- Speaker #0
Dans un monde du travail traversé par des évolutions techniques et des révolutions sociétales, prenons le temps de réfléchir aux causes, aux conséquences et aux solutions qui s'imposent à l'entreprise. Bienvenue dans Perspective, le podcast d'Idezo at Work, où l'on explore les chemins croisés de l'humain, de l'entreprise et de la société. Noémie, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Merci d'être parmi nous. Pour commencer, peux-tu te présenter s'il te plaît ?
- Speaker #1
Oui, je m'appelle Noémie Aubron et mon métier ? C'est de faire de la prospective. La prospective, c'est d'essayer de comprendre quels sont les changements possibles demain. On n'est pas du tout dans l'idée de prédire, on est vraiment dans l'idée d'éclairer les possibles à l'aune de ce qui est en train d'émerger comme changement aujourd'hui. Et mon domaine de prédilection, c'est d'essayer de comprendre ce qui est en train de changer dans les modes de vie, dans la consommation, dans le travail, dans l'habitat, dans la mobilité, dans le tourisme, et d'amener tout ça comme une nouvelle grille de lecture. pour essayer de comprendre ce que ça peut changer à la fois dans les propositions de valeur des entreprises, mais aussi dans les organisations, notamment du travail.
- Speaker #0
Alors justement, ça tombe bien, parce qu'on est là pour parler du travail. C'est un sujet qui nous intéresse beaucoup. Quelles sont les premières évidences qui se dégagent lorsque tu t'intéresses à ce sujet, à l'aune des changements qui s'annoncent dans les prochaines années ?
- Speaker #1
Oui, il y a un sujet sur lequel je travaille beaucoup, c'est en fait la manière dont le changement climatique Et plus généralement l'urgence environnementale va changer le travail. Je pense que ça fait quand même partie des choses qu'on n'a pas vraiment aujourd'hui dans l'angle de vue et qu'on a du mal à conceptualiser en termes de conséquences du changement. Et il y a notamment un sujet que je trouve vraiment hyper... enfin une manière de regarder le changement que je trouve vraiment intéressante, c'est cette approche des cols secs et des cols humides. En fait, c'est l'idée de se dire que jusqu'à présent on avait plutôt construit... le statut social des travailleurs autour des cols blancs et des cols bleus, comme une forme d'ascension sociale, quelque part, selon le type de métier qu'on avait. Là, le changement climatique, il introduit un nouveau clivage dans le monde du travail. C'est celui entre les travailleurs qui sont quelque part soumis aux aléas climatiques et qui travaillent dehors, versus ceux qui sont dans des conditions plutôt de bureau, voire dans des conditions de bureau climatisé. Et donc, c'est comme ça qu'on arrive à cette... distinction entre col sec et col humide et qui est en fait assez éclairante aussi pour comprendre quels vont être les prochains défis aussi en termes de recrutement puisque tout ça veut aussi dire que des métiers qui sont aujourd'hui très en tension déjà et avec des gros sujets de pénurie sont en grande partie des métiers col sec et donc on peut imaginer effectivement que ces métiers col sec vont être encore plus en difficulté de recrutement et donc on va devoir imaginer et redoubler d'efforts en termes d'avantages sociaux ... d'accompagnement aussi des conditions de travail de ces personnes-là et peut-être aussi essayer d'imaginer des passerelles ou des carrières qui permettent de passer de col humide à col sec.
- Speaker #0
Réductivement, le sujet semble d'actualité, d'autant plus qu'avec l'allongement de la durée de la vie professionnelle, avec le recul de l'âge de retraite, ce sont forcément des enjeux qui vont être extrêmement importants, notamment pour ceux... qu'on va désormais appeler l'école sec, l'école humide, pardon, qui sont souvent des métiers un peu plus pénibles physiquement et qui se retrouvent, c'est la double peine, puisqu'ils vont subir également en premier lieu les changements climatiques.
- Speaker #1
Exactement, et donc c'est en ça que je pense que ça doit vraiment, on doit vraiment redoubler d'efforts en fait sur notre capacité à construire des conditions de travail. qui prennent cette réalité-là en compte, à la fois l'allongement de la durée du travail, mais la pénibilité du travail qui va être de plus en plus forte. Ça veut probablement dire aussi beaucoup d'ajustements au niveau des horaires de travail, des niveaux de régulation de la température ou des équipements qui permettent de le faire. Donc on va avoir énormément d'innovation dans ce secteur-là. parce qu'il y a cette très grande demande sociale. Et de l'autre côté du spectre aussi, si on regarde du côté des cols secs, on peut aussi se dire que probablement qu'on peut s'attendre, par exemple, à ce que la température de travail maximum fasse son apparition dans les offres d'emploi, comme étant finalement une nouvelle manière d'attirer certaines personnes. Donc ça va devenir, je pense, aussi un vrai sujet. dans l'attractivité aussi de certains métiers, cette capacité à assurer. Et on peut aussi imaginer que des professions vont peut-être pouvoir basculer de col sec à col humide grâce à l'innovation. Et c'est peut-être aussi une manière et une grille de lecture pour penser la transition aussi de certains métiers.
- Speaker #0
Il semble intéressant, dans ces conditions, de regarder comment d'autres pays fonctionnent, des pays qui sont un peu plus au sud, et de voir quels sont les rythmes de travail qui ont été mis en place et quels ajustements ont été mis en place dans ce cadre-là. Est-ce que là, il y a des enseignements à tirer de cela ?
