Speaker #0Bonjour et bienvenue dans ce tout nouvel épisode du podcast du grand art le podcast dédié aux petites histoires qui ont fait la grande ça y est c'est le printemps les jours allongent les températures remontent je crois bien que c'est ma saison préférée après des mois de grisaille les premières fleurs bourgeonnent les parfums reviennent et les oiseaux chantent un spectacle incroyable tout m'émerveille et je ne m'en lasse jamais Mais il faudrait peut-être que je me méfie. Car oui, trop de contemplation peut vous tuer. Vous voulez en savoir plus ? C'est l'histoire de notre anecdote du jour, le syndrome de Stendhal, où quand trop de beauté peut vous foudroyer. Stendhal, vous connaissez ? De son vrai nom, Henri Bale, Stendhal est un écrivain et chroniqueur français que l'on connaît notamment pour ses deux plus gros tubes. Le Rouge et le Noir, ainsi que La Chartreuse de Parme. Enfant, le jeune Henri est très rêveur et montre déjà une âme d'artiste. Malheureusement, le petit garçon perd sa mère très tôt et il se retrouve élevé par son père avec qui il ne tisse aucun lien. En grandissant, il se découvre une vocation pour la comédie et rêve d'ailleurs d'en écrire. Mais ses plans vont radicalement changer puisqu'il est envoyé à Milan pour la guerre en 1800. Il a alors tout juste 17 ans. En réalité, ce voyage qui n'avait rien pour l'enthousiasme va bouleverser son destin. Et pour cause. En découvrant Milan, Stendhal découvre tout un univers. Il découvre le talent unique qu'ont les Italiens de tout rendre beau, magnifique au sens littéral du terme. Il découvre l'opéra, l'architecture, la vie italienne et même l'amour. Bref. C'est la révélation qui va marquer sa vie. Suite à ce voyage, il reviendra d'ailleurs régulièrement en Italie tellement il est piqué. Et le coup de cœur, parlons-en justement. Vous l'avez compris, Stendhal aime les belles choses, aime les belles œuvres et ne pense qu'à ça. En Italie, il pense presque effleurer le bonheur du bout des doigts. Il invente d'ailleurs le bellisme. Inspiré de son propre nom de famille, il s'agit d'une attitude, une manière d'envisager la vie qui évoque celle des héros de Stendhal, énergiques et passionnés. Et la passion, c'est peut-être justement ce qui a tué Stendhal. Et oui, rendons-nous à Milan en 1811. Henri Stendhal vient tout juste de se faire friendzoner par Alexandrine, la femme de son cousin Pierre Daru. Il décide de se rendre à Milan pour se changer des idées. Il retrouve une ancienne petite amie, une certaine Angela Pietraglua, une chanteuse d'opéra, et il lui avoue qu'il l'a aimée par le passé. Angela n'est pas insensible à cette déclaration, et les deux anciens amants se retrouvent et passent de plus en plus de temps ensemble. Henri étant un grand romantique, il retombe évidemment amoureux. Et, fait rare chez ce grand timide, il arrive à prendre son courage à deux mains et à lui déclarer sa flamme. Angela l'embrasse, mais lui dit qu'elle ne veut pas aller plus loin. Oh écoute, mon beau ! On a repassé un moment ensemble, moi je t'aime bien, mais c'est fini entre nous maintenant. Henri plie bagage et décide de partir visiter Vitalik. La veille de son départ, retournement de situation. Angela et Henri deviennent officiellement amants. Heureux comme un coq en pâte, notre jeune écrivain inscrit la date et l'heure de l'officialisation sur ses bretelles. Il décide tout de même de prendre la route et se rend d'abord à Bologne, puis ensuite à Florence. Ah, la magnifique ville de Florence, capitale mondiale de l'art. Le cœur tout chamboulé par sa nouvelle relation, Tindale décide tout de même de profiter de la ville. Il se rend dans la basilique Santa Croce de Florence, mais tout à coup, quelque chose de bizarre se passe. Tranquillement assis sur un prie-dieu, Tindale lève les yeux au plafond, admire la peinture des cibiles du Volterrano, et là, son cœur commence à lâcher. Il se sent partir dans un délire. hallucinatoire et a presque l'impression de fusionner avec l'œuvre d'art elle-même. Il arrive tant bien que mal à s'extraire de la situation et se traîne en dehors de l'église. Son cœur n'arrive toujours pas à redescendre. Son premier réflexe ? Se munir d'un stylo et de son carnet et d'écrire ce qu'il vient de vivre. J'étais dans une sorte d'extase par l'idée d'être à Florence et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbée dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près. Je la touchais, pour ainsi dire J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. Il écrit ensuite un poème pour évacuer tout ça et reprend le cours de sa journée comme si de rien n'était. Sans le savoir, Stendhal vient d'être victime d'un trouble psychosomatique qui portera désormais son nom, le syndrome de Stendhal, également connu sous le nom de syndrome de Florence. Le syndrome de Stendhal, c'est le fait d'être exposé à une œuvre d'art si belle ou de voir une telle profusion d'œuvres d'art dans un court laps de temps que votre cœur et votre cerveau vous lâchent littéralement. Parmi les symptômes typiques du syndrome de Stendhal, on retrouve notamment une accélération du rythme cardiaque, des vertiges, des suffocations, voire des hallucinations. On pourrait penser que ce syndrome est rarissime et n'est affecté que Stendhal, qui était d'une hypersensibilité légendaire. Mais en réalité, le syndrome est relativement courant. Il faut attendre la fin des années 1980 pour que la psychiatre et psychanalyste Graziella Magherini décrivent le syndrome. Elle fait alors état de 106 cas similaires reçus en urgence à l'hôpital Santa Maria Nuova de la ville de Florence. C'est tout simplement une hallucination collective. L'affaire est d'ailleurs prise très au sérieux. Différentes études sont conduites pour tenter de comprendre pourquoi tout le monde tombe raide mort dans les églises de Florence. Allez, fort ! On doit venir en avoir un dans le temps, c'est pas complètement titré ! On dresse même des profils types qui semblent davantage sujets à cette affliction. Les touristes étrangers semblent être les premières victimes, mais également les personnes vivant seules, les personnes ayant une éducation classique, les personnes ayant eu une éducation religieuse, les personnes passionnées d'art, et ceux qui sont loin de chez eux. En revanche, sont totalement immunisés les groupes suivants, les touristes nationaux italiens, car ils sont habitués à une profusion de beauté dans leur quotidien, et les touristes en provenance d'Amérique du Nord et d'Asie, car il ne s'agit pas de leur culture. On note également que les crises ont le plus souvent lieu durant des visites artistiques et particulièrement dans les musées de la ville. Les réactions observées sont assez aléatoires. Ça va de la tentative de destruction de tableaux à des crises d'hystérie. Alors vous allez me demander, mais pourquoi tout le monde fond un plomb à Florence en particulier ? Si personne n'a de véritable réponse à cette question, on estime à ce jour que c'est parce que la ville concentre le plus grand nombre d'œuvres d'art de la Renaissance au monde. Ce sont des tableaux et des sculptures figuratives qui nous parlent à tous, en tout cas plus que l'art abstrait, qui lui demandent de connaître certains codes pour pouvoir être interprétés. C'est donc la ville qui concentrerait le plus de beauté à l'état pur. et de beauté accessible à tous. Résultat, la ville de Florence a pris les devants. Aujourd'hui, les gardiens de musées sont carrément formés à intervenir auprès des victimes du syndrome de Stendhal. Alors finalement, que retenir de cette anecdote ? Qu'il faut calmer ses ardeurs et devenir ascétique ? S'éloigner de toute forme de passion pour ne pas risquer la mort ? Mais est-ce que ce n'est pas ça l'essence même de la vie ? Je veux dire, à bien y réfléchir, s'exercer et admirer toujours plus fort ce qui nous entoure, c'est un sacré travail. Trouver du beau en toute chose, c'est une prise de risque inconsidérée. Les hypersensibles sont souvent perçus comme fragiles. Eh bien, laissez-moi vous dire que je suis convaincue du contraire. Il faut être sacrément accroché pour ressentir les émotions puissance 1000 et s'entêter à frôler le danger. Vous-même, chers auditeurs, si des anecdotes du grand art vous plaisent, c'est que vous êtes certainement plus fin et esthète que la plupart des gens. Sans vouloir vous flatter, bien sûr. En d'autres termes, vous êtes des aventuriers, des fous, des anarchistes. à qui rien ne fait peur. Et c'est très bien comme ça. Si vous voulez encore ressentir le grand frisson en vous frottant à l'art, n'hésitez pas à laisser un avis ou noter ce podcast et bien sûr le suivre pour ne manquer aucun prochain épisode. À la semaine prochaine sur Du Grand Art !