais que 25% des soldats sont des femmes ? Elle m'avait dit ça, j'avais aucune conscience, j'étais au tout début de... de mon projet. Et puis, elle, elle est en couple avec son meilleur ami qui est devenu son compagnon, qui est sur le front. Et puis là, au moment présent, elle est sur le front. Et c'est une fille juste extraordinaire. Elle tenait un théâtre. C'est une grande actrice et artiste. Et quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Elle travaillait dans un théâtre. Et maintenant, elle est sur le front. Son histoire, en fait, elle a perdu sa maman dans les bombardements. Et en 2018, je crois, je ne sais plus exactement les dates, peut-être je vais faire des erreurs, mais 2018 ou 2019, en fait, son père était en Crimée et elle a décidé, son père était malade, donc elle a décidé de le rejoindre. Elle a fait des faux papiers pour...

  • Speaker #1

    pour rentrer en Ukraine ou en Crimée.

  • Speaker #2

    Elle était dans un blabla-car, elle s'est faite arrêter. Elle n'a vraiment pas eu peur au début. Elle a commencé à avoir peur quand les Russes ont dit au blabla-car de poursuivre sa route. Du coup, elle a été prisonnière pendant une semaine. En fait, Ausha, je l'ai revue plusieurs fois et elle m'a dit qu'elle avait témoigné seulement de 5% de son histoire. Donc là, elle a subi des interrogatoires et puis différentes choses. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer dans les détails. Donc, elle a été libérée au bout d'une semaine. Ensuite, je ne connais pas toute sa vie, mais je sais que quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Quand elle a voulu rentrer en Ukraine, ce n'était pas possible. Et ses amis, en fait, lui ont vraiment conseillé de rester en Pologne, qu'elle était plus utile en Pologne. Parce qu'elle aidait vraiment à travers des colis de médicaments, de différentes choses. Parfois, c'était juste, je me souviens, une histoire de chaussettes chaudes, parce que sa sœur était sur le front pour le coup. Voilà. Donc ensuite, elle s'est mise à travailler. On l'a contactée. Il y a un théâtre qui l'a contactée à Berlin. Elle était à Berlin. Et puis, sa santé s'est améliorée. Elle a donc décidé de retourner à Kiev. Et à Kiev, elle a pris la décision de rejoindre l'armée, parce que son compagnon était déjà engagé dans l'armée. Et du coup, je suis très honorée de ce que je pense à elle tous les jours. Je la trouve tellement incroyable. Je fais partie d'un groupe WhatsApp avec ses amis et donc elle partage son quotidien. Donc on la voit dans les tranchées, mais elle a cette vision. Elle est tellement fun, elle nous envoie des vidéos où elle fait des frites.

  • Speaker #1

    C'est la vie quotidienne de guerrière. C'est des guerrières. Toutes ces femmes que tu photographies, c'est des guerrières dans tous les sens du terme.

  • Speaker #2

    Elle, j'avoue, je pense à elle vraiment souvent. Je suis très admirative et puis elle est dans un métier artistique. Donc, on peut aussi se dire, waouh, en fait, elle ne trouvait plus aucun intérêt à travailler dans un théâtre alors qu'il se passait tout ça dans son pays.

  • Speaker #1

    Et tu l'as photographiée ?

  • Speaker #2

    Oui, elle fait partie de mon projet.

  • Speaker #1

    Et la photo ?

  • Speaker #2

    En fait, il y en a pas beaucoup. Elle est sur mon site, mais il n'y en a pas beaucoup parce que le projet, je le montrerai quand il sera vraiment abouti. Olena, elle est brune, magnifique, à peu près 35 ans, les cheveux longs. Elle est portraiturée sur une chaise et elle a un collier de perles sur ses genoux.

  • Speaker #1

    Et c'est un projet qui est encore en cours ? Tu es encore en train de travailler dessus ?

  • Speaker #2

    J'aimerais encore réaliser quatre portraits, rencontrer quatre femmes. Mais c'est un petit peu compliqué. Et j'avoue qu'au bout de... Je ne pourrais pas aller plus loin parce que j'ai mené ces trois chapitres et que je sens mes propres limites.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander. Comment tu fais pour tenir encore ? Et quel est le prochain chapitre ?

  • Speaker #2

    Là, j'en ai un peu marre. Il n'y aura pas de quatrième chapitre au moment présent. J'ai vraiment besoin de faire un break. J'ai besoin de... de choses jolies et joyeuses. J'ai besoin de sujets vraiment légers, sympathiques.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà une petite idée de tes prochains sujets joyeux ?

  • Speaker #1

    Oui, enfin légers. Mais j'ai repris une série que j'avais mis de côté il y a deux ou trois ans qui s'appelle Zone blanche terre-mer. Ça part de la maison de ma grand-mère en Aveyron, dans un village. Et là, j'ouvre un petit peu à la culture avéronnaise. Donc j'ai fait ça cet été, ça m'a fait beaucoup de bien. Ça m'a apaisée. Et sinon, dans le cadre du mémoire que je fais à l'école Loulumière, je travaille sur la matérialité. Mon prochain sujet se passera en Inde, sur les traces d'un sage. Et ça fait un an que je travaille dessus, que je fais des recherches. D'habitude, je ne prépare jamais autant en amont mon projet. Et puis, je n'en dirai pas plus parce que, dès que j'en parle, je perds l'énergie et l'envie de le faire. Mais je suis vraiment en pleine préparation.

  • Speaker #0

    Et t'es déjà allée en Inde ou pas encore ? Oui,

  • Speaker #1

    j'adore l'Inde, j'y suis allée dix fois et j'ai fait sept fois ce pèlerinage sur lequel je vais retourner.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est intéressant de voir qu'après ces trois volets, ces chapitres ultra poignants, douloureux, forts, sublimes, durs, tu vas à la rencontre d'un sage pour essayer d'apaiser toute cette violence.

  • Speaker #1

    Après, j'y suis déjà... En fait, comme j'ai dit tout à l'heure, je me suis sentie ne pas avoir le choix de témoigner de ces trois histoires. Mais mes goûts personnels sont vraiment portés sur l'Inde et la culture hindoue. Ça m'anime depuis très longtemps. Donc, je retourne juste à ce que j'aime profondément.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des... Quelles sont tes influences ?

  • Speaker #1

    À quel niveau ?

  • Speaker #0

    À tous les niveaux. Au niveau... Vite. au niveau artistique, à tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Ce qui me vient spontanément, je pratique le Bharatanatyam, c'est la danse classique du sud de l'Inde, c'est une danse en l'honneur du Diyosheeva et j'adore cette pratique qui est un peu, on peut la comparer comme la pratique d'un art martial, ça demande beaucoup d'engagement et dans le Bharatanatyam, C'est vraiment divisé. Souvent, les représentations sont divisées en deux parties, qui est une partie technique et une partie narrative. Ça me fait penser un peu à la photographie, en fait, où une fois qu'on maîtrise la technique, il faut totalement l'abandonner pour ne rechercher que l'émotion, comme dans la partie de danse des Abhinayas, où en fait, on va suivre juste le jeu de regard et on va regarder le visage de la danseuse et oublier cette grande maîtrise de la technique pour ressentir juste l'émotion. essayer de comprendre l'histoire qu'elle raconte parce que c'est une danse qui raconte les histoires de l'hindouisme, des différents dieux et des différents divertissements. Donc je pense que c'est ce qui m'inspire le plus. Je peux vraiment faire une comparaison entre la pratique du Bharatanatyam et la pratique de la photographie.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas du tout cette danse, je n'en ai jamais entendu parler.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    C'est une danse qu'on fait seule ou en groupe ?

  • Speaker #1

    Souvent, c'est la danseuse. Elle se représente souvent seule avec un groupe de musiciens. Mais ça peut aussi se faire en groupe.

  • Speaker #0

    Et tu prends des cours ?

  • Speaker #1

    Je prends des cours avec... En fait, c'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris depuis huit ans. C'était pour ce maître de danse qui s'appelle Vidya. Je prends des cours avec elle en groupe et je prends des cours individuels aussi.

  • Speaker #0

    D'accord, donc ça fait huit ans que tu...

  • Speaker #1

    Ça fait plus longtemps, en fait, j'ai rencontré cette danse lors de mon premier voyage en Inde, quand j'avais 24 ans, le premier soir où j'arrive en Inde. Et j'étais fascinée, c'est vraiment une danse de guerrière. Les postures sont incroyables et il y a vraiment une énergie, une énergie vraiment incroyable.

  • Speaker #0

    Et comment t'es arrivée en Inde ? Comment t'es arrivée la première fois en Inde et qu'est-ce qui fait que t'es très attachée ? à ce pays ou cette culture ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours rêvé depuis petite d'aller en Inde. Je voulais le garder pour plus tard parce que je savais que je serais fascinée. Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que je serais fascinée. Je voulais visiter vraiment d'autres pays avant de rencontrer l'Inde. Et en fait, j'y suis partie toute seule. J'avais 24 ans. Je répondais pareil un peu à une urgence. Et puis du coup, j'ai été happée. J'y suis retournée. En fait, je passais pratiquement 4-5 mois de l'année en Inde pendant 5 ans. J'ai fait ça. Et puis après, je suis montée à Paris. Puis ma vie a changé. Je suis vraiment devenue... Je me suis mis à beaucoup travailler, à m'ancrer bien dans la matière. Et c'est bien, mais j'aimerais bien retrouver un équilibre entre les deux.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je peux te souhaiter pour l'avenir ?

  • Speaker #1

    De la tranquillité.

  • Speaker #0

    Donc une bonne dose de tranquillité pour 4-5 ans ?

  • Speaker #1

    Non, parce que je vais m'ennuyer.

  • Speaker #0

    Donc je te souhaite plein de tranquillité.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Anaïs pour ce témoignage bouleversant, pour cette interview fascinante et bouleversante. Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode.

  • Speaker #0

    J'espère qu'il vous a plu.

  • Speaker #2

    Si c'est le cas, partagez-le autour de vous et sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas non plus à laisser un avis positif sur vos applications de podcast. Pour ne rien manquer de déclic, suivez-moi à atmaudebernose sur Instagram. Si vous avez des compliments, des critiques ou des réflexions, n'hésitez pas non plus. Ça aide toujours. Merci enfin à la Cité Audacieuse pour son studio d'enregistrement. A bientôt !

Description

Des Clics, Conversations avec des femmes photographes est un podcast pour célébrer la force et l'unicité du regard féminin dans la photographie contemporaine.

Dans ce nouvel épisode, je reçois la photographe Anaïs Oudart.

Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social.

Elle s’est formée à l’école des beaux arts de Bordeaux puis au studio Rouchon à Paris et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude ou Denis Rouvre.

Elle est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes.

Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparait derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite happée par l’intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaitra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L’enregistrement peut commencer. 

Site internet d'Anaïs : www.oudartanais.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Maud Bernos, photographe depuis longtemps et podcasteuse depuis maintenant,

  • Speaker #1

    et je vous propose d'écouter Déclic,

  • Speaker #0

    un podcast dédié aux femmes photographes. Nous y parlerons photographie, bien sûr, mais aussi création, parcours, influence, obsession, combat et désir. Tous les mois, je recevrai une photographe qui nous dévoilera son parcours de création, sa vision du féminisme et ses engagements en tant que femme photographe. Aujourd'hui, je suis très heureuse d'accueillir à mes côtés la photographe Anaïs Oudard. Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social. Elle s'est formée à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux, puis au Studio Rouchon à Paris, et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goud ou Denis Roux. Je ne l'avais jamais rencontrée avant cette conversation, mais depuis de très longs mois, je voyais défiler sur mes écrans et sur les murs d'exposition une photo toujours la même, de celle qui nous marque et que l'on n'oublie pas. Le portrait en pied d'une jeune femme, debout sur un socle en bois, majestueuse, la tête haute, les cheveux courts, une canne couleur or à la main et vêtue d'une robe ocre. Il s'agit d'Aéria, véritable muse de la photographe, qui deviendra par la suite sa grande amie. C'est donc grâce à Aéria et à cette photographie issue de la série Héroïne 17 que nous nous sommes rencontrés. Anaïs est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes. Distinguée par de nombreux prix et soutiens, tels que le soutien à la photographie documentaire du CNAP, la grande commande de photojournalisme de la BNF, le prix Caritas Photo Social, le prix Fougi les femmes s'exposent ou le mentorat des filles de la photo, ce travail se décline en trois volets. Le premier volet, Héroïne 17, nous plonge dans l'univers de jeunes filles en situation de rupture familiale. Après avoir connu la rue, où certaines n'ont eu d'autre choix que la prostitution, elle cherche à se reconstruire dans des foyers ou des familles d'accueil. Pour le second volet, L'étreinte du serpent la photographe s'est rendue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo pour aller à la rencontre de femmes victimes de viols comme armes de guerre. Le troisième et dernier volet, Perles d'Ukraine porte sur les abus et violences sexuelles subies par les femmes ukrainiennes depuis le début de l'invasion russe. Ces trois projets, bien que très différents, se sont juxtaposées dans le temps. Les histoires se mêlent, s'entremêlent, se démêlent, à l'image de ses vies. Anaïs les raconte avec autant de gravité que d'humilité. Anaïs les vit avec son âme et ses tripes. Et comme elle le dit si bien, nous sommes tout petits à côté de ces femmes. Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre, pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparaît derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite tapée par l'intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaîtra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L'enregistrement peut commencer. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #1

    Je suis ravie de t'accueillir aujourd'hui dans les locaux de la Cité Audacieuse à Paris.

  • Speaker #2

    Bonjour Maud, merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Pour commencer, j'aimerais savoir qu'est-ce qui t'empêche de dormir à la nuit ?

  • Speaker #2

    Au moment présent, pas grand-chose, parce que je suis vraiment fatiguée, donc tout va bien à ce niveau-là. Mais oui, il m'est arrivé de faire quelques petits cauchemars suite aux séries que j'ai réalisées sur ces trois dernières années.

  • Speaker #1

    On va parler de tes séries dans pas longtemps. Est-ce que tu peux me dire quelle a été ton enfance et surtout, comment t'es arrivée à la photo ? Quel a été un peu ton parcours jusqu'à la photo ?

  • Speaker #2

    Déjà, tu as demandé la question sur l'enfance, comment ça s'est passé. Je suis née à Paris, mais on est descendue à Bordeaux quand j'avais 6 ans. Et je suis remontée à Paris à 32 ans, donc vraiment, je me sens appartenir à la ville de Bordeaux. Et comment je suis venue à la photographie ? En fait, on a beaucoup voyagé avec ma famille et mon père était un photographe amateur à Averti, on va dire. Il réalisait lors de tous nos voyages des diapositives. Et puis le soir, après le voyage, on avait ces grandes rétrospectives de nos voyages. Donc, je pense que j'ai développé un attrait et un goût pour la photographie en regardant mon père photographier pendant ses voyages. Et je me souviens quand j'avais 9 ans. En fait, je crois qu'on était au Maroc et je crois qu'on était dans le parc de Majolans. Mais en fait, on n'avait pas le droit de toucher à son appareil photo. C'était super mystique. Et puis il me l'a prêté pour réaliser mon premier cliché. Je m'en rappelle vraiment, c'était assez fort pour moi. C'est assez banal comme histoire, mais ça m'a marquée. Puis j'ai toujours voulu devenir photographe. En fait, je l'avais décidé quand j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Et ce premier cliché a été fait du coup avec l'appareil de ton père ? C'était des diapositives. Ah, des diapositives. Et tu te souviens de cette première photo ?

