undefined cover
undefined cover
Cécile Guinnebault  : Quand l'erreur devient apprentissage cover
Cécile Guinnebault  : Quand l'erreur devient apprentissage cover
Dino Sapiens - le podcast des organisations en mutation

Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage

Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage

31min |13/10/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Cécile Guinnebault  : Quand l'erreur devient apprentissage cover
Cécile Guinnebault  : Quand l'erreur devient apprentissage cover
Dino Sapiens - le podcast des organisations en mutation

Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage

Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage

31min |13/10/2025
Play

Description

Episode 43 — Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage


Dans cet épisode de Dino Sapiens, je reçois Cécile Guinnebeault, autrice de Chères erreurs, pour parler de ce qui, souvent, nous fait grandir plus que la réussite : nos ratés.


On y parle de vulnérabilité, de confiance, et de cette capacité rare à transformer un échec en apprentissage collectif.


💬 Comment faire de nos erreurs un levier de transformation des organisations ?
🌱 En quoi le droit à l’erreur est-il une condition du leadership éthique ?
🤝 Et comment apprendre à regarder nos maladresses autrement — comme une manière d’évoluer ensemble ?


Cécile partage avec sincérité son parcours, sa vision du futur du travail et la manière dont les entreprises à mission peuvent réinventer leurs récits — en assumant leur humanité, leurs doutes et leurs apprentissages.


Une conversation inspirante sur la vulnérabilité comme force, la conduite du changement par le collectif et la beauté des aventures humaines qui se construisent… pas à pas.


N'hésitez pas à noter et laisser un commentaire sur Apple Podcast, à évaluer sur votre plateforme d'écoute. Cela m'aide à donner de la visibilité au podcast.


Faites-moi signe sur LinkedIn

et sur Instagram


Montage : Enora Leroy

En collaboration avec Anne Tilloy, Responsable Editoriale et Journaliste

Générique : Clean Success by Boomer.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Bienvenue sur DinoSapiens, le podcast qui explore la transformation des organisations sans bullshit ni jargon. Je suis Bérangère du Cimetière, et chaque épisode, je tends le micro à celles et ceux qui, à leur manière, font évoluer nos façons de travailler, de décider, de manager. Parce que transformer, ce n'est pas imposer, c'est comprendre, embarquer, expérimenter. Parce que, dans un monde qui change vite, c'est notre capacité à rester humain qui fera toute la différence. Alors embarquez avec moi sur DinoSapiens, et ensemble, évitons l'extinction ! Si vous aimez cet épisode, n'hésitez pas à vous abonner sur Apple Podcasts et Spotify, n'oubliez pas d'activer la cloche pour ne rien rater des sorties, et n'hésitez pas non plus à laisser une revue et des étoiles à en parler autour de vous, ça m'aide à faire connaître DinoSapiens. Et tout de suite, votre nouvel épisode. Rien dans le parcours de Cécile Guinebeau ne l'a prédestinée à devenir coach systémique. Et pourtant tout y menait. En 2003, Alors qu'elle est encore consultante en accompagnement du changement, elle intervient pour la première fois dans un conflit entre deux managers. Par intuition, elle choisit d'observer les interactions plutôt que les individus. Le conflit se dénoue. Sans le savoir, elle vient d'inventer son métier, le coaching systémique. Autodidacte brillante, passée par l'école des petits boulots, après un parcours académique chaotique, Cécile découvre très tôt la stratégie à travers le jeu de Go. Ce jeu millénaire, fondé sur la vision globale et les interactions, façonne durablement sa manière de penser et deviendra la clé de sa lecture des organisations. Repérée par le cabinet Bossard dans les années 90, elle y découvre le monde du conseil en management. Complexée d'être la seule non-diplômée d'une grande école au milieu des X et des HEC, elles transforment cette différence en force. Le terrain devient son université. Pendant 20 ans, elle se forme sans relâche Leadership Sociologie des Organisations Pédagogie Communication PNL Analyse Transactionnelle MBTI et en 2020, elle obtient son Advanced Practitioner Diploma à l'Academy of Executive Coaching de Londres, reconnaissance officielle d'un savoir-faire déjà longuement mûri. En 2016, La découverte de l'approche systémique de l'Institut Gregory Bateson agit comme une révélation. Elle y retrouve la pensée du « go » interactionnelle, contextuelle, pragmatique, humaniste et paradoxale. Depuis, elle accompagne dirigeants et équipes à sortir des schémas normatifs, à se reconnecter à leurs ressources profondes, à retrouver leur liberté d'action. Coach empathique et confrontante à la fois, Cécile incarne un art du coaching fondé sur la lucidité, la déontologie et la co-construction. Elle croit à la puissance du collectif, à la sérénité et à l'idée qu'on ne rompt pas sa solitude avec un algorithme. Aujourd'hui, elle se définit comme une artisane de la transformation humaine qui aide les leaders à regarder leur système autrement pour mieux agir. En 2025, Cécile Guinebeau publie « Chers erreurs » Un livre passionnant qui explore notre rapport à l'échec et montre comment nos erreurs peuvent devenir des leviers puissants de transformation individuelle et collective aussi. C'est justement de cela dont nous parlons dans cet épisode de DinoSapiens. Comment accueillir, comprendre et valoriser l'erreur pour progresser en tant que dirigeant, en tant qu'équipe, en tant qu'organisation. Aujourd'hui, Cécile partage cette philosophie à travers son activité de coach, mais aussi lors de conférences en entreprise où elle invite les leaders à apprivoiser leurs erreurs pour en faire un moteur d'apprentissage et d'innovation. Une conversation à la fois éclairante, concrète et très humaine, comme toujours sur DinoSapiens, avec une femme qui a fait de la complexité un art de vivre. Bonjour Cécile Guinebeau.

  • Speaker #0

    Bonjour Mère Angère, merci d'avoir invité, ça me fait très plaisir.

  • Speaker #1

    Ravi de te recevoir. Tu as publié au mois de mars Un ouvrage que tu as écrit qui s'appelle « Chers erreurs » et tu es aujourd'hui pour nous en parler, mais parler plus… pratiquement de l'erreur, de qu'est-ce que ça veut dire de faire une erreur, pourquoi on a du mal à les reconnaître et comment on part de là finalement.

  • Speaker #0

    Oui, c'est un projet de très long terme et je ne m'imaginais pas rentrer dans un projet d'aussi long terme quand j'ai commencé à écrire ce livre. En fait, il y a deux ans, quand j'ai commencé mes études de superviseur, parce que je suis une vieille coach, ça fait 25 ans que je suis coach, et puis ça fait trois ans que je suis superviseur et j'ai décidé de faire assez rapidement. des études de superviseur pour faire un travail sérieux avec les coachs qui viennent me voir. Et donc au moment où j'ai commencé mes études de superviseur, une de mes profs m'a dit « Mais quel superviseur tu veux être ? » Et j'ai répondu « Je voudrais être la superviseure à qui on peut apporter son linge sale en sachant qu'on sera bien reçus. » Et je me suis très vite posé la question « Mais comment est-ce que je vais être crédible avec cette promesse ? » Et parce que j'avais vu... un dirigeant faire ça avec son équipe il y a une dizaine d'années. J'ai décidé de partager mes erreurs pour donner le droit à l'erreur, par l'exemple, à des coachs moins confirmés que moi. Typiquement, moi, ce que j'entendais, un des jeunes coachs que je recevais en supervision, c'était « maintenant que je suis sortie de l'école, je n'ai plus le droit à l'erreur » . Et ça, moi qui ai appris ce métier en autodidacte, je me disais « mais ce n'est pas possible, on apprend toutes ces erreurs » . Bien entendu, on apprend dans les livres, on apprend dans les formations, et je ne renie pas ça du tout. Il n'en reste pas moins que notre métier est un métier relationnel, dont l'essentiel, ça prend en situation, et donc ça prend par l'erreur. Et donc, je me suis dit, comment est-ce que je peux faire pour réconcilier des praticiens, des praticiennes plus jeunes que moi, avec ces erreurs qui sont leur plus belle école de formation ? C'est là que j'ai décidé de leur donner le droit à l'erreur, par exemple. et de partager les erreurs. Ça, ça a été des chroniques sur LinkedIn, puis un livre, et puis maintenant, effectivement, des conférences et des ateliers dans les entreprises.

  • Speaker #1

    Merci. Et donc, les erreurs, ce n'est pas seulement celles des coachs. Tu t'es rendu compte, en écrivant ce livre, que le rapport à l'erreur, eh bien, il existe chez chacun d'entre nous.

  • Speaker #0

    Absolument. Et ce rapport à l'erreur, il existe... Mon principal point de comparaison sur le thème du droit à l'erreur, ça a été mon exposition internationale. En travaillant beaucoup avec des anglo-saxons, je me suis rendu compte que le rapport à l'erreur des anglo-saxons, que ce soit anglais, irlandais, américain d'ailleurs, était beaucoup plus tolérant que le nôtre à l'erreur. Et je me suis rendu compte que, dans des environnements internationaux, faire une erreur ou apprendre de ses erreurs, reconnaître une erreur, était beaucoup plus facile, beaucoup plus décontractant. beaucoup plus curieux que chez nous, où faire une erreur reste quelque chose de très honteux. Et je me suis rendu compte à quel point la culture française est fondée sur la bonne réponse, ne pas faire de fautes, ne pas faire d'erreurs, ne pas être pris en flagrant délit d'avoir fait une erreur. Et je me suis vraiment rendu compte que nous avions un rapport complètement figé et très rigide, très intolérant à l'erreur. Et c'est vraiment quelque chose qui m'a frappée. Et je me suis rendu compte aussi que dans les entreprises, ce rapport à l'erreur était particulièrement glippé et honteux.

  • Speaker #1

    Ça me semble embêtant cet aspect, parce que le monde bouge beaucoup, il y a beaucoup de challenges. Est-ce qu'il existe un mode d'emploi pour avancer dans ce contexte extrêmement complexe ?

  • Speaker #0

    Ce dont je me rends compte, c'est que plus l'environnement est incertain, plus il est illusoire de faire des plans à 3 ans, à 5 ans, à 10 ans, parce que de toute façon... Les décisions qu'on prend aujourd'hui peuvent être invalidées la semaine prochaine, par une décision politique, par un conflit dans le monde, par une catastrophe climatique. Et donc, à mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent. Et donc ça, vraiment... Ça suppose d'être mis en échec, d'une certaine manière, par les circonstances, et d'être à l'aise pour changer de plan, pour changer de pied, pour s'adapter en temps réel.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'en France, c'est si difficile de prendre des risques dans ce contexte ?

  • Speaker #0

    Ce que je crois observer en France, et je ne suis pas la seule, c'est que les entreprises françaises et les dirigeants français sont particulièrement intolérants à l'erreur, et intolérants à la prise de risque. Et il y a vraiment une tendance. à rassembler le plus grand nombre de données, de tout calculer à l'avance, avant de prendre une décision. Or, passer du temps à calculer à l'avance une décision qui sera peut-être invalidée par les circonstances de la semaine prochaine, à quoi ça sert ? Il n'en reste pas moins que cette culture française qui est intolérante à l'erreur fige les décideurs, les équipes, dans des postures de « on ne veut surtout pas prendre de risques » , ce qui génère de l'immobilisme dans beaucoup de cas.

  • Speaker #1

    Alors avec ce que tu observes à travers tes coachings et tes supervisions, est-ce que c'est si grave de faire une erreur en entreprise en France aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est l'entreprise. qui me frappe le plus, c'est le regard de la société. Ce que j'observe, c'est qu'à l'école, quand on fait une erreur d'orthographe, on appelle ça une faute d'orthographe ou une faute de calcul. Et donc, il y a vraiment, très tôt dans notre éducation, une confusion entre erreur, qui est involontaire, et faute, qui est une transgression volontaire. Et donc là, il y a vraiment une sorte de discrédit moral qui est porté sur l'erreur et qui, dès notre scolarité, nous empêche ou en tout cas nous culpabilise de faire des erreurs alors que l'erreur est la condition même de l'apprentissage. Et donc, à l'école, on nous dit qu'une erreur est une faute. Et après ça, quand on rentre dans la vie professionnelle, et c'est vrai en entreprise, c'est vrai pour les entrepreneurs, Le fait... qui est quelque chose qui ne marche pas, le fait d'avoir un projet qui ne fonctionne pas ou un échec est considéré comme un discrédit social. C'est une infamie sociale. Aux États-Unis, on ne commence à vous faire confiance qu'à partir du moment où vous avez planté une entreprise, où vous avez planté une boîte. En France, si vous avez un échec, c'est l'infamie sociale et ce saut d'infamie est quasiment indélébile. Et donc, il y a d'excellentes raisons pour qu'en entreprise ou dans la vie professionnelle, qu'on soit salarié ou entrepreneur, ce soit extrêmement risqué socialement de faire des erreurs. Mais en fait, ce dont je me rends compte, c'est que ce ne sont pas les conditions matérielles ou les conséquences matérielles des erreurs qui sont les plus dommageables, ce sont les conséquences d'abord émotionnelles et sociales, parce que le jugement des autres est terriblement sain.

  • Speaker #1

    Et du coup, ça fige tout ? dans l'esprit d'initiative, l'esprit de progrès qu'on peut avoir au quotidien ?

  • Speaker #0

    C'est ce que nous reprochent les Américains. Les Américains, et de manière régulière depuis des générations, nous nous disons « mais comment ça se fait ? » Avec l'excellence de vos formations, vous aviez aussi peu de grands patrons dans les ruptures internationales. Et la raison, c'est précisément qu'en France, prendre le risque de se planter, c'est un risque social tellement grand que très peu de gens le prennent.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose avec le podcast. Comment passe-t-on de la posture où on est figé par la peur de faire une erreur à celle où on s'autorise à essayer, à innover, à y aller finalement ?

  • Speaker #0

    Alors ça, je trouve que ça dépend beaucoup des environnements parce que tous les environnements ne se valent pas. Quand on est dans un environnement qui est très intolérant à l'erreur, c'est important de se protéger. Et donc, je comprends tout à fait qu'avant de prendre... le risque de regarder ces erreurs avec curiosité, de les reconnaître, de les partager, on fasse très attention à ce qu'on risque dans son environnement social. Ça, c'est quelque chose d'important. Maintenant, à titre individuel, on peut tout à fait avoir un carnet d'erreurs dans lesquels on note ce qui ne s'est pas passé comme on voulait, qu'est-ce qu'on attendait, à quel moment on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. Et puis, finalement... Qu'est-ce qu'on peut faire différemment la prochaine fois ? Que ça se passe différemment ? Et d'une certaine manière, on peut tout à fait avoir, à titre individuel, une démarche de curiosité par rapport à ces erreurs. Maintenant, je crois que ce qui peut avoir un impact, c'est justement de passer de l'individuel au collectif. Et c'est ça qui n'est pas toujours facile. Parce qu'encore une fois, certains environnements vont être plus tolérants que d'autres. Je crois qu'une manière de passer de l'individuel au collectif, c'est... d'identifier une, deux, trois personnes en qui on a toute confiance. Et quand je dis on a toute confiance, c'est qu'on a confiance que ces personnes-là ne vont pas se moquer, ne vont pas utiliser contre moi les informations que je vais partager avec elles. Et avec ces deux ou trois personnes, commencer à partager, là tiens, il y a quelque chose qui ne s'est pas passé comme je voulais, ou j'ai fait une erreur, j'ai pris une mauvaise décision, j'aimerais bien qu'on en parle, est-ce que c'est possible ? et dans la discussion d'aller chercher des enseignements. et de faire ça en tournant, c'est-à-dire que je partage mes erreurs, tu partages les tiennes. Et au fond, dans cette discussion-là, dans un environnement sécurisé, on peut commencer à apprendre de ses erreurs et à apprendre des erreurs de l'autre.

