- Speaker #0
Musique Hello, bienvenue sur le podcast Différences. Moi c'est Audrey, rédactrice et maman de deux enfants. Ce sont eux avec leurs petites bizarreries qui m'ont inspirée ce podcast. Un podcast que j'ai voulu dédier à la beauté de la différence et à toutes celles et ceux qui portent une singularité. À chaque épisode, je vous emmènerai à la rencontre d'un ou d'une nouvelle invitée pour une conversation authentique et sincère. Nous parlerons différence bien sûr, mais aussi représentation, construction de soi, acceptation et inclusion. Avant de vous laisser avec l'épisode du jour, je vous invite à penser à ce qui fait de vous une personne différente et surtout unique, pour que l'on cultive ensemble toute la diversité qui dessine notre monde. Bonne écoute ! #Différences
- Speaker #1
Donc je suis Camille, j'ai 34 ans. Je suis maman d'une petite fille porteuse de trisomie 21. Je suis éducatrice spécialisée de formation.
- Speaker #0
Si vous deviez donner un titre à cet épisode, vous choisiriez lequel ?
- Speaker #1
Devenir mère, aidante et pleine de vie, la surprise du handicap.
- Speaker #0
C'est bon ?
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
On est parti ?
- Speaker #1
Allez.
- Speaker #0
Hello Camille !
- Speaker #1
Bonjour !
- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast Différences. Comment vous allez déjà ? Si vous étiez une émotion aujourd'hui, à ce moment précis, laquelle vous seriez ?
- Speaker #1
Une émotion ? L'enthousiasme.
- Speaker #0
L'enthousiasme ? Ok.
- Speaker #1
Ouais, je suis super contente. Merci beaucoup de me faire confiance et de m'avoir invitée sur ce podcast.
- Speaker #0
Merci à vous. Moi, je suis vraiment très heureuse aussi de vous tendre mon micro pour ce deuxième épisode du podcast parce qu'au départ, rien ne prédestinait cette rencontre. Et puis il y a eu la magie des réseaux sociaux, avec un post sur LinkedIn, un dimanche soir, sur le film d'Hélène Médigue, "Une place pour Pierrot". Des mots qui ont résonné, une demande de connexion, et très vite une évidence. L'évidence de faire entendre votre voix, de raconter votre histoire. Avant de plonger dans votre témoignage, j'aimerais vous proposer déjà de vous présenter.
- Speaker #1
Alors, je suis Camille, j'ai 34 ans. Je suis maman d'une petite fille porteuse de trisomie 21 qui s'appelle Éva. Je fais beaucoup de sensibilisation sur les réseaux, sur la vie de parents aidants. Et du coup, Éva, je ne l'appelle jamais comme ça. Sur les réseaux, c'est "Petits Pieds. À côté de ça, je suis éducatrice spécialisée de formation. Donc, le monde du handicap, je le connaissais par le biais professionnel. Et puis... Voilà ce que je peux dire pour le moment.
- Speaker #0
Avant d'aller plus loin, est-ce que vous pouvez nous dire ce que le mot différence vous évoque ?
- Speaker #1
La différence, pour moi, ça résonne avec cette question de la norme, la normalité. On les met souvent en parallèle. Et en fait, ce qui m'embête, c'est que souvent, c'est diabolisé comme terme. Comme le terme des étiquettes. Il y a vraiment un peu deux écoles, deux courants de pensée de ce côté-là. Alors que pour moi, les étiquettes, c'est plutôt une clé de lecture. Et par rapport à la trisomie 21, à la naissance, je me suis vraiment focalisée sur ça. D'ailleurs, on me l'a reproché un peu. Mais pour moi, c'était une façon d'apprendre à lire le mode d'emploi, et c'était un passage un peu obligatoire. Et j'ai fait la même chose. J'ai été diagnostiquée il y a quelques mois avec un trouble du spectre de l'autisme. Et du coup, là, pareil, j'ai focus là-dessus, j'analyse tout par rapport à ça. Et en fait, pour en revenir à Éva, forcément, elle est différente, parce qu'elle est porteuse de trisomie 21. Mais en fait, elle fait aussi partie d'une norme. C'est une petite fille qui va à l'école, qui aime la danse, qui aime la musique. Enfin, voilà, elle rentre dans certaines cases, on va dire, malgré sa différence. Et pour moi, différence et normalité, ce ne sont pas des gros mots. Pour moi, c'est ce qu'on en fait après derrière qui peut des fois être mauvais et être délétère pour les personnes qu'on enferme pour le coup dans des cases. Alors qu'une étiquette, pour moi, ce n'est pas forcément enfermant en fait.
- Speaker #0
Aujourd'hui, pour parler de différence, on est dans un endroit particulier. Est-ce que vous pouvez expliquer à celles et ceux qui nous écoutent quel endroit vous avez choisi et ce qu'il représente, ce qu'il symbolise pour vous ?
- Speaker #1
Alors, on est dans la chambre de ma fille. D'ailleurs, c'est un petit peu rigolo, il faudrait une photo de cet instant, parce qu'on est sur des petites chaises d'enfants, c'est un monde, une ambiance un peu particulière. C'est chouette ! La chambre d'Éva, pour moi elle est importante, parce qu'elle fait écho à beaucoup de choses dans notre histoire. J'imagine... Notamment quand on a eu l'annonce de la trisomie 21. Nous on a appris ça à 8 mois et demi de grossesse. Et en fait, la première chose à laquelle j'ai pensée, c'est... Parce qu'on nous a proposé de faire une IMG, donc une interruption médicale de grossesse, et sur le moment, on n'a pas décidé tout de suite. On s'est donné trois jours pour prendre une décision. Et en fait, une des premières choses à laquelle j'ai pensée par rapport à la possibilité de faire l'IMG, c'était « mais qu'est-ce qu'on va faire de cette chambre ? » . Et c'était terrible parce que tous les parents passent par là, le moment où... On prend beaucoup de bonheur à concevoir cette chambre pour accueillir notre enfant. Et en fait, je me mettais à pleurer rien qu'à l'idée d'être dans cette chambre vide. Et donc, la chambre, elle a tout de suite pris une place importante. Et puis, en plus, j'ai fait beaucoup de choses moi-même, de décorations que j'ai fait avec mes mains. Et puis, par la suite, après, il y a eu la séparation avec le papa où du coup, il a fallu repenser deux chambres. et puis cette chambre c'est... je sais pas, elle a un peu une âme, j'aime bien, c'est vraiment ma pièce préférée dans cette maison en fait, le petit cocon quoi.
C'est peut-être la pièce où vous avez passé le plus de temps à concevoir, à décorer, à la penser, la réfléchir... C'est ça. Puis elle évolue, et puis en fait c'est encore cette histoire de différence, cette normalité, parce que c'est la chambre d'une petite fille... normale, on va dire, ordinaire, mais il y a quelques petits éléments quand on y regarde bien, qui rappellent le handicap, parce qu'il y a une machine pour les apnées du sommeil, qui n'est pas là parce qu'elle est chez son papa, mais il y a un tuyau, il y a des éléments qui restent en place, et du coup, il y a ce mélange entre...
- Speaker #0
Moi, je n'avais même pas remarqué, comme quoi la différence peut s'intégrer dans nos vies, sans qu'on s'en rende forcément en compte. C'est la manière dont on va... Dont on va l'intégrer.
- Speaker #1
Oui, puis ça fait tellement partie du quotidien, finalement. C'est ça.
- Speaker #0
On ne s'en rend plus vraiment compte... C'est vrai. Donc oui, vous l'avez dit, aujourd'hui, ce n'est pas de votre différence à vous dont on va parler, mais celle de votre petite fille. Donc comme vous disiez, l'annonce de sa différence, elle est arrivée très tardivement dans votre grossesse, à huit mois et demi. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ça s'est passé, cette annonce ? Comment ce diagnostic-là est tombé, comme ça, à huit mois et demi ? Comment ça peut arriver, quelque chose comme ça ?
- Speaker #1
C'est vrai que souvent, on me dit « mais c'est encore possible » ? Déjà, il y a des gens qui sont surpris que la trisomie 21 existe encore, parce qu'ils partent du principe que de toute façon, on ne va pas garder l'enfant et que de toute façon, ça va être détecté. Alors qu'en fait, déjà, ce n'est pas forcément détecté. Ce qui a été notre cas, puisque sur le tri-test, tous les indicateurs étaient au vert, on va dire. Et en fait, moi j'ai été enceinte pendant la période du Covid, pendant le confinement, et en fait, les papas dans la maternité qu'on avait choisi, les papas, un jour ils avaient le droit d'être présents à l'accouchement et puis le lendemain ils n'avaient plus le droit. C'était le chaos ! Avec les hormones en plus... Ça n'a pas dû être simple... Très compliqué émotionnellement. Et donc pour moi c'était Impossible quoi. Donc j'ai décidé de changer de maternité. Et en faisant mon premier rendez-vous dans une antenne de cette nouvelle maternité, la sage-femme me dit « mais non, mais là, il faut que vous alliez aux urgences, il y a quelque chose qui n'est pas normal » . Et en fait, j'avais un hydramnios majeur, donc c'est un excès de liquide amniotique. Donc on est parti aux urgences.