  • Speaker #2

    Non, par contre, je ne me rappelle pas. Mais je me rappelle la sensation de toucher cet appareil qui était un peu spécial.

  • Speaker #1

    Et de... D'avoir une espèce de révélation tout de suite, afin que ça soit une évidence ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout, mais en fait, j'avais décidé, j'avais 9 ans, j'avais quelques économies, parce que ma mère, elle rigole encore de ça souvent, mais j'avais quelques économies, et puis j'avais tout dépensé pour m'acheter un petit boîtier, et j'étais très frustrée parce que j'avais plus d'argent, mais j'avais l'appareil photo. Et enfin, je sais pas, j'ai toujours voulu être photographe, je sais pas si c'est lié à cette image. En tout cas, je sais qu'il y avait tout un mystère autour de la photographie, parce qu'on n'avait pas le droit de toucher à cet appareil photo, mais aussi peut-être parce que... Peut-être que la photographie était associée au voyage et puis on a beaucoup voyagé et puis j'ai un goût pour... pour ça. Donc, je ne sais pas exactement.

  • Speaker #1

    Et tu as fait une école ou pas du tout ? Je crois que tu as décidé...

  • Speaker #2

    J'ai fait une fac de langue, donc rien à voir. Mais quand j'avais 23 ans, j'ai fait une formation aux techniques de la photographie. Mais après, j'ai beaucoup appris seule. J'ai aussi été assistante d'un photographe sur Bordeaux qui m'avait beaucoup appris. Et j'ai toujours suivi des cours, en fait. J'ai toujours suivi des cours. J'ai suivi les cours d'électroire. Les cours d'histoire des beaux-arts, j'ai fait des cours d'histoire de la photographie pendant pas mal de temps avec un professeur que j'aime beaucoup qui s'appelle Marion Walter. Voilà, j'ai fait ça. Et puis même, je suis montée à Paris, j'ai suivi les cours du musée du jeu de paume, l'histoire de la photographie. Et puis là, j'ai repris mes études. Du coup, il y a un an, je fais une VAE, validation d'acquis d'expérience à l'école Louis Lumière. Donc, je fais un master de photographie et je suis en train de préparer un mémoire sur... La matérialité et le renoncement à l'œuvre, c'est vraiment une recherche qui me passionne au moment présent parce que ce n'est pas du tout mon champ de la photographie. Je découvre plein d'artistes et c'est assez passionnant.

  • Speaker #1

    C'est super intéressant parce que tu es photographe et tu reprends des études de photo mais beaucoup plus théoriques et beaucoup plus intellectuelles que pratiques et techniques.

  • Speaker #2

    Vraiment, parce que je ne vais pas aux cours de technique, parce que comme en effet tu as mentionné que j'ai travaillé au studio Rouchon, j'ai quand même beaucoup appris la technique auprès de grands photographes. Donc je ne suis pas à les cours de technique, même s'il y a des professeurs vraiment incroyables et que j'aurai encore à apprendre. Après c'est tellement infini, donc je me focalise un peu sur les cours d'esthétique et d'histoire de la photographie et des procédés anciens. En fait j'y suis allée plus tôt, j'avais oublié, mais j'y suis allée plus tôt pour découvrir les procédés anciens. Et je me suis pris de passion pour le côté éphémère des œuvres photographiques, l'effacement, etc.

  • Speaker #1

    Quand était ta dernière séance photo et qu'est-ce que tu as photographié ?

  • Speaker #2

    Ma dernière séance photo était très cool. En fait, cet été, j'ai repris une série photo qui s'appelle Zone blanche terre-mer sur la terre de mes ancêtres, donc la maison familiale, la maison de ma grand-mère en Aveyron. C'est un sujet que j'avais commencé il y a trois ans. Et c'est aussi un sujet qu'avec mon amie Sarah Leduc, on appellerait un sujet détox qui fait du bien. Donc, la dernière séance, c'était avec des danseurs d'une troupe de danse traditionnelle à Véronèse. Donc, je suis allée dans une famille, ils m'ont accueillie. Et c'était très sympa parce que je ne refaisais vivre aucun traumatisme à personne. Et du coup, c'était relax. C'était un moment chouette.

  • Speaker #1

    C'était un moment doux.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Ça a changé beaucoup de tes trois séries ? Je ne sais pas si pour toi c'est trois séries différentes, si c'est trois volets d'une série. Dans Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle du crène, la thématique qui réunit les images, c'est des femmes qui ont toutes été violentées, d'une façon ou d'une autre. Mais je ne sais pas quelle est la première de ces séries.

  • Speaker #2

    Et si tu veux, je te redis le contexte. Oui, en fait... En 2018-2019, j'étais l'assistante du portraitiste Denis Rouvre et on a répondu à une commande de Médecins du Monde. On a traversé dix pays, on travaillait sur les violences faites aux femmes. Et j'ai été très touchée, donc on est allé en République démocratique du Congo, plus particulièrement à l'Est, à Bukavu, et particulièrement à l'hôpital de Pandzi où le docteur Mukwege, célèbre gynécologue congolais et prix Nobel de la paix 2018, répare le système génital détruit des femmes. Donc on a passé simplement trois jours dans cet hôpital, mais c'est trois jours qui m'ont profondément marquée. Je pense qu'on se souvient évidemment toute sa vie, je pense quand on entend le premier témoignage d'une survivante du viol comme arme de guerre. Du coup, j'ai jamais pu oublier en fait ces témoignages, parce que quand elles en parlent, elles le font, il y a des convulsions du corps, c'est très particulier. Et du coup j'ai décidé, donc on y est allé en février 2019 et j'ai décidé d'y retourner à titre personnel en septembre 2019. Donc j'ai commencé ce projet sur les violences faites aux femmes qui se déclinent en trois chapitres. Donc Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle d'Ukraine. Mais j'ai commencé par le Congo, L'étreinte du serpent. Quand je suis retournée à Pandzi, il y avait cette horreur, mais il y avait aussi ce courage, ces femmes en fait qui frappaient sur la table avec leur... tasse là dans la cantine et puis qui chantait et puis qui parfois dansait. Il n'y avait pas que l'horreur, en fait. Il y avait aussi de la solidarité, de la force.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est une façon de réparer ces femmes, de les photographier, de les aider à se réparer ?

  • Speaker #2

    Non, non, pas du tout. Je ne me donnerai pas du tout ce... Je préfère rester à ma petite place.

  • Speaker #1

    Mais de leur donner cette place pour s'exprimer et pour les magnifier en fait, parce que tu les magnifies à travers tes photos. Moi je vois des reines en fait, partout dans tes photos je vois des reines.

  • Speaker #2

    Alors peut-être pour les survivantes des violences sexuelles, j'ai du mal à... Je n'ai pas trouvé ma place, c'est trop compliqué. à mener, et puis on est vraiment tout petit à côté de ces femmes, c'est clair, par rapport à leur courage, etc. Pour le projet Héroïne 17, oui, l'idée, c'était de rendre hommage à ces femmes, de les magnifier, de témoigner de ces parcours de vie, de leur courage à traverser ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour les auditeurs qui nous écoutent, tu peux raconter un petit peu le synopsis de Héroïne 17 ?

  • Speaker #2

    Alors, Héroïne 17, c'est un sujet qui a été réalisé pour rendre hommage à des jeunes femmes qui ont toutes connu une situation de rupture familiale dans leur enfance. Donc j'ai pu noter, constater trois conséquences à la rupture familiale, qui sont un placement à eux, donc un placement à l'aide sociale à l'enfance, un passage dans la rue ou dans les centres d'hébergement d'urgence pour certains. Et j'ai aussi pu constater, ce n'est pas le cas de toutes, mais j'ai pu constater la prostitution, l'utilisation de la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Il y a beaucoup de jeunes femmes qui s'en sortent parce qu'elles ont été aidées à un moment donné dans leur parcours. C'est soit par un professeur, soit par le parent d'amis qui leur a tendu la main. Et elles sont nombreuses à se tourner vers des études en lien avec l'aide sociale. Elles sont nombreuses à se tourner vers un métier qui leur permettra de rendre l'appareil. Et en fait... C'est une boucle.

  • Speaker #1

    Il y a une proximité et une douceur qui se déploient de toutes ces photos. Et je pense à une photo particulière de Héroïne 17, dont j'aimerais bien que tu me parles un peu plus, qui est une photo d'une jeune femme africaine, où elle regarde vers le haut, fin de mon souvenir, et on dirait qu'elle a une larme qui coule.

  • Speaker #2

    Ah oui. Avec Erlian, on s'est vraiment très bien entendues, je l'ai rencontrée dans le cadre du projet Heroine 17 et on est allées, je crois, jusqu'à faire huit séances ensemble. Mais après, c'était aussi parce que j'ai fait des tests, un peu de shooting, un peu mode avec elle. On a expérimenté différentes choses parce qu'elle a un physique qui me fait... Si, je la trouve... Et du coup, tu voulais que je te raconte quelque chose.

  • Speaker #1

    L'histoire de cette photo avec la larme.

  • Speaker #2

    J'ai pas trop envie parce que, je suis désolée, j'ai pas trop envie. On n'aime pas trop cette photo avec Aria. Elle s'associe bien avec une autre, mais je ne suis pas fan de cette image.

  • Speaker #1

    Et pourquoi tu ne l'aimes pas ?

  • Speaker #2

    On ne l'aime pas trop toutes les deux parce que, tu sais, ça fait un peu la tristesse, tu vois. Les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, c'est un côté un peu dramatique. Donc, il y a beaucoup de gens, en fait...

  • Speaker #1

    C'est étonnant d'avoir ce regard-là parce que moi, je ne vois pas du tout... Je vois une très belle image, très digne. Je ne vois pas du tout, justement, le côté dramatique. Donc, c'est étonnant de voir le...

  • Speaker #2

    Tu n'es pas toute seule à le penser. Je pense que quand on a créé les scénographies pour la Galerie du Château d'Eau à Toulouse et la mairie du 10e avec Marie Guillemin, et puis c'était Christian Cojol et Michael Zarmati, eux ont vraiment choisi de sélectionner cette image. J'étais un petit peu contre au début. Et puis voilà, tant mieux si d'autres ont une autre lecture.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une... Une autre qui m'a marquée particulièrement, je crois qu'elle s'appelle Médina.

  • Speaker #2

    Médina, oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui est sur un lit avec une tenue, on dirait une tenue de princesse rose, ses cheveux blonds. Et pareil, hyper respectable. Elle impose le respect, cette photo.

  • Speaker #2

    Oui, j'adore Médina. Je l'ai rencontrée à Nantes dans une structure qui s'appelle Repères 44. C'est des anciens enfants placés qui vont aider les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance quand ils sortent juste. Ils s'entraident entre eux. J'ai rencontré Médina et je l'ai remarquée avec une personnalité incroyable. Donc, elle a été d'accord pour intégrer le projet. Et à chaque fois, souvent, les jeunes femmes me demandent comment elles doivent se représenter. Je laisse vraiment libre inspiration à chacune. Elle ne donne pas d'indication précise, c'est vraiment libre à chacune. Et donc en fait, elle ne voulait pas faire la séance photo chez elle, elle m'a invitée chez une amie, je pense qu'elle était plus à l'aise comme ça. Et en fait, quand je suis arrivée en bas de l'immeuble, elle avait déjà cette coiffe incroyable, donc c'était surprise. Et elle avait prévu cette tenue, c'était une belle surprise pour moi, j'adore comme elle est représentée avec cette robe. Et elle, en fait, j'en parle très librement parce qu'elle est très engagée à ce niveau-là. Elle a utilisé la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Et maintenant, elle lutte vraiment pour que ça n'arrive plus aux autres jeunes adolescentes.

  • Speaker #1

    Du coup, tu es très proche de toute cette femme que tu ne connaissais pas avant. Mais j'imagine que... Que les photographier avec ces sujets-là, ça rapproche énormément et que tu dois avoir maintenant des liens avec toutes ?

  • Speaker #2

    Alors pas toutes parce que j'ai quand même rencontré une centaine de femmes en l'espace de deux ans et puis il y a des fois avec, comme c'est pas sur le même continent etc. Mais avec certaines j'ai loué des liens forts, je sais qu'avec Eriyan on aime bien être ensemble quand il y a une exposition ou une signature de livre etc. Mais oui, il y a certaines jeunes femmes qui m'ont touchée, je me rappellerai d'elles toute ma vie et que je revois parfois.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui en toi résonne à ce point-là pour te lancer dans ces projets et dans ces histoires ? Parce que c'est dur, c'est très dur. Les photos ne sont pas dures, mais ces vies sont terribles. Il faut être super costaud pour mener à terme trois séries comme ça, avec ces sujets aussi difficiles.

  • Speaker #2

    Le Congo, je n'ai pas vraiment eu le choix que de faire ce projet. Ça répondait vraiment à une nécessité. J'avais entendu, comme j'ai dit tout à l'heure, j'avais entendu ce témoignage d'une femme à l'hôpital de Pansy en pleine convulsion. Ça m'a vraiment marquée. Donc, en fait, j'y pensais tout le temps. Donc, je n'ai pas eu le choix, en fait. Mais je pense qu'en fait... Personnellement, je pense qu'un photographe ne choisit pas vraiment son sujet. Il répond à une nécessité, une obligation d'écrire quelque chose parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Enfin, c'est comme ça que j'ai créé ces trois séries, en tout cas. Et donc, le Congo, oui, j'avais besoin d'y retourner, de voir. Et puis de voir qu'il y a aussi de la force, de la beauté, qu'elles ont une foi qui me touche particulièrement, qu'elles gardent une foi incroyable en ayant traversé toutes ces épreuves. Je suis très admirative. Je suis très admirative, j'aime être avec elles, j'aime les rencontrer en fait.

  • Speaker #1

    C'est des combattantes de tous les jours et de toutes les secondes.

  • Speaker #2

    En grande, en toute humilité, parce que c'est un combat intérieur. Elles le font pour briser tout le tabou qu'il y a autour du viol, pour que la honte ne soit pas sur elles mais sur les bourreaux, que la honte change de camp.

  • Speaker #1

    J'ai été dans le Kivu pour un reportage il y a longtemps et c'est... Personnellement, moi, c'est un endroit, c'est l'endroit le plus dur que j'ai connu au monde, où j'ai eu le plus peur. Et je me souviens du silence, du silence, du silence, du silence. Moi, je barrais les jours avant mon retour, comme en prison. Et c'est d'une densité et d'une violence sans nom, en fait. Donc, photographier ces femmes, je trouve ça extraordinaire. Et c'est la question que je me posais, comment... comment tu les approches ?

