- Speaker #0
Bonjour Isabelle.
- Speaker #1
Bonjour Aurélie.
- Speaker #0
Je suis ravie de t'avoir aujourd'hui et de prendre ce moment avec toi. Et en première question, celle que je pose à tout le monde, c'est comment vas-tu, mais si je te parle d'écologie ?
- Speaker #1
Ok. Alors, comment je vais ? Je vais plutôt bien. C'est une question difficile. Ça peut nous permettre aussi d'entrer peut-être directement dans le sujet. Ce que j'aime bien dire, c'est que quand on est éco-anxié, on ne guérit vraiment jamais. Et donc, c'est une phase. Et là, je pense que je sors d'une phase de grosse éco-anxiété, mais je commence à remonter, ça commence à aller mieux. Mais c'est sûr qu'avec les événements, depuis cet été, je dois dire, ça devient un peu plus difficile. Pas mal de choses qu'on voit dans le monde qui n'ont pas vraiment dans la... dans la direction dans laquelle on souhaiterait que ça aille. C'est pas toujours facile. Donc, je pense que ça fait le lien avec l'écologie.
- Speaker #0
Oui, je suis plutôt d'accord avec toi. Les dernières nouvelles ne sont pas terribles. On va aller chercher le côté positif pour aller mieux.
- Speaker #1
Je dirais, à un niveau personnel, ça va. Au niveau de l'écologie, ça va moyen.
- Speaker #0
Et comment, toi, tu te présenterais sous le prisme de l'écologie ? Quel a été ton chemin ? Comment t'en es arrivée là où tu en es aujourd'hui ?
- Speaker #1
Oui, alors... À la base, j'ai une formation d'architecte. J'ai travaillé dans l'architecture pendant 15 ans. Et là, j'ai eu le privilège, étant belge, de travailler avec un architecte qui s'appelle Lux Ketten, qui est pour moi, je ne sais pas si je devrais tout expliquer, mais qui a un solar punk avant l'heure. Et le mouvement du solar punk, c'est vraiment un mouvement artistique qui travaille avec la nature, vraiment en harmonie avec le vivant. Et pendant deux ans, j'ai pu travailler avec lui. Et là, ça a été vraiment le premier port d'entrée, je vais dire, à tout ce qui est connexion à la nature. C'était passionnant. Et puis, la vie a fait que j'ai dû quitter ce bureau-là. Et des années plus tard, je me suis retrouvée expatriée à Doha, au Moyen-Orient, au Qatar, qui, après la Coupe du Monde, je pense qu'il ne faut plus trop introduire. Tout le monde sait à peu près ce qui s'y passe. Je suis aussi maman de quatre enfants. Donc là, j'avais déjà une conscience écologique, je savais, on mangeait bio, local, j'essayais de recycler tout ça, les petits gestes comme on dit. Mais arrivé à Doha, là je me suis vraiment pris une claque et c'est ce que je vais appeler ma plus grosse crise d'éco-anxiété où vraiment je me suis demandé, mon Dieu, dans quel monde vont grandir mes enfants, à quoi va ressembler le monde quand ils seront grands. Donc ça, c'était une première bifurcation en 2012. À partir de ce moment-là, je me suis vraiment mis en chemin en disant je veux faire ma part Ce qui me poussait vraiment, c'était le jour où mes enfants, pour me poser la question, tu savais, je ne voulais pas répondre et je n'ai rien fait, mais j'ai fait de mon mieux J'ai fait ce que j'ai pu, ce qui était à ma portée. Et puis, un autre grand tournant aussi, ça a été il y a quelques années, quand je pense que mon aîné devait avoir 16-17 ans, ma deuxième 15 ans. On avait une conversation à table et puis elles m'ont dit très froidement, tu sais, il y a quand même des chances que tu ne sois jamais grand-mère. Et là aussi, ça a été bouf, à un coup. C'est un peu vers ça qu'on se dirige en fait, avec toute une jeunesse qui se pose ce genre de questions, des questions que moi, je ne me suis jamais posées en fait. Et là, j'ai commencé vraiment à voir aussi cette différence de génération et de vécu, de me dire aussi que mes enfants ne vivent pas la même chose que moi. On avait quand même beaucoup plus d'insouciance à mon époque. Et donc ça, ça m'a vraiment touchée et puis mis à cœur. J'ai vraiment eu à cœur d'abord d'accompagner la jeunesse par rapport à ces questions-là, voir comment est-ce qu'on peut les accompagner du mieux qu'on peut. Donc ça, ça a été un peu mon chemin. Et aujourd'hui, je serai, j'aime bien appeler éco-facilitatrice, c'est-à-dire que vraiment j'essaie à mon échelle de faciliter cette reconnexion à la nature. Parce que je suis convaincue que beaucoup des crises que nous connaissons actuellement, elles viennent justement de cette séparation entre l'être humain et le reste de la nature. Aussi, on ne prend pas soin de ce qu'on ne connaît pas. Vivant en ville ou complètement déconnecté du vivant, pourquoi est-ce qu'on prendrait soin de l'environnement quand on ne sait pas ce que c'est ou on ne sait pas quel impact ça a sur notre vie ? Donc voilà, c'est tout ça que j'essaye d'accompagner.
- Speaker #0
Dans ton bouquin, les quantités des clés pour agir que j'ai lues et que j'ai vraiment adoré, parce que je les trouvais très doux, très bienveillants. Et c'était en plus quelque chose que je recherchais vraiment à travers les bouquins sur l'éco-anxiété. J'avais envie de quelque chose qui m'enflotte, qui me calme presque. Et j'ai eu aussi le psychothérapeute Pierre-Éric Jutter dans mon podcast. Et on avait discuté du fait que souvent, on décide de rentrer en action sur quelque chose qu'on connaît et qu'on fait déjà, et voir comment on peut le mettre au service de l'écologie. Et toi, tu étais architecte, et pourtant tu as complètement changé. Qu'est-ce qui a fait que tu n'as pas suivi le fait de continuer dans l'architecture ?
- Speaker #1
C'est une bonne question. Je pense que je faisais une architecture qui n'était pas du tout en lien avec mes valeurs. Je travaillais dans un bureau où... Il n'y avait vraiment aucun souci des matériaux utilisés. Et je ne trouvais vraiment plus ma place dans ce domaine-là. C'est aussi un domaine très masculin. Et du coup, ah oui, en fait, ça s'est fait graduellement aussi. Parce que quand je me suis retrouvée à Doha, j'ai travaillé dans l'architecture. Et là, ça a été l'horreur. Parce que j'ai vu ce qui s'y passe. J'ai tenu trois mois. Puis j'allais vraiment travailler avec une boule dans le ventre. C'était vraiment plus possible. Et du coup, j'ai été voir le proviseur du lycée des enfants en disant voilà mon CV, parce qu'avant, j'ai aussi travaillé dans une fondation d'habitat social. On créait du logement pour les plus précarisés. Donc, j'avais déjà commencé à me tourner vers quelque chose de plus social, plus en lien avec l'humain. Et donc, quand j'étais à Doha, j'ai été voir le proviseur dire, voilà ce que je faisais avant. Et ici, la seule chose qui est un peu sociale, entre guillemets, c'est l'éducation. Est-ce que vous n'avez pas quelque chose pour moi ? Il m'a dit, justement, on cherche un professeur d'art plastique. Donc, si vous voulez, le poste est pour vous. Et j'ai donné pendant un an des cours d'art plastique au collège et au lycée. Et j'ai vraiment adoré ça. Et ça, ça a été un premier pas vers l'éducation, en fait, et plus vers l'accompagnement des personnes. Et les jeunes m'ont vraiment déjà, à ce moment-là, beaucoup touchée. Et c'est pour ça que j'ai choisi alors de me tourner plus vers l'éducation et l'accompagnement.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui t'apporte les jeunes de différents en matière d'écologique, le reste de la population ?
