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Éclats de Voix

Du Luxembourg à la Drôme (2): sagesse des Kogis et engagement pour le vivant, avec Éric Julien

Du Luxembourg à la Drôme (2): sagesse des Kogis et engagement pour le vivant, avec Éric Julien

52min |25/09/2025
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Description

Episode 54- Éric Julien : 40 ans avec les Kogis, entre écologie, sagesse ancestrale et engagement pour le vivant.

1985, Éric Julien fait un œdème pulmonaire dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Sauvé par les Kogis, peuple autochtone, il consacre depuis 40 ans sa vie à transmettre leurs enseignements à travers l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs et l’École pratique de la nature et des savoirs.

Dans cet épisode, il nous transmet des enseignements Kogis et raconte comment cette rencontre transformatrice l'a conduit à décoloniser les imaginaires occidentaux, à réconcilier savoirs ancestraux et science moderne, et à promouvoir un engagement concret pour le vivant.
Il partage notamment une expérience où Kogis et scientifiques arrivent aux mêmes conclusions sur l’état d’un territoire, par des approches radicalement différentes.

L’interview aborde :

  • l’importance du principe féminin marginalisé dans nos sociétés,

  • les lois du vivant qui nous traversent tous,

  • des pratiques Kogis: boire une eau pure, cultiver la joie, surveiller nos pensées, vivre en lien avec la nature.

Un témoignage puissant sur la réconciliation entre modernité et sagesse ancestrale face aux défis écologiques et spirituels de notre époque.


Retrouver le film Kogis, ensemble pour soigner la terre dont vous percevez un extrait en fond sonore: https://youtu.be/avQW_OJFywk?si=xZCxxL1SZFrChZay


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Production et montage: Anne-Claire Delval, Jean-Michel Gaudron, Cyriaque Motro

Musique: Meydän

Titre:  Synthwave Vibe

Auteur: Meydän

Source: https://meydan.bandcamp.com

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Éclats de voix, le podcast des voix engagées, qui vous donne l'élan de faire résonner la vôtre. Je suis Anne-Claire Delval, ancienne journaliste, modératrice, rédactrice, facilitatrice de prises de paroles engagées. Et à ce micro, mon souhait reste toujours de recevoir des invités pour vous donner aussi à votre tour des pistes pour que vous puissiez oser prendre la parole et vous engager. Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par vous raconter l'histoire de cet épisode parce qu'elle est très particulière et d'ailleurs au moment où je prends la parole ça me semble encore presque irréel. Alors il y a quelques semaines, quelques mois, je dirais en tout début d'été, je découvre sur l'application Prézen, qui est une application de méditation 100% solidaire, qui a été imaginée par l'association Emergence. Un parcours, comme c'est le cas régulièrement, qui est proposé par Éric Julien. Monsieur que, à ce moment-là, je ne connais pas particulièrement. Donc je m'intéresse et je me rends compte qu'il est géographe, consultant, qu'il est cofondateur de l'École pratique de la nature et des savoirs, puis aussi de l'association Tchendoukwa, entre autres choses. Ce parcours s'appelle à la rencontre de la source. Au cours des méditations, Eric Julien raconte comment un jour en 1985, donc ça fait 40 ans maintenant, alors qu'il est en randonnée dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, la plus haute montagne du monde en bordure de mer, il tombe malade, il est victime d'un œdème pulmonaire. Et il va être recueilli, soigné par des Kogui, un peuple. indien autochtone qui lui sauve la vie. Je suis bouleversée par sa voix qui porte à la fois une gravité assez douce et une évidence tranquille. Et puis il y a une petite lueur qui apparaît quand je comprends qu'il est installé dans la drone. Et puis évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Deuxième épisode, deuxième étape. Mi-août, donc quelques semaines avant le stage dans la drone. de Rome, je vais moi-même vivre une retraite chamanique en Savoie, avec Sandrine Aurisio, la chamane des Alpes, que j'avais interviewée il y a quelques mois de ça à ce micro. Dans le chalet-cabane que nous avons loué à Sandra Petit, pas très loin de chez Sandrine, il y a quelques livres posés sur une étagère. Et là, qu'est-ce que je trouve ? Les Coguies, le réveil d'une civilisation précolombaire écrit par Éric Julien. avec Gentil Cruz. Incroyable ! Alors Sandra me dit, vas-y, je te l'offre, prends-le. Moi, je l'ai lu. Les livres ici sont un peu comme les gens, ils sont de passage. Je repars avec le cœur empli de bonheur, pétillant, des étoiles dans les yeux. Je me dis, waouh, un nouveau caillou dans la main, vous savez, de ceux qui vous montrent le chemin. L'histoire continue. Troisième épisode, troisième étape. Nous voilà. dans la Drôme, chez Luc Bauer, à la ferme Salam. Et après avoir fait quelques méditations, parce que je les ai emportées avec moi, pour les partager aux gens qui participaient à cette retraite tellement je les trouvais puissantes, les participants m'ont dit « Claire, il faut absolument que tu contactes Éric Julien, c'est pas possible, il est en Drôme. » « Mais attendez, la Drôme c'est grand. » Et j'en parle à Luc, et Luc Bauer me dit « Ah, ben oui, mon fils a fréquenté l'école d'Éric. » Bon, alors là, je me suis dit, quand tous les signaux sont au vert, c'est que l'univers est en train de nous ouvrir l'autoroute, alors il va falloir y aller. Quatrième et dernière étape, dernier épisode, je contacte Eric. Et les choses se font en moins de 48 heures. Waouh, un cadeau, mais une joie immense, immense. Alors, très sincèrement, j'ai tellement plané le vendredi avant le rendez-vous en fin de journée. que j'avais tout bien préparé, mais qu'arrivée devant Eric, bim, je me rends compte que je n'ai pas mon micro. Alors on a essayé de chipoter, comme disent nos amis belges, avec le sien, ça n'a pas fonctionné, donc c'est assez rare dans Éclat de Voix, mais cette fois-ci je vous prierai d'être indulgents, parce que la bande-son, franchement elle n'est peut-être pas aussi bonne que d'habitude, mais je vous invite vraiment à dépasser votre éventuel inconfort. Parce que sincèrement, les propos d'Éric Julien méritent absolument, oui absolument, toute votre... votre attention. Et pour ma part, j'ose vraiment espérer que ce n'est que le début d'une aventure à ses côtés. Peut-être aussi aux côtés, un jour, je l'espère, des Kogui, que j'aimerais tellement aller découvrir et vous faire découvrir. Peut-être aussi, pourquoi pas, faire venir au Luxembourg, ou au moins y présenter le film de l'association Tchendoukwa-Kogui ensemble pour soigner la terre. Et que toute l'émotion que vous pouvez ressentir au moment où je vous présente C'est... épisode, et bien vous puissiez la vivre aussi. Alors je vous laisse écouter notre échange avec un cœur grand ouvert. Grand ouvert à la réconciliation nécessaire entre modernité et sagesse ancestrale, entre savoir technique, connaissance du vivant, pour faire face aux défis non seulement écologiques, mais aussi sociaux, sociétaux, planétaires. qui plane sur nous actuellement. Je vous souhaite une très belle écoute. Bon ben Eric, Julien, merci de me recevoir comme ça, à l'improviste.

  • Speaker #1

    Mais la vie n'est qu'une succession d'improvisations. Avec laquelle nous essayons de danser.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, tout m'a menée à vous depuis quelques semaines, quelques mois. Et voilà, j'arrive là avec mes questions, ma joie de vous rencontrer, objectivement. Et puis ma curiosité, alors, vous avez une vie incroyable en fait.

  • Speaker #1

    Votre histoire, ça me fait penser à une histoire que j'avais eue, où j'avais voulu enregistrer les propos d'un chaman que disait que mon petit matériel, comme vous, que j'avais testé avant pour voir s'il marchait, il m'avait dit d'accord, j'étais content. Je l'enregistre en deux heures, je reviens, j'écoute, rien. Pas un son dans le magnétophone. Je retourne, je dis, excuse-moi, est-ce que tu crois qu'on peut recommencer ? Il sourit. Je reteste tout, tout marche bien, je réenregistre tout, pas un son. C'est toujours étrange, je me dis que des fois il y a des choses qui se font, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Alors, ça fait longtemps maintenant que vous avez été sauvé en... Alors que je ne dis pas...

  • Speaker #1

    1985, ça fait exactement 40 ans.

  • Speaker #0

    40 ans, oui voilà.

  • Speaker #1

    C'est l'anniversaire.

  • Speaker #0

    Ah bah alors, ça tombe encore mieux !

  • Speaker #1

    J'espère que vous avez amené les bougies.

  • Speaker #0

    Non, mais bon, on va y arriver.

  • Speaker #1

    On ne sait pas que les bons vins mûrissent longtemps en futchelle. Il faut faire un hectare.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce que cette expérience d'extrême vulnérabilité, quand même, à un moment donné, vous avez été recueilli par un peuple, une peuplade, comment est-ce qu'on...

  • Speaker #1

    Une société. Une société, pour moi, est définie par une langue, une cosmogonie, un système juridique. Les Cogis ont tout ça, c'est une société.

  • Speaker #0

    Mais les Cogis, c'est pas leur nom d'origine.

  • Speaker #1

    Cagaba.

  • Speaker #0

    Cagaba, voilà. Et alors, je ne sais plus, vous expliquiez que les Cogis, c'est... Le terme avait été donné par les Espagnols.

  • Speaker #1

    Ça pourrait dire quelque chose comme les vilains hommes, mais ils préfèrent effectivement leur vrai nom qui est Cagaba.

  • Speaker #0

    Parce que, oui, voilà, quand les Espagnols sont arrivés, ils se sont dit qu'ils allaient par... Ils ont colonisé et puis ces gens-là...

  • Speaker #1

    C'est un peu comme les Grecs et les barbares. Tous ceux qui ne pratiquaient pas leurs lois et leurs systèmes de référence étaient considérés comme barbares. Là, tous ceux qui n'étaient pas dans le monde espagnol, colonisateurs, étaient barbares. Mais c'est toujours été comme ça, la colonisation.

  • Speaker #0

    Oui, c'est le même principe un peu partout. Donc les cacbas vous ont accueillis, vous ont sauvé la vie. Mais avant ça, vous les connaissiez ? Vous connaissiez leur existence ?

  • Speaker #1

    Non, moi j'ai grandi avec une maladie. On pourrait dire une très forte acné juvénile, ce qui vous met tout de suite en différence par rapport à la norme. Très vite, j'étais plutôt ami avec les handicapés, les pas normaux, les noirs, tout ce qui était en marge. J'avais un faible pour ces sociétés-là, mais de gamins, d'enfants, en marge et maltraités. Je suis parti en Colombie en sachant que ces sociétés existaient, en ayant quelques informations sur les codis, mais très peu. Et à leur contact, j'ai découvert plusieurs choses. La première chose, c'est qu'une société humaine qui a subi notre barbarie pendant cinq siècles peut rester fraternelle avec l'autre, y compris avec celui qui l'a détruit. Ça, c'est une sacrée leçon d'humanité. Ça fait penser à Simone Veil, qui, quelques mois après la guerre, après être sortie des camps, qui exprime le fait qu'il faudra faire la paix avec les Allemands. A l'époque, c'était incompréhensible, inaudible. Pourtant, elle avait raison. On a des gens qui ont subi cinq siècles et qui m'accueillent presque fraternellement. C'est pas banal, quand même. La deuxième chose, c'est qu'ils m'ont... juste rappeler que j'étais un vivant, ce qui n'est pas non plus anodin. Dans nos sociétés, on a complètement oublié ce que c'était que le vivant. Et la troisième chose, ils m'ont appris que rien n'est grave, puisque de toute façon, on va mourir. Il faut prendre les choses comme elles viennent. Malgré leurs difficultés, leurs souffrances, parce qu'ils subissent la mafia, l'arco-trafic et tout ça, ils restent simples et joyeux, ils ne lâchent rien. C'est une petite leçon d'humanité.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, ils sont à peu près combien ? La société existe toujours organisée de cette manière ?

  • Speaker #1

    De ce qu'on en sait, ils étaient autour de 1,5 million, 1,8 million à l'arrivée des conquistadors. Aujourd'hui, ils ne seraient que 25 000. Ils ont passé un pacte. très étonnant avec, il n'y avait pas que les caguas, il y avait d'autres sociétés autour, quand ils ont vu qu'ils ne feraient pas l'affaire face aux espagnols, ils ont proposé à trois autres communautés de se mettre sur les parties basses de la montagne, de se sacrifier, protéger les caguis qui restaient en haut, dans les parties hautes, à charge pour les caguis de préserver cette connaissance, de continuer à la transmettre de génération en génération, et lorsque les temps seront venus de la retransmettre. aux trois autres sociétés, et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Ils retransmettent leur connaissance aux trois autres communautés.

  • Speaker #0

    Waouh ! Belle leçon ! Alors, vous parlez de décoloniser les imaginaires, notamment à travers l'école que vous avez ouverte, qui s'appelle...

  • Speaker #1

    École pratique de la nature et des savoirs, dans laquelle il y a un centre de formation qui s'appelle la Comtesse, pas très loin de là où vous étiez à Boulle. Il y a une école primaire qui est ici, et une ferme... De 1000 hectares, 400 brebis, 32 vaches, peut-être permacoles, je ne sais pas, en transition en tout cas.

  • Speaker #0

    Alors concrètement, de quels imaginaires on doit se libérer dans nos sociétés occidentales ?

  • Speaker #1

    Il y a déjà un imaginaire qui est de penser que ce sont aux humains de faire les lois, qui changent quand ça les arrange, dans notre actualité politique on est un bon exemple, et qui s'imposent à la nature. C'est l'homme qui dit, c'est ça qu'il faut imposer à la nature. laisser des entrants chimiques ou envoyer des machines dans l'espace pour dire on va ralentir le réchauffement climatique. Donc c'est des lois qui sont fluctuantes, qui sont faites sur des bases pas toujours très claires, plus ou moins démocratiques. Et dans ces sociétés dont font partie les co-guides, c'est pas ça du tout, c'est quelles sont les lois ou les principes qui font de la vie. Et ces lois et ces principes étaient là bien avant nous. Ils nous traversent comme ils traversent l'écureuil, l'arbre et une forêt, et cela qu'on soit riche ou misérable, pour paraphraser un homme célèbre. On est tous soumis à ces lois-là. Donc il y a deux chemins où on les redécouvre, on les réveille dans notre société moderne. On retisse des alliances avec la vie, on continue à ne pas les écouter, puis on va mourir.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est le projet commun de tout le monde. On l'a dit, de mourir, mais on peut mourir...

  • Speaker #1

    Mais on risque de mourir dans des conditions peut-être un peu plus délicates.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Ça arrive,

  • Speaker #1

    mais c'est un peu plus violent. C'est ça,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que ce monde qu'on se prépare, on y met une énergie folle pour le faire advenir. Ça, c'est intéressant. On regarde sur les plateformes numériques, on ne parle que de guerre, que d'incendie. Beaucoup de sociétés vous diront que si tu nommes les choses, elles arrivent. Donc on n'arrête pas de nommer la guerre, nommer la violence, nommer tout ça. À force de l'appeler, on va réussir.

  • Speaker #0

    Et puis de la cultiver quand même, parce qu'effectivement, on est tout le temps en train de nous dire que tout est violent, tout est dangereux. Et ce n'est pas que le dire, c'est qu'au quotidien, on se rend bien compte, en tout cas, nous, dans les villes... Vous êtes peut-être plus préservé dans des espaces comme la Drôme, j'en sais rien, mais c'est vrai que moi je suis frappée, et j'ai été frappée il y a très très peu de temps, en pleine ville, alors que j'étais en vélo par quelqu'un qui m'a doublée, qui a mis déjà ma vie en jeu simplement en me doublant, et qui, parce que j'ai fait un geste, parce que c'était la xième fois, et que c'est ma vie, un gros 4x4 face à un cycliste, c'est le cycliste qui perd, le gars sort de là... Je colle une gifle devant tout le monde parce que je ne fais pas ce qu'il veut. Je me dis, mais quelle violence, qu'est-ce que cette personne a pu engrammer depuis des mois et des semaines et des années pour oser ça, comme ça, en pleine rue ? Et est-ce qu'on a encore de l'espace ? Vous avez fait venir les cagbas, les coguis, ici en France, dans la Drôme. Mais je me dis, est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander d'aller un petit peu partout pour explorer et nous... Donner des pistes de résilience ou peut-être de nouvelles perspectives ?

  • Speaker #1

    C'est ce qu'ils font, mais ils ont déjà tellement à faire dans leur territoire pour survivre face à la violence qui est là-bas. Et cette violence, d'après eux, elle est juste dans nos têtes et dans nos cœurs. C'est une violence qu'on projette à l'extérieur. Donc ils nous disent souvent, faites déjà la paix à l'intérieur, ça ira mieux à l'extérieur. De toute façon que projeter le réchauffement climatique, on voit comment on s'agite et on s'accélère.

  • Speaker #0

    Et dans nos têtes. C'est vrai. Maintenant, ça fait quoi ? Ça fait donc depuis ce temps-là que vous faites de l'accompagnement, l'école, etc. ? Depuis que vous êtes revenu, vous êtes resté combien de temps à leur contact ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai eu mon accident, qui m'ont soigné la première fois, pas très longtemps, une dizaine de jours. Et après, j'y retourne tous les ans depuis 40 ans. J'ai fait deux séjours de plusieurs mois chez eux, parce que je voulais un peu les rencontrer au-delà de quelques jours et de la façade. C'est des humains comme tout le monde, donc ils ont leur beau côté, puis ils ont leur côté plus rembrossé. Donc c'était intéressant de rentrer dans la réalité de leur monde. Donc j'ai passé. Presque deux ans, dans leur montagne, on commence un peu à entrevoir ce que c'est que leur réalité. C'est un peu la chanson de Jean Gabin quand il dit « Arrivés à 70 ans, je sais que je ne sais rien » . En fait, c'est un monde tellement différent du nôtre qu'on peut juste se dire qu'il y a une autre manière, comme disait Bourdieu, force de vie dans nos habitus, on nous dit qu'il existe d'autres manières de vivre sur cette terre. Il y a vraiment d'autres manières qui sont incroyables de richesse, de potentiel, d'apaisement. de reconnexion et c'était Edgar Morin qui disait « Elles ne sont pas dépassées, elles sont sans doute porteuses des clés de notre avenir, ces sociétés. »

  • Speaker #0

    Et très objectivement, pendant le stage que j'ai organisé, j'ai fait découvrir vos méditations, ce que vous avez proposé sur Prézen, aux gens qui participaient. Il y a une personne qui faisait la réflexion, qui disait en fait j'ai beaucoup aimé et j'ai été Je suis bouleversée aussi par ce que j'ai entendu et en même temps je me sens à des lieux, des kilomètres, des milliards de kilomètres de cette approche même si ça me fascine, même si je ne me dis pas que c'est n'importe quoi, pas du tout, mais c'est comme si dans ma tête ça me demanderait d'effacer tout le disque dur et de repartir à zéro. C'est quand même peut-être. aussi une façon de répondre aux anxiétés qu'on a aujourd'hui, de repartir à zéro, de voir les choses autrement.

  • Speaker #1

    Il y a un sculpteur italien contemporain qui s'appelle Miguel Angelo Pistoletto qui a, avec Edgar Morin, conçu l'idée du troisième paradis. Il explique que l'humain a vécu en harmonie avec la nature il y a sans doute un certain temps et ça ne va pas être de la tarte, il ne faut pas rêver non plus.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Mais bon, bref, il n'y a pas le choix, si vous voulez survivre. Alors ça, il appelle cette époque-là le premier paradis. Le deuxième, c'est l'époque qu'on traverse, réification et artificialisation du monde avec tous les équilibres qu'on connaît. Et son propos, c'est dire prenons le meilleur des deux, osons le dialogue, une espèce de fécondation, de transformation réciproque et cogigée. Ils ne cherchent pas forcément à rester cogigés, ils aimeraient qu'on les respecte, mais bon, c'est difficile. Ils aimeraient inventer quelque chose ensemble, qui renouvelle notre pensée, qui remette de la vie dans nos intelligences. Ça n'empêche pas de continuer à vivre. La nature, elle est à l'extérieur, mais elle est surtout à l'intérieur. On est des êtres naturels avant d'être des êtres de culture.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et puis on ne peut de toute façon pas se projeter dans une histoire qui n'est pas la nôtre, dans un environnement qui n'est pas...

  • Speaker #1

    Les Kogis, c'est leur propre culture. Par contre, ce dont ils parlent et la représentation qu'ils ont, c'est la nature et la vie.

  • Speaker #0

    Et ça,

  • Speaker #1

    on l'a en commun. L'eau qu'on boit, la terre, l'air qu'on respire, c'est la même chose. Donc ils ne nous disent pas de venir que Guy. Ils disent réveiller votre mémoire de vivant. Et on peut vous y aider. De toute façon, je pense qu'on n'a pas le choix. Si on ne fait pas ça, on se prépare des futurs pas très rigolants.

  • Speaker #0

    Alors justement, est-ce que vous avez l'impression que votre façon de porter leur message, sans être trop prétentieux non plus, mais est-ce que vous avez l'impression que ça a évolué depuis toutes ces années que vous les avez rencontrés, que vous avez été à leur contact, que vous êtes familiarisé avec leur société ?

  • Speaker #1

    Je dirais que ça se radicalise. Il y a des personnes qui sont encore plus braquées sur tous ces sujets-là, d'autres qui sont au contraire en quête, qui acceptent, même dans le monde de l'entreprise, beaucoup dans le monde de l'entreprise. J'ai accueilli un groupe d'entrepreneurs il n'y a pas très longtemps, ils sont arrivés détruits, ils vivaient, le stress, la fatigue, les régimes de vie, pas bons. Ils sont arrivés, ils sont restés deux jours, ils sont repartis, ils pleuraient. On a juste fait du silence, de la méditation, de la marche, manger des choses à peu près correctes, boire, des cercles de parole et aller méditer dans la montagne. On n'a pas fait grand chose. On voit bien qu'il y a quelque chose de l'ordre d'un rythme, on peut trouver des postures à réhabiter qui n'empêchent pas de faire des trucs, d'utiliser des outils dans la modernité. On a tous entendu cette phrase « science sans conscience est la commune de l'âme » . Il y a quelque chose de l'ordre de l'autre, conscience de vivant à réveiller.

  • Speaker #0

    Alors il y a... Une expérience que j'ai trouvée juste extraordinaire dans les méditations que vous proposez, que vous relatez, c'est, je crois que c'est en 2018, qu'un groupe de Kogui est venu ici explorer un peu, faire un « diagnostic » comme vous l'avez dit, je crois plus ou moins, du Théry. de l'état de santé de la Drôme dans laquelle vous êtes installé. Vous avez fait ça et parallèlement, vous avez fait la même démarche auprès de scientifiques. Donc chacun est arrivé avec son bagage, sa façon d'analyser, je crois que je mets des guillemets. Et ce qui est juste génial, c'est qu'à la fin, tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord, sauf que la manière dont on arrive à la même conclusion est radicalement différente. aujourd'hui, est-ce qu'on peut... Être en mesure d'entendre que la manière dont les cogis sont arrivés aux mêmes résultats que le scientifique est valide, parce qu'aujourd'hui, dans nos sociétés occidentales, il faut que tout soit validé, soit scientifiquement prouvé. C'est quelque chose contre lequel j'ai un peu de mal, parce que la science, pour moi, c'est de l'humain. Ça passe son temps à se contredire, à dire ce qu'on a dit différemment de la fois d'avant, ou à avancer, certes, mais il y a aussi des choses qui sont remises en cause, en question, et c'est normal. Bon, tout n'est pas acquis à 100%.

  • Speaker #1

    On peut dire plusieurs choses sur leur venue dans la Drôme. Il y a un poète, Paul Valéry, qui disait qu'il y a deux approches du monde et des phénomènes, celle qui unit et celle qui divise. Déjà, les Kogui, malgré cinq siècles de barbarie, nous tendent la main pour dire est-ce qu'on ne pourrait pas se parler, plutôt rapprocher. Et puis c'est Roland Barthes qui disait qu'il y a des modes de pensée plutôt briques qui morcellent, qui dissèquent, qui analysent ce qu'on a dans le monde scientifique. et des modes de pensée plutôt sous, globales, dynamiques, qui se rapprochent de la pensée sauvage de Lévi-Strauss. Donc voilà des gens qui nous tendent la main pour nous proposer de rapprocher, comme les deux jambes qui soutiennent un corps, deux approches du même monde, et loin d'être contradictoires, elles sont complémentaires, comme l'inspire et l'expire. Maintenant, est-ce qu'on y arrive ? Un, il y a le contexte qui nous invite quand même de plus en plus à... à essayer de penser différemment les choses et les phénomènes. Il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent. Il y a étrangement de plus en plus de scientifiques qui sont prêts à s'ouvrir, à explorer d'autres univers, d'autres manières de faire. Donc c'est assez encourageant. On a fait un diagnostic en 2018 dans la Drôme et un autre en 2023 sur le Rhône. Ce qui m'a frappé dans le bilan du diagnostic, quand les co-guis sont repartis, avec les scientifiques, on a dit « bon alors, qu'est-ce qu'on regarde ? » Dans les premiers tours de parole, sur le fond, rien, mais que de la joie, du plaisir d'être ensemble, d'avoir vécu cette expérience. Bien sûr qu'en creusant, on trouvait des petites choses qu'ils avaient gardées pour leur pratique, pour leur approche, leur champ d'expertise, etc. Mais c'était avant tout de la joie. Il y a une physicienne qui nous a dit « Oh, j'ai l'impression de reconnecter ma joie d'enfant » . En discutant, ça ouvre de telles perspectives, c'est tellement léger et joyeux, c'est magnifique. avoir réussi à reconnecter cette joie Il y a un film qui a été fait sur cette expérience, et dans un des films apparaît un naturaliste qui était là, et qui disait en souriant avec un rayonnement du visage, un, nos scientifiques et nos ingénieurs n'ont pas inventé la vie, et deux, nous, nous sommes des édicteurs, en identifiant, mais une étiquette, on passe au sujet suivant. Les coquilles ne sont pas là, ils sont dans une approche dynamique, globale, holistique de la vie. Ils ne nous disent pas qu'ils ont tort ou qu'ils ont raison, ils disent que leur science, c'est celle de la vie. Alors que la nôtre, c'est un petit truc qui a démarré il n'y a pas si longtemps que ça, et vous avez raison, qui est animé par des agences sociaux comme tout le monde, donc il y a leur croyance et leur peur. Donc on se rend compte qu'il y a une espèce de posture immense et bizarrement fraternelle, là où nous on est quand même avec des approches un peu qui morcellent et qui ne sont pas très fraternelles.

  • Speaker #0

    Je crois que c'est vous qui avez écrit quelque chose qui dit en substance que la curiosité, si j'ai bien lu, prend soin du monde. Comment est-ce qu'on peut la cultiver, cette curiosité, pour dépasser justement cette... Alors à la fois peut-être cette forme d'indifférence, parce qu'il y a, je pense, pas mal de gens qui sont indifférents finalement à ce qui se passe, et faire un pas peut-être vers une forme d'engagement pour un monde qui ne soit pas complètement destructeur.