  • Speaker #2

    Le plus difficile dans ces sujets c'est pas vraiment la photographie en elle-même c'est la rencontre, comment rencontrer comment avoir accès à ces femmes. Pour le sujet Héroïne 17 juste pour te donner un exemple j'ai contacté 35 structures en lien avec l'aide sociale à l'enfance, il n'y en a que 7 qui m'ont ouvert leur porte. Je suis parfois passée par un processus de en moyenne 4 réunions pour être mise en relation avec elles et une fois... que je l'ai rencontrée, ça se passait plutôt très bien parce qu'elles avaient décidé d'être là. Pour le Congo, quand j'ai photographié les femmes, au début, sur mon premier voyage à Pandji, j'étais tout le temps accompagnée par soit un psychologue, un sociologue, une infirmière. Et comme je cherchais à faire des portraits intimes, c'était très compliqué dans ce protocole de créer une relation avec la personne. Du coup, j'ai décidé... d'aller dormir avec elle dans la maison de transit qui les accueille le soir en dehors de l'hôpital. Donc j'ai passé deux ou trois nuits, je crois, pour avoir ce moment un petit peu privilégié, même si j'étais accompagnée d'une infirmière. Voilà, mais du coup, la relation, elle se faisait plus simplement parce qu'on n'était pas entre deux rendez-vous de l'hôpital et ensuite. Ça a été un petit peu plus compliqué de poursuivre le travail à l'hôpital de Pansy, mais comme je m'étais liée d'amitié avec Aline, qui est une des survivantes, et qui travaillait chez Médecins du Monde lors de mon premier voyage, elle a monté les Mutuelles de Solidarité à Boucavou. Les Mutuelles de Solidarité, c'est des femmes qui s'organisent entre elles, survivantes des violences sexuelles, et qui se réunissent une fois par semaine pour montrer... C'est comme une coopérative pour monter des projets. Et donc en fait, j'ai poursuivi le projet en me rendant dans les mutuelles de solidarité accompagnées par Aline. Et après, je me suis liée encore avec Léontine, une autre jeune femme qui m'a épaulée dans d'autres mutuelles de solidarité. Donc je me suis vraiment débrouillée. Et puis quand j'étais sur place, parfois j'ai passé 5, 6 jours, 7 jours dans des attentes, dans des rendez-vous qui ne se faisaient pas. Il fallait juste que je m'arme de patience. Et après, quand je les ai rencontrés, c'est très délicat comme position parce qu'on refait quand même vivre le traumatisme à la personne. C'est pas évident, mais du coup, j'ai vraiment un devoir de résultat aujourd'hui. J'aimerais faire un livre avec ce travail. Et puis, mon objectif, ce serait vraiment de faire une levée de fond. et de rendre un peu par de l'argent, mais parce que c'est utile. Rendre un peu ce qu'en fait, elles m'ont beaucoup, beaucoup donné. Et au moment présent, c'est à moi de leur rendre aussi ce qu'elles m'ont donné. Donc ça, c'est quelque chose que je me suis fixée il y a longtemps pour rendre ce qu'on m'a donné parce qu'elles ont des projets. Léontine, elle voudrait agrandir un atelier de couture et Aline voudrait créer une boulangerie.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'elles ont vu le résultat ? Est-ce qu'elles ont vu tes photos ?

  • Speaker #2

    Alors Aline, elles sont affiches. complètement des photos. Je lui ai envoyé, elle n'a même pas téléchargé les images. Et Léontine, en fait, j'ai fait des photos. Je fais toujours une séance, en fait, pour moi et pour elle. Donc avec Léontine, on en a fait plusieurs avec sa maman et sa petite-fille. Donc évidemment, elle, elle adore les images. Donc j'en ai restitué, oui, bien sûr. Et on a fait des séances vraiment, genre, que pour elle.

  • Speaker #1

    D'accord. Quand tu fais les portraits, les séances photos, t'as une séance pour elle et une séance pour...

  • Speaker #2

    Soit je divise la séance en deux, c'est-à-dire que je fais des photos toujours pour les satisfaire, pour qu'elles aient un souvenir, qu'elles aient des belles photos d'elles. Et après, je fais des photos que moi, je pourrais utiliser. D'accord,

  • Speaker #1

    tes portraits intimes, ce que tu veux appeler les portraits intimes.

  • Speaker #2

    Que j'essaye de faire intime, ce n'est pas toujours évident sur ce type de projet.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu appelles un portrait intime ?

  • Speaker #2

    C'est vraiment un portrait où il se dégage une certaine forme de sensibilité, mais je veux dire... Quand c'est des histoires dramatiques où vous savez que vous êtes choisi parce que vous avez vécu ça, bon ben ça bloque complètement, c'est hyper difficile de rentrer dans l'intimité. En tout cas c'est ce que je recherche, c'est ce que je souhaite faire, après selon les sujets c'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus du troisième volet de ce chapitre, qui s'appelle Perles d'Ukraine ? où tu photographies des femmes ukrainiennes.

  • Speaker #2

    En fait, ce projet Perle d'Ukraine, il se divise en deux chapitres. Donc, les survivantes du viol comme arme de guerre et un plus petit chapitre sur une forme de prostitution déguisée dont sont parfois victimes les réfugiés dans les pays qui les accueillent. Donc, au début de l'invasion à grande échelle, on a vraiment entendu parler des femmes... qui étaient sollicitées, enfin beaucoup de femmes sont rentrées dans des agences matrimoniales, des femmes qui n'auraient jamais passé le cap. Et au sein des agences matrimoniales, en fait, on a pu constater des hommes qui proposaient un hébergement en échange de bons procédés. Donc j'ai voulu témoigner, on en a pas mal parlé dans les médias, j'ai voulu témoigner de ça, j'ai voulu rencontrer ces femmes, c'était très compliqué. Je suis rentrée en contact avec les agences matrimoniales, c'était pas possible. Donc j'ai décidé de le documenter, de le montrer autrement. J'ai fait des captures d'écran des femmes ukrainiennes qui étaient présentées dans les agences matrimoniales et j'ai gratté leur visage, je les ai rendues anonymes. Et ces images témoignent de cette histoire d'une forme de prostitution déguisée à travers cet ensemble d'images retravaillées. Voilà, mais c'est un tout petit chapitre. Ensuite... J'ai rencontré des survivantes du viol comme arme de guerre. En fait, j'ai bien envie de raconter l'histoire de Olena, ma grande amie ukrainienne. J'ai rencontré Olena, c'était il y a un an et demi à Berlin. Juste une fille incroyable. Et elle m'avait dit, est-ce que tu sais, à la fin de l'interview, est-ce que tu sais que 25% des soldats sont des femmes ? Elle m'avait dit ça, j'avais aucune conscience, j'étais au tout début de... de mon projet. Et puis, elle, elle est en couple avec son meilleur ami qui est devenu son compagnon, qui est sur le front. Et puis là, au moment présent, elle est sur le front. Et c'est une fille juste extraordinaire. Elle tenait un théâtre. C'est une grande actrice et artiste. Et quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Elle travaillait dans un théâtre. Et maintenant, elle est sur le front. Son histoire, en fait, elle a perdu sa maman dans les bombardements. Et en 2018, je crois, je ne sais plus exactement les dates, peut-être je vais faire des erreurs, mais 2018 ou 2019, en fait, son père était en Crimée et elle a décidé, son père était malade, donc elle a décidé de le rejoindre. Elle a fait des faux papiers pour...

  • Speaker #1

    pour rentrer en Ukraine ou en Crimée.

  • Speaker #2

    Elle était dans un blabla-car, elle s'est faite arrêter. Elle n'a vraiment pas eu peur au début. Elle a commencé à avoir peur quand les Russes ont dit au blabla-car de poursuivre sa route. Du coup, elle a été prisonnière pendant une semaine. En fait, Ausha, je l'ai revue plusieurs fois et elle m'a dit qu'elle avait témoigné seulement de 5% de son histoire. Donc là, elle a subi des interrogatoires et puis différentes choses. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer dans les détails. Donc, elle a été libérée au bout d'une semaine. Ensuite, je ne connais pas toute sa vie, mais je sais que quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Quand elle a voulu rentrer en Ukraine, ce n'était pas possible. Et ses amis, en fait, lui ont vraiment conseillé de rester en Pologne, qu'elle était plus utile en Pologne. Parce qu'elle aidait vraiment à travers des colis de médicaments, de différentes choses. Parfois, c'était juste, je me souviens, une histoire de chaussettes chaudes, parce que sa sœur était sur le front pour le coup. Voilà. Donc ensuite, elle s'est mise à travailler. On l'a contactée. Il y a un théâtre qui l'a contactée à Berlin. Elle était à Berlin. Et puis, sa santé s'est améliorée. Elle a donc décidé de retourner à Kiev. Et à Kiev, elle a pris la décision de rejoindre l'armée, parce que son compagnon était déjà engagé dans l'armée. Et du coup, je suis très honorée de ce que je pense à elle tous les jours. Je la trouve tellement incroyable. Je fais partie d'un groupe WhatsApp avec ses amis et donc elle partage son quotidien. Donc on la voit dans les tranchées, mais elle a cette vision. Elle est tellement fun, elle nous envoie des vidéos où elle fait des frites.

  • Speaker #1

    C'est la vie quotidienne de guerrière. C'est des guerrières. Toutes ces femmes que tu photographies, c'est des guerrières dans tous les sens du terme.

  • Speaker #2

    Elle, j'avoue, je pense à elle vraiment souvent. Je suis très admirative et puis elle est dans un métier artistique. Donc, on peut aussi se dire, waouh, en fait, elle ne trouvait plus aucun intérêt à travailler dans un théâtre alors qu'il se passait tout ça dans son pays.

  • Speaker #1

    Et tu l'as photographiée ?

  • Speaker #2

    Oui, elle fait partie de mon projet.

  • Speaker #1

    Et la photo ?

  • Speaker #2

    En fait, il y en a pas beaucoup. Elle est sur mon site, mais il n'y en a pas beaucoup parce que le projet, je le montrerai quand il sera vraiment abouti. Olena, elle est brune, magnifique, à peu près 35 ans, les cheveux longs. Elle est portraiturée sur une chaise et elle a un collier de perles sur ses genoux.

  • Speaker #1

    Et c'est un projet qui est encore en cours ? Tu es encore en train de travailler dessus ?

  • Speaker #2

    J'aimerais encore réaliser quatre portraits, rencontrer quatre femmes. Mais c'est un petit peu compliqué. Et j'avoue qu'au bout de... Je ne pourrais pas aller plus loin parce que j'ai mené ces trois chapitres et que je sens mes propres limites.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander. Comment tu fais pour tenir encore ? Et quel est le prochain chapitre ?

  • Speaker #2

    Là, j'en ai un peu marre. Il n'y aura pas de quatrième chapitre au moment présent. J'ai vraiment besoin de faire un break. J'ai besoin de... de choses jolies et joyeuses. J'ai besoin de sujets vraiment légers, sympathiques.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà une petite idée de tes prochains sujets joyeux ?

  • Speaker #1

    Oui, enfin légers. Mais j'ai repris une série que j'avais mis de côté il y a deux ou trois ans qui s'appelle Zone blanche terre-mer. Ça part de la maison de ma grand-mère en Aveyron, dans un village. Et là, j'ouvre un petit peu à la culture avéronnaise. Donc j'ai fait ça cet été, ça m'a fait beaucoup de bien. Ça m'a apaisée. Et sinon, dans le cadre du mémoire que je fais à l'école Loulumière, je travaille sur la matérialité. Mon prochain sujet se passera en Inde, sur les traces d'un sage. Et ça fait un an que je travaille dessus, que je fais des recherches. D'habitude, je ne prépare jamais autant en amont mon projet. Et puis, je n'en dirai pas plus parce que, dès que j'en parle, je perds l'énergie et l'envie de le faire. Mais je suis vraiment en pleine préparation.

  • Speaker #0

    Et t'es déjà allée en Inde ou pas encore ? Oui,

  • Speaker #1

    j'adore l'Inde, j'y suis allée dix fois et j'ai fait sept fois ce pèlerinage sur lequel je vais retourner.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est intéressant de voir qu'après ces trois volets, ces chapitres ultra poignants, douloureux, forts, sublimes, durs, tu vas à la rencontre d'un sage pour essayer d'apaiser toute cette violence.

  • Speaker #1

    Après, j'y suis déjà... En fait, comme j'ai dit tout à l'heure, je me suis sentie ne pas avoir le choix de témoigner de ces trois histoires. Mais mes goûts personnels sont vraiment portés sur l'Inde et la culture hindoue. Ça m'anime depuis très longtemps. Donc, je retourne juste à ce que j'aime profondément.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des... Quelles sont tes influences ?

  • Speaker #1

    À quel niveau ?

  • Speaker #0

    À tous les niveaux. Au niveau... Vite. au niveau artistique, à tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Ce qui me vient spontanément, je pratique le Bharatanatyam, c'est la danse classique du sud de l'Inde, c'est une danse en l'honneur du Diyosheeva et j'adore cette pratique qui est un peu, on peut la comparer comme la pratique d'un art martial, ça demande beaucoup d'engagement et dans le Bharatanatyam, C'est vraiment divisé. Souvent, les représentations sont divisées en deux parties, qui est une partie technique et une partie narrative. Ça me fait penser un peu à la photographie, en fait, où une fois qu'on maîtrise la technique, il faut totalement l'abandonner pour ne rechercher que l'émotion, comme dans la partie de danse des Abhinayas, où en fait, on va suivre juste le jeu de regard et on va regarder le visage de la danseuse et oublier cette grande maîtrise de la technique pour ressentir juste l'émotion. essayer de comprendre l'histoire qu'elle raconte parce que c'est une danse qui raconte les histoires de l'hindouisme, des différents dieux et des différents divertissements. Donc je pense que c'est ce qui m'inspire le plus. Je peux vraiment faire une comparaison entre la pratique du Bharatanatyam et la pratique de la photographie.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas du tout cette danse, je n'en ai jamais entendu parler.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    C'est une danse qu'on fait seule ou en groupe ?

  • Speaker #1

    Souvent, c'est la danseuse. Elle se représente souvent seule avec un groupe de musiciens. Mais ça peut aussi se faire en groupe.

  • Speaker #0

    Et tu prends des cours ?

  • Speaker #1

    Je prends des cours avec... En fait, c'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris depuis huit ans. C'était pour ce maître de danse qui s'appelle Vidya. Je prends des cours avec elle en groupe et je prends des cours individuels aussi.

  • Speaker #0

    D'accord, donc ça fait huit ans que tu...

  • Speaker #1

    Ça fait plus longtemps, en fait, j'ai rencontré cette danse lors de mon premier voyage en Inde, quand j'avais 24 ans, le premier soir où j'arrive en Inde. Et j'étais fascinée, c'est vraiment une danse de guerrière. Les postures sont incroyables et il y a vraiment une énergie, une énergie vraiment incroyable.