- Speaker #1
Oui, effectivement. Notamment les chantiers autour de la Coupe du Monde, je crois que dans les Émirats arabes. Au Qatar, peut-être. Au Qatar, voilà, c'est ça. Au Qatar, du coup, ont vraiment montré... des manières différentes de faire. On avait vraiment vu la température de travail rentrer au cœur de la condition de travail. J'ai aussi vu des équipements rafraîchissants sur les chantiers, des gilets rafraîchissants, mais qui régulent la température du corps, etc. Donc, on a beaucoup d'innovations qui arrivent à la fois par l'organisation du travail, mais aussi par la manière dont on équipe les collaborateurs. Et du coup, quand on tire le... Tire le fil de tout ça, il y a une certaine volonté aussi de faire basculer certains métiers la nuit. Donc voilà, ça questionne aussi beaucoup du coup sur ces conditions de travail. Est-ce que c'est au bénéfice ou pas des travailleurs de les faire passer la nuit ? On diminue du coup le risque d'exposition à la chaleur, mais quid de l'équilibre de vie ? Voilà, ça pose plein d'autres questions, mais c'est évidemment une piste qui est creusée à certains endroits.
- Speaker #0
Oui, donc ça signifie aussi faire évoluer la loi par rapport à l'organisation du travail.
- Speaker #1
Tout à fait. Et on a vu déjà la température de travail qui est rentrée à certains endroits dans le Code du travail. Donc ça arrive et on va probablement devoir imaginer des choses beaucoup plus massives pour adapter ça au niveau du Code du travail. Oui,
- Speaker #0
mais il y a bien des métiers, des secteurs d'activité. Très récemment, il y a eu l'exemple des vendanges où il faut ramasser des fruits lorsque ceux-ci sont mûrs, sinon après la récolte est perdue, quelle que soit la température, quelles que soient les conditions météorologiques. Donc là, ça veut dire qu'il va aussi y avoir des contraintes économiques à faire rentrer en ligne de compte par rapport à tout ça ?
- Speaker #1
C'est clair que l'équation est hyper compliquée à résoudre et je pense que du coup, ça va vraiment dépendre des situations, des types de métiers, des filières en question. Et donc pour certaines, on va plutôt mettre le curseur sur le fait de diminuer la pénibilité par de l'équipement, parce qu'effectivement les contraintes sont très fortes, tandis que d'autres vont pouvoir complètement basculer peut-être dans des nouveaux modèles. Je prends un exemple totalement différent dans une autre branche d'activité. Mais pour moi, on est à l'aube quand même de renversements assez majeurs sur certains métiers. Je pense au métier de routier aujourd'hui. qui est du coup quand même assez difficile, assez pénible dans ces conditions de travail. Avec l'arrivée du camion autonome, on voit certaines entreprises qui sont en train d'en faire un métier de bureau. Donc en fait, devenir routier, c'est piloter à distance un camion qui est sur la route, tandis que soi, on fait ce métier de manière télétravaillée et de chez soi. Donc je ne dis pas que c'est une direction forcément… souhaitable, je vois des choses qui sont en train d'émerger de ce type. Ça,
- Speaker #0
ça existe ? Ça se met en place ?
- Speaker #1
Ça se met, oui. C'est une start-up suédoise qui fait ça. Et donc, ça existe déjà. Donc, c'est vraiment... C'est cette invitation, je pense, de l'époque, quand même, à se dire qu'il y a des leviers, peut-être beaucoup plus forts en termes d'innovation sociale pour repositionner certains métiers pour lesquels, effectivement, on a des conditions de travail qui sont pénibles. et probablement une aggravation dans les prochaines années de ces conditions de travail par l'exposition aux aléas climatiques, qui fait qu'on va être contraint d'aborder avec beaucoup plus de créativité la manière dont on structure ces métiers.
- Speaker #0
Donc ça signifie que pour les entreprises et les RH qui nous écoutent, la prospective, c'est se poser des questions maintenant sur comment j'organise certains des métiers de l'entreprise au regard de ces contraintes climatiques qui vont arriver. Mais comment on fait ça ? parce que c'est extrêmement compliqué. On investit sur quelque chose qui, on sait grosso modo que ça va arriver, mais c'est extrêmement difficile de savoir quelle va être exactement l'augmentation de température, qu'est-ce que ça change au niveau des conditions de travail. Ça, on est d'accord, c'est de la perspective, mais l'anticipation, là, devient particulièrement difficile.
- Speaker #1
L'anticipation est très difficile. Alors, je pense que le changement, il arrive de manière très différente. En fait, parfois, on regarde les choses de... on a l'impression qu'elles sont très loin et il y a souvent un catalyseur qui va accélérer l'intégration de quelque chose qui était de l'ordre du futur dans le champ d'action du présent. Et parfois, c'est une prise de conscience qui peut émerger par ailleurs. Moi, je vois certains aussi, certaines entreprises avec lesquelles je travaille, qui travaillent sur des feuilles de route d'anticipation sur ces sujets-là pour du coup, effectivement, se dire en fait, quelles sont les zones de risque et comment est-ce qu'on peut expérimenter. pour construire autre chose. Donc, c'est un peu cet aller-retour qui est effectivement hyper difficile. Et moi, quelque part, j'ai un peu la position facile, c'est-à-dire que moi, je suis dans le concept et l'observation. C'est extrêmement difficile, c'est vrai, de faire redescendre ça au bon moment, de la bonne manière, dans le champ de l'opérationnel. Mais c'est vrai que la modalité de l'expérimentation, moi, c'est celle que j'observe comme étant, pour ceux qui sont proactifs et qui veulent agir de manière un petit peu offensive sur ces sujets, c'est celle qui est la plus naturelle.
- Speaker #0
Est-ce que ça signifie que les entreprises qui ne se préparent pas dès maintenant à ces changements sont potentiellement des entreprises qui demain auront plus de mal à recruter, plus de mal à transformer leur métier ? Ou est-ce qu'il n'est pas encore trop tard et que finalement, on peut se dire, si on s'y met maintenant, ça va encore ?