  • Speaker #1

    Et donc en fait, il y a une première étape qui est de ne pas se juger trop sévèrement, quelque part d'accepter qu'on a fait une erreur et qu'on part de là. Et la deuxième, c'est d'emmener avec soi un petit collectif en qui on a confiance. pour dépasser petit à petit et s'améliorer en continu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Je crois que déjà, dans un premier temps, la grande difficulté individuelle, c'est de passer au-dessus de ces émotions négatives. Parce que l'erreur génère des sentiments de honte, de culpabilité, de colère contre soi, etc., qui sont extrêmement coûteuses. Et ça demande un effort de volonté pour se poser et se dire « Ok, il s'est passé ça, C'est très désagréable. Maintenant, qu'est-ce que cette erreur m'apprend et qu'est-ce que je peux faire différemment ? Et au fond, elle m'a coûté très cher émotionnellement. Éventuellement, elle me coûte cher matériellement ou d'un point de vue pratique. Maintenant, qu'est-ce qu'elle va me rapporter, cette fichue erreur ? Et qu'est-ce qu'elle va me rapporter ? C'est un véritable acte volontaire. Ça ne se fait pas tout seul. Il ne suffit pas de faire des erreurs pour en apprendre quelque chose. C'est un acte volontaire. Et après ça, le passage de l'individu à le collectif, c'est un acte de confiance.

  • Speaker #1

    Parce que c'est montrer ses vulnérabilités. Exactement. On entend beaucoup parler de la vulnérabilité du leader. D'ailleurs, tu as une très belle histoire à nous raconter, parce que ça a été exemplaire. Mais se montrer vulnérable, c'est quelque chose de difficile.

  • Speaker #0

    C'est très difficile, et c'est d'autant plus difficile dans une société de l'image. où la peur ultime, c'est la peur de rayer sa carrosserie. Et l'histoire à laquelle tu faisais référence à l'instant, c'est qu'il y a une dizaine d'années, je travaillais pour un laboratoire pharmaceutique où j'accompagnais un projet de transformation. Et un jour, je participais au comité de direction et le directeur général québécois, ça a son importance, arrive dans la salle, salue tout le monde et commence la réunion du comité de direction. par « écoutez, voilà, je viens de recevoir un coup de fil du ministère de la Santé, je me suis fait remonter les bretelles sévèrement parce que j'ai pris une très mauvaise décision concernant l'analyse sur le marché de tel médicament. Je m'excuse. Et je vais aller voir toutes les équipes concernées pour m'excuser personnellement. Parce que ça va demander du travail à plusieurs équipes de rattraper cette boulette. Donc je vais les voir pour m'excuser, mais je vais aussi les voir. » pour qu'elles me disent ce que je pourrais faire différemment la prochaine fois pour ne plus prendre ce type de mauvaise décision. Stupeur autour de la table. C'était la première fois que je voyais et que j'entendais un dirigeant français faire preuve d'autant d'humilité. Et c'était vraiment la première fois pour tout le coup dire aussi. Il y a eu un grand silence gêné autour de la table et pour avoir travaillé avec eux de manière très rapide. approché pendant ce moment-là, il y a eu un moment de stupeur et puis un moment de colère parce que c'était quand même vraiment une grosse, grosse connexion. Et quelques mois après, ce dont je me suis rendue compte, c'est que pratiquement tous les membres du CODIR avaient emboîté le pas à leur DG et commençaient à mettre en place des rituels d'apprentissage par l'erreur dans leurs propres équipes. Et puis à la fin de l'année, les résultats économiques étaient supérieurs aux prévisions. malgré cette grosse erreur, et les sondages d'engagement des salariés n'avaient jamais été mis. Et donc, vraiment, le résultat de cet épisode-là, c'était qu'au fond, l'erreur a été rattrapée sur le plan économique, mais surtout, les équipes n'avaient jamais été aussi engagées, parce que cet acte de vulnérabilité de leur dirigeant, en fait, n'avait pas diminué sa légitime cas lui, mais augmenté la leur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est un bel exemple. Ça montre que montrer sa vulnérabilité, accepter, ne pas être dans le déni de son erreur, l'accepter même publiquement, ça nous emmène sur des chemins qui sont peut-être surprenants, mais qui nous permettent de rebondir.

  • Speaker #0

    Absolument. Et par ailleurs, quelle image avons-nous des gens qui sont dans le déni de leurs erreurs ? On s'en va à nos dirigeants politiques ou à certains grands dirigeants dont on en parle. en parler, qui ont manifestement commis des erreurs et qui les mit farouchement.

  • Speaker #1

    Ça, c'est très dur. C'est très dur à entendre. Ça décrédibilise complètement le personnage.

  • Speaker #0

    Absolument. Donc la crédibilité, à mon avis, est beaucoup plus dans la reconnaissance de ses erreurs que dans le déni pour soi-disant protéger ses concourses.

  • Speaker #1

    Alors si tu avais devant toi un de ces hommes politiques qui est dans le déni, qui ne veut pas reconnaître ses erreurs, qu'est-ce que tu lui dirais ? Un homme politique ou un dirigeant, ce que tu as pu en connaître, mais l'homme politique ou la femme politique, c'est les gens qu'on voit tous les jours.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ma réponse spontanée... c'est que je ne cherche pas à faire le bien des gens malgré eux. Et quand j'ai en face de moi quelqu'un qui refuse obstinément de reconnaître ses torts, je ne perds pas mon temps à chercher à la convaincre du contraire. Cette personne-là n'est pas prête à entendre ce que j'ai à dire et n'est pas prête surtout à changer de posture. En revanche, il m'arrive de rencontrer des personnes qui... savent au fond d'elles-mêmes qu'elles devraient reconnaître leur tort, mais qu'ils n'y arrivent pas. Et ça, c'est complètement différent. Entre une personne qui est dans le déni, je ne vais pas chercher à la convaincre, et une personne qui sait confusément qu'il faudrait faire quelque chose mais qui ne sait pas comment, là, je commence par la rejoindre dans la difficulté qu'elle ressent à lâcher prise. Parce qu'en général, quand on s'accroche... à son bouclier, quand on s'accroche à son masque, quand on s'accroche à son déni, c'est qu'il y a une bonne raison, c'est qu'il y a quelque chose à protéger. Donc, rejoindre cette personne-là dans ce qu'il y a à protéger, c'est pour moi une première étape avant de les amener à évaluer par elle-même mais est-ce que votre protection actuelle est efficace ? Et très souvent, quand on passe en revue les moments ou les épisodes dans lesquels cette personne-là, justement, a nié l'erreur, ou ses réfugiés dans son bon droit, ou ses arguments d'autorité, etc. Dans beaucoup de cas, la personne finit par reconnaître elle-même qu'effectivement ces techniques-là de protection de sa réputation, de son professionnalisme, de son poste, etc. ne sont pas efficaces. Et à partir de ce moment-là, on peut commencer à explorer d'autres manières de faire et expérimenter d'autres manières de faire. Et moi, ce que je fais... À partir de là, c'est des expériences dans des environnements qui sont d'abord sécurisés, puis un peu moins, pour faire l'expérience de lâcher son masque, enlever son masque, prendre l'armure et commencer à montrer un peu de vulnérabilité devant un public qui va être tolérant et qui va être bienveillant. Et puis après ça, devant des publics qui le sont un peu moins. Et on s'arrête. là où la personne ne peut plus se permettre de... Parce qu'encore une fois, les enjeux de réputation sont terriblement importants. Et donc, on ne va pas tenir à la bataille. Oui,

  • Speaker #1

    le parallèle que je fais, c'est que moi, j'ai beaucoup travaillé à l'étranger également. Je me suis sentie effectivement beaucoup plus acceptée, y compris dans mes erreurs à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, comme tu le disais tout à l'heure. Et il y a aussi un enjeu où, quand on n'est pas de là, on a moins à perdre. Quand on n'est pas d'ici, on a moins à perdre. Donc à l'étranger, j'étais l'étrangère et donc j'étais sur un terrain où j'avais moins à perdre socialement que si j'avais été en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ça me rappelle quelque chose parce que j'ai fait mes études de coaching et de supervision en Angleterre et quand je suis arrivée, je me mettais beaucoup de pression pour parler un anglais impeccable. Jusqu'au jour où je me suis rendue compte dans une séance Merci. qui était observé par des pères et par des profs, que les imperfections de mon anglais, et donc les erreurs d'anglais que je faisais dans mon expression, provoquaient quelque chose qui était de l'ordre de la métaphore, ou faisaient réfléchir la personne que je coachais différemment de si j'avais posé ma question dans un anglais parfait. Et donc, je me suis emparée de ce truc-là, des imperfections de mon anglais. pour en faire mon propre style de coaching en anglais. Et ça, ça fait partie des raisons pour lesquelles j'ai utilisé mes erreurs comme outil d'apprentissage et comme élément de mon style professionnel.

  • Speaker #1

    L'imperfection amène à la perfection.

  • Speaker #0

    À la perfection, non, mais en tout cas à un style qui n'appartient qu'à moi.

  • Speaker #1

    Cécile, tu sais que je termine souvent les épisodes. de Dino Sapiens. Alors, il y a des personnes qui n'aiment pas donner des conseils, mais je pense que là, on en a tous vraiment besoin pour accepter nos erreurs. Quels seraient tes trois conseils à la communauté Dino Sapiens pour mieux gérer les transformations ? Prendre qu'il n'y a pas toujours un mode d'emploi sur comment avancer et en ça, mieux reconnaître ses erreurs, mieux s'appuyer sur ses erreurs pour avancer.

  • Speaker #0

    Le premier conseil que je donnerais, c'est en particulier justement quand on est dans des démarches de transformation, d'innovation, d'exploration d'un inconnu qui peut être très effrayant, c'est en tant que leader, en tant que chef de projet, en tant que responsable de toute ou partie du projet, de cadrer les choses en disant « je n'en sais pas plus que vous, on va apprendre ensemble » . Et ça, dans les entreprises françaises où les chefs, les responsables, ont beaucoup de pression pour avoir toutes les réponses, y compris à l'avance, c'est une véritable difficulté, et je le comprends tout à fait, et en même temps, c'est aussi une manière de gérer les attentes en face de soi, gérer les attentes de ces interlocuteurs en disant « écoutez, vous ne savez pas, je ne sais pas » . on va apprendre ensemble, on va tâtonner ensemble, on va faire des erreurs ensemble et on les corrigera ensemble. Et ça, c'est vraiment une manière de se positionner face à un inconnu qui peut faire peur à tout le monde et de ne pas donner à ses interlocuteurs des attentes démesurées de perfection immédiate. Le deuxième conseil que j'aimerais donner, c'est de ne pas punir les erreurs. Alors ça, dans notre éducation, on a été parfois punis. avec des lignes à faire, des bonnes édades et autres, pour avoir fait des erreurs, ça paraît insensé. Et en fait, cette histoire-là m'a marquée. Il y a une trentaine d'années, j'étais DRH dans la presse professionnelle, et il y avait une rédactrice en chef qui était une ancienne infirmière de l'Institut Curie. L'Institut Curie qui avait monté le premier service d'oncologie infantile, dans les années 70. Et cette femme avait été donc... infirmière dans ce service qui recevait des enfants cancéreux. À l'époque, les chances de survie de ces enfants étaient infimes. Un soir, épuisé par plusieurs nuits de garde d'affilée, mon amie, qui s'appelait Françoise, se trompe dans la posologie de la chimiothérapie d'un médecin. Un véritable drame. Bien sûr, pour la famille, mais la famille avait très peu d'attentes, par rapport à la survie de son médecin, mais pour elle, parce que c'était une erreur. absolument tragique. Le chef de service de Françoise, qui avait tous les droits de la renvoyer avec un blâme, etc., n'en a rien fait. À la place, il a eu le raisonnement suivant. Il s'est dit, si ma meilleure infirmière fait cette erreur, alors toutes les autres la font d'y fond. Et ce qu'il a fait, c'est qu'il a chargé Françoise de fiabiliser, de sécuriser le parcours de médicaments. depuis le fabricant jusqu'au lit des patients, de manière à diminuer, si ce n'est supprimer, mais au moins diminuer les risques d'erreur pour les malades. Alors quand elle m'a raconté cette histoire, c'était dix ans plus tard. Françoise était toujours traumatisée par cet épisode, mais elle avait aussi, elle portait aussi la fierté d'avoir contribué à sauver des milliers de vies en sécurisant ce parcours de médicaments et en contribuant à la professionnalisation. de cette discipline qui était embryonnaire à l'époque. J'en ai la chair de poule. Moi aussi. À chaque fois que je raconte cette histoire, j'ai la chair de poule aussi, mais c'est surtout que depuis ce moment-là, à chaque fois que j'ai la tentation d'avoir la dent dure contre quelqu'un qui a fait une erreur, et Dieu sait que je peux avoir la dent dure comme on me l'a appris à l'école, je me pose la question, est-ce que je n'ai pas plus intelligent à faire que de punir cette erreur ? Et quand je dis punir, ça peut être punir moi-même. ça peut être une à moi-même, ça peut être une à les autres. Et j'ai pratiquement toujours quelque chose de plus intelligent à faire que de me punir ou de punir les autres pour une raison. Et ce que j'ai de plus intelligent à faire, c'est... qu'est-ce que je peux faire différemment la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Un immense merci, Cécile. C'était vraiment une session extrêmement riche. Merci pour ta disponibilité.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Ça m'a fait très plaisir de venir avec toi. J'espère que cet épisode changera le regard des auditeurs et des auditrices sur leurs erreurs.

  • Speaker #1

    Cet épisode avec Cécile Guinebeau nous rappelle que nos erreurs ne sont pas des fautes à cacher, mais des enseignantes exigeantes. Celle qui nous révèle, nous affine et nous rend plus humain. Dans un monde en transformation permanente où l'incertitude est devenue la norme, savoir reconnaître ses erreurs, c'est retrouver une force de puissance tranquille, celle d'apprendre, de s'adapter, de rebondir. Comme le dit Cécile, apprendre de ses erreurs, c'est un acte volontaire, presque un acte de courage. Et quand un leader s'autorise à reconnaître une erreur, il ne perd pas en crédibilité, il en donne à son équipe. Alors peut-être que la transformation la plus durable, la plus profonde, c'est celle qui commence là, dans le droit à l'erreur, partagé, assumé, vécu collectivement. Merci à Cécile pour cette conversation et merci à vous, auditrices et auditeurs, d'avoir partagé ce moment avec nous. Si cet épisode vous a inspiré, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et surtout à regarder vos erreurs autrement, parce que c'est souvent en trébuchant qu'on avance vraiment. Et n'oubliez pas que Cécile propose des conférences justement sur le droit à l'erreur, sur les erreurs qui nous permettent d'apprendre. À très bientôt dans DinoSapiens pour continuer à explorer ces aventures humaines qui transforment nos organisations et peut-être notre regard sur nous-mêmes. Et d'ici là, évitons l'extinction !