  • Speaker #0

    Et comment t'es arrivée en Inde ? Comment t'es arrivée la première fois en Inde et qu'est-ce qui fait que t'es très attachée ? à ce pays ou cette culture ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours rêvé depuis petite d'aller en Inde. Je voulais le garder pour plus tard parce que je savais que je serais fascinée. Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que je serais fascinée. Je voulais visiter vraiment d'autres pays avant de rencontrer l'Inde. Et en fait, j'y suis partie toute seule. J'avais 24 ans. Je répondais pareil un peu à une urgence. Et puis du coup, j'ai été happée. J'y suis retournée. En fait, je passais pratiquement 4-5 mois de l'année en Inde pendant 5 ans. J'ai fait ça. Et puis après, je suis montée à Paris. Puis ma vie a changé. Je suis vraiment devenue... Je me suis mis à beaucoup travailler, à m'ancrer bien dans la matière. Et c'est bien, mais j'aimerais bien retrouver un équilibre entre les deux.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je peux te souhaiter pour l'avenir ?

  • Speaker #1

    De la tranquillité.

  • Speaker #0

    Donc une bonne dose de tranquillité pour 4-5 ans ?

  • Speaker #1

    Non, parce que je vais m'ennuyer.

  • Speaker #0

    Donc je te souhaite plein de tranquillité.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Anaïs pour ce témoignage bouleversant, pour cette interview fascinante et bouleversante. Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode.

  • Speaker #0

    J'espère qu'il vous a plu.

  • Speaker #2

    Si c'est le cas, partagez-le autour de vous et sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas non plus à laisser un avis positif sur vos applications de podcast. Pour ne rien manquer de déclic, suivez-moi à atmaudebernose sur Instagram. Si vous avez des compliments, des critiques ou des réflexions, n'hésitez pas non plus. Ça aide toujours. Merci enfin à la Cité Audacieuse pour son studio d'enregistrement. A bientôt !

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Description

Des Clics, Conversations avec des femmes photographes est un podcast pour célébrer la force et l'unicité du regard féminin dans la photographie contemporaine.

Dans ce nouvel épisode, je reçois la photographe Anaïs Oudart.

Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social.

Elle s’est formée à l’école des beaux arts de Bordeaux puis au studio Rouchon à Paris et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude ou Denis Rouvre.

Elle est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes.

Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparait derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite happée par l’intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaitra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L’enregistrement peut commencer. 

Site internet d'Anaïs : www.oudartanais.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Maud Bernos, photographe depuis longtemps et podcasteuse depuis maintenant,

  • Speaker #1

    et je vous propose d'écouter Déclic,

  • Speaker #0

    un podcast dédié aux femmes photographes. Nous y parlerons photographie, bien sûr, mais aussi création, parcours, influence, obsession, combat et désir. Tous les mois, je recevrai une photographe qui nous dévoilera son parcours de création, sa vision du féminisme et ses engagements en tant que femme photographe. Aujourd'hui, je suis très heureuse d'accueillir à mes côtés la photographe Anaïs Oudard. Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social. Elle s'est formée à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux, puis au Studio Rouchon à Paris, et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goud ou Denis Roux. Je ne l'avais jamais rencontrée avant cette conversation, mais depuis de très longs mois, je voyais défiler sur mes écrans et sur les murs d'exposition une photo toujours la même, de celle qui nous marque et que l'on n'oublie pas. Le portrait en pied d'une jeune femme, debout sur un socle en bois, majestueuse, la tête haute, les cheveux courts, une canne couleur or à la main et vêtue d'une robe ocre. Il s'agit d'Aéria, véritable muse de la photographe, qui deviendra par la suite sa grande amie. C'est donc grâce à Aéria et à cette photographie issue de la série Héroïne 17 que nous nous sommes rencontrés. Anaïs est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes. Distinguée par de nombreux prix et soutiens, tels que le soutien à la photographie documentaire du CNAP, la grande commande de photojournalisme de la BNF, le prix Caritas Photo Social, le prix Fougi les femmes s'exposent ou le mentorat des filles de la photo, ce travail se décline en trois volets. Le premier volet, Héroïne 17, nous plonge dans l'univers de jeunes filles en situation de rupture familiale. Après avoir connu la rue, où certaines n'ont eu d'autre choix que la prostitution, elle cherche à se reconstruire dans des foyers ou des familles d'accueil. Pour le second volet, L'étreinte du serpent la photographe s'est rendue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo pour aller à la rencontre de femmes victimes de viols comme armes de guerre. Le troisième et dernier volet, Perles d'Ukraine porte sur les abus et violences sexuelles subies par les femmes ukrainiennes depuis le début de l'invasion russe. Ces trois projets, bien que très différents, se sont juxtaposées dans le temps. Les histoires se mêlent, s'entremêlent, se démêlent, à l'image de ses vies. Anaïs les raconte avec autant de gravité que d'humilité. Anaïs les vit avec son âme et ses tripes. Et comme elle le dit si bien, nous sommes tout petits à côté de ces femmes. Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre, pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparaît derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite tapée par l'intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaîtra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L'enregistrement peut commencer. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #1

    Je suis ravie de t'accueillir aujourd'hui dans les locaux de la Cité Audacieuse à Paris.

  • Speaker #2

    Bonjour Maud, merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Pour commencer, j'aimerais savoir qu'est-ce qui t'empêche de dormir à la nuit ?

  • Speaker #2

    Au moment présent, pas grand-chose, parce que je suis vraiment fatiguée, donc tout va bien à ce niveau-là. Mais oui, il m'est arrivé de faire quelques petits cauchemars suite aux séries que j'ai réalisées sur ces trois dernières années.

  • Speaker #1

    On va parler de tes séries dans pas longtemps. Est-ce que tu peux me dire quelle a été ton enfance et surtout, comment t'es arrivée à la photo ? Quel a été un peu ton parcours jusqu'à la photo ?

  • Speaker #2

    Déjà, tu as demandé la question sur l'enfance, comment ça s'est passé. Je suis née à Paris, mais on est descendue à Bordeaux quand j'avais 6 ans. Et je suis remontée à Paris à 32 ans, donc vraiment, je me sens appartenir à la ville de Bordeaux. Et comment je suis venue à la photographie ? En fait, on a beaucoup voyagé avec ma famille et mon père était un photographe amateur à Averti, on va dire. Il réalisait lors de tous nos voyages des diapositives. Et puis le soir, après le voyage, on avait ces grandes rétrospectives de nos voyages. Donc, je pense que j'ai développé un attrait et un goût pour la photographie en regardant mon père photographier pendant ses voyages. Et je me souviens quand j'avais 9 ans. En fait, je crois qu'on était au Maroc et je crois qu'on était dans le parc de Majolans. Mais en fait, on n'avait pas le droit de toucher à son appareil photo. C'était super mystique. Et puis il me l'a prêté pour réaliser mon premier cliché. Je m'en rappelle vraiment, c'était assez fort pour moi. C'est assez banal comme histoire, mais ça m'a marquée. Puis j'ai toujours voulu devenir photographe. En fait, je l'avais décidé quand j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Et ce premier cliché a été fait du coup avec l'appareil de ton père ? C'était des diapositives. Ah, des diapositives. Et tu te souviens de cette première photo ?

  • Speaker #2

    Non, par contre, je ne me rappelle pas. Mais je me rappelle la sensation de toucher cet appareil qui était un peu spécial.

  • Speaker #1

    Et de... D'avoir une espèce de révélation tout de suite, afin que ça soit une évidence ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout, mais en fait, j'avais décidé, j'avais 9 ans, j'avais quelques économies, parce que ma mère, elle rigole encore de ça souvent, mais j'avais quelques économies, et puis j'avais tout dépensé pour m'acheter un petit boîtier, et j'étais très frustrée parce que j'avais plus d'argent, mais j'avais l'appareil photo. Et enfin, je sais pas, j'ai toujours voulu être photographe, je sais pas si c'est lié à cette image. En tout cas, je sais qu'il y avait tout un mystère autour de la photographie, parce qu'on n'avait pas le droit de toucher à cet appareil photo, mais aussi peut-être parce que... Peut-être que la photographie était associée au voyage et puis on a beaucoup voyagé et puis j'ai un goût pour... pour ça. Donc, je ne sais pas exactement.

  • Speaker #1

    Et tu as fait une école ou pas du tout ? Je crois que tu as décidé...

  • Speaker #2

    J'ai fait une fac de langue, donc rien à voir. Mais quand j'avais 23 ans, j'ai fait une formation aux techniques de la photographie. Mais après, j'ai beaucoup appris seule. J'ai aussi été assistante d'un photographe sur Bordeaux qui m'avait beaucoup appris. Et j'ai toujours suivi des cours, en fait. J'ai toujours suivi des cours. J'ai suivi les cours d'électroire. Les cours d'histoire des beaux-arts, j'ai fait des cours d'histoire de la photographie pendant pas mal de temps avec un professeur que j'aime beaucoup qui s'appelle Marion Walter. Voilà, j'ai fait ça. Et puis même, je suis montée à Paris, j'ai suivi les cours du musée du jeu de paume, l'histoire de la photographie. Et puis là, j'ai repris mes études. Du coup, il y a un an, je fais une VAE, validation d'acquis d'expérience à l'école Louis Lumière. Donc, je fais un master de photographie et je suis en train de préparer un mémoire sur... La matérialité et le renoncement à l'œuvre, c'est vraiment une recherche qui me passionne au moment présent parce que ce n'est pas du tout mon champ de la photographie. Je découvre plein d'artistes et c'est assez passionnant.

  • Speaker #1

    C'est super intéressant parce que tu es photographe et tu reprends des études de photo mais beaucoup plus théoriques et beaucoup plus intellectuelles que pratiques et techniques.

  • Speaker #2

    Vraiment, parce que je ne vais pas aux cours de technique, parce que comme en effet tu as mentionné que j'ai travaillé au studio Rouchon, j'ai quand même beaucoup appris la technique auprès de grands photographes. Donc je ne suis pas à les cours de technique, même s'il y a des professeurs vraiment incroyables et que j'aurai encore à apprendre. Après c'est tellement infini, donc je me focalise un peu sur les cours d'esthétique et d'histoire de la photographie et des procédés anciens. En fait j'y suis allée plus tôt, j'avais oublié, mais j'y suis allée plus tôt pour découvrir les procédés anciens. Et je me suis pris de passion pour le côté éphémère des œuvres photographiques, l'effacement, etc.

  • Speaker #1

    Quand était ta dernière séance photo et qu'est-ce que tu as photographié ?

  • Speaker #2

    Ma dernière séance photo était très cool. En fait, cet été, j'ai repris une série photo qui s'appelle Zone blanche terre-mer sur la terre de mes ancêtres, donc la maison familiale, la maison de ma grand-mère en Aveyron. C'est un sujet que j'avais commencé il y a trois ans. Et c'est aussi un sujet qu'avec mon amie Sarah Leduc, on appellerait un sujet détox qui fait du bien. Donc, la dernière séance, c'était avec des danseurs d'une troupe de danse traditionnelle à Véronèse. Donc, je suis allée dans une famille, ils m'ont accueillie. Et c'était très sympa parce que je ne refaisais vivre aucun traumatisme à personne. Et du coup, c'était relax. C'était un moment chouette.

  • Speaker #1

    C'était un moment doux.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Ça a changé beaucoup de tes trois séries ? Je ne sais pas si pour toi c'est trois séries différentes, si c'est trois volets d'une série. Dans Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle du crène, la thématique qui réunit les images, c'est des femmes qui ont toutes été violentées, d'une façon ou d'une autre. Mais je ne sais pas quelle est la première de ces séries.

  • Speaker #2

    Et si tu veux, je te redis le contexte. Oui, en fait... En 2018-2019, j'étais l'assistante du portraitiste Denis Rouvre et on a répondu à une commande de Médecins du Monde. On a traversé dix pays, on travaillait sur les violences faites aux femmes. Et j'ai été très touchée, donc on est allé en République démocratique du Congo, plus particulièrement à l'Est, à Bukavu, et particulièrement à l'hôpital de Pandzi où le docteur Mukwege, célèbre gynécologue congolais et prix Nobel de la paix 2018, répare le système génital détruit des femmes. Donc on a passé simplement trois jours dans cet hôpital, mais c'est trois jours qui m'ont profondément marquée. Je pense qu'on se souvient évidemment toute sa vie, je pense quand on entend le premier témoignage d'une survivante du viol comme arme de guerre. Du coup, j'ai jamais pu oublier en fait ces témoignages, parce que quand elles en parlent, elles le font, il y a des convulsions du corps, c'est très particulier. Et du coup j'ai décidé, donc on y est allé en février 2019 et j'ai décidé d'y retourner à titre personnel en septembre 2019. Donc j'ai commencé ce projet sur les violences faites aux femmes qui se déclinent en trois chapitres. Donc Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle d'Ukraine. Mais j'ai commencé par le Congo, L'étreinte du serpent. Quand je suis retournée à Pandzi, il y avait cette horreur, mais il y avait aussi ce courage, ces femmes en fait qui frappaient sur la table avec leur... tasse là dans la cantine et puis qui chantait et puis qui parfois dansait. Il n'y avait pas que l'horreur, en fait. Il y avait aussi de la solidarité, de la force.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est une façon de réparer ces femmes, de les photographier, de les aider à se réparer ?

  • Speaker #2

    Non, non, pas du tout. Je ne me donnerai pas du tout ce... Je préfère rester à ma petite place.

  • Speaker #1

    Mais de leur donner cette place pour s'exprimer et pour les magnifier en fait, parce que tu les magnifies à travers tes photos. Moi je vois des reines en fait, partout dans tes photos je vois des reines.

  • Speaker #2

    Alors peut-être pour les survivantes des violences sexuelles, j'ai du mal à... Je n'ai pas trouvé ma place, c'est trop compliqué. à mener, et puis on est vraiment tout petit à côté de ces femmes, c'est clair, par rapport à leur courage, etc. Pour le projet Héroïne 17, oui, l'idée, c'était de rendre hommage à ces femmes, de les magnifier, de témoigner de ces parcours de vie, de leur courage à traverser ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour les auditeurs qui nous écoutent, tu peux raconter un petit peu le synopsis de Héroïne 17 ?

  • Speaker #2

    Alors, Héroïne 17, c'est un sujet qui a été réalisé pour rendre hommage à des jeunes femmes qui ont toutes connu une situation de rupture familiale dans leur enfance. Donc j'ai pu noter, constater trois conséquences à la rupture familiale, qui sont un placement à eux, donc un placement à l'aide sociale à l'enfance, un passage dans la rue ou dans les centres d'hébergement d'urgence pour certains. Et j'ai aussi pu constater, ce n'est pas le cas de toutes, mais j'ai pu constater la prostitution, l'utilisation de la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Il y a beaucoup de jeunes femmes qui s'en sortent parce qu'elles ont été aidées à un moment donné dans leur parcours. C'est soit par un professeur, soit par le parent d'amis qui leur a tendu la main. Et elles sont nombreuses à se tourner vers des études en lien avec l'aide sociale. Elles sont nombreuses à se tourner vers un métier qui leur permettra de rendre l'appareil. Et en fait... C'est une boucle.

  • Speaker #1

    Il y a une proximité et une douceur qui se déploient de toutes ces photos. Et je pense à une photo particulière de Héroïne 17, dont j'aimerais bien que tu me parles un peu plus, qui est une photo d'une jeune femme africaine, où elle regarde vers le haut, fin de mon souvenir, et on dirait qu'elle a une larme qui coule.