- Speaker #1
Je pense qu'il n'est pas du tout encore trop tard. Je prends juste l'exemple de ce qui s'est passé autour du Covid. En perspective, on appelle ça un éléphant noir. C'est un sujet qu'on a du mal à faire rentrer dans notre champ de vision. Là, en l'occurrence, c'était le risque pandémique, qui était très documenté, qui était vraiment bien identifié par la sphère scientifique. Mais on a eu du mal à se l'approprier et à le faire rentrer dans un champ de vision de ce qui pouvait être possible. Mais le jour où il est arrivé, on s'est adapté. On a trouvé des moyens. d'avoir une continuité d'activité qui permette du coup et assez rapidement quand même de poursuivre l'activité. Donc je pense que ça c'est un peu le naturel humain en fait aussi d'être quelque part dans une forme de déni par rapport à certains sujets j'ai envie de dire, c'est un peu facile encore une fois de mon point de vue qui suis en observation de tout ça, mais cette idée effectivement de pouvoir offre. intégrer petit à petit des choses dont on se dit qu'elles sont de l'ordre du futur, mais avec une probabilité effectivement que ça arrive à un moment ou à un autre, mais on ne sait pas quand. C'est ça qui est hyper difficile à intégrer dans les feuilles de route. Mais l'idée, c'est vraiment de se dire, en fait, comment est-ce que je peux me préparer à être prêt ? Et quelque part, après, le jour où il y a quelque chose qui, en fait... envoie un signal suffisamment fort pour se dire qu'il faut agir, ce n'est pas forcément un confinement, mais ça peut être quelque chose d'une moindre ampleur, c'est à ce moment-là, effectivement, qu'on a déjà les ressources et le plan d'action déjà identifié pour passer à l'étape d'après. Ce qui est certain, c'est que tous ces sujets vont arriver. La question qu'on se pose, c'est quand ? Ce n'est pas forcément maintenant qu'il faut forcément tout bouleverser, mais par contre, commencer à y réfléchir et à avoir un plan d'action à ce... sur lequel on a un bouton sur lequel appuyer, le jour où la situation paraît peut-être un peu plus importante, ça me paraît essentiel.
- Speaker #0
Et ça devient un avantage compétitif,
- Speaker #1
finalement. Oui, complètement. Après, ce que je voulais dire sur l'éléphant noir aussi, c'est qu'en fait, on a tous une capacité d'adaptation, mais on remarque quand même que certains ont plus aussi cette capacité d'anticipation. Et là, en l'occurrence, C'est ce qu'on appelle en prospective une méga tendance. Le changement climatique, c'est vraiment quelque chose dont scientifiquement, on a la conviction que c'est difficilement réversible. Donc, on sait que ça va arriver. Ça, typiquement, c'est des choses qu'il faut assez fortement intégrer dans ces feuilles de route.
- Speaker #0
Et est-ce qu'aujourd'hui, il y a des entreprises, quelle que soit leur taille, qui travaillent sur ces anticipations, qui se disent d'ici 5 ans, 10 ans, Comment je fais travailler mes équipes et comment je fais évoluer mon modèle économique avec une planète à plus 1, plus 2, plus 3% ? C'est ça aujourd'hui, tu rencontres ?
- Speaker #1
Oui, complètement. Typiquement, le secteur de l'assurance est directement concerné avec un modèle économique qui est largement remis en question et très corrélé au changement climatique. Déjà, il y a 10 ou 15 ans... Le PDG d'AXA disait que le changement climatique n'est pas assurable. C'est une donnée d'entrée pour le secteur. Et là, aujourd'hui, typiquement, on est là-dedans. On est dans ce moment où les acteurs se rendent compte que ça redescend directement dans les tableaux économiques. Et donc, on voit en ce moment l'impact du changement climatique. C'était quelque chose qu'on a identifié il y a 15 ans. Là, ça devient la réalité économique. Et donc, il faut commencer à anticiper et à changer d'autres modèles, et donc notamment à travailler beaucoup plus sur le levier de la prévention, etc. Les modèles sont contraints d'évoluer dans ce secteur-là, et par effet ricochet, ça aura plein de conséquences aussi sur plein d'autres secteurs qui forcément sont liés de manière systémique à l'assurance. Mais je crois que c'est vraiment une préoccupation, alors qu'elle est assez clivante en réalité, cette idée d'intégrer les limites planétaires comme étant finalement un... un driver de la stratégie de l'entreprise. Mais je trouve que c'est vraiment les entreprises qui l'intègrent dans leur manière de regarder le futur de leur entreprise. Ça amène toujours, pour le coup, des positionnements très différenciants. Je pense notamment à Expanscience, les laboratoires Expanscience. Tu sais, c'est la marque Mustela en pharmacie. Et donc, ils distribuent notamment des lingettes pour bébés. Donc, ce n'est pas très écolo. Et en fait, ils ont pris la décision d'arrêter de distribuer ce produit, je crois qu'il représente une bonne partie de leur chiffre d'affaires, je ne devrais pas dire de bêtises, mais je dirais bien au moins 20%, avant 2030. Et pour des raisons écologiques. D'accord. Donc, l'idée, c'est vraiment de réorienter leur modèle économique, de commencer à préparer, en fait, la fin de ce produit pour se dire, en fait, commençons à aller davantage vers du service et à diversifier notre activité pour remplacer ce produit qu'on considère comme étant néfaste à l'écologie et à la planète. Et ce n'est pas le type de produit qu'on a envie de développer. Et donc, on voit des stratégies comme ça qui commencent un petit peu à être rendues publiques et que moi, je trouve intéressantes parce qu'elles viennent aussi amener une contre-culture entrepreneuriale qui est très intéressante, du coup, parce qu'on amène aussi un statut du dirigeant et une culture du dirigeant que je trouve assez intéressante et qui dénote peut-être aussi des grilles de lecture, des manières aussi de communiquer une stratégie, des objectifs qu'on poursuit. Et je trouve ça aussi intéressant à observer dans la manière d'être dirigeant.