- Speaker #1
Alors c'est une question difficile parce que je n'ai pas envie de mettre la responsabilité sur les jeunes ou de dire ah c'est vous qui nous donnez l'espoir parce que ça ce n'est pas juste non plus, ce n'est vraiment pas juste. J'ai lu une citation d'un monsieur qui s'appelle David Orr, qui m'a énormément touchée, qui m'a dit On est en train de faire des fois nos jeunes parce qu'on ne les prépare pas à ce qui va leur arriver. Et quand j'étais du côté de l'éducation, j'ai vu évidemment toutes les failles et qu'effectivement, il y avait pas mal de compétences dont nous allons avoir besoin qui ne sont pas enseignées. Et donc, c'est ça qui m'a touchée aussi. C'est comme maman de quatre enfants aussi, forcément, ça joue un rôle. De me dire, je veux les armer presque, ou les outiller en tout cas, pour ce qui risque d'arriver.
- Speaker #0
Et je suppose que tu apprends aussi beaucoup avec eux.
- Speaker #1
Oui, et puis...
- Speaker #0
En même temps que toi, tu leur apprends.
- Speaker #1
Tout à fait. Oui, je dis toujours, mes enfants sont mes maîtres, c'est eux qui m'apprennent le plus.
- Speaker #0
Et comment tu fonctionnes exactement avec eux ? Parce que moi, j'ai lu ton bouquin, il y a une histoire de boussole. avec les quatre directions de la boussole. Est-ce que tu pourrais l'expliquer un petit peu comment est cette boussole et ce qu'on va rechercher ?
- Speaker #1
Oui, avec plaisir. Alors, l'idée de la boussole, elle m'est venue justement puisque je travaille ce lien avec la nature. Je me suis dit que ce serait bien de vraiment proposer des pratiques qui sont en lien avec la nature. Et l'idée de la boussole et des quatre directions faisait sens. parce qu'on sait tous que le soleil se lève à l'est, donc on va commencer la journée, ou en tout cas on peut commencer à prendre soin de soi, j'ai envie de dire, avec cette direction de l'est. Et aussi, ce qui est important à dire, c'est qu'on ne peut pas prendre soin de nos émotions de but en blanc comme ça, sans avoir trouvé à l'intérieur de soi un endroit où on se sent en sécurité, avoir trouvé un refuge, ou au moins avoir développé nos propres ressources pour faire face à nos émotions. Parce que si on va direct plonger dans les émotions, Ça peut être assez difficile. Surtout, ça on le voit, je le vois pas mal dans les ateliers que je prépare, les personnes arrivent de plus en plus touchées, de plus en plus fragilisées par ce qui se passe. La situation, comme on l'a dit au début, elle ne s'améliore pas, donc les émotions deviennent de plus en plus lourdes à porter. Et c'est important de prendre le temps, donc ça c'est vraiment la direction de l'aise, de prendre le temps d'ancrer, de s'ancrer, de trouver un endroit où je peux aller me réfugier quand j'en ai besoin. Et ça peut être le corps, ou ça peut être un endroit en nature, ou même dans l'imaginaire, un endroit où je me sens en sécurité, où je sais que si mon émotion devient trop grande, je peux prendre soin de moi, aller me ressourcer. Donc ça, c'est vraiment la direction de l'Est. Et puis après, on va se tourner vers le Sud, on va vraiment suivre la course du soleil. Et le Sud, c'est là où on va travailler nos émotions. On va prendre soin des émotions écologiques difficiles. D'abord, on prend conscience, savoir qu'elles sont là, quel est leur message, qu'est-ce qu'elles me disent sur moi. En général, une émotion, elle nous pousse à l'action. Mais pour ça, il faut la comprendre. Et on prend conscience, et l'accepter, et l'accueillir, pas la repousser. Donc ça, c'est tout ce qu'on va faire au Sud pour ensuite passer dans l'imagination. Et ça, j'en ai fait aussi l'expérience moi-même. C'est très difficile. d'imaginer des solutions, on va dire positives, ou des solutions qui nous donnent envie d'agir, si on n'a pas pris soin de nos émotions. Si on est encore dans la colère, dans la tristesse, dans la peur, c'est très, très difficile de se connecter à son imaginaire. Donc c'est pour ça que c'est important que, si tu veux, l'imagination arrive en troisième partie avec cette direction de l'Ouest. Et puis ça va bien aussi à la direction de l'Ouest, parce que j'aime bien parler de cette heure bleue, tu sais, quand le soleil se couche. Cette heure entre chien et loup, c'est un peu mystérieux, c'est vraiment le domaine de l'imagination. Et donc c'est là où on va prendre le temps d'imaginer, faire tout le travail sur l'imaginaire qui est aussi hyper important, et qui je trouve est aussi, l'imagination est une grande oubliée de notre système d'éducation, tout ce qui est créatif, imaginaire. Et ça, dans la nature, c'est aussi super chouette, aller imaginer, on peut avoir une conversation avec un arbre, ou imaginer même aller dans la mythologie. le domaine des faits, enfin voilà, tout laisser ça et avec les enfants, ça marche super bien donc c'est aussi chouette. Et pour finir, on va aller dans la direction du nord où là, c'est vraiment alors le passage à l'action et là, j'aime bien rappeler, je pense que nous sommes vraiment invités à agir en collectif. L'être humain est un être profondément social et agir seul, c'est très très lourd et donc c'est important de se mettre en réseau aussi, de trouver des personnes qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes idées. Parce que ça, c'est un des plus gros problèmes, je pense. Mais on pourra peut-être y revenir aussi de ce qu'on appelle l'éco-anxiété, mais je trouve que ce terme est vraiment très, très mal choisi. Mais c'est un gros problème des éco-anxieuses, c'est l'isolement. C'est qu'ils ne se sentent pas compris ou comprises. Donc, c'est pour ça qu'on termine avec le Nord, avec vraiment cette idée de comment est-ce qu'on crée un réseau ? Est-ce que je rejoins un collectif ? Qu'est-ce qui se passe autour de moi ?