  • Speaker #1

    Comment on est les enfants d'un habitus culturel qui marie dans quel monde ? Social, on a grandi. C'est sûr que si on habite à Paris, dans le triangle doré, comme on l'appelle, où les familles organisent des rallies à 150 000 euros, on n'a pas la même vision du monde que si on est à Saint-Denis, dans une société multicolore avec d'autres cultures. Donc il y a ça, il y a ce qu'on est croyant ou pas croyant, quelle formation on a su. Bref, on a cette espèce de grille qui formate notre imaginaire. C'est difficile d'en sortir, d'arriver à se dire... plus peur pour rester suffisamment fécond à tout ce qui se passe. Une rencontre, une information, un phénomène, peu importe, je l'accueille et ça me transforme. Il ne faut pas avoir peur. Souvent, on est pétri par des peurs, des croyances. Ce qui nous empêche de sortir, c'était le Christ, je ne suis pas forcément christique, mais qui disait « tous seront appelés, mais il y aura peu d'élus » . Si on prend la phrase au premier degré, tout le monde peut s'éveiller à la conscience d'être vivant. Et ce que ça veut dire ? Mais voilà, on n'a pas tous l'occasion de faire la rencontre. Ça pose une question clé, est-ce qu'on est capable de devenir humain, c'est-à-dire conscient d'être vivant parmi les vivants, par choix ou par contrainte ? Par choix, c'est toutes les voies traditionnelles où les gens s'engagent, par choix, pour grandir, pour apprendre. Par contrainte, c'est l'accident, c'est la guerre, c'est tout ce qui va nous taper dessus, qui va nous inviter fortement à grandir, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que justement votre accident, ce n'est pas ce qui a fait que votre chemin est celui-là aujourd'hui ? Si vous ne l'aviez pas eu, est-ce que le trajectoire aurait été différente ? Probablement, oui.

  • Speaker #1

    L'accident m'a complètement orienté, c'est comme une boule de billard, poum, vous vous glissez. Je pense que c'est un ensemble de choses, c'est l'accident, c'est les rencontres. J'ai rencontré quelqu'un en Colombie qui était métisse, qui avait un cœur nourri de deux histoires, celle du monde colon. Son père était un colon avec un grand élevage de vaches, et sa maman indienne, je pense qu'il est né d'un droit de cuissage, parce qu'en Colombie, dans ces époques-là, ça fonctionnait un peu comme ça. Il portait dans son cœur cette double culture. Et c'est dur d'être métisse, d'être entre deux. Et c'est en même temps les autres nos plus grandes fécondations, d'oser se mettre en porte-à-faux dans une culture qui n'est pas la sienne. Alors, il ne faut pas avoir peur. Et lui, il le portait dans son cœur. Son père voulait qu'il soit son successeur dans son exploitation agricole et lui a dit non, je vais travailler avec les Indiens. Son père lui a dit, tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison. Donc il est parti à la rencontre de son histoire, quelque part. Et lui m'a tout enseigné sur comment on dialogue respectueusement avec une culture qui n'est pas la vôtre. Oui, il y a eu l'accident, mais j'aurais pu en rester là. Reprendre ma carrière de consultant que je faisais à l'époque. Puis il y a eu cette rencontre qui m'a montré comment dialoguer. En fait, quand on regarde son parcours de vie, on voit qu'on a des étapes fondatrices et des rencontres fondatrices qui, par spirale, nous emmènent plus ou moins dans certaines directions. C'est un ensemble de choses, avec un accident fondateur.

  • Speaker #0

    Oui, après, effectivement,

  • Speaker #1

    il y a quelque chose de la fécondation. Parce que j'ai un accident, ok. La fécondation est au cœur de la pensée Kogui. Je me dis que je les aide à récupérer leur terre. Parfait, mais je ne connais ni le droit colombien, ni par où commencer. Tout d'un coup, je rencontre quelqu'un, ce métis, Fentil, qui me dit « ok, on y va » . L'idée qui était un peu flottante descend dans la matière et devient réalisable. Je suis ouvert à ce que quelqu'un vienne m'aider, moi aujourd'hui ou quelqu'un d'autre demain, pour qu'on féconde ensemble quelque chose d'autre. Il faut s'ouvrir, autrement on n'arrivera jamais à faire les choses. C'est ça que j'appelle la fécondation. Quelque chose arrive qui rend possible. C'est une suite de rendez-vous que j'accueille.

  • Speaker #0

    Vous avez fondé une association qui s'appelait Tchendoukwa, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, on a fondé deux associations. La première s'appelle Tchendoukwa. Les Kogis considèrent que sur Terre, mais d'autres sociétés le voient de la même manière, les montagnes sont reliées entre elles par une trame énergétique, on va dire ça comme ça, d'informations qui circulent sur l'ensemble du globe. Ce qu'ils appellent des chicoacals. Et si nous respectons cette rame, nous comprenons comment elle fonctionne, nous pouvons vivre en paix et en alliance et en vibration positive avec la vie sur Terre. Ils appellent ça chendoukwa.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et si nous coupons par les tunnels, des villes, des routes, sans arrêt, des téléphériques, cette rame en permanence, c'est comme si je vous coupais des trames nerveuses ou sanguines dans votre corps. à votre corps, cette crise ne va pas bien, elle est malade, et ça c'est au Chikokala, c'est la destruction de cette rame, et c'est la fin de la vie en fait. Donc Tchennoukouas, c'est un village où ils travaillent cette rame, donc on s'est dit que c'était joli, de garder l'harmonie avec la nature.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce qu'ils ont, parce que pour l'instant je n'imagine pas de société supprimer les tunnels et enlever le bitume, est-ce qu'ils ont une proposition ? quelque chose pour, entre guillemets, cicatriser nos territoires, les rendre un peu moins...

  • Speaker #1

    Dialoguer avec l'autre, que ce soit l'autre comme vous aujourd'hui, ou l'autre comme les coguis demain. Il y a cette petite phrase qui dit, l'autre nous renseigne sur ce que l'on ne sait pas, ou plus de nous. Ça ouvre des horizons incroyables. Je vous donne une liste de petits exemples.

  • Speaker #0

    Rien que le vocabulaire utilisé. Nous arrivons au parc de la Fessine, qui est à côté de Villeurbanne, 50 hectares, au bord du Rhône. Et le maire de Villeurbanne, entendu parler d'Ecogui, veut rénover son parc, le réaménager, et se dit pourquoi pas demander l'avis d'Ecogui. Donc il y a une matinée comme ça, une caravane un peu surprenante, sillonne ce parc au bord du Rhône, le directeur du parc, quelques élus, des scientifiques et d'Ecogui. Fin de la visite, Ecogui pose deux questions. Première question, c'est pourquoi vous appelez ça un parc ? Pourquoi vous parquez ? Pourquoi vous n'appelleriez pas ça école ? Pour réapprendre la vie. Rien que sur la manière dont on nomme l'espace, il y a une transformation. Parce que du coup ça pourrait servir à toutes les écoles carencées en nature qui sont dans la région de Villeurbanne, puis dans des cours en béton. La deuxième question c'est comment c'était avant que tout soit urbanisé ? Est-ce que vous avez encore la mémoire de la vie avant que vous la supprimiez ? ou avant que vous ne la domestiquiez. On s'en rend compte que non. Donc avec deux questions, il réoriente complètement un aménagement de parc pour le passer plutôt vers du ménagement de l'espace, le réveil de la mémoire avec les écoles de Villeurbanne. C'est un changement total sur deux questions et un mode vocabulaire. Donc rien que la manière dont on nomme les choses, il nous interroge. Après, deuxième exemple, on va sur une source thermale. On leur avait demandé, pour vous, un site sacré, c'est quoi ? Je dis, ça, une source thermale. Pour nous, ça c'est intéressant. Alors, sacré, c'est le seul mot qu'ils ont trouvé en espagnol qui attire notre attention, mais c'est pas forcément comme ça qu'il est désiré. Mais bref, on arrive. Quand on fait des recherches sur cette source thermale, on se rend compte qu'elle était sacrée pour les cèdres qui vivaient là avant, à côté de Clermont-Ferrand, qu'elle a été source thermale de soins très important pour les Romains, et que maintenant c'est une décharge. Donc nous ne comprenons absolument rien, plus rien, de ce qui fonde la vie sur un territoire. Cette source thermale, il y a trois points. Une, il y a une décharge. Une, il y a des produits chimiques, ce qui est au milieu d'un champ agricole. Puis la troisième, qui est vaguement au carrefour de trois pistes. Elle est un peu plus préservée, on va dire. Et on est devant cette source. Et là, un des cogis qui a été formé pour lire les bulles. On regarde les bulles qui sortent de cette source thermale et se tournent vers le géologue qui était avec nous, avec la traduction bien sûr, et demandent est-ce que les volcans sont vraiment éteints ici ? la source. et les bulles me disent que non. Un géologue très surpris dit que c'est curieux parce que depuis un an, les volcans d'Oéam se réveillent et donc nous faisons des mesures sismiques tous les mois, alors qu'avant on en faisait tous les ans, parce qu'il y a une réelle reprise des activités sismiques. Donc par rapport à votre remarque de dire que le géologue et le coguille arrivent au même résultat mais par des chemins différents, on voit qu'on a des choses à se dire sur les mêmes phénomènes. Par contre, il y a des choses qu'eux connaissent sur les territoires qu'on ne connaît pas. Donc on pourrait déjà... Parler des choses qu'on connaît, parler des postures qui permettent de les apprendre et de dialoguer, et parler des choses qu'on ne connaît pas, qui pourraient nous aider à découvrir.

  • Speaker #1

    Dans votre intention, quand vous fondez cette association, vous disiez que c'était pour qu'ils puissent récupérer certains de leur territoire, là-bas, en Colombie. Est-ce que j'imagine que la réponse est oui ? Pour vous, c'est important qu'il y ait une sorte d'équilibre, de balancier entre ce qu'on va leur apporter et ce qu'ils vont nous apporter, finalement. Parce que souvent, on fait le reproche aux associations. qui vont généreusement donner du riz à droite, essayer de creuser un puits à gauche, etc. D'avoir un côté un petit peu, j'arrive avec mon savoir et je t'enseigne ce que tu dois savoir, alors qu'en fait, toi, t'en as d'autres. Mais c'est ça que je voudrais que je mette à jour. Enfin bon, bref. En vous écoutant, c'est juste pas possible que vous ayez cette posture. Donc je trouve que c'est intéressant. Peut-être que vous nous parliez aussi de cette intention de créer du lien qui nourrit les deux côtés.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs choses. En fait, il ne voit pas un territoire comme une zone amorphe ou une succession de roches, d'arbres et d'animaux. Il parle de corps territorial avec des fonctionnalités comme un corps humain. Or, ce corps territorial est en train de mourir. Il y a quelque chose de l'ordre de la survie. Donc il nous demande à la fois d'essayer de sauvegarder ce qui peut encore l'être chez eux, en rachetant des terres, en essayant d'aider à former des jeunes pour qu'ils retrouvent ces points d'acupuncture et qu'ils sauvent et qu'ils soignent ce qu'ils peuvent encore soigner. Ils nous disent « Aidez-nous à convaincre notre gouvernement que quand on dit qu'il faut protéger un site sacré, ce n'est pas juste un truc symbolique qui appartient à notre culture, mais que c'est un point d'acupuncture du territoire. Et que si on n'en prend pas soin, tout le monde va mourir, pas que nous. Donc c'est une question de survie. Et si on ne fait pas ça, comme c'est une question planétaire, il faut aussi le faire en Europe. Donc on essaie de vous faire comprendre. Donc on avance ensemble parce que pour eux, le corps territorial, ce qu'ils appellent le corps territorial, le territoire, C'est à travers le territoire que s'expriment ce qu'on nomme les lois de C, ces fameux principes. Si on laisse la nature tranquille, elle va exprimer les lois qui lui permettent d'être bien ou juste ou harmonieuse. Si on l'aménage sans arrêt, on ne va plus avoir accès à ça. Donc ils nous proposent d'ouvrir des espaces laboratoires où on laisse un peu la nature reprendre son souffle, pour qu'on puisse comprendre comment elle marche et sauver ce qui peut l'être. Ce que j'adore chez eux, c'est qu'ils ne nous disent pas c'est comme ça qu'il faut faire, ils nous disent ensemble, si on s'écoute, on peut encore sauver quelque chose. Ils ont une très jolie réflexion, je trouve, ils disent vous avez un savoir remarquable, c'est-à-dire qu'ils respectent notre savoir, celui des machines. Mais les machines n'ont jamais permis de comprendre la nature. Et avec ça vous allez mourir. C'est pas une machine qui vous permettra de comprendre la nature. Nous avons le savoir de la nature. On ne devrait pas s'opposer, on devrait se parler.

  • Speaker #1

    Oui, on en revient toujours à cette notion de réconcilier un peu cette nature-modernité. de créer des alliances entre les deux, à quoi est-ce que ça ressemblerait finalement à une société qui parviendrait à cet équilibre ?

  • Speaker #0

    Une société qui n'aurait plus peur et qui redonnerait sa place au féminin. La terre, l'eau, le féminin, la vie sont des notions féminines. Et dans le monde moderne, c'est totalement déséquilibré. Je ne parle même pas de fameux hommes, je parle du principe féminin-masculin. Et pourquoi ? Parce que le féminin est porteur de vie et ça fait peur. C'est du surgissement, c'est de la vie. Et pour le masculin qui aime bien contrôler, on n'aime pas ça du tout. Il y a une étude du Massachusetts Institute of Technology, je le dis très mal, qui a été faite en 2010, scientifique, qui se pose la question de savoir qu'est-ce que c'est une réunion efficace. Et il conclut en disant, ce n'est pas la somme des intelligences qui est là dans cette réunion, qui fait la bonne réunion, c'est l'équilibre entre le masculin et le féminin, c'est prouvé. Tout ce que vous me disiez, on a besoin de preuves, c'est la qualité d'écoute, la qualité de présence et la qualité du lien. Ça, ça fait une bonne réunion. Et que tu ne prouves pas autre chose. Ils sont très surpris. Un moment, on a été reçu dans un comité de direction en France par 13 personnes pour parler de nos questions communes, faire un projet, comment vous faites, comment on fait, gérer un conflit. Et à la fin, un co-guide, quand on est sorti, me tire par la manche et me dit « Mais ces gens-là, comment font-ils pour prendre des réunions ? » Pourquoi ils ne pourraient pas en prendre ? Parce qu'il n'y a pas de femmes. ça ne peut pas marcher, dans les noms sans femmes.

  • Speaker #1

    Ça fait du bien.

  • Speaker #0

    C'est pas une question d'équilibre des genres, c'est même pas ça. Bien sûr. C'est qu'on n'a pas les mêmes modes de pensée. Ben évidemment. On prend les décisions sur une patte, en fait, donc elles ne sont pas équilibrées, elles sont mauvaises. Donc ça crée des déséquilibres partout.

  • Speaker #1

    Après, j'ai l'impression, alors c'est peut-être moi, parce que ça m'intéresse aussi ces sujets, mais la question de la place de la femme et au sens large du terme, comme vous disiez, et pas uniquement la femme en tant que personne et du principe féminin. J'ai l'impression que depuis quelques années, on est en train de secouer le cocotier. Alors pas forcément de la bonne manière, on est d'accord, peut-être que c'est un petit peu trop encore là dans la violence et dans...

  • Speaker #0

    En termes de droit, oui. En termes de principe, je ne vois pas beaucoup. C'est un film qui s'appelle toujours « Je reverrai ou je verrai toujours vos visages » , qui essaie de mettre des espaces de dialogue pour que victime et bourreau se parlent, d'ouvrir ce que j'appelle une matrice féminine. protectrice dans laquelle les points de vue peuvent s'échanger et co-construire. Ce genre de situation dans votre pays, il n'y en a pas beaucoup.

  • Speaker #1

    Non, pas encore, c'est vrai, c'est juste. Il y a encore beaucoup d'affrontements entre la position de victime et la position de victime, elle est presque... Maintenant, je suis intervenue il y a un petit temps dans une conférence, et on m'a dit, on va mettre témoignage d'une survivante. J'ai dit non mais... On va aller jusqu'où dans l'escalade ? En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas ça. Moi, je viens là pour témoigner et dire qu'on peut faire autrement. C'est possible. Mais ça veut dire qu'on a de la peur.

  • Speaker #0

    Parce qu'on a peur de se dévoiler, on a peur de nos vulnérabilités, on a peur de nos erreurs, on a peur de tout ça. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Par contre, quand on arrive à ouvrir ces espaces, ils sont extrêmement guérissants. Les paroles peuvent être déposées, les blessures peuvent être apaisées. Les reconnaissances peuvent être faites, mais il faut du courage, du savoir-faire. Il faut arriver à gérer ça, c'est pas facile. Les cogis sont excellents. En fait, quand on regarde bien la modernité et ces sociétés dont font partie les cogis, nous on a investi dans la transformation de la matière, plus vite, plus efficace. Et c'est vrai, on a des petites machines qui font des prouesses. Et ça s'accélère. Les cogis n'ont pas investi là-dedans, ils ont investi dans comment vivre ensemble sans se faire la guerre. Comment faire de l'altérité et de la richesse. Ils proposent que le savoir-faire qu'on a acquis, que le savoir-être qu'ils maintiennent toujours, se rencontre. C'est là que c'est complémentaire. Nous, on n'apprend pas à nos enfants à ne pas se battre dans la cour de récréation. On n'apprend pas, nos enfants, ce que c'est que la fraternité, qu'on a marquée sur nos écoles. Jamais.

  • Speaker #1

    Donc il faut qu'on fasse intervenir des co-guillards à l'école.

  • Speaker #0

    C'est l'école qui est ici, l'école Caminandien. Ça inscrit beaucoup de leur philosophie.

  • Speaker #1

    Un beau projet en tout cas. Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin après toutes ces années d'engagement et comment est-ce que vous gardez une sorte de joie un peu simple ?

  • Speaker #0

    Comment je garde la joie ? En la cultivant comme un jardin précieux, tous les matins, tous les jours. Des fois je me raconte une blague à deux balles, des fois je joue de la musique, des fois je respire à plein poumon l'air tiède de la fin d'après-midi comme c'était le cas tout à l'heure. Je crois que c'était Voltaire qui disait « on décide d'être joyeux, c'est une décision » . C'est vrai. Je réécoutais encore le gouverneur Coggy, parce qu'ils ont des représentants politiques, qui disaient « il ne faut jamais douter, jamais lâcher, continuer, continuer, continuer » .

  • Speaker #1

    Donc l'engagement, la persévérance.

  • Speaker #0

    Ma grande-tante que j'ai eu la chance de connaître quand j'étais adulte à 42-43 ans, quand je lui demandais ce qu'elle avait fait pendant la dernière guerre, elle me disait « oh je suis en camp de vacances » . Quand j'ai grandi c'était à Auschwitz et quand je lui ai demandé comment tout en est sorti, parce qu'elle m'en parlait, c'était une dame fragile mais d'une force incroyable, elle me regardait et me dit « mon chéri, la joie, la solidarité et la poésie, n'oublie jamais ça » .

  • Speaker #1

    Ah c'est joli. C'est très beau l'ensemble. Est-ce que ça pourrait être une des réponses à ce qu'on ressent de plus en plus comme une forme d'urgence écologique ? On parle beaucoup, j'ai abordé cette question-là avec certains invités sur le podcast, de l'anxiété écologique, l'urgence écologique, le réchauffement climatique. Et puis en même temps, le temps qui est plus long de celui de la transformation, de l'acquisition, de la rencontre. Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. Comment est-ce qu'on peut arriver à apaiser l'un et stimuler l'autre, peut-être ?

  • Speaker #0

    On a des gens de talent en France, en Europe, il y a vraiment des gens de talent. Mais il y a souvent deux obstacles. La difficulté à incarner. Beaucoup de gens vont vous dire, il n'y a qu'à faut qu'on, ils vont sortir un livre. C'est bien un livre, mais ça ne change pas. énormément de mal à se mettre en lien. On reste quand même campé sur nos égaux. Très difficile de baisser les armes et de se dire sincèrement c'est ensemble qu'on va y arriver. Je n'ai pas trouvé pour l'instant des gens qui s'engagent sur ce chemin. On est encore loin, on a encore besoin de briller. On va faire une action et on va la mettre sur un réseau social. On est dans la jonction. On n'est pas dans l'action. C'est la vraie action. Et puis on a un pays qui étouffe toute initiative qui lui échapperait. Cette école primaire ici, s'ils pouvaient la fermer, je pense qu'ils s'en porteraient mieux. Alors que les enfants sont heureux, font des calendriers de l'Avent avant la rentrée, tellement ils ont envie de rentrer. Et si on prend les notes ou les évaluations du collège comme un référentiel, on les met en note les meilleures évaluations au collège. C'est quoi le problème ? Ils savent lire, écrire, ils sont contents d'aller à l'école. Non, on est dans un pays qui ne peut pas entendre l'innovation sociale. Impossible. Trop bloqué, trop peur, il n'a pas encore vécu la souffrance, il ne se souvient plus de la souffrance qu'il a vécue.

  • Speaker #1

    On va vous inviter à Luxembourg pour nous parler un peu de tout ça dans une prochaine conférence qu'on essaie d'organiser avec un certain nombre de gens sur ces questions à la fois de lien entre l'école et l'entreprise, mais pas au sens mental, au sens vraiment de l'humain, et puis aussi comment repenser l'école. Et dans les gens qui sont là cette semaine, il y a une femme qui fait partie d'une association qui n'est pas elle-même enseignante à la base, elle est psychothérapeute, elle a maintenant ouvert un café de rencontre, une sorte de tiers-lieu. Et ils essayent de vrai aussi pour proposer une forme d'école différente. Et pour avoir eu quatre enfants, scolariser dans un système qui est certes pas mal, parce qu'à Luxembourg... Il y a des choses qui sont quand même novatrices, tout n'est pas bon, enfin bon souhait, mais je me dis sur une totalité de classes, aujourd'hui si on prend un enseignement traditionnel, combien d'enfants sont concernés, combien d'enfants peuvent suivre ? Mais entre les trop intelligents, je mets des guillemets, entre les pas assez intelligents, je mets aussi des guillemets. Les dyslexiques,

  • Speaker #0

    les trucs que je dis.

  • Speaker #1

    Voilà, dyscalculie, dys tout. En fait, il doit y avoir trois dans la classe à pouvoir suivre.

  • Speaker #0

    Parce qu'il n'y a qu'une seule question à se poser pour l'éducation. Comment réveiller le désir ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Pour que l'enfant, il ait envie, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    Oui, avant, je ne sais plus qui, je crois que c'était Idrissa Berkane qui disait sur l'éducation, quand on a... On a ouvert les écoles et on les a rendues obligatoires. Ce n'était pas pour les enfants que les ont rendues obligatoires, c'était pour les parents pour qu'ils arrêtent de les mettre au champ. Mais les gamins, ils étaient vachement contents d'aller plutôt sur les bancs et écouter des histoires que dans les champs. Mais l'école n'a pas beaucoup évolué après ça.

  • Speaker #0

    On rentre dans une école aujourd'hui, à 80% des cas, ça n'a pas changé. Parce que moi j'ai connu à l'école primaire du frontal, taisez-vous, immobile, on n'a jamais prouvé qu'il fallait être immobile. Les enfants font des jardins, ils vont passer 7 jours en montagne, ils font des sit-spots, 20 minutes tout seuls, hors référents adultes. Ça marche après, c'est selon les enfants et les tempéraments, mais globalement ça se passe bien. Vous avez des enfants que vous voyez revenir à un espèce de taux vibratoire, ils peuvent apprendre.

  • Speaker #1

    J'en doute pas.

  • Speaker #0

    Là on a une directrice de crèche qui avait accueilli mes enfants, qui en a maintenant 20 ans, donc qui a plus de 20 ans d'expérience de voir passer les enfants. Elle disait que les enfants qui arrivent ne jouent plus, ne se mettent plus en lien socialement, et prononcent des mots, mais qu'ils ont pris ça à 4, 3, 4, 5 ans. On se prépare des générations pour piquer des verres. Le rêve, si on parle d'éducation, le Luxembourg pourrait être porteur de ça. Ce serait vraiment une espèce de chair du futur, pour des étudiants du futur, l'élite du futur. Imaginez si Luxembourg jouait à si bel, si français, si coggy, ou à si canaque. Comme par exemple, une ancienne colonie, pour dire on va vous proposer un parcours de réconciliation de l'ensemble des savoirs et des connaissances qu'il faut avoir. Pour avoir une petite idée de ce qui se passe actuellement. C'est-à-dire que ces étudiants passeraient vraiment trois semaines avec les cogis, ou les jeunes cogis seraient valorisés, parce qu'ils pourraient leur dire comment ça marche. Puis chez les calaques, ce qui permettrait de sortir les calaques de là où on les a mis aujourd'hui en France. Puis dans une université. On apprend les institutions européennes, ça en fait partie. Et là, on pourrait donner une chance de réveiller un peu ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous oppose. Soir de l'audace, on n'a pas d'audace. Je suis intervenu dans la conférence des universités à Bruxelles il n'y a pas longtemps, des universités belges. C'est comme si on était pétrifiés par la peur, je ne sais pas. Ils écoutent, ils trouvent ça bien. En fait, le cadre est tellement sclérosant, il n'y a rien qui bouge.

  • Speaker #1

    Il faudra encore du temps, je pense. Ne perdons pas espoir, ne perdons pas espoir. Continuez,

  • Speaker #0

    continuez, continuez.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Donc si vous aviez pour terminer un enseignement, Kogi, à transmettre à nos auditeurs pour peut-être oser faire un pas ou oser eux aussi prendre la parole sur des sujets qui les concernent ou qui leur tiennent à cœur sans forcément rentrer dans... Cette notion de soit j'ai raison, soit d'opposition, soit de vouloir à tout prix convaincre, qu'est-ce que vous pourriez leur dire ?

  • Speaker #0

    Je leur dirais, allez passer trois jours en montagne, en nature, en silence, et regardez ce qui se passe pour vous. Apprenez à boire de l'eau, c'est la première relation spirituelle, de l'eau qui ne soit pas en bouteille, pas dans les tuyaux, pas avec des ultraviolets, de la vraie eau qui soit dans une vraie montagne. Apprenez-la, buvez-la lentement en comprenant. que nous sommes 80% d'eau dans le corps et que c'est la première relation spirituelle. La deuxième, c'est qu'est-ce que vous mangez ? Prenez le temps de faire votre deuxième alimentation spirituelle pour vous faire en bonne santé ou pas. La troisième, c'est qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que c'est que ces idées sombres que vous n'arrêtez pas de ramener ? C'est un apprentissage. Pour essayer de calmer ces idées, la quatrième, c'est qu'est-ce que vous dites ? Quels sont les mots, les énergies que vous envoyez aux autres ? Voilà, et puis jouer de la musique, chanter.