- Speaker #0
Alors c'est assez paradoxal parce qu'on voit aussi qu'il y a des lignes qui bougent. Là, au moment où on enregistre le podcast, beaucoup disent qu'ils veulent remettre en question la CSRD. Il était question, il y a encore quelques jours, de supprimer l'agence France Biologique, ou le nom exactement. Donc c'est très contradictoire parce que finalement, ce que tu es en train de dire, c'est que... Ça va nous arriver dessus, effectivement, tu n'es pas la seule. Mais à côté de ça, on voit bien que les acteurs économiques, et par conséquent les acteurs politiques, ne sont pas du tout préparés.
- Speaker #1
Moi, ce qui me marque, c'est que la RSE, elle est plus consensuelle, effectivement. Je pense que ça, c'est un des grands marqueurs qu'on voit arriver depuis six mois et très influencé, effectivement, par ce qu'on voit aux États-Unis. Ce qu'il faut garder en tête, je pense, c'est que, en gros, dans les... Entre 40 dernières années, on est passé d'une société en forme de toupie, où on avait 80% des gens qui se ressemblaient, on avait une grosse classe moyenne, d'où la forme de la toupie, à une société en forme de sablier. Ce qui veut dire qu'on n'a plus de milieu et on a des polarités extrêmes qui sont en train d'émerger. Cette manière de voir les marchés, les comportements, s'applique quasiment partout. Donc, c'est, je pense, une manière aussi d'expliquer ce qui est en train de se passer autour de l'ARSE, notamment. C'est cette polarisation à la fois politique qui rejaillit, quelque part, dans la manière de considérer l'ARSE qui devient un sujet de controverse, en fait. Au même titre que certains marchés se restructurent de cette manière, nos comportements sont écartelés. Et à chaque fois qu'une tendance émerge, elle appelle à créer son propre contraire.
- Speaker #0
Alors, on a parlé... du fait que les entreprises vont avoir besoin d'anticiper, en tout cas de s'adapter à ce changement climatique, mais qu'en est-il des salariés ? Comment eux peuvent-ils anticiper ça ?
- Speaker #1
C'est une bonne question. Je pense qu'il y a une forme d'interpellation. Mais si je reprends le sablier, encore une fois, c'est très vrai aussi à ce sujet-là. C'est-à-dire qu'on va avoir des salariés qui vont être concernés par ce sujet et qui vont vouloir calquer. leur vie professionnelle avec leur conviction personnelle. Et quelque part, cet engagement politique, il va être attendu en tant que salarié de la part de leurs entreprises versus en bas ou en haut du sablier, en fonction de la manière dont on regarde le marché, des personnes pour lesquelles ça va être beaucoup moins important et que ça va moins rentrer en considération dans leur choix de vie professionnelle et qui vont davantage considérer que le travail est séparé de leur sphère d'identité. Donc ça, c'est un premier point, c'est qu'en fait, le rapport quelque part à l'attente en tant que salarié vis-à-vis de son entreprise, il est aussi très fragmenté. Et on a des attentes qui sont de plus en plus différentes vis-à-vis de ce sujet.
- Speaker #0
Avec aussi peut-être une polarisation, comme tu l'as expliqué tout à l'heure, d'une certaine frange des collaborateurs et des salariés.
- Speaker #1
Tout à fait, exactement. C'est exactement ce phénomène qu'on retrouve aussi du côté des salariés et avec vraiment des extrêmes. On a des... des associations de collaborateurs qui se réunissent pour du coup faire pression sur leurs employeurs pour du coup adopter des politiques plus vertes et plus respectueuses de l'environnement. Et de l'autre côté du spectre, on a des sociétés, des entreprises par exemple comme Gumroad. Je ne sais pas si tu connais Gumroad, c'est en fait une entreprise qui permet à des créateurs de contenus de monétiser leurs contenus sur internet, une espèce de place de marché. En fait, c'est une entreprise qui n'est composée que de freelance, dans laquelle il n'y a pas de deadline, pas de réunion, donc les gens ne se voient jamais et communiquent uniquement par tous les outils numériques, comme une énorme to-do liste. Le travail est organisé comme une to-do liste. Et en fait, ces freelancers ne travaillent que 20 heures chez Gumroad par semaine. Et donc, c'est vraiment qu'une toute petite partie de leur identité professionnelle. Et donc, ce qui est intéressant, je pense, dans ce... Dans ce contre-modèle et dans ce côté très, cette haute extrême du sablier, c'est qu'on a là des gens qui considèrent que le travail ne fait pas du tout partie de leur identité et simplement un rapport alimentaire, on va dire, et très fonctionnel. On n'est même pas là pour créer des relations avec ses collègues. C'est simplement, je suis là pour faire les tâches qu'on me demande et je coche les cases. pour montrer que j'ai bien fait mon travail. Donc, on a vraiment des rapports qui sont extrêmement différents au travail. Et ça, je pense que c'est quelque chose auquel il faut être très vigilant, parce qu'aussi, on sort, au même titre qu'on avait la toupie, on sort d'un cycle très standardisé du travail. Et là, on voit bien que tout ça est en train d'éclater. Et on ne sait pas très bien jusqu'où peuvent aller les extrêmes et les polarités. Donc ça, il faut vraiment être très vigilant, je pense à ça, dans les prochaines années.