Description

Episode 43 — Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage


Dans cet épisode de Dino Sapiens, je reçois Cécile Guinnebeault, autrice de Chères erreurs, pour parler de ce qui, souvent, nous fait grandir plus que la réussite : nos ratés.


On y parle de vulnérabilité, de confiance, et de cette capacité rare à transformer un échec en apprentissage collectif.


💬 Comment faire de nos erreurs un levier de transformation des organisations ?
🌱 En quoi le droit à l’erreur est-il une condition du leadership éthique ?
🤝 Et comment apprendre à regarder nos maladresses autrement — comme une manière d’évoluer ensemble ?


Cécile partage avec sincérité son parcours, sa vision du futur du travail et la manière dont les entreprises à mission peuvent réinventer leurs récits — en assumant leur humanité, leurs doutes et leurs apprentissages.


Une conversation inspirante sur la vulnérabilité comme force, la conduite du changement par le collectif et la beauté des aventures humaines qui se construisent… pas à pas.


N'hésitez pas à noter et laisser un commentaire sur Apple Podcast, à évaluer sur votre plateforme d'écoute. Cela m'aide à donner de la visibilité au podcast.


Faites-moi signe sur LinkedIn

et sur Instagram


Montage : Enora Leroy

En collaboration avec Anne Tilloy, Responsable Editoriale et Journaliste

Générique : Clean Success by Boomer.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Bienvenue sur DinoSapiens, le podcast qui explore la transformation des organisations sans bullshit ni jargon. Je suis Bérangère du Cimetière, et chaque épisode, je tends le micro à celles et ceux qui, à leur manière, font évoluer nos façons de travailler, de décider, de manager. Parce que transformer, ce n'est pas imposer, c'est comprendre, embarquer, expérimenter. Parce que, dans un monde qui change vite, c'est notre capacité à rester humain qui fera toute la différence. Alors embarquez avec moi sur DinoSapiens, et ensemble, évitons l'extinction ! Si vous aimez cet épisode, n'hésitez pas à vous abonner sur Apple Podcasts et Spotify, n'oubliez pas d'activer la cloche pour ne rien rater des sorties, et n'hésitez pas non plus à laisser une revue et des étoiles à en parler autour de vous, ça m'aide à faire connaître DinoSapiens. Et tout de suite, votre nouvel épisode. Rien dans le parcours de Cécile Guinebeau ne l'a prédestinée à devenir coach systémique. Et pourtant tout y menait. En 2003, Alors qu'elle est encore consultante en accompagnement du changement, elle intervient pour la première fois dans un conflit entre deux managers. Par intuition, elle choisit d'observer les interactions plutôt que les individus. Le conflit se dénoue. Sans le savoir, elle vient d'inventer son métier, le coaching systémique. Autodidacte brillante, passée par l'école des petits boulots, après un parcours académique chaotique, Cécile découvre très tôt la stratégie à travers le jeu de Go. Ce jeu millénaire, fondé sur la vision globale et les interactions, façonne durablement sa manière de penser et deviendra la clé de sa lecture des organisations. Repérée par le cabinet Bossard dans les années 90, elle y découvre le monde du conseil en management. Complexée d'être la seule non-diplômée d'une grande école au milieu des X et des HEC, elles transforment cette différence en force. Le terrain devient son université. Pendant 20 ans, elle se forme sans relâche Leadership Sociologie des Organisations Pédagogie Communication PNL Analyse Transactionnelle MBTI et en 2020, elle obtient son Advanced Practitioner Diploma à l'Academy of Executive Coaching de Londres, reconnaissance officielle d'un savoir-faire déjà longuement mûri. En 2016, La découverte de l'approche systémique de l'Institut Gregory Bateson agit comme une révélation. Elle y retrouve la pensée du « go » interactionnelle, contextuelle, pragmatique, humaniste et paradoxale. Depuis, elle accompagne dirigeants et équipes à sortir des schémas normatifs, à se reconnecter à leurs ressources profondes, à retrouver leur liberté d'action. Coach empathique et confrontante à la fois, Cécile incarne un art du coaching fondé sur la lucidité, la déontologie et la co-construction. Elle croit à la puissance du collectif, à la sérénité et à l'idée qu'on ne rompt pas sa solitude avec un algorithme. Aujourd'hui, elle se définit comme une artisane de la transformation humaine qui aide les leaders à regarder leur système autrement pour mieux agir. En 2025, Cécile Guinebeau publie « Chers erreurs » Un livre passionnant qui explore notre rapport à l'échec et montre comment nos erreurs peuvent devenir des leviers puissants de transformation individuelle et collective aussi. C'est justement de cela dont nous parlons dans cet épisode de DinoSapiens. Comment accueillir, comprendre et valoriser l'erreur pour progresser en tant que dirigeant, en tant qu'équipe, en tant qu'organisation. Aujourd'hui, Cécile partage cette philosophie à travers son activité de coach, mais aussi lors de conférences en entreprise où elle invite les leaders à apprivoiser leurs erreurs pour en faire un moteur d'apprentissage et d'innovation. Une conversation à la fois éclairante, concrète et très humaine, comme toujours sur DinoSapiens, avec une femme qui a fait de la complexité un art de vivre. Bonjour Cécile Guinebeau.

  • Speaker #0

    Bonjour Mère Angère, merci d'avoir invité, ça me fait très plaisir.

  • Speaker #1

    Ravi de te recevoir. Tu as publié au mois de mars Un ouvrage que tu as écrit qui s'appelle « Chers erreurs » et tu es aujourd'hui pour nous en parler, mais parler plus… pratiquement de l'erreur, de qu'est-ce que ça veut dire de faire une erreur, pourquoi on a du mal à les reconnaître et comment on part de là finalement.

  • Speaker #0

    Oui, c'est un projet de très long terme et je ne m'imaginais pas rentrer dans un projet d'aussi long terme quand j'ai commencé à écrire ce livre. En fait, il y a deux ans, quand j'ai commencé mes études de superviseur, parce que je suis une vieille coach, ça fait 25 ans que je suis coach, et puis ça fait trois ans que je suis superviseur et j'ai décidé de faire assez rapidement. des études de superviseur pour faire un travail sérieux avec les coachs qui viennent me voir. Et donc au moment où j'ai commencé mes études de superviseur, une de mes profs m'a dit « Mais quel superviseur tu veux être ? » Et j'ai répondu « Je voudrais être la superviseure à qui on peut apporter son linge sale en sachant qu'on sera bien reçus. » Et je me suis très vite posé la question « Mais comment est-ce que je vais être crédible avec cette promesse ? » Et parce que j'avais vu... un dirigeant faire ça avec son équipe il y a une dizaine d'années. J'ai décidé de partager mes erreurs pour donner le droit à l'erreur, par l'exemple, à des coachs moins confirmés que moi. Typiquement, moi, ce que j'entendais, un des jeunes coachs que je recevais en supervision, c'était « maintenant que je suis sortie de l'école, je n'ai plus le droit à l'erreur » . Et ça, moi qui ai appris ce métier en autodidacte, je me disais « mais ce n'est pas possible, on apprend toutes ces erreurs » . Bien entendu, on apprend dans les livres, on apprend dans les formations, et je ne renie pas ça du tout. Il n'en reste pas moins que notre métier est un métier relationnel, dont l'essentiel, ça prend en situation, et donc ça prend par l'erreur. Et donc, je me suis dit, comment est-ce que je peux faire pour réconcilier des praticiens, des praticiennes plus jeunes que moi, avec ces erreurs qui sont leur plus belle école de formation ? C'est là que j'ai décidé de leur donner le droit à l'erreur, par exemple. et de partager les erreurs. Ça, ça a été des chroniques sur LinkedIn, puis un livre, et puis maintenant, effectivement, des conférences et des ateliers dans les entreprises.

  • Speaker #1

    Merci. Et donc, les erreurs, ce n'est pas seulement celles des coachs. Tu t'es rendu compte, en écrivant ce livre, que le rapport à l'erreur, eh bien, il existe chez chacun d'entre nous.

  • Speaker #0

    Absolument. Et ce rapport à l'erreur, il existe... Mon principal point de comparaison sur le thème du droit à l'erreur, ça a été mon exposition internationale. En travaillant beaucoup avec des anglo-saxons, je me suis rendu compte que le rapport à l'erreur des anglo-saxons, que ce soit anglais, irlandais, américain d'ailleurs, était beaucoup plus tolérant que le nôtre à l'erreur. Et je me suis rendu compte que, dans des environnements internationaux, faire une erreur ou apprendre de ses erreurs, reconnaître une erreur, était beaucoup plus facile, beaucoup plus décontractant. beaucoup plus curieux que chez nous, où faire une erreur reste quelque chose de très honteux. Et je me suis rendu compte à quel point la culture française est fondée sur la bonne réponse, ne pas faire de fautes, ne pas faire d'erreurs, ne pas être pris en flagrant délit d'avoir fait une erreur. Et je me suis vraiment rendu compte que nous avions un rapport complètement figé et très rigide, très intolérant à l'erreur. Et c'est vraiment quelque chose qui m'a frappée. Et je me suis rendu compte aussi que dans les entreprises, ce rapport à l'erreur était particulièrement glippé et honteux.

  • Speaker #1

    Ça me semble embêtant cet aspect, parce que le monde bouge beaucoup, il y a beaucoup de challenges. Est-ce qu'il existe un mode d'emploi pour avancer dans ce contexte extrêmement complexe ?

  • Speaker #0

    Ce dont je me rends compte, c'est que plus l'environnement est incertain, plus il est illusoire de faire des plans à 3 ans, à 5 ans, à 10 ans, parce que de toute façon... Les décisions qu'on prend aujourd'hui peuvent être invalidées la semaine prochaine, par une décision politique, par un conflit dans le monde, par une catastrophe climatique. Et donc, à mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent. Et donc ça, vraiment... Ça suppose d'être mis en échec, d'une certaine manière, par les circonstances, et d'être à l'aise pour changer de plan, pour changer de pied, pour s'adapter en temps réel.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'en France, c'est si difficile de prendre des risques dans ce contexte ?

  • Speaker #0

    Ce que je crois observer en France, et je ne suis pas la seule, c'est que les entreprises françaises et les dirigeants français sont particulièrement intolérants à l'erreur, et intolérants à la prise de risque. Et il y a vraiment une tendance. à rassembler le plus grand nombre de données, de tout calculer à l'avance, avant de prendre une décision. Or, passer du temps à calculer à l'avance une décision qui sera peut-être invalidée par les circonstances de la semaine prochaine, à quoi ça sert ? Il n'en reste pas moins que cette culture française qui est intolérante à l'erreur fige les décideurs, les équipes, dans des postures de « on ne veut surtout pas prendre de risques » , ce qui génère de l'immobilisme dans beaucoup de cas.

  • Speaker #1

    Alors avec ce que tu observes à travers tes coachings et tes supervisions, est-ce que c'est si grave de faire une erreur en entreprise en France aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est l'entreprise. qui me frappe le plus, c'est le regard de la société. Ce que j'observe, c'est qu'à l'école, quand on fait une erreur d'orthographe, on appelle ça une faute d'orthographe ou une faute de calcul. Et donc, il y a vraiment, très tôt dans notre éducation, une confusion entre erreur, qui est involontaire, et faute, qui est une transgression volontaire. Et donc là, il y a vraiment une sorte de discrédit moral qui est porté sur l'erreur et qui, dès notre scolarité, nous empêche ou en tout cas nous culpabilise de faire des erreurs alors que l'erreur est la condition même de l'apprentissage. Et donc, à l'école, on nous dit qu'une erreur est une faute. Et après ça, quand on rentre dans la vie professionnelle, et c'est vrai en entreprise, c'est vrai pour les entrepreneurs, Le fait... qui est quelque chose qui ne marche pas, le fait d'avoir un projet qui ne fonctionne pas ou un échec est considéré comme un discrédit social. C'est une infamie sociale. Aux États-Unis, on ne commence à vous faire confiance qu'à partir du moment où vous avez planté une entreprise, où vous avez planté une boîte. En France, si vous avez un échec, c'est l'infamie sociale et ce saut d'infamie est quasiment indélébile. Et donc, il y a d'excellentes raisons pour qu'en entreprise ou dans la vie professionnelle, qu'on soit salarié ou entrepreneur, ce soit extrêmement risqué socialement de faire des erreurs. Mais en fait, ce dont je me rends compte, c'est que ce ne sont pas les conditions matérielles ou les conséquences matérielles des erreurs qui sont les plus dommageables, ce sont les conséquences d'abord émotionnelles et sociales, parce que le jugement des autres est terriblement sain.

  • Speaker #1

    Et du coup, ça fige tout ? dans l'esprit d'initiative, l'esprit de progrès qu'on peut avoir au quotidien ?

  • Speaker #0

    C'est ce que nous reprochent les Américains. Les Américains, et de manière régulière depuis des générations, nous nous disons « mais comment ça se fait ? » Avec l'excellence de vos formations, vous aviez aussi peu de grands patrons dans les ruptures internationales. Et la raison, c'est précisément qu'en France, prendre le risque de se planter, c'est un risque social tellement grand que très peu de gens le prennent.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose avec le podcast. Comment passe-t-on de la posture où on est figé par la peur de faire une erreur à celle où on s'autorise à essayer, à innover, à y aller finalement ?

  • Speaker #0

    Alors ça, je trouve que ça dépend beaucoup des environnements parce que tous les environnements ne se valent pas. Quand on est dans un environnement qui est très intolérant à l'erreur, c'est important de se protéger. Et donc, je comprends tout à fait qu'avant de prendre... le risque de regarder ces erreurs avec curiosité, de les reconnaître, de les partager, on fasse très attention à ce qu'on risque dans son environnement social. Ça, c'est quelque chose d'important. Maintenant, à titre individuel, on peut tout à fait avoir un carnet d'erreurs dans lesquels on note ce qui ne s'est pas passé comme on voulait, qu'est-ce qu'on attendait, à quel moment on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. Et puis, finalement... Qu'est-ce qu'on peut faire différemment la prochaine fois ? Que ça se passe différemment ? Et d'une certaine manière, on peut tout à fait avoir, à titre individuel, une démarche de curiosité par rapport à ces erreurs. Maintenant, je crois que ce qui peut avoir un impact, c'est justement de passer de l'individuel au collectif. Et c'est ça qui n'est pas toujours facile. Parce qu'encore une fois, certains environnements vont être plus tolérants que d'autres. Je crois qu'une manière de passer de l'individuel au collectif, c'est... d'identifier une, deux, trois personnes en qui on a toute confiance. Et quand je dis on a toute confiance, c'est qu'on a confiance que ces personnes-là ne vont pas se moquer, ne vont pas utiliser contre moi les informations que je vais partager avec elles. Et avec ces deux ou trois personnes, commencer à partager, là tiens, il y a quelque chose qui ne s'est pas passé comme je voulais, ou j'ai fait une erreur, j'ai pris une mauvaise décision, j'aimerais bien qu'on en parle, est-ce que c'est possible ? et dans la discussion d'aller chercher des enseignements. et de faire ça en tournant, c'est-à-dire que je partage mes erreurs, tu partages les tiennes. Et au fond, dans cette discussion-là, dans un environnement sécurisé, on peut commencer à apprendre de ses erreurs et à apprendre des erreurs de l'autre.

  • Speaker #1

    Et donc en fait, il y a une première étape qui est de ne pas se juger trop sévèrement, quelque part d'accepter qu'on a fait une erreur et qu'on part de là. Et la deuxième, c'est d'emmener avec soi un petit collectif en qui on a confiance. pour dépasser petit à petit et s'améliorer en continu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Je crois que déjà, dans un premier temps, la grande difficulté individuelle, c'est de passer au-dessus de ces émotions négatives. Parce que l'erreur génère des sentiments de honte, de culpabilité, de colère contre soi, etc., qui sont extrêmement coûteuses. Et ça demande un effort de volonté pour se poser et se dire « Ok, il s'est passé ça, C'est très désagréable. Maintenant, qu'est-ce que cette erreur m'apprend et qu'est-ce que je peux faire différemment ? Et au fond, elle m'a coûté très cher émotionnellement. Éventuellement, elle me coûte cher matériellement ou d'un point de vue pratique. Maintenant, qu'est-ce qu'elle va me rapporter, cette fichue erreur ? Et qu'est-ce qu'elle va me rapporter ? C'est un véritable acte volontaire. Ça ne se fait pas tout seul. Il ne suffit pas de faire des erreurs pour en apprendre quelque chose. C'est un acte volontaire. Et après ça, le passage de l'individu à le collectif, c'est un acte de confiance.

  • Speaker #1

    Parce que c'est montrer ses vulnérabilités. Exactement. On entend beaucoup parler de la vulnérabilité du leader. D'ailleurs, tu as une très belle histoire à nous raconter, parce que ça a été exemplaire. Mais se montrer vulnérable, c'est quelque chose de difficile.

  • Speaker #0

    C'est très difficile, et c'est d'autant plus difficile dans une société de l'image. où la peur ultime, c'est la peur de rayer sa carrosserie. Et l'histoire à laquelle tu faisais référence à l'instant, c'est qu'il y a une dizaine d'années, je travaillais pour un laboratoire pharmaceutique où j'accompagnais un projet de transformation. Et un jour, je participais au comité de direction et le directeur général québécois, ça a son importance, arrive dans la salle, salue tout le monde et commence la réunion du comité de direction. par « écoutez, voilà, je viens de recevoir un coup de fil du ministère de la Santé, je me suis fait remonter les bretelles sévèrement parce que j'ai pris une très mauvaise décision concernant l'analyse sur le marché de tel médicament. Je m'excuse. Et je vais aller voir toutes les équipes concernées pour m'excuser personnellement. Parce que ça va demander du travail à plusieurs équipes de rattraper cette boulette. Donc je vais les voir pour m'excuser, mais je vais aussi les voir. » pour qu'elles me disent ce que je pourrais faire différemment la prochaine fois pour ne plus prendre ce type de mauvaise décision. Stupeur autour de la table. C'était la première fois que je voyais et que j'entendais un dirigeant français faire preuve d'autant d'humilité. Et c'était vraiment la première fois pour tout le coup dire aussi. Il y a eu un grand silence gêné autour de la table et pour avoir travaillé avec eux de manière très rapide. approché pendant ce moment-là, il y a eu un moment de stupeur et puis un moment de colère parce que c'était quand même vraiment une grosse, grosse connexion. Et quelques mois après, ce dont je me suis rendue compte, c'est que pratiquement tous les membres du CODIR avaient emboîté le pas à leur DG et commençaient à mettre en place des rituels d'apprentissage par l'erreur dans leurs propres équipes. Et puis à la fin de l'année, les résultats économiques étaient supérieurs aux prévisions. malgré cette grosse erreur, et les sondages d'engagement des salariés n'avaient jamais été mis. Et donc, vraiment, le résultat de cet épisode-là, c'était qu'au fond, l'erreur a été rattrapée sur le plan économique, mais surtout, les équipes n'avaient jamais été aussi engagées, parce que cet acte de vulnérabilité de leur dirigeant, en fait, n'avait pas diminué sa légitime cas lui, mais augmenté la leur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est un bel exemple. Ça montre que montrer sa vulnérabilité, accepter, ne pas être dans le déni de son erreur, l'accepter même publiquement, ça nous emmène sur des chemins qui sont peut-être surprenants, mais qui nous permettent de rebondir.

  • Speaker #0

    Absolument. Et par ailleurs, quelle image avons-nous des gens qui sont dans le déni de leurs erreurs ? On s'en va à nos dirigeants politiques ou à certains grands dirigeants dont on en parle. en parler, qui ont manifestement commis des erreurs et qui les mit farouchement.

  • Speaker #1

    Ça, c'est très dur. C'est très dur à entendre. Ça décrédibilise complètement le personnage.

  • Speaker #0

    Absolument. Donc la crédibilité, à mon avis, est beaucoup plus dans la reconnaissance de ses erreurs que dans le déni pour soi-disant protéger ses concourses.

  • Speaker #1

    Alors si tu avais devant toi un de ces hommes politiques qui est dans le déni, qui ne veut pas reconnaître ses erreurs, qu'est-ce que tu lui dirais ? Un homme politique ou un dirigeant, ce que tu as pu en connaître, mais l'homme politique ou la femme politique, c'est les gens qu'on voit tous les jours.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ma réponse spontanée... c'est que je ne cherche pas à faire le bien des gens malgré eux. Et quand j'ai en face de moi quelqu'un qui refuse obstinément de reconnaître ses torts, je ne perds pas mon temps à chercher à la convaincre du contraire. Cette personne-là n'est pas prête à entendre ce que j'ai à dire et n'est pas prête surtout à changer de posture. En revanche, il m'arrive de rencontrer des personnes qui... savent au fond d'elles-mêmes qu'elles devraient reconnaître leur tort, mais qu'ils n'y arrivent pas. Et ça, c'est complètement différent. Entre une personne qui est dans le déni, je ne vais pas chercher à la convaincre, et une personne qui sait confusément qu'il faudrait faire quelque chose mais qui ne sait pas comment, là, je commence par la rejoindre dans la difficulté qu'elle ressent à lâcher prise. Parce qu'en général, quand on s'accroche... à son bouclier, quand on s'accroche à son masque, quand on s'accroche à son déni, c'est qu'il y a une bonne raison, c'est qu'il y a quelque chose à protéger. Donc, rejoindre cette personne-là dans ce qu'il y a à protéger, c'est pour moi une première étape avant de les amener à évaluer par elle-même mais est-ce que votre protection actuelle est efficace ? Et très souvent, quand on passe en revue les moments ou les épisodes dans lesquels cette personne-là, justement, a nié l'erreur, ou ses réfugiés dans son bon droit, ou ses arguments d'autorité, etc. Dans beaucoup de cas, la personne finit par reconnaître elle-même qu'effectivement ces techniques-là de protection de sa réputation, de son professionnalisme, de son poste, etc. ne sont pas efficaces. Et à partir de ce moment-là, on peut commencer à explorer d'autres manières de faire et expérimenter d'autres manières de faire. Et moi, ce que je fais... À partir de là, c'est des expériences dans des environnements qui sont d'abord sécurisés, puis un peu moins, pour faire l'expérience de lâcher son masque, enlever son masque, prendre l'armure et commencer à montrer un peu de vulnérabilité devant un public qui va être tolérant et qui va être bienveillant. Et puis après ça, devant des publics qui le sont un peu moins. Et on s'arrête. là où la personne ne peut plus se permettre de... Parce qu'encore une fois, les enjeux de réputation sont terriblement importants. Et donc, on ne va pas tenir à la bataille. Oui,

  • Speaker #1

    le parallèle que je fais, c'est que moi, j'ai beaucoup travaillé à l'étranger également. Je me suis sentie effectivement beaucoup plus acceptée, y compris dans mes erreurs à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, comme tu le disais tout à l'heure. Et il y a aussi un enjeu où, quand on n'est pas de là, on a moins à perdre. Quand on n'est pas d'ici, on a moins à perdre. Donc à l'étranger, j'étais l'étrangère et donc j'étais sur un terrain où j'avais moins à perdre socialement que si j'avais été en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ça me rappelle quelque chose parce que j'ai fait mes études de coaching et de supervision en Angleterre et quand je suis arrivée, je me mettais beaucoup de pression pour parler un anglais impeccable. Jusqu'au jour où je me suis rendue compte dans une séance Merci. qui était observé par des pères et par des profs, que les imperfections de mon anglais, et donc les erreurs d'anglais que je faisais dans mon expression, provoquaient quelque chose qui était de l'ordre de la métaphore, ou faisaient réfléchir la personne que je coachais différemment de si j'avais posé ma question dans un anglais parfait. Et donc, je me suis emparée de ce truc-là, des imperfections de mon anglais. pour en faire mon propre style de coaching en anglais. Et ça, ça fait partie des raisons pour lesquelles j'ai utilisé mes erreurs comme outil d'apprentissage et comme élément de mon style professionnel.

  • Speaker #1

    L'imperfection amène à la perfection.

  • Speaker #0

    À la perfection, non, mais en tout cas à un style qui n'appartient qu'à moi.

  • Speaker #1

    Cécile, tu sais que je termine souvent les épisodes. de Dino Sapiens. Alors, il y a des personnes qui n'aiment pas donner des conseils, mais je pense que là, on en a tous vraiment besoin pour accepter nos erreurs. Quels seraient tes trois conseils à la communauté Dino Sapiens pour mieux gérer les transformations ? Prendre qu'il n'y a pas toujours un mode d'emploi sur comment avancer et en ça, mieux reconnaître ses erreurs, mieux s'appuyer sur ses erreurs pour avancer.

  • Speaker #0

    Le premier conseil que je donnerais, c'est en particulier justement quand on est dans des démarches de transformation, d'innovation, d'exploration d'un inconnu qui peut être très effrayant, c'est en tant que leader, en tant que chef de projet, en tant que responsable de toute ou partie du projet, de cadrer les choses en disant « je n'en sais pas plus que vous, on va apprendre ensemble » . Et ça, dans les entreprises françaises où les chefs, les responsables, ont beaucoup de pression pour avoir toutes les réponses, y compris à l'avance, c'est une véritable difficulté, et je le comprends tout à fait, et en même temps, c'est aussi une manière de gérer les attentes en face de soi, gérer les attentes de ces interlocuteurs en disant « écoutez, vous ne savez pas, je ne sais pas » . on va apprendre ensemble, on va tâtonner ensemble, on va faire des erreurs ensemble et on les corrigera ensemble. Et ça, c'est vraiment une manière de se positionner face à un inconnu qui peut faire peur à tout le monde et de ne pas donner à ses interlocuteurs des attentes démesurées de perfection immédiate. Le deuxième conseil que j'aimerais donner, c'est de ne pas punir les erreurs. Alors ça, dans notre éducation, on a été parfois punis. avec des lignes à faire, des bonnes édades et autres, pour avoir fait des erreurs, ça paraît insensé. Et en fait, cette histoire-là m'a marquée. Il y a une trentaine d'années, j'étais DRH dans la presse professionnelle, et il y avait une rédactrice en chef qui était une ancienne infirmière de l'Institut Curie. L'Institut Curie qui avait monté le premier service d'oncologie infantile, dans les années 70. Et cette femme avait été donc... infirmière dans ce service qui recevait des enfants cancéreux. À l'époque, les chances de survie de ces enfants étaient infimes. Un soir, épuisé par plusieurs nuits de garde d'affilée, mon amie, qui s'appelait Françoise, se trompe dans la posologie de la chimiothérapie d'un médecin. Un véritable drame. Bien sûr, pour la famille, mais la famille avait très peu d'attentes, par rapport à la survie de son médecin, mais pour elle, parce que c'était une erreur. absolument tragique. Le chef de service de Françoise, qui avait tous les droits de la renvoyer avec un blâme, etc., n'en a rien fait. À la place, il a eu le raisonnement suivant. Il s'est dit, si ma meilleure infirmière fait cette erreur, alors toutes les autres la font d'y fond. Et ce qu'il a fait, c'est qu'il a chargé Françoise de fiabiliser, de sécuriser le parcours de médicaments. depuis le fabricant jusqu'au lit des patients, de manière à diminuer, si ce n'est supprimer, mais au moins diminuer les risques d'erreur pour les malades. Alors quand elle m'a raconté cette histoire, c'était dix ans plus tard. Françoise était toujours traumatisée par cet épisode, mais elle avait aussi, elle portait aussi la fierté d'avoir contribué à sauver des milliers de vies en sécurisant ce parcours de médicaments et en contribuant à la professionnalisation. de cette discipline qui était embryonnaire à l'époque. J'en ai la chair de poule. Moi aussi. À chaque fois que je raconte cette histoire, j'ai la chair de poule aussi, mais c'est surtout que depuis ce moment-là, à chaque fois que j'ai la tentation d'avoir la dent dure contre quelqu'un qui a fait une erreur, et Dieu sait que je peux avoir la dent dure comme on me l'a appris à l'école, je me pose la question, est-ce que je n'ai pas plus intelligent à faire que de punir cette erreur ? Et quand je dis punir, ça peut être punir moi-même. ça peut être une à moi-même, ça peut être une à les autres. Et j'ai pratiquement toujours quelque chose de plus intelligent à faire que de me punir ou de punir les autres pour une raison. Et ce que j'ai de plus intelligent à faire, c'est... qu'est-ce que je peux faire différemment la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Un immense merci, Cécile. C'était vraiment une session extrêmement riche. Merci pour ta disponibilité.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Ça m'a fait très plaisir de venir avec toi. J'espère que cet épisode changera le regard des auditeurs et des auditrices sur leurs erreurs.

  • Speaker #1

    Cet épisode avec Cécile Guinebeau nous rappelle que nos erreurs ne sont pas des fautes à cacher, mais des enseignantes exigeantes. Celle qui nous révèle, nous affine et nous rend plus humain. Dans un monde en transformation permanente où l'incertitude est devenue la norme, savoir reconnaître ses erreurs, c'est retrouver une force de puissance tranquille, celle d'apprendre, de s'adapter, de rebondir. Comme le dit Cécile, apprendre de ses erreurs, c'est un acte volontaire, presque un acte de courage. Et quand un leader s'autorise à reconnaître une erreur, il ne perd pas en crédibilité, il en donne à son équipe. Alors peut-être que la transformation la plus durable, la plus profonde, c'est celle qui commence là, dans le droit à l'erreur, partagé, assumé, vécu collectivement. Merci à Cécile pour cette conversation et merci à vous, auditrices et auditeurs, d'avoir partagé ce moment avec nous. Si cet épisode vous a inspiré, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et surtout à regarder vos erreurs autrement, parce que c'est souvent en trébuchant qu'on avance vraiment. Et n'oubliez pas que Cécile propose des conférences justement sur le droit à l'erreur, sur les erreurs qui nous permettent d'apprendre. À très bientôt dans DinoSapiens pour continuer à explorer ces aventures humaines qui transforment nos organisations et peut-être notre regard sur nous-mêmes. Et d'ici là, évitons l'extinction !

Share

Embed

You may also like

Description

Episode 43 — Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage


Dans cet épisode de Dino Sapiens, je reçois Cécile Guinnebeault, autrice de Chères erreurs, pour parler de ce qui, souvent, nous fait grandir plus que la réussite : nos ratés.


On y parle de vulnérabilité, de confiance, et de cette capacité rare à transformer un échec en apprentissage collectif.


💬 Comment faire de nos erreurs un levier de transformation des organisations ?
🌱 En quoi le droit à l’erreur est-il une condition du leadership éthique ?
🤝 Et comment apprendre à regarder nos maladresses autrement — comme une manière d’évoluer ensemble ?


Cécile partage avec sincérité son parcours, sa vision du futur du travail et la manière dont les entreprises à mission peuvent réinventer leurs récits — en assumant leur humanité, leurs doutes et leurs apprentissages.


Une conversation inspirante sur la vulnérabilité comme force, la conduite du changement par le collectif et la beauté des aventures humaines qui se construisent… pas à pas.


N'hésitez pas à noter et laisser un commentaire sur Apple Podcast, à évaluer sur votre plateforme d'écoute. Cela m'aide à donner de la visibilité au podcast.


Faites-moi signe sur LinkedIn

et sur Instagram


Montage : Enora Leroy

En collaboration avec Anne Tilloy, Responsable Editoriale et Journaliste

Générique : Clean Success by Boomer.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Bienvenue sur DinoSapiens, le podcast qui explore la transformation des organisations sans bullshit ni jargon. Je suis Bérangère du Cimetière, et chaque épisode, je tends le micro à celles et ceux qui, à leur manière, font évoluer nos façons de travailler, de décider, de manager. Parce que transformer, ce n'est pas imposer, c'est comprendre, embarquer, expérimenter. Parce que, dans un monde qui change vite, c'est notre capacité à rester humain qui fera toute la différence. Alors embarquez avec moi sur DinoSapiens, et ensemble, évitons l'extinction ! Si vous aimez cet épisode, n'hésitez pas à vous abonner sur Apple Podcasts et Spotify, n'oubliez pas d'activer la cloche pour ne rien rater des sorties, et n'hésitez pas non plus à laisser une revue et des étoiles à en parler autour de vous, ça m'aide à faire connaître DinoSapiens. Et tout de suite, votre nouvel épisode. Rien dans le parcours de Cécile Guinebeau ne l'a prédestinée à devenir coach systémique. Et pourtant tout y menait. En 2003, Alors qu'elle est encore consultante en accompagnement du changement, elle intervient pour la première fois dans un conflit entre deux managers. Par intuition, elle choisit d'observer les interactions plutôt que les individus. Le conflit se dénoue. Sans le savoir, elle vient d'inventer son métier, le coaching systémique. Autodidacte brillante, passée par l'école des petits boulots, après un parcours académique chaotique, Cécile découvre très tôt la stratégie à travers le jeu de Go. Ce jeu millénaire, fondé sur la vision globale et les interactions, façonne durablement sa manière de penser et deviendra la clé de sa lecture des organisations. Repérée par le cabinet Bossard dans les années 90, elle y découvre le monde du conseil en management. Complexée d'être la seule non-diplômée d'une grande école au milieu des X et des HEC, elles transforment cette différence en force. Le terrain devient son université. Pendant 20 ans, elle se forme sans relâche Leadership Sociologie des Organisations Pédagogie Communication PNL Analyse Transactionnelle MBTI et en 2020, elle obtient son Advanced Practitioner Diploma à l'Academy of Executive Coaching de Londres, reconnaissance officielle d'un savoir-faire déjà longuement mûri. En 2016, La découverte de l'approche systémique de l'Institut Gregory Bateson agit comme une révélation. Elle y retrouve la pensée du « go » interactionnelle, contextuelle, pragmatique, humaniste et paradoxale. Depuis, elle accompagne dirigeants et équipes à sortir des schémas normatifs, à se reconnecter à leurs ressources profondes, à retrouver leur liberté d'action. Coach empathique et confrontante à la fois, Cécile incarne un art du coaching fondé sur la lucidité, la déontologie et la co-construction. Elle croit à la puissance du collectif, à la sérénité et à l'idée qu'on ne rompt pas sa solitude avec un algorithme. Aujourd'hui, elle se définit comme une artisane de la transformation humaine qui aide les leaders à regarder leur système autrement pour mieux agir. En 2025, Cécile Guinebeau publie « Chers erreurs » Un livre passionnant qui explore notre rapport à l'échec et montre comment nos erreurs peuvent devenir des leviers puissants de transformation individuelle et collective aussi. C'est justement de cela dont nous parlons dans cet épisode de DinoSapiens. Comment accueillir, comprendre et valoriser l'erreur pour progresser en tant que dirigeant, en tant qu'équipe, en tant qu'organisation. Aujourd'hui, Cécile partage cette philosophie à travers son activité de coach, mais aussi lors de conférences en entreprise où elle invite les leaders à apprivoiser leurs erreurs pour en faire un moteur d'apprentissage et d'innovation. Une conversation à la fois éclairante, concrète et très humaine, comme toujours sur DinoSapiens, avec une femme qui a fait de la complexité un art de vivre. Bonjour Cécile Guinebeau.

  • Speaker #0

    Bonjour Mère Angère, merci d'avoir invité, ça me fait très plaisir.

  • Speaker #1

    Ravi de te recevoir. Tu as publié au mois de mars Un ouvrage que tu as écrit qui s'appelle « Chers erreurs » et tu es aujourd'hui pour nous en parler, mais parler plus… pratiquement de l'erreur, de qu'est-ce que ça veut dire de faire une erreur, pourquoi on a du mal à les reconnaître et comment on part de là finalement.

  • Speaker #0

    Oui, c'est un projet de très long terme et je ne m'imaginais pas rentrer dans un projet d'aussi long terme quand j'ai commencé à écrire ce livre. En fait, il y a deux ans, quand j'ai commencé mes études de superviseur, parce que je suis une vieille coach, ça fait 25 ans que je suis coach, et puis ça fait trois ans que je suis superviseur et j'ai décidé de faire assez rapidement. des études de superviseur pour faire un travail sérieux avec les coachs qui viennent me voir. Et donc au moment où j'ai commencé mes études de superviseur, une de mes profs m'a dit « Mais quel superviseur tu veux être ? » Et j'ai répondu « Je voudrais être la superviseure à qui on peut apporter son linge sale en sachant qu'on sera bien reçus. » Et je me suis très vite posé la question « Mais comment est-ce que je vais être crédible avec cette promesse ? » Et parce que j'avais vu... un dirigeant faire ça avec son équipe il y a une dizaine d'années. J'ai décidé de partager mes erreurs pour donner le droit à l'erreur, par l'exemple, à des coachs moins confirmés que moi. Typiquement, moi, ce que j'entendais, un des jeunes coachs que je recevais en supervision, c'était « maintenant que je suis sortie de l'école, je n'ai plus le droit à l'erreur » . Et ça, moi qui ai appris ce métier en autodidacte, je me disais « mais ce n'est pas possible, on apprend toutes ces erreurs » . Bien entendu, on apprend dans les livres, on apprend dans les formations, et je ne renie pas ça du tout. Il n'en reste pas moins que notre métier est un métier relationnel, dont l'essentiel, ça prend en situation, et donc ça prend par l'erreur. Et donc, je me suis dit, comment est-ce que je peux faire pour réconcilier des praticiens, des praticiennes plus jeunes que moi, avec ces erreurs qui sont leur plus belle école de formation ? C'est là que j'ai décidé de leur donner le droit à l'erreur, par exemple. et de partager les erreurs. Ça, ça a été des chroniques sur LinkedIn, puis un livre, et puis maintenant, effectivement, des conférences et des ateliers dans les entreprises.

  • Speaker #1

    Merci. Et donc, les erreurs, ce n'est pas seulement celles des coachs. Tu t'es rendu compte, en écrivant ce livre, que le rapport à l'erreur, eh bien, il existe chez chacun d'entre nous.

  • Speaker #0

    Absolument. Et ce rapport à l'erreur, il existe... Mon principal point de comparaison sur le thème du droit à l'erreur, ça a été mon exposition internationale. En travaillant beaucoup avec des anglo-saxons, je me suis rendu compte que le rapport à l'erreur des anglo-saxons, que ce soit anglais, irlandais, américain d'ailleurs, était beaucoup plus tolérant que le nôtre à l'erreur. Et je me suis rendu compte que, dans des environnements internationaux, faire une erreur ou apprendre de ses erreurs, reconnaître une erreur, était beaucoup plus facile, beaucoup plus décontractant. beaucoup plus curieux que chez nous, où faire une erreur reste quelque chose de très honteux. Et je me suis rendu compte à quel point la culture française est fondée sur la bonne réponse, ne pas faire de fautes, ne pas faire d'erreurs, ne pas être pris en flagrant délit d'avoir fait une erreur. Et je me suis vraiment rendu compte que nous avions un rapport complètement figé et très rigide, très intolérant à l'erreur. Et c'est vraiment quelque chose qui m'a frappée. Et je me suis rendu compte aussi que dans les entreprises, ce rapport à l'erreur était particulièrement glippé et honteux.

  • Speaker #1

    Ça me semble embêtant cet aspect, parce que le monde bouge beaucoup, il y a beaucoup de challenges. Est-ce qu'il existe un mode d'emploi pour avancer dans ce contexte extrêmement complexe ?

  • Speaker #0

    Ce dont je me rends compte, c'est que plus l'environnement est incertain, plus il est illusoire de faire des plans à 3 ans, à 5 ans, à 10 ans, parce que de toute façon... Les décisions qu'on prend aujourd'hui peuvent être invalidées la semaine prochaine, par une décision politique, par un conflit dans le monde, par une catastrophe climatique. Et donc, à mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent. Et donc ça, vraiment... Ça suppose d'être mis en échec, d'une certaine manière, par les circonstances, et d'être à l'aise pour changer de plan, pour changer de pied, pour s'adapter en temps réel.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'en France, c'est si difficile de prendre des risques dans ce contexte ?

  • Speaker #0

    Ce que je crois observer en France, et je ne suis pas la seule, c'est que les entreprises françaises et les dirigeants français sont particulièrement intolérants à l'erreur, et intolérants à la prise de risque. Et il y a vraiment une tendance. à rassembler le plus grand nombre de données, de tout calculer à l'avance, avant de prendre une décision. Or, passer du temps à calculer à l'avance une décision qui sera peut-être invalidée par les circonstances de la semaine prochaine, à quoi ça sert ? Il n'en reste pas moins que cette culture française qui est intolérante à l'erreur fige les décideurs, les équipes, dans des postures de « on ne veut surtout pas prendre de risques » , ce qui génère de l'immobilisme dans beaucoup de cas.

  • Speaker #1

    Alors avec ce que tu observes à travers tes coachings et tes supervisions, est-ce que c'est si grave de faire une erreur en entreprise en France aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est l'entreprise. qui me frappe le plus, c'est le regard de la société. Ce que j'observe, c'est qu'à l'école, quand on fait une erreur d'orthographe, on appelle ça une faute d'orthographe ou une faute de calcul. Et donc, il y a vraiment, très tôt dans notre éducation, une confusion entre erreur, qui est involontaire, et faute, qui est une transgression volontaire. Et donc là, il y a vraiment une sorte de discrédit moral qui est porté sur l'erreur et qui, dès notre scolarité, nous empêche ou en tout cas nous culpabilise de faire des erreurs alors que l'erreur est la condition même de l'apprentissage. Et donc, à l'école, on nous dit qu'une erreur est une faute. Et après ça, quand on rentre dans la vie professionnelle, et c'est vrai en entreprise, c'est vrai pour les entrepreneurs, Le fait... qui est quelque chose qui ne marche pas, le fait d'avoir un projet qui ne fonctionne pas ou un échec est considéré comme un discrédit social. C'est une infamie sociale. Aux États-Unis, on ne commence à vous faire confiance qu'à partir du moment où vous avez planté une entreprise, où vous avez planté une boîte. En France, si vous avez un échec, c'est l'infamie sociale et ce saut d'infamie est quasiment indélébile. Et donc, il y a d'excellentes raisons pour qu'en entreprise ou dans la vie professionnelle, qu'on soit salarié ou entrepreneur, ce soit extrêmement risqué socialement de faire des erreurs. Mais en fait, ce dont je me rends compte, c'est que ce ne sont pas les conditions matérielles ou les conséquences matérielles des erreurs qui sont les plus dommageables, ce sont les conséquences d'abord émotionnelles et sociales, parce que le jugement des autres est terriblement sain.

  • Speaker #1

    Et du coup, ça fige tout ? dans l'esprit d'initiative, l'esprit de progrès qu'on peut avoir au quotidien ?

  • Speaker #0

    C'est ce que nous reprochent les Américains. Les Américains, et de manière régulière depuis des générations, nous nous disons « mais comment ça se fait ? » Avec l'excellence de vos formations, vous aviez aussi peu de grands patrons dans les ruptures internationales. Et la raison, c'est précisément qu'en France, prendre le risque de se planter, c'est un risque social tellement grand que très peu de gens le prennent.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose avec le podcast. Comment passe-t-on de la posture où on est figé par la peur de faire une erreur à celle où on s'autorise à essayer, à innover, à y aller finalement ?

  • Speaker #0

    Alors ça, je trouve que ça dépend beaucoup des environnements parce que tous les environnements ne se valent pas. Quand on est dans un environnement qui est très intolérant à l'erreur, c'est important de se protéger. Et donc, je comprends tout à fait qu'avant de prendre... le risque de regarder ces erreurs avec curiosité, de les reconnaître, de les partager, on fasse très attention à ce qu'on risque dans son environnement social. Ça, c'est quelque chose d'important. Maintenant, à titre individuel, on peut tout à fait avoir un carnet d'erreurs dans lesquels on note ce qui ne s'est pas passé comme on voulait, qu'est-ce qu'on attendait, à quel moment on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. Et puis, finalement... Qu'est-ce qu'on peut faire différemment la prochaine fois ? Que ça se passe différemment ? Et d'une certaine manière, on peut tout à fait avoir, à titre individuel, une démarche de curiosité par rapport à ces erreurs. Maintenant, je crois que ce qui peut avoir un impact, c'est justement de passer de l'individuel au collectif. Et c'est ça qui n'est pas toujours facile. Parce qu'encore une fois, certains environnements vont être plus tolérants que d'autres. Je crois qu'une manière de passer de l'individuel au collectif, c'est... d'identifier une, deux, trois personnes en qui on a toute confiance. Et quand je dis on a toute confiance, c'est qu'on a confiance que ces personnes-là ne vont pas se moquer, ne vont pas utiliser contre moi les informations que je vais partager avec elles. Et avec ces deux ou trois personnes, commencer à partager, là tiens, il y a quelque chose qui ne s'est pas passé comme je voulais, ou j'ai fait une erreur, j'ai pris une mauvaise décision, j'aimerais bien qu'on en parle, est-ce que c'est possible ? et dans la discussion d'aller chercher des enseignements. et de faire ça en tournant, c'est-à-dire que je partage mes erreurs, tu partages les tiennes. Et au fond, dans cette discussion-là, dans un environnement sécurisé, on peut commencer à apprendre de ses erreurs et à apprendre des erreurs de l'autre.

  • Speaker #1

    Et donc en fait, il y a une première étape qui est de ne pas se juger trop sévèrement, quelque part d'accepter qu'on a fait une erreur et qu'on part de là. Et la deuxième, c'est d'emmener avec soi un petit collectif en qui on a confiance. pour dépasser petit à petit et s'améliorer en continu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Je crois que déjà, dans un premier temps, la grande difficulté individuelle, c'est de passer au-dessus de ces émotions négatives. Parce que l'erreur génère des sentiments de honte, de culpabilité, de colère contre soi, etc., qui sont extrêmement coûteuses. Et ça demande un effort de volonté pour se poser et se dire « Ok, il s'est passé ça, C'est très désagréable. Maintenant, qu'est-ce que cette erreur m'apprend et qu'est-ce que je peux faire différemment ? Et au fond, elle m'a coûté très cher émotionnellement. Éventuellement, elle me coûte cher matériellement ou d'un point de vue pratique. Maintenant, qu'est-ce qu'elle va me rapporter, cette fichue erreur ? Et qu'est-ce qu'elle va me rapporter ? C'est un véritable acte volontaire. Ça ne se fait pas tout seul. Il ne suffit pas de faire des erreurs pour en apprendre quelque chose. C'est un acte volontaire. Et après ça, le passage de l'individu à le collectif, c'est un acte de confiance.

  • Speaker #1

    Parce que c'est montrer ses vulnérabilités. Exactement. On entend beaucoup parler de la vulnérabilité du leader. D'ailleurs, tu as une très belle histoire à nous raconter, parce que ça a été exemplaire. Mais se montrer vulnérable, c'est quelque chose de difficile.

  • Speaker #0

    C'est très difficile, et c'est d'autant plus difficile dans une société de l'image. où la peur ultime, c'est la peur de rayer sa carrosserie. Et l'histoire à laquelle tu faisais référence à l'instant, c'est qu'il y a une dizaine d'années, je travaillais pour un laboratoire pharmaceutique où j'accompagnais un projet de transformation. Et un jour, je participais au comité de direction et le directeur général québécois, ça a son importance, arrive dans la salle, salue tout le monde et commence la réunion du comité de direction. par « écoutez, voilà, je viens de recevoir un coup de fil du ministère de la Santé, je me suis fait remonter les bretelles sévèrement parce que j'ai pris une très mauvaise décision concernant l'analyse sur le marché de tel médicament. Je m'excuse. Et je vais aller voir toutes les équipes concernées pour m'excuser personnellement. Parce que ça va demander du travail à plusieurs équipes de rattraper cette boulette. Donc je vais les voir pour m'excuser, mais je vais aussi les voir. » pour qu'elles me disent ce que je pourrais faire différemment la prochaine fois pour ne plus prendre ce type de mauvaise décision. Stupeur autour de la table. C'était la première fois que je voyais et que j'entendais un dirigeant français faire preuve d'autant d'humilité. Et c'était vraiment la première fois pour tout le coup dire aussi. Il y a eu un grand silence gêné autour de la table et pour avoir travaillé avec eux de manière très rapide. approché pendant ce moment-là, il y a eu un moment de stupeur et puis un moment de colère parce que c'était quand même vraiment une grosse, grosse connexion. Et quelques mois après, ce dont je me suis rendue compte, c'est que pratiquement tous les membres du CODIR avaient emboîté le pas à leur DG et commençaient à mettre en place des rituels d'apprentissage par l'erreur dans leurs propres équipes. Et puis à la fin de l'année, les résultats économiques étaient supérieurs aux prévisions. malgré cette grosse erreur, et les sondages d'engagement des salariés n'avaient jamais été mis. Et donc, vraiment, le résultat de cet épisode-là, c'était qu'au fond, l'erreur a été rattrapée sur le plan économique, mais surtout, les équipes n'avaient jamais été aussi engagées, parce que cet acte de vulnérabilité de leur dirigeant, en fait, n'avait pas diminué sa légitime cas lui, mais augmenté la leur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est un bel exemple. Ça montre que montrer sa vulnérabilité, accepter, ne pas être dans le déni de son erreur, l'accepter même publiquement, ça nous emmène sur des chemins qui sont peut-être surprenants, mais qui nous permettent de rebondir.

  • Speaker #0

    Absolument. Et par ailleurs, quelle image avons-nous des gens qui sont dans le déni de leurs erreurs ? On s'en va à nos dirigeants politiques ou à certains grands dirigeants dont on en parle. en parler, qui ont manifestement commis des erreurs et qui les mit farouchement.

  • Speaker #1

    Ça, c'est très dur. C'est très dur à entendre. Ça décrédibilise complètement le personnage.

  • Speaker #0

    Absolument. Donc la crédibilité, à mon avis, est beaucoup plus dans la reconnaissance de ses erreurs que dans le déni pour soi-disant protéger ses concourses.

  • Speaker #1

    Alors si tu avais devant toi un de ces hommes politiques qui est dans le déni, qui ne veut pas reconnaître ses erreurs, qu'est-ce que tu lui dirais ? Un homme politique ou un dirigeant, ce que tu as pu en connaître, mais l'homme politique ou la femme politique, c'est les gens qu'on voit tous les jours.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ma réponse spontanée... c'est que je ne cherche pas à faire le bien des gens malgré eux. Et quand j'ai en face de moi quelqu'un qui refuse obstinément de reconnaître ses torts, je ne perds pas mon temps à chercher à la convaincre du contraire. Cette personne-là n'est pas prête à entendre ce que j'ai à dire et n'est pas prête surtout à changer de posture. En revanche, il m'arrive de rencontrer des personnes qui... savent au fond d'elles-mêmes qu'elles devraient reconnaître leur tort, mais qu'ils n'y arrivent pas. Et ça, c'est complètement différent. Entre une personne qui est dans le déni, je ne vais pas chercher à la convaincre, et une personne qui sait confusément qu'il faudrait faire quelque chose mais qui ne sait pas comment, là, je commence par la rejoindre dans la difficulté qu'elle ressent à lâcher prise. Parce qu'en général, quand on s'accroche... à son bouclier, quand on s'accroche à son masque, quand on s'accroche à son déni, c'est qu'il y a une bonne raison, c'est qu'il y a quelque chose à protéger. Donc, rejoindre cette personne-là dans ce qu'il y a à protéger, c'est pour moi une première étape avant de les amener à évaluer par elle-même mais est-ce que votre protection actuelle est efficace ? Et très souvent, quand on passe en revue les moments ou les épisodes dans lesquels cette personne-là, justement, a nié l'erreur, ou ses réfugiés dans son bon droit, ou ses arguments d'autorité, etc. Dans beaucoup de cas, la personne finit par reconnaître elle-même qu'effectivement ces techniques-là de protection de sa réputation, de son professionnalisme, de son poste, etc. ne sont pas efficaces. Et à partir de ce moment-là, on peut commencer à explorer d'autres manières de faire et expérimenter d'autres manières de faire. Et moi, ce que je fais... À partir de là, c'est des expériences dans des environnements qui sont d'abord sécurisés, puis un peu moins, pour faire l'expérience de lâcher son masque, enlever son masque, prendre l'armure et commencer à montrer un peu de vulnérabilité devant un public qui va être tolérant et qui va être bienveillant. Et puis après ça, devant des publics qui le sont un peu moins. Et on s'arrête. là où la personne ne peut plus se permettre de... Parce qu'encore une fois, les enjeux de réputation sont terriblement importants. Et donc, on ne va pas tenir à la bataille. Oui,

  • Speaker #1

    le parallèle que je fais, c'est que moi, j'ai beaucoup travaillé à l'étranger également. Je me suis sentie effectivement beaucoup plus acceptée, y compris dans mes erreurs à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, comme tu le disais tout à l'heure. Et il y a aussi un enjeu où, quand on n'est pas de là, on a moins à perdre. Quand on n'est pas d'ici, on a moins à perdre. Donc à l'étranger, j'étais l'étrangère et donc j'étais sur un terrain où j'avais moins à perdre socialement que si j'avais été en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ça me rappelle quelque chose parce que j'ai fait mes études de coaching et de supervision en Angleterre et quand je suis arrivée, je me mettais beaucoup de pression pour parler un anglais impeccable. Jusqu'au jour où je me suis rendue compte dans une séance Merci. qui était observé par des pères et par des profs, que les imperfections de mon anglais, et donc les erreurs d'anglais que je faisais dans mon expression, provoquaient quelque chose qui était de l'ordre de la métaphore, ou faisaient réfléchir la personne que je coachais différemment de si j'avais posé ma question dans un anglais parfait. Et donc, je me suis emparée de ce truc-là, des imperfections de mon anglais. pour en faire mon propre style de coaching en anglais. Et ça, ça fait partie des raisons pour lesquelles j'ai utilisé mes erreurs comme outil d'apprentissage et comme élément de mon style professionnel.

  • Speaker #1

    L'imperfection amène à la perfection.

  • Speaker #0

    À la perfection, non, mais en tout cas à un style qui n'appartient qu'à moi.

  • Speaker #1

    Cécile, tu sais que je termine souvent les épisodes. de Dino Sapiens. Alors, il y a des personnes qui n'aiment pas donner des conseils, mais je pense que là, on en a tous vraiment besoin pour accepter nos erreurs. Quels seraient tes trois conseils à la communauté Dino Sapiens pour mieux gérer les transformations ? Prendre qu'il n'y a pas toujours un mode d'emploi sur comment avancer et en ça, mieux reconnaître ses erreurs, mieux s'appuyer sur ses erreurs pour avancer.

  • Speaker #0

    Le premier conseil que je donnerais, c'est en particulier justement quand on est dans des démarches de transformation, d'innovation, d'exploration d'un inconnu qui peut être très effrayant, c'est en tant que leader, en tant que chef de projet, en tant que responsable de toute ou partie du projet, de cadrer les choses en disant « je n'en sais pas plus que vous, on va apprendre ensemble » . Et ça, dans les entreprises françaises où les chefs, les responsables, ont beaucoup de pression pour avoir toutes les réponses, y compris à l'avance, c'est une véritable difficulté, et je le comprends tout à fait, et en même temps, c'est aussi une manière de gérer les attentes en face de soi, gérer les attentes de ces interlocuteurs en disant « écoutez, vous ne savez pas, je ne sais pas » . on va apprendre ensemble, on va tâtonner ensemble, on va faire des erreurs ensemble et on les corrigera ensemble. Et ça, c'est vraiment une manière de se positionner face à un inconnu qui peut faire peur à tout le monde et de ne pas donner à ses interlocuteurs des attentes démesurées de perfection immédiate. Le deuxième conseil que j'aimerais donner, c'est de ne pas punir les erreurs. Alors ça, dans notre éducation, on a été parfois punis. avec des lignes à faire, des bonnes édades et autres, pour avoir fait des erreurs, ça paraît insensé. Et en fait, cette histoire-là m'a marquée. Il y a une trentaine d'années, j'étais DRH dans la presse professionnelle, et il y avait une rédactrice en chef qui était une ancienne infirmière de l'Institut Curie. L'Institut Curie qui avait monté le premier service d'oncologie infantile, dans les années 70. Et cette femme avait été donc... infirmière dans ce service qui recevait des enfants cancéreux. À l'époque, les chances de survie de ces enfants étaient infimes. Un soir, épuisé par plusieurs nuits de garde d'affilée, mon amie, qui s'appelait Françoise, se trompe dans la posologie de la chimiothérapie d'un médecin. Un véritable drame. Bien sûr, pour la famille, mais la famille avait très peu d'attentes, par rapport à la survie de son médecin, mais pour elle, parce que c'était une erreur. absolument tragique. Le chef de service de Françoise, qui avait tous les droits de la renvoyer avec un blâme, etc., n'en a rien fait. À la place, il a eu le raisonnement suivant. Il s'est dit, si ma meilleure infirmière fait cette erreur, alors toutes les autres la font d'y fond. Et ce qu'il a fait, c'est qu'il a chargé Françoise de fiabiliser, de sécuriser le parcours de médicaments. depuis le fabricant jusqu'au lit des patients, de manière à diminuer, si ce n'est supprimer, mais au moins diminuer les risques d'erreur pour les malades. Alors quand elle m'a raconté cette histoire, c'était dix ans plus tard. Françoise était toujours traumatisée par cet épisode, mais elle avait aussi, elle portait aussi la fierté d'avoir contribué à sauver des milliers de vies en sécurisant ce parcours de médicaments et en contribuant à la professionnalisation. de cette discipline qui était embryonnaire à l'époque. J'en ai la chair de poule. Moi aussi. À chaque fois que je raconte cette histoire, j'ai la chair de poule aussi, mais c'est surtout que depuis ce moment-là, à chaque fois que j'ai la tentation d'avoir la dent dure contre quelqu'un qui a fait une erreur, et Dieu sait que je peux avoir la dent dure comme on me l'a appris à l'école, je me pose la question, est-ce que je n'ai pas plus intelligent à faire que de punir cette erreur ? Et quand je dis punir, ça peut être punir moi-même. ça peut être une à moi-même, ça peut être une à les autres. Et j'ai pratiquement toujours quelque chose de plus intelligent à faire que de me punir ou de punir les autres pour une raison. Et ce que j'ai de plus intelligent à faire, c'est... qu'est-ce que je peux faire différemment la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Un immense merci, Cécile. C'était vraiment une session extrêmement riche. Merci pour ta disponibilité.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Ça m'a fait très plaisir de venir avec toi. J'espère que cet épisode changera le regard des auditeurs et des auditrices sur leurs erreurs.

  • Speaker #1

    Cet épisode avec Cécile Guinebeau nous rappelle que nos erreurs ne sont pas des fautes à cacher, mais des enseignantes exigeantes. Celle qui nous révèle, nous affine et nous rend plus humain. Dans un monde en transformation permanente où l'incertitude est devenue la norme, savoir reconnaître ses erreurs, c'est retrouver une force de puissance tranquille, celle d'apprendre, de s'adapter, de rebondir. Comme le dit Cécile, apprendre de ses erreurs, c'est un acte volontaire, presque un acte de courage. Et quand un leader s'autorise à reconnaître une erreur, il ne perd pas en crédibilité, il en donne à son équipe. Alors peut-être que la transformation la plus durable, la plus profonde, c'est celle qui commence là, dans le droit à l'erreur, partagé, assumé, vécu collectivement. Merci à Cécile pour cette conversation et merci à vous, auditrices et auditeurs, d'avoir partagé ce moment avec nous. Si cet épisode vous a inspiré, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et surtout à regarder vos erreurs autrement, parce que c'est souvent en trébuchant qu'on avance vraiment. Et n'oubliez pas que Cécile propose des conférences justement sur le droit à l'erreur, sur les erreurs qui nous permettent d'apprendre. À très bientôt dans DinoSapiens pour continuer à explorer ces aventures humaines qui transforment nos organisations et peut-être notre regard sur nous-mêmes. Et d'ici là, évitons l'extinction !

Description

Episode 43 — Cécile Guinnebault : Quand l'erreur devient apprentissage


Dans cet épisode de Dino Sapiens, je reçois Cécile Guinnebeault, autrice de Chères erreurs, pour parler de ce qui, souvent, nous fait grandir plus que la réussite : nos ratés.


On y parle de vulnérabilité, de confiance, et de cette capacité rare à transformer un échec en apprentissage collectif.


💬 Comment faire de nos erreurs un levier de transformation des organisations ?
🌱 En quoi le droit à l’erreur est-il une condition du leadership éthique ?
🤝 Et comment apprendre à regarder nos maladresses autrement — comme une manière d’évoluer ensemble ?


Cécile partage avec sincérité son parcours, sa vision du futur du travail et la manière dont les entreprises à mission peuvent réinventer leurs récits — en assumant leur humanité, leurs doutes et leurs apprentissages.


Une conversation inspirante sur la vulnérabilité comme force, la conduite du changement par le collectif et la beauté des aventures humaines qui se construisent… pas à pas.


N'hésitez pas à noter et laisser un commentaire sur Apple Podcast, à évaluer sur votre plateforme d'écoute. Cela m'aide à donner de la visibilité au podcast.


Faites-moi signe sur LinkedIn

et sur Instagram


Montage : Enora Leroy

En collaboration avec Anne Tilloy, Responsable Editoriale et Journaliste

Générique : Clean Success by Boomer.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Bienvenue sur DinoSapiens, le podcast qui explore la transformation des organisations sans bullshit ni jargon. Je suis Bérangère du Cimetière, et chaque épisode, je tends le micro à celles et ceux qui, à leur manière, font évoluer nos façons de travailler, de décider, de manager. Parce que transformer, ce n'est pas imposer, c'est comprendre, embarquer, expérimenter. Parce que, dans un monde qui change vite, c'est notre capacité à rester humain qui fera toute la différence. Alors embarquez avec moi sur DinoSapiens, et ensemble, évitons l'extinction ! Si vous aimez cet épisode, n'hésitez pas à vous abonner sur Apple Podcasts et Spotify, n'oubliez pas d'activer la cloche pour ne rien rater des sorties, et n'hésitez pas non plus à laisser une revue et des étoiles à en parler autour de vous, ça m'aide à faire connaître DinoSapiens. Et tout de suite, votre nouvel épisode. Rien dans le parcours de Cécile Guinebeau ne l'a prédestinée à devenir coach systémique. Et pourtant tout y menait. En 2003, Alors qu'elle est encore consultante en accompagnement du changement, elle intervient pour la première fois dans un conflit entre deux managers. Par intuition, elle choisit d'observer les interactions plutôt que les individus. Le conflit se dénoue. Sans le savoir, elle vient d'inventer son métier, le coaching systémique. Autodidacte brillante, passée par l'école des petits boulots, après un parcours académique chaotique, Cécile découvre très tôt la stratégie à travers le jeu de Go. Ce jeu millénaire, fondé sur la vision globale et les interactions, façonne durablement sa manière de penser et deviendra la clé de sa lecture des organisations. Repérée par le cabinet Bossard dans les années 90, elle y découvre le monde du conseil en management. Complexée d'être la seule non-diplômée d'une grande école au milieu des X et des HEC, elles transforment cette différence en force. Le terrain devient son université. Pendant 20 ans, elle se forme sans relâche Leadership Sociologie des Organisations Pédagogie Communication PNL Analyse Transactionnelle MBTI et en 2020, elle obtient son Advanced Practitioner Diploma à l'Academy of Executive Coaching de Londres, reconnaissance officielle d'un savoir-faire déjà longuement mûri. En 2016, La découverte de l'approche systémique de l'Institut Gregory Bateson agit comme une révélation. Elle y retrouve la pensée du « go » interactionnelle, contextuelle, pragmatique, humaniste et paradoxale. Depuis, elle accompagne dirigeants et équipes à sortir des schémas normatifs, à se reconnecter à leurs ressources profondes, à retrouver leur liberté d'action. Coach empathique et confrontante à la fois, Cécile incarne un art du coaching fondé sur la lucidité, la déontologie et la co-construction. Elle croit à la puissance du collectif, à la sérénité et à l'idée qu'on ne rompt pas sa solitude avec un algorithme. Aujourd'hui, elle se définit comme une artisane de la transformation humaine qui aide les leaders à regarder leur système autrement pour mieux agir. En 2025, Cécile Guinebeau publie « Chers erreurs » Un livre passionnant qui explore notre rapport à l'échec et montre comment nos erreurs peuvent devenir des leviers puissants de transformation individuelle et collective aussi. C'est justement de cela dont nous parlons dans cet épisode de DinoSapiens. Comment accueillir, comprendre et valoriser l'erreur pour progresser en tant que dirigeant, en tant qu'équipe, en tant qu'organisation. Aujourd'hui, Cécile partage cette philosophie à travers son activité de coach, mais aussi lors de conférences en entreprise où elle invite les leaders à apprivoiser leurs erreurs pour en faire un moteur d'apprentissage et d'innovation. Une conversation à la fois éclairante, concrète et très humaine, comme toujours sur DinoSapiens, avec une femme qui a fait de la complexité un art de vivre. Bonjour Cécile Guinebeau.

  • Speaker #0

    Bonjour Mère Angère, merci d'avoir invité, ça me fait très plaisir.

  • Speaker #1

    Ravi de te recevoir. Tu as publié au mois de mars Un ouvrage que tu as écrit qui s'appelle « Chers erreurs » et tu es aujourd'hui pour nous en parler, mais parler plus… pratiquement de l'erreur, de qu'est-ce que ça veut dire de faire une erreur, pourquoi on a du mal à les reconnaître et comment on part de là finalement.

  • Speaker #0

    Oui, c'est un projet de très long terme et je ne m'imaginais pas rentrer dans un projet d'aussi long terme quand j'ai commencé à écrire ce livre. En fait, il y a deux ans, quand j'ai commencé mes études de superviseur, parce que je suis une vieille coach, ça fait 25 ans que je suis coach, et puis ça fait trois ans que je suis superviseur et j'ai décidé de faire assez rapidement. des études de superviseur pour faire un travail sérieux avec les coachs qui viennent me voir. Et donc au moment où j'ai commencé mes études de superviseur, une de mes profs m'a dit « Mais quel superviseur tu veux être ? » Et j'ai répondu « Je voudrais être la superviseure à qui on peut apporter son linge sale en sachant qu'on sera bien reçus. » Et je me suis très vite posé la question « Mais comment est-ce que je vais être crédible avec cette promesse ? » Et parce que j'avais vu... un dirigeant faire ça avec son équipe il y a une dizaine d'années. J'ai décidé de partager mes erreurs pour donner le droit à l'erreur, par l'exemple, à des coachs moins confirmés que moi. Typiquement, moi, ce que j'entendais, un des jeunes coachs que je recevais en supervision, c'était « maintenant que je suis sortie de l'école, je n'ai plus le droit à l'erreur » . Et ça, moi qui ai appris ce métier en autodidacte, je me disais « mais ce n'est pas possible, on apprend toutes ces erreurs » . Bien entendu, on apprend dans les livres, on apprend dans les formations, et je ne renie pas ça du tout. Il n'en reste pas moins que notre métier est un métier relationnel, dont l'essentiel, ça prend en situation, et donc ça prend par l'erreur. Et donc, je me suis dit, comment est-ce que je peux faire pour réconcilier des praticiens, des praticiennes plus jeunes que moi, avec ces erreurs qui sont leur plus belle école de formation ? C'est là que j'ai décidé de leur donner le droit à l'erreur, par exemple. et de partager les erreurs. Ça, ça a été des chroniques sur LinkedIn, puis un livre, et puis maintenant, effectivement, des conférences et des ateliers dans les entreprises.

  • Speaker #1

    Merci. Et donc, les erreurs, ce n'est pas seulement celles des coachs. Tu t'es rendu compte, en écrivant ce livre, que le rapport à l'erreur, eh bien, il existe chez chacun d'entre nous.

  • Speaker #0

    Absolument. Et ce rapport à l'erreur, il existe... Mon principal point de comparaison sur le thème du droit à l'erreur, ça a été mon exposition internationale. En travaillant beaucoup avec des anglo-saxons, je me suis rendu compte que le rapport à l'erreur des anglo-saxons, que ce soit anglais, irlandais, américain d'ailleurs, était beaucoup plus tolérant que le nôtre à l'erreur. Et je me suis rendu compte que, dans des environnements internationaux, faire une erreur ou apprendre de ses erreurs, reconnaître une erreur, était beaucoup plus facile, beaucoup plus décontractant. beaucoup plus curieux que chez nous, où faire une erreur reste quelque chose de très honteux. Et je me suis rendu compte à quel point la culture française est fondée sur la bonne réponse, ne pas faire de fautes, ne pas faire d'erreurs, ne pas être pris en flagrant délit d'avoir fait une erreur. Et je me suis vraiment rendu compte que nous avions un rapport complètement figé et très rigide, très intolérant à l'erreur. Et c'est vraiment quelque chose qui m'a frappée. Et je me suis rendu compte aussi que dans les entreprises, ce rapport à l'erreur était particulièrement glippé et honteux.

  • Speaker #1

    Ça me semble embêtant cet aspect, parce que le monde bouge beaucoup, il y a beaucoup de challenges. Est-ce qu'il existe un mode d'emploi pour avancer dans ce contexte extrêmement complexe ?

  • Speaker #0

    Ce dont je me rends compte, c'est que plus l'environnement est incertain, plus il est illusoire de faire des plans à 3 ans, à 5 ans, à 10 ans, parce que de toute façon... Les décisions qu'on prend aujourd'hui peuvent être invalidées la semaine prochaine, par une décision politique, par un conflit dans le monde, par une catastrophe climatique. Et donc, à mon avis, le mode d'emploi pour faire face à l'incertitude, c'est précisément d'être capable de faire face à l'imprévu, de faire face à la remise en cause systématique et permanente de tout ce qu'on savait jusqu'à présent. Et donc ça, vraiment... Ça suppose d'être mis en échec, d'une certaine manière, par les circonstances, et d'être à l'aise pour changer de plan, pour changer de pied, pour s'adapter en temps réel.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'en France, c'est si difficile de prendre des risques dans ce contexte ?

  • Speaker #0

    Ce que je crois observer en France, et je ne suis pas la seule, c'est que les entreprises françaises et les dirigeants français sont particulièrement intolérants à l'erreur, et intolérants à la prise de risque. Et il y a vraiment une tendance. à rassembler le plus grand nombre de données, de tout calculer à l'avance, avant de prendre une décision. Or, passer du temps à calculer à l'avance une décision qui sera peut-être invalidée par les circonstances de la semaine prochaine, à quoi ça sert ? Il n'en reste pas moins que cette culture française qui est intolérante à l'erreur fige les décideurs, les équipes, dans des postures de « on ne veut surtout pas prendre de risques » , ce qui génère de l'immobilisme dans beaucoup de cas.

  • Speaker #1

    Alors avec ce que tu observes à travers tes coachings et tes supervisions, est-ce que c'est si grave de faire une erreur en entreprise en France aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est l'entreprise. qui me frappe le plus, c'est le regard de la société. Ce que j'observe, c'est qu'à l'école, quand on fait une erreur d'orthographe, on appelle ça une faute d'orthographe ou une faute de calcul. Et donc, il y a vraiment, très tôt dans notre éducation, une confusion entre erreur, qui est involontaire, et faute, qui est une transgression volontaire. Et donc là, il y a vraiment une sorte de discrédit moral qui est porté sur l'erreur et qui, dès notre scolarité, nous empêche ou en tout cas nous culpabilise de faire des erreurs alors que l'erreur est la condition même de l'apprentissage. Et donc, à l'école, on nous dit qu'une erreur est une faute. Et après ça, quand on rentre dans la vie professionnelle, et c'est vrai en entreprise, c'est vrai pour les entrepreneurs, Le fait... qui est quelque chose qui ne marche pas, le fait d'avoir un projet qui ne fonctionne pas ou un échec est considéré comme un discrédit social. C'est une infamie sociale. Aux États-Unis, on ne commence à vous faire confiance qu'à partir du moment où vous avez planté une entreprise, où vous avez planté une boîte. En France, si vous avez un échec, c'est l'infamie sociale et ce saut d'infamie est quasiment indélébile. Et donc, il y a d'excellentes raisons pour qu'en entreprise ou dans la vie professionnelle, qu'on soit salarié ou entrepreneur, ce soit extrêmement risqué socialement de faire des erreurs. Mais en fait, ce dont je me rends compte, c'est que ce ne sont pas les conditions matérielles ou les conséquences matérielles des erreurs qui sont les plus dommageables, ce sont les conséquences d'abord émotionnelles et sociales, parce que le jugement des autres est terriblement sain.

  • Speaker #1

    Et du coup, ça fige tout ? dans l'esprit d'initiative, l'esprit de progrès qu'on peut avoir au quotidien ?

  • Speaker #0

    C'est ce que nous reprochent les Américains. Les Américains, et de manière régulière depuis des générations, nous nous disons « mais comment ça se fait ? » Avec l'excellence de vos formations, vous aviez aussi peu de grands patrons dans les ruptures internationales. Et la raison, c'est précisément qu'en France, prendre le risque de se planter, c'est un risque social tellement grand que très peu de gens le prennent.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose avec le podcast. Comment passe-t-on de la posture où on est figé par la peur de faire une erreur à celle où on s'autorise à essayer, à innover, à y aller finalement ?

  • Speaker #0

    Alors ça, je trouve que ça dépend beaucoup des environnements parce que tous les environnements ne se valent pas. Quand on est dans un environnement qui est très intolérant à l'erreur, c'est important de se protéger. Et donc, je comprends tout à fait qu'avant de prendre... le risque de regarder ces erreurs avec curiosité, de les reconnaître, de les partager, on fasse très attention à ce qu'on risque dans son environnement social. Ça, c'est quelque chose d'important. Maintenant, à titre individuel, on peut tout à fait avoir un carnet d'erreurs dans lesquels on note ce qui ne s'est pas passé comme on voulait, qu'est-ce qu'on attendait, à quel moment on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. Et puis, finalement... Qu'est-ce qu'on peut faire différemment la prochaine fois ? Que ça se passe différemment ? Et d'une certaine manière, on peut tout à fait avoir, à titre individuel, une démarche de curiosité par rapport à ces erreurs. Maintenant, je crois que ce qui peut avoir un impact, c'est justement de passer de l'individuel au collectif. Et c'est ça qui n'est pas toujours facile. Parce qu'encore une fois, certains environnements vont être plus tolérants que d'autres. Je crois qu'une manière de passer de l'individuel au collectif, c'est... d'identifier une, deux, trois personnes en qui on a toute confiance. Et quand je dis on a toute confiance, c'est qu'on a confiance que ces personnes-là ne vont pas se moquer, ne vont pas utiliser contre moi les informations que je vais partager avec elles. Et avec ces deux ou trois personnes, commencer à partager, là tiens, il y a quelque chose qui ne s'est pas passé comme je voulais, ou j'ai fait une erreur, j'ai pris une mauvaise décision, j'aimerais bien qu'on en parle, est-ce que c'est possible ? et dans la discussion d'aller chercher des enseignements. et de faire ça en tournant, c'est-à-dire que je partage mes erreurs, tu partages les tiennes. Et au fond, dans cette discussion-là, dans un environnement sécurisé, on peut commencer à apprendre de ses erreurs et à apprendre des erreurs de l'autre.

  • Speaker #1

    Et donc en fait, il y a une première étape qui est de ne pas se juger trop sévèrement, quelque part d'accepter qu'on a fait une erreur et qu'on part de là. Et la deuxième, c'est d'emmener avec soi un petit collectif en qui on a confiance. pour dépasser petit à petit et s'améliorer en continu ?

  • Speaker #0

    Voilà. Je crois que déjà, dans un premier temps, la grande difficulté individuelle, c'est de passer au-dessus de ces émotions négatives. Parce que l'erreur génère des sentiments de honte, de culpabilité, de colère contre soi, etc., qui sont extrêmement coûteuses. Et ça demande un effort de volonté pour se poser et se dire « Ok, il s'est passé ça, C'est très désagréable. Maintenant, qu'est-ce que cette erreur m'apprend et qu'est-ce que je peux faire différemment ? Et au fond, elle m'a coûté très cher émotionnellement. Éventuellement, elle me coûte cher matériellement ou d'un point de vue pratique. Maintenant, qu'est-ce qu'elle va me rapporter, cette fichue erreur ? Et qu'est-ce qu'elle va me rapporter ? C'est un véritable acte volontaire. Ça ne se fait pas tout seul. Il ne suffit pas de faire des erreurs pour en apprendre quelque chose. C'est un acte volontaire. Et après ça, le passage de l'individu à le collectif, c'est un acte de confiance.

  • Speaker #1

    Parce que c'est montrer ses vulnérabilités. Exactement. On entend beaucoup parler de la vulnérabilité du leader. D'ailleurs, tu as une très belle histoire à nous raconter, parce que ça a été exemplaire. Mais se montrer vulnérable, c'est quelque chose de difficile.

  • Speaker #0

    C'est très difficile, et c'est d'autant plus difficile dans une société de l'image. où la peur ultime, c'est la peur de rayer sa carrosserie. Et l'histoire à laquelle tu faisais référence à l'instant, c'est qu'il y a une dizaine d'années, je travaillais pour un laboratoire pharmaceutique où j'accompagnais un projet de transformation. Et un jour, je participais au comité de direction et le directeur général québécois, ça a son importance, arrive dans la salle, salue tout le monde et commence la réunion du comité de direction. par « écoutez, voilà, je viens de recevoir un coup de fil du ministère de la Santé, je me suis fait remonter les bretelles sévèrement parce que j'ai pris une très mauvaise décision concernant l'analyse sur le marché de tel médicament. Je m'excuse. Et je vais aller voir toutes les équipes concernées pour m'excuser personnellement. Parce que ça va demander du travail à plusieurs équipes de rattraper cette boulette. Donc je vais les voir pour m'excuser, mais je vais aussi les voir. » pour qu'elles me disent ce que je pourrais faire différemment la prochaine fois pour ne plus prendre ce type de mauvaise décision. Stupeur autour de la table. C'était la première fois que je voyais et que j'entendais un dirigeant français faire preuve d'autant d'humilité. Et c'était vraiment la première fois pour tout le coup dire aussi. Il y a eu un grand silence gêné autour de la table et pour avoir travaillé avec eux de manière très rapide. approché pendant ce moment-là, il y a eu un moment de stupeur et puis un moment de colère parce que c'était quand même vraiment une grosse, grosse connexion. Et quelques mois après, ce dont je me suis rendue compte, c'est que pratiquement tous les membres du CODIR avaient emboîté le pas à leur DG et commençaient à mettre en place des rituels d'apprentissage par l'erreur dans leurs propres équipes. Et puis à la fin de l'année, les résultats économiques étaient supérieurs aux prévisions. malgré cette grosse erreur, et les sondages d'engagement des salariés n'avaient jamais été mis. Et donc, vraiment, le résultat de cet épisode-là, c'était qu'au fond, l'erreur a été rattrapée sur le plan économique, mais surtout, les équipes n'avaient jamais été aussi engagées, parce que cet acte de vulnérabilité de leur dirigeant, en fait, n'avait pas diminué sa légitime cas lui, mais augmenté la leur.

  • Speaker #1

    Merci, c'est un bel exemple. Ça montre que montrer sa vulnérabilité, accepter, ne pas être dans le déni de son erreur, l'accepter même publiquement, ça nous emmène sur des chemins qui sont peut-être surprenants, mais qui nous permettent de rebondir.

  • Speaker #0

    Absolument. Et par ailleurs, quelle image avons-nous des gens qui sont dans le déni de leurs erreurs ? On s'en va à nos dirigeants politiques ou à certains grands dirigeants dont on en parle. en parler, qui ont manifestement commis des erreurs et qui les mit farouchement.

  • Speaker #1

    Ça, c'est très dur. C'est très dur à entendre. Ça décrédibilise complètement le personnage.

  • Speaker #0

    Absolument. Donc la crédibilité, à mon avis, est beaucoup plus dans la reconnaissance de ses erreurs que dans le déni pour soi-disant protéger ses concourses.

  • Speaker #1

    Alors si tu avais devant toi un de ces hommes politiques qui est dans le déni, qui ne veut pas reconnaître ses erreurs, qu'est-ce que tu lui dirais ? Un homme politique ou un dirigeant, ce que tu as pu en connaître, mais l'homme politique ou la femme politique, c'est les gens qu'on voit tous les jours.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ma réponse spontanée... c'est que je ne cherche pas à faire le bien des gens malgré eux. Et quand j'ai en face de moi quelqu'un qui refuse obstinément de reconnaître ses torts, je ne perds pas mon temps à chercher à la convaincre du contraire. Cette personne-là n'est pas prête à entendre ce que j'ai à dire et n'est pas prête surtout à changer de posture. En revanche, il m'arrive de rencontrer des personnes qui... savent au fond d'elles-mêmes qu'elles devraient reconnaître leur tort, mais qu'ils n'y arrivent pas. Et ça, c'est complètement différent. Entre une personne qui est dans le déni, je ne vais pas chercher à la convaincre, et une personne qui sait confusément qu'il faudrait faire quelque chose mais qui ne sait pas comment, là, je commence par la rejoindre dans la difficulté qu'elle ressent à lâcher prise. Parce qu'en général, quand on s'accroche... à son bouclier, quand on s'accroche à son masque, quand on s'accroche à son déni, c'est qu'il y a une bonne raison, c'est qu'il y a quelque chose à protéger. Donc, rejoindre cette personne-là dans ce qu'il y a à protéger, c'est pour moi une première étape avant de les amener à évaluer par elle-même mais est-ce que votre protection actuelle est efficace ? Et très souvent, quand on passe en revue les moments ou les épisodes dans lesquels cette personne-là, justement, a nié l'erreur, ou ses réfugiés dans son bon droit, ou ses arguments d'autorité, etc. Dans beaucoup de cas, la personne finit par reconnaître elle-même qu'effectivement ces techniques-là de protection de sa réputation, de son professionnalisme, de son poste, etc. ne sont pas efficaces. Et à partir de ce moment-là, on peut commencer à explorer d'autres manières de faire et expérimenter d'autres manières de faire. Et moi, ce que je fais... À partir de là, c'est des expériences dans des environnements qui sont d'abord sécurisés, puis un peu moins, pour faire l'expérience de lâcher son masque, enlever son masque, prendre l'armure et commencer à montrer un peu de vulnérabilité devant un public qui va être tolérant et qui va être bienveillant. Et puis après ça, devant des publics qui le sont un peu moins. Et on s'arrête. là où la personne ne peut plus se permettre de... Parce qu'encore une fois, les enjeux de réputation sont terriblement importants. Et donc, on ne va pas tenir à la bataille. Oui,

  • Speaker #1

    le parallèle que je fais, c'est que moi, j'ai beaucoup travaillé à l'étranger également. Je me suis sentie effectivement beaucoup plus acceptée, y compris dans mes erreurs à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, comme tu le disais tout à l'heure. Et il y a aussi un enjeu où, quand on n'est pas de là, on a moins à perdre. Quand on n'est pas d'ici, on a moins à perdre. Donc à l'étranger, j'étais l'étrangère et donc j'étais sur un terrain où j'avais moins à perdre socialement que si j'avais été en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Alors ça me rappelle quelque chose parce que j'ai fait mes études de coaching et de supervision en Angleterre et quand je suis arrivée, je me mettais beaucoup de pression pour parler un anglais impeccable. Jusqu'au jour où je me suis rendue compte dans une séance Merci. qui était observé par des pères et par des profs, que les imperfections de mon anglais, et donc les erreurs d'anglais que je faisais dans mon expression, provoquaient quelque chose qui était de l'ordre de la métaphore, ou faisaient réfléchir la personne que je coachais différemment de si j'avais posé ma question dans un anglais parfait. Et donc, je me suis emparée de ce truc-là, des imperfections de mon anglais. pour en faire mon propre style de coaching en anglais. Et ça, ça fait partie des raisons pour lesquelles j'ai utilisé mes erreurs comme outil d'apprentissage et comme élément de mon style professionnel.

  • Speaker #1

    L'imperfection amène à la perfection.

  • Speaker #0

    À la perfection, non, mais en tout cas à un style qui n'appartient qu'à moi.

  • Speaker #1

    Cécile, tu sais que je termine souvent les épisodes. de Dino Sapiens. Alors, il y a des personnes qui n'aiment pas donner des conseils, mais je pense que là, on en a tous vraiment besoin pour accepter nos erreurs. Quels seraient tes trois conseils à la communauté Dino Sapiens pour mieux gérer les transformations ? Prendre qu'il n'y a pas toujours un mode d'emploi sur comment avancer et en ça, mieux reconnaître ses erreurs, mieux s'appuyer sur ses erreurs pour avancer.

  • Speaker #0

    Le premier conseil que je donnerais, c'est en particulier justement quand on est dans des démarches de transformation, d'innovation, d'exploration d'un inconnu qui peut être très effrayant, c'est en tant que leader, en tant que chef de projet, en tant que responsable de toute ou partie du projet, de cadrer les choses en disant « je n'en sais pas plus que vous, on va apprendre ensemble » . Et ça, dans les entreprises françaises où les chefs, les responsables, ont beaucoup de pression pour avoir toutes les réponses, y compris à l'avance, c'est une véritable difficulté, et je le comprends tout à fait, et en même temps, c'est aussi une manière de gérer les attentes en face de soi, gérer les attentes de ces interlocuteurs en disant « écoutez, vous ne savez pas, je ne sais pas » . on va apprendre ensemble, on va tâtonner ensemble, on va faire des erreurs ensemble et on les corrigera ensemble. Et ça, c'est vraiment une manière de se positionner face à un inconnu qui peut faire peur à tout le monde et de ne pas donner à ses interlocuteurs des attentes démesurées de perfection immédiate. Le deuxième conseil que j'aimerais donner, c'est de ne pas punir les erreurs. Alors ça, dans notre éducation, on a été parfois punis. avec des lignes à faire, des bonnes édades et autres, pour avoir fait des erreurs, ça paraît insensé. Et en fait, cette histoire-là m'a marquée. Il y a une trentaine d'années, j'étais DRH dans la presse professionnelle, et il y avait une rédactrice en chef qui était une ancienne infirmière de l'Institut Curie. L'Institut Curie qui avait monté le premier service d'oncologie infantile, dans les années 70. Et cette femme avait été donc... infirmière dans ce service qui recevait des enfants cancéreux. À l'époque, les chances de survie de ces enfants étaient infimes. Un soir, épuisé par plusieurs nuits de garde d'affilée, mon amie, qui s'appelait Françoise, se trompe dans la posologie de la chimiothérapie d'un médecin. Un véritable drame. Bien sûr, pour la famille, mais la famille avait très peu d'attentes, par rapport à la survie de son médecin, mais pour elle, parce que c'était une erreur. absolument tragique. Le chef de service de Françoise, qui avait tous les droits de la renvoyer avec un blâme, etc., n'en a rien fait. À la place, il a eu le raisonnement suivant. Il s'est dit, si ma meilleure infirmière fait cette erreur, alors toutes les autres la font d'y fond. Et ce qu'il a fait, c'est qu'il a chargé Françoise de fiabiliser, de sécuriser le parcours de médicaments. depuis le fabricant jusqu'au lit des patients, de manière à diminuer, si ce n'est supprimer, mais au moins diminuer les risques d'erreur pour les malades. Alors quand elle m'a raconté cette histoire, c'était dix ans plus tard. Françoise était toujours traumatisée par cet épisode, mais elle avait aussi, elle portait aussi la fierté d'avoir contribué à sauver des milliers de vies en sécurisant ce parcours de médicaments et en contribuant à la professionnalisation. de cette discipline qui était embryonnaire à l'époque. J'en ai la chair de poule. Moi aussi. À chaque fois que je raconte cette histoire, j'ai la chair de poule aussi, mais c'est surtout que depuis ce moment-là, à chaque fois que j'ai la tentation d'avoir la dent dure contre quelqu'un qui a fait une erreur, et Dieu sait que je peux avoir la dent dure comme on me l'a appris à l'école, je me pose la question, est-ce que je n'ai pas plus intelligent à faire que de punir cette erreur ? Et quand je dis punir, ça peut être punir moi-même. ça peut être une à moi-même, ça peut être une à les autres. Et j'ai pratiquement toujours quelque chose de plus intelligent à faire que de me punir ou de punir les autres pour une raison. Et ce que j'ai de plus intelligent à faire, c'est... qu'est-ce que je peux faire différemment la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Un immense merci, Cécile. C'était vraiment une session extrêmement riche. Merci pour ta disponibilité.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Ça m'a fait très plaisir de venir avec toi. J'espère que cet épisode changera le regard des auditeurs et des auditrices sur leurs erreurs.

  • Speaker #1

    Cet épisode avec Cécile Guinebeau nous rappelle que nos erreurs ne sont pas des fautes à cacher, mais des enseignantes exigeantes. Celle qui nous révèle, nous affine et nous rend plus humain. Dans un monde en transformation permanente où l'incertitude est devenue la norme, savoir reconnaître ses erreurs, c'est retrouver une force de puissance tranquille, celle d'apprendre, de s'adapter, de rebondir. Comme le dit Cécile, apprendre de ses erreurs, c'est un acte volontaire, presque un acte de courage. Et quand un leader s'autorise à reconnaître une erreur, il ne perd pas en crédibilité, il en donne à son équipe. Alors peut-être que la transformation la plus durable, la plus profonde, c'est celle qui commence là, dans le droit à l'erreur, partagé, assumé, vécu collectivement. Merci à Cécile pour cette conversation et merci à vous, auditrices et auditeurs, d'avoir partagé ce moment avec nous. Si cet épisode vous a inspiré, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et surtout à regarder vos erreurs autrement, parce que c'est souvent en trébuchant qu'on avance vraiment. Et n'oubliez pas que Cécile propose des conférences justement sur le droit à l'erreur, sur les erreurs qui nous permettent d'apprendre. À très bientôt dans DinoSapiens pour continuer à explorer ces aventures humaines qui transforment nos organisations et peut-être notre regard sur nous-mêmes. Et d'ici là, évitons l'extinction !

Share

Embed

You may also like