  • Speaker #2

    Ah oui. Avec Erlian, on s'est vraiment très bien entendues, je l'ai rencontrée dans le cadre du projet Heroine 17 et on est allées, je crois, jusqu'à faire huit séances ensemble. Mais après, c'était aussi parce que j'ai fait des tests, un peu de shooting, un peu mode avec elle. On a expérimenté différentes choses parce qu'elle a un physique qui me fait... Si, je la trouve... Et du coup, tu voulais que je te raconte quelque chose.

  • Speaker #1

    L'histoire de cette photo avec la larme.

  • Speaker #2

    J'ai pas trop envie parce que, je suis désolée, j'ai pas trop envie. On n'aime pas trop cette photo avec Aria. Elle s'associe bien avec une autre, mais je ne suis pas fan de cette image.

  • Speaker #1

    Et pourquoi tu ne l'aimes pas ?

  • Speaker #2

    On ne l'aime pas trop toutes les deux parce que, tu sais, ça fait un peu la tristesse, tu vois. Les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, c'est un côté un peu dramatique. Donc, il y a beaucoup de gens, en fait...

  • Speaker #1

    C'est étonnant d'avoir ce regard-là parce que moi, je ne vois pas du tout... Je vois une très belle image, très digne. Je ne vois pas du tout, justement, le côté dramatique. Donc, c'est étonnant de voir le...

  • Speaker #2

    Tu n'es pas toute seule à le penser. Je pense que quand on a créé les scénographies pour la Galerie du Château d'Eau à Toulouse et la mairie du 10e avec Marie Guillemin, et puis c'était Christian Cojol et Michael Zarmati, eux ont vraiment choisi de sélectionner cette image. J'étais un petit peu contre au début. Et puis voilà, tant mieux si d'autres ont une autre lecture.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une... Une autre qui m'a marquée particulièrement, je crois qu'elle s'appelle Médina.

  • Speaker #2

    Médina, oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui est sur un lit avec une tenue, on dirait une tenue de princesse rose, ses cheveux blonds. Et pareil, hyper respectable. Elle impose le respect, cette photo.

  • Speaker #2

    Oui, j'adore Médina. Je l'ai rencontrée à Nantes dans une structure qui s'appelle Repères 44. C'est des anciens enfants placés qui vont aider les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance quand ils sortent juste. Ils s'entraident entre eux. J'ai rencontré Médina et je l'ai remarquée avec une personnalité incroyable. Donc, elle a été d'accord pour intégrer le projet. Et à chaque fois, souvent, les jeunes femmes me demandent comment elles doivent se représenter. Je laisse vraiment libre inspiration à chacune. Elle ne donne pas d'indication précise, c'est vraiment libre à chacune. Et donc en fait, elle ne voulait pas faire la séance photo chez elle, elle m'a invitée chez une amie, je pense qu'elle était plus à l'aise comme ça. Et en fait, quand je suis arrivée en bas de l'immeuble, elle avait déjà cette coiffe incroyable, donc c'était surprise. Et elle avait prévu cette tenue, c'était une belle surprise pour moi, j'adore comme elle est représentée avec cette robe. Et elle, en fait, j'en parle très librement parce qu'elle est très engagée à ce niveau-là. Elle a utilisé la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Et maintenant, elle lutte vraiment pour que ça n'arrive plus aux autres jeunes adolescentes.

  • Speaker #1

    Du coup, tu es très proche de toute cette femme que tu ne connaissais pas avant. Mais j'imagine que... Que les photographier avec ces sujets-là, ça rapproche énormément et que tu dois avoir maintenant des liens avec toutes ?

  • Speaker #2

    Alors pas toutes parce que j'ai quand même rencontré une centaine de femmes en l'espace de deux ans et puis il y a des fois avec, comme c'est pas sur le même continent etc. Mais avec certaines j'ai loué des liens forts, je sais qu'avec Eriyan on aime bien être ensemble quand il y a une exposition ou une signature de livre etc. Mais oui, il y a certaines jeunes femmes qui m'ont touchée, je me rappellerai d'elles toute ma vie et que je revois parfois.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui en toi résonne à ce point-là pour te lancer dans ces projets et dans ces histoires ? Parce que c'est dur, c'est très dur. Les photos ne sont pas dures, mais ces vies sont terribles. Il faut être super costaud pour mener à terme trois séries comme ça, avec ces sujets aussi difficiles.

  • Speaker #2

    Le Congo, je n'ai pas vraiment eu le choix que de faire ce projet. Ça répondait vraiment à une nécessité. J'avais entendu, comme j'ai dit tout à l'heure, j'avais entendu ce témoignage d'une femme à l'hôpital de Pansy en pleine convulsion. Ça m'a vraiment marquée. Donc, en fait, j'y pensais tout le temps. Donc, je n'ai pas eu le choix, en fait. Mais je pense qu'en fait... Personnellement, je pense qu'un photographe ne choisit pas vraiment son sujet. Il répond à une nécessité, une obligation d'écrire quelque chose parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Enfin, c'est comme ça que j'ai créé ces trois séries, en tout cas. Et donc, le Congo, oui, j'avais besoin d'y retourner, de voir. Et puis de voir qu'il y a aussi de la force, de la beauté, qu'elles ont une foi qui me touche particulièrement, qu'elles gardent une foi incroyable en ayant traversé toutes ces épreuves. Je suis très admirative. Je suis très admirative, j'aime être avec elles, j'aime les rencontrer en fait.

  • Speaker #1

    C'est des combattantes de tous les jours et de toutes les secondes.

  • Speaker #2

    En grande, en toute humilité, parce que c'est un combat intérieur. Elles le font pour briser tout le tabou qu'il y a autour du viol, pour que la honte ne soit pas sur elles mais sur les bourreaux, que la honte change de camp.

  • Speaker #1

    J'ai été dans le Kivu pour un reportage il y a longtemps et c'est... Personnellement, moi, c'est un endroit, c'est l'endroit le plus dur que j'ai connu au monde, où j'ai eu le plus peur. Et je me souviens du silence, du silence, du silence, du silence. Moi, je barrais les jours avant mon retour, comme en prison. Et c'est d'une densité et d'une violence sans nom, en fait. Donc, photographier ces femmes, je trouve ça extraordinaire. Et c'est la question que je me posais, comment... comment tu les approches ?

  • Speaker #2

    Le plus difficile dans ces sujets c'est pas vraiment la photographie en elle-même c'est la rencontre, comment rencontrer comment avoir accès à ces femmes. Pour le sujet Héroïne 17 juste pour te donner un exemple j'ai contacté 35 structures en lien avec l'aide sociale à l'enfance, il n'y en a que 7 qui m'ont ouvert leur porte. Je suis parfois passée par un processus de en moyenne 4 réunions pour être mise en relation avec elles et une fois... que je l'ai rencontrée, ça se passait plutôt très bien parce qu'elles avaient décidé d'être là. Pour le Congo, quand j'ai photographié les femmes, au début, sur mon premier voyage à Pandji, j'étais tout le temps accompagnée par soit un psychologue, un sociologue, une infirmière. Et comme je cherchais à faire des portraits intimes, c'était très compliqué dans ce protocole de créer une relation avec la personne. Du coup, j'ai décidé... d'aller dormir avec elle dans la maison de transit qui les accueille le soir en dehors de l'hôpital. Donc j'ai passé deux ou trois nuits, je crois, pour avoir ce moment un petit peu privilégié, même si j'étais accompagnée d'une infirmière. Voilà, mais du coup, la relation, elle se faisait plus simplement parce qu'on n'était pas entre deux rendez-vous de l'hôpital et ensuite. Ça a été un petit peu plus compliqué de poursuivre le travail à l'hôpital de Pansy, mais comme je m'étais liée d'amitié avec Aline, qui est une des survivantes, et qui travaillait chez Médecins du Monde lors de mon premier voyage, elle a monté les Mutuelles de Solidarité à Boucavou. Les Mutuelles de Solidarité, c'est des femmes qui s'organisent entre elles, survivantes des violences sexuelles, et qui se réunissent une fois par semaine pour montrer... C'est comme une coopérative pour monter des projets. Et donc en fait, j'ai poursuivi le projet en me rendant dans les mutuelles de solidarité accompagnées par Aline. Et après, je me suis liée encore avec Léontine, une autre jeune femme qui m'a épaulée dans d'autres mutuelles de solidarité. Donc je me suis vraiment débrouillée. Et puis quand j'étais sur place, parfois j'ai passé 5, 6 jours, 7 jours dans des attentes, dans des rendez-vous qui ne se faisaient pas. Il fallait juste que je m'arme de patience. Et après, quand je les ai rencontrés, c'est très délicat comme position parce qu'on refait quand même vivre le traumatisme à la personne. C'est pas évident, mais du coup, j'ai vraiment un devoir de résultat aujourd'hui. J'aimerais faire un livre avec ce travail. Et puis, mon objectif, ce serait vraiment de faire une levée de fond. et de rendre un peu par de l'argent, mais parce que c'est utile. Rendre un peu ce qu'en fait, elles m'ont beaucoup, beaucoup donné. Et au moment présent, c'est à moi de leur rendre aussi ce qu'elles m'ont donné. Donc ça, c'est quelque chose que je me suis fixée il y a longtemps pour rendre ce qu'on m'a donné parce qu'elles ont des projets. Léontine, elle voudrait agrandir un atelier de couture et Aline voudrait créer une boulangerie.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'elles ont vu le résultat ? Est-ce qu'elles ont vu tes photos ?

  • Speaker #2

    Alors Aline, elles sont affiches. complètement des photos. Je lui ai envoyé, elle n'a même pas téléchargé les images. Et Léontine, en fait, j'ai fait des photos. Je fais toujours une séance, en fait, pour moi et pour elle. Donc avec Léontine, on en a fait plusieurs avec sa maman et sa petite-fille. Donc évidemment, elle, elle adore les images. Donc j'en ai restitué, oui, bien sûr. Et on a fait des séances vraiment, genre, que pour elle.

  • Speaker #1

    D'accord. Quand tu fais les portraits, les séances photos, t'as une séance pour elle et une séance pour...

  • Speaker #2

    Soit je divise la séance en deux, c'est-à-dire que je fais des photos toujours pour les satisfaire, pour qu'elles aient un souvenir, qu'elles aient des belles photos d'elles. Et après, je fais des photos que moi, je pourrais utiliser. D'accord,

  • Speaker #1

    tes portraits intimes, ce que tu veux appeler les portraits intimes.

  • Speaker #2

    Que j'essaye de faire intime, ce n'est pas toujours évident sur ce type de projet.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu appelles un portrait intime ?

  • Speaker #2

    C'est vraiment un portrait où il se dégage une certaine forme de sensibilité, mais je veux dire... Quand c'est des histoires dramatiques où vous savez que vous êtes choisi parce que vous avez vécu ça, bon ben ça bloque complètement, c'est hyper difficile de rentrer dans l'intimité. En tout cas c'est ce que je recherche, c'est ce que je souhaite faire, après selon les sujets c'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus du troisième volet de ce chapitre, qui s'appelle Perles d'Ukraine ? où tu photographies des femmes ukrainiennes.

  • Speaker #2

    En fait, ce projet Perle d'Ukraine, il se divise en deux chapitres. Donc, les survivantes du viol comme arme de guerre et un plus petit chapitre sur une forme de prostitution déguisée dont sont parfois victimes les réfugiés dans les pays qui les accueillent. Donc, au début de l'invasion à grande échelle, on a vraiment entendu parler des femmes... qui étaient sollicitées, enfin beaucoup de femmes sont rentrées dans des agences matrimoniales, des femmes qui n'auraient jamais passé le cap. Et au sein des agences matrimoniales, en fait, on a pu constater des hommes qui proposaient un hébergement en échange de bons procédés. Donc j'ai voulu témoigner, on en a pas mal parlé dans les médias, j'ai voulu témoigner de ça, j'ai voulu rencontrer ces femmes, c'était très compliqué. Je suis rentrée en contact avec les agences matrimoniales, c'était pas possible. Donc j'ai décidé de le documenter, de le montrer autrement. J'ai fait des captures d'écran des femmes ukrainiennes qui étaient présentées dans les agences matrimoniales et j'ai gratté leur visage, je les ai rendues anonymes. Et ces images témoignent de cette histoire d'une forme de prostitution déguisée à travers cet ensemble d'images retravaillées. Voilà, mais c'est un tout petit chapitre. Ensuite... J'ai rencontré des survivantes du viol comme arme de guerre. En fait, j'ai bien envie de raconter l'histoire de Olena, ma grande amie ukrainienne. J'ai rencontré Olena, c'était il y a un an et demi à Berlin. Juste une fille incroyable. Et elle m'avait dit, est-ce que tu sais, à la fin de l'interview, est-ce que tu sais que 25% des soldats sont des femmes ? Elle m'avait dit ça, j'avais aucune conscience, j'étais au tout début de... de mon projet. Et puis, elle, elle est en couple avec son meilleur ami qui est devenu son compagnon, qui est sur le front. Et puis là, au moment présent, elle est sur le front. Et c'est une fille juste extraordinaire. Elle tenait un théâtre. C'est une grande actrice et artiste. Et quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Elle travaillait dans un théâtre. Et maintenant, elle est sur le front. Son histoire, en fait, elle a perdu sa maman dans les bombardements. Et en 2018, je crois, je ne sais plus exactement les dates, peut-être je vais faire des erreurs, mais 2018 ou 2019, en fait, son père était en Crimée et elle a décidé, son père était malade, donc elle a décidé de le rejoindre. Elle a fait des faux papiers pour...

  • Speaker #1

    pour rentrer en Ukraine ou en Crimée.

  • Speaker #2

    Elle était dans un blabla-car, elle s'est faite arrêter. Elle n'a vraiment pas eu peur au début. Elle a commencé à avoir peur quand les Russes ont dit au blabla-car de poursuivre sa route. Du coup, elle a été prisonnière pendant une semaine. En fait, Ausha, je l'ai revue plusieurs fois et elle m'a dit qu'elle avait témoigné seulement de 5% de son histoire. Donc là, elle a subi des interrogatoires et puis différentes choses. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer dans les détails. Donc, elle a été libérée au bout d'une semaine. Ensuite, je ne connais pas toute sa vie, mais je sais que quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Quand elle a voulu rentrer en Ukraine, ce n'était pas possible. Et ses amis, en fait, lui ont vraiment conseillé de rester en Pologne, qu'elle était plus utile en Pologne. Parce qu'elle aidait vraiment à travers des colis de médicaments, de différentes choses. Parfois, c'était juste, je me souviens, une histoire de chaussettes chaudes, parce que sa sœur était sur le front pour le coup. Voilà. Donc ensuite, elle s'est mise à travailler. On l'a contactée. Il y a un théâtre qui l'a contactée à Berlin. Elle était à Berlin. Et puis, sa santé s'est améliorée. Elle a donc décidé de retourner à Kiev. Et à Kiev, elle a pris la décision de rejoindre l'armée, parce que son compagnon était déjà engagé dans l'armée. Et du coup, je suis très honorée de ce que je pense à elle tous les jours. Je la trouve tellement incroyable. Je fais partie d'un groupe WhatsApp avec ses amis et donc elle partage son quotidien. Donc on la voit dans les tranchées, mais elle a cette vision. Elle est tellement fun, elle nous envoie des vidéos où elle fait des frites.