- Speaker #0
D'accord, ce que tu décris, c'est une transformation du travail liée aux aléas climatiques qui vont s'accélérer, et donc un minimum d'anticipation sur ce sujet-là, à la fois de la part des entreprises et aussi des salariés et des candidats, et un rapport au travail qui en effet en découle, en tout cas, une des conséquences qui doit être aussi prise en compte par les employeurs dans leur approche vis-à-vis de ces candidats-là.
- Speaker #1
Oui, tout à fait.
- Speaker #0
Avec un spectre, on l'a dit, qui est très très large.
- Speaker #1
Oui, très fragmenté.
- Speaker #0
Donc la notion de persona aujourd'hui a quand même une moindre efficacité, en tout cas une moindre légitimité, quand on considère, ou alors ça veut dire un persona à un spectre, un autre à l'autre côté, et puis plein d'autres au milieu.
- Speaker #1
Peut-être quelque chose comme ça, oui.
- Speaker #0
Alors, les personas, ça implique qu'il faut qu'il y ait des gens qui représentent ces personas. Et vraisemblablement, on va être de moins en moins nombreux. C'est quand même un thème qui lui aussi est extrêmement important. C'est cette baisse de la démographie avec une population vieillissante dans quasiment tous les pays du monde. D'ailleurs, particulièrement en Asie, mais l'Europe est touchée et de manière assez significative. Ça aussi, ça va être un changement et un bouleversement assez significatif dans l'organisation du travail et l'organisation économique.
- Speaker #1
C'est déjà un changement, je crois que c'est déjà bien ancré. Je crois que les chiffres à 2030, je crois que c'est 26% de la population active qui aura plus de 50-50. Mais le décalage n'est pas si grand par rapport à aujourd'hui. Je crois qu'on doit être à 22-23% aujourd'hui.
- Speaker #0
Oui, sauf que ça fait en termes de dépenses pour la retraite, c'est significatif.
- Speaker #1
Tout à fait. Donc après, effectivement, on a le sujet de la retraite. Là, je pensais plus effectivement aux actifs et à la représentation. dans le monde du travail. Le premier sujet, effectivement, c'est comment est-ce qu'elle design un monde du travail qui intègre cette population de plus en plus grandissante, avec des aspirations aussi qui sont, je pense, en plein chamboulement. Donc ça, c'est aussi un truc auquel je pense qu'il faut être assez vigilant. Si je creuse un petit peu ce point-là, un truc qui m'interpelle énormément, c'est le changement du rapport à l'âge. qui est en train de vraiment bouger, avec une forme de découplage entre l'âge chronologique, donc l'âge que j'ai sur ma carte d'identité, l'âge biologique, donc c'est l'âge que je fais physiquement, et puis l'âge social, ce qui est attendu de moi à tel âge. Et donc ça, on voit que globalement, on était dans un système qui était très normé, et que ces normes sont en train d'être très remises en question. Notamment, on le voit, on est de plus en plus jeunes, de plus en plus vieux, j'ai envie de dire physiquement, et aussi l'âge social, c'est vraiment quelque chose qui est en train d'être remis en question très fortement dans cette espèce d'assignation à être senior, etc. On n'a pas envie de rentrer dans cette case-là, on veut une cinquantaine différente, on veut être considéré autrement que par son âge. Tous ces sujets-là, on les voit émerger à plein d'endroits. Et donc, du coup, ça invite à être très à l'écoute de ça, parce que du coup, on doit aussi imaginer différemment cette fin de carrière qui est quand même très longue au final, qui s'allonge de plus en plus. Comment est-ce qu'on peut imaginer des parcours de carrière qui intègrent ça, des conditions de travail, des formations, des postes ? Enfin, tout ça est vraiment, je pense, en pleine ébullition. à un moment. Et je crois qu'il y a beaucoup de revendications aussi, il y a beaucoup d'envie de la part des quinquas pour bouger ça. Et ça, je trouve ça vraiment aussi intéressant comme nous. Ça, c'était le premier sujet sur les quinquas dans le monde du travail, quinquas et plus, parce que le vrai sujet pour moi, c'est plus comment est-ce qu'on travaille après 60 ans. Et du coup, comment est-ce qu'on crée les conditions, à la fois psychologiques, les conditions de travail, les conditions de rémunération. les conditions de motivation, pour faire en sorte aussi qu'on puisse continuer à avoir envie de travailler, dans un contexte où effectivement le rapport à la retraite en tant que tel aussi est quand même beaucoup challengé, beaucoup remis en question, et ça je pense aussi du plus jeune âge, parce qu'on voit aussi, et ça c'est un sujet qui est plus global, mais qui je pense est assez fondateur dans le rapport au travail aujourd'hui. C'est cette idée que le travail ne serait plus rémunérateur et que finalement, le fait de travailler 40 ans pour cotiser sa retraite, c'est un deal qui ne tiendra pas pour toutes les générations. Et donc, il y a, je pense, une rupture à cet endroit-là qu'il faut écouter et sur lequel, effectivement, il va falloir… Il va y avoir des solutions individuelles qui vont être trouvées pour ceux qui en ont la chance. Mais il y a quelque chose qui s'est cassé là en termes de contrat social et sur lequel il va falloir qu'on puisse réinvestir une pensée sociale à cet endroit-là.
- Speaker #0
C'est effectivement un bouleversement majeur qui nous attend, même si on commence à en sentir les prémices. En revanche, on voit quand même que les seniors ont beaucoup de mal à s'intégrer dans le monde du travail. C'est-à-dire que les entreprises, globalement, malgré toutes les... Je cherche mon mot. Malgré tous les aménagements juridiques, fiscaux qui ont été mis en place, ça ne prend pas. À partir de 55 ans, si vous avez le malheur, pour x raisons, d'être licencié, de ne plus faire partie d'une entreprise, pour retrouver du travail, c'est extrêmement compliqué.