- Speaker #0
Et ça, avant ça ? On ne vous a jamais évoqué ce souci ?
- Speaker #1
J'avais des problèmes de contraction. Et effectivement, mon ventre était très gros. Mais on va dire que mon gynécologue... Je ne vais pas dire de bêtises parce que le souvenir, il est loin. Mais je crois qu'il m'avait dit qu'il fallait que j'arrête de boire trop de jus d'orange ou des trucs comme ça. C'était un peu bizarre. Mais j'avais quand même des monitorings à domicile, des choses. Mais bon, personne ne semblait trop inquiet. Et donc, finalement, en fait, si, c'était inquiétant et ça pouvait être grave. Donc, j'ai été hospitalisée et ils ont cherché à savoir d'où ça venait, cette hydramnios. Donc, c'est là qu'on m'a proposé toute une batterie d'examens et notamment une amniocentèse, puisqu'il fallait aussi enlever du liquide. Donc, quitte à enlever du liquide, autant faire une amniocentèse. Et j'ai eu une échographie en 3D avant cette amniocentèse.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Et là, quand j'ai vu les clichés du bébé, je me suis dit, il y a un truc qui est bizarre. Je voyais, moi, par rapport à son visage, qu'il y avait quelque chose qui était... Je ne pensais pas à la trisomie 21, mais en tout cas, il y avait quelque chose qui était étonnant.
- Speaker #0
Tout de suite, ça vous a mis un doute ?
- Speaker #1
Oui. Et je pense que si moi, j'ai eu le doute, je pense que les professionnels ont eu le doute aussi. Ils ne nous ont rien dit, évidemment. Et c'est pour ça qu'ils ont dû suggérer l'amniocentèse pour venir vérifier certaines choses et... C'est une longue histoire en fait ! Il y a eu cette amniocentèse, et ma fille, c'était déjà une coquine à l'époque, elle a repoussé l'aiguille et elle s'est étendue de tout son long dans mon ventre.
- Speaker #0
Oui, c'était un beau bébé. Elle était chez elle. Oui, elle n'avait pas envie d'être dérangée. Il n'y avait pas beaucoup d'espace non plus. Enfin, il ne devait pas rester beaucoup d'espace.
- Speaker #1
C'est ça. Elle avait quand même beaucoup de liquide pour le coup. Elle avait sa petite piscine. Mais du coup, ça ne s'est pas forcément très bien passé. Il y avait un risque d'accouchement. Et puis, en fait, comme c'était la période du Covid, ce n'était pas facile d'être hospitalisée. J'étais très angoissée. Et l'équipe médicale m'a proposé de rentrer chez moi pour le week-end. Ce que j'ai accepté. Et puis, en fait, une fois rentrée à la maison, je me suis dit, mais non, je suis trop bête. Je prends des risques de façon inutile, moi et mon bébé. Je les ai rappelées pour leur dire « je veux revenir, reprenez-moi » .
- Speaker #0
C'était la peur en fait ? Vous n'étiez pas rassurée ? Vous aviez peur peut-être que l'accouchement se déclenche ?
- Speaker #1
C'est ça. En fait, le risque avec l'hydramnose majeure, je ne suis pas une professionnelle, mais de ce que j'ai compris, c'est qu'on perd les os de façon brutale. Et comme il y a beaucoup de liquide, du coup, il y a la tête du bébé qui peut appuyer sur le cordon. Que le cordon passe d'abord, en fait. Et donc, c'est risqué. Donc, j'avais vraiment peur de ça. Et donc, ils m'ont dit, « oui, il n'y a pas de souci, revenez ».
- Speaker #0
Il faut s'écouter dans ces moments-là, il faut se faire confiance.
- Speaker #1
Exactement. Donc, ils m'ont proposé de revenir le lendemain. Mais ils m'ont dit... Par contre, de toute façon, on voulait vous voir. On a eu les résultats de l'amniocentèse.
- Speaker #0
OK...
- Speaker #1
Et par contre, il faudrait que vous veniez avec votre mari. Donc, bon...
- Speaker #0
Et ça, est-ce qu'ils vous avaient expliqué avant la manière dont ils allaient vous remettre, justement, les résultats ?
- Speaker #1
On savait que ça allait être de toute façon présenté par le médecin, qu'on n'aurait pas les résultats comme ça. Oui. Sauf que si on nous dit qu'il faut absolument venir à deux... Tous les deux,
- Speaker #0
oui.
- Speaker #1
On se doute bien que ce n'est pas quelque chose de positif. Donc, bon, là, on n'a pas vraiment dormi. On s'est fait tous les films possibles et imaginables. Donc ça, ça a été très dur. Et quand on est venu le matin à la maternité, là, par contre, l'annonce, j'ai trouvé qu'elle a été plutôt bien faite, parce qu'elle a été rapide. Moi, je n'avais pas envie qu'on passe par quatre chemins. Il nous a tout de suite dit que le bébé était porteur trisomie 21. Et il nous a tout de suite exposé les différentes possibilités. Donc, soit qu'on garde le bébé, soit qu'on fasse une IMG. Et en fait, sur le moment, il ne nous a pas proposé l'adoption, il nous l'a proposé plus tard. Mais pour nous, de toute façon, l'adoption, ce n'était pas... envisageable en fait. Soit on assumait jusqu'au bout, dans un sens comme dans l'autre. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi d'ailleurs. On l'a ressenti comme ça.
- Speaker #0
C'est ça...
- Speaker #1
Et en fait, finalement avec du recul, pour moi ce qui a été le plus violent c'était pas l'annonce de la trisomie 21. Même si c'est quand même un monde qui s'effondre. Ça a été... tout ce que ça a amené par rapport au questionnement autour de est-ce qu'on fait une IMG ou pas. Cette espèce de droit de vie ou de mort. On n'est pas à deux mois et demi de grossesse... On est à huit mois et demi. Et c'est affreux. En plus, on se trouve dans la maternité, donc on croise plein de femmes enceintes. Même si, bon, période Covid, on a sûrement été préservés un peu de ça, on en a croisé moins.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qu'on ressent justement à ce moment-là ?
- Speaker #1
Beaucoup de colère. Un sentiment d'injustice. Pourquoi ça m'arrive à moi ? Je ne suis pas si vieille que ça. Et puis, il y a une dissonance cognitive énorme. Parce qu'à ce moment-là, c'est un choix impossible. Parce qu'en fait, on veut se réveiller du cauchemar et se dire « finalement, j'ai un bébé qui est en pleine forme. »
- Speaker #0
C'est un autre monde. C'est un autre monde qui s'ouvre et on ne sait plus dans lequel on se trouve à ce moment-là.
- Speaker #1
Oui, c'est vraiment... On est déconnectés. Complètement déconnectés. On a l'impression... Moi, j'avais vraiment l'impression que ma vie était fichue. Peu importe la décision que je prenne, à ce moment-là, je l'ai vraiment vécu comme ça.
- Speaker #0
Ça ne sera plus du tout la même... Rien ne sera plus jamais pareil, en fait.
- Speaker #1
Oui, puis moi, comme je suis éducatrice spécialisée, j'ai travaillé auprès de publics en situation de handicap. Et dans le cadre de mon travail, j'adorais être au contact de ces personnes. Mais par contre, j'étais peut-être plus au contact de personnes qui étaient le moins autonomes, forcément, parce que je travaillais en institution. Et donc, j'imaginais ma vie. Enfin, je voyais très bien la vie des parents et je me disais, mais il y a des trucs que je n'ai pas envie de les vivre. Donc, je n'avais pas forcément un regard... Enfin, mon regard, il était biaisé, en fait.
- Speaker #0
Oui, parce que vous étiez vraiment, avec votre expérience, bien placée pour savoir ce qui vous attendait, ce que ça impliquait derrière. Parce que quand on travaille avec ces personnes-là... Le soir, quand la journée est finie, on rentre à la maison et on peut quand même se poser. Mais là, c'est votre enfant, ça ne s'arrête pas...
- Speaker #1
Exactement. Après, la vie a fait que, finalement, ma vie n'est pas du tout terminée, bien au contraire ! Mais pour raconter vraiment sur le moment ce que j'ai ressenti, ce n'était pas une partie de plaisir.
- Speaker #0
Quel accompagnement vous avez reçu avec le papa d'Éva ? Est-ce qu'on vous a proposé un suivi psychologique ? Comment ça s'est passé ?
- Speaker #1
Quand il y a eu l'annonce du handicap, on nous a proposé de passer la journée. On a été hyper bien pris en charge par l'équipe.
- Speaker #0
Donc ça, c'était le matin ? Ça, c'était le matin, très tôt.
- Speaker #1
Et en fait, ils ont organisé la rencontre avec une pédiatre, avec une psychologue. Voilà. Et puis, il y a plusieurs personnes de l'équipe qui sont passées nous voir, parce qu'en fait, j'avais déjà été hospitalisée une semaine, je crois, à peu près. Donc voilà, il y a des gens qui nous connaissaient déjà. Et je me rappelle, c'était super gentil, ils nous ont fait venir des plateaux repas sur la terrasse de l'hôpital, alors qu'en période Covid, clairement, on n'avait pas trop le droit. Et du coup, on s'est sentis quand même soutenus.
- Speaker #0
C'est important.
- Speaker #1
Même si au final, ce n'est pas ce qui nous a aidés. Nous, ce qui nous a aidés, c'était... Et ça, ça a manqué, d'être mis en relation avec des parents, des gens qui vivaient ça et qui pouvaient témoigner de leur quotidien. Et on est allés chercher ça sur les réseaux sociaux, en fait.
- Speaker #0
Et ça, ce n'est pas quelque chose qu'ils vous ont proposé, eux ? Ils n'avaient pas forcément d'associations vers lesquelles vous orienter ?
- Speaker #1
Pas du tout.
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
On a eu une interne qui nous a donné le numéro de SOS Bébé.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Donc, c'est vrai qu'on a téléphoné à SOS Bébé. Ça nous a beaucoup aidé.
- Speaker #0
Donc, SOS Bébé, c'est un service de... ?
- Speaker #1
Alors, en fait, sur le moment, moi, je ne suis pas allée vérifier. Et c'est après que j'ai appris que c'était une association qui était pro-vie.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Donc, pas forcément... Enfin, voilà, forcément, ils étaient orientés.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Même si, franchement, la personne que j'ai eue au téléphone, je n'ai pas eu l'impression qu'elle essayait de nous convaincre, dans un sens comme dans un autre.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Mais du coup, aujourd'hui, avec du recul, c'est pas... Enfin, je ne sais pas si je le conseillerais parce qu'en fait, c'est important. Enfin, nous, on a fait le choix de la vie, mais je veux dire, il ne faut pas diaboliser non plus les personnes qui prennent l'autre décision. J'en ai rencontré dans mon parcours parce que moi, j'ai eu envie d'accompagner aussi des familles qui étaient dans ce type d'annonce et de choix à faire. Et je pense notamment à une maman avec qui je suis toujours en contact. Et voilà, elle a fait l'autre choix. Et je le respecte totalement. Je peux comprendre qu'on fasse l'autre choix. Bien sûr. Donc non, on a été livrés à nous-mêmes. Et après, quand on a décidé de garder notre bébé, à l'époque, on ne savait pas encore qu'on allait l'appeler Éva. La pauvre, elle n'a pas eu son prénom tout de suite à la naissance ! Après, on a été orientés quand même vers le CAMSP. Mais nous, on n'a pas été très satisfaits de l'accompagnement. Et après, on a tout fait en libéral.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Et on n'a pas eu d'accompagnement, nous, psychologique. Ou alors, il fallait... Moi, j'ai eu un accompagnement parce que j'en avais besoin. Mais voilà, c'est venu de moi. On ne m'a pas proposé de groupe de parole ou de choses comme ça.
- Speaker #0
Vous en avez tout de suite ressenti le besoin ?
- Speaker #1
Moi, j'étais déjà suivie, en fait.
- Speaker #0
Pendant la grossesse ?
- Speaker #1
Même avant. Avant, d'accord. Ouais, ouais. Donc, heureusement. Heureusement qu'elle était là parce que je me rappelle de longues discussions au téléphone, sur mon fauteuil d'hôpital. Avec cette psychiatre qui a fait l'effort de maintenir le lien de cette façon-là. C'était chouette.
- Speaker #0
Et donc, alors, vous disiez tout à l'heure que vous vous étiez laissé trois jours pour prendre votre décision. Donc, pendant ces trois jours, c'est ça, c'est le CAMSP, c'est un rendez-vous avec votre psy... Ou ça, c'est arrivé après ? Est-ce que vous vous souvenez comment ça s'est passé ces trois jours ? Et qu'est-ce qui, peut-être, a fait basculer la balance d'un côté plus que l'autre ?
- Speaker #1
Alors, on a eu... Alors, finalement, moi qui voulais retourner à l'hôpital, finalement, c'était tellement un choc que je suis rentrée à la maison.
- Speaker #0
D'accord, ah oui.
- Speaker #1
Le soir, on a décidé de rentrer à la maison.
- Speaker #0
De se laisser une soirée...
- Speaker #1
Finalement, on a pris trois jours. Je suis restée deux jours à la maison. On a passé la journée à l'hôpital, après deux jours à la maison. C'est à ce moment-là. C'est à la maison où ça s'est fait parce qu'on a eu une vague de soutien de la part de familles sur des groupes sur Facebook avec des gens qui nous envoyaient des photos, des vidéos de leurs enfants. Moi, j'ai trouvé ça incroyable. Je me disais, mais ces gens, ils sont beaux. Et je me suis dit... C'était inspirant, en fait. Ça me donnait envie d'être comme eux. C'est bizarre ce que je dis, mais... Et à l'époque, il y a plein de gens qui nous disaient, vous verrez, c'est un cadeau de la vie. Alors nous, on était là, moi... Bon, quand même, c'est peut-être pas... À ce moment, on ne voyait pas du tout les choses comme ça. Et maintenant, avec du recul, mais je comprends tellement ce qu'ils voulaient dire. Et je ne remercierais jamais assez ces personnes-là. On a eu vraiment, des dizaines et des dizaines, si ce n'est pas des centaines de messages, où on a regardé des vidéos de petites filles trisomiques en train de faire de la boxe... C'est chouette. On s'est projetés du coup. Et on s'est projetés dans du positif.
- Speaker #0
Ça a dû être tellement de réconfort de voir tout ça...
- Speaker #1
Franchement, oui. Et nous, on a été vraiment très proches et très soudés à ce moment-là. Avec le papa d'Éva ? Avec le papa d'Éva, oui.
- Speaker #0
C'est hyper important, parce que ça c'est vrai qu'on n'a pas tous cette chance d'être en phase face à ces épreuves que la vie nous offre ou nous défie. Je ne sais pas trop quel mot il faut utiliser ! Mais on n'a pas tous cette chance et ça c'est hyper précieux.
- Speaker #1
Ça aurait pu créer une rupture. Alors maintenant, on est divorcés, mais vraiment pas par rapport au handicap. C'est vraiment pour d'autres raisons. Et je crois que je ne le remercierais jamais assez le papa d'Éva, parce que moi j'étais plutô... plutôt négative, plutôt à me dire « je ne suis pas capable » . La décision pour moi, elle allait plutôt dans le sens de ne pas garder ma fille. Et je saurais lui expliquer quand il le faudra. Mais lui, je crois que dès le début, pour lui, c'était plutôt clair. Que c'était oui, même s'il ne voulait pas me l'imposer. Et il a été très respectueux et on a vraiment pris le temps qu'il fallait. Et pour le coup, la décision, elle a été commune. Moi, je ne me suis pas sentie forcée non plus. Mais je sais que c'est grâce au courage qu'il a eu par rapport à cette annonce-là que, je pense, que je me suis sentie assez à l'aise pour moi aussi dire « Ok, on y va et on va voir. »
- Speaker #0
En préparant cette interview, on a abordé ensemble le sujet de l'acceptation, justement, et de cette certaine forme de deuil qu'elle peut parfois cacher. Le deuil de l'enfant qu'on avait imaginé, rêvé, avec lequel on s'était projeté. Celui aussi d'une certaine idée de la parentalité, surtout quand c'est notre premier enfant. Pour marquer ce point de basculement, certains parents éprouvent parfois même le besoin presque symbolique de changer le prénom de leur enfant. Donc, vous, vous nous avez dit que vous aviez finalement choisi le prénom de votre fille assez tardivement. Mais comment vous avez vécu tout ça ?
- Speaker #1
Alors, c'est très personnel du coup parce que, juste pour faire une petite anecdote, quand j'étais éducatrice spécialisée, j'ai eu à un moment donné un temps de formation avec des familles qu'on accompagnait. Et j'ai dit à une maman : "Oui, j'imagine que le deuil de votre enfance n'a pas dû être facile..." En parlant du deuil qu'elle avait dû faire parce que son fils était autiste sévère. Et j'ai vu cette maman vraiment s'offusquer. Et me dire, "mais n'importe quoi, j'ai pas eu de deuil à faire, c'est mon fils et ça a toujours été mon fils". Et ça, ça a été pour moi un moment où... Enfin, j'y repense beaucoup à cette maman. Parce que moi, je l'ai vécu comme un deuil, mais je suis très contente qu'il y ait quelqu'un qui m'ait remis à ma place à un moment donné pour me dire, en fait, on ne le vit pas tous forcément comme ça. Oui,
- Speaker #0
c'est vrai.
- Speaker #1
Après, je pense que c'est différent selon à quel moment on apprend le handicap, etc. Moi, je l'ai vraiment vécu comme un deuil. parce que... 8 mois et demi de grossesse.
Oui, on s'est imaginé tellement de choses. Exactement. Et comme il y a eu tout cet imaginaire autour de l'IMG... J'ai posé beaucoup de questions sur comment ça va se passer si on choisit ça. Est-ce que cette enfant pourra avoir une identité ? J'avais besoin de savoir. Ça m'a peut-être permis de faire le travail du deuil de l'enfant imaginé. Pour moi, j'avais perdu un enfant. Ce n'était plus le même enfant. Il fallait que j'enterre l'enfant que j'avais imaginé pour accueillir ce nouveau bébé. Pour moi, c'est pas la même personne. C'est très bizarre...
- Speaker #0
Non, et puis il y a toute la vie aussi qu'on a imaginée, tous les projets, les idées de sortie, toutes ces choses... Et peut-être qu'on remet tout ça en question, quoi.
- Speaker #1
Exactement. Et puis, du coup, nous, on avait choisi un prénom qui était dur à prononcer. Et on s'est dit, non, on peut pas lui donner ça comme prénom parce qu'on sait qu'elle va avoir des difficultés... D'élocution. Oui, voilà. Et donc, faut pas qu'on lui donne un handicap supplémentaire, quoi. Donc, on a... On a voulu choisir un autre prénom. Et en fait, c'était bien parce que ça permettait justement... Il y a cet enfant attendu, qui n'est pas là. Et il y a un autre enfant et on l'accueille dans sa singularité. Et on l'accueille correctement. Et donc, il y a Éva qui est arrivée, je crois, le deuxième jour. Alors moi, je n'étais pas en forme. J'étais sous opiacés. L'accouchement ne s'est pas très bien passé. Donc, j'ai des souvenirs un peu diffus de pas mal de choses. Mais Éva, c'était le symbole de la vie, parce que ça veut dire la vie, la vivante. Et du coup, c'était un peu une évidence finalement. Un petit prénom facile à dire, facile à écrire.
- Speaker #0
C'est trop mignon !
- Speaker #1
Ouais, franchement, ça lui va hyper bien !
- Speaker #0
Donc l'accouchement, est-ce que vous avez envie d'en parler ? Vous avez eu un accouchement par voie...
- Speaker #1
Voie basse. Ouais.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Alors moi, à la base, j'avais fait tout un projet accouchement... Je ne sais plus comment on dit ça, pas naturel, mais...
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Physiologique.
- Speaker #0
Mais est-ce qu'ils vous ont proposé de faire un accouchement... de provoquer l'accouchement ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Non ? Non, pas du tout. De déclencher l'accouchement pardon.
- Speaker #1
Il n'y avait pas besoin en fait. Et même moi, quand j'avais questionné par rapport à l'IMG, j'avais demandé si on pouvait le faire par césarienne et en anesthésie générale.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et ce n'était pas possible.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Donc là, non, on attendait. Du coup, j'étais réhospitalisée. Ça s'est déclenché comme pour tout le monde.
- Speaker #0
Donc vous avez connu le travail, les contractions. Exactement.
- Speaker #1
Par contre, j'étais obligée d'être monitorée. Donc monitorée péridurale. Être allongée, ne pas bouger, je ne pouvais pas ne pas avoir de péridurale. Donc j'étais un peu triste, parce que moi, j'avais vraiment envie d'un accouchement physio. Et en fait, c'est eux qui ont percé la poche des eaux pour... pour qu'il y ait moins de risques, vu qu'il y avait énormément de liquide. Et puis ça a duré assez longtemps quand même. Je ne sais plus les heures exactes, parce que ça c'est, pour le coup en lien avec mon handicap, moi les chiffres, c'est un peu compliqué. La gestion du temps et tout... Et puis dans ces moments-là, le temps il est tellement... Il n'y a plus de notion de temps, c'est suspendu... Par contre la notion de fatigue on l'a bien! Oui, c'est hyper éprouvant. J'ai dû avoir les premières contractions dans la nuit, vers 2 h du matin. Elle est née à 18 h. Ça fait quand même pas mal de temps de travail, même s'il y a pire. C'était très douloureux parce qu'elle était coincée dans le bassin. Et donc, les douleurs osseuses, la péridurale, elle les empêche pas et en fait j'allais partir en césarienne. Ils étaient en train de lancer la césarienne, parce que ça prenait trop de temps. Elle était vraiment coincée, et puis finalement la gynécologue a pris une autre paire de forceps, qui apparemment est très rarement utilisée, qui est assez agressive... Et elle s'est suspendue dans le vide, à la tête du bébé et donc aussi à mon corps du coup, fatalement. Et je me souviens qu'elle disait "remettez lui une dose de péridurale !", sauf qu'on avait beau appuyé, on ne pouvait pas mettre plus, donc c'était violent, et à un moment donné, ils chuchotaient... Et on s'est dit, enfin moi, je me suis dit mais "elle va mourir, je vais mourir, on va tous mourir"... Ils n'ont pas eu les paroles rassurantes au moment où il fallait... Je pense qu'ils étaient dans leur urgence et il y avait vraiment un problème donc il fallait qu'ils gèrent. Il fallait aller vite... Et donc, finalement, elle a réussi à sortir Éva, et en fait moi, à ce moment-là, je ne le cache pas, je me suis dit si ça se passe mal en fait ça serait peut-être mieux comme ça... D'accord...
- Speaker #0
J'ai vraiment eu cette pensée-là. Et en fait, ce qui est dingue, c'est que quand ils m'ont présenté Éva, qui était toute bleue et qui ne respirait pas, tout de suite, j'ai eu l'instinct maternel, je crois. Je n'ai pas voulu la prendre sur moi, mais pas parce que je la rejetais, mais parce que... Mais non, mais allez vous en occuper en fait. Allez vite faire quelque chose pour elle. On voit qu'elle a besoin d'aide là. C'est ça. Et du coup, à partir de là, je n'avais plus de doute. C'était ma fille.
- Speaker #1
Et tout de suite, vous avez eu envie de la protéger...
- Speaker #0
Exactement. Et du coup, c'était génial parce qu'en fait, toute l'angoisse... Alors forcément, il y a d'autres angoisses qui arrivent. Ça n'a pas été rose, ça n'a pas été simple. Mais en tout cas, ça y est, elle était née, elle était là. Et maintenant, c'était naturel.
- Speaker #1
Ça y est, la maman que vous étiez est née en même temps qu'elle et ça y est. Exactement. Vous aviez pris votre rôle, possession de votre rôle, enfin...
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et ça... C'est pareil, je sais qu'il y a des parents, il leur faut beaucoup plus de temps. Moi, ça s'est fait tout de suite. Et j'ai de la chance que ça se soit fait tout de suite. Et en fait, elle a été héliportée le lendemain matin parce qu'elle avait des problèmes au niveau de son oxygénation. Donc, elle est partie à Bordeaux. Et ça, ça a été affreux. Parce qu'il a fallu... Enfin, avant ça, il me l'avait emmenée, après s'être occupée d'elle, il me l'avait amenée dans la salle de naissance, et puis après il nous l'avait ramenée en chambre... Vous avez quand même eu ce petit moment avec elle, vous avez pu la serrer contre vous, faire des câlins... La première tétée... Il y a eu plein de bons moments avec elle. Moi, j'étais subjuguée, pourtant la pauvre, elle était un peu défigurée avec les forceps, mais je me disais "elle est belle, elle est calme", vraiment j'étais tombée en amour de ma fille. Et quand il a fallu la voir partir dans cette couveuse qui est énorme, parce qu'en fait, il y a des espèces de ventilateurs. C'est énorme comme installation pour partir en hélico. Et moi, je devais rester à la maternité parce que j'étais sous opiacés. Vous, vous étiez dans quelle ville à ce moment-là ?
- Speaker #0
Nous, on était à Angoulême.
- Speaker #1
Angoulême. Donc Angoulême et votre fille partaient ? sur Bordeaux.
- Speaker #0
C'est ça. Et donc, on l'a vu partir en hélicoptère.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Bon, là, on a eu toute l'équipe de l'hélico qui est venue nous expliquer comment ça allait se passer et tout. Mais ça a été un déchirement. Et on a eu de la chance, elle n'est pas restée longtemps, en fait. Elle est restée une journée, une nuit là-bas. Son papa a été la voir, évidemment. Et en fait, quand elle est revenue, moi, je regardais par la fenêtre, j'attendais parce que je savais qu'elle revenait en ambulance. et là je vois le brancard avec ce tout petit bébé et je savais que c'était ma fille et donc tout de suite je sonne au sage-femme ça y est ma fille arrive et elles n'avaient même pas encore été prévenues qu'elle arrivait donc elles me disaient non mais nous on n'est pas encore au courant oui ça va venir patienter
- Speaker #1
mais voilà moi j'étais trop contente de la retrouver et de ne plus jamais être séparée ouais c'est ça
- Speaker #0
C'était... Ouais.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui se passe après le retour à la maison ? À partir du moment où elle revient, elle revient en goulême à vos côtés. Oui. Il se passe plusieurs jours ou finalement c'est comme n'importe quel autre bébé, c'est 3-4 jours et puis on rentre à la maison avec son bébé ?
- Speaker #0
On est resté une semaine en néonate.
- Speaker #1
Ok. Plus par rapport aux petits soucis qu'elle a eus à la naissance ?
- Speaker #0
Alors oui, il fallait quand même surveiller parce qu'elle a eu des difficultés au niveau respiratoire et puis en fait elle a eu aussi, enfin elle a toujours d'ailleurs un problème de thyroïde.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Donc, il fallait mettre en place aussi le traitement. Donc, on est resté une semaine. Et puis, en fait, au bout d'une semaine, à un moment donné, on devait partir. Et puis finalement, le médecin nous a dit, je ne sais plus exactement, mais en gros, il nous disait, ça serait peut-être bien que vous restiez un peu plus. Et moi, j'ai dit, mais il y a vraiment des risques. Et donc, du coup, il n'y avait pas de risque. Donc, on est rentré à la maison. Et puis après, on avait la sage-femme qui passait à la maison. Oui, c'est ça. Et on savait qui appelait si...
- Speaker #1
Vous n'étiez pas lâchée comme ça, tout seule ? Non, non, non.
- Speaker #0
Parce qu'en fait, il fallait faire des prises de sang hyper régulièrement pour voir. Et ça, par contre, c'était affreux.
- Speaker #1
Ouais, sur un tout petit bébé comme ça, ouais.
- Speaker #0
Bah en fait, la première prise de sang où il a fallu revenir à l'hôpital pour la faire, ça a été un traumatisme parce qu'on y restait deux heures. Deux heures à s'acharner sur...
- Speaker #1
Sa petite main.
- Speaker #0
Sa main, sa tête, toutes les veines qui pétaient. Donc, il y avait du sang partout. À la tenir, on était quatre, je crois. Et moi, à un moment donné, on m'a demandé de tirer sur le piston de la seringue. Enfin, on s'imagine pas qu'on va être confrontés à ça. Et donc, moi, j'ai dit non, ça va plus jamais. On va trouver d'autres solutions. Donc, après, c'est une infirmière à domicile qui est venue à la maison. Et je sais pas, le contexte était peut-être plus apaisant. Oui, c'est ça. Et du coup, ça se passait mieux, même si ça restait difficile. Parce que ce n'est pas facile à piquer un bébé déjà. Et encore plus avec la trisomie 21. Je ne sais plus ce que c'était votre question. Ah oui, le retour à la maison.
- Speaker #1
Oui, le retour à la maison. Donc, vous rentrez tous les trois.
- Speaker #0
Donc, on rentre tous les trois. Et là, ça n'a pas été simple. Franchement, ça a été difficile. Ça a été difficile parce qu'en fait, ce bébé très calme, finalement, n'était pas calme du tout.
- Speaker #1
D'accord. Donc, elle ne dormait pas beaucoup.
- Speaker #0
Elle ne dormait pas beaucoup. La nuit, ça allait. Mais alors, la journée, c'était terrible parce qu'elle avait besoin d'être tout le temps dans les bras et d'être en mouvement.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Donc, être posée sur un canapé avec bébé dans les bras, c'était... Non.
- Speaker #1
Faire une petite sieste avec elle, ce n'était pas possible.
- Speaker #0
Pas possible. Donc ça s'est fini en portage toute la journée et d'être tout le temps en mouvement. Donc j'avais mon ballon de grossesse où je rebondissais en fait. Je rebondissais avec Éva dans les bras, enfin en écharpe, et je faisais tout avec elle, la cuisine, le ménage, enfin tout quoi. Et c'était épuisant, et cette question de mouvement était épuisante parce qu'en fait, même quand je ne l'avais plus dans mes bras, en fait je me balançais. Parce que j'étais tellement habituée.
- Speaker #1
C'était devenu automatique.
- Speaker #0
C'est ça. Donc, ça a été dur. Et puis, en fait, à chaque fois qu'on prenait la voiture pour aller en soins, elle hurlait, ne supportait pas la voiture. Donc, le retour à la maison, il n'a pas été facile. Elle a été assez vite à la crèche. Oui,
- Speaker #1
c'était ma question aussi. Est-ce que votre fille a été gardée ? Et dans quel type de structure ? Donc crèche.
- Speaker #0
Là, on a eu beaucoup de chance, franchement. parce qu'en fait, quand elle était à Bordeaux, une des premières choses que j'ai faites, c'est d'appeler la crèche où on avait une place. C'était une micro-crèche pour savoir si on avait toujours une place.
- Speaker #1
Par rapport à la différence de votre fille ?
- Speaker #0
Exactement. Je ne savais pas si c'était possible ou pas. Et je pense que je m'en souviendrai longtemps et je pense que la directrice de la crèche s'en souviendra longtemps aussi. On a eu un échange vraiment... super bienveillant, où elle a été adorable, rassurante, en disant que c'était une enfant comme les autres, que bien sûr elle allait être accueillie au même titre que tous les autres. Et là, j'ai de l'émotion quand je parle de cette crèche.
- Speaker #1
Je comprends. Et puis cette question de dire est-ce qu'on va finalement accueillir mon bébé alors qu'il a une différence, moi je sais que j'ai aussi posé la question. Mon fils est accueilli en MAM. J'ai eu besoin de poser la question, de dire est-ce que c'est bon pour vous ? parce que... On a besoin de se dire qu'on ne veut pas que ce soit gênant, qu'il y ait un malaise en fait.
- Speaker #0
C'est ça. Et puis, au-delà de « est-ce que c'est possible ? » , c'est « est-ce que ça va bien se passer ? » . Et en fait, c'était incroyable parce que je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont confrontés à des grosses difficultés d'accueil. Nous, on a eu des soucis par la suite. Mais là, notre première expérience, notre premier contact avec une institution ordinaire, c'est bien passé. Et je pense que ça, ça a été hyper important pour la suite. Parce qu'elle a été accueillie à partir de deux mois et demi, trois mois. Donc, très rapidement. Donc,
- Speaker #1
en fait, le délai normal. Oui, normal, exactement.
- Speaker #0
Et en même temps, franchement, moi, j'avais besoin... C'était tellement prenant. C'est pas que je voulais m'en débarrasser. Non,
- Speaker #1
bien sûr. On a besoin aussi de...
- Speaker #0
C'était dur, physiquement et mentalement. Et en fait, cette équipe, elle a été ultra accueillante. Et ils ont eu des mots qui ont été touchants. Parce que déjà, quand elle est partie pour rentrer à l'école, on a tous pleuré. Parce que c'était dur de se dire au revoir. Et en fait, ils ont tout de suite intégré la langue des signes. Enfin, ils faisaient bébé-signes, eux, du coup, avec tous les enfants. Et du coup, en fait, ce qui était génial, c'est que pour eux, ce n'était pas un poids d'avoir Éva. C'était une force parce qu'ils se sont servis de ce qu'elle pouvait leur apporter pour apporter aux autres enfants. Et il y a des enfants qui ont réussi à gérer leur frustration plus facilement. Parce que très vite, ils ont signé. Et pour moi, c'était le plus beau des cadeaux, d'avoir des professionnels qui me disent « Mais votre fille, elle nous a apporté. » Ça n'a pas été un poids pour nous de l'avoir. Et ça, quand on est parent d'un enfant différent,
- Speaker #1
ça fait du bien d'entendre ça.
- Speaker #0
Ça fait beaucoup de bien. Et vraiment, je suis très reconnaissante de cette crèche. Ça a permis de construire quelque chose, d'être apaisée au début de notre parcours. Et c'était important.
- Speaker #1
Et aujourd'hui, Éva est scolarisée ? Elle est dans une école normale, même si le mot... C'est ça,
- Speaker #0
milieu ordinaire.
- Speaker #1
Comment ça se passe son quotidien à l'école et ses relations avec les autres enfants ? Ça se passe comment pour elle ?
- Speaker #0
Éva a 5 ans, je ne crois pas que je l'ai dit encore.
- Speaker #1
Non, c'est vrai. Elle a 5 ans déjà.
- Speaker #0
Elle a 5 ans. C'est la troisième année qu'elle va à l'école.
- Speaker #1
Elle est en grande section.
- Speaker #0
Donc, c'est une petite école. On a là aussi beaucoup de chance parce qu'elle est très bien intégrée, très bien accueillie. Donc, il n'y a que deux classes, enfin deux maîtresses qui se répartissent les niveaux.
- Speaker #1
D'accord. Oui, donc c'est des... triples niveaux dans les classes ? Oui,
- Speaker #0
parce que la première classe, c'est toute petite section, petite section, moyenne section. Et la deuxième classe, c'est moyenne section, grande section. Donc là, maintenant, Éva, cette année, elle a changé de maîtresse. Elle est dans la classe des moyens grands. Officiellement, on va dire qu'elle est en grande section, mais officieusement, elle suit toujours le programme des moyennes sections. Et donc, elle a une AESH qui l'accompagne. Maintenant, elle en a deux même, parce qu'on nous a proposé ça, qu'il y ait deux AESH qui se répartissent le temps auprès d'Éva. Et moi, je trouve ça super intéressant parce que ça permet d'avoir deux points de vue différents. Et ça évite aussi qu'il y ait une exclusivité qui s'installe.
- Speaker #1
Oui, par rapport à l'enfant, c'est important aussi. Exactement,
- Speaker #0
qu'elle puisse appréhender mieux le changement.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Et en fait là aussi trop génial parce qu, déjà, les maîtresses sont super accueillantes. L'équipe, on sent qu'ils sont super contents d'avoir Éva à l'école. Elle va au centre de loisirs aussi maintenant. Elle est dans un centre de loisirs extraordinaire qui met un point d'honneur à faire de l'inclusion quelque chose de riche et de normal. Là-bas, c'est un peu la mascotte, un peu la chouchoute, même s'il ne faut pas le dire. Que ce soit à l'école, surtout au centre de loisirs quand même. Mais pour en revenir à l'école, les parents sont hyper gentils. On n'a jamais eu un mot déplacé. Même à la première kermesse, quand Éva a fait son premier spectacle, où elle a dansé comme les autres enfants.
- Speaker #1
Vous avez pleuré, je suis sûre !
- Speaker #0
Oh bah oui, j'ai pleuré. J'ai fait que de pleurer. Et quand il y a des parents qui viennent vous voir et qui vous disent « Oh, qu'est-ce qu'elle a bien dansé !
- Speaker #1
Petite puce.
- Speaker #0
C'est génial parce qu'on vient casser les préjugés. Et du coup, je pense qu'il y a des parents qui devaient se dire... Ça va être terrible pour elle, alors qu'en fait, il y a d'autres enfants qui sont en train de pleurer sur scène, alors qu'elle, elle a fond, elle connaît tout par cœur.
- Speaker #1
Elle fait le show !
- Speaker #0
Elle fait le show, ouais. C'est la petite star. Elle adore ça. Et du coup, elle a plein de copains. Elle est invitée à des anniversaires. Alors, je me dis que quand elle va grandir, ça va peut-être être plus compliqué. Mais pour le moment, ça se passe vraiment bien. C'est super pour elle. Elle adore aller à l'école. C'est une petite fille qui, le matin, quand elle se réveille, le premier truc qu'elle me dit, c'est école.
- Speaker #1
Et elle va le matin, le soir, au périscolaire aussi ?
- Speaker #0
Elle va à la garderie le soir. Parce qu'elle n'a pas le choix avec le travail. La vie continue,
- Speaker #1
et heureusement.
- Speaker #0
Après, elle aurait été vraiment trop fatigable. Forcément, j'aurais plus réduit mon temps de travail. On se serait adaptés différemment. On a la chance d'avoir une petite fille qui a beaucoup de compétences. Et puis, on a la chance d'être dans un établissement où ça se passe bien. Parce que si ça se passait mal, forcément, je ne la laisserais pas en souffrance. Ce n'est pas le cas. Des fois, quand je vais la chercher, elle ne veut pas venir.
- Speaker #1
C'est un bon indicateur ! Oui,
- Speaker #0
ça va.
- Speaker #1
Pour décrire Éva, quels sont les trois mots que vous choisiriez ?
- Speaker #0
Alors, la joie, l'amour. Et puis, la lumière, mais lumière dans le sens de la vie. Que du positif.
- Speaker #1
C'est ce qu'elle vous apporte au quotidien.
- Speaker #0
C'est impressionnant, elle a changé ma vie.
- Speaker #1
Justement, au niveau de votre vie, à vous, parce qu'être parent d'un enfant qui nécessite un accompagnement un peu particulier, ça demande beaucoup d'énergie, beaucoup d'organisation. Comment vous arrivez-vous à trouver votre équilibre entre votre vie de maman, votre vie d'aidante aussi ? Et votre vie de femme ?
- Speaker #0
C'est une bonne question. Ça va être bizarre d'amener ça comme une chance, mais je pense que c'est une chance d'être en garde alternée.
- Speaker #1
Ça laisse des petits moments de respiration...
- Speaker #0
Oui, forcément. C'est vrai que les semaines où j'ai Éva, forcément, c'est intensif. Il y a des moments où on ne peut pas passer le relais et il faut rester patient. Ça m'a beaucoup appris la patience d'ailleurs, parce que moi, je ne suis pas quelqu'un de très patiente, à la base. Mais du coup, les semaines où elle n'est pas là... Alors, au début, ça a été dur, parce que je suis quand même très attachée à elle. Puis, il y a même encore des moments où c'est difficile.
- Speaker #1
Donc, c'est des appels, vous l'appelez en visio ? On fait des visios, exactement. Ils adorent, en plus, les enfants. Oui,
- Speaker #0
On fait des visios, dans un sens comme dans l'autre, quand elle le demande. Elle le demande souvent, quand même.
- Speaker #1
C'est plus à sa demande qu'à la vôtre ? Vous respectez plus ces besoins à elles que les vôtres finalement ?
- Speaker #0
Exceptionnellement ça m'est déjà arrivé de demander à son papa, j'aimerais bien l'avoir mais c'est très rare, on est plutôt dans l'attente que ça vienne d'elle, après des fois on lui propose. Moi quand je vois qu'elle me parle de son papa dans la journée, je lui dis bah tu veux qu'on l'appelle ce soir, enfin voilà c'est assez fluide, puis on s'entend bien avec le papa donc ça règle pas mal de problèmes. Mais quand elle n'est pas là, bah forcément j'ai plus le temps d'aller faire du sport Alors... Moi, j'ai rencontré quelqu'un depuis quelques mois. J'ai de nouveau une vie de couple. Par rapport à la vie de femme,
- Speaker #1
forcément,
- Speaker #0
ça permet de se repositionner dans cette vie-là aussi, même si on n'a pas besoin d'être avec quelqu'un pour se sentir femme. Mais bon, c'est agréable quand même de partager sa vie avec quelqu'un. Donc, ce n'est pas toujours évident. C'est un peu la course. C'est même beaucoup la course. parce que moi, je travaille... à 60 % comme conseillère en insertion et je dédie un jour par semaine pour une association que j'ai fondée et pour laquelle aujourd'hui je suis chargée de projet, donc ça correspond à un temps de travail à 90 %. On y reviendra juste après... Mais voilà, pour dire que c'est intense et bon après je suis un peu hyper active. Donc finalement ça vous va bien ! Voilà, j'aime pas trop les moments de creux, mais oui c'est pas facile
- Speaker #1
Et avec votre nouveau compagnon comment ça s'est passé ?
- Speaker #0
Il a rencontré Éva ?
- Speaker #1
Comment ça se passe tous les deux ?
- Speaker #0
Ça se passe bien. J'ai la chance d'être avec quelqu'un qui est sensible à la question du handicap puisqu'il est dans le milieu de l'éducation spécialisé. Donc forcément, il était à l'aise, il n'y avait pas d'appréhension en particulier par rapport à Éva. Puis elle l'adore donc.
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
C'est super. C'est trop cool.
- Speaker #1
Donc oui, pour revenir à tout ça, Camille, ce qui nous unit aussi toutes les deux, c'est cette envie, ce besoin de faire quelque chose de notre histoire. Donc il y a ce podcast, bien sûr. Et puis il y a Envol de Libellules, votre association, qui oeuvre pour les familles concernées par le handicap cognitif et intellectuel. Quel a été le déclic pour vous ? Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager et à créer cette structure ?
- Speaker #0
Quand Éva est née et qu'on a eu ce recueil de témoignages, avec son papa, on s'était dit qu'on aimerait bien donner à notre tour et qu'il n'existait rien dans le coin. Finalement, après, ça a été un parcours plutôt personnel. J'avais pas le temps, j'étais pas capable de monter quelque chose tout de suite, mais c'était dans un coin de ma tête. Et puis quand elle est rentrée à l'école, en milieu ordinaire, je me suis dit, mais mince... En fait, elle n'est pas du tout au contact d'autres enfants en situation de handicap. Et je me suis dit, c'est important d'être au contact de ses pairs. Donc, j'ai repensé à cette histoire d'association. J'ai mélangé un peu tout ça. Et puis, j'ai contacté des associations en France qui m'intéressaient. Il y en a une qui nous a proposé de monter une antenne de leur association qui existait déjà. On a commencé comme ça avec une équipe de bénévoles. Et puis, en fait, très vite, on a eu envie... de monter notre propre association. Parce que les territoires étaient très différents avec cette première association. Et les besoins étaient très différents. Il fallait qu'on puisse monter notre projet, que ça nous appartienne. Et en fait, moi au début, j'avais l'impression d'être toute seule. Mais en fait, très vite, il y a eu énormément de monde qui se sont investis. On est devenu un collectif. Et donc, on pouvait y aller. J'étais plus toute seule. Donc, on a créé Envol de libellules en mars 2024 et on fait des rencontres familiales pour les familles qui ont un enfant avec un handicap cognitif ou intellectuel. Et c'est un moment de convivialité, c'est un moment où on peut échanger sur ce qu'on vit. En fait, c'est un peu difficile quand on est parent d'un enfant en situation de handicap, vous savez ça aussi. Les autres parents ne peuvent pas forcément comprendre ce qu'on vit. Les institutions ne comprennent pas forcément non plus ce qu'on vit. Et là, c'est vraiment un lieu où on peut être nous-mêmes. On peut parler de nos difficultés, on peut se donner des petites astuces, des conseils de professionnels aussi, parce que c'est dur de trouver des professionnels qui soient sensibles et qui soient adaptés pour nos enfants. Et puis, nos enfants peuvent aussi rencontrer d'autres enfants.
- Speaker #1
Comme eux.
- Speaker #0
Leurs frères et sœurs peuvent aussi rencontrer d'autres frères et sœurs qui vivent la même chose. Les bénévoles peuvent se retrouver avec des personnes qui ont des valeurs communes. En fait, ça fait sens pour tout le monde. Et on offre un temps de répit aussi pour les parents. Il y a un intervenant en bien-être qui vient à chaque fois pendant que les bénévoles continuent à jouer avec les enfants.
- Speaker #1
C'est hyper important.
- Speaker #0
C'est des très bons moments où on peut lâcher un peu prise, même si ce n'est pas évident. Moi, la première... Et on a plein de projets, on a plein plein de projets de cercles de paroles, des week-ends de répit, de plein de choses et c'est génial d'avoir cette communauté en fait qui se crée où on se sent moins seule quoi et on peut porter une parole, c'était important aussi parce que souvent j'ai l'impression qu'on n'est pas écouté, ou alors on est écouté de façon très ponctuelle sur Voilà. Sur un coup de gueule. Mais bon, il n'y a rien qui en ressort derrière. Et là, le fait de créer une association, ça donne un poids quand même à un collectif.
- Speaker #1
C'est concret.
- Speaker #0
Exactement. Et je suis super contente parce que sur le territoire, on est déjà bien repéré par les institutions. Et on vient vers nous. Et on est légitime dans ce qu'on fait.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Oui, mais ça aurait pu... ça aurait pu ne pas du tout prendre, ça aurait pu être pas du tout bien perçu et en fait que ce soit du côté des professionnels ou des familles c'était attendu finalement, même les institutions finalement, ils sont contents qu'il y ait une association de famille qui se soit créée donc
- Speaker #1
je suis trop contente. C'est le début de l'aventure, ça fait un petit peu plus d'un an maintenant. Plein de beaux projets qui se mettent en place et puis plein de projets encore à concrétiser. Exactement. C'est supe. D ans le cadre de cette association quelles rencontres, quels témoignages de parents ou d'enfants vous ont le plus marqué jusqu'à aujourd'hui ?
- Speaker #0
Il se dit des choses difficiles forcément sur ces sur ces temps-là. Mais en fait, c'est pas... C'est marrant parce que c'est pas ce qui me marque le plus. À chaque fois, je suis vraiment touchée par les sourires, par les gens qui ont du mal à partir. Quand on dit, bon, là, c'est l'heure, il faut qu'on range. On peut pas vous aider à ranger. Enfin, voilà, forcément, c'est un bon indicateur. Et puis, voir les enfants évoluer aussi. Ça, c'est super précieux.
- Speaker #1
Et justement, je me permets juste de vous couper parce que c'est une question qui m'est venue tout à l'heure. Les enfants, comme vous disiez, votre fille avait besoin de voir des enfants un peu comme elle. Au niveau des interactions, qu'est-ce que ça change quand elle est avec des enfants plus comme elle, si on peut dire, que quand elle est avec des enfants qui n'ont pas de différence ? Est-ce que le contact est différent ?
- Speaker #0
Pour le moment, je n'ai pas l'impression qu'elle se rende compte.
- Speaker #1
La façon de jouer est la même, c'est des copains comme les autres. C'est ça.
- Speaker #0
Alors après, on a quand même constaté que les enfants n'avaient pas forcément beaucoup d'interactions entre eux. Parce que souvent, il y a des difficultés à communiquer, déjà. Ils n'ont pas tous les mêmes modes de communication. Des fois, il y a des écarts importants aussi, soit dans les âges, soit dans le niveau de développement. Mais petit à petit, ils commencent à se reconnaître. Il y a quelques petits binômes qui se créent. Ça fonctionne plus par binôme, c'est rigolo. D'accord.
- Speaker #1
Ah ouais ?
- Speaker #0
Ouais. Et puis, Éva, elle adore les copains. elle me parle très souvent des copains, dès qu'on va au parc elle me demande si elle va voir des copains. De toute façon pour elle, les enfants, même si elle les connait pas c'est des copains ! Mais c'est pas facile pour elle d'aller vers les autres et il y a un effort à faire de la part des autres enfants pour l'intégrer en fait dans leur jeu pour le moment, même si après une fois qu'elle y est elle est assez directive et autoritaire, et elle peut investir le jeu... À sa façon ! Ouais, c'est ça. Mais du coup, forcément, comme ça demande presque un effort, mais je ne dis pas ça de façon péjorative, mais il faut forcément que les enfants soient patients pour jouer avec elle, pour l'impliquer dans les jeux. Et donc, quand c'est d'autres enfants en situation de handicap, c'est un peu difficile que chacun s'adapte les uns aux autres. Donc, les interactions sont différentes et riches aussi. Et puis, ça dépend. des enfants qui sont présents ou pas, c'est pas tout le temps les mêmes, donc ouais, mais ces enfants ils sont touchants et puis pour revenir à votre question, il y a un petit garçon notamment, que j'ai vu évoluer là en peu de temps, un petit garçon qui ne parlait pas, qui était plutôt non-verbal et là il répète plein de mots... Il a quel âge ? Je pourrais pas vous dire là, je ne sais plus exactement quel âge il a mais, parce que encore une fois les questions des chiffres et de la représentation de la durée du temps, etc. c'est dur pour moi, mais c'est génial parce que quand je dis à sa maman ah mais c'est super il a vachement évolué, de voir la fierté dans son regard. Bah en fait ça n'a pas de prix quoi, et c'est des parents qui sont pleins de patience, qui sont pleins d'amour de fierté pour leurs enfants différents. Et moi, ça me touche. Ça, ça me touche beaucoup. Il y a plein de familles qui me touchent. Mais là, cet exemple-là, cette maman, elle me touche particulièrement.
- Speaker #1
C'est dans ces moments-là où ça prend tout son sens, qu'on sait pourquoi on fait ce qu'on fait.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Vous, en tant que maman aidante et fondatrice d'associations, vous êtes sur le terrain tous les jours, finalement. Quel est le préjugé le plus difficile aujourd'hui ? à entendre autour de la trisomie 21 ?
- Speaker #0
Alors, ça va vous paraître peut-être un peu bizarre, mais c'est le genre de phrases « qu'est-ce qu'ils sont mignons, les enfants trisomiques » ou « oh, j'adore les enfants trisomiques » . Ça, je l'entends très souvent. Et en fait, je trouve ça bizarre. Moi, ça me donne l'impression presque que ça les déshumanise et que ça vient les mettre dans une posture comme si c'était un petit animal. Ou un petit objet, vous savez, une petite peluche à qui on peut faire des câlins. Je sais que ça part d'une bonne intention, mais ça résonne bizarrement en moi. Après, globalement, je ne m'offusque pas de grand-chose. Même les termes qui sont employés. Forcément, je n'aime pas du tout qu'on dise « mongole » ou des choses comme ça. Mais quelqu'un qui va me dire « elle est handicapée » , Enfin... je vais pas le reprendre en disant non elle est en situation de handicap,
- Speaker #1
moi c'est pas des trucs pour moi c'est l'intention qu'on met la façon de le dire aussi qui compte exactement,
- Speaker #0
c'est ça qui est important et après voilà même ces gens qui ont une vision très positive ultra positive de la trisomie 21 ou du handicap en général je leur entiens pas rigueur même C'est plutôt chouette. Mais ça résonne bizarrement. C'est un peu étrange. Alors après, moi, souvent, je dis... Quand ils me disent qu'est-ce qu'ils sont gentils, c'est des enfants pleins d'amour. Mais en même temps, je ne vais pas dire le contraire. Ce n'est pas faux. Ma fille, elle a une capacité de résilience incroyable. Quand l'infirmière lui fait ses prises de sang et qu'elle pleure, elle pleure, elle pleure, et que finalement, deux secondes après, quand c'est fini, elle lui fait des gros câlins et des gros sourires, je me dis mais... Moi, jamais je serais capable d'être aussi pleine de joie alors que je viens de subir un acte qui ne m'a pas plu. Donc, je ne peux pas le nier. Effectivement, il se sent un peu comme ça. En tout cas, ma fille est un peu comme ça. Mais je ne sais pas, c'est un peu bizarre. Voilà.
- Speaker #1
Je comprends. Si vous aviez un message à faire passer aujourd'hui aux institutions et même plus largement au monde pour améliorer l'inclusion, ce serait lequel ?
- Speaker #0
Pour moi, ce serait d'aller voir la singularité de chacun, qu'il y a un handicap ou non. Je me dis que si on partait du principe, par exemple, dans le travail, où un manager va interroger chaque salarié sur comment tu as envie de travailler, c'est quoi qui est difficile pour toi, qu'est-ce qu'on peut faire pour adapter ton poste. Sans qu'il y ait question de handicap ou pas, je me dis qu'on se sentirait moins stigmatisé quand on est en situation de handicap. Et je me dis que le handicap, ça peut être un bon prétexte pour finalement aller s'adapter à chacun dans la mesure du possible. Parce que forcément, il ne faut pas que ça impacte trop le collectif. Mais ouvrons-nous aux singularités des uns et des autres sans parler forcément du handicap. Ce serait chouette.
- Speaker #1
C'est un beau message. Qu'est-ce que la différence vous a appris ?
- Speaker #0
Ça va peut-être être un peu fort comme mot, mais pour moi, Éva m'a vraiment sauvée la vie. J'étais quelqu'un de très sombre, régulièrement en dépression. C'était difficile. Et en fait, elle a complètement éclairé ma vie. Alors qu'au départ, ce qu'on disait au début du podcast, c'était un effondrement. Et en fait, elle me tire tellement vers le haut. Elle m'a appris que j'étais quelqu'un de capable, que je pouvais être patiente. C'est elle qui m'a permis aussi de mieux me comprendre. Parce que grâce à elle, j'ai fondé l'association. Je me suis investie sur LinkedIn et du coup j'ai rencontré plein de personnes incroyables. J'ai pu être au contact de ressources très intéressantes et très riches qui m'ont fait comprendre que peut-être mes difficultés n'étaient pas là pour rien et qu'il y avait peut-être quelque chose à creuser du côté de l'autisme. Je crois que sans elles, je n'aurais pas fait ce parcours-là. probablement que ce serait toujours aussi difficile. Même si on ne peut pas soigner l'autisme. Mais en tout cas, on peut apprendre à mieux vivre avec. Et elle, elle m'a donné toutes les clés pour apprendre à mieux vivre avec ça. Et aussi, le fait d'avoir fondé l'association, ça m'a permis d'avoir une deuxième famille, en fait, et d'être entourée. J'étais quelqu'un qui était très isolée. Et en fait, autour de moi, j'ai des gens... Avant, les gens sur qui je pouvais compter, ils se comptaient sur les doigts de la main. Maintenant, il y en a beaucoup. Et quand on est autiste et qu'on a des difficultés relationnelles, c'est assez incroyable.
- Speaker #1
Ça transforme la vie, quoi.
- Speaker #0
Ouais. Et tout ça, c'est grâce à Éva. Et ça m'a fait vraiment réfléchir à plein de choses sur qu'est-ce qui était important dans la vie. Je relativise tellement de choses maintenant. Et tout ça, c'est grâce à elle. Vraiment.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y aurait un livre, un film ou une œuvre qui vous aurait aidé ou guidé dans les moments où vous aviez besoin ?
- Speaker #0
J'avais dans ma bibliothèque « Ce n'est pas toi que j'attendais » de Fabien Toulmé, qui est une bande dessinée. que forcément j'ai acheté dès qu'Éva est née. pour la lire. Je dirais pas que ça m'a aidée parce que on a... Donc je l'ai relu du coup pour le podcast. Mais en fait, on ne l'a pas vécu de la même façon, l'annonce du handicap. Lui, il a beaucoup de mal et je pense que ça peut être un livre très très intéressant justement pour les personnes qui sont dans le rejet au départ, pour se déculpabiliser.
- Speaker #1
Donc là, c'est un ouvrage qui parle d'un papa. qui accueille un enfant un peu différent et justement peut-être que ça revient avec cette notion de deuil dont on parlait tout à l'heure ?
- Speaker #0
C'est ça. Eux, ils l'apprennent à la naissance en fait.
- Speaker #1
Et c'est quel type de différence ?
- Speaker #0
C'est une trisomie 21. J'ai vraiment cherché quelque chose qui était en lien pour le coup avec mon histoire. Et donc, il y a plein de choses qui sont intéressantes dans ce livre. Et effectivement, je pense que ça peut aider, pas forcément que dans le cadre de la trisomie 21 d'ailleurs. Je pense que c'est un livre qui peut être intéressant aussi sur des dépressions postpartum. Parce que ça permet de voir des parents qui sont en difficulté. Mais après, oui, il y a certains passages, en les relisant, j'ai eu ma petite larme. Et en fait, moi, c'était le titre.
- Speaker #1
Oui, "Ce n'est pas ça que j'attendais"...
- Speaker #0
Oui. Je me souviens d'avoir pris une photo où j'avais Éva qui dormait sur moi, le livre. Et j'avais pris une photo comme ça pour marquer un peu cet événement. Parce qu'effectivement, ce n'était pas elle que j'attendais. Et à un moment donné, il dit "ce n'est pas toi que j'attendais, mais je suis quand même contente que tu sois là". Et du coup, moi, je dirais, je suis carrément contente que tu sois là ! Le titre, il fait vraiment écho à votre histoire.
- Speaker #1
Oui. Ok. Merci pour ce partage.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #1
Quel conseil vous donneriez aujourd'hui aux parents qui nous écoutent, que ce soit pour accueillir la différence dans leur vie ou pour accompagner leur enfant ou leur ado qui la vivrait difficilement ?
- Speaker #0
Pour moi, c'est vraiment d'aller à la rencontre des pairs. Des pairs, des gens qui vivent la même chose que nous.
- Speaker #1
De ne pas rester isolés.
- Speaker #0
C'est ça. C'est vraiment ça. Et puis croire aussi en son instinct. Parce qu'on est la personne la mieux placée. pour comprendre ce qui se passe, ce qu'il a notre enfant. Parce que nous, ça a été facile, le diagnostic a été posé directement. C'est un handicap qui est visible. Mais je côtoie du coup régulièrement des parents qui sont dans un parcours de diagnostic pour leur enfant. Et en fait, ils se retrouvent confrontés à des professionnels qui sont mal formés. qui vont dire non non c'est pas ça ou c'est que votre enfant il est mal élevé et c'est violent quoi alors oui des fois ça peut être d'autres problèmes c'est pas forcément un handicap mais je crois que quand on est parent on
- Speaker #1
sait quand même et puis quand on entame ce type de démarche on a besoin, enfin pas de ces discours en fait on a juste besoin d'être compris, d'être écouté au moins et puis si c'est pas ça, s'il y a rien bah ok mais On a besoin d'être écouté, d'être entendu et rassuré.
- Speaker #0
Exactement. Et puis d'avoir d'autres pistes à la limite à explorer. Mais en tout cas, je pense qu'il faut se faire confiance et il faut aller chercher... Après, il y a des gens qui ne veulent pas du tout rencontrer d'autres personnes parce qu'ils ne veulent pas être dans ce milieu du handicap, entre guillemets. Et je comprends. Franchement, j'entends que ça puisse être difficile. Moi, c'est ce qui me fait du bien. Je vois d'autres personnes à qui ça fait du bien. Et forcément, c'est ça que je conseille. Mais je sais que ce n'est pas forcément adapté à tout le monde.
- Speaker #1
Mais c'est vrai que ça fait du bien d'avoir des témoignages et des vécus de personnes qui sont vraiment au cœur du sujet. Parce que quand on a... Enfin, il y a des fois des discours un peu tout faits, de personnes qui ne vivent pas du tout ce qu'on traverse. Et ce ne sont pas des choses qui nous font forcément du bien. Donc, oui, je pense que c'est quand même important. Même si, oui, peut-être... tout le monde n'en ressent pas le besoin.
- Speaker #0
C'est pour ça que votre podcast, il est précieux. Moi, j'en ai cherché aussi des podcasts, des choses à écouter et on ne trouve pas forcément. Et ça fait du bien d'entendre d'autres personnes parler de leur parcours. Et vous voyez, moi, justement, ça a complètement remis en question ma posture professionnelle, en fait. Comme j'étais éduquepée, j'avais l'impression d'être bienveillante, bien traitante avec les familles. avec les parents et en fait, je me rends compte que mon discours, des fois, il n'était pas adapté. Et du coup, c'est important cette question de témoignage et de donner la parole à ceux qui sont directement concernés.
- Speaker #1
Camille, on arrive à la fin de notre échange, déjà. Et je vais maintenant vous poser la question signature du podcast. Avec votre parcours, votre expérience, les rencontres qui ont rythmé votre vie depuis la naissance de votre petite fille, quel message vous aimeriez transmettre à la femme que vous étiez au moment où vous avez appris la particularité d'Éva ?
- Speaker #0
Vous me prenez par surprise ! Je voudrais... Je voudrais lui dire, ça va bien se passer. Même si quand tout s'effondre, ce n'est pas ce qu'on a envie d'entendre... C'est pas ça en fait. Ça va être dur, c'est normal. Tu as le droit de t'effondrer, mais tu vas y arriver. Et surtout, tu vas te rendre compte que finalement, c'est la plus belle chose qui ne te soit jamais arrivée dans ta vie.
- Speaker #1
C'est trop beau. Pour finir... Si vous deviez donner un titre à cet épisode, vous choisiriez lequel ?
- Speaker #0
Alors, c'est pas facile. Devenir mère, aidante et pleine de vie, la surprise du handicap.
- Speaker #1
Ok, super.
- Speaker #0
C'est pas très poétique, mais...
- Speaker #1
Non, mais je garde ça.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Au moins, c'est votre titre à vous. Merci à vous, Camille. Merci infiniment pour cet échange, pour votre énergie. Merci d'avoir donné un si beau sens au mot différence. J'espère que votre histoire et votre engagement vont résonner auprès de nombreux parents et de nombreuses familles. Et je vous dis à très bientôt !
- Speaker #0
Merci beaucoup à vous Audrey.
- Speaker #1
Vous venez d'écouter un nouvel épisode de Différence. Merci d'avoir partagé ce moment avec nous. Si cet épisode vous a plu ou touché, n'hésitez pas à en parler autour de vous, à vous abonner sur votre plateforme d'écoute préférée, à y laisser quelques étoiles et à nous rejoindre sur le compte Instagram @différences.media pour soutenir et faire grandir le podcast. Je vous dis à très vite et surtout, souvenez-vous, nos différences sont nos plus grandes forces !