  • Speaker #1

    Super, ben voilà, les amis, il n'y a plus qu'à se mettre à chanter. Moi je dis d'accord, d'accord, d'accord,

  • Speaker #0

    d'accord. Il y a un scientifique, un physicien, dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui disait pour progresser, aller au-delà des apparences, il y a les mathématiques, qui par certaines formules vous font toucher, quand on est mathématicien, l'au-delà du strict réel tel qu'on le perçoit. Mais surtout c'est la musique, c'est la vibration qui vous fait tout de suite aller dans d'autres dimensions. La vibration ça nous réunit, la vibration et l'humour, les blagues. Je vois les coguilles comme si on venait en France. Il y en a un qui m'a demandé comment on dit bonjour chez toi en français. On dit bonjour ma biche. On répétait ça plusieurs fois et le lendemain on avait une rencontre avec des aigus et des échappes bleu-blanc-rouge et tout. Il s'est avancé très content, bonjour ma biche, ça fait des éclats de rire. Ça a changé totalement le rendez-vous. J'ai expliqué aux aigus, ça avait cassé une barrière. Et qu'on s'était rencontré entre potes, et là tout est possible.

  • Speaker #1

    Entre potes, super. Encore mille fois merci pour le temps que vous nous avez accordé.

  • Speaker #0

    J'espère qu'on va en faire quelque chose avec plaisir.

  • Speaker #1

    Avec plaisir, oui, j'espère bien qu'on va en faire quelque chose. Je vais certainement vous faire rire, mais cette histoire, elle a un épilogue. L'univers a continué, l'univers ou la vie ou le grotto, enfin appelez-le comme vous voulez, donc a continué de m'envoyer des signaux. Parce que tout début septembre, j'ouvre la newsletter de Simone Gray-Sol, une coach coréenne en marketing que je suis depuis un moment, dans laquelle elle nous fait part d'une quête d'espoir dans ce monde qu'elle considère comme étant en mille morceaux et qui a urgemment besoin de transformation. Donc elle explique avoir cherché des réponses en politique, dans le monde des affaires, de l'innovation, avant de se tourner vers le développement personnel. Et partout, au fur et à mesure de ses expériences, elle dit constater que les systèmes qui sont en place, politiques, économiques et même parfois spirituels, reproduisent les mêmes schémas, les limitent finalement une transformation réelle.

  • Speaker #0

    Pour conclure,

  • Speaker #1

    elle dit avoir trouvé une forme d'espoir durable, profond, en prêt, d'enseignants autochtones et de sagesse ancestrale. Deux parcours, deux histoires, et finalement un constat identique qui est que l'espoir n'est pas quelque chose de naïf à partir du moment où ça devient une pratique active et qu'elle se nourrit de rencontres vraies avec d'autres façons de voir le monde. Et c'est exactement... ce qu'on vient de faire. Alors, dans les enseignements des Kogis, Kagba, qu'Éric nous transmet, lequel finalement a retenu le plus votre attention que ce soit l'idée de décoloniser nos imaginaires ou bien la complémentarité des savoirs, la reconnexion aux vivants, le fait de féconder ensemble, de créer des ponts entre savoir-faire Et savoir être, le rééquilibrage essentiel du féminin pour que notre société soit moins dans la peur, la fraternité aussi malgré les formes d'oppression. Ou bien peut-être que le message essentiel de cet épisode ne serait-il pas de faire déjà la paix à l'intérieur parce que comme ça, ça ira mieux à l'extérieur. Je vais terminer par quand même le truc extraordinaire. C'est qu'Eric, il a fini par dédicacer le livre que m'avait offert Sandra. Merci infiniment. Et j'ai envie de conclure cet épisode par un bonjour ma biche. Alors je vous souhaite, d'ici notre prochaine rencontre, des éclats de voix que je qualifierais de malicieux.

Description

Episode 54- Éric Julien : 40 ans avec les Kogis, entre écologie, sagesse ancestrale et engagement pour le vivant.

1985, Éric Julien fait un œdème pulmonaire dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Sauvé par les Kogis, peuple autochtone, il consacre depuis 40 ans sa vie à transmettre leurs enseignements à travers l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs et l’École pratique de la nature et des savoirs.

Dans cet épisode, il nous transmet des enseignements Kogis et raconte comment cette rencontre transformatrice l'a conduit à décoloniser les imaginaires occidentaux, à réconcilier savoirs ancestraux et science moderne, et à promouvoir un engagement concret pour le vivant.
Il partage notamment une expérience où Kogis et scientifiques arrivent aux mêmes conclusions sur l’état d’un territoire, par des approches radicalement différentes.

L’interview aborde :

  • l’importance du principe féminin marginalisé dans nos sociétés,

  • les lois du vivant qui nous traversent tous,

  • des pratiques Kogis: boire une eau pure, cultiver la joie, surveiller nos pensées, vivre en lien avec la nature.

Un témoignage puissant sur la réconciliation entre modernité et sagesse ancestrale face aux défis écologiques et spirituels de notre époque.


Retrouver le film Kogis, ensemble pour soigner la terre dont vous percevez un extrait en fond sonore: https://youtu.be/avQW_OJFywk?si=xZCxxL1SZFrChZay


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Production et montage: Anne-Claire Delval, Jean-Michel Gaudron, Cyriaque Motro

Musique: Meydän

Titre:  Synthwave Vibe

Auteur: Meydän

Source: https://meydan.bandcamp.com

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Éclats de voix, le podcast des voix engagées, qui vous donne l'élan de faire résonner la vôtre. Je suis Anne-Claire Delval, ancienne journaliste, modératrice, rédactrice, facilitatrice de prises de paroles engagées. Et à ce micro, mon souhait reste toujours de recevoir des invités pour vous donner aussi à votre tour des pistes pour que vous puissiez oser prendre la parole et vous engager. Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par vous raconter l'histoire de cet épisode parce qu'elle est très particulière et d'ailleurs au moment où je prends la parole ça me semble encore presque irréel. Alors il y a quelques semaines, quelques mois, je dirais en tout début d'été, je découvre sur l'application Prézen, qui est une application de méditation 100% solidaire, qui a été imaginée par l'association Emergence. Un parcours, comme c'est le cas régulièrement, qui est proposé par Éric Julien. Monsieur que, à ce moment-là, je ne connais pas particulièrement. Donc je m'intéresse et je me rends compte qu'il est géographe, consultant, qu'il est cofondateur de l'École pratique de la nature et des savoirs, puis aussi de l'association Tchendoukwa, entre autres choses. Ce parcours s'appelle à la rencontre de la source. Au cours des méditations, Eric Julien raconte comment un jour en 1985, donc ça fait 40 ans maintenant, alors qu'il est en randonnée dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, la plus haute montagne du monde en bordure de mer, il tombe malade, il est victime d'un œdème pulmonaire. Et il va être recueilli, soigné par des Kogui, un peuple. indien autochtone qui lui sauve la vie. Je suis bouleversée par sa voix qui porte à la fois une gravité assez douce et une évidence tranquille. Et puis il y a une petite lueur qui apparaît quand je comprends qu'il est installé dans la drone. Et puis évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Deuxième épisode, deuxième étape. Mi-août, donc quelques semaines avant le stage dans la drone. de Rome, je vais moi-même vivre une retraite chamanique en Savoie, avec Sandrine Aurisio, la chamane des Alpes, que j'avais interviewée il y a quelques mois de ça à ce micro. Dans le chalet-cabane que nous avons loué à Sandra Petit, pas très loin de chez Sandrine, il y a quelques livres posés sur une étagère. Et là, qu'est-ce que je trouve ? Les Coguies, le réveil d'une civilisation précolombaire écrit par Éric Julien. avec Gentil Cruz. Incroyable ! Alors Sandra me dit, vas-y, je te l'offre, prends-le. Moi, je l'ai lu. Les livres ici sont un peu comme les gens, ils sont de passage. Je repars avec le cœur empli de bonheur, pétillant, des étoiles dans les yeux. Je me dis, waouh, un nouveau caillou dans la main, vous savez, de ceux qui vous montrent le chemin. L'histoire continue. Troisième épisode, troisième étape. Nous voilà. dans la Drôme, chez Luc Bauer, à la ferme Salam. Et après avoir fait quelques méditations, parce que je les ai emportées avec moi, pour les partager aux gens qui participaient à cette retraite tellement je les trouvais puissantes, les participants m'ont dit « Claire, il faut absolument que tu contactes Éric Julien, c'est pas possible, il est en Drôme. » « Mais attendez, la Drôme c'est grand. » Et j'en parle à Luc, et Luc Bauer me dit « Ah, ben oui, mon fils a fréquenté l'école d'Éric. » Bon, alors là, je me suis dit, quand tous les signaux sont au vert, c'est que l'univers est en train de nous ouvrir l'autoroute, alors il va falloir y aller. Quatrième et dernière étape, dernier épisode, je contacte Eric. Et les choses se font en moins de 48 heures. Waouh, un cadeau, mais une joie immense, immense. Alors, très sincèrement, j'ai tellement plané le vendredi avant le rendez-vous en fin de journée. que j'avais tout bien préparé, mais qu'arrivée devant Eric, bim, je me rends compte que je n'ai pas mon micro. Alors on a essayé de chipoter, comme disent nos amis belges, avec le sien, ça n'a pas fonctionné, donc c'est assez rare dans Éclat de Voix, mais cette fois-ci je vous prierai d'être indulgents, parce que la bande-son, franchement elle n'est peut-être pas aussi bonne que d'habitude, mais je vous invite vraiment à dépasser votre éventuel inconfort. Parce que sincèrement, les propos d'Éric Julien méritent absolument, oui absolument, toute votre... votre attention. Et pour ma part, j'ose vraiment espérer que ce n'est que le début d'une aventure à ses côtés. Peut-être aussi aux côtés, un jour, je l'espère, des Kogui, que j'aimerais tellement aller découvrir et vous faire découvrir. Peut-être aussi, pourquoi pas, faire venir au Luxembourg, ou au moins y présenter le film de l'association Tchendoukwa-Kogui ensemble pour soigner la terre. Et que toute l'émotion que vous pouvez ressentir au moment où je vous présente C'est... épisode, et bien vous puissiez la vivre aussi. Alors je vous laisse écouter notre échange avec un cœur grand ouvert. Grand ouvert à la réconciliation nécessaire entre modernité et sagesse ancestrale, entre savoir technique, connaissance du vivant, pour faire face aux défis non seulement écologiques, mais aussi sociaux, sociétaux, planétaires. qui plane sur nous actuellement. Je vous souhaite une très belle écoute. Bon ben Eric, Julien, merci de me recevoir comme ça, à l'improviste.

  • Speaker #1

    Mais la vie n'est qu'une succession d'improvisations. Avec laquelle nous essayons de danser.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, tout m'a menée à vous depuis quelques semaines, quelques mois. Et voilà, j'arrive là avec mes questions, ma joie de vous rencontrer, objectivement. Et puis ma curiosité, alors, vous avez une vie incroyable en fait.

  • Speaker #1

    Votre histoire, ça me fait penser à une histoire que j'avais eue, où j'avais voulu enregistrer les propos d'un chaman que disait que mon petit matériel, comme vous, que j'avais testé avant pour voir s'il marchait, il m'avait dit d'accord, j'étais content. Je l'enregistre en deux heures, je reviens, j'écoute, rien. Pas un son dans le magnétophone. Je retourne, je dis, excuse-moi, est-ce que tu crois qu'on peut recommencer ? Il sourit. Je reteste tout, tout marche bien, je réenregistre tout, pas un son. C'est toujours étrange, je me dis que des fois il y a des choses qui se font, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Alors, ça fait longtemps maintenant que vous avez été sauvé en... Alors que je ne dis pas...

  • Speaker #1

    1985, ça fait exactement 40 ans.

  • Speaker #0

    40 ans, oui voilà.

  • Speaker #1

    C'est l'anniversaire.

  • Speaker #0

    Ah bah alors, ça tombe encore mieux !

  • Speaker #1

    J'espère que vous avez amené les bougies.

  • Speaker #0

    Non, mais bon, on va y arriver.

  • Speaker #1

    On ne sait pas que les bons vins mûrissent longtemps en futchelle. Il faut faire un hectare.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce que cette expérience d'extrême vulnérabilité, quand même, à un moment donné, vous avez été recueilli par un peuple, une peuplade, comment est-ce qu'on...

  • Speaker #1

    Une société. Une société, pour moi, est définie par une langue, une cosmogonie, un système juridique. Les Cogis ont tout ça, c'est une société.

  • Speaker #0

    Mais les Cogis, c'est pas leur nom d'origine.

  • Speaker #1

    Cagaba.

  • Speaker #0

    Cagaba, voilà. Et alors, je ne sais plus, vous expliquiez que les Cogis, c'est... Le terme avait été donné par les Espagnols.

  • Speaker #1

    Ça pourrait dire quelque chose comme les vilains hommes, mais ils préfèrent effectivement leur vrai nom qui est Cagaba.

  • Speaker #0

    Parce que, oui, voilà, quand les Espagnols sont arrivés, ils se sont dit qu'ils allaient par... Ils ont colonisé et puis ces gens-là...

  • Speaker #1

    C'est un peu comme les Grecs et les barbares. Tous ceux qui ne pratiquaient pas leurs lois et leurs systèmes de référence étaient considérés comme barbares. Là, tous ceux qui n'étaient pas dans le monde espagnol, colonisateurs, étaient barbares. Mais c'est toujours été comme ça, la colonisation.

  • Speaker #0

    Oui, c'est le même principe un peu partout. Donc les cacbas vous ont accueillis, vous ont sauvé la vie. Mais avant ça, vous les connaissiez ? Vous connaissiez leur existence ?

  • Speaker #1

    Non, moi j'ai grandi avec une maladie. On pourrait dire une très forte acné juvénile, ce qui vous met tout de suite en différence par rapport à la norme. Très vite, j'étais plutôt ami avec les handicapés, les pas normaux, les noirs, tout ce qui était en marge. J'avais un faible pour ces sociétés-là, mais de gamins, d'enfants, en marge et maltraités. Je suis parti en Colombie en sachant que ces sociétés existaient, en ayant quelques informations sur les codis, mais très peu. Et à leur contact, j'ai découvert plusieurs choses. La première chose, c'est qu'une société humaine qui a subi notre barbarie pendant cinq siècles peut rester fraternelle avec l'autre, y compris avec celui qui l'a détruit. Ça, c'est une sacrée leçon d'humanité. Ça fait penser à Simone Veil, qui, quelques mois après la guerre, après être sortie des camps, qui exprime le fait qu'il faudra faire la paix avec les Allemands. A l'époque, c'était incompréhensible, inaudible. Pourtant, elle avait raison. On a des gens qui ont subi cinq siècles et qui m'accueillent presque fraternellement. C'est pas banal, quand même. La deuxième chose, c'est qu'ils m'ont... juste rappeler que j'étais un vivant, ce qui n'est pas non plus anodin. Dans nos sociétés, on a complètement oublié ce que c'était que le vivant. Et la troisième chose, ils m'ont appris que rien n'est grave, puisque de toute façon, on va mourir. Il faut prendre les choses comme elles viennent. Malgré leurs difficultés, leurs souffrances, parce qu'ils subissent la mafia, l'arco-trafic et tout ça, ils restent simples et joyeux, ils ne lâchent rien. C'est une petite leçon d'humanité.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, ils sont à peu près combien ? La société existe toujours organisée de cette manière ?

  • Speaker #1

    De ce qu'on en sait, ils étaient autour de 1,5 million, 1,8 million à l'arrivée des conquistadors. Aujourd'hui, ils ne seraient que 25 000. Ils ont passé un pacte. très étonnant avec, il n'y avait pas que les caguas, il y avait d'autres sociétés autour, quand ils ont vu qu'ils ne feraient pas l'affaire face aux espagnols, ils ont proposé à trois autres communautés de se mettre sur les parties basses de la montagne, de se sacrifier, protéger les caguis qui restaient en haut, dans les parties hautes, à charge pour les caguis de préserver cette connaissance, de continuer à la transmettre de génération en génération, et lorsque les temps seront venus de la retransmettre. aux trois autres sociétés, et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Ils retransmettent leur connaissance aux trois autres communautés.

  • Speaker #0

    Waouh ! Belle leçon ! Alors, vous parlez de décoloniser les imaginaires, notamment à travers l'école que vous avez ouverte, qui s'appelle...

  • Speaker #1

    École pratique de la nature et des savoirs, dans laquelle il y a un centre de formation qui s'appelle la Comtesse, pas très loin de là où vous étiez à Boulle. Il y a une école primaire qui est ici, et une ferme... De 1000 hectares, 400 brebis, 32 vaches, peut-être permacoles, je ne sais pas, en transition en tout cas.

  • Speaker #0

    Alors concrètement, de quels imaginaires on doit se libérer dans nos sociétés occidentales ?

  • Speaker #1

    Il y a déjà un imaginaire qui est de penser que ce sont aux humains de faire les lois, qui changent quand ça les arrange, dans notre actualité politique on est un bon exemple, et qui s'imposent à la nature. C'est l'homme qui dit, c'est ça qu'il faut imposer à la nature. laisser des entrants chimiques ou envoyer des machines dans l'espace pour dire on va ralentir le réchauffement climatique. Donc c'est des lois qui sont fluctuantes, qui sont faites sur des bases pas toujours très claires, plus ou moins démocratiques. Et dans ces sociétés dont font partie les co-guides, c'est pas ça du tout, c'est quelles sont les lois ou les principes qui font de la vie. Et ces lois et ces principes étaient là bien avant nous. Ils nous traversent comme ils traversent l'écureuil, l'arbre et une forêt, et cela qu'on soit riche ou misérable, pour paraphraser un homme célèbre. On est tous soumis à ces lois-là. Donc il y a deux chemins où on les redécouvre, on les réveille dans notre société moderne. On retisse des alliances avec la vie, on continue à ne pas les écouter, puis on va mourir.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est le projet commun de tout le monde. On l'a dit, de mourir, mais on peut mourir...

  • Speaker #1

    Mais on risque de mourir dans des conditions peut-être un peu plus délicates.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Ça arrive,

  • Speaker #1

    mais c'est un peu plus violent. C'est ça,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que ce monde qu'on se prépare, on y met une énergie folle pour le faire advenir. Ça, c'est intéressant. On regarde sur les plateformes numériques, on ne parle que de guerre, que d'incendie. Beaucoup de sociétés vous diront que si tu nommes les choses, elles arrivent. Donc on n'arrête pas de nommer la guerre, nommer la violence, nommer tout ça. À force de l'appeler, on va réussir.

  • Speaker #0

    Et puis de la cultiver quand même, parce qu'effectivement, on est tout le temps en train de nous dire que tout est violent, tout est dangereux. Et ce n'est pas que le dire, c'est qu'au quotidien, on se rend bien compte, en tout cas, nous, dans les villes... Vous êtes peut-être plus préservé dans des espaces comme la Drôme, j'en sais rien, mais c'est vrai que moi je suis frappée, et j'ai été frappée il y a très très peu de temps, en pleine ville, alors que j'étais en vélo par quelqu'un qui m'a doublée, qui a mis déjà ma vie en jeu simplement en me doublant, et qui, parce que j'ai fait un geste, parce que c'était la xième fois, et que c'est ma vie, un gros 4x4 face à un cycliste, c'est le cycliste qui perd, le gars sort de là... Je colle une gifle devant tout le monde parce que je ne fais pas ce qu'il veut. Je me dis, mais quelle violence, qu'est-ce que cette personne a pu engrammer depuis des mois et des semaines et des années pour oser ça, comme ça, en pleine rue ? Et est-ce qu'on a encore de l'espace ? Vous avez fait venir les cagbas, les coguis, ici en France, dans la Drôme. Mais je me dis, est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander d'aller un petit peu partout pour explorer et nous... Donner des pistes de résilience ou peut-être de nouvelles perspectives ?

  • Speaker #1

    C'est ce qu'ils font, mais ils ont déjà tellement à faire dans leur territoire pour survivre face à la violence qui est là-bas. Et cette violence, d'après eux, elle est juste dans nos têtes et dans nos cœurs. C'est une violence qu'on projette à l'extérieur. Donc ils nous disent souvent, faites déjà la paix à l'intérieur, ça ira mieux à l'extérieur. De toute façon que projeter le réchauffement climatique, on voit comment on s'agite et on s'accélère.

  • Speaker #0

    Et dans nos têtes. C'est vrai. Maintenant, ça fait quoi ? Ça fait donc depuis ce temps-là que vous faites de l'accompagnement, l'école, etc. ? Depuis que vous êtes revenu, vous êtes resté combien de temps à leur contact ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai eu mon accident, qui m'ont soigné la première fois, pas très longtemps, une dizaine de jours. Et après, j'y retourne tous les ans depuis 40 ans. J'ai fait deux séjours de plusieurs mois chez eux, parce que je voulais un peu les rencontrer au-delà de quelques jours et de la façade. C'est des humains comme tout le monde, donc ils ont leur beau côté, puis ils ont leur côté plus rembrossé. Donc c'était intéressant de rentrer dans la réalité de leur monde. Donc j'ai passé. Presque deux ans, dans leur montagne, on commence un peu à entrevoir ce que c'est que leur réalité. C'est un peu la chanson de Jean Gabin quand il dit « Arrivés à 70 ans, je sais que je ne sais rien » . En fait, c'est un monde tellement différent du nôtre qu'on peut juste se dire qu'il y a une autre manière, comme disait Bourdieu, force de vie dans nos habitus, on nous dit qu'il existe d'autres manières de vivre sur cette terre. Il y a vraiment d'autres manières qui sont incroyables de richesse, de potentiel, d'apaisement. de reconnexion et c'était Edgar Morin qui disait « Elles ne sont pas dépassées, elles sont sans doute porteuses des clés de notre avenir, ces sociétés. »

  • Speaker #0

    Et très objectivement, pendant le stage que j'ai organisé, j'ai fait découvrir vos méditations, ce que vous avez proposé sur Prézen, aux gens qui participaient. Il y a une personne qui faisait la réflexion, qui disait en fait j'ai beaucoup aimé et j'ai été Je suis bouleversée aussi par ce que j'ai entendu et en même temps je me sens à des lieux, des kilomètres, des milliards de kilomètres de cette approche même si ça me fascine, même si je ne me dis pas que c'est n'importe quoi, pas du tout, mais c'est comme si dans ma tête ça me demanderait d'effacer tout le disque dur et de repartir à zéro. C'est quand même peut-être. aussi une façon de répondre aux anxiétés qu'on a aujourd'hui, de repartir à zéro, de voir les choses autrement.

  • Speaker #1

    Il y a un sculpteur italien contemporain qui s'appelle Miguel Angelo Pistoletto qui a, avec Edgar Morin, conçu l'idée du troisième paradis. Il explique que l'humain a vécu en harmonie avec la nature il y a sans doute un certain temps et ça ne va pas être de la tarte, il ne faut pas rêver non plus.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Mais bon, bref, il n'y a pas le choix, si vous voulez survivre. Alors ça, il appelle cette époque-là le premier paradis. Le deuxième, c'est l'époque qu'on traverse, réification et artificialisation du monde avec tous les équilibres qu'on connaît. Et son propos, c'est dire prenons le meilleur des deux, osons le dialogue, une espèce de fécondation, de transformation réciproque et cogigée. Ils ne cherchent pas forcément à rester cogigés, ils aimeraient qu'on les respecte, mais bon, c'est difficile. Ils aimeraient inventer quelque chose ensemble, qui renouvelle notre pensée, qui remette de la vie dans nos intelligences. Ça n'empêche pas de continuer à vivre. La nature, elle est à l'extérieur, mais elle est surtout à l'intérieur. On est des êtres naturels avant d'être des êtres de culture.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et puis on ne peut de toute façon pas se projeter dans une histoire qui n'est pas la nôtre, dans un environnement qui n'est pas...

  • Speaker #1

    Les Kogis, c'est leur propre culture. Par contre, ce dont ils parlent et la représentation qu'ils ont, c'est la nature et la vie.

  • Speaker #0

    Et ça,

  • Speaker #1

    on l'a en commun. L'eau qu'on boit, la terre, l'air qu'on respire, c'est la même chose. Donc ils ne nous disent pas de venir que Guy. Ils disent réveiller votre mémoire de vivant. Et on peut vous y aider. De toute façon, je pense qu'on n'a pas le choix. Si on ne fait pas ça, on se prépare des futurs pas très rigolants.

  • Speaker #0

    Alors justement, est-ce que vous avez l'impression que votre façon de porter leur message, sans être trop prétentieux non plus, mais est-ce que vous avez l'impression que ça a évolué depuis toutes ces années que vous les avez rencontrés, que vous avez été à leur contact, que vous êtes familiarisé avec leur société ?

  • Speaker #1

    Je dirais que ça se radicalise. Il y a des personnes qui sont encore plus braquées sur tous ces sujets-là, d'autres qui sont au contraire en quête, qui acceptent, même dans le monde de l'entreprise, beaucoup dans le monde de l'entreprise. J'ai accueilli un groupe d'entrepreneurs il n'y a pas très longtemps, ils sont arrivés détruits, ils vivaient, le stress, la fatigue, les régimes de vie, pas bons. Ils sont arrivés, ils sont restés deux jours, ils sont repartis, ils pleuraient. On a juste fait du silence, de la méditation, de la marche, manger des choses à peu près correctes, boire, des cercles de parole et aller méditer dans la montagne. On n'a pas fait grand chose. On voit bien qu'il y a quelque chose de l'ordre d'un rythme, on peut trouver des postures à réhabiter qui n'empêchent pas de faire des trucs, d'utiliser des outils dans la modernité. On a tous entendu cette phrase « science sans conscience est la commune de l'âme » . Il y a quelque chose de l'ordre de l'autre, conscience de vivant à réveiller.

  • Speaker #0

    Alors il y a... Une expérience que j'ai trouvée juste extraordinaire dans les méditations que vous proposez, que vous relatez, c'est, je crois que c'est en 2018, qu'un groupe de Kogui est venu ici explorer un peu, faire un « diagnostic » comme vous l'avez dit, je crois plus ou moins, du Théry. de l'état de santé de la Drôme dans laquelle vous êtes installé. Vous avez fait ça et parallèlement, vous avez fait la même démarche auprès de scientifiques. Donc chacun est arrivé avec son bagage, sa façon d'analyser, je crois que je mets des guillemets. Et ce qui est juste génial, c'est qu'à la fin, tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord, sauf que la manière dont on arrive à la même conclusion est radicalement différente. aujourd'hui, est-ce qu'on peut... Être en mesure d'entendre que la manière dont les cogis sont arrivés aux mêmes résultats que le scientifique est valide, parce qu'aujourd'hui, dans nos sociétés occidentales, il faut que tout soit validé, soit scientifiquement prouvé. C'est quelque chose contre lequel j'ai un peu de mal, parce que la science, pour moi, c'est de l'humain. Ça passe son temps à se contredire, à dire ce qu'on a dit différemment de la fois d'avant, ou à avancer, certes, mais il y a aussi des choses qui sont remises en cause, en question, et c'est normal. Bon, tout n'est pas acquis à 100%.