- Speaker #1
Tout à fait. Et j'ajouterais que je ne vois pas de bon benchmark à ce sujet. C'est ça qui est vraiment perturbant, en fait. C'est que quand on regarde, il y a beaucoup de personnes qui pointent le Japon comme étant... Le Japon est quand même une culture très particulière du travail. Et il y a un besoin social et financier de continuer à travailler. Ce qui aujourd'hui n'est pas... la situation dans laquelle on met nos retraités pour la plupart. Mais voilà, je pense qu'il y a un contexte culturel, économique et financier qui fait que c'est à la fois choisi et à la fois subi de ce que je comprends. Donc voilà, apprendre, je pense avec des pincettes, l'exemple japonais.
- Speaker #0
Et donc je n'ai pas trouvé d'inspiration renversante sur ce sujet.
- Speaker #1
C'est un peu rassurant ce que tu me dis.
- Speaker #0
Non, mais je continue à chercher.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Mais du coup, moi je crois beaucoup à l'innovation sociale sur cet aspect-là, parce qu'en fait, je pense qu'on a une population qui va vraiment réinventer des trajectoires de carrière après 50 et 60 ans, avec des modalités beaucoup plus hybrides, des manières de travailler et des manières d'investir son travail qui vont aussi être décalées. Mais ça, ça marche, je pense, si dans le début de carrière, on a pu constituer une forme de patrimoine et de sécurité financière qui fait que ces dernières années ne sont pas finalement les 15 dernières années les plus importantes en termes de revenus. Et c'est un peu là que je pense qu'on a... un décalage sur lequel il va falloir penser différemment peut-être les équilibres et qui amène en fait une vraie réflexion systémique sur la carrière, le revenu, le travail. Et c'est un énorme sujet en fait qui est évidemment, comme tu l'as dit, lié à ce sujet de déséquilibre démographique et qui a priori, quand on regarde les chiffres de la natalité effectivement, ne va pas forcément non plus dans le bon sens. Après, certains pensent par exemple que l'IA va renverser la notion de productivité. Et donc de se dire que là où aujourd'hui on est à un ratio qui approche assez violemment le 1 actif pour un retraité, est-ce que peut-être que demain ce ratio suffirait à financer la retraite parce qu'on aura une telle productivité ?
- Speaker #1
Grâce à l'IA ? qui permettrait de compenser.
- Speaker #0
Voilà, donc ça, c'est, on va dire, le solutionnisme technologique. Mais je pense qu'il y a, là-dessus, il y a un énorme débat à lancer, mais qui, à la fois, met en tension nos propres aspirations au travail. Et le sujet des conditions de travail, parce qu'en fait, si on veut aussi avoir la volonté et l'envie de travailler jusqu'à 65, 67, 68, 70, c'est parce que jusqu'où nous mèneront les réformes à venir, il faut aussi avoir des conditions de travail qui permettent effectivement de s'épanouir. Et tout à l'heure, on parlait des cols secs et des cols humides. Si on met en perspective des cols humides à 70 ans, ça ne marche pas. Ça ne marche pas.
- Speaker #1
On est d'accord. Ça marche. Et c'est vrai que le débat autour de la retraite, au-delà des positions dogmatiques des uns et des autres, on l'a vu lors des manifestations, c'était que l'âge de départ à la retraite est quand même très associé au travail en lui-même et donc à sa pénibilité et à l'épanouissement qu'on y trouve. Et c'est vrai que là aussi, il y a un aspect extrêmement large. Donc quand on est un col sec, pour prendre ta terminologie, travailler un an ou deux ans de plus, ça ne fait pas plaisir, mais ça reste envisageable. Quand on a un col humide, qu'on est soumis aux aléas climatiques, non plus, c'est terrible. Tout à fait. Et pourtant, encore une fois, malgré le fait qu'il y ait énormément de secteurs d'activité dans lesquels on voit une pénurie de main-d'œuvre, et là, je parle de pénurie de main-d'œuvre et pas seulement de pénurie de candidats, qui est vraiment systémique, et d'ailleurs depuis des années, malgré ça, on a encore un taux de chômage des seniors qui est extrêmement élevé. Et un taux de chômage des juniors, d'ailleurs, des zones centrant sur le marché du travail, qui est tout aussi élevé, parfois même plus. Donc, effectivement, là, pour le coup, c'est bien d'être au milieu, parce que c'est le bon âge, entre guillemets, on est employable. Mais cette fatalité, parce que là, on peut vraiment parler de fatalité face à laquelle nous sommes aujourd'hui, c'est-à-dire un vieillissement de la population active, et donc, à terme, une diminution de la population active, je crois qu'en France... D'ici 2030, le secteur industriel, à lui tout seul, va perdre 1 million de personnes en termes de population active. C'est considérable. Alors, on n'arrive pas à réindustrialiser la France, il y a plein de raisons, mais le problème de la main-d'œuvre et du savoir-faire, il est directement lié à ça, finalement. Ça semble un peu insoluble. Il y a des solutions. Là aussi, est-ce qu'on peut anticiper des choses ? où on ne peut que subir.