  • Speaker #1

    C'est la vie quotidienne de guerrière. C'est des guerrières. Toutes ces femmes que tu photographies, c'est des guerrières dans tous les sens du terme.

  • Speaker #2

    Elle, j'avoue, je pense à elle vraiment souvent. Je suis très admirative et puis elle est dans un métier artistique. Donc, on peut aussi se dire, waouh, en fait, elle ne trouvait plus aucun intérêt à travailler dans un théâtre alors qu'il se passait tout ça dans son pays.

  • Speaker #1

    Et tu l'as photographiée ?

  • Speaker #2

    Oui, elle fait partie de mon projet.

  • Speaker #1

    Et la photo ?

  • Speaker #2

    En fait, il y en a pas beaucoup. Elle est sur mon site, mais il n'y en a pas beaucoup parce que le projet, je le montrerai quand il sera vraiment abouti. Olena, elle est brune, magnifique, à peu près 35 ans, les cheveux longs. Elle est portraiturée sur une chaise et elle a un collier de perles sur ses genoux.

  • Speaker #1

    Et c'est un projet qui est encore en cours ? Tu es encore en train de travailler dessus ?

  • Speaker #2

    J'aimerais encore réaliser quatre portraits, rencontrer quatre femmes. Mais c'est un petit peu compliqué. Et j'avoue qu'au bout de... Je ne pourrais pas aller plus loin parce que j'ai mené ces trois chapitres et que je sens mes propres limites.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander. Comment tu fais pour tenir encore ? Et quel est le prochain chapitre ?

  • Speaker #2

    Là, j'en ai un peu marre. Il n'y aura pas de quatrième chapitre au moment présent. J'ai vraiment besoin de faire un break. J'ai besoin de... de choses jolies et joyeuses. J'ai besoin de sujets vraiment légers, sympathiques.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà une petite idée de tes prochains sujets joyeux ?

  • Speaker #1

    Oui, enfin légers. Mais j'ai repris une série que j'avais mis de côté il y a deux ou trois ans qui s'appelle Zone blanche terre-mer. Ça part de la maison de ma grand-mère en Aveyron, dans un village. Et là, j'ouvre un petit peu à la culture avéronnaise. Donc j'ai fait ça cet été, ça m'a fait beaucoup de bien. Ça m'a apaisée. Et sinon, dans le cadre du mémoire que je fais à l'école Loulumière, je travaille sur la matérialité. Mon prochain sujet se passera en Inde, sur les traces d'un sage. Et ça fait un an que je travaille dessus, que je fais des recherches. D'habitude, je ne prépare jamais autant en amont mon projet. Et puis, je n'en dirai pas plus parce que, dès que j'en parle, je perds l'énergie et l'envie de le faire. Mais je suis vraiment en pleine préparation.

  • Speaker #0

    Et t'es déjà allée en Inde ou pas encore ? Oui,

  • Speaker #1

    j'adore l'Inde, j'y suis allée dix fois et j'ai fait sept fois ce pèlerinage sur lequel je vais retourner.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est intéressant de voir qu'après ces trois volets, ces chapitres ultra poignants, douloureux, forts, sublimes, durs, tu vas à la rencontre d'un sage pour essayer d'apaiser toute cette violence.

  • Speaker #1

    Après, j'y suis déjà... En fait, comme j'ai dit tout à l'heure, je me suis sentie ne pas avoir le choix de témoigner de ces trois histoires. Mais mes goûts personnels sont vraiment portés sur l'Inde et la culture hindoue. Ça m'anime depuis très longtemps. Donc, je retourne juste à ce que j'aime profondément.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des... Quelles sont tes influences ?

  • Speaker #1

    À quel niveau ?

  • Speaker #0

    À tous les niveaux. Au niveau... Vite. au niveau artistique, à tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Ce qui me vient spontanément, je pratique le Bharatanatyam, c'est la danse classique du sud de l'Inde, c'est une danse en l'honneur du Diyosheeva et j'adore cette pratique qui est un peu, on peut la comparer comme la pratique d'un art martial, ça demande beaucoup d'engagement et dans le Bharatanatyam, C'est vraiment divisé. Souvent, les représentations sont divisées en deux parties, qui est une partie technique et une partie narrative. Ça me fait penser un peu à la photographie, en fait, où une fois qu'on maîtrise la technique, il faut totalement l'abandonner pour ne rechercher que l'émotion, comme dans la partie de danse des Abhinayas, où en fait, on va suivre juste le jeu de regard et on va regarder le visage de la danseuse et oublier cette grande maîtrise de la technique pour ressentir juste l'émotion. essayer de comprendre l'histoire qu'elle raconte parce que c'est une danse qui raconte les histoires de l'hindouisme, des différents dieux et des différents divertissements. Donc je pense que c'est ce qui m'inspire le plus. Je peux vraiment faire une comparaison entre la pratique du Bharatanatyam et la pratique de la photographie.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas du tout cette danse, je n'en ai jamais entendu parler.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    C'est une danse qu'on fait seule ou en groupe ?

  • Speaker #1

    Souvent, c'est la danseuse. Elle se représente souvent seule avec un groupe de musiciens. Mais ça peut aussi se faire en groupe.

  • Speaker #0

    Et tu prends des cours ?

  • Speaker #1

    Je prends des cours avec... En fait, c'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris depuis huit ans. C'était pour ce maître de danse qui s'appelle Vidya. Je prends des cours avec elle en groupe et je prends des cours individuels aussi.

  • Speaker #0

    D'accord, donc ça fait huit ans que tu...

  • Speaker #1

    Ça fait plus longtemps, en fait, j'ai rencontré cette danse lors de mon premier voyage en Inde, quand j'avais 24 ans, le premier soir où j'arrive en Inde. Et j'étais fascinée, c'est vraiment une danse de guerrière. Les postures sont incroyables et il y a vraiment une énergie, une énergie vraiment incroyable.

  • Speaker #0

    Et comment t'es arrivée en Inde ? Comment t'es arrivée la première fois en Inde et qu'est-ce qui fait que t'es très attachée ? à ce pays ou cette culture ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours rêvé depuis petite d'aller en Inde. Je voulais le garder pour plus tard parce que je savais que je serais fascinée. Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que je serais fascinée. Je voulais visiter vraiment d'autres pays avant de rencontrer l'Inde. Et en fait, j'y suis partie toute seule. J'avais 24 ans. Je répondais pareil un peu à une urgence. Et puis du coup, j'ai été happée. J'y suis retournée. En fait, je passais pratiquement 4-5 mois de l'année en Inde pendant 5 ans. J'ai fait ça. Et puis après, je suis montée à Paris. Puis ma vie a changé. Je suis vraiment devenue... Je me suis mis à beaucoup travailler, à m'ancrer bien dans la matière. Et c'est bien, mais j'aimerais bien retrouver un équilibre entre les deux.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je peux te souhaiter pour l'avenir ?

  • Speaker #1

    De la tranquillité.

  • Speaker #0

    Donc une bonne dose de tranquillité pour 4-5 ans ?

  • Speaker #1

    Non, parce que je vais m'ennuyer.

  • Speaker #0

    Donc je te souhaite plein de tranquillité.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Anaïs pour ce témoignage bouleversant, pour cette interview fascinante et bouleversante. Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode.

  • Speaker #0

    J'espère qu'il vous a plu.

  • Speaker #2

    Si c'est le cas, partagez-le autour de vous et sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas non plus à laisser un avis positif sur vos applications de podcast. Pour ne rien manquer de déclic, suivez-moi à atmaudebernose sur Instagram. Si vous avez des compliments, des critiques ou des réflexions, n'hésitez pas non plus. Ça aide toujours. Merci enfin à la Cité Audacieuse pour son studio d'enregistrement. A bientôt !

Description

Des Clics, Conversations avec des femmes photographes est un podcast pour célébrer la force et l'unicité du regard féminin dans la photographie contemporaine.

Dans ce nouvel épisode, je reçois la photographe Anaïs Oudart.

Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social.

Elle s’est formée à l’école des beaux arts de Bordeaux puis au studio Rouchon à Paris et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude ou Denis Rouvre.

Elle est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes.

Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparait derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite happée par l’intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaitra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L’enregistrement peut commencer. 

Site internet d'Anaïs : www.oudartanais.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Maud Bernos, photographe depuis longtemps et podcasteuse depuis maintenant,

  • Speaker #1

    et je vous propose d'écouter Déclic,

  • Speaker #0

    un podcast dédié aux femmes photographes. Nous y parlerons photographie, bien sûr, mais aussi création, parcours, influence, obsession, combat et désir. Tous les mois, je recevrai une photographe qui nous dévoilera son parcours de création, sa vision du féminisme et ses engagements en tant que femme photographe. Aujourd'hui, je suis très heureuse d'accueillir à mes côtés la photographe Anaïs Oudard. Anaïs est une portraitiste viscéralement engagée sur le terrain humanitaire et social. Elle s'est formée à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux, puis au Studio Rouchon à Paris, et auprès de grands photographes tels que Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goud ou Denis Roux. Je ne l'avais jamais rencontrée avant cette conversation, mais depuis de très longs mois, je voyais défiler sur mes écrans et sur les murs d'exposition une photo toujours la même, de celle qui nous marque et que l'on n'oublie pas. Le portrait en pied d'une jeune femme, debout sur un socle en bois, majestueuse, la tête haute, les cheveux courts, une canne couleur or à la main et vêtue d'une robe ocre. Il s'agit d'Aéria, véritable muse de la photographe, qui deviendra par la suite sa grande amie. C'est donc grâce à Aéria et à cette photographie issue de la série Héroïne 17 que nous nous sommes rencontrés. Anaïs est l'autrice d'un travail au long cours sur les violences faites aux femmes. Distinguée par de nombreux prix et soutiens, tels que le soutien à la photographie documentaire du CNAP, la grande commande de photojournalisme de la BNF, le prix Caritas Photo Social, le prix Fougi les femmes s'exposent ou le mentorat des filles de la photo, ce travail se décline en trois volets. Le premier volet, Héroïne 17, nous plonge dans l'univers de jeunes filles en situation de rupture familiale. Après avoir connu la rue, où certaines n'ont eu d'autre choix que la prostitution, elle cherche à se reconstruire dans des foyers ou des familles d'accueil. Pour le second volet, L'étreinte du serpent la photographe s'est rendue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo pour aller à la rencontre de femmes victimes de viols comme armes de guerre. Le troisième et dernier volet, Perles d'Ukraine porte sur les abus et violences sexuelles subies par les femmes ukrainiennes depuis le début de l'invasion russe. Ces trois projets, bien que très différents, se sont juxtaposées dans le temps. Les histoires se mêlent, s'entremêlent, se démêlent, à l'image de ses vies. Anaïs les raconte avec autant de gravité que d'humilité. Anaïs les vit avec son âme et ses tripes. Et comme elle le dit si bien, nous sommes tout petits à côté de ces femmes. Nous nous retrouvons dans le studio un vendredi froid de novembre, pendant que Paris Photo bat son plein. Anaïs apparaît derrière la porte, grande et souriante. Je suis tout de suite tapée par l'intensité de sa présence. Et cette première sensation ne disparaîtra plus. Le cliquetis de ses bracelets inonde la pièce. L'enregistrement peut commencer. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #1

    Je suis ravie de t'accueillir aujourd'hui dans les locaux de la Cité Audacieuse à Paris.

  • Speaker #2

    Bonjour Maud, merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #1

    Pour commencer, j'aimerais savoir qu'est-ce qui t'empêche de dormir à la nuit ?

  • Speaker #2

    Au moment présent, pas grand-chose, parce que je suis vraiment fatiguée, donc tout va bien à ce niveau-là. Mais oui, il m'est arrivé de faire quelques petits cauchemars suite aux séries que j'ai réalisées sur ces trois dernières années.

  • Speaker #1

    On va parler de tes séries dans pas longtemps. Est-ce que tu peux me dire quelle a été ton enfance et surtout, comment t'es arrivée à la photo ? Quel a été un peu ton parcours jusqu'à la photo ?

  • Speaker #2

    Déjà, tu as demandé la question sur l'enfance, comment ça s'est passé. Je suis née à Paris, mais on est descendue à Bordeaux quand j'avais 6 ans. Et je suis remontée à Paris à 32 ans, donc vraiment, je me sens appartenir à la ville de Bordeaux. Et comment je suis venue à la photographie ? En fait, on a beaucoup voyagé avec ma famille et mon père était un photographe amateur à Averti, on va dire. Il réalisait lors de tous nos voyages des diapositives. Et puis le soir, après le voyage, on avait ces grandes rétrospectives de nos voyages. Donc, je pense que j'ai développé un attrait et un goût pour la photographie en regardant mon père photographier pendant ses voyages. Et je me souviens quand j'avais 9 ans. En fait, je crois qu'on était au Maroc et je crois qu'on était dans le parc de Majolans. Mais en fait, on n'avait pas le droit de toucher à son appareil photo. C'était super mystique. Et puis il me l'a prêté pour réaliser mon premier cliché. Je m'en rappelle vraiment, c'était assez fort pour moi. C'est assez banal comme histoire, mais ça m'a marquée. Puis j'ai toujours voulu devenir photographe. En fait, je l'avais décidé quand j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Et ce premier cliché a été fait du coup avec l'appareil de ton père ? C'était des diapositives. Ah, des diapositives. Et tu te souviens de cette première photo ?

  • Speaker #2

    Non, par contre, je ne me rappelle pas. Mais je me rappelle la sensation de toucher cet appareil qui était un peu spécial.

  • Speaker #1

    Et de... D'avoir une espèce de révélation tout de suite, afin que ça soit une évidence ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout, mais en fait, j'avais décidé, j'avais 9 ans, j'avais quelques économies, parce que ma mère, elle rigole encore de ça souvent, mais j'avais quelques économies, et puis j'avais tout dépensé pour m'acheter un petit boîtier, et j'étais très frustrée parce que j'avais plus d'argent, mais j'avais l'appareil photo. Et enfin, je sais pas, j'ai toujours voulu être photographe, je sais pas si c'est lié à cette image. En tout cas, je sais qu'il y avait tout un mystère autour de la photographie, parce qu'on n'avait pas le droit de toucher à cet appareil photo, mais aussi peut-être parce que... Peut-être que la photographie était associée au voyage et puis on a beaucoup voyagé et puis j'ai un goût pour... pour ça. Donc, je ne sais pas exactement.

  • Speaker #1

    Et tu as fait une école ou pas du tout ? Je crois que tu as décidé...

  • Speaker #2

    J'ai fait une fac de langue, donc rien à voir. Mais quand j'avais 23 ans, j'ai fait une formation aux techniques de la photographie. Mais après, j'ai beaucoup appris seule. J'ai aussi été assistante d'un photographe sur Bordeaux qui m'avait beaucoup appris. Et j'ai toujours suivi des cours, en fait. J'ai toujours suivi des cours. J'ai suivi les cours d'électroire. Les cours d'histoire des beaux-arts, j'ai fait des cours d'histoire de la photographie pendant pas mal de temps avec un professeur que j'aime beaucoup qui s'appelle Marion Walter. Voilà, j'ai fait ça. Et puis même, je suis montée à Paris, j'ai suivi les cours du musée du jeu de paume, l'histoire de la photographie. Et puis là, j'ai repris mes études. Du coup, il y a un an, je fais une VAE, validation d'acquis d'expérience à l'école Louis Lumière. Donc, je fais un master de photographie et je suis en train de préparer un mémoire sur... La matérialité et le renoncement à l'œuvre, c'est vraiment une recherche qui me passionne au moment présent parce que ce n'est pas du tout mon champ de la photographie. Je découvre plein d'artistes et c'est assez passionnant.

  • Speaker #1

    C'est super intéressant parce que tu es photographe et tu reprends des études de photo mais beaucoup plus théoriques et beaucoup plus intellectuelles que pratiques et techniques.

  • Speaker #2

    Vraiment, parce que je ne vais pas aux cours de technique, parce que comme en effet tu as mentionné que j'ai travaillé au studio Rouchon, j'ai quand même beaucoup appris la technique auprès de grands photographes. Donc je ne suis pas à les cours de technique, même s'il y a des professeurs vraiment incroyables et que j'aurai encore à apprendre. Après c'est tellement infini, donc je me focalise un peu sur les cours d'esthétique et d'histoire de la photographie et des procédés anciens. En fait j'y suis allée plus tôt, j'avais oublié, mais j'y suis allée plus tôt pour découvrir les procédés anciens. Et je me suis pris de passion pour le côté éphémère des œuvres photographiques, l'effacement, etc.

  • Speaker #1

    Quand était ta dernière séance photo et qu'est-ce que tu as photographié ?

  • Speaker #2

    Ma dernière séance photo était très cool. En fait, cet été, j'ai repris une série photo qui s'appelle Zone blanche terre-mer sur la terre de mes ancêtres, donc la maison familiale, la maison de ma grand-mère en Aveyron. C'est un sujet que j'avais commencé il y a trois ans. Et c'est aussi un sujet qu'avec mon amie Sarah Leduc, on appellerait un sujet détox qui fait du bien. Donc, la dernière séance, c'était avec des danseurs d'une troupe de danse traditionnelle à Véronèse. Donc, je suis allée dans une famille, ils m'ont accueillie. Et c'était très sympa parce que je ne refaisais vivre aucun traumatisme à personne. Et du coup, c'était relax. C'était un moment chouette.

  • Speaker #1

    C'était un moment doux.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Ça a changé beaucoup de tes trois séries ? Je ne sais pas si pour toi c'est trois séries différentes, si c'est trois volets d'une série. Dans Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle du crène, la thématique qui réunit les images, c'est des femmes qui ont toutes été violentées, d'une façon ou d'une autre. Mais je ne sais pas quelle est la première de ces séries.

  • Speaker #2

    Et si tu veux, je te redis le contexte. Oui, en fait... En 2018-2019, j'étais l'assistante du portraitiste Denis Rouvre et on a répondu à une commande de Médecins du Monde. On a traversé dix pays, on travaillait sur les violences faites aux femmes. Et j'ai été très touchée, donc on est allé en République démocratique du Congo, plus particulièrement à l'Est, à Bukavu, et particulièrement à l'hôpital de Pandzi où le docteur Mukwege, célèbre gynécologue congolais et prix Nobel de la paix 2018, répare le système génital détruit des femmes. Donc on a passé simplement trois jours dans cet hôpital, mais c'est trois jours qui m'ont profondément marquée. Je pense qu'on se souvient évidemment toute sa vie, je pense quand on entend le premier témoignage d'une survivante du viol comme arme de guerre. Du coup, j'ai jamais pu oublier en fait ces témoignages, parce que quand elles en parlent, elles le font, il y a des convulsions du corps, c'est très particulier. Et du coup j'ai décidé, donc on y est allé en février 2019 et j'ai décidé d'y retourner à titre personnel en septembre 2019. Donc j'ai commencé ce projet sur les violences faites aux femmes qui se déclinent en trois chapitres. Donc Héroïne 17, L'étreinte du serpent et Perle d'Ukraine. Mais j'ai commencé par le Congo, L'étreinte du serpent. Quand je suis retournée à Pandzi, il y avait cette horreur, mais il y avait aussi ce courage, ces femmes en fait qui frappaient sur la table avec leur... tasse là dans la cantine et puis qui chantait et puis qui parfois dansait. Il n'y avait pas que l'horreur, en fait. Il y avait aussi de la solidarité, de la force.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est une façon de réparer ces femmes, de les photographier, de les aider à se réparer ?

  • Speaker #2

    Non, non, pas du tout. Je ne me donnerai pas du tout ce... Je préfère rester à ma petite place.

  • Speaker #1

    Mais de leur donner cette place pour s'exprimer et pour les magnifier en fait, parce que tu les magnifies à travers tes photos. Moi je vois des reines en fait, partout dans tes photos je vois des reines.

  • Speaker #2

    Alors peut-être pour les survivantes des violences sexuelles, j'ai du mal à... Je n'ai pas trouvé ma place, c'est trop compliqué. à mener, et puis on est vraiment tout petit à côté de ces femmes, c'est clair, par rapport à leur courage, etc. Pour le projet Héroïne 17, oui, l'idée, c'était de rendre hommage à ces femmes, de les magnifier, de témoigner de ces parcours de vie, de leur courage à traverser ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour les auditeurs qui nous écoutent, tu peux raconter un petit peu le synopsis de Héroïne 17 ?

  • Speaker #2

    Alors, Héroïne 17, c'est un sujet qui a été réalisé pour rendre hommage à des jeunes femmes qui ont toutes connu une situation de rupture familiale dans leur enfance. Donc j'ai pu noter, constater trois conséquences à la rupture familiale, qui sont un placement à eux, donc un placement à l'aide sociale à l'enfance, un passage dans la rue ou dans les centres d'hébergement d'urgence pour certains. Et j'ai aussi pu constater, ce n'est pas le cas de toutes, mais j'ai pu constater la prostitution, l'utilisation de la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Il y a beaucoup de jeunes femmes qui s'en sortent parce qu'elles ont été aidées à un moment donné dans leur parcours. C'est soit par un professeur, soit par le parent d'amis qui leur a tendu la main. Et elles sont nombreuses à se tourner vers des études en lien avec l'aide sociale. Elles sont nombreuses à se tourner vers un métier qui leur permettra de rendre l'appareil. Et en fait... C'est une boucle.

  • Speaker #1

    Il y a une proximité et une douceur qui se déploient de toutes ces photos. Et je pense à une photo particulière de Héroïne 17, dont j'aimerais bien que tu me parles un peu plus, qui est une photo d'une jeune femme africaine, où elle regarde vers le haut, fin de mon souvenir, et on dirait qu'elle a une larme qui coule.

  • Speaker #2

    Ah oui. Avec Erlian, on s'est vraiment très bien entendues, je l'ai rencontrée dans le cadre du projet Heroine 17 et on est allées, je crois, jusqu'à faire huit séances ensemble. Mais après, c'était aussi parce que j'ai fait des tests, un peu de shooting, un peu mode avec elle. On a expérimenté différentes choses parce qu'elle a un physique qui me fait... Si, je la trouve... Et du coup, tu voulais que je te raconte quelque chose.

  • Speaker #1

    L'histoire de cette photo avec la larme.

  • Speaker #2

    J'ai pas trop envie parce que, je suis désolée, j'ai pas trop envie. On n'aime pas trop cette photo avec Aria. Elle s'associe bien avec une autre, mais je ne suis pas fan de cette image.

  • Speaker #1

    Et pourquoi tu ne l'aimes pas ?

  • Speaker #2

    On ne l'aime pas trop toutes les deux parce que, tu sais, ça fait un peu la tristesse, tu vois. Les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, c'est un côté un peu dramatique. Donc, il y a beaucoup de gens, en fait...

  • Speaker #1

    C'est étonnant d'avoir ce regard-là parce que moi, je ne vois pas du tout... Je vois une très belle image, très digne. Je ne vois pas du tout, justement, le côté dramatique. Donc, c'est étonnant de voir le...

  • Speaker #2

    Tu n'es pas toute seule à le penser. Je pense que quand on a créé les scénographies pour la Galerie du Château d'Eau à Toulouse et la mairie du 10e avec Marie Guillemin, et puis c'était Christian Cojol et Michael Zarmati, eux ont vraiment choisi de sélectionner cette image. J'étais un petit peu contre au début. Et puis voilà, tant mieux si d'autres ont une autre lecture.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une... Une autre qui m'a marquée particulièrement, je crois qu'elle s'appelle Médina.

  • Speaker #2

    Médina, oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui est sur un lit avec une tenue, on dirait une tenue de princesse rose, ses cheveux blonds. Et pareil, hyper respectable. Elle impose le respect, cette photo.

  • Speaker #2

    Oui, j'adore Médina. Je l'ai rencontrée à Nantes dans une structure qui s'appelle Repères 44. C'est des anciens enfants placés qui vont aider les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance quand ils sortent juste. Ils s'entraident entre eux. J'ai rencontré Médina et je l'ai remarquée avec une personnalité incroyable. Donc, elle a été d'accord pour intégrer le projet. Et à chaque fois, souvent, les jeunes femmes me demandent comment elles doivent se représenter. Je laisse vraiment libre inspiration à chacune. Elle ne donne pas d'indication précise, c'est vraiment libre à chacune. Et donc en fait, elle ne voulait pas faire la séance photo chez elle, elle m'a invitée chez une amie, je pense qu'elle était plus à l'aise comme ça. Et en fait, quand je suis arrivée en bas de l'immeuble, elle avait déjà cette coiffe incroyable, donc c'était surprise. Et elle avait prévu cette tenue, c'était une belle surprise pour moi, j'adore comme elle est représentée avec cette robe. Et elle, en fait, j'en parle très librement parce qu'elle est très engagée à ce niveau-là. Elle a utilisé la prostitution comme moyen pour s'en sortir. Et maintenant, elle lutte vraiment pour que ça n'arrive plus aux autres jeunes adolescentes.

  • Speaker #1

    Du coup, tu es très proche de toute cette femme que tu ne connaissais pas avant. Mais j'imagine que... Que les photographier avec ces sujets-là, ça rapproche énormément et que tu dois avoir maintenant des liens avec toutes ?

  • Speaker #2

    Alors pas toutes parce que j'ai quand même rencontré une centaine de femmes en l'espace de deux ans et puis il y a des fois avec, comme c'est pas sur le même continent etc. Mais avec certaines j'ai loué des liens forts, je sais qu'avec Eriyan on aime bien être ensemble quand il y a une exposition ou une signature de livre etc. Mais oui, il y a certaines jeunes femmes qui m'ont touchée, je me rappellerai d'elles toute ma vie et que je revois parfois.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui en toi résonne à ce point-là pour te lancer dans ces projets et dans ces histoires ? Parce que c'est dur, c'est très dur. Les photos ne sont pas dures, mais ces vies sont terribles. Il faut être super costaud pour mener à terme trois séries comme ça, avec ces sujets aussi difficiles.

  • Speaker #2

    Le Congo, je n'ai pas vraiment eu le choix que de faire ce projet. Ça répondait vraiment à une nécessité. J'avais entendu, comme j'ai dit tout à l'heure, j'avais entendu ce témoignage d'une femme à l'hôpital de Pansy en pleine convulsion. Ça m'a vraiment marquée. Donc, en fait, j'y pensais tout le temps. Donc, je n'ai pas eu le choix, en fait. Mais je pense qu'en fait... Personnellement, je pense qu'un photographe ne choisit pas vraiment son sujet. Il répond à une nécessité, une obligation d'écrire quelque chose parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Enfin, c'est comme ça que j'ai créé ces trois séries, en tout cas. Et donc, le Congo, oui, j'avais besoin d'y retourner, de voir. Et puis de voir qu'il y a aussi de la force, de la beauté, qu'elles ont une foi qui me touche particulièrement, qu'elles gardent une foi incroyable en ayant traversé toutes ces épreuves. Je suis très admirative. Je suis très admirative, j'aime être avec elles, j'aime les rencontrer en fait.

  • Speaker #1

    C'est des combattantes de tous les jours et de toutes les secondes.

  • Speaker #2

    En grande, en toute humilité, parce que c'est un combat intérieur. Elles le font pour briser tout le tabou qu'il y a autour du viol, pour que la honte ne soit pas sur elles mais sur les bourreaux, que la honte change de camp.

  • Speaker #1

    J'ai été dans le Kivu pour un reportage il y a longtemps et c'est... Personnellement, moi, c'est un endroit, c'est l'endroit le plus dur que j'ai connu au monde, où j'ai eu le plus peur. Et je me souviens du silence, du silence, du silence, du silence. Moi, je barrais les jours avant mon retour, comme en prison. Et c'est d'une densité et d'une violence sans nom, en fait. Donc, photographier ces femmes, je trouve ça extraordinaire. Et c'est la question que je me posais, comment... comment tu les approches ?

  • Speaker #2

    Le plus difficile dans ces sujets c'est pas vraiment la photographie en elle-même c'est la rencontre, comment rencontrer comment avoir accès à ces femmes. Pour le sujet Héroïne 17 juste pour te donner un exemple j'ai contacté 35 structures en lien avec l'aide sociale à l'enfance, il n'y en a que 7 qui m'ont ouvert leur porte. Je suis parfois passée par un processus de en moyenne 4 réunions pour être mise en relation avec elles et une fois... que je l'ai rencontrée, ça se passait plutôt très bien parce qu'elles avaient décidé d'être là. Pour le Congo, quand j'ai photographié les femmes, au début, sur mon premier voyage à Pandji, j'étais tout le temps accompagnée par soit un psychologue, un sociologue, une infirmière. Et comme je cherchais à faire des portraits intimes, c'était très compliqué dans ce protocole de créer une relation avec la personne. Du coup, j'ai décidé... d'aller dormir avec elle dans la maison de transit qui les accueille le soir en dehors de l'hôpital. Donc j'ai passé deux ou trois nuits, je crois, pour avoir ce moment un petit peu privilégié, même si j'étais accompagnée d'une infirmière. Voilà, mais du coup, la relation, elle se faisait plus simplement parce qu'on n'était pas entre deux rendez-vous de l'hôpital et ensuite. Ça a été un petit peu plus compliqué de poursuivre le travail à l'hôpital de Pansy, mais comme je m'étais liée d'amitié avec Aline, qui est une des survivantes, et qui travaillait chez Médecins du Monde lors de mon premier voyage, elle a monté les Mutuelles de Solidarité à Boucavou. Les Mutuelles de Solidarité, c'est des femmes qui s'organisent entre elles, survivantes des violences sexuelles, et qui se réunissent une fois par semaine pour montrer... C'est comme une coopérative pour monter des projets. Et donc en fait, j'ai poursuivi le projet en me rendant dans les mutuelles de solidarité accompagnées par Aline. Et après, je me suis liée encore avec Léontine, une autre jeune femme qui m'a épaulée dans d'autres mutuelles de solidarité. Donc je me suis vraiment débrouillée. Et puis quand j'étais sur place, parfois j'ai passé 5, 6 jours, 7 jours dans des attentes, dans des rendez-vous qui ne se faisaient pas. Il fallait juste que je m'arme de patience. Et après, quand je les ai rencontrés, c'est très délicat comme position parce qu'on refait quand même vivre le traumatisme à la personne. C'est pas évident, mais du coup, j'ai vraiment un devoir de résultat aujourd'hui. J'aimerais faire un livre avec ce travail. Et puis, mon objectif, ce serait vraiment de faire une levée de fond. et de rendre un peu par de l'argent, mais parce que c'est utile. Rendre un peu ce qu'en fait, elles m'ont beaucoup, beaucoup donné. Et au moment présent, c'est à moi de leur rendre aussi ce qu'elles m'ont donné. Donc ça, c'est quelque chose que je me suis fixée il y a longtemps pour rendre ce qu'on m'a donné parce qu'elles ont des projets. Léontine, elle voudrait agrandir un atelier de couture et Aline voudrait créer une boulangerie.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'elles ont vu le résultat ? Est-ce qu'elles ont vu tes photos ?

  • Speaker #2

    Alors Aline, elles sont affiches. complètement des photos. Je lui ai envoyé, elle n'a même pas téléchargé les images. Et Léontine, en fait, j'ai fait des photos. Je fais toujours une séance, en fait, pour moi et pour elle. Donc avec Léontine, on en a fait plusieurs avec sa maman et sa petite-fille. Donc évidemment, elle, elle adore les images. Donc j'en ai restitué, oui, bien sûr. Et on a fait des séances vraiment, genre, que pour elle.

  • Speaker #1

    D'accord. Quand tu fais les portraits, les séances photos, t'as une séance pour elle et une séance pour...

  • Speaker #2

    Soit je divise la séance en deux, c'est-à-dire que je fais des photos toujours pour les satisfaire, pour qu'elles aient un souvenir, qu'elles aient des belles photos d'elles. Et après, je fais des photos que moi, je pourrais utiliser. D'accord,

  • Speaker #1

    tes portraits intimes, ce que tu veux appeler les portraits intimes.

  • Speaker #2

    Que j'essaye de faire intime, ce n'est pas toujours évident sur ce type de projet.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu appelles un portrait intime ?

  • Speaker #2

    C'est vraiment un portrait où il se dégage une certaine forme de sensibilité, mais je veux dire... Quand c'est des histoires dramatiques où vous savez que vous êtes choisi parce que vous avez vécu ça, bon ben ça bloque complètement, c'est hyper difficile de rentrer dans l'intimité. En tout cas c'est ce que je recherche, c'est ce que je souhaite faire, après selon les sujets c'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus du troisième volet de ce chapitre, qui s'appelle Perles d'Ukraine ? où tu photographies des femmes ukrainiennes.

  • Speaker #2

    En fait, ce projet Perle d'Ukraine, il se divise en deux chapitres. Donc, les survivantes du viol comme arme de guerre et un plus petit chapitre sur une forme de prostitution déguisée dont sont parfois victimes les réfugiés dans les pays qui les accueillent. Donc, au début de l'invasion à grande échelle, on a vraiment entendu parler des femmes... qui étaient sollicitées, enfin beaucoup de femmes sont rentrées dans des agences matrimoniales, des femmes qui n'auraient jamais passé le cap. Et au sein des agences matrimoniales, en fait, on a pu constater des hommes qui proposaient un hébergement en échange de bons procédés. Donc j'ai voulu témoigner, on en a pas mal parlé dans les médias, j'ai voulu témoigner de ça, j'ai voulu rencontrer ces femmes, c'était très compliqué. Je suis rentrée en contact avec les agences matrimoniales, c'était pas possible. Donc j'ai décidé de le documenter, de le montrer autrement. J'ai fait des captures d'écran des femmes ukrainiennes qui étaient présentées dans les agences matrimoniales et j'ai gratté leur visage, je les ai rendues anonymes. Et ces images témoignent de cette histoire d'une forme de prostitution déguisée à travers cet ensemble d'images retravaillées. Voilà, mais c'est un tout petit chapitre. Ensuite... J'ai rencontré des survivantes du viol comme arme de guerre. En fait, j'ai bien envie de raconter l'histoire de Olena, ma grande amie ukrainienne. J'ai rencontré Olena, c'était il y a un an et demi à Berlin. Juste une fille incroyable. Et elle m'avait dit, est-ce que tu sais, à la fin de l'interview, est-ce que tu sais que 25% des soldats sont des femmes ? Elle m'avait dit ça, j'avais aucune conscience, j'étais au tout début de... de mon projet. Et puis, elle, elle est en couple avec son meilleur ami qui est devenu son compagnon, qui est sur le front. Et puis là, au moment présent, elle est sur le front. Et c'est une fille juste extraordinaire. Elle tenait un théâtre. C'est une grande actrice et artiste. Et quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Elle travaillait dans un théâtre. Et maintenant, elle est sur le front. Son histoire, en fait, elle a perdu sa maman dans les bombardements. Et en 2018, je crois, je ne sais plus exactement les dates, peut-être je vais faire des erreurs, mais 2018 ou 2019, en fait, son père était en Crimée et elle a décidé, son père était malade, donc elle a décidé de le rejoindre. Elle a fait des faux papiers pour...

  • Speaker #1

    pour rentrer en Ukraine ou en Crimée.

  • Speaker #2

    Elle était dans un blabla-car, elle s'est faite arrêter. Elle n'a vraiment pas eu peur au début. Elle a commencé à avoir peur quand les Russes ont dit au blabla-car de poursuivre sa route. Du coup, elle a été prisonnière pendant une semaine. En fait, Ausha, je l'ai revue plusieurs fois et elle m'a dit qu'elle avait témoigné seulement de 5% de son histoire. Donc là, elle a subi des interrogatoires et puis différentes choses. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer dans les détails. Donc, elle a été libérée au bout d'une semaine. Ensuite, je ne connais pas toute sa vie, mais je sais que quand la guerre à grande échelle a éclaté, elle était en Pologne. Quand elle a voulu rentrer en Ukraine, ce n'était pas possible. Et ses amis, en fait, lui ont vraiment conseillé de rester en Pologne, qu'elle était plus utile en Pologne. Parce qu'elle aidait vraiment à travers des colis de médicaments, de différentes choses. Parfois, c'était juste, je me souviens, une histoire de chaussettes chaudes, parce que sa sœur était sur le front pour le coup. Voilà. Donc ensuite, elle s'est mise à travailler. On l'a contactée. Il y a un théâtre qui l'a contactée à Berlin. Elle était à Berlin. Et puis, sa santé s'est améliorée. Elle a donc décidé de retourner à Kiev. Et à Kiev, elle a pris la décision de rejoindre l'armée, parce que son compagnon était déjà engagé dans l'armée. Et du coup, je suis très honorée de ce que je pense à elle tous les jours. Je la trouve tellement incroyable. Je fais partie d'un groupe WhatsApp avec ses amis et donc elle partage son quotidien. Donc on la voit dans les tranchées, mais elle a cette vision. Elle est tellement fun, elle nous envoie des vidéos où elle fait des frites.

  • Speaker #1

    C'est la vie quotidienne de guerrière. C'est des guerrières. Toutes ces femmes que tu photographies, c'est des guerrières dans tous les sens du terme.

  • Speaker #2

    Elle, j'avoue, je pense à elle vraiment souvent. Je suis très admirative et puis elle est dans un métier artistique. Donc, on peut aussi se dire, waouh, en fait, elle ne trouvait plus aucun intérêt à travailler dans un théâtre alors qu'il se passait tout ça dans son pays.

  • Speaker #1

    Et tu l'as photographiée ?

  • Speaker #2

    Oui, elle fait partie de mon projet.

  • Speaker #1

    Et la photo ?

  • Speaker #2

    En fait, il y en a pas beaucoup. Elle est sur mon site, mais il n'y en a pas beaucoup parce que le projet, je le montrerai quand il sera vraiment abouti. Olena, elle est brune, magnifique, à peu près 35 ans, les cheveux longs. Elle est portraiturée sur une chaise et elle a un collier de perles sur ses genoux.

  • Speaker #1

    Et c'est un projet qui est encore en cours ? Tu es encore en train de travailler dessus ?

  • Speaker #2

    J'aimerais encore réaliser quatre portraits, rencontrer quatre femmes. Mais c'est un petit peu compliqué. Et j'avoue qu'au bout de... Je ne pourrais pas aller plus loin parce que j'ai mené ces trois chapitres et que je sens mes propres limites.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander. Comment tu fais pour tenir encore ? Et quel est le prochain chapitre ?

  • Speaker #2

    Là, j'en ai un peu marre. Il n'y aura pas de quatrième chapitre au moment présent. J'ai vraiment besoin de faire un break. J'ai besoin de... de choses jolies et joyeuses. J'ai besoin de sujets vraiment légers, sympathiques.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà une petite idée de tes prochains sujets joyeux ?

  • Speaker #1

    Oui, enfin légers. Mais j'ai repris une série que j'avais mis de côté il y a deux ou trois ans qui s'appelle Zone blanche terre-mer. Ça part de la maison de ma grand-mère en Aveyron, dans un village. Et là, j'ouvre un petit peu à la culture avéronnaise. Donc j'ai fait ça cet été, ça m'a fait beaucoup de bien. Ça m'a apaisée. Et sinon, dans le cadre du mémoire que je fais à l'école Loulumière, je travaille sur la matérialité. Mon prochain sujet se passera en Inde, sur les traces d'un sage. Et ça fait un an que je travaille dessus, que je fais des recherches. D'habitude, je ne prépare jamais autant en amont mon projet. Et puis, je n'en dirai pas plus parce que, dès que j'en parle, je perds l'énergie et l'envie de le faire. Mais je suis vraiment en pleine préparation.

  • Speaker #0

    Et t'es déjà allée en Inde ou pas encore ? Oui,

  • Speaker #1

    j'adore l'Inde, j'y suis allée dix fois et j'ai fait sept fois ce pèlerinage sur lequel je vais retourner.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est intéressant de voir qu'après ces trois volets, ces chapitres ultra poignants, douloureux, forts, sublimes, durs, tu vas à la rencontre d'un sage pour essayer d'apaiser toute cette violence.

  • Speaker #1

    Après, j'y suis déjà... En fait, comme j'ai dit tout à l'heure, je me suis sentie ne pas avoir le choix de témoigner de ces trois histoires. Mais mes goûts personnels sont vraiment portés sur l'Inde et la culture hindoue. Ça m'anime depuis très longtemps. Donc, je retourne juste à ce que j'aime profondément.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des... Quelles sont tes influences ?

  • Speaker #1

    À quel niveau ?

  • Speaker #0

    À tous les niveaux. Au niveau... Vite. au niveau artistique, à tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Ce qui me vient spontanément, je pratique le Bharatanatyam, c'est la danse classique du sud de l'Inde, c'est une danse en l'honneur du Diyosheeva et j'adore cette pratique qui est un peu, on peut la comparer comme la pratique d'un art martial, ça demande beaucoup d'engagement et dans le Bharatanatyam, C'est vraiment divisé. Souvent, les représentations sont divisées en deux parties, qui est une partie technique et une partie narrative. Ça me fait penser un peu à la photographie, en fait, où une fois qu'on maîtrise la technique, il faut totalement l'abandonner pour ne rechercher que l'émotion, comme dans la partie de danse des Abhinayas, où en fait, on va suivre juste le jeu de regard et on va regarder le visage de la danseuse et oublier cette grande maîtrise de la technique pour ressentir juste l'émotion. essayer de comprendre l'histoire qu'elle raconte parce que c'est une danse qui raconte les histoires de l'hindouisme, des différents dieux et des différents divertissements. Donc je pense que c'est ce qui m'inspire le plus. Je peux vraiment faire une comparaison entre la pratique du Bharatanatyam et la pratique de la photographie.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas du tout cette danse, je n'en ai jamais entendu parler.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    C'est une danse qu'on fait seule ou en groupe ?

  • Speaker #1

    Souvent, c'est la danseuse. Elle se représente souvent seule avec un groupe de musiciens. Mais ça peut aussi se faire en groupe.

  • Speaker #0

    Et tu prends des cours ?

  • Speaker #1

    Je prends des cours avec... En fait, c'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris depuis huit ans. C'était pour ce maître de danse qui s'appelle Vidya. Je prends des cours avec elle en groupe et je prends des cours individuels aussi.

  • Speaker #0

    D'accord, donc ça fait huit ans que tu...

  • Speaker #1

    Ça fait plus longtemps, en fait, j'ai rencontré cette danse lors de mon premier voyage en Inde, quand j'avais 24 ans, le premier soir où j'arrive en Inde. Et j'étais fascinée, c'est vraiment une danse de guerrière. Les postures sont incroyables et il y a vraiment une énergie, une énergie vraiment incroyable.

  • Speaker #0

    Et comment t'es arrivée en Inde ? Comment t'es arrivée la première fois en Inde et qu'est-ce qui fait que t'es très attachée ? à ce pays ou cette culture ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours rêvé depuis petite d'aller en Inde. Je voulais le garder pour plus tard parce que je savais que je serais fascinée. Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que je serais fascinée. Je voulais visiter vraiment d'autres pays avant de rencontrer l'Inde. Et en fait, j'y suis partie toute seule. J'avais 24 ans. Je répondais pareil un peu à une urgence. Et puis du coup, j'ai été happée. J'y suis retournée. En fait, je passais pratiquement 4-5 mois de l'année en Inde pendant 5 ans. J'ai fait ça. Et puis après, je suis montée à Paris. Puis ma vie a changé. Je suis vraiment devenue... Je me suis mis à beaucoup travailler, à m'ancrer bien dans la matière. Et c'est bien, mais j'aimerais bien retrouver un équilibre entre les deux.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je peux te souhaiter pour l'avenir ?

  • Speaker #1

    De la tranquillité.

  • Speaker #0

    Donc une bonne dose de tranquillité pour 4-5 ans ?

  • Speaker #1

    Non, parce que je vais m'ennuyer.

  • Speaker #0

    Donc je te souhaite plein de tranquillité.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Anaïs pour ce témoignage bouleversant, pour cette interview fascinante et bouleversante. Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode.

  • Speaker #0

    J'espère qu'il vous a plu.

  • Speaker #2

    Si c'est le cas, partagez-le autour de vous et sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas non plus à laisser un avis positif sur vos applications de podcast. Pour ne rien manquer de déclic, suivez-moi à atmaudebernose sur Instagram. Si vous avez des compliments, des critiques ou des réflexions, n'hésitez pas non plus. Ça aide toujours. Merci enfin à la Cité Audacieuse pour son studio d'enregistrement. A bientôt !

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