- Speaker #0
Et avec la petite fin où on suit... L'étoile du Nord, c'est ça ? C'est vrai qu'on la voit partout où on est dans le monde, on la voit et que ça peut être quelque chose qui nous rassure. On va retrouver ça très poétique.
- Speaker #1
Et qu'une fois qu'on sait comment la trouver, c'est très facile et ça a quelque chose de rassurant. J'aime bien lever le GIO, c'est-à-dire, elle est là, c'est bon, tout va bien.
- Speaker #0
Et donc, dans cette boussole, il y avait les deux premiers, je les connaissais beaucoup. Dans le sens, se retrouver soi, c'est quand même des choses où on en entend de plus en plus parler, même sans que ça soit lié forcément à l'éco-anxiété. Revenir à soi, se recentrer, l'ancrage, c'est des mots qui commencent à être de plus en plus présents. La partie émotions, on en parle aussi un petit peu plus en se rendant compte qu'on ne s'était complètement mis à part de ces émotions. Alors que la troisième partie sur l'imaginaire, même si j'en ai... entendu parler, mais dans le milieu de l'écologie parce qu'il y a des fresques, etc. Je trouve que c'est quand même quelque chose qui manque beaucoup, qu'on a dans l'enfance et qu'on perd totalement à l'âge adulte.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Comment toi, tu arrives à réamener les gens vers de l'imaginaire ?
- Speaker #1
On a quelques pratiques, mais le fait de présenter aussi le fait que l'être humain, il fait sens en racontant des histoires. Donc, il fait semblant, on a ça à l'intérieur de nous, le besoin de raconter des histoires. Et on ne le fait vraiment pas beaucoup. Ne plus que raconter sa journée. Oui, j'ai l'impression que même dans l'éducation, ça devient très vite. Dans le cours de français, il faut que ça ait un certain style. On ne nous invite pas à simplement partir dans l'imagination, commencer à raconter des histoires, même si ça ne fait pas sens, même si la grammaire n'est pas bonne, même si l'orthographe n'est pas bonne, même si la structure n'est pas bonne, mais simplement laisser libre cours à son imagination. C'est vrai qu'on ne le fait pas beaucoup. Alors que petit, comme tu l'as dit, on fait énormément de jeux de rôle. C'est quelque chose qu'on ne cultive pas. Et on le voit de plus en plus, comme tu l'as dit, surtout au niveau de l'écologie. Le gros problème de l'écologie, c'est le manque de récits, le manque d'histoire qui nous donne envie d'agir, finalement. Et ce qu'on voit émerger, et c'est pour ça aussi que ça m'a vraiment attiré, ce fait de développer l'imaginaire. Parce que quand je vois, par exemple, tout ce que lisent les jeunes adultes, c'est beaucoup de dystopie, en fait. C'est beaucoup d'histoires de fin du monde. mais il n'y a pas beaucoup de récits qui donnent envie d'agir. Et la recherche montre aussi que les dystopies ne donnent pas envie d'agir, puisque c'est la fin du monde, donc autant s'éclater, autant en profiter, tant que tout va bien. Les utopies non plus, parce que c'est inatteignable. Et donc, on se dit, de toute façon, on n'y arrivera pas. Donc, à quoi bon ? Parce que c'est trop… Et alors, il y a un troisième courant de récits qu'on appelle les protopies, où là, c'est plus, on va vers du mieux, mais tout n'est pas réglé. Et c'est vraiment cela qu'on est invité à partager, à créer. Et on a un vrai, vrai besoin de récits, surtout les jeunes, pour revenir aux jeunes, mais nous aussi, en fait. C'est vraiment ça qui nous donne l'envie de passer à l'action. Et qu'est-ce que j'allais dire d'autre ? Et aussi, surtout dans ce lien à la nature, en fait, c'est… La nature, elle ne parle pas avec des mots ou elle ne parle pas avec quelque chose qu'on peut comprendre. Et c'est les poètes et les métaphores et tous les artistes qui arrivent à mettre… Je ne sais pas si tu as déjà arrivé d'écouter une chanson et tu ressens une émotion ou tu vois ce lien. Ils arrivent à susciter quelque chose à l'intérieur de nous. Ce n'est pas facile de mettre en mots, mais ça va créer… parfois de l'émerveillement ou parfois cette tristesse qu'on peut ressentir par rapport à l'environnement. Donc on a vraiment besoin des artistes. Et on en revient comme ça au mouvement Solar Punk, qui est un des mouvements qui, ça nous parle aussi de toutes ces solutions low-tech, c'est un des mouvements qui nous dit qu'il y a des solutions, on peut aller vers quelque chose qui n'est pas forcément dans la sobriété ou dans le renoncement, ça peut être beau aussi en fait l'écologie.
- Speaker #0
Moi, c'est ce qui me manquait beaucoup quand j'ai eu ma crise d'éco-anxiété. C'est que je voyais beaucoup d'informations, de faits. Jean-Marc Jancovici, par exemple, qui est très factuel. Et en fait, moi, il m'angoissait. Je ne pouvais plus regarder du tout ses vidéos. Ce n'était plus possible. Et je cherchais, je cherchais. Donc, il y a des récits qui pouvaient me donner envie et je n'en trouvais pas. Et donc, c'est pour ça que j'ai créé le podcast. pour aller trouver des personnes qui me racontent leur histoire. Donc déjà, moi, ça me fait du bien à chaque fois que je raconte une personne. Et j'espère que les gens, quand ils écoutent, ça leur fait aussi du bien. C'est vraiment aller chercher ça. Mais sur le moment, je ne mettais pas de mots dessus. Je n'avais pas compris. Et pour aider mon imaginaire.
- Speaker #1
Oui, mais on a profondément besoin de ça. Et si on va un peu en arrière, en fait, il y a un moment où, en tant que société, Nous avons fait ce choix d'aller vers une science très rationnelle. Et on a complètement laissé tomber tout ce qui était l'émerveillement par rapport à la nature et l'imaginaire. En fait, c'est une relation qui se passe à un autre niveau. Et ça, petit à petit, c'est en train de revenir, de remettre. Et je pense que l'écologie, on a énormément besoin. C'est Mohamed Taleb qui dit que le monde n'est pas désenchanté, mais nous avons besoin de réenchanter notre relation au monde. Et je pense que ça, c'est un premier bon besoin qu'on a. surtout si on doit passer à l'action. Parce que ça, c'est aussi de plus en plus prouvé que la colère un petit peu, mais la peur n'est vraiment pas un bon moteur pour passer à l'action, parce qu'on s'en vise. Et moi, je crois qu'avec la colère aussi, c'est très difficile. C'est assez épuisant, en fait. Et donc, on a besoin d'agir parce que le monde est beau.
- Speaker #0
Oui. Moi, c'est dans mes émotions qui... qui arrive en premier, c'est la colère, beaucoup. Et oui, la colère fatigue. Parce que d'être en colère après tout le monde, ce n'est pas super agréable. Et même si maintenant, j'ai appris à la reconnaître et à savoir que si elle est là, c'est qu'il y a quelque chose qui ne me va pas et qu'elle me donne un message. Après, c'est quand même agréable de passer à l'étape d'après. La colère m'a dit quelque chose et maintenant, j'en fais une action pour aller mieux.
- Speaker #1
Voilà. Moi aussi, j'avais beaucoup de colère. Et alors... En plus de mon temps, ça fait un peu vieux, mais je suis quand même dans l'éducation à la culture. Les femmes n'ont pas trop le droit de se mettre en colère. Donc ça, c'est encore plus difficile parce que c'est une colère refoulée. Du coup, quand ça sort, c'est explosif parce que c'est juste trop.
- Speaker #0
Et ça écrase tout le monde qui sort du passage.
- Speaker #1
C'est assez dévastateur en fait, mais pour soi aussi.
- Speaker #0
Oui. Et dans l'action, tu expliques aussi qu'on ne doit pas aller vers quelque chose qui nous fait mal, mais quelque chose qui nous fait du bien. Et même si c'est facile, autant y aller. Donc, c'est aussi faire un changement de ce qu'on peut entendre dans la société où il faut que tu travailles dur, presque il faut que tu te fasses mal. Et c'est comme ça que tu peux être fière de toi. Là, toi, tu dis tout l'inverse. Oui. Est-ce que c'est... quelque chose, quand on parle aux plus jeunes, parce que t'es surtout avec des plus jeunes, est-ce que c'est quelque chose qui résonne ou c'est quelque chose au départ qu'ils ont du mal à comprendre parce que c'est pas forcément ce qu'on leur a toujours...
- Speaker #1
Je pense que ça commence à résonner de plus en plus, parce qu'on le voit de plus en plus. Mais ce n'est pas tellement que ça… Parce qu'on pourrait parfois dire que c'est un peu à l'éloge de la paresse, mais ce n'est pas ça du tout. Ce n'est pas parce que c'est facile que c'est de la paresse. Mais je pense qu'on peut agir plus sur le long terme quand on trouve une action qui nous… passionne ou qui nous fait vibrer et qui nous ressource en fait. Et si je fais quelque chose qui ne m'habite pas ou qui est difficile pour moi, je ne vais pas pouvoir durer. Ça, c'est évident. Si c'est contraignant, je vais peut-être le faire pendant deux, trois mois et puis après, je vais arrêter. Si ce n'est pas pour des bonnes raisons ou si ce n'est pas aligné à mes valeurs. Par contre, quelque chose qui me ressource et qui me fait vibrer, ça va me permettre de durer. Dans ce sens-là, c'est qu'est-ce que je vais trouver moi qui vraiment, j'aime bien... utiliser le terme, fait chanter mon cœur, qui m'habite, qui me passionne, qui me ressource, qui me fait vibrer, et qui fait du bien à la planète, et qui est au service de la communauté. Ça, c'est quelque chose qu'on a, il y a pas mal de personnes qui ont écrit là-dessus aussi, qu'on a perdu un peu en lien avec, tu sais, avant, on avait ces traditions de rite initiatique. Et là, c'est vraiment quand le jeune partait, il allait trouver son sens, mais il allait aussi trouver qu'est-ce qui lui l'habitait, donc quelle était son action unique qu'il pouvait faire, mais au service de la communauté. Donc j'aime bien toujours expliquer qu'on doit développer notre égo, parce qu'il y a eu pas mal de textes aussi sur il faut tuer l'égo, l'égo c'est pas bien, en fait c'est pas vrai, un égo sain c'est très bien, le problème c'est qu'il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas un égo très très sain. Et l'idée c'est-à-dire Quand on est dans l'adolescence, je ne sais pas si tu vois les ados, c'est très centré sur soi, mais c'est tout à fait normal à l'adolescence, c'est ce passage obligé. On doit développer notre égo, on doit développer une identité, c'est important. Ça le devient beaucoup moins quand tu as 40-45 ans et que tu es toujours au service de ton égo et de ton individualité. Parce que là, normalement, on devrait faire ce passage de se dire ok, j'ai un égo, mais je le mets au service de quelque chose de plus grand que moi au service de l'environnement ou au service de ma communauté. Donc, qu'est-ce que moi, je peux faire ? Qu'est-ce qui m'identifie ? Mais comment est-ce que je le mets au service d'eux ? En fait, c'est le mettre au service d'eux qu'on a un peu oublié. Mais du coup, on a un système éducatif qui ne nous aide pas d'abord à trouver notre identité ou ce qu'on fait qui nous différencie finalement parce que ça, c'est ce qu'il y a de merveilleux. En fait, moi, je trouve chez l'être humain, c'est qu'on est tous et toutes différentes. Je donne souvent l'exemple que moi, je suis passionnée par les arbres et les forêts. C'est vraiment là où je me ressource. Par contre, l'océan, ça ne me parle pas des masses. Mais heureusement, il y a plein de gens qui sont passionnés par l'océan et qui vont protéger l'océan. Et ça, pour moi, ça a eu… Enfin, quand j'ai eu cette réflexion-là, ça m'a vraiment, je veux dire, apaisée. Parce que je me suis dit, finalement, les crises, elles sont tellement complexes, tellement énormes. Moi, je ne peux pas être partout. Ce n'est pas possible. C'est juste trop. si je dois commencer à faire attention à tout. Par contre, j'ai confiance. Moi, je vais faire ce que moi, je sais faire ou je peux faire à mon échelle du mieux que je peux. Et j'ai confiance que d'autres vont s'occuper des autres problèmes. Donc forcément, le plastique dans l'océan et tout ce qui se passe dans les océans, ça me touche. Mais comme ça ne me passionne pas, ce n'est pas là que je vais aller mettre mon énergie. Par exemple, tout ce qui est la cause féministe aussi, ça me parle, ça me touche. Mais je ne vais pas aller mettre mon énergie là parce que ça ne me passionne pas. Et j'ai des amis qui font ça extrêmement bien et beaucoup mieux que moi. Rendre moi tout ce qui est peint de forêt ou thérapie par les arbres, tout ça, c'est ça qui me passionne et c'est ça que j'ai à cœur de partager. Et si chacun, chacune fait sa part, collectivement, on va y arriver.
- Speaker #0
Et en plus, il fait sa part, mais dans quelque chose qu'il aime. Oui. Donc forcément, il ne sera pas fatigué, il donnera envie aux autres. Et donc, en fait, on rentre dans un cercle vertueux et pas vicieux. Voilà,
- Speaker #1
tout à fait, tout à fait. Et une des choses, je pense que les plus importantes que nous avons à faire, c'est justement d'accompagner les personnes à trouver ça, parce que beaucoup de personnes ne savent pas du tout. Et c'est vrai que quand tu vois, c'est tellement complexe, il y a tellement à faire, c'est difficile de trouver qu'est-ce qui moi me passionne.
- Speaker #0
Et puis, ça me fait penser à une des choses dont tu parlais dans ton livre, mais alors plutôt dans le sens inverse, c'est-à-dire qu'il y a une... petite conséquence, enfin une petite chose qui est venue détruire plein d'autres choses sans qu'on s'en rende compte c'est genre l'effet papillon ou le chat de Borneo et sur l'effet papillon je le connaissais et le chat Borneo je le connaissais pas du tout donc je te laisse l'expliquer et après je poserai ma question derrière, enfin par rapport à ça
- Speaker #1
Alors, le chat de Borneo, c'est pour montrer à quel point toutes les crises sont interdépendantes et tout est connecté et qu'on oublie ça. Nous sommes arrivés, je pense, au bout du bout d'une société qui est très très fort dans la fragmentation et qui est faite d'experts. Mais on n'a plus de vrais généralistes et on peut le voir dans la médecine par exemple. Il faut aller chez chaque expert, mais on ne trouve plus quelqu'un qui regarde ton corps. dans l'entièreté, et comment on peut être interconnecté, et quelles sont les conséquences d'une chose sur les autres. On est vraiment devenu une société hyper spécialisée, et hyper fragmentée. Et donc, les Ausha de Borneo, c'était Borneo qui fait face à une crise de malaria, et il appelle l'Organisme Mondial de la Santé en disant, Mais voilà, qu'est-ce qu'on peut faire ? Et on pulvérise du DDT, donc d'insecticides, pour tuer les moustiques. Forcément, on se dit, les moustiques propagent la malaria, donc si on tue les moustiques, il n'y aura plus de malaria. Seulement, ça a eu plein d'autres conséquences. Ça a tué d'autres insectes. Et ça a fait toute une chaîne de réactions qui, in fine, je pense qu'ils ont eu une infestation de rats qui ont commencé aussi à manger les toits. Et du coup, là, ils ont nouveau appelé l'Organisme mondial de la santé en disant, ben voilà, il y a eu une réaction en chaîne qui a fait qu'on a un nouveau problème. Et ça, je ne sais plus en quelle année c'était. Je pense dans les années 70-80. Et du coup... La seule solution que l'OMS a trouvée, c'était de parachuter des Ausha.
- Speaker #0
Et en fait, ça, je trouvais ça fou. Là, c'est d'une manière où on a fait quelque chose et derrière, il y a eu des conséquences négatives. Et donc, on a dû trouver une solution. Mais si on repart par rapport à ce qu'on se disait avant, ça peut aussi avoir cet effet inverse. On commence à faire quelque chose de beau. Et donc, derrière, ça peut amener du beau. qui entraîne du beau, etc. Donc là, forcément, les châteaux ornéaux, ça montre l'autre facette, mais je pense qu'on peut aussi le voir en utilisant son imagination. Et là, je rebondis sur toutes les faces de la boussole, qu'on peut aussi le voir de l'autre sens.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Et voir que ça peut aussi être quelque chose de beau.
- Speaker #1
Et comme tu l'as dit très bien, c'est là que notre imagination entre en jeu. Et pourquoi c'est tellement important ? Parce que comme nous sommes tellement dans cette pensée rationnelle, et du coup, cause, effet, impact, on peut tout mesurer, on peut tout quantifier. C'est très difficile d'abord de voir cette vision un peu plus globale, comment tout se relie. Et c'est vrai de parfois se dire, non mais moi, qui suis-je, tu vois, pour avoir un impact finalement. Mais si on sort de cette vision hyper rationnelle, hyper mécanique, et se dire, mais peut-être qu'il y a des forces qui jouent que je ne connais pas, et je ne sais pas. Et ça, c'est aussi quelque chose que je dis souvent, surtout aux jeunes, et c'est un concept aussi qui est important, c'est cette idée d'incertitude radicale, c'est de continuer à se dire qu'on ne sait pas. Oui, tous les chiffres nous disent qu'on va à la catastrophe, mais on ne sait pas. On ne sait pas, il n'y a personne qui roule de cristal pour dire quel sera l'avenir. Et donc, il faut continuer à agir parce qu'on ne sait pas. Et comme tout est interconnecté, comme tu dis, c'est peut-être le petit geste, on ne sait pas les conséquences que ça peut avoir. Parce que tout n'est pas... Parce que ça, c'est ma croyance, que tout n'est pas mesurable.
- Speaker #0
Oui, puis on ne sait pas de quoi il fait demain. Genre, malgré le fait que, par exemple, si on prend Trump qui est au pouvoir, on ne sait pas, est-ce qu'il sera vraiment là pendant quatre ans ? Est-ce qu'il ne va pas avoir une maladie ou un truc qui lui tombe dessus ou n'importe quoi ? Enfin, il peut se passer plein, plein de choses, en fait. On n'est pas capable de voir aujourd'hui, mais qu'on peut... imaginer en tout cas pour se donner de l'espoir.
- Speaker #1
Tout à fait. Et aussi,
- Speaker #0
tout à l'heure, c'est ce que quand tu disais on n'apprend pas aux jeunes à identifier tout ça. Je me suis dit, j'ai repensé pendant que tu parlais à moi quand j'étais au collège et que tu es en recherche d'identité, etc. Et pourtant, on te fait beaucoup réfléchir sur ce qu'est-ce que tu vas faire et pas sur ce que tu es. Donc, en fait, je me rappelle que c'était vachement dur pour moi de... de dire ce que je voulais faire. Et en fait, je le disais un peu pour faire plaisir aux professeurs parce qu'il y avait une question et qu'il fallait répondre. Mais qu'en réalité, c'est compliqué de dire ce qu'on veut faire quand on ne sait pas qui on est.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Et toi, tu vas les aider à aller explorer leur être plutôt que de le faire ?
- Speaker #1
Oui. Et là, c'est là que la nature rentre en jeu parce que c'est vraiment par des expériences en nature qu'on va apprendre qui on est. Parce que là, ça rejoint le domaine de tout ce qui est éco-psychologie, éco-thérapie. Et c'est Freud qui nous disait, pardon, pas Freud, Jung.
- Speaker #0
c'est Jung qui nous disait que notre environnement n'est qu'un reflet de ce qui se passe à l'intérieur de nous et si tu veux que notre inconscient quelque part va nous parler à travers la nature c'est-à-dire que je vais être attirée par des choses qui vont me dire des choses sur moi et donc toutes ces pratiques où je vais inviter les jeunes et les moins jeunes à aller se promener en nature, c'est vraiment un apprentissage de soi et de faire ce qu'il y a entre notre environnement et ce qui se passe à l'intérieur de nous
- Speaker #1
Est-ce que tu as un exemple ? d'exercice ou de choses que tu fais faire qui permet ça ? Parce que j'ai du mal à imaginer, pour le coup, comment on arrive à percevoir des choses de soi en regardant la nature.
- Speaker #0
Une pratique que j'aime beaucoup, que je propose souvent, que j'appelle le vagabondage dans la nature, c'est-à-dire que c'est d'aller se promener sans but. Ça, c'est déjà très difficile parce qu'en général, quand je promène, on a toujours un but. Et alors ? Je propose toujours, j'invite les participants et les participantes à passer un seuil. Donc déjà, si tu veux faire un travail sur soi, tu peux se dire quand je passe un seuil, ça peut être deux arbres, tu vois des arbres qui se mettent un peu en arche, ou bien deux pierres, on peut se dire, consciemment, quand je passe ce seuil, je passe dans un autre espace-temps et je laisse la place à mon imagination et à mon intuition. Donc vraiment, je quitte le monde du rationnel quelque part. Je laisse le monde du racisme, du connectif derrière moi et je m'autorise à aller dans l'imaginaire. Et après ça, c'est de se laisser soit attirer, soit quelque chose qui va te dégoûter, tu vois. Mais tiens, voir. D'abord, suivre un peu ton instinct pour voir vers où tu veux aller. Et puis, aller à la rencontre d'un être vivant qui soit t'attire, soit te dégoûte ou te repousse. OK. Et là, rester avec. Et à la limite, si les personnes veulent aller plus loin, je leur propose de vous présenter à cet être en disant je suis blablabla et puis dire à haute voix, si ça ne te dérange pas, les qualités que tu trouves à cet autre être vivant. Et en général, ces qualités, alors à la fin, on revient, on repasse le seuil et puis on partage. Et les qualités qu'on va trouver, ce sont des choses qui sont importantes pour nous ou qui vont nous dire quelque chose sur nous. Et ça, après, avec toutes les pratiques du journaling, ça va commencer à remonter. Les peuples octotaux nous disent aussi une chose très belle, c'est-à-dire que les histoires qu'on raconte, donc on fait par exemple cette expérience, puis on va se retrouver… Je préfère toujours travailler en groupe parce que le collectif est aussi très important dans ce cas-là. Donc tu vas faire ton expérience, puis on rentre dans le groupe, on va raconter les histoires de ce qui s'est passé. Le fait de la raconter à autre voix, d'être entendue, elle va travailler sur nous. Et cette histoire, elle va encore nous travailler pendant plusieurs jours. certains disent que ça peut nous travailler jusqu'à un an. Et il y a des choses qui vont... Et puis alors, on revient aussi sur ce que Jung appelle les synchronicités. C'est-à-dire que cet être vivant, par exemple, si c'est un animal que j'ai vu, qui me dit quelque chose sur moi, je vais commencer à le voir de plus en plus. Et ça, c'est super intéressant, c'est toujours super chouette avec les personnes avec qui je travaille, parce que ça peut être une personne, elle rentre dans une chambre d'hôtel et elle voit l'image de l'animal que justement elle avait rencontré. ou un livre qui s'ouvre à la page et justement une photo de cette plante ou de cet arbre ou un site internet. Et en fait, ça s'explique aussi par le fait que, si tu veux, il y a tellement d'informations que notre cerveau doit travailler qu'il ne peut pas tout emmagasiner. Et donc, une fois qu'on commence à mettre des informations comme ça que notre inconscient fait remonter certaines choses qui sont importantes pour nous, notre cerveau va commencer à les chercher. Elles vont apparaître de plus en plus. Et donc, ça va me dire de plus en plus, ah bah tiens, cette qualité-là, elle est vraiment importante pour moi. Elle revient, elle revient, elle revient. Donc, peut-être que je vais aller creuser là, tiens, qu'est-ce que ça me dit sur moi ? Et c'est comme ça qu'on apprend peu à peu, on va démêler qui on est. Et puis, on revient au récit aussi, par exemple. Ce qui est très, très important, c'est de raconter son histoire, sa propre histoire. Ce que j'appellerais le récit d'origine. Quand tu commences à petit à petit te raconter ta propre histoire, tu vas peut-être aussi commencer à avoir certains éléments qui reviennent. régulièrement des choses qui étaient importantes pour toi des choses que tu aimais faire et comme je l'ai dit au début comme on fait sens à travers les histoires plus tu racontes ton histoire plus ça va commencer à faire sens et plus tu vas savoir qui tu es une fois que tu le dis ça paraît logique et
- Speaker #1
pourtant sur l'instant tu n'y penses pas forcément non Je trouve ça vraiment fou que les qualités que tu puisses trouver à... Moi, pendant que tu racontais, je t'explique, j'étais dans mon imaginaire, j'étais dans le petit chemin pas très loin de chez moi, je croisais et quand tu as dit quelque chose qui te dégoûte, moi j'ai peur des serpents. Je me suis dit, je tombe sur un serpent, je dois rester avec lui. Donc déjà, ce serait ultra dur pour moi, mais OK. Et je ne suis pas allée jusqu'à lui trouver des qualités, mais je me suis dit, c'est fou quand même, cet animal, il me fait peur. Et pourtant, à la fin, par rapport à l'exercice que tu expliques, je ressortirai chez lui des qualités qui sont importantes pour moi.
- Speaker #0
C'est sûr, ils ont peur aussi, ils nous disent beaucoup sur nous. Donc si tu as peur des serpents, c'est super intéressant d'aller voir. OK, Ben. qu'est-ce que le serpent veut dire pour moi ? Et d'explorer aussi l'animal, complètement biologiquement, quel est son comportement, quelles sont ses qualités, qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce que ça me dit, moi ? Comment est-ce que ça me parle sur moi ? Pour ça, franchement, je trouve que la nature, c'est impressionnant parce qu'elle va vraiment nous donner toujours ce dont on a besoin.
- Speaker #1
Est-ce que toi, qui es facilitatrice, éco-facilitatrice, est-ce que... Tu ressens quand même que ces dernières années, il y a de plus en plus de personnes qui veulent se reconnecter à la nature ou tu as l'impression que c'est encore quelque chose de compliqué ?
- Speaker #0
C'est très difficile à dire parce que forcément, on vit un peu dans des bulles. Donc moi, j'ai l'impression que oui, autour de moi, oui, quand même un peu. On le voit par exemple, je facilite aussi le travail qui relie, je ne sais pas si on en reparlera, mais c'est vrai que ça, ça a pris beaucoup d'ampleur en France. On en a de plus en plus. Donc c'est vrai qu'il y a de plus en plus de personnes qui veulent les bains de forêt aussi. On commence à en avoir de plus en plus. Par contre, il m'arrive de me retrouver dans des séminaires ou dans des conférences où, comme tu l'as très bien dit, les deux premières directions commencent à être bien assumées. Donc c'est vrai qu'on parle d'ancrage, par exemple la méditation de pleine conscience a connu vraiment un gros boom, les émotions. Alors pour moi, ça a quand même le travers que ça reste très individuel. Donc, très sensibles, très sur soi. Et quand je suis dans ces éminents-là, il n'y a personne qui parle de la nature. Je suis toujours là avec moi, oui, et le lien à la nature. Et on me repose un peu sur le côté, comme si j'étais avec quoi tu viens. Et ça, je veux dire, c'est des expériences qui me remettent bien, bien en plein dans mon écho-anxiété. Parce que quand je ressors de là, je dis, et je ne veux pas dire qu'effectivement, la compassion, la bienveillance, les compétences sociales, les compétences émotionnelles, c'est hyper important. Je ne dis pas du tout le contraire, mais je ressors de là en disant, mon Dieu, on n'en a encore que là. Et si on ne se reconnaît pas à la nature, pour moi, c'est quand même la base. C'est la base. Et comme je le dis, ça c'est très clair, les enfants ne protégeront pas ce qu'ils ne connaissent pas. Pourquoi ? Et la dérive, les dystopies qu'on connaît, c'est qu'on termine dans un monde complètement de technologie finalement. Oui, on aura tout tué.
- Speaker #1
Alors que la nature, c'est quand même quelque chose de fantastique sur un bébé. Genre, nous, on s'appelle Elio, notre petit garçon. Et en fait, la nature, c'est même un gage d'apaisement quand il pleure.
- Speaker #0
Absolument, tout à fait.
- Speaker #1
Alors, tout d'un coup, ça va mieux. Il y a un arbre, il y a un bruit, il y a quelque chose. Et en fait, nous, on a remarqué que partir se balader avec lui, c'est le meilleur moyen pour qu'il se sente mieux après.
- Speaker #0
Moi j'habite dans le nord de l'Allemagne, sur une ferme en biodynamie, et on a un jardin d'enfants à la ferme. Le propre en Allemagne de tous ces jardins d'enfants qu'ils ont en forêt et dans les fermes, c'est que les enfants soient tout le temps dehors. Donc ils ont une roulotte pour, si vraiment il fait très très très mauvais, ils vont aller prendre le goûter là, à l'intérieur, mais je les vois quasi toujours dehors, ils ont quand même une espèce de tente comme ça, alors ils prennent le goûter là en dessous, mais ils sont. tout le temps dehors. C'est de 3 à 6 ans. Et j'ai jamais... Alors, y rendre noire debout, parfois. Tu vois, les ans... Je plains les parents qui peuvent l'échanger tous les jours et vraiment faire des machines à n'en plus finir. Mais j'ai jamais vu des enfants aussi heureux. Panoui. Et conscient de soi. Enfin, c'est incroyable. Incroyable.
- Speaker #1
Et j'aimerais revenir sur le travail qui relie. Qu'est-ce que c'est ? Parce qu'on m'a proposé d'en faire un. J'ai pas pu y aller, peut-être qu'Elio venait juste de naître et moi, c'était pas possible de le quitter. Mais en tout cas, la personne qui m'avait invité, je lui ai dit de me réinviter pour l'année prochaine. Donc, je sais de loin ce que c'est, mais je vois bien que tu nous expliques si ça peut donner envie à d'autres personnes.
- Speaker #0
Oui, avec plaisir. Alors, c'est un processus qui a été inventé par une femme, Joanna Macy, dans les années 80, où elle est activiste. Elle a vu qu'il y avait de plus en plus le burnout du militant finalement. l'épuisement de l'activiste commençait à apparaître de plus en plus. Et donc, elle s'est posé la question de comment elle pouvait les aider ou les accompagner. Et pour la petite histoire, elle a commencé par appeler son travail Désespoir et Empuissancement Et son mari lui a dit que si elle appelait ça comme ça, il n'y aurait personne qui viendrait. Du coup, elle a changé de nom, elle l'a appelé Le travail qui relie Et c'est vraiment l'idée... que, et ça on revient un peu à ce que j'ai dit au début, comme l'être humain il est profondément social, tout ce qui est émotion j'aime pas dire négative, donc j'ai l'émotion difficile, toutes nos émotions écologiques, de tout ce qu'on peut ressentir par rapport à ce qui est en train de se passer autour de nous doit être partagé collectivement donc c'est un travail collectif et ça on le sait aussi des peuples autochtones, le deuil est une pratique collective en fait, c'est pas une pratique individuelle, on doit faire un deuil ensemble... Et donc le travail qui relie en fait se base là-dessus, en disant si on prend conscience de nos émotions, si on les partage, quelque part ça nous donne la possibilité de les transformer. Et donc c'est tout un ensemble de pratiques qu'on fait ensemble, ça nous aide aussi à voir cette interdépendance avec le reste de la nature. Puis on en ressort plus fort de nouveau, parce qu'on se rend compte finalement que les émotions qu'on a, on n'est pas les seuls à les avoir. Pour moi ça m'a transformée, parce que... Johanna, c'est la première personne qui m'a dit que mes émotions étaient normales et encore plus, elles étaient une preuve de mon amour, de la nature et de la vie. Elles n'étaient que le reflet de mon amour. Alors que quand j'ai eu ma première crise d'éco-anxiété en 2012, les réponses psy qu'on pouvait faire, c'était quel est le trauma que tu projettes sur le monde ? J'ai dit non mais moi ça va très bien, c'est le monde qui en fait le problème.
- Speaker #1
Quand tu disais qu'on devait le faire collectivement, Dans un des podcasts que j'ai écouté, je ne me rappelle plus du nom, mais dont tu avais participé, tu disais ça, que pour toi, aujourd'hui, l'éco-anxiété, il ne fallait pas que ça devienne... Ce n'était pas une pathologie, il ne fallait pas que ça le devienne, parce que sinon, ça deviendrait quelque chose d'individuel et plus collectif. Et ça, je n'y avais jamais pensé avant de m'entendre, et ça a fait vraiment sens. Je me suis dit, mais oui, c'est vrai. Et tu disais... Tu donnais comme exemple que si demain, je crois que c'était dans les écoles ton exemple, où tu disais, les gens sont éco-anxieux, vous devez aller voir un psy parce que vous êtes éco-anxieux. Derrière, ça ne donne pas de rôle à l'institution de faire quelque chose pour que les gens aillent mieux. Oui, j'ai trouvé ça très fort.
- Speaker #0
Tout à fait. Oui, c'est ce que je te disais quand je dis que je trouve que le terme est vraiment mal choisi. Et je trouve quand même très intéressant de se dire que c'est le terme qui a été choisi politiquement par les médias pour finalement, ça reprend toutes les émotions qu'on pourrait ressentir par rapport à ce qui est en train de se passer. Mais c'est intéressant de voir que ça remet la faute sur l'individu. En fait, on est encore dans un langage où c'est l'équanxieuse qui a un problème. On ne remet pas en cause notre système, on ne remet pas en cause notre culture ou la société. ce sont les éco-anxiés qui sont le problème. Alors moi, je préfère l'éco-sensible, plutôt qu'éco-anxiété, éco-empathie, ce sont des personnes qui sont plus sensibles à ce qui est en train de se passer, et qui forcément ont plus d'émotions par rapport à ça. Mais c'est une réaction d'enfant. Je ne vais pas aller dans l'eau, je vais pas dire que si vous n'êtes pas du tout en pitié, c'est vous qui avez un problème.
- Speaker #1
C'est ce qu'avait dit Pierre-Éric Sutter dans mon podcast. Et je pense que d'une certaine manière, il avait aussi dit pour faire peut-être réagir. Mais moi, par exemple, ça m'avait fait du bien. Je l'avais fait écouter à mon conjoint aussi. Cette phrase m'avait fait du bien où il disait que les échos anxieux, ce n'était pas eux qui avaient un problème, c'était plutôt les climato-sceptiques.
- Speaker #0
Oui. Qui,
- Speaker #1
eux, ça pouvait frôler la pathologie tellement ils étaient loin de la réalité. Et là, je me suis dit, enfin quelqu'un ! qui dit que je suis normale. Et en plus, c'est un psy. Donc, il a l'étiquette, on va dire, la légitimité de dire que non, non, ce n'est pas du tout une pathologie, l'éco-anxiété.
- Speaker #0
J'aime bien l'exemple aussi du canari dans les mines. Du temps des mines de charbon, on mettait des canaris parce qu'ils étaient beaucoup plus sensibles au gaz. Et donc, dès que les canaris mouraient, on savait qu'il y avait une fuite et donc, il fallait sortir. Donc, ils alertaient. Je ne le laissais pas. qu'il y avait un problème. Et les éco-anxioses...
- Speaker #1
C'est horrible pour les Canaris.
- Speaker #0
C'est horrible pour les Canaris. Et on espère que les éco-anxioses n'auront pas la même faim. Mais c'est un peu ça, c'est les personnes qui alertent, qui disent qu'il y a quelque chose qui ne va pas du tout, du tout, du tout. Et en même temps, je pense que le déni climatique, c'est aussi une forme de réaction, en fait. C'est aussi pour moi une forme d'éco-anxiété. C'est-à-dire que le déni, c'est une forme de se protéger aussi.
- Speaker #1
Tout type de déni, tu penses que c'est...
- Speaker #0
Il y en a, il y en a, c'est des pathologies, nous sommes bien d'accord. Mais parfois, ou des personnes... Parce que j'en rencontre aussi des personnes qui me disent Mais non, mais moi, je ne ressens rien. Et ce n'est pas pour ça que l'écologie ne me préoccupe pas. Et se couper de ses émotions, d'être dans le déni, de toute façon je nie le problème, c'est une façon de se protéger aussi. Oui,
- Speaker #1
parce qu'il y a plusieurs.
- Speaker #0
Pour ne pas qu'on coupe le dialogue entre d'un côté les... J'aime pas cette vision dualiste d'un côté les gentils, d'un côté les méchants. C'est-à-dire que... Il y a plein de formes de réaction. Et ça, c'est important de le dire aussi. Il y a même des personnes qui sont enthousiastes par rapport à ce qui est en train de se passer. Parce que ça leur donne un sens, ça leur donne une raison d'être, de vivre maintenant et de pouvoir participer à ça. Donc on retrouve vraiment toutes les émotions. C'est pour ça que, de nouveau, le terme éco-anxiété, c'est ridicule parce qu'on peut ressentir toutes les émotions par rapport à ce qui se passe.
- Speaker #1
Est-ce que toi, tu l'utilises encore, le mot éco-anxiété, ou tu l'évites ?
- Speaker #0
Alors, je le dis toujours au début, en disant parce que c'est celui que tout le monde connaît, c'est celui qui est médiatisé, et puis j'explique directement pourquoi je ne l'utilise pas. Ok.
- Speaker #1
Et tu as un mot que vraiment tu préfères ?
- Speaker #0
Maintenant, j'utilise vraiment éco-sensible, parce que c'est ce qui, pour moi, fait le plus sens, en fait. C'est vraiment des hypersensibles par rapport à l'environnement. C'est-à-dire qu'on a une hypersensibilité par rapport à ce qui est en train de se passer autour de nous. Ce sont en général des personnes qui ont beaucoup d'empathie, qui se préoccupent beaucoup des autres, qui sont beaucoup dans le soin. Et du coup, si tu es une éponge par rapport aux émotions des personnes qui t'entourent, tu vas être une éponge par rapport à ce qui se passe dans ton environnement. Ça me semble assez logique. Et forcément, ce qui se passe pour l'instant, c'est source de colère, de peur, de tristesse.
- Speaker #1
Et est-ce que il y avait autre chose que j'aimais bien aussi, puis après, je vous partirai sur la dernière question, mais dans ta boussole, c'est aussi la partie de se reconnecter à la nature,
- Speaker #0
mais en...
- Speaker #1
Je ne sais plus comment t'as mis ça, aux autres, mais non humains. Je crois qu'on va dire quelque chose comme ça. Et en fait, je n'avais jamais entendu comme ça, genre les autres, mais les non humains.
- Speaker #0
Ça, c'est un terme qu'on utilise beaucoup en écopsy, c'est les... les autres qu'humains ou les non-humains. Avoir justement sorti de cette vision anthropocentrée, c'est aussi des autres êtres vivants, ils ne sont juste pas humains. Oui,
- Speaker #1
ok, d'accord. C'est la question que je me posais. Pourquoi avoir utilisé ce terme autres qu'humains
- Speaker #0
Parce que forcément, dans cette vision mécanique, réductionniste, scientifique qu'on connaît actuellement, on considère le reste de la nature comme des choses, des choses inertes. En fait, c'est vraiment une invitation à voir le reste de la nature comme aussi des êtres vivants avec qui tu peux rentrer en relation, comme avec un humain. Sauf qu'ils ne sont pas humains.
- Speaker #1
Et pour finir, la dernière question qui est un petit peu plus philosophique, c'est qu'est-ce que l'écologie pour toi ?
- Speaker #0
Alors si on prend vraiment l'étymologie du mot d'écologie, pour moi, c'est prendre soin de la Terre. C'est comment on prend soin de la Terre.
- Speaker #1
Mais comment on prend soin de la Terre ?
- Speaker #0
Chacun à sa façon, je pense. On en revient à ce qu'on disait, que chacun doit trouver son talent à mettre au service de la Terre. Et donc, c'est justement ça. Je pense que c'est les Kogis qui nous disent que chaque être vivant a une fonction. Et la fonction de l'être humain, c'est de prendre soin du reste de la nature. Donc, c'est de veiller à cet équilibre, de veiller à ce que... nos relations sont en harmonie, qu'on prenne autant qu'on donne, c'est cette grande qualité de réciprocité, on est complètement déconnecté, comment est-ce qu'on retrouve ça ? Et ce qui est intéressant aussi, ça rejoint peut-être la question précédente, dans cette idée que l'être humain s'est déconnecté ou s'est séparé du reste de la nature, et moi j'ai l'impression, de nouveau c'est ma croyance, que le reste de la nature attend qu'on revienne dans cette relation en fait. qui essayent de nous appeler, qu'on retrouve ce lien intime et profond qu'on avait, notre place juste. dans la toile du vivant. Et je pense que c'est ça l'écologie, c'est retrouver notre place juste au service de toute la Terre, de tout le monde, pas juste des êtres humains.
- Speaker #1
Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
- Speaker #0
Non, je pense que c'est joli de clôturer là-dessus. Je vais juste terminer sur ma citation préférée de Thomas Béry, qui nous dit que Le monde est une communauté de sujets. et non pas une collection d'objets. Et ça c'est pour moi la base de tout.