- Speaker #0
Non, alors peut-être qu'il y a une initiative qui me vient en tête là, c'est celle de Booking. Alors ça peut paraître une goutte d'eau par rapport à l'océan du constat qu'on vient de dresser, mais ils ont mis en place un congé grand parental. Et donc en fait, ça me paraît en tout cas être une réflexion, un début de réflexion qui est intéressant en se disant qu'effectivement... les plus de 60 ans ont ce rôle social là et ont peut-être aussi envie de tenir. Il y a peut-être un arbitrage qui est fait parfois entre le fait d'aider sa famille versus de continuer à travailler. Et donc finalement, de permettre de concilier ça, je pense que c'est intéressant comme démarche et ça vient en tout cas apporter un regard un peu nouveau sur ce sujet. D'autant plus quand on sait que c'est aussi une population qui est... très concernés par les danses et qui, du coup, à la fois familiales, aussi du coup, c'est la fameuse génération sandwich, qui est aussi concernée par l'aide de leurs aînés. Donc, du coup, on voit que ce sujet-là, de quelque part, de rendre possible à la fois le travail et la contribution professionnelle avec le fait de pouvoir aider ses proches, Je pense que c'est un axe qui est intéressant et qui, en tout cas, permet de prendre le sujet un peu par le haut et par celui, finalement, de la contribution et de l'utilité que ces gens ont envie aussi d'avoir dans la société.
- Speaker #1
C'est donc un nouveau contrat social, des contrats sociaux à réinventer par rapport à cette pyramide des âges où, on ne l'a pas encore évoqué, mais on vit une époque assez particulière où c'est la première fois qu'au sein des entreprises, on a quatre générations qui cohabitent. avec parfois des problèmes de communication qui sont inhérents au vécu de chacun ou au peu de vécu de chacun. Donc c'est un contrat social entier qu'il faut réinventer, y compris dans le monde du travail.
- Speaker #0
Oui, en tout cas, je pense que ce serait une manière de prendre ce sujet par le haut, mais on voit bien que c'est énorme et que ça nécessite effectivement un vrai chantier. effectivement de repenser à quoi sert le travail et je pense que ce lien aussi entre générations comme tu le dis on le voit en entreprise mais de manière générale dans la société il est aussi à reclarifier parce que les plus jeunes générations peuvent aussi avoir le sentiment de se faire avoir dans ce deal et pas donc il ya qu'il ya qu'il ya aussi je pense que cette cet aspect là à mon avis, à réaborder.
- Speaker #1
Tu nous dis qu'il y a deux chocs auxquels il faut qu'on se prépare aujourd'hui. Le choc du changement climatique qui va avoir une influence directe sur l'organisation du travail, l'organisation économique et de la vie économique de l'entreprise, qui doit adapter les postes de travail, les horaires et les équipements que tu as évoqués pour pouvoir effectuer les travaux qui seront à l'extérieur, donc soumis directement aux aléas. Et puis, le deuxième choc qu'on vient d'évoquer, c'est le choc démographique, avec une population active à la fois vieillissante et qui s'aménuise, tout simplement, et des jeunes gens qui ne suffisent pas à compenser ceux qui partent.
- Speaker #0
Et donc, effectivement, sur ce sujet de la pénurie de la main-d'œuvre, globalement, qui est induit par ça, on voit que les leviers qu'on a face à nous, c'est effectivement le levier migratoire. mais qui n'est pas forcément politiquement la direction qu'on prend en tant que société.
- Speaker #1
Ce qui est assez paradoxal, là où on a besoin de manœuvres, on voit que les pays se referment les uns sur les autres.
- Speaker #0
Tout à fait. Et effectivement, du coup, ça laisse encore plus de marge de manœuvre sur l'autre levier qui est le levier de l'automatisation et de la robotisation et qui est par exemple le chemin qu'a choisi plutôt le Japon. Donc pour le coup, sur ce volet-là, je pense que ça vaut le coup. de regarder ce qui se passe au Japon parce que du coup il y a probablement, en tout cas il y a une direction là qui peut être prise mais qui nécessite aussi une vraie politique nationale à cet endroit et donc c'est intéressant de voir effectivement dans les prochaines années comment, quelles décisions vont être prises sur ces sujets qui sont vraiment structurels pour la manière dont on organise le travail à l'échelle nationale.
- Speaker #1
Parlons un petit peu de cet aspect-là, parce que lorsqu'on a préparé cet entretien, tu as évoqué un exemple au Japon où la technologie servait de levier d'insertion pour des personnes en situation de handicap. Tu peux nous expliquer de quoi il s'agit ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait. C'est un café où les serveurs sont des robots. Jusque-là, ça peut paraître assez japonais.
- Speaker #1
Comme ça, déjà, c'est vrai que ce n'est pas engageant, mais continue.
- Speaker #0
Et en fait, ces robots sont pilotés par des personnes porteuses de handicap. Et donc, en fait, en fonction de leur handicap, elles peuvent ou pas interagir par le biais du robot avec les clients. Et donc, effectivement, je trouve que c'est un usage qui est… C'est une mise en… une utilisation de la technologie que je trouve intéressante parce qu'effectivement, elle permet de proposer un emploi de personnes qui étaient éloignées du coup de ce métier de… de serveurs et de leur donner la possibilité de l'exercer. Et c'est amusant parce que c'est une réflexion qui m'a été amenée par des plus jeunes. Donc j'ai travaillé aussi avec des apprentis du BTP sur ce que pourrait être leur métier demain. Et notamment dans ce contexte de pénurie sur leur marché dont ils sont bien conscients, leur réflexe a été de dire en fait pourquoi est-ce qu'on n'irait pas proposer ce métier à des personnes qui sont porteuses de handicap en leur créant les conditions de travail qui permettent de l'exercer. des exosquelettes, avec des prothèses, peu importe, mais finalement qu'il y ait quelqu'un qui soit en mesure d'adapter le travail et les conditions de travail au handicap de la personne pour finalement, quelque part, compenser cette difficulté à recruter et aller chercher plutôt des gens qui sont intéressés, mais qui, a priori, n'ont pas la capacité. Mais en fait, il s'agit simplement de la question d'adapter le... le travail et les conditions d'exercice du travail. Et donc, au même titre, quand je parlais tout à l'heure des routiers automatisés, ça ouvre effectivement des routiers télétravaillés. Tout ça, ça ouvre effectivement un champ et une accessibilité qui peut être nouvelle de certains métiers, par l'intermédiaire effectivement de la technologie, que ce soit par le pilotage de robots ou d'engins autonomes.
- Speaker #1
Donc là, on est sur un usage... raisonnable de la technologie qui peut en partie en tout cas aider l'entreprise à aller chercher finalement une main d'oeuvre dans laquelle elle pioche assez peu finalement et venir compenser ce déficit de population active auquel on fait face il va falloir très probablement appuyer sur l'ensemble des leviers c'est à dire et bien effectivement accepter une immigration accepter le fait que la technologie puisse effectivement sans verser dans le technosolutionnisme, mais puissent être au service des salariés et des entreprises, mais ça nécessite forcément des investissements, qui aujourd'hui semblent assez hors de portée pour les PME, c'est-à-dire que pour les grands groupes, on peut imaginer qu'ils vont arriver à amortir les investissements sur de nombreuses années, mais sur une PME du BTP de 10, 20, 30 collaborateurs, qui est la majorité dans ce secteur-là et qui souffre aujourd'hui beaucoup, ça va être quand même un petit peu plus compliqué.
- Speaker #0
La solution ne viendra peut-être pas toujours de l'intérieur des entreprises. Je pense qu'il y a aussi beaucoup à espérer des logiques de collectif, en tout cas de mise en collectif, puisque par exemple au niveau du BTP, ça pourrait être une démarche qui est initiée au niveau du secteur. Et c'est peut-être aussi dans ces démarches-là, je pense qu'on est face à de tels enjeux systémiques que c'est probablement par l'alliance et par la coopération entre acteurs. qu'on arrivera à trouver des solutions qui soient suffisamment grandes et à l'échelle pour adresser ces sujets.
- Speaker #1
Une dernière chose à ajouter sur ces thèmes qui sont liés à de très très grands enjeux ?
- Speaker #0
Alors moi, il y a un sujet peut-être sur lequel je suis très interpellée en ce moment, c'est ce que j'appelle des stratégies de détravail ou de contournement de l'algorithme. C'est des comportements, je pense, qui sont de plus en plus… croise de plus en plus et que je repère de plus en plus, qui consiste en fait dans un environnement de travail souvent plutôt très numérisé avec un peu de surveillance, on va dire, de logiciels, qui consiste à vouloir de plus en plus contourner cette surveillance pour faire penser qu'on travaille alors qu'on ne travaille pas. Donc on l'a vu beaucoup avec notamment les activateurs de souris. Je ne sais pas si tu as vu passer ça. Oui,
- Speaker #1
j'en ai entendu parler.
- Speaker #0
qui clique et qui simule en fait l'activité.
- Speaker #1
Je me rappelle que je n'en ai que entendu parler de très loin, bien évidemment.
- Speaker #0
Mais du coup, ça, je trouve que c'est intéressant comme dynamique, parce qu'en fait, on... En tout cas, c'est à vraiment regarder de près, parce qu'on dessine quelque part dans un imaginaire, un monde du travail de plus en plus numérique. On entend beaucoup parler de la prédiction, de l'IA, de la manière dont ça va venir dans les RH, mais on ne se pose pas vraiment la question de ce que ça va faire sur les comportements de travail et sur le rapport au travail. Et je pense que ça, ça nous donne un petit aperçu quand même des stratégies de résistance, des stratégies de contournement, des algorithmes qui sont en train d'émerger. Yannick ? Et j'aime beaucoup ce que dit Marie Dolé, notamment sur le concept d'illisibilité. C'est le fait de ne plus vouloir être lisible par les algorithmes, pour ne plus vouloir être prédictible. Voilà, merci. Et donc, du coup, cette idée de retirer une partie de soi dans son engagement au travail, pour ne pas vouloir être trop transparent dans sa capacité à être lu par les algorithmes. Et ça, je pense que c'est quelque chose qui est très important aussi à écouter et à entendre, parce que ça peut augurer effectivement d'un rapport du travail assez nouveau si on continue dans cette direction.
- Speaker #1
Moi, ça me rend plutôt optimiste, parce que ça signifie qu'en effet, là où on entend un discours qui nous dit que les algorithmes vont finir par nous contrôler dans le sens où ils contrôlent nous, nos envies, y compris celles de voter d'un côté ou de l'autre. Ce que tu nous dis, c'est que finalement, non, ce n'est pas aussi clair que ça. Et qu'il faut prendre en compte les effets de bord liés à la numérisation à tout va, la télévance artificielle qu'on a tous en tête, parce que les salariés ne vont pas se laisser faire et les citoyens ne vont pas se laisser faire finalement.
- Speaker #0
Ils vont même développer cette compétence de contournement de l'algorithme qui peut-être demain sera une des compétences clés qu'on va rechercher dans le monde du travail, je ne sais pas.
- Speaker #1
Ah ben ça c'est une belle conclusion Parfait, merci beaucoup Noémie pour ton témoignage, c'était hyper intéressant Merci encore d'être venue Merci pour l'invitation Vous venez d'écouter Perspective le podcast dédié aux problématiques RH à l'ère de l'intelligence artificielle, de l'ARSE de la génération Z, I, XY et de toutes les autres Et si on vous a mis des étoiles dans les yeux, mettez-en 5 sur le podcast et n'hésitez pas à en parler autour de vous A bientôt !