  • Speaker #1

    On peut dire plusieurs choses sur leur venue dans la Drôme. Il y a un poète, Paul Valéry, qui disait qu'il y a deux approches du monde et des phénomènes, celle qui unit et celle qui divise. Déjà, les Kogui, malgré cinq siècles de barbarie, nous tendent la main pour dire est-ce qu'on ne pourrait pas se parler, plutôt rapprocher. Et puis c'est Roland Barthes qui disait qu'il y a des modes de pensée plutôt briques qui morcellent, qui dissèquent, qui analysent ce qu'on a dans le monde scientifique. et des modes de pensée plutôt sous, globales, dynamiques, qui se rapprochent de la pensée sauvage de Lévi-Strauss. Donc voilà des gens qui nous tendent la main pour nous proposer de rapprocher, comme les deux jambes qui soutiennent un corps, deux approches du même monde, et loin d'être contradictoires, elles sont complémentaires, comme l'inspire et l'expire. Maintenant, est-ce qu'on y arrive ? Un, il y a le contexte qui nous invite quand même de plus en plus à... à essayer de penser différemment les choses et les phénomènes. Il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent. Il y a étrangement de plus en plus de scientifiques qui sont prêts à s'ouvrir, à explorer d'autres univers, d'autres manières de faire. Donc c'est assez encourageant. On a fait un diagnostic en 2018 dans la Drôme et un autre en 2023 sur le Rhône. Ce qui m'a frappé dans le bilan du diagnostic, quand les co-guis sont repartis, avec les scientifiques, on a dit « bon alors, qu'est-ce qu'on regarde ? » Dans les premiers tours de parole, sur le fond, rien, mais que de la joie, du plaisir d'être ensemble, d'avoir vécu cette expérience. Bien sûr qu'en creusant, on trouvait des petites choses qu'ils avaient gardées pour leur pratique, pour leur approche, leur champ d'expertise, etc. Mais c'était avant tout de la joie. Il y a une physicienne qui nous a dit « Oh, j'ai l'impression de reconnecter ma joie d'enfant » . En discutant, ça ouvre de telles perspectives, c'est tellement léger et joyeux, c'est magnifique. avoir réussi à reconnecter cette joie Il y a un film qui a été fait sur cette expérience, et dans un des films apparaît un naturaliste qui était là, et qui disait en souriant avec un rayonnement du visage, un, nos scientifiques et nos ingénieurs n'ont pas inventé la vie, et deux, nous, nous sommes des édicteurs, en identifiant, mais une étiquette, on passe au sujet suivant. Les coquilles ne sont pas là, ils sont dans une approche dynamique, globale, holistique de la vie. Ils ne nous disent pas qu'ils ont tort ou qu'ils ont raison, ils disent que leur science, c'est celle de la vie. Alors que la nôtre, c'est un petit truc qui a démarré il n'y a pas si longtemps que ça, et vous avez raison, qui est animé par des agences sociaux comme tout le monde, donc il y a leur croyance et leur peur. Donc on se rend compte qu'il y a une espèce de posture immense et bizarrement fraternelle, là où nous on est quand même avec des approches un peu qui morcellent et qui ne sont pas très fraternelles.

  • Speaker #0

    Je crois que c'est vous qui avez écrit quelque chose qui dit en substance que la curiosité, si j'ai bien lu, prend soin du monde. Comment est-ce qu'on peut la cultiver, cette curiosité, pour dépasser justement cette... Alors à la fois peut-être cette forme d'indifférence, parce qu'il y a, je pense, pas mal de gens qui sont indifférents finalement à ce qui se passe, et faire un pas peut-être vers une forme d'engagement pour un monde qui ne soit pas complètement destructeur.

  • Speaker #1

    Comment on est les enfants d'un habitus culturel qui marie dans quel monde ? Social, on a grandi. C'est sûr que si on habite à Paris, dans le triangle doré, comme on l'appelle, où les familles organisent des rallies à 150 000 euros, on n'a pas la même vision du monde que si on est à Saint-Denis, dans une société multicolore avec d'autres cultures. Donc il y a ça, il y a ce qu'on est croyant ou pas croyant, quelle formation on a su. Bref, on a cette espèce de grille qui formate notre imaginaire. C'est difficile d'en sortir, d'arriver à se dire... plus peur pour rester suffisamment fécond à tout ce qui se passe. Une rencontre, une information, un phénomène, peu importe, je l'accueille et ça me transforme. Il ne faut pas avoir peur. Souvent, on est pétri par des peurs, des croyances. Ce qui nous empêche de sortir, c'était le Christ, je ne suis pas forcément christique, mais qui disait « tous seront appelés, mais il y aura peu d'élus » . Si on prend la phrase au premier degré, tout le monde peut s'éveiller à la conscience d'être vivant. Et ce que ça veut dire ? Mais voilà, on n'a pas tous l'occasion de faire la rencontre. Ça pose une question clé, est-ce qu'on est capable de devenir humain, c'est-à-dire conscient d'être vivant parmi les vivants, par choix ou par contrainte ? Par choix, c'est toutes les voies traditionnelles où les gens s'engagent, par choix, pour grandir, pour apprendre. Par contrainte, c'est l'accident, c'est la guerre, c'est tout ce qui va nous taper dessus, qui va nous inviter fortement à grandir, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que justement votre accident, ce n'est pas ce qui a fait que votre chemin est celui-là aujourd'hui ? Si vous ne l'aviez pas eu, est-ce que le trajectoire aurait été différente ? Probablement, oui.

  • Speaker #1

    L'accident m'a complètement orienté, c'est comme une boule de billard, poum, vous vous glissez. Je pense que c'est un ensemble de choses, c'est l'accident, c'est les rencontres. J'ai rencontré quelqu'un en Colombie qui était métisse, qui avait un cœur nourri de deux histoires, celle du monde colon. Son père était un colon avec un grand élevage de vaches, et sa maman indienne, je pense qu'il est né d'un droit de cuissage, parce qu'en Colombie, dans ces époques-là, ça fonctionnait un peu comme ça. Il portait dans son cœur cette double culture. Et c'est dur d'être métisse, d'être entre deux. Et c'est en même temps les autres nos plus grandes fécondations, d'oser se mettre en porte-à-faux dans une culture qui n'est pas la sienne. Alors, il ne faut pas avoir peur. Et lui, il le portait dans son cœur. Son père voulait qu'il soit son successeur dans son exploitation agricole et lui a dit non, je vais travailler avec les Indiens. Son père lui a dit, tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison. Donc il est parti à la rencontre de son histoire, quelque part. Et lui m'a tout enseigné sur comment on dialogue respectueusement avec une culture qui n'est pas la vôtre. Oui, il y a eu l'accident, mais j'aurais pu en rester là. Reprendre ma carrière de consultant que je faisais à l'époque. Puis il y a eu cette rencontre qui m'a montré comment dialoguer. En fait, quand on regarde son parcours de vie, on voit qu'on a des étapes fondatrices et des rencontres fondatrices qui, par spirale, nous emmènent plus ou moins dans certaines directions. C'est un ensemble de choses, avec un accident fondateur.

  • Speaker #0

    Oui, après, effectivement,

  • Speaker #1

    il y a quelque chose de la fécondation. Parce que j'ai un accident, ok. La fécondation est au cœur de la pensée Kogui. Je me dis que je les aide à récupérer leur terre. Parfait, mais je ne connais ni le droit colombien, ni par où commencer. Tout d'un coup, je rencontre quelqu'un, ce métis, Fentil, qui me dit « ok, on y va » . L'idée qui était un peu flottante descend dans la matière et devient réalisable. Je suis ouvert à ce que quelqu'un vienne m'aider, moi aujourd'hui ou quelqu'un d'autre demain, pour qu'on féconde ensemble quelque chose d'autre. Il faut s'ouvrir, autrement on n'arrivera jamais à faire les choses. C'est ça que j'appelle la fécondation. Quelque chose arrive qui rend possible. C'est une suite de rendez-vous que j'accueille.

  • Speaker #0

    Vous avez fondé une association qui s'appelait Tchendoukwa, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, on a fondé deux associations. La première s'appelle Tchendoukwa. Les Kogis considèrent que sur Terre, mais d'autres sociétés le voient de la même manière, les montagnes sont reliées entre elles par une trame énergétique, on va dire ça comme ça, d'informations qui circulent sur l'ensemble du globe. Ce qu'ils appellent des chicoacals. Et si nous respectons cette rame, nous comprenons comment elle fonctionne, nous pouvons vivre en paix et en alliance et en vibration positive avec la vie sur Terre. Ils appellent ça chendoukwa.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et si nous coupons par les tunnels, des villes, des routes, sans arrêt, des téléphériques, cette rame en permanence, c'est comme si je vous coupais des trames nerveuses ou sanguines dans votre corps. à votre corps, cette crise ne va pas bien, elle est malade, et ça c'est au Chikokala, c'est la destruction de cette rame, et c'est la fin de la vie en fait. Donc Tchennoukouas, c'est un village où ils travaillent cette rame, donc on s'est dit que c'était joli, de garder l'harmonie avec la nature.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce qu'ils ont, parce que pour l'instant je n'imagine pas de société supprimer les tunnels et enlever le bitume, est-ce qu'ils ont une proposition ? quelque chose pour, entre guillemets, cicatriser nos territoires, les rendre un peu moins...

  • Speaker #1

    Dialoguer avec l'autre, que ce soit l'autre comme vous aujourd'hui, ou l'autre comme les coguis demain. Il y a cette petite phrase qui dit, l'autre nous renseigne sur ce que l'on ne sait pas, ou plus de nous. Ça ouvre des horizons incroyables. Je vous donne une liste de petits exemples.

  • Speaker #0

    Rien que le vocabulaire utilisé. Nous arrivons au parc de la Fessine, qui est à côté de Villeurbanne, 50 hectares, au bord du Rhône. Et le maire de Villeurbanne, entendu parler d'Ecogui, veut rénover son parc, le réaménager, et se dit pourquoi pas demander l'avis d'Ecogui. Donc il y a une matinée comme ça, une caravane un peu surprenante, sillonne ce parc au bord du Rhône, le directeur du parc, quelques élus, des scientifiques et d'Ecogui. Fin de la visite, Ecogui pose deux questions. Première question, c'est pourquoi vous appelez ça un parc ? Pourquoi vous parquez ? Pourquoi vous n'appelleriez pas ça école ? Pour réapprendre la vie. Rien que sur la manière dont on nomme l'espace, il y a une transformation. Parce que du coup ça pourrait servir à toutes les écoles carencées en nature qui sont dans la région de Villeurbanne, puis dans des cours en béton. La deuxième question c'est comment c'était avant que tout soit urbanisé ? Est-ce que vous avez encore la mémoire de la vie avant que vous la supprimiez ? ou avant que vous ne la domestiquiez. On s'en rend compte que non. Donc avec deux questions, il réoriente complètement un aménagement de parc pour le passer plutôt vers du ménagement de l'espace, le réveil de la mémoire avec les écoles de Villeurbanne. C'est un changement total sur deux questions et un mode vocabulaire. Donc rien que la manière dont on nomme les choses, il nous interroge. Après, deuxième exemple, on va sur une source thermale. On leur avait demandé, pour vous, un site sacré, c'est quoi ? Je dis, ça, une source thermale. Pour nous, ça c'est intéressant. Alors, sacré, c'est le seul mot qu'ils ont trouvé en espagnol qui attire notre attention, mais c'est pas forcément comme ça qu'il est désiré. Mais bref, on arrive. Quand on fait des recherches sur cette source thermale, on se rend compte qu'elle était sacrée pour les cèdres qui vivaient là avant, à côté de Clermont-Ferrand, qu'elle a été source thermale de soins très important pour les Romains, et que maintenant c'est une décharge. Donc nous ne comprenons absolument rien, plus rien, de ce qui fonde la vie sur un territoire. Cette source thermale, il y a trois points. Une, il y a une décharge. Une, il y a des produits chimiques, ce qui est au milieu d'un champ agricole. Puis la troisième, qui est vaguement au carrefour de trois pistes. Elle est un peu plus préservée, on va dire. Et on est devant cette source. Et là, un des cogis qui a été formé pour lire les bulles. On regarde les bulles qui sortent de cette source thermale et se tournent vers le géologue qui était avec nous, avec la traduction bien sûr, et demandent est-ce que les volcans sont vraiment éteints ici ? la source. et les bulles me disent que non. Un géologue très surpris dit que c'est curieux parce que depuis un an, les volcans d'Oéam se réveillent et donc nous faisons des mesures sismiques tous les mois, alors qu'avant on en faisait tous les ans, parce qu'il y a une réelle reprise des activités sismiques. Donc par rapport à votre remarque de dire que le géologue et le coguille arrivent au même résultat mais par des chemins différents, on voit qu'on a des choses à se dire sur les mêmes phénomènes. Par contre, il y a des choses qu'eux connaissent sur les territoires qu'on ne connaît pas. Donc on pourrait déjà... Parler des choses qu'on connaît, parler des postures qui permettent de les apprendre et de dialoguer, et parler des choses qu'on ne connaît pas, qui pourraient nous aider à découvrir.

  • Speaker #1

    Dans votre intention, quand vous fondez cette association, vous disiez que c'était pour qu'ils puissent récupérer certains de leur territoire, là-bas, en Colombie. Est-ce que j'imagine que la réponse est oui ? Pour vous, c'est important qu'il y ait une sorte d'équilibre, de balancier entre ce qu'on va leur apporter et ce qu'ils vont nous apporter, finalement. Parce que souvent, on fait le reproche aux associations. qui vont généreusement donner du riz à droite, essayer de creuser un puits à gauche, etc. D'avoir un côté un petit peu, j'arrive avec mon savoir et je t'enseigne ce que tu dois savoir, alors qu'en fait, toi, t'en as d'autres. Mais c'est ça que je voudrais que je mette à jour. Enfin bon, bref. En vous écoutant, c'est juste pas possible que vous ayez cette posture. Donc je trouve que c'est intéressant. Peut-être que vous nous parliez aussi de cette intention de créer du lien qui nourrit les deux côtés.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs choses. En fait, il ne voit pas un territoire comme une zone amorphe ou une succession de roches, d'arbres et d'animaux. Il parle de corps territorial avec des fonctionnalités comme un corps humain. Or, ce corps territorial est en train de mourir. Il y a quelque chose de l'ordre de la survie. Donc il nous demande à la fois d'essayer de sauvegarder ce qui peut encore l'être chez eux, en rachetant des terres, en essayant d'aider à former des jeunes pour qu'ils retrouvent ces points d'acupuncture et qu'ils sauvent et qu'ils soignent ce qu'ils peuvent encore soigner. Ils nous disent « Aidez-nous à convaincre notre gouvernement que quand on dit qu'il faut protéger un site sacré, ce n'est pas juste un truc symbolique qui appartient à notre culture, mais que c'est un point d'acupuncture du territoire. Et que si on n'en prend pas soin, tout le monde va mourir, pas que nous. Donc c'est une question de survie. Et si on ne fait pas ça, comme c'est une question planétaire, il faut aussi le faire en Europe. Donc on essaie de vous faire comprendre. Donc on avance ensemble parce que pour eux, le corps territorial, ce qu'ils appellent le corps territorial, le territoire, C'est à travers le territoire que s'expriment ce qu'on nomme les lois de C, ces fameux principes. Si on laisse la nature tranquille, elle va exprimer les lois qui lui permettent d'être bien ou juste ou harmonieuse. Si on l'aménage sans arrêt, on ne va plus avoir accès à ça. Donc ils nous proposent d'ouvrir des espaces laboratoires où on laisse un peu la nature reprendre son souffle, pour qu'on puisse comprendre comment elle marche et sauver ce qui peut l'être. Ce que j'adore chez eux, c'est qu'ils ne nous disent pas c'est comme ça qu'il faut faire, ils nous disent ensemble, si on s'écoute, on peut encore sauver quelque chose. Ils ont une très jolie réflexion, je trouve, ils disent vous avez un savoir remarquable, c'est-à-dire qu'ils respectent notre savoir, celui des machines. Mais les machines n'ont jamais permis de comprendre la nature. Et avec ça vous allez mourir. C'est pas une machine qui vous permettra de comprendre la nature. Nous avons le savoir de la nature. On ne devrait pas s'opposer, on devrait se parler.

  • Speaker #1

    Oui, on en revient toujours à cette notion de réconcilier un peu cette nature-modernité. de créer des alliances entre les deux, à quoi est-ce que ça ressemblerait finalement à une société qui parviendrait à cet équilibre ?

  • Speaker #0

    Une société qui n'aurait plus peur et qui redonnerait sa place au féminin. La terre, l'eau, le féminin, la vie sont des notions féminines. Et dans le monde moderne, c'est totalement déséquilibré. Je ne parle même pas de fameux hommes, je parle du principe féminin-masculin. Et pourquoi ? Parce que le féminin est porteur de vie et ça fait peur. C'est du surgissement, c'est de la vie. Et pour le masculin qui aime bien contrôler, on n'aime pas ça du tout. Il y a une étude du Massachusetts Institute of Technology, je le dis très mal, qui a été faite en 2010, scientifique, qui se pose la question de savoir qu'est-ce que c'est une réunion efficace. Et il conclut en disant, ce n'est pas la somme des intelligences qui est là dans cette réunion, qui fait la bonne réunion, c'est l'équilibre entre le masculin et le féminin, c'est prouvé. Tout ce que vous me disiez, on a besoin de preuves, c'est la qualité d'écoute, la qualité de présence et la qualité du lien. Ça, ça fait une bonne réunion. Et que tu ne prouves pas autre chose. Ils sont très surpris. Un moment, on a été reçu dans un comité de direction en France par 13 personnes pour parler de nos questions communes, faire un projet, comment vous faites, comment on fait, gérer un conflit. Et à la fin, un co-guide, quand on est sorti, me tire par la manche et me dit « Mais ces gens-là, comment font-ils pour prendre des réunions ? » Pourquoi ils ne pourraient pas en prendre ? Parce qu'il n'y a pas de femmes. ça ne peut pas marcher, dans les noms sans femmes.

  • Speaker #1

    Ça fait du bien.

  • Speaker #0

    C'est pas une question d'équilibre des genres, c'est même pas ça. Bien sûr. C'est qu'on n'a pas les mêmes modes de pensée. Ben évidemment. On prend les décisions sur une patte, en fait, donc elles ne sont pas équilibrées, elles sont mauvaises. Donc ça crée des déséquilibres partout.

  • Speaker #1

    Après, j'ai l'impression, alors c'est peut-être moi, parce que ça m'intéresse aussi ces sujets, mais la question de la place de la femme et au sens large du terme, comme vous disiez, et pas uniquement la femme en tant que personne et du principe féminin. J'ai l'impression que depuis quelques années, on est en train de secouer le cocotier. Alors pas forcément de la bonne manière, on est d'accord, peut-être que c'est un petit peu trop encore là dans la violence et dans...

  • Speaker #0

    En termes de droit, oui. En termes de principe, je ne vois pas beaucoup. C'est un film qui s'appelle toujours « Je reverrai ou je verrai toujours vos visages » , qui essaie de mettre des espaces de dialogue pour que victime et bourreau se parlent, d'ouvrir ce que j'appelle une matrice féminine. protectrice dans laquelle les points de vue peuvent s'échanger et co-construire. Ce genre de situation dans votre pays, il n'y en a pas beaucoup.

  • Speaker #1

    Non, pas encore, c'est vrai, c'est juste. Il y a encore beaucoup d'affrontements entre la position de victime et la position de victime, elle est presque... Maintenant, je suis intervenue il y a un petit temps dans une conférence, et on m'a dit, on va mettre témoignage d'une survivante. J'ai dit non mais... On va aller jusqu'où dans l'escalade ? En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas ça. Moi, je viens là pour témoigner et dire qu'on peut faire autrement. C'est possible. Mais ça veut dire qu'on a de la peur.

  • Speaker #0

    Parce qu'on a peur de se dévoiler, on a peur de nos vulnérabilités, on a peur de nos erreurs, on a peur de tout ça. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Par contre, quand on arrive à ouvrir ces espaces, ils sont extrêmement guérissants. Les paroles peuvent être déposées, les blessures peuvent être apaisées. Les reconnaissances peuvent être faites, mais il faut du courage, du savoir-faire. Il faut arriver à gérer ça, c'est pas facile. Les cogis sont excellents. En fait, quand on regarde bien la modernité et ces sociétés dont font partie les cogis, nous on a investi dans la transformation de la matière, plus vite, plus efficace. Et c'est vrai, on a des petites machines qui font des prouesses. Et ça s'accélère. Les cogis n'ont pas investi là-dedans, ils ont investi dans comment vivre ensemble sans se faire la guerre. Comment faire de l'altérité et de la richesse. Ils proposent que le savoir-faire qu'on a acquis, que le savoir-être qu'ils maintiennent toujours, se rencontre. C'est là que c'est complémentaire. Nous, on n'apprend pas à nos enfants à ne pas se battre dans la cour de récréation. On n'apprend pas, nos enfants, ce que c'est que la fraternité, qu'on a marquée sur nos écoles. Jamais.

  • Speaker #1

    Donc il faut qu'on fasse intervenir des co-guillards à l'école.

  • Speaker #0

    C'est l'école qui est ici, l'école Caminandien. Ça inscrit beaucoup de leur philosophie.

  • Speaker #1

    Un beau projet en tout cas. Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin après toutes ces années d'engagement et comment est-ce que vous gardez une sorte de joie un peu simple ?

  • Speaker #0

    Comment je garde la joie ? En la cultivant comme un jardin précieux, tous les matins, tous les jours. Des fois je me raconte une blague à deux balles, des fois je joue de la musique, des fois je respire à plein poumon l'air tiède de la fin d'après-midi comme c'était le cas tout à l'heure. Je crois que c'était Voltaire qui disait « on décide d'être joyeux, c'est une décision » . C'est vrai. Je réécoutais encore le gouverneur Coggy, parce qu'ils ont des représentants politiques, qui disaient « il ne faut jamais douter, jamais lâcher, continuer, continuer, continuer » .

  • Speaker #1

    Donc l'engagement, la persévérance.

  • Speaker #0

    Ma grande-tante que j'ai eu la chance de connaître quand j'étais adulte à 42-43 ans, quand je lui demandais ce qu'elle avait fait pendant la dernière guerre, elle me disait « oh je suis en camp de vacances » . Quand j'ai grandi c'était à Auschwitz et quand je lui ai demandé comment tout en est sorti, parce qu'elle m'en parlait, c'était une dame fragile mais d'une force incroyable, elle me regardait et me dit « mon chéri, la joie, la solidarité et la poésie, n'oublie jamais ça » .

  • Speaker #1

    Ah c'est joli. C'est très beau l'ensemble. Est-ce que ça pourrait être une des réponses à ce qu'on ressent de plus en plus comme une forme d'urgence écologique ? On parle beaucoup, j'ai abordé cette question-là avec certains invités sur le podcast, de l'anxiété écologique, l'urgence écologique, le réchauffement climatique. Et puis en même temps, le temps qui est plus long de celui de la transformation, de l'acquisition, de la rencontre. Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. Comment est-ce qu'on peut arriver à apaiser l'un et stimuler l'autre, peut-être ?

  • Speaker #0

    On a des gens de talent en France, en Europe, il y a vraiment des gens de talent. Mais il y a souvent deux obstacles. La difficulté à incarner. Beaucoup de gens vont vous dire, il n'y a qu'à faut qu'on, ils vont sortir un livre. C'est bien un livre, mais ça ne change pas. énormément de mal à se mettre en lien. On reste quand même campé sur nos égaux. Très difficile de baisser les armes et de se dire sincèrement c'est ensemble qu'on va y arriver. Je n'ai pas trouvé pour l'instant des gens qui s'engagent sur ce chemin. On est encore loin, on a encore besoin de briller. On va faire une action et on va la mettre sur un réseau social. On est dans la jonction. On n'est pas dans l'action. C'est la vraie action. Et puis on a un pays qui étouffe toute initiative qui lui échapperait. Cette école primaire ici, s'ils pouvaient la fermer, je pense qu'ils s'en porteraient mieux. Alors que les enfants sont heureux, font des calendriers de l'Avent avant la rentrée, tellement ils ont envie de rentrer. Et si on prend les notes ou les évaluations du collège comme un référentiel, on les met en note les meilleures évaluations au collège. C'est quoi le problème ? Ils savent lire, écrire, ils sont contents d'aller à l'école. Non, on est dans un pays qui ne peut pas entendre l'innovation sociale. Impossible. Trop bloqué, trop peur, il n'a pas encore vécu la souffrance, il ne se souvient plus de la souffrance qu'il a vécue.

  • Speaker #1

    On va vous inviter à Luxembourg pour nous parler un peu de tout ça dans une prochaine conférence qu'on essaie d'organiser avec un certain nombre de gens sur ces questions à la fois de lien entre l'école et l'entreprise, mais pas au sens mental, au sens vraiment de l'humain, et puis aussi comment repenser l'école. Et dans les gens qui sont là cette semaine, il y a une femme qui fait partie d'une association qui n'est pas elle-même enseignante à la base, elle est psychothérapeute, elle a maintenant ouvert un café de rencontre, une sorte de tiers-lieu. Et ils essayent de vrai aussi pour proposer une forme d'école différente. Et pour avoir eu quatre enfants, scolariser dans un système qui est certes pas mal, parce qu'à Luxembourg... Il y a des choses qui sont quand même novatrices, tout n'est pas bon, enfin bon souhait, mais je me dis sur une totalité de classes, aujourd'hui si on prend un enseignement traditionnel, combien d'enfants sont concernés, combien d'enfants peuvent suivre ? Mais entre les trop intelligents, je mets des guillemets, entre les pas assez intelligents, je mets aussi des guillemets. Les dyslexiques,

  • Speaker #0

    les trucs que je dis.

  • Speaker #1

    Voilà, dyscalculie, dys tout. En fait, il doit y avoir trois dans la classe à pouvoir suivre.

  • Speaker #0

    Parce qu'il n'y a qu'une seule question à se poser pour l'éducation. Comment réveiller le désir ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Pour que l'enfant, il ait envie, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    Oui, avant, je ne sais plus qui, je crois que c'était Idrissa Berkane qui disait sur l'éducation, quand on a... On a ouvert les écoles et on les a rendues obligatoires. Ce n'était pas pour les enfants que les ont rendues obligatoires, c'était pour les parents pour qu'ils arrêtent de les mettre au champ. Mais les gamins, ils étaient vachement contents d'aller plutôt sur les bancs et écouter des histoires que dans les champs. Mais l'école n'a pas beaucoup évolué après ça.

  • Speaker #0

    On rentre dans une école aujourd'hui, à 80% des cas, ça n'a pas changé. Parce que moi j'ai connu à l'école primaire du frontal, taisez-vous, immobile, on n'a jamais prouvé qu'il fallait être immobile. Les enfants font des jardins, ils vont passer 7 jours en montagne, ils font des sit-spots, 20 minutes tout seuls, hors référents adultes. Ça marche après, c'est selon les enfants et les tempéraments, mais globalement ça se passe bien. Vous avez des enfants que vous voyez revenir à un espèce de taux vibratoire, ils peuvent apprendre.

  • Speaker #1

    J'en doute pas.

  • Speaker #0

    Là on a une directrice de crèche qui avait accueilli mes enfants, qui en a maintenant 20 ans, donc qui a plus de 20 ans d'expérience de voir passer les enfants. Elle disait que les enfants qui arrivent ne jouent plus, ne se mettent plus en lien socialement, et prononcent des mots, mais qu'ils ont pris ça à 4, 3, 4, 5 ans. On se prépare des générations pour piquer des verres. Le rêve, si on parle d'éducation, le Luxembourg pourrait être porteur de ça. Ce serait vraiment une espèce de chair du futur, pour des étudiants du futur, l'élite du futur. Imaginez si Luxembourg jouait à si bel, si français, si coggy, ou à si canaque. Comme par exemple, une ancienne colonie, pour dire on va vous proposer un parcours de réconciliation de l'ensemble des savoirs et des connaissances qu'il faut avoir. Pour avoir une petite idée de ce qui se passe actuellement. C'est-à-dire que ces étudiants passeraient vraiment trois semaines avec les cogis, ou les jeunes cogis seraient valorisés, parce qu'ils pourraient leur dire comment ça marche. Puis chez les calaques, ce qui permettrait de sortir les calaques de là où on les a mis aujourd'hui en France. Puis dans une université. On apprend les institutions européennes, ça en fait partie. Et là, on pourrait donner une chance de réveiller un peu ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous oppose. Soir de l'audace, on n'a pas d'audace. Je suis intervenu dans la conférence des universités à Bruxelles il n'y a pas longtemps, des universités belges. C'est comme si on était pétrifiés par la peur, je ne sais pas. Ils écoutent, ils trouvent ça bien. En fait, le cadre est tellement sclérosant, il n'y a rien qui bouge.

  • Speaker #1

    Il faudra encore du temps, je pense. Ne perdons pas espoir, ne perdons pas espoir. Continuez,

  • Speaker #0

    continuez, continuez.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Donc si vous aviez pour terminer un enseignement, Kogi, à transmettre à nos auditeurs pour peut-être oser faire un pas ou oser eux aussi prendre la parole sur des sujets qui les concernent ou qui leur tiennent à cœur sans forcément rentrer dans... Cette notion de soit j'ai raison, soit d'opposition, soit de vouloir à tout prix convaincre, qu'est-ce que vous pourriez leur dire ?

  • Speaker #0

    Je leur dirais, allez passer trois jours en montagne, en nature, en silence, et regardez ce qui se passe pour vous. Apprenez à boire de l'eau, c'est la première relation spirituelle, de l'eau qui ne soit pas en bouteille, pas dans les tuyaux, pas avec des ultraviolets, de la vraie eau qui soit dans une vraie montagne. Apprenez-la, buvez-la lentement en comprenant. que nous sommes 80% d'eau dans le corps et que c'est la première relation spirituelle. La deuxième, c'est qu'est-ce que vous mangez ? Prenez le temps de faire votre deuxième alimentation spirituelle pour vous faire en bonne santé ou pas. La troisième, c'est qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que c'est que ces idées sombres que vous n'arrêtez pas de ramener ? C'est un apprentissage. Pour essayer de calmer ces idées, la quatrième, c'est qu'est-ce que vous dites ? Quels sont les mots, les énergies que vous envoyez aux autres ? Voilà, et puis jouer de la musique, chanter.

  • Speaker #1

    Super, ben voilà, les amis, il n'y a plus qu'à se mettre à chanter. Moi je dis d'accord, d'accord, d'accord,

  • Speaker #0

    d'accord. Il y a un scientifique, un physicien, dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui disait pour progresser, aller au-delà des apparences, il y a les mathématiques, qui par certaines formules vous font toucher, quand on est mathématicien, l'au-delà du strict réel tel qu'on le perçoit. Mais surtout c'est la musique, c'est la vibration qui vous fait tout de suite aller dans d'autres dimensions. La vibration ça nous réunit, la vibration et l'humour, les blagues. Je vois les coguilles comme si on venait en France. Il y en a un qui m'a demandé comment on dit bonjour chez toi en français. On dit bonjour ma biche. On répétait ça plusieurs fois et le lendemain on avait une rencontre avec des aigus et des échappes bleu-blanc-rouge et tout. Il s'est avancé très content, bonjour ma biche, ça fait des éclats de rire. Ça a changé totalement le rendez-vous. J'ai expliqué aux aigus, ça avait cassé une barrière. Et qu'on s'était rencontré entre potes, et là tout est possible.

  • Speaker #1

    Entre potes, super. Encore mille fois merci pour le temps que vous nous avez accordé.

  • Speaker #0

    J'espère qu'on va en faire quelque chose avec plaisir.

  • Speaker #1

    Avec plaisir, oui, j'espère bien qu'on va en faire quelque chose. Je vais certainement vous faire rire, mais cette histoire, elle a un épilogue. L'univers a continué, l'univers ou la vie ou le grotto, enfin appelez-le comme vous voulez, donc a continué de m'envoyer des signaux. Parce que tout début septembre, j'ouvre la newsletter de Simone Gray-Sol, une coach coréenne en marketing que je suis depuis un moment, dans laquelle elle nous fait part d'une quête d'espoir dans ce monde qu'elle considère comme étant en mille morceaux et qui a urgemment besoin de transformation. Donc elle explique avoir cherché des réponses en politique, dans le monde des affaires, de l'innovation, avant de se tourner vers le développement personnel. Et partout, au fur et à mesure de ses expériences, elle dit constater que les systèmes qui sont en place, politiques, économiques et même parfois spirituels, reproduisent les mêmes schémas, les limitent finalement une transformation réelle.

  • Speaker #0

    Pour conclure,

  • Speaker #1

    elle dit avoir trouvé une forme d'espoir durable, profond, en prêt, d'enseignants autochtones et de sagesse ancestrale. Deux parcours, deux histoires, et finalement un constat identique qui est que l'espoir n'est pas quelque chose de naïf à partir du moment où ça devient une pratique active et qu'elle se nourrit de rencontres vraies avec d'autres façons de voir le monde. Et c'est exactement... ce qu'on vient de faire. Alors, dans les enseignements des Kogis, Kagba, qu'Éric nous transmet, lequel finalement a retenu le plus votre attention que ce soit l'idée de décoloniser nos imaginaires ou bien la complémentarité des savoirs, la reconnexion aux vivants, le fait de féconder ensemble, de créer des ponts entre savoir-faire Et savoir être, le rééquilibrage essentiel du féminin pour que notre société soit moins dans la peur, la fraternité aussi malgré les formes d'oppression. Ou bien peut-être que le message essentiel de cet épisode ne serait-il pas de faire déjà la paix à l'intérieur parce que comme ça, ça ira mieux à l'extérieur. Je vais terminer par quand même le truc extraordinaire. C'est qu'Eric, il a fini par dédicacer le livre que m'avait offert Sandra. Merci infiniment. Et j'ai envie de conclure cet épisode par un bonjour ma biche. Alors je vous souhaite, d'ici notre prochaine rencontre, des éclats de voix que je qualifierais de malicieux.

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Description

Episode 54- Éric Julien : 40 ans avec les Kogis, entre écologie, sagesse ancestrale et engagement pour le vivant.

1985, Éric Julien fait un œdème pulmonaire dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Sauvé par les Kogis, peuple autochtone, il consacre depuis 40 ans sa vie à transmettre leurs enseignements à travers l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs et l’École pratique de la nature et des savoirs.

Dans cet épisode, il nous transmet des enseignements Kogis et raconte comment cette rencontre transformatrice l'a conduit à décoloniser les imaginaires occidentaux, à réconcilier savoirs ancestraux et science moderne, et à promouvoir un engagement concret pour le vivant.
Il partage notamment une expérience où Kogis et scientifiques arrivent aux mêmes conclusions sur l’état d’un territoire, par des approches radicalement différentes.

L’interview aborde :

  • l’importance du principe féminin marginalisé dans nos sociétés,

  • les lois du vivant qui nous traversent tous,

  • des pratiques Kogis: boire une eau pure, cultiver la joie, surveiller nos pensées, vivre en lien avec la nature.

Un témoignage puissant sur la réconciliation entre modernité et sagesse ancestrale face aux défis écologiques et spirituels de notre époque.


Retrouver le film Kogis, ensemble pour soigner la terre dont vous percevez un extrait en fond sonore: https://youtu.be/avQW_OJFywk?si=xZCxxL1SZFrChZay


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Production et montage: Anne-Claire Delval, Jean-Michel Gaudron, Cyriaque Motro

Musique: Meydän

Titre:  Synthwave Vibe

Auteur: Meydän

Source: https://meydan.bandcamp.com

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Éclats de voix, le podcast des voix engagées, qui vous donne l'élan de faire résonner la vôtre. Je suis Anne-Claire Delval, ancienne journaliste, modératrice, rédactrice, facilitatrice de prises de paroles engagées. Et à ce micro, mon souhait reste toujours de recevoir des invités pour vous donner aussi à votre tour des pistes pour que vous puissiez oser prendre la parole et vous engager. Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par vous raconter l'histoire de cet épisode parce qu'elle est très particulière et d'ailleurs au moment où je prends la parole ça me semble encore presque irréel. Alors il y a quelques semaines, quelques mois, je dirais en tout début d'été, je découvre sur l'application Prézen, qui est une application de méditation 100% solidaire, qui a été imaginée par l'association Emergence. Un parcours, comme c'est le cas régulièrement, qui est proposé par Éric Julien. Monsieur que, à ce moment-là, je ne connais pas particulièrement. Donc je m'intéresse et je me rends compte qu'il est géographe, consultant, qu'il est cofondateur de l'École pratique de la nature et des savoirs, puis aussi de l'association Tchendoukwa, entre autres choses. Ce parcours s'appelle à la rencontre de la source. Au cours des méditations, Eric Julien raconte comment un jour en 1985, donc ça fait 40 ans maintenant, alors qu'il est en randonnée dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, la plus haute montagne du monde en bordure de mer, il tombe malade, il est victime d'un œdème pulmonaire. Et il va être recueilli, soigné par des Kogui, un peuple. indien autochtone qui lui sauve la vie. Je suis bouleversée par sa voix qui porte à la fois une gravité assez douce et une évidence tranquille. Et puis il y a une petite lueur qui apparaît quand je comprends qu'il est installé dans la drone. Et puis évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Deuxième épisode, deuxième étape. Mi-août, donc quelques semaines avant le stage dans la drone. de Rome, je vais moi-même vivre une retraite chamanique en Savoie, avec Sandrine Aurisio, la chamane des Alpes, que j'avais interviewée il y a quelques mois de ça à ce micro. Dans le chalet-cabane que nous avons loué à Sandra Petit, pas très loin de chez Sandrine, il y a quelques livres posés sur une étagère. Et là, qu'est-ce que je trouve ? Les Coguies, le réveil d'une civilisation précolombaire écrit par Éric Julien. avec Gentil Cruz. Incroyable ! Alors Sandra me dit, vas-y, je te l'offre, prends-le. Moi, je l'ai lu. Les livres ici sont un peu comme les gens, ils sont de passage. Je repars avec le cœur empli de bonheur, pétillant, des étoiles dans les yeux. Je me dis, waouh, un nouveau caillou dans la main, vous savez, de ceux qui vous montrent le chemin. L'histoire continue. Troisième épisode, troisième étape. Nous voilà. dans la Drôme, chez Luc Bauer, à la ferme Salam. Et après avoir fait quelques méditations, parce que je les ai emportées avec moi, pour les partager aux gens qui participaient à cette retraite tellement je les trouvais puissantes, les participants m'ont dit « Claire, il faut absolument que tu contactes Éric Julien, c'est pas possible, il est en Drôme. » « Mais attendez, la Drôme c'est grand. » Et j'en parle à Luc, et Luc Bauer me dit « Ah, ben oui, mon fils a fréquenté l'école d'Éric. » Bon, alors là, je me suis dit, quand tous les signaux sont au vert, c'est que l'univers est en train de nous ouvrir l'autoroute, alors il va falloir y aller. Quatrième et dernière étape, dernier épisode, je contacte Eric. Et les choses se font en moins de 48 heures. Waouh, un cadeau, mais une joie immense, immense. Alors, très sincèrement, j'ai tellement plané le vendredi avant le rendez-vous en fin de journée. que j'avais tout bien préparé, mais qu'arrivée devant Eric, bim, je me rends compte que je n'ai pas mon micro. Alors on a essayé de chipoter, comme disent nos amis belges, avec le sien, ça n'a pas fonctionné, donc c'est assez rare dans Éclat de Voix, mais cette fois-ci je vous prierai d'être indulgents, parce que la bande-son, franchement elle n'est peut-être pas aussi bonne que d'habitude, mais je vous invite vraiment à dépasser votre éventuel inconfort. Parce que sincèrement, les propos d'Éric Julien méritent absolument, oui absolument, toute votre... votre attention. Et pour ma part, j'ose vraiment espérer que ce n'est que le début d'une aventure à ses côtés. Peut-être aussi aux côtés, un jour, je l'espère, des Kogui, que j'aimerais tellement aller découvrir et vous faire découvrir. Peut-être aussi, pourquoi pas, faire venir au Luxembourg, ou au moins y présenter le film de l'association Tchendoukwa-Kogui ensemble pour soigner la terre. Et que toute l'émotion que vous pouvez ressentir au moment où je vous présente C'est... épisode, et bien vous puissiez la vivre aussi. Alors je vous laisse écouter notre échange avec un cœur grand ouvert. Grand ouvert à la réconciliation nécessaire entre modernité et sagesse ancestrale, entre savoir technique, connaissance du vivant, pour faire face aux défis non seulement écologiques, mais aussi sociaux, sociétaux, planétaires. qui plane sur nous actuellement. Je vous souhaite une très belle écoute. Bon ben Eric, Julien, merci de me recevoir comme ça, à l'improviste.

  • Speaker #1

    Mais la vie n'est qu'une succession d'improvisations. Avec laquelle nous essayons de danser.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, tout m'a menée à vous depuis quelques semaines, quelques mois. Et voilà, j'arrive là avec mes questions, ma joie de vous rencontrer, objectivement. Et puis ma curiosité, alors, vous avez une vie incroyable en fait.

  • Speaker #1

    Votre histoire, ça me fait penser à une histoire que j'avais eue, où j'avais voulu enregistrer les propos d'un chaman que disait que mon petit matériel, comme vous, que j'avais testé avant pour voir s'il marchait, il m'avait dit d'accord, j'étais content. Je l'enregistre en deux heures, je reviens, j'écoute, rien. Pas un son dans le magnétophone. Je retourne, je dis, excuse-moi, est-ce que tu crois qu'on peut recommencer ? Il sourit. Je reteste tout, tout marche bien, je réenregistre tout, pas un son. C'est toujours étrange, je me dis que des fois il y a des choses qui se font, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Alors, ça fait longtemps maintenant que vous avez été sauvé en... Alors que je ne dis pas...

  • Speaker #1

    1985, ça fait exactement 40 ans.

  • Speaker #0

    40 ans, oui voilà.

  • Speaker #1

    C'est l'anniversaire.

  • Speaker #0

    Ah bah alors, ça tombe encore mieux !

  • Speaker #1

    J'espère que vous avez amené les bougies.

  • Speaker #0

    Non, mais bon, on va y arriver.

  • Speaker #1

    On ne sait pas que les bons vins mûrissent longtemps en futchelle. Il faut faire un hectare.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce que cette expérience d'extrême vulnérabilité, quand même, à un moment donné, vous avez été recueilli par un peuple, une peuplade, comment est-ce qu'on...

  • Speaker #1

    Une société. Une société, pour moi, est définie par une langue, une cosmogonie, un système juridique. Les Cogis ont tout ça, c'est une société.

  • Speaker #0

    Mais les Cogis, c'est pas leur nom d'origine.

  • Speaker #1

    Cagaba.

  • Speaker #0

    Cagaba, voilà. Et alors, je ne sais plus, vous expliquiez que les Cogis, c'est... Le terme avait été donné par les Espagnols.

  • Speaker #1

    Ça pourrait dire quelque chose comme les vilains hommes, mais ils préfèrent effectivement leur vrai nom qui est Cagaba.

  • Speaker #0

    Parce que, oui, voilà, quand les Espagnols sont arrivés, ils se sont dit qu'ils allaient par... Ils ont colonisé et puis ces gens-là...

  • Speaker #1

    C'est un peu comme les Grecs et les barbares. Tous ceux qui ne pratiquaient pas leurs lois et leurs systèmes de référence étaient considérés comme barbares. Là, tous ceux qui n'étaient pas dans le monde espagnol, colonisateurs, étaient barbares. Mais c'est toujours été comme ça, la colonisation.

  • Speaker #0

    Oui, c'est le même principe un peu partout. Donc les cacbas vous ont accueillis, vous ont sauvé la vie. Mais avant ça, vous les connaissiez ? Vous connaissiez leur existence ?

  • Speaker #1

    Non, moi j'ai grandi avec une maladie. On pourrait dire une très forte acné juvénile, ce qui vous met tout de suite en différence par rapport à la norme. Très vite, j'étais plutôt ami avec les handicapés, les pas normaux, les noirs, tout ce qui était en marge. J'avais un faible pour ces sociétés-là, mais de gamins, d'enfants, en marge et maltraités. Je suis parti en Colombie en sachant que ces sociétés existaient, en ayant quelques informations sur les codis, mais très peu. Et à leur contact, j'ai découvert plusieurs choses. La première chose, c'est qu'une société humaine qui a subi notre barbarie pendant cinq siècles peut rester fraternelle avec l'autre, y compris avec celui qui l'a détruit. Ça, c'est une sacrée leçon d'humanité. Ça fait penser à Simone Veil, qui, quelques mois après la guerre, après être sortie des camps, qui exprime le fait qu'il faudra faire la paix avec les Allemands. A l'époque, c'était incompréhensible, inaudible. Pourtant, elle avait raison. On a des gens qui ont subi cinq siècles et qui m'accueillent presque fraternellement. C'est pas banal, quand même. La deuxième chose, c'est qu'ils m'ont... juste rappeler que j'étais un vivant, ce qui n'est pas non plus anodin. Dans nos sociétés, on a complètement oublié ce que c'était que le vivant. Et la troisième chose, ils m'ont appris que rien n'est grave, puisque de toute façon, on va mourir. Il faut prendre les choses comme elles viennent. Malgré leurs difficultés, leurs souffrances, parce qu'ils subissent la mafia, l'arco-trafic et tout ça, ils restent simples et joyeux, ils ne lâchent rien. C'est une petite leçon d'humanité.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, ils sont à peu près combien ? La société existe toujours organisée de cette manière ?

  • Speaker #1

    De ce qu'on en sait, ils étaient autour de 1,5 million, 1,8 million à l'arrivée des conquistadors. Aujourd'hui, ils ne seraient que 25 000. Ils ont passé un pacte. très étonnant avec, il n'y avait pas que les caguas, il y avait d'autres sociétés autour, quand ils ont vu qu'ils ne feraient pas l'affaire face aux espagnols, ils ont proposé à trois autres communautés de se mettre sur les parties basses de la montagne, de se sacrifier, protéger les caguis qui restaient en haut, dans les parties hautes, à charge pour les caguis de préserver cette connaissance, de continuer à la transmettre de génération en génération, et lorsque les temps seront venus de la retransmettre. aux trois autres sociétés, et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Ils retransmettent leur connaissance aux trois autres communautés.

  • Speaker #0

    Waouh ! Belle leçon ! Alors, vous parlez de décoloniser les imaginaires, notamment à travers l'école que vous avez ouverte, qui s'appelle...

  • Speaker #1

    École pratique de la nature et des savoirs, dans laquelle il y a un centre de formation qui s'appelle la Comtesse, pas très loin de là où vous étiez à Boulle. Il y a une école primaire qui est ici, et une ferme... De 1000 hectares, 400 brebis, 32 vaches, peut-être permacoles, je ne sais pas, en transition en tout cas.

  • Speaker #0

    Alors concrètement, de quels imaginaires on doit se libérer dans nos sociétés occidentales ?

  • Speaker #1

    Il y a déjà un imaginaire qui est de penser que ce sont aux humains de faire les lois, qui changent quand ça les arrange, dans notre actualité politique on est un bon exemple, et qui s'imposent à la nature. C'est l'homme qui dit, c'est ça qu'il faut imposer à la nature. laisser des entrants chimiques ou envoyer des machines dans l'espace pour dire on va ralentir le réchauffement climatique. Donc c'est des lois qui sont fluctuantes, qui sont faites sur des bases pas toujours très claires, plus ou moins démocratiques. Et dans ces sociétés dont font partie les co-guides, c'est pas ça du tout, c'est quelles sont les lois ou les principes qui font de la vie. Et ces lois et ces principes étaient là bien avant nous. Ils nous traversent comme ils traversent l'écureuil, l'arbre et une forêt, et cela qu'on soit riche ou misérable, pour paraphraser un homme célèbre. On est tous soumis à ces lois-là. Donc il y a deux chemins où on les redécouvre, on les réveille dans notre société moderne. On retisse des alliances avec la vie, on continue à ne pas les écouter, puis on va mourir.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est le projet commun de tout le monde. On l'a dit, de mourir, mais on peut mourir...

  • Speaker #1

    Mais on risque de mourir dans des conditions peut-être un peu plus délicates.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Ça arrive,

  • Speaker #1

    mais c'est un peu plus violent. C'est ça,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que ce monde qu'on se prépare, on y met une énergie folle pour le faire advenir. Ça, c'est intéressant. On regarde sur les plateformes numériques, on ne parle que de guerre, que d'incendie. Beaucoup de sociétés vous diront que si tu nommes les choses, elles arrivent. Donc on n'arrête pas de nommer la guerre, nommer la violence, nommer tout ça. À force de l'appeler, on va réussir.

  • Speaker #0

    Et puis de la cultiver quand même, parce qu'effectivement, on est tout le temps en train de nous dire que tout est violent, tout est dangereux. Et ce n'est pas que le dire, c'est qu'au quotidien, on se rend bien compte, en tout cas, nous, dans les villes... Vous êtes peut-être plus préservé dans des espaces comme la Drôme, j'en sais rien, mais c'est vrai que moi je suis frappée, et j'ai été frappée il y a très très peu de temps, en pleine ville, alors que j'étais en vélo par quelqu'un qui m'a doublée, qui a mis déjà ma vie en jeu simplement en me doublant, et qui, parce que j'ai fait un geste, parce que c'était la xième fois, et que c'est ma vie, un gros 4x4 face à un cycliste, c'est le cycliste qui perd, le gars sort de là... Je colle une gifle devant tout le monde parce que je ne fais pas ce qu'il veut. Je me dis, mais quelle violence, qu'est-ce que cette personne a pu engrammer depuis des mois et des semaines et des années pour oser ça, comme ça, en pleine rue ? Et est-ce qu'on a encore de l'espace ? Vous avez fait venir les cagbas, les coguis, ici en France, dans la Drôme. Mais je me dis, est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander d'aller un petit peu partout pour explorer et nous... Donner des pistes de résilience ou peut-être de nouvelles perspectives ?

  • Speaker #1

    C'est ce qu'ils font, mais ils ont déjà tellement à faire dans leur territoire pour survivre face à la violence qui est là-bas. Et cette violence, d'après eux, elle est juste dans nos têtes et dans nos cœurs. C'est une violence qu'on projette à l'extérieur. Donc ils nous disent souvent, faites déjà la paix à l'intérieur, ça ira mieux à l'extérieur. De toute façon que projeter le réchauffement climatique, on voit comment on s'agite et on s'accélère.

  • Speaker #0

    Et dans nos têtes. C'est vrai. Maintenant, ça fait quoi ? Ça fait donc depuis ce temps-là que vous faites de l'accompagnement, l'école, etc. ? Depuis que vous êtes revenu, vous êtes resté combien de temps à leur contact ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai eu mon accident, qui m'ont soigné la première fois, pas très longtemps, une dizaine de jours. Et après, j'y retourne tous les ans depuis 40 ans. J'ai fait deux séjours de plusieurs mois chez eux, parce que je voulais un peu les rencontrer au-delà de quelques jours et de la façade. C'est des humains comme tout le monde, donc ils ont leur beau côté, puis ils ont leur côté plus rembrossé. Donc c'était intéressant de rentrer dans la réalité de leur monde. Donc j'ai passé. Presque deux ans, dans leur montagne, on commence un peu à entrevoir ce que c'est que leur réalité. C'est un peu la chanson de Jean Gabin quand il dit « Arrivés à 70 ans, je sais que je ne sais rien » . En fait, c'est un monde tellement différent du nôtre qu'on peut juste se dire qu'il y a une autre manière, comme disait Bourdieu, force de vie dans nos habitus, on nous dit qu'il existe d'autres manières de vivre sur cette terre. Il y a vraiment d'autres manières qui sont incroyables de richesse, de potentiel, d'apaisement. de reconnexion et c'était Edgar Morin qui disait « Elles ne sont pas dépassées, elles sont sans doute porteuses des clés de notre avenir, ces sociétés. »

  • Speaker #0

    Et très objectivement, pendant le stage que j'ai organisé, j'ai fait découvrir vos méditations, ce que vous avez proposé sur Prézen, aux gens qui participaient. Il y a une personne qui faisait la réflexion, qui disait en fait j'ai beaucoup aimé et j'ai été Je suis bouleversée aussi par ce que j'ai entendu et en même temps je me sens à des lieux, des kilomètres, des milliards de kilomètres de cette approche même si ça me fascine, même si je ne me dis pas que c'est n'importe quoi, pas du tout, mais c'est comme si dans ma tête ça me demanderait d'effacer tout le disque dur et de repartir à zéro. C'est quand même peut-être. aussi une façon de répondre aux anxiétés qu'on a aujourd'hui, de repartir à zéro, de voir les choses autrement.

  • Speaker #1

    Il y a un sculpteur italien contemporain qui s'appelle Miguel Angelo Pistoletto qui a, avec Edgar Morin, conçu l'idée du troisième paradis. Il explique que l'humain a vécu en harmonie avec la nature il y a sans doute un certain temps et ça ne va pas être de la tarte, il ne faut pas rêver non plus.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Mais bon, bref, il n'y a pas le choix, si vous voulez survivre. Alors ça, il appelle cette époque-là le premier paradis. Le deuxième, c'est l'époque qu'on traverse, réification et artificialisation du monde avec tous les équilibres qu'on connaît. Et son propos, c'est dire prenons le meilleur des deux, osons le dialogue, une espèce de fécondation, de transformation réciproque et cogigée. Ils ne cherchent pas forcément à rester cogigés, ils aimeraient qu'on les respecte, mais bon, c'est difficile. Ils aimeraient inventer quelque chose ensemble, qui renouvelle notre pensée, qui remette de la vie dans nos intelligences. Ça n'empêche pas de continuer à vivre. La nature, elle est à l'extérieur, mais elle est surtout à l'intérieur. On est des êtres naturels avant d'être des êtres de culture.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et puis on ne peut de toute façon pas se projeter dans une histoire qui n'est pas la nôtre, dans un environnement qui n'est pas...

  • Speaker #1

    Les Kogis, c'est leur propre culture. Par contre, ce dont ils parlent et la représentation qu'ils ont, c'est la nature et la vie.

  • Speaker #0

    Et ça,

  • Speaker #1

    on l'a en commun. L'eau qu'on boit, la terre, l'air qu'on respire, c'est la même chose. Donc ils ne nous disent pas de venir que Guy. Ils disent réveiller votre mémoire de vivant. Et on peut vous y aider. De toute façon, je pense qu'on n'a pas le choix. Si on ne fait pas ça, on se prépare des futurs pas très rigolants.

  • Speaker #0

    Alors justement, est-ce que vous avez l'impression que votre façon de porter leur message, sans être trop prétentieux non plus, mais est-ce que vous avez l'impression que ça a évolué depuis toutes ces années que vous les avez rencontrés, que vous avez été à leur contact, que vous êtes familiarisé avec leur société ?

  • Speaker #1

    Je dirais que ça se radicalise. Il y a des personnes qui sont encore plus braquées sur tous ces sujets-là, d'autres qui sont au contraire en quête, qui acceptent, même dans le monde de l'entreprise, beaucoup dans le monde de l'entreprise. J'ai accueilli un groupe d'entrepreneurs il n'y a pas très longtemps, ils sont arrivés détruits, ils vivaient, le stress, la fatigue, les régimes de vie, pas bons. Ils sont arrivés, ils sont restés deux jours, ils sont repartis, ils pleuraient. On a juste fait du silence, de la méditation, de la marche, manger des choses à peu près correctes, boire, des cercles de parole et aller méditer dans la montagne. On n'a pas fait grand chose. On voit bien qu'il y a quelque chose de l'ordre d'un rythme, on peut trouver des postures à réhabiter qui n'empêchent pas de faire des trucs, d'utiliser des outils dans la modernité. On a tous entendu cette phrase « science sans conscience est la commune de l'âme » . Il y a quelque chose de l'ordre de l'autre, conscience de vivant à réveiller.

  • Speaker #0

    Alors il y a... Une expérience que j'ai trouvée juste extraordinaire dans les méditations que vous proposez, que vous relatez, c'est, je crois que c'est en 2018, qu'un groupe de Kogui est venu ici explorer un peu, faire un « diagnostic » comme vous l'avez dit, je crois plus ou moins, du Théry. de l'état de santé de la Drôme dans laquelle vous êtes installé. Vous avez fait ça et parallèlement, vous avez fait la même démarche auprès de scientifiques. Donc chacun est arrivé avec son bagage, sa façon d'analyser, je crois que je mets des guillemets. Et ce qui est juste génial, c'est qu'à la fin, tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord, sauf que la manière dont on arrive à la même conclusion est radicalement différente. aujourd'hui, est-ce qu'on peut... Être en mesure d'entendre que la manière dont les cogis sont arrivés aux mêmes résultats que le scientifique est valide, parce qu'aujourd'hui, dans nos sociétés occidentales, il faut que tout soit validé, soit scientifiquement prouvé. C'est quelque chose contre lequel j'ai un peu de mal, parce que la science, pour moi, c'est de l'humain. Ça passe son temps à se contredire, à dire ce qu'on a dit différemment de la fois d'avant, ou à avancer, certes, mais il y a aussi des choses qui sont remises en cause, en question, et c'est normal. Bon, tout n'est pas acquis à 100%.

  • Speaker #1

    On peut dire plusieurs choses sur leur venue dans la Drôme. Il y a un poète, Paul Valéry, qui disait qu'il y a deux approches du monde et des phénomènes, celle qui unit et celle qui divise. Déjà, les Kogui, malgré cinq siècles de barbarie, nous tendent la main pour dire est-ce qu'on ne pourrait pas se parler, plutôt rapprocher. Et puis c'est Roland Barthes qui disait qu'il y a des modes de pensée plutôt briques qui morcellent, qui dissèquent, qui analysent ce qu'on a dans le monde scientifique. et des modes de pensée plutôt sous, globales, dynamiques, qui se rapprochent de la pensée sauvage de Lévi-Strauss. Donc voilà des gens qui nous tendent la main pour nous proposer de rapprocher, comme les deux jambes qui soutiennent un corps, deux approches du même monde, et loin d'être contradictoires, elles sont complémentaires, comme l'inspire et l'expire. Maintenant, est-ce qu'on y arrive ? Un, il y a le contexte qui nous invite quand même de plus en plus à... à essayer de penser différemment les choses et les phénomènes. Il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent. Il y a étrangement de plus en plus de scientifiques qui sont prêts à s'ouvrir, à explorer d'autres univers, d'autres manières de faire. Donc c'est assez encourageant. On a fait un diagnostic en 2018 dans la Drôme et un autre en 2023 sur le Rhône. Ce qui m'a frappé dans le bilan du diagnostic, quand les co-guis sont repartis, avec les scientifiques, on a dit « bon alors, qu'est-ce qu'on regarde ? » Dans les premiers tours de parole, sur le fond, rien, mais que de la joie, du plaisir d'être ensemble, d'avoir vécu cette expérience. Bien sûr qu'en creusant, on trouvait des petites choses qu'ils avaient gardées pour leur pratique, pour leur approche, leur champ d'expertise, etc. Mais c'était avant tout de la joie. Il y a une physicienne qui nous a dit « Oh, j'ai l'impression de reconnecter ma joie d'enfant » . En discutant, ça ouvre de telles perspectives, c'est tellement léger et joyeux, c'est magnifique. avoir réussi à reconnecter cette joie Il y a un film qui a été fait sur cette expérience, et dans un des films apparaît un naturaliste qui était là, et qui disait en souriant avec un rayonnement du visage, un, nos scientifiques et nos ingénieurs n'ont pas inventé la vie, et deux, nous, nous sommes des édicteurs, en identifiant, mais une étiquette, on passe au sujet suivant. Les coquilles ne sont pas là, ils sont dans une approche dynamique, globale, holistique de la vie. Ils ne nous disent pas qu'ils ont tort ou qu'ils ont raison, ils disent que leur science, c'est celle de la vie. Alors que la nôtre, c'est un petit truc qui a démarré il n'y a pas si longtemps que ça, et vous avez raison, qui est animé par des agences sociaux comme tout le monde, donc il y a leur croyance et leur peur. Donc on se rend compte qu'il y a une espèce de posture immense et bizarrement fraternelle, là où nous on est quand même avec des approches un peu qui morcellent et qui ne sont pas très fraternelles.

  • Speaker #0

    Je crois que c'est vous qui avez écrit quelque chose qui dit en substance que la curiosité, si j'ai bien lu, prend soin du monde. Comment est-ce qu'on peut la cultiver, cette curiosité, pour dépasser justement cette... Alors à la fois peut-être cette forme d'indifférence, parce qu'il y a, je pense, pas mal de gens qui sont indifférents finalement à ce qui se passe, et faire un pas peut-être vers une forme d'engagement pour un monde qui ne soit pas complètement destructeur.

  • Speaker #1

    Comment on est les enfants d'un habitus culturel qui marie dans quel monde ? Social, on a grandi. C'est sûr que si on habite à Paris, dans le triangle doré, comme on l'appelle, où les familles organisent des rallies à 150 000 euros, on n'a pas la même vision du monde que si on est à Saint-Denis, dans une société multicolore avec d'autres cultures. Donc il y a ça, il y a ce qu'on est croyant ou pas croyant, quelle formation on a su. Bref, on a cette espèce de grille qui formate notre imaginaire. C'est difficile d'en sortir, d'arriver à se dire... plus peur pour rester suffisamment fécond à tout ce qui se passe. Une rencontre, une information, un phénomène, peu importe, je l'accueille et ça me transforme. Il ne faut pas avoir peur. Souvent, on est pétri par des peurs, des croyances. Ce qui nous empêche de sortir, c'était le Christ, je ne suis pas forcément christique, mais qui disait « tous seront appelés, mais il y aura peu d'élus » . Si on prend la phrase au premier degré, tout le monde peut s'éveiller à la conscience d'être vivant. Et ce que ça veut dire ? Mais voilà, on n'a pas tous l'occasion de faire la rencontre. Ça pose une question clé, est-ce qu'on est capable de devenir humain, c'est-à-dire conscient d'être vivant parmi les vivants, par choix ou par contrainte ? Par choix, c'est toutes les voies traditionnelles où les gens s'engagent, par choix, pour grandir, pour apprendre. Par contrainte, c'est l'accident, c'est la guerre, c'est tout ce qui va nous taper dessus, qui va nous inviter fortement à grandir, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que justement votre accident, ce n'est pas ce qui a fait que votre chemin est celui-là aujourd'hui ? Si vous ne l'aviez pas eu, est-ce que le trajectoire aurait été différente ? Probablement, oui.

  • Speaker #1

    L'accident m'a complètement orienté, c'est comme une boule de billard, poum, vous vous glissez. Je pense que c'est un ensemble de choses, c'est l'accident, c'est les rencontres. J'ai rencontré quelqu'un en Colombie qui était métisse, qui avait un cœur nourri de deux histoires, celle du monde colon. Son père était un colon avec un grand élevage de vaches, et sa maman indienne, je pense qu'il est né d'un droit de cuissage, parce qu'en Colombie, dans ces époques-là, ça fonctionnait un peu comme ça. Il portait dans son cœur cette double culture. Et c'est dur d'être métisse, d'être entre deux. Et c'est en même temps les autres nos plus grandes fécondations, d'oser se mettre en porte-à-faux dans une culture qui n'est pas la sienne. Alors, il ne faut pas avoir peur. Et lui, il le portait dans son cœur. Son père voulait qu'il soit son successeur dans son exploitation agricole et lui a dit non, je vais travailler avec les Indiens. Son père lui a dit, tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison. Donc il est parti à la rencontre de son histoire, quelque part. Et lui m'a tout enseigné sur comment on dialogue respectueusement avec une culture qui n'est pas la vôtre. Oui, il y a eu l'accident, mais j'aurais pu en rester là. Reprendre ma carrière de consultant que je faisais à l'époque. Puis il y a eu cette rencontre qui m'a montré comment dialoguer. En fait, quand on regarde son parcours de vie, on voit qu'on a des étapes fondatrices et des rencontres fondatrices qui, par spirale, nous emmènent plus ou moins dans certaines directions. C'est un ensemble de choses, avec un accident fondateur.

  • Speaker #0

    Oui, après, effectivement,

  • Speaker #1

    il y a quelque chose de la fécondation. Parce que j'ai un accident, ok. La fécondation est au cœur de la pensée Kogui. Je me dis que je les aide à récupérer leur terre. Parfait, mais je ne connais ni le droit colombien, ni par où commencer. Tout d'un coup, je rencontre quelqu'un, ce métis, Fentil, qui me dit « ok, on y va » . L'idée qui était un peu flottante descend dans la matière et devient réalisable. Je suis ouvert à ce que quelqu'un vienne m'aider, moi aujourd'hui ou quelqu'un d'autre demain, pour qu'on féconde ensemble quelque chose d'autre. Il faut s'ouvrir, autrement on n'arrivera jamais à faire les choses. C'est ça que j'appelle la fécondation. Quelque chose arrive qui rend possible. C'est une suite de rendez-vous que j'accueille.

  • Speaker #0

    Vous avez fondé une association qui s'appelait Tchendoukwa, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, on a fondé deux associations. La première s'appelle Tchendoukwa. Les Kogis considèrent que sur Terre, mais d'autres sociétés le voient de la même manière, les montagnes sont reliées entre elles par une trame énergétique, on va dire ça comme ça, d'informations qui circulent sur l'ensemble du globe. Ce qu'ils appellent des chicoacals. Et si nous respectons cette rame, nous comprenons comment elle fonctionne, nous pouvons vivre en paix et en alliance et en vibration positive avec la vie sur Terre. Ils appellent ça chendoukwa.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et si nous coupons par les tunnels, des villes, des routes, sans arrêt, des téléphériques, cette rame en permanence, c'est comme si je vous coupais des trames nerveuses ou sanguines dans votre corps. à votre corps, cette crise ne va pas bien, elle est malade, et ça c'est au Chikokala, c'est la destruction de cette rame, et c'est la fin de la vie en fait. Donc Tchennoukouas, c'est un village où ils travaillent cette rame, donc on s'est dit que c'était joli, de garder l'harmonie avec la nature.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce qu'ils ont, parce que pour l'instant je n'imagine pas de société supprimer les tunnels et enlever le bitume, est-ce qu'ils ont une proposition ? quelque chose pour, entre guillemets, cicatriser nos territoires, les rendre un peu moins...

  • Speaker #1

    Dialoguer avec l'autre, que ce soit l'autre comme vous aujourd'hui, ou l'autre comme les coguis demain. Il y a cette petite phrase qui dit, l'autre nous renseigne sur ce que l'on ne sait pas, ou plus de nous. Ça ouvre des horizons incroyables. Je vous donne une liste de petits exemples.

  • Speaker #0

    Rien que le vocabulaire utilisé. Nous arrivons au parc de la Fessine, qui est à côté de Villeurbanne, 50 hectares, au bord du Rhône. Et le maire de Villeurbanne, entendu parler d'Ecogui, veut rénover son parc, le réaménager, et se dit pourquoi pas demander l'avis d'Ecogui. Donc il y a une matinée comme ça, une caravane un peu surprenante, sillonne ce parc au bord du Rhône, le directeur du parc, quelques élus, des scientifiques et d'Ecogui. Fin de la visite, Ecogui pose deux questions. Première question, c'est pourquoi vous appelez ça un parc ? Pourquoi vous parquez ? Pourquoi vous n'appelleriez pas ça école ? Pour réapprendre la vie. Rien que sur la manière dont on nomme l'espace, il y a une transformation. Parce que du coup ça pourrait servir à toutes les écoles carencées en nature qui sont dans la région de Villeurbanne, puis dans des cours en béton. La deuxième question c'est comment c'était avant que tout soit urbanisé ? Est-ce que vous avez encore la mémoire de la vie avant que vous la supprimiez ? ou avant que vous ne la domestiquiez. On s'en rend compte que non. Donc avec deux questions, il réoriente complètement un aménagement de parc pour le passer plutôt vers du ménagement de l'espace, le réveil de la mémoire avec les écoles de Villeurbanne. C'est un changement total sur deux questions et un mode vocabulaire. Donc rien que la manière dont on nomme les choses, il nous interroge. Après, deuxième exemple, on va sur une source thermale. On leur avait demandé, pour vous, un site sacré, c'est quoi ? Je dis, ça, une source thermale. Pour nous, ça c'est intéressant. Alors, sacré, c'est le seul mot qu'ils ont trouvé en espagnol qui attire notre attention, mais c'est pas forcément comme ça qu'il est désiré. Mais bref, on arrive. Quand on fait des recherches sur cette source thermale, on se rend compte qu'elle était sacrée pour les cèdres qui vivaient là avant, à côté de Clermont-Ferrand, qu'elle a été source thermale de soins très important pour les Romains, et que maintenant c'est une décharge. Donc nous ne comprenons absolument rien, plus rien, de ce qui fonde la vie sur un territoire. Cette source thermale, il y a trois points. Une, il y a une décharge. Une, il y a des produits chimiques, ce qui est au milieu d'un champ agricole. Puis la troisième, qui est vaguement au carrefour de trois pistes. Elle est un peu plus préservée, on va dire. Et on est devant cette source. Et là, un des cogis qui a été formé pour lire les bulles. On regarde les bulles qui sortent de cette source thermale et se tournent vers le géologue qui était avec nous, avec la traduction bien sûr, et demandent est-ce que les volcans sont vraiment éteints ici ? la source. et les bulles me disent que non. Un géologue très surpris dit que c'est curieux parce que depuis un an, les volcans d'Oéam se réveillent et donc nous faisons des mesures sismiques tous les mois, alors qu'avant on en faisait tous les ans, parce qu'il y a une réelle reprise des activités sismiques. Donc par rapport à votre remarque de dire que le géologue et le coguille arrivent au même résultat mais par des chemins différents, on voit qu'on a des choses à se dire sur les mêmes phénomènes. Par contre, il y a des choses qu'eux connaissent sur les territoires qu'on ne connaît pas. Donc on pourrait déjà... Parler des choses qu'on connaît, parler des postures qui permettent de les apprendre et de dialoguer, et parler des choses qu'on ne connaît pas, qui pourraient nous aider à découvrir.

  • Speaker #1

    Dans votre intention, quand vous fondez cette association, vous disiez que c'était pour qu'ils puissent récupérer certains de leur territoire, là-bas, en Colombie. Est-ce que j'imagine que la réponse est oui ? Pour vous, c'est important qu'il y ait une sorte d'équilibre, de balancier entre ce qu'on va leur apporter et ce qu'ils vont nous apporter, finalement. Parce que souvent, on fait le reproche aux associations. qui vont généreusement donner du riz à droite, essayer de creuser un puits à gauche, etc. D'avoir un côté un petit peu, j'arrive avec mon savoir et je t'enseigne ce que tu dois savoir, alors qu'en fait, toi, t'en as d'autres. Mais c'est ça que je voudrais que je mette à jour. Enfin bon, bref. En vous écoutant, c'est juste pas possible que vous ayez cette posture. Donc je trouve que c'est intéressant. Peut-être que vous nous parliez aussi de cette intention de créer du lien qui nourrit les deux côtés.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs choses. En fait, il ne voit pas un territoire comme une zone amorphe ou une succession de roches, d'arbres et d'animaux. Il parle de corps territorial avec des fonctionnalités comme un corps humain. Or, ce corps territorial est en train de mourir. Il y a quelque chose de l'ordre de la survie. Donc il nous demande à la fois d'essayer de sauvegarder ce qui peut encore l'être chez eux, en rachetant des terres, en essayant d'aider à former des jeunes pour qu'ils retrouvent ces points d'acupuncture et qu'ils sauvent et qu'ils soignent ce qu'ils peuvent encore soigner. Ils nous disent « Aidez-nous à convaincre notre gouvernement que quand on dit qu'il faut protéger un site sacré, ce n'est pas juste un truc symbolique qui appartient à notre culture, mais que c'est un point d'acupuncture du territoire. Et que si on n'en prend pas soin, tout le monde va mourir, pas que nous. Donc c'est une question de survie. Et si on ne fait pas ça, comme c'est une question planétaire, il faut aussi le faire en Europe. Donc on essaie de vous faire comprendre. Donc on avance ensemble parce que pour eux, le corps territorial, ce qu'ils appellent le corps territorial, le territoire, C'est à travers le territoire que s'expriment ce qu'on nomme les lois de C, ces fameux principes. Si on laisse la nature tranquille, elle va exprimer les lois qui lui permettent d'être bien ou juste ou harmonieuse. Si on l'aménage sans arrêt, on ne va plus avoir accès à ça. Donc ils nous proposent d'ouvrir des espaces laboratoires où on laisse un peu la nature reprendre son souffle, pour qu'on puisse comprendre comment elle marche et sauver ce qui peut l'être. Ce que j'adore chez eux, c'est qu'ils ne nous disent pas c'est comme ça qu'il faut faire, ils nous disent ensemble, si on s'écoute, on peut encore sauver quelque chose. Ils ont une très jolie réflexion, je trouve, ils disent vous avez un savoir remarquable, c'est-à-dire qu'ils respectent notre savoir, celui des machines. Mais les machines n'ont jamais permis de comprendre la nature. Et avec ça vous allez mourir. C'est pas une machine qui vous permettra de comprendre la nature. Nous avons le savoir de la nature. On ne devrait pas s'opposer, on devrait se parler.

  • Speaker #1

    Oui, on en revient toujours à cette notion de réconcilier un peu cette nature-modernité. de créer des alliances entre les deux, à quoi est-ce que ça ressemblerait finalement à une société qui parviendrait à cet équilibre ?

  • Speaker #0

    Une société qui n'aurait plus peur et qui redonnerait sa place au féminin. La terre, l'eau, le féminin, la vie sont des notions féminines. Et dans le monde moderne, c'est totalement déséquilibré. Je ne parle même pas de fameux hommes, je parle du principe féminin-masculin. Et pourquoi ? Parce que le féminin est porteur de vie et ça fait peur. C'est du surgissement, c'est de la vie. Et pour le masculin qui aime bien contrôler, on n'aime pas ça du tout. Il y a une étude du Massachusetts Institute of Technology, je le dis très mal, qui a été faite en 2010, scientifique, qui se pose la question de savoir qu'est-ce que c'est une réunion efficace. Et il conclut en disant, ce n'est pas la somme des intelligences qui est là dans cette réunion, qui fait la bonne réunion, c'est l'équilibre entre le masculin et le féminin, c'est prouvé. Tout ce que vous me disiez, on a besoin de preuves, c'est la qualité d'écoute, la qualité de présence et la qualité du lien. Ça, ça fait une bonne réunion. Et que tu ne prouves pas autre chose. Ils sont très surpris. Un moment, on a été reçu dans un comité de direction en France par 13 personnes pour parler de nos questions communes, faire un projet, comment vous faites, comment on fait, gérer un conflit. Et à la fin, un co-guide, quand on est sorti, me tire par la manche et me dit « Mais ces gens-là, comment font-ils pour prendre des réunions ? » Pourquoi ils ne pourraient pas en prendre ? Parce qu'il n'y a pas de femmes. ça ne peut pas marcher, dans les noms sans femmes.

  • Speaker #1

    Ça fait du bien.

  • Speaker #0

    C'est pas une question d'équilibre des genres, c'est même pas ça. Bien sûr. C'est qu'on n'a pas les mêmes modes de pensée. Ben évidemment. On prend les décisions sur une patte, en fait, donc elles ne sont pas équilibrées, elles sont mauvaises. Donc ça crée des déséquilibres partout.

  • Speaker #1

    Après, j'ai l'impression, alors c'est peut-être moi, parce que ça m'intéresse aussi ces sujets, mais la question de la place de la femme et au sens large du terme, comme vous disiez, et pas uniquement la femme en tant que personne et du principe féminin. J'ai l'impression que depuis quelques années, on est en train de secouer le cocotier. Alors pas forcément de la bonne manière, on est d'accord, peut-être que c'est un petit peu trop encore là dans la violence et dans...

  • Speaker #0

    En termes de droit, oui. En termes de principe, je ne vois pas beaucoup. C'est un film qui s'appelle toujours « Je reverrai ou je verrai toujours vos visages » , qui essaie de mettre des espaces de dialogue pour que victime et bourreau se parlent, d'ouvrir ce que j'appelle une matrice féminine. protectrice dans laquelle les points de vue peuvent s'échanger et co-construire. Ce genre de situation dans votre pays, il n'y en a pas beaucoup.

  • Speaker #1

    Non, pas encore, c'est vrai, c'est juste. Il y a encore beaucoup d'affrontements entre la position de victime et la position de victime, elle est presque... Maintenant, je suis intervenue il y a un petit temps dans une conférence, et on m'a dit, on va mettre témoignage d'une survivante. J'ai dit non mais... On va aller jusqu'où dans l'escalade ? En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas ça. Moi, je viens là pour témoigner et dire qu'on peut faire autrement. C'est possible. Mais ça veut dire qu'on a de la peur.

  • Speaker #0

    Parce qu'on a peur de se dévoiler, on a peur de nos vulnérabilités, on a peur de nos erreurs, on a peur de tout ça. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Par contre, quand on arrive à ouvrir ces espaces, ils sont extrêmement guérissants. Les paroles peuvent être déposées, les blessures peuvent être apaisées. Les reconnaissances peuvent être faites, mais il faut du courage, du savoir-faire. Il faut arriver à gérer ça, c'est pas facile. Les cogis sont excellents. En fait, quand on regarde bien la modernité et ces sociétés dont font partie les cogis, nous on a investi dans la transformation de la matière, plus vite, plus efficace. Et c'est vrai, on a des petites machines qui font des prouesses. Et ça s'accélère. Les cogis n'ont pas investi là-dedans, ils ont investi dans comment vivre ensemble sans se faire la guerre. Comment faire de l'altérité et de la richesse. Ils proposent que le savoir-faire qu'on a acquis, que le savoir-être qu'ils maintiennent toujours, se rencontre. C'est là que c'est complémentaire. Nous, on n'apprend pas à nos enfants à ne pas se battre dans la cour de récréation. On n'apprend pas, nos enfants, ce que c'est que la fraternité, qu'on a marquée sur nos écoles. Jamais.

  • Speaker #1

    Donc il faut qu'on fasse intervenir des co-guillards à l'école.

  • Speaker #0

    C'est l'école qui est ici, l'école Caminandien. Ça inscrit beaucoup de leur philosophie.

  • Speaker #1

    Un beau projet en tout cas. Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin après toutes ces années d'engagement et comment est-ce que vous gardez une sorte de joie un peu simple ?

  • Speaker #0

    Comment je garde la joie ? En la cultivant comme un jardin précieux, tous les matins, tous les jours. Des fois je me raconte une blague à deux balles, des fois je joue de la musique, des fois je respire à plein poumon l'air tiède de la fin d'après-midi comme c'était le cas tout à l'heure. Je crois que c'était Voltaire qui disait « on décide d'être joyeux, c'est une décision » . C'est vrai. Je réécoutais encore le gouverneur Coggy, parce qu'ils ont des représentants politiques, qui disaient « il ne faut jamais douter, jamais lâcher, continuer, continuer, continuer » .

  • Speaker #1

    Donc l'engagement, la persévérance.

  • Speaker #0

    Ma grande-tante que j'ai eu la chance de connaître quand j'étais adulte à 42-43 ans, quand je lui demandais ce qu'elle avait fait pendant la dernière guerre, elle me disait « oh je suis en camp de vacances » . Quand j'ai grandi c'était à Auschwitz et quand je lui ai demandé comment tout en est sorti, parce qu'elle m'en parlait, c'était une dame fragile mais d'une force incroyable, elle me regardait et me dit « mon chéri, la joie, la solidarité et la poésie, n'oublie jamais ça » .

  • Speaker #1

    Ah c'est joli. C'est très beau l'ensemble. Est-ce que ça pourrait être une des réponses à ce qu'on ressent de plus en plus comme une forme d'urgence écologique ? On parle beaucoup, j'ai abordé cette question-là avec certains invités sur le podcast, de l'anxiété écologique, l'urgence écologique, le réchauffement climatique. Et puis en même temps, le temps qui est plus long de celui de la transformation, de l'acquisition, de la rencontre. Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. Comment est-ce qu'on peut arriver à apaiser l'un et stimuler l'autre, peut-être ?

  • Speaker #0

    On a des gens de talent en France, en Europe, il y a vraiment des gens de talent. Mais il y a souvent deux obstacles. La difficulté à incarner. Beaucoup de gens vont vous dire, il n'y a qu'à faut qu'on, ils vont sortir un livre. C'est bien un livre, mais ça ne change pas. énormément de mal à se mettre en lien. On reste quand même campé sur nos égaux. Très difficile de baisser les armes et de se dire sincèrement c'est ensemble qu'on va y arriver. Je n'ai pas trouvé pour l'instant des gens qui s'engagent sur ce chemin. On est encore loin, on a encore besoin de briller. On va faire une action et on va la mettre sur un réseau social. On est dans la jonction. On n'est pas dans l'action. C'est la vraie action. Et puis on a un pays qui étouffe toute initiative qui lui échapperait. Cette école primaire ici, s'ils pouvaient la fermer, je pense qu'ils s'en porteraient mieux. Alors que les enfants sont heureux, font des calendriers de l'Avent avant la rentrée, tellement ils ont envie de rentrer. Et si on prend les notes ou les évaluations du collège comme un référentiel, on les met en note les meilleures évaluations au collège. C'est quoi le problème ? Ils savent lire, écrire, ils sont contents d'aller à l'école. Non, on est dans un pays qui ne peut pas entendre l'innovation sociale. Impossible. Trop bloqué, trop peur, il n'a pas encore vécu la souffrance, il ne se souvient plus de la souffrance qu'il a vécue.

  • Speaker #1

    On va vous inviter à Luxembourg pour nous parler un peu de tout ça dans une prochaine conférence qu'on essaie d'organiser avec un certain nombre de gens sur ces questions à la fois de lien entre l'école et l'entreprise, mais pas au sens mental, au sens vraiment de l'humain, et puis aussi comment repenser l'école. Et dans les gens qui sont là cette semaine, il y a une femme qui fait partie d'une association qui n'est pas elle-même enseignante à la base, elle est psychothérapeute, elle a maintenant ouvert un café de rencontre, une sorte de tiers-lieu. Et ils essayent de vrai aussi pour proposer une forme d'école différente. Et pour avoir eu quatre enfants, scolariser dans un système qui est certes pas mal, parce qu'à Luxembourg... Il y a des choses qui sont quand même novatrices, tout n'est pas bon, enfin bon souhait, mais je me dis sur une totalité de classes, aujourd'hui si on prend un enseignement traditionnel, combien d'enfants sont concernés, combien d'enfants peuvent suivre ? Mais entre les trop intelligents, je mets des guillemets, entre les pas assez intelligents, je mets aussi des guillemets. Les dyslexiques,

  • Speaker #0

    les trucs que je dis.

  • Speaker #1

    Voilà, dyscalculie, dys tout. En fait, il doit y avoir trois dans la classe à pouvoir suivre.

  • Speaker #0

    Parce qu'il n'y a qu'une seule question à se poser pour l'éducation. Comment réveiller le désir ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Pour que l'enfant, il ait envie, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    Oui, avant, je ne sais plus qui, je crois que c'était Idrissa Berkane qui disait sur l'éducation, quand on a... On a ouvert les écoles et on les a rendues obligatoires. Ce n'était pas pour les enfants que les ont rendues obligatoires, c'était pour les parents pour qu'ils arrêtent de les mettre au champ. Mais les gamins, ils étaient vachement contents d'aller plutôt sur les bancs et écouter des histoires que dans les champs. Mais l'école n'a pas beaucoup évolué après ça.

  • Speaker #0

    On rentre dans une école aujourd'hui, à 80% des cas, ça n'a pas changé. Parce que moi j'ai connu à l'école primaire du frontal, taisez-vous, immobile, on n'a jamais prouvé qu'il fallait être immobile. Les enfants font des jardins, ils vont passer 7 jours en montagne, ils font des sit-spots, 20 minutes tout seuls, hors référents adultes. Ça marche après, c'est selon les enfants et les tempéraments, mais globalement ça se passe bien. Vous avez des enfants que vous voyez revenir à un espèce de taux vibratoire, ils peuvent apprendre.

  • Speaker #1

    J'en doute pas.

  • Speaker #0

    Là on a une directrice de crèche qui avait accueilli mes enfants, qui en a maintenant 20 ans, donc qui a plus de 20 ans d'expérience de voir passer les enfants. Elle disait que les enfants qui arrivent ne jouent plus, ne se mettent plus en lien socialement, et prononcent des mots, mais qu'ils ont pris ça à 4, 3, 4, 5 ans. On se prépare des générations pour piquer des verres. Le rêve, si on parle d'éducation, le Luxembourg pourrait être porteur de ça. Ce serait vraiment une espèce de chair du futur, pour des étudiants du futur, l'élite du futur. Imaginez si Luxembourg jouait à si bel, si français, si coggy, ou à si canaque. Comme par exemple, une ancienne colonie, pour dire on va vous proposer un parcours de réconciliation de l'ensemble des savoirs et des connaissances qu'il faut avoir. Pour avoir une petite idée de ce qui se passe actuellement. C'est-à-dire que ces étudiants passeraient vraiment trois semaines avec les cogis, ou les jeunes cogis seraient valorisés, parce qu'ils pourraient leur dire comment ça marche. Puis chez les calaques, ce qui permettrait de sortir les calaques de là où on les a mis aujourd'hui en France. Puis dans une université. On apprend les institutions européennes, ça en fait partie. Et là, on pourrait donner une chance de réveiller un peu ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous oppose. Soir de l'audace, on n'a pas d'audace. Je suis intervenu dans la conférence des universités à Bruxelles il n'y a pas longtemps, des universités belges. C'est comme si on était pétrifiés par la peur, je ne sais pas. Ils écoutent, ils trouvent ça bien. En fait, le cadre est tellement sclérosant, il n'y a rien qui bouge.

  • Speaker #1

    Il faudra encore du temps, je pense. Ne perdons pas espoir, ne perdons pas espoir. Continuez,

  • Speaker #0

    continuez, continuez.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Donc si vous aviez pour terminer un enseignement, Kogi, à transmettre à nos auditeurs pour peut-être oser faire un pas ou oser eux aussi prendre la parole sur des sujets qui les concernent ou qui leur tiennent à cœur sans forcément rentrer dans... Cette notion de soit j'ai raison, soit d'opposition, soit de vouloir à tout prix convaincre, qu'est-ce que vous pourriez leur dire ?

  • Speaker #0

    Je leur dirais, allez passer trois jours en montagne, en nature, en silence, et regardez ce qui se passe pour vous. Apprenez à boire de l'eau, c'est la première relation spirituelle, de l'eau qui ne soit pas en bouteille, pas dans les tuyaux, pas avec des ultraviolets, de la vraie eau qui soit dans une vraie montagne. Apprenez-la, buvez-la lentement en comprenant. que nous sommes 80% d'eau dans le corps et que c'est la première relation spirituelle. La deuxième, c'est qu'est-ce que vous mangez ? Prenez le temps de faire votre deuxième alimentation spirituelle pour vous faire en bonne santé ou pas. La troisième, c'est qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que c'est que ces idées sombres que vous n'arrêtez pas de ramener ? C'est un apprentissage. Pour essayer de calmer ces idées, la quatrième, c'est qu'est-ce que vous dites ? Quels sont les mots, les énergies que vous envoyez aux autres ? Voilà, et puis jouer de la musique, chanter.

  • Speaker #1

    Super, ben voilà, les amis, il n'y a plus qu'à se mettre à chanter. Moi je dis d'accord, d'accord, d'accord,

  • Speaker #0

    d'accord. Il y a un scientifique, un physicien, dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui disait pour progresser, aller au-delà des apparences, il y a les mathématiques, qui par certaines formules vous font toucher, quand on est mathématicien, l'au-delà du strict réel tel qu'on le perçoit. Mais surtout c'est la musique, c'est la vibration qui vous fait tout de suite aller dans d'autres dimensions. La vibration ça nous réunit, la vibration et l'humour, les blagues. Je vois les coguilles comme si on venait en France. Il y en a un qui m'a demandé comment on dit bonjour chez toi en français. On dit bonjour ma biche. On répétait ça plusieurs fois et le lendemain on avait une rencontre avec des aigus et des échappes bleu-blanc-rouge et tout. Il s'est avancé très content, bonjour ma biche, ça fait des éclats de rire. Ça a changé totalement le rendez-vous. J'ai expliqué aux aigus, ça avait cassé une barrière. Et qu'on s'était rencontré entre potes, et là tout est possible.

  • Speaker #1

    Entre potes, super. Encore mille fois merci pour le temps que vous nous avez accordé.

  • Speaker #0

    J'espère qu'on va en faire quelque chose avec plaisir.

  • Speaker #1

    Avec plaisir, oui, j'espère bien qu'on va en faire quelque chose. Je vais certainement vous faire rire, mais cette histoire, elle a un épilogue. L'univers a continué, l'univers ou la vie ou le grotto, enfin appelez-le comme vous voulez, donc a continué de m'envoyer des signaux. Parce que tout début septembre, j'ouvre la newsletter de Simone Gray-Sol, une coach coréenne en marketing que je suis depuis un moment, dans laquelle elle nous fait part d'une quête d'espoir dans ce monde qu'elle considère comme étant en mille morceaux et qui a urgemment besoin de transformation. Donc elle explique avoir cherché des réponses en politique, dans le monde des affaires, de l'innovation, avant de se tourner vers le développement personnel. Et partout, au fur et à mesure de ses expériences, elle dit constater que les systèmes qui sont en place, politiques, économiques et même parfois spirituels, reproduisent les mêmes schémas, les limitent finalement une transformation réelle.

  • Speaker #0

    Pour conclure,

  • Speaker #1

    elle dit avoir trouvé une forme d'espoir durable, profond, en prêt, d'enseignants autochtones et de sagesse ancestrale. Deux parcours, deux histoires, et finalement un constat identique qui est que l'espoir n'est pas quelque chose de naïf à partir du moment où ça devient une pratique active et qu'elle se nourrit de rencontres vraies avec d'autres façons de voir le monde. Et c'est exactement... ce qu'on vient de faire. Alors, dans les enseignements des Kogis, Kagba, qu'Éric nous transmet, lequel finalement a retenu le plus votre attention que ce soit l'idée de décoloniser nos imaginaires ou bien la complémentarité des savoirs, la reconnexion aux vivants, le fait de féconder ensemble, de créer des ponts entre savoir-faire Et savoir être, le rééquilibrage essentiel du féminin pour que notre société soit moins dans la peur, la fraternité aussi malgré les formes d'oppression. Ou bien peut-être que le message essentiel de cet épisode ne serait-il pas de faire déjà la paix à l'intérieur parce que comme ça, ça ira mieux à l'extérieur. Je vais terminer par quand même le truc extraordinaire. C'est qu'Eric, il a fini par dédicacer le livre que m'avait offert Sandra. Merci infiniment. Et j'ai envie de conclure cet épisode par un bonjour ma biche. Alors je vous souhaite, d'ici notre prochaine rencontre, des éclats de voix que je qualifierais de malicieux.

Description

Episode 54- Éric Julien : 40 ans avec les Kogis, entre écologie, sagesse ancestrale et engagement pour le vivant.

1985, Éric Julien fait un œdème pulmonaire dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Sauvé par les Kogis, peuple autochtone, il consacre depuis 40 ans sa vie à transmettre leurs enseignements à travers l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs et l’École pratique de la nature et des savoirs.

Dans cet épisode, il nous transmet des enseignements Kogis et raconte comment cette rencontre transformatrice l'a conduit à décoloniser les imaginaires occidentaux, à réconcilier savoirs ancestraux et science moderne, et à promouvoir un engagement concret pour le vivant.
Il partage notamment une expérience où Kogis et scientifiques arrivent aux mêmes conclusions sur l’état d’un territoire, par des approches radicalement différentes.

L’interview aborde :

  • l’importance du principe féminin marginalisé dans nos sociétés,

  • les lois du vivant qui nous traversent tous,

  • des pratiques Kogis: boire une eau pure, cultiver la joie, surveiller nos pensées, vivre en lien avec la nature.

Un témoignage puissant sur la réconciliation entre modernité et sagesse ancestrale face aux défis écologiques et spirituels de notre époque.


Retrouver le film Kogis, ensemble pour soigner la terre dont vous percevez un extrait en fond sonore: https://youtu.be/avQW_OJFywk?si=xZCxxL1SZFrChZay


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Production et montage: Anne-Claire Delval, Jean-Michel Gaudron, Cyriaque Motro

Musique: Meydän

Titre:  Synthwave Vibe

Auteur: Meydän

Source: https://meydan.bandcamp.com

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Éclats de voix, le podcast des voix engagées, qui vous donne l'élan de faire résonner la vôtre. Je suis Anne-Claire Delval, ancienne journaliste, modératrice, rédactrice, facilitatrice de prises de paroles engagées. Et à ce micro, mon souhait reste toujours de recevoir des invités pour vous donner aussi à votre tour des pistes pour que vous puissiez oser prendre la parole et vous engager. Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par vous raconter l'histoire de cet épisode parce qu'elle est très particulière et d'ailleurs au moment où je prends la parole ça me semble encore presque irréel. Alors il y a quelques semaines, quelques mois, je dirais en tout début d'été, je découvre sur l'application Prézen, qui est une application de méditation 100% solidaire, qui a été imaginée par l'association Emergence. Un parcours, comme c'est le cas régulièrement, qui est proposé par Éric Julien. Monsieur que, à ce moment-là, je ne connais pas particulièrement. Donc je m'intéresse et je me rends compte qu'il est géographe, consultant, qu'il est cofondateur de l'École pratique de la nature et des savoirs, puis aussi de l'association Tchendoukwa, entre autres choses. Ce parcours s'appelle à la rencontre de la source. Au cours des méditations, Eric Julien raconte comment un jour en 1985, donc ça fait 40 ans maintenant, alors qu'il est en randonnée dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, la plus haute montagne du monde en bordure de mer, il tombe malade, il est victime d'un œdème pulmonaire. Et il va être recueilli, soigné par des Kogui, un peuple. indien autochtone qui lui sauve la vie. Je suis bouleversée par sa voix qui porte à la fois une gravité assez douce et une évidence tranquille. Et puis il y a une petite lueur qui apparaît quand je comprends qu'il est installé dans la drone. Et puis évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Deuxième épisode, deuxième étape. Mi-août, donc quelques semaines avant le stage dans la drone. de Rome, je vais moi-même vivre une retraite chamanique en Savoie, avec Sandrine Aurisio, la chamane des Alpes, que j'avais interviewée il y a quelques mois de ça à ce micro. Dans le chalet-cabane que nous avons loué à Sandra Petit, pas très loin de chez Sandrine, il y a quelques livres posés sur une étagère. Et là, qu'est-ce que je trouve ? Les Coguies, le réveil d'une civilisation précolombaire écrit par Éric Julien. avec Gentil Cruz. Incroyable ! Alors Sandra me dit, vas-y, je te l'offre, prends-le. Moi, je l'ai lu. Les livres ici sont un peu comme les gens, ils sont de passage. Je repars avec le cœur empli de bonheur, pétillant, des étoiles dans les yeux. Je me dis, waouh, un nouveau caillou dans la main, vous savez, de ceux qui vous montrent le chemin. L'histoire continue. Troisième épisode, troisième étape. Nous voilà. dans la Drôme, chez Luc Bauer, à la ferme Salam. Et après avoir fait quelques méditations, parce que je les ai emportées avec moi, pour les partager aux gens qui participaient à cette retraite tellement je les trouvais puissantes, les participants m'ont dit « Claire, il faut absolument que tu contactes Éric Julien, c'est pas possible, il est en Drôme. » « Mais attendez, la Drôme c'est grand. » Et j'en parle à Luc, et Luc Bauer me dit « Ah, ben oui, mon fils a fréquenté l'école d'Éric. » Bon, alors là, je me suis dit, quand tous les signaux sont au vert, c'est que l'univers est en train de nous ouvrir l'autoroute, alors il va falloir y aller. Quatrième et dernière étape, dernier épisode, je contacte Eric. Et les choses se font en moins de 48 heures. Waouh, un cadeau, mais une joie immense, immense. Alors, très sincèrement, j'ai tellement plané le vendredi avant le rendez-vous en fin de journée. que j'avais tout bien préparé, mais qu'arrivée devant Eric, bim, je me rends compte que je n'ai pas mon micro. Alors on a essayé de chipoter, comme disent nos amis belges, avec le sien, ça n'a pas fonctionné, donc c'est assez rare dans Éclat de Voix, mais cette fois-ci je vous prierai d'être indulgents, parce que la bande-son, franchement elle n'est peut-être pas aussi bonne que d'habitude, mais je vous invite vraiment à dépasser votre éventuel inconfort. Parce que sincèrement, les propos d'Éric Julien méritent absolument, oui absolument, toute votre... votre attention. Et pour ma part, j'ose vraiment espérer que ce n'est que le début d'une aventure à ses côtés. Peut-être aussi aux côtés, un jour, je l'espère, des Kogui, que j'aimerais tellement aller découvrir et vous faire découvrir. Peut-être aussi, pourquoi pas, faire venir au Luxembourg, ou au moins y présenter le film de l'association Tchendoukwa-Kogui ensemble pour soigner la terre. Et que toute l'émotion que vous pouvez ressentir au moment où je vous présente C'est... épisode, et bien vous puissiez la vivre aussi. Alors je vous laisse écouter notre échange avec un cœur grand ouvert. Grand ouvert à la réconciliation nécessaire entre modernité et sagesse ancestrale, entre savoir technique, connaissance du vivant, pour faire face aux défis non seulement écologiques, mais aussi sociaux, sociétaux, planétaires. qui plane sur nous actuellement. Je vous souhaite une très belle écoute. Bon ben Eric, Julien, merci de me recevoir comme ça, à l'improviste.

  • Speaker #1

    Mais la vie n'est qu'une succession d'improvisations. Avec laquelle nous essayons de danser.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, tout m'a menée à vous depuis quelques semaines, quelques mois. Et voilà, j'arrive là avec mes questions, ma joie de vous rencontrer, objectivement. Et puis ma curiosité, alors, vous avez une vie incroyable en fait.

  • Speaker #1

    Votre histoire, ça me fait penser à une histoire que j'avais eue, où j'avais voulu enregistrer les propos d'un chaman que disait que mon petit matériel, comme vous, que j'avais testé avant pour voir s'il marchait, il m'avait dit d'accord, j'étais content. Je l'enregistre en deux heures, je reviens, j'écoute, rien. Pas un son dans le magnétophone. Je retourne, je dis, excuse-moi, est-ce que tu crois qu'on peut recommencer ? Il sourit. Je reteste tout, tout marche bien, je réenregistre tout, pas un son. C'est toujours étrange, je me dis que des fois il y a des choses qui se font, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Alors, ça fait longtemps maintenant que vous avez été sauvé en... Alors que je ne dis pas...

  • Speaker #1

    1985, ça fait exactement 40 ans.

  • Speaker #0

    40 ans, oui voilà.

  • Speaker #1

    C'est l'anniversaire.

  • Speaker #0

    Ah bah alors, ça tombe encore mieux !

  • Speaker #1

    J'espère que vous avez amené les bougies.

  • Speaker #0

    Non, mais bon, on va y arriver.

  • Speaker #1

    On ne sait pas que les bons vins mûrissent longtemps en futchelle. Il faut faire un hectare.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce que cette expérience d'extrême vulnérabilité, quand même, à un moment donné, vous avez été recueilli par un peuple, une peuplade, comment est-ce qu'on...

  • Speaker #1

    Une société. Une société, pour moi, est définie par une langue, une cosmogonie, un système juridique. Les Cogis ont tout ça, c'est une société.

  • Speaker #0

    Mais les Cogis, c'est pas leur nom d'origine.

  • Speaker #1

    Cagaba.

  • Speaker #0

    Cagaba, voilà. Et alors, je ne sais plus, vous expliquiez que les Cogis, c'est... Le terme avait été donné par les Espagnols.

  • Speaker #1

    Ça pourrait dire quelque chose comme les vilains hommes, mais ils préfèrent effectivement leur vrai nom qui est Cagaba.

  • Speaker #0

    Parce que, oui, voilà, quand les Espagnols sont arrivés, ils se sont dit qu'ils allaient par... Ils ont colonisé et puis ces gens-là...

  • Speaker #1

    C'est un peu comme les Grecs et les barbares. Tous ceux qui ne pratiquaient pas leurs lois et leurs systèmes de référence étaient considérés comme barbares. Là, tous ceux qui n'étaient pas dans le monde espagnol, colonisateurs, étaient barbares. Mais c'est toujours été comme ça, la colonisation.

  • Speaker #0

    Oui, c'est le même principe un peu partout. Donc les cacbas vous ont accueillis, vous ont sauvé la vie. Mais avant ça, vous les connaissiez ? Vous connaissiez leur existence ?

  • Speaker #1

    Non, moi j'ai grandi avec une maladie. On pourrait dire une très forte acné juvénile, ce qui vous met tout de suite en différence par rapport à la norme. Très vite, j'étais plutôt ami avec les handicapés, les pas normaux, les noirs, tout ce qui était en marge. J'avais un faible pour ces sociétés-là, mais de gamins, d'enfants, en marge et maltraités. Je suis parti en Colombie en sachant que ces sociétés existaient, en ayant quelques informations sur les codis, mais très peu. Et à leur contact, j'ai découvert plusieurs choses. La première chose, c'est qu'une société humaine qui a subi notre barbarie pendant cinq siècles peut rester fraternelle avec l'autre, y compris avec celui qui l'a détruit. Ça, c'est une sacrée leçon d'humanité. Ça fait penser à Simone Veil, qui, quelques mois après la guerre, après être sortie des camps, qui exprime le fait qu'il faudra faire la paix avec les Allemands. A l'époque, c'était incompréhensible, inaudible. Pourtant, elle avait raison. On a des gens qui ont subi cinq siècles et qui m'accueillent presque fraternellement. C'est pas banal, quand même. La deuxième chose, c'est qu'ils m'ont... juste rappeler que j'étais un vivant, ce qui n'est pas non plus anodin. Dans nos sociétés, on a complètement oublié ce que c'était que le vivant. Et la troisième chose, ils m'ont appris que rien n'est grave, puisque de toute façon, on va mourir. Il faut prendre les choses comme elles viennent. Malgré leurs difficultés, leurs souffrances, parce qu'ils subissent la mafia, l'arco-trafic et tout ça, ils restent simples et joyeux, ils ne lâchent rien. C'est une petite leçon d'humanité.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, ils sont à peu près combien ? La société existe toujours organisée de cette manière ?

  • Speaker #1

    De ce qu'on en sait, ils étaient autour de 1,5 million, 1,8 million à l'arrivée des conquistadors. Aujourd'hui, ils ne seraient que 25 000. Ils ont passé un pacte. très étonnant avec, il n'y avait pas que les caguas, il y avait d'autres sociétés autour, quand ils ont vu qu'ils ne feraient pas l'affaire face aux espagnols, ils ont proposé à trois autres communautés de se mettre sur les parties basses de la montagne, de se sacrifier, protéger les caguis qui restaient en haut, dans les parties hautes, à charge pour les caguis de préserver cette connaissance, de continuer à la transmettre de génération en génération, et lorsque les temps seront venus de la retransmettre. aux trois autres sociétés, et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Ils retransmettent leur connaissance aux trois autres communautés.

  • Speaker #0

    Waouh ! Belle leçon ! Alors, vous parlez de décoloniser les imaginaires, notamment à travers l'école que vous avez ouverte, qui s'appelle...

  • Speaker #1

    École pratique de la nature et des savoirs, dans laquelle il y a un centre de formation qui s'appelle la Comtesse, pas très loin de là où vous étiez à Boulle. Il y a une école primaire qui est ici, et une ferme... De 1000 hectares, 400 brebis, 32 vaches, peut-être permacoles, je ne sais pas, en transition en tout cas.

  • Speaker #0

    Alors concrètement, de quels imaginaires on doit se libérer dans nos sociétés occidentales ?

  • Speaker #1

    Il y a déjà un imaginaire qui est de penser que ce sont aux humains de faire les lois, qui changent quand ça les arrange, dans notre actualité politique on est un bon exemple, et qui s'imposent à la nature. C'est l'homme qui dit, c'est ça qu'il faut imposer à la nature. laisser des entrants chimiques ou envoyer des machines dans l'espace pour dire on va ralentir le réchauffement climatique. Donc c'est des lois qui sont fluctuantes, qui sont faites sur des bases pas toujours très claires, plus ou moins démocratiques. Et dans ces sociétés dont font partie les co-guides, c'est pas ça du tout, c'est quelles sont les lois ou les principes qui font de la vie. Et ces lois et ces principes étaient là bien avant nous. Ils nous traversent comme ils traversent l'écureuil, l'arbre et une forêt, et cela qu'on soit riche ou misérable, pour paraphraser un homme célèbre. On est tous soumis à ces lois-là. Donc il y a deux chemins où on les redécouvre, on les réveille dans notre société moderne. On retisse des alliances avec la vie, on continue à ne pas les écouter, puis on va mourir.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est le projet commun de tout le monde. On l'a dit, de mourir, mais on peut mourir...

  • Speaker #1

    Mais on risque de mourir dans des conditions peut-être un peu plus délicates.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Ça arrive,

  • Speaker #1

    mais c'est un peu plus violent. C'est ça,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que ce monde qu'on se prépare, on y met une énergie folle pour le faire advenir. Ça, c'est intéressant. On regarde sur les plateformes numériques, on ne parle que de guerre, que d'incendie. Beaucoup de sociétés vous diront que si tu nommes les choses, elles arrivent. Donc on n'arrête pas de nommer la guerre, nommer la violence, nommer tout ça. À force de l'appeler, on va réussir.

  • Speaker #0

    Et puis de la cultiver quand même, parce qu'effectivement, on est tout le temps en train de nous dire que tout est violent, tout est dangereux. Et ce n'est pas que le dire, c'est qu'au quotidien, on se rend bien compte, en tout cas, nous, dans les villes... Vous êtes peut-être plus préservé dans des espaces comme la Drôme, j'en sais rien, mais c'est vrai que moi je suis frappée, et j'ai été frappée il y a très très peu de temps, en pleine ville, alors que j'étais en vélo par quelqu'un qui m'a doublée, qui a mis déjà ma vie en jeu simplement en me doublant, et qui, parce que j'ai fait un geste, parce que c'était la xième fois, et que c'est ma vie, un gros 4x4 face à un cycliste, c'est le cycliste qui perd, le gars sort de là... Je colle une gifle devant tout le monde parce que je ne fais pas ce qu'il veut. Je me dis, mais quelle violence, qu'est-ce que cette personne a pu engrammer depuis des mois et des semaines et des années pour oser ça, comme ça, en pleine rue ? Et est-ce qu'on a encore de l'espace ? Vous avez fait venir les cagbas, les coguis, ici en France, dans la Drôme. Mais je me dis, est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander d'aller un petit peu partout pour explorer et nous... Donner des pistes de résilience ou peut-être de nouvelles perspectives ?

  • Speaker #1

    C'est ce qu'ils font, mais ils ont déjà tellement à faire dans leur territoire pour survivre face à la violence qui est là-bas. Et cette violence, d'après eux, elle est juste dans nos têtes et dans nos cœurs. C'est une violence qu'on projette à l'extérieur. Donc ils nous disent souvent, faites déjà la paix à l'intérieur, ça ira mieux à l'extérieur. De toute façon que projeter le réchauffement climatique, on voit comment on s'agite et on s'accélère.

  • Speaker #0

    Et dans nos têtes. C'est vrai. Maintenant, ça fait quoi ? Ça fait donc depuis ce temps-là que vous faites de l'accompagnement, l'école, etc. ? Depuis que vous êtes revenu, vous êtes resté combien de temps à leur contact ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai eu mon accident, qui m'ont soigné la première fois, pas très longtemps, une dizaine de jours. Et après, j'y retourne tous les ans depuis 40 ans. J'ai fait deux séjours de plusieurs mois chez eux, parce que je voulais un peu les rencontrer au-delà de quelques jours et de la façade. C'est des humains comme tout le monde, donc ils ont leur beau côté, puis ils ont leur côté plus rembrossé. Donc c'était intéressant de rentrer dans la réalité de leur monde. Donc j'ai passé. Presque deux ans, dans leur montagne, on commence un peu à entrevoir ce que c'est que leur réalité. C'est un peu la chanson de Jean Gabin quand il dit « Arrivés à 70 ans, je sais que je ne sais rien » . En fait, c'est un monde tellement différent du nôtre qu'on peut juste se dire qu'il y a une autre manière, comme disait Bourdieu, force de vie dans nos habitus, on nous dit qu'il existe d'autres manières de vivre sur cette terre. Il y a vraiment d'autres manières qui sont incroyables de richesse, de potentiel, d'apaisement. de reconnexion et c'était Edgar Morin qui disait « Elles ne sont pas dépassées, elles sont sans doute porteuses des clés de notre avenir, ces sociétés. »

  • Speaker #0

    Et très objectivement, pendant le stage que j'ai organisé, j'ai fait découvrir vos méditations, ce que vous avez proposé sur Prézen, aux gens qui participaient. Il y a une personne qui faisait la réflexion, qui disait en fait j'ai beaucoup aimé et j'ai été Je suis bouleversée aussi par ce que j'ai entendu et en même temps je me sens à des lieux, des kilomètres, des milliards de kilomètres de cette approche même si ça me fascine, même si je ne me dis pas que c'est n'importe quoi, pas du tout, mais c'est comme si dans ma tête ça me demanderait d'effacer tout le disque dur et de repartir à zéro. C'est quand même peut-être. aussi une façon de répondre aux anxiétés qu'on a aujourd'hui, de repartir à zéro, de voir les choses autrement.

  • Speaker #1

    Il y a un sculpteur italien contemporain qui s'appelle Miguel Angelo Pistoletto qui a, avec Edgar Morin, conçu l'idée du troisième paradis. Il explique que l'humain a vécu en harmonie avec la nature il y a sans doute un certain temps et ça ne va pas être de la tarte, il ne faut pas rêver non plus.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Mais bon, bref, il n'y a pas le choix, si vous voulez survivre. Alors ça, il appelle cette époque-là le premier paradis. Le deuxième, c'est l'époque qu'on traverse, réification et artificialisation du monde avec tous les équilibres qu'on connaît. Et son propos, c'est dire prenons le meilleur des deux, osons le dialogue, une espèce de fécondation, de transformation réciproque et cogigée. Ils ne cherchent pas forcément à rester cogigés, ils aimeraient qu'on les respecte, mais bon, c'est difficile. Ils aimeraient inventer quelque chose ensemble, qui renouvelle notre pensée, qui remette de la vie dans nos intelligences. Ça n'empêche pas de continuer à vivre. La nature, elle est à l'extérieur, mais elle est surtout à l'intérieur. On est des êtres naturels avant d'être des êtres de culture.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et puis on ne peut de toute façon pas se projeter dans une histoire qui n'est pas la nôtre, dans un environnement qui n'est pas...

  • Speaker #1

    Les Kogis, c'est leur propre culture. Par contre, ce dont ils parlent et la représentation qu'ils ont, c'est la nature et la vie.

  • Speaker #0

    Et ça,

  • Speaker #1

    on l'a en commun. L'eau qu'on boit, la terre, l'air qu'on respire, c'est la même chose. Donc ils ne nous disent pas de venir que Guy. Ils disent réveiller votre mémoire de vivant. Et on peut vous y aider. De toute façon, je pense qu'on n'a pas le choix. Si on ne fait pas ça, on se prépare des futurs pas très rigolants.

  • Speaker #0

    Alors justement, est-ce que vous avez l'impression que votre façon de porter leur message, sans être trop prétentieux non plus, mais est-ce que vous avez l'impression que ça a évolué depuis toutes ces années que vous les avez rencontrés, que vous avez été à leur contact, que vous êtes familiarisé avec leur société ?

  • Speaker #1

    Je dirais que ça se radicalise. Il y a des personnes qui sont encore plus braquées sur tous ces sujets-là, d'autres qui sont au contraire en quête, qui acceptent, même dans le monde de l'entreprise, beaucoup dans le monde de l'entreprise. J'ai accueilli un groupe d'entrepreneurs il n'y a pas très longtemps, ils sont arrivés détruits, ils vivaient, le stress, la fatigue, les régimes de vie, pas bons. Ils sont arrivés, ils sont restés deux jours, ils sont repartis, ils pleuraient. On a juste fait du silence, de la méditation, de la marche, manger des choses à peu près correctes, boire, des cercles de parole et aller méditer dans la montagne. On n'a pas fait grand chose. On voit bien qu'il y a quelque chose de l'ordre d'un rythme, on peut trouver des postures à réhabiter qui n'empêchent pas de faire des trucs, d'utiliser des outils dans la modernité. On a tous entendu cette phrase « science sans conscience est la commune de l'âme » . Il y a quelque chose de l'ordre de l'autre, conscience de vivant à réveiller.

  • Speaker #0

    Alors il y a... Une expérience que j'ai trouvée juste extraordinaire dans les méditations que vous proposez, que vous relatez, c'est, je crois que c'est en 2018, qu'un groupe de Kogui est venu ici explorer un peu, faire un « diagnostic » comme vous l'avez dit, je crois plus ou moins, du Théry. de l'état de santé de la Drôme dans laquelle vous êtes installé. Vous avez fait ça et parallèlement, vous avez fait la même démarche auprès de scientifiques. Donc chacun est arrivé avec son bagage, sa façon d'analyser, je crois que je mets des guillemets. Et ce qui est juste génial, c'est qu'à la fin, tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord, sauf que la manière dont on arrive à la même conclusion est radicalement différente. aujourd'hui, est-ce qu'on peut... Être en mesure d'entendre que la manière dont les cogis sont arrivés aux mêmes résultats que le scientifique est valide, parce qu'aujourd'hui, dans nos sociétés occidentales, il faut que tout soit validé, soit scientifiquement prouvé. C'est quelque chose contre lequel j'ai un peu de mal, parce que la science, pour moi, c'est de l'humain. Ça passe son temps à se contredire, à dire ce qu'on a dit différemment de la fois d'avant, ou à avancer, certes, mais il y a aussi des choses qui sont remises en cause, en question, et c'est normal. Bon, tout n'est pas acquis à 100%.

  • Speaker #1

    On peut dire plusieurs choses sur leur venue dans la Drôme. Il y a un poète, Paul Valéry, qui disait qu'il y a deux approches du monde et des phénomènes, celle qui unit et celle qui divise. Déjà, les Kogui, malgré cinq siècles de barbarie, nous tendent la main pour dire est-ce qu'on ne pourrait pas se parler, plutôt rapprocher. Et puis c'est Roland Barthes qui disait qu'il y a des modes de pensée plutôt briques qui morcellent, qui dissèquent, qui analysent ce qu'on a dans le monde scientifique. et des modes de pensée plutôt sous, globales, dynamiques, qui se rapprochent de la pensée sauvage de Lévi-Strauss. Donc voilà des gens qui nous tendent la main pour nous proposer de rapprocher, comme les deux jambes qui soutiennent un corps, deux approches du même monde, et loin d'être contradictoires, elles sont complémentaires, comme l'inspire et l'expire. Maintenant, est-ce qu'on y arrive ? Un, il y a le contexte qui nous invite quand même de plus en plus à... à essayer de penser différemment les choses et les phénomènes. Il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent. Il y a étrangement de plus en plus de scientifiques qui sont prêts à s'ouvrir, à explorer d'autres univers, d'autres manières de faire. Donc c'est assez encourageant. On a fait un diagnostic en 2018 dans la Drôme et un autre en 2023 sur le Rhône. Ce qui m'a frappé dans le bilan du diagnostic, quand les co-guis sont repartis, avec les scientifiques, on a dit « bon alors, qu'est-ce qu'on regarde ? » Dans les premiers tours de parole, sur le fond, rien, mais que de la joie, du plaisir d'être ensemble, d'avoir vécu cette expérience. Bien sûr qu'en creusant, on trouvait des petites choses qu'ils avaient gardées pour leur pratique, pour leur approche, leur champ d'expertise, etc. Mais c'était avant tout de la joie. Il y a une physicienne qui nous a dit « Oh, j'ai l'impression de reconnecter ma joie d'enfant » . En discutant, ça ouvre de telles perspectives, c'est tellement léger et joyeux, c'est magnifique. avoir réussi à reconnecter cette joie Il y a un film qui a été fait sur cette expérience, et dans un des films apparaît un naturaliste qui était là, et qui disait en souriant avec un rayonnement du visage, un, nos scientifiques et nos ingénieurs n'ont pas inventé la vie, et deux, nous, nous sommes des édicteurs, en identifiant, mais une étiquette, on passe au sujet suivant. Les coquilles ne sont pas là, ils sont dans une approche dynamique, globale, holistique de la vie. Ils ne nous disent pas qu'ils ont tort ou qu'ils ont raison, ils disent que leur science, c'est celle de la vie. Alors que la nôtre, c'est un petit truc qui a démarré il n'y a pas si longtemps que ça, et vous avez raison, qui est animé par des agences sociaux comme tout le monde, donc il y a leur croyance et leur peur. Donc on se rend compte qu'il y a une espèce de posture immense et bizarrement fraternelle, là où nous on est quand même avec des approches un peu qui morcellent et qui ne sont pas très fraternelles.

  • Speaker #0

    Je crois que c'est vous qui avez écrit quelque chose qui dit en substance que la curiosité, si j'ai bien lu, prend soin du monde. Comment est-ce qu'on peut la cultiver, cette curiosité, pour dépasser justement cette... Alors à la fois peut-être cette forme d'indifférence, parce qu'il y a, je pense, pas mal de gens qui sont indifférents finalement à ce qui se passe, et faire un pas peut-être vers une forme d'engagement pour un monde qui ne soit pas complètement destructeur.

  • Speaker #1

    Comment on est les enfants d'un habitus culturel qui marie dans quel monde ? Social, on a grandi. C'est sûr que si on habite à Paris, dans le triangle doré, comme on l'appelle, où les familles organisent des rallies à 150 000 euros, on n'a pas la même vision du monde que si on est à Saint-Denis, dans une société multicolore avec d'autres cultures. Donc il y a ça, il y a ce qu'on est croyant ou pas croyant, quelle formation on a su. Bref, on a cette espèce de grille qui formate notre imaginaire. C'est difficile d'en sortir, d'arriver à se dire... plus peur pour rester suffisamment fécond à tout ce qui se passe. Une rencontre, une information, un phénomène, peu importe, je l'accueille et ça me transforme. Il ne faut pas avoir peur. Souvent, on est pétri par des peurs, des croyances. Ce qui nous empêche de sortir, c'était le Christ, je ne suis pas forcément christique, mais qui disait « tous seront appelés, mais il y aura peu d'élus » . Si on prend la phrase au premier degré, tout le monde peut s'éveiller à la conscience d'être vivant. Et ce que ça veut dire ? Mais voilà, on n'a pas tous l'occasion de faire la rencontre. Ça pose une question clé, est-ce qu'on est capable de devenir humain, c'est-à-dire conscient d'être vivant parmi les vivants, par choix ou par contrainte ? Par choix, c'est toutes les voies traditionnelles où les gens s'engagent, par choix, pour grandir, pour apprendre. Par contrainte, c'est l'accident, c'est la guerre, c'est tout ce qui va nous taper dessus, qui va nous inviter fortement à grandir, c'est comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que justement votre accident, ce n'est pas ce qui a fait que votre chemin est celui-là aujourd'hui ? Si vous ne l'aviez pas eu, est-ce que le trajectoire aurait été différente ? Probablement, oui.

  • Speaker #1

    L'accident m'a complètement orienté, c'est comme une boule de billard, poum, vous vous glissez. Je pense que c'est un ensemble de choses, c'est l'accident, c'est les rencontres. J'ai rencontré quelqu'un en Colombie qui était métisse, qui avait un cœur nourri de deux histoires, celle du monde colon. Son père était un colon avec un grand élevage de vaches, et sa maman indienne, je pense qu'il est né d'un droit de cuissage, parce qu'en Colombie, dans ces époques-là, ça fonctionnait un peu comme ça. Il portait dans son cœur cette double culture. Et c'est dur d'être métisse, d'être entre deux. Et c'est en même temps les autres nos plus grandes fécondations, d'oser se mettre en porte-à-faux dans une culture qui n'est pas la sienne. Alors, il ne faut pas avoir peur. Et lui, il le portait dans son cœur. Son père voulait qu'il soit son successeur dans son exploitation agricole et lui a dit non, je vais travailler avec les Indiens. Son père lui a dit, tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison. Donc il est parti à la rencontre de son histoire, quelque part. Et lui m'a tout enseigné sur comment on dialogue respectueusement avec une culture qui n'est pas la vôtre. Oui, il y a eu l'accident, mais j'aurais pu en rester là. Reprendre ma carrière de consultant que je faisais à l'époque. Puis il y a eu cette rencontre qui m'a montré comment dialoguer. En fait, quand on regarde son parcours de vie, on voit qu'on a des étapes fondatrices et des rencontres fondatrices qui, par spirale, nous emmènent plus ou moins dans certaines directions. C'est un ensemble de choses, avec un accident fondateur.

  • Speaker #0

    Oui, après, effectivement,

  • Speaker #1

    il y a quelque chose de la fécondation. Parce que j'ai un accident, ok. La fécondation est au cœur de la pensée Kogui. Je me dis que je les aide à récupérer leur terre. Parfait, mais je ne connais ni le droit colombien, ni par où commencer. Tout d'un coup, je rencontre quelqu'un, ce métis, Fentil, qui me dit « ok, on y va » . L'idée qui était un peu flottante descend dans la matière et devient réalisable. Je suis ouvert à ce que quelqu'un vienne m'aider, moi aujourd'hui ou quelqu'un d'autre demain, pour qu'on féconde ensemble quelque chose d'autre. Il faut s'ouvrir, autrement on n'arrivera jamais à faire les choses. C'est ça que j'appelle la fécondation. Quelque chose arrive qui rend possible. C'est une suite de rendez-vous que j'accueille.

  • Speaker #0

    Vous avez fondé une association qui s'appelait Tchendoukwa, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, on a fondé deux associations. La première s'appelle Tchendoukwa. Les Kogis considèrent que sur Terre, mais d'autres sociétés le voient de la même manière, les montagnes sont reliées entre elles par une trame énergétique, on va dire ça comme ça, d'informations qui circulent sur l'ensemble du globe. Ce qu'ils appellent des chicoacals. Et si nous respectons cette rame, nous comprenons comment elle fonctionne, nous pouvons vivre en paix et en alliance et en vibration positive avec la vie sur Terre. Ils appellent ça chendoukwa.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et si nous coupons par les tunnels, des villes, des routes, sans arrêt, des téléphériques, cette rame en permanence, c'est comme si je vous coupais des trames nerveuses ou sanguines dans votre corps. à votre corps, cette crise ne va pas bien, elle est malade, et ça c'est au Chikokala, c'est la destruction de cette rame, et c'est la fin de la vie en fait. Donc Tchennoukouas, c'est un village où ils travaillent cette rame, donc on s'est dit que c'était joli, de garder l'harmonie avec la nature.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce qu'ils ont, parce que pour l'instant je n'imagine pas de société supprimer les tunnels et enlever le bitume, est-ce qu'ils ont une proposition ? quelque chose pour, entre guillemets, cicatriser nos territoires, les rendre un peu moins...

  • Speaker #1

    Dialoguer avec l'autre, que ce soit l'autre comme vous aujourd'hui, ou l'autre comme les coguis demain. Il y a cette petite phrase qui dit, l'autre nous renseigne sur ce que l'on ne sait pas, ou plus de nous. Ça ouvre des horizons incroyables. Je vous donne une liste de petits exemples.

  • Speaker #0

    Rien que le vocabulaire utilisé. Nous arrivons au parc de la Fessine, qui est à côté de Villeurbanne, 50 hectares, au bord du Rhône. Et le maire de Villeurbanne, entendu parler d'Ecogui, veut rénover son parc, le réaménager, et se dit pourquoi pas demander l'avis d'Ecogui. Donc il y a une matinée comme ça, une caravane un peu surprenante, sillonne ce parc au bord du Rhône, le directeur du parc, quelques élus, des scientifiques et d'Ecogui. Fin de la visite, Ecogui pose deux questions. Première question, c'est pourquoi vous appelez ça un parc ? Pourquoi vous parquez ? Pourquoi vous n'appelleriez pas ça école ? Pour réapprendre la vie. Rien que sur la manière dont on nomme l'espace, il y a une transformation. Parce que du coup ça pourrait servir à toutes les écoles carencées en nature qui sont dans la région de Villeurbanne, puis dans des cours en béton. La deuxième question c'est comment c'était avant que tout soit urbanisé ? Est-ce que vous avez encore la mémoire de la vie avant que vous la supprimiez ? ou avant que vous ne la domestiquiez. On s'en rend compte que non. Donc avec deux questions, il réoriente complètement un aménagement de parc pour le passer plutôt vers du ménagement de l'espace, le réveil de la mémoire avec les écoles de Villeurbanne. C'est un changement total sur deux questions et un mode vocabulaire. Donc rien que la manière dont on nomme les choses, il nous interroge. Après, deuxième exemple, on va sur une source thermale. On leur avait demandé, pour vous, un site sacré, c'est quoi ? Je dis, ça, une source thermale. Pour nous, ça c'est intéressant. Alors, sacré, c'est le seul mot qu'ils ont trouvé en espagnol qui attire notre attention, mais c'est pas forcément comme ça qu'il est désiré. Mais bref, on arrive. Quand on fait des recherches sur cette source thermale, on se rend compte qu'elle était sacrée pour les cèdres qui vivaient là avant, à côté de Clermont-Ferrand, qu'elle a été source thermale de soins très important pour les Romains, et que maintenant c'est une décharge. Donc nous ne comprenons absolument rien, plus rien, de ce qui fonde la vie sur un territoire. Cette source thermale, il y a trois points. Une, il y a une décharge. Une, il y a des produits chimiques, ce qui est au milieu d'un champ agricole. Puis la troisième, qui est vaguement au carrefour de trois pistes. Elle est un peu plus préservée, on va dire. Et on est devant cette source. Et là, un des cogis qui a été formé pour lire les bulles. On regarde les bulles qui sortent de cette source thermale et se tournent vers le géologue qui était avec nous, avec la traduction bien sûr, et demandent est-ce que les volcans sont vraiment éteints ici ? la source. et les bulles me disent que non. Un géologue très surpris dit que c'est curieux parce que depuis un an, les volcans d'Oéam se réveillent et donc nous faisons des mesures sismiques tous les mois, alors qu'avant on en faisait tous les ans, parce qu'il y a une réelle reprise des activités sismiques. Donc par rapport à votre remarque de dire que le géologue et le coguille arrivent au même résultat mais par des chemins différents, on voit qu'on a des choses à se dire sur les mêmes phénomènes. Par contre, il y a des choses qu'eux connaissent sur les territoires qu'on ne connaît pas. Donc on pourrait déjà... Parler des choses qu'on connaît, parler des postures qui permettent de les apprendre et de dialoguer, et parler des choses qu'on ne connaît pas, qui pourraient nous aider à découvrir.

  • Speaker #1

    Dans votre intention, quand vous fondez cette association, vous disiez que c'était pour qu'ils puissent récupérer certains de leur territoire, là-bas, en Colombie. Est-ce que j'imagine que la réponse est oui ? Pour vous, c'est important qu'il y ait une sorte d'équilibre, de balancier entre ce qu'on va leur apporter et ce qu'ils vont nous apporter, finalement. Parce que souvent, on fait le reproche aux associations. qui vont généreusement donner du riz à droite, essayer de creuser un puits à gauche, etc. D'avoir un côté un petit peu, j'arrive avec mon savoir et je t'enseigne ce que tu dois savoir, alors qu'en fait, toi, t'en as d'autres. Mais c'est ça que je voudrais que je mette à jour. Enfin bon, bref. En vous écoutant, c'est juste pas possible que vous ayez cette posture. Donc je trouve que c'est intéressant. Peut-être que vous nous parliez aussi de cette intention de créer du lien qui nourrit les deux côtés.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs choses. En fait, il ne voit pas un territoire comme une zone amorphe ou une succession de roches, d'arbres et d'animaux. Il parle de corps territorial avec des fonctionnalités comme un corps humain. Or, ce corps territorial est en train de mourir. Il y a quelque chose de l'ordre de la survie. Donc il nous demande à la fois d'essayer de sauvegarder ce qui peut encore l'être chez eux, en rachetant des terres, en essayant d'aider à former des jeunes pour qu'ils retrouvent ces points d'acupuncture et qu'ils sauvent et qu'ils soignent ce qu'ils peuvent encore soigner. Ils nous disent « Aidez-nous à convaincre notre gouvernement que quand on dit qu'il faut protéger un site sacré, ce n'est pas juste un truc symbolique qui appartient à notre culture, mais que c'est un point d'acupuncture du territoire. Et que si on n'en prend pas soin, tout le monde va mourir, pas que nous. Donc c'est une question de survie. Et si on ne fait pas ça, comme c'est une question planétaire, il faut aussi le faire en Europe. Donc on essaie de vous faire comprendre. Donc on avance ensemble parce que pour eux, le corps territorial, ce qu'ils appellent le corps territorial, le territoire, C'est à travers le territoire que s'expriment ce qu'on nomme les lois de C, ces fameux principes. Si on laisse la nature tranquille, elle va exprimer les lois qui lui permettent d'être bien ou juste ou harmonieuse. Si on l'aménage sans arrêt, on ne va plus avoir accès à ça. Donc ils nous proposent d'ouvrir des espaces laboratoires où on laisse un peu la nature reprendre son souffle, pour qu'on puisse comprendre comment elle marche et sauver ce qui peut l'être. Ce que j'adore chez eux, c'est qu'ils ne nous disent pas c'est comme ça qu'il faut faire, ils nous disent ensemble, si on s'écoute, on peut encore sauver quelque chose. Ils ont une très jolie réflexion, je trouve, ils disent vous avez un savoir remarquable, c'est-à-dire qu'ils respectent notre savoir, celui des machines. Mais les machines n'ont jamais permis de comprendre la nature. Et avec ça vous allez mourir. C'est pas une machine qui vous permettra de comprendre la nature. Nous avons le savoir de la nature. On ne devrait pas s'opposer, on devrait se parler.

  • Speaker #1

    Oui, on en revient toujours à cette notion de réconcilier un peu cette nature-modernité. de créer des alliances entre les deux, à quoi est-ce que ça ressemblerait finalement à une société qui parviendrait à cet équilibre ?

  • Speaker #0

    Une société qui n'aurait plus peur et qui redonnerait sa place au féminin. La terre, l'eau, le féminin, la vie sont des notions féminines. Et dans le monde moderne, c'est totalement déséquilibré. Je ne parle même pas de fameux hommes, je parle du principe féminin-masculin. Et pourquoi ? Parce que le féminin est porteur de vie et ça fait peur. C'est du surgissement, c'est de la vie. Et pour le masculin qui aime bien contrôler, on n'aime pas ça du tout. Il y a une étude du Massachusetts Institute of Technology, je le dis très mal, qui a été faite en 2010, scientifique, qui se pose la question de savoir qu'est-ce que c'est une réunion efficace. Et il conclut en disant, ce n'est pas la somme des intelligences qui est là dans cette réunion, qui fait la bonne réunion, c'est l'équilibre entre le masculin et le féminin, c'est prouvé. Tout ce que vous me disiez, on a besoin de preuves, c'est la qualité d'écoute, la qualité de présence et la qualité du lien. Ça, ça fait une bonne réunion. Et que tu ne prouves pas autre chose. Ils sont très surpris. Un moment, on a été reçu dans un comité de direction en France par 13 personnes pour parler de nos questions communes, faire un projet, comment vous faites, comment on fait, gérer un conflit. Et à la fin, un co-guide, quand on est sorti, me tire par la manche et me dit « Mais ces gens-là, comment font-ils pour prendre des réunions ? » Pourquoi ils ne pourraient pas en prendre ? Parce qu'il n'y a pas de femmes. ça ne peut pas marcher, dans les noms sans femmes.

  • Speaker #1

    Ça fait du bien.

  • Speaker #0

    C'est pas une question d'équilibre des genres, c'est même pas ça. Bien sûr. C'est qu'on n'a pas les mêmes modes de pensée. Ben évidemment. On prend les décisions sur une patte, en fait, donc elles ne sont pas équilibrées, elles sont mauvaises. Donc ça crée des déséquilibres partout.

  • Speaker #1

    Après, j'ai l'impression, alors c'est peut-être moi, parce que ça m'intéresse aussi ces sujets, mais la question de la place de la femme et au sens large du terme, comme vous disiez, et pas uniquement la femme en tant que personne et du principe féminin. J'ai l'impression que depuis quelques années, on est en train de secouer le cocotier. Alors pas forcément de la bonne manière, on est d'accord, peut-être que c'est un petit peu trop encore là dans la violence et dans...

  • Speaker #0

    En termes de droit, oui. En termes de principe, je ne vois pas beaucoup. C'est un film qui s'appelle toujours « Je reverrai ou je verrai toujours vos visages » , qui essaie de mettre des espaces de dialogue pour que victime et bourreau se parlent, d'ouvrir ce que j'appelle une matrice féminine. protectrice dans laquelle les points de vue peuvent s'échanger et co-construire. Ce genre de situation dans votre pays, il n'y en a pas beaucoup.

  • Speaker #1

    Non, pas encore, c'est vrai, c'est juste. Il y a encore beaucoup d'affrontements entre la position de victime et la position de victime, elle est presque... Maintenant, je suis intervenue il y a un petit temps dans une conférence, et on m'a dit, on va mettre témoignage d'une survivante. J'ai dit non mais... On va aller jusqu'où dans l'escalade ? En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas ça. Moi, je viens là pour témoigner et dire qu'on peut faire autrement. C'est possible. Mais ça veut dire qu'on a de la peur.

  • Speaker #0

    Parce qu'on a peur de se dévoiler, on a peur de nos vulnérabilités, on a peur de nos erreurs, on a peur de tout ça. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Par contre, quand on arrive à ouvrir ces espaces, ils sont extrêmement guérissants. Les paroles peuvent être déposées, les blessures peuvent être apaisées. Les reconnaissances peuvent être faites, mais il faut du courage, du savoir-faire. Il faut arriver à gérer ça, c'est pas facile. Les cogis sont excellents. En fait, quand on regarde bien la modernité et ces sociétés dont font partie les cogis, nous on a investi dans la transformation de la matière, plus vite, plus efficace. Et c'est vrai, on a des petites machines qui font des prouesses. Et ça s'accélère. Les cogis n'ont pas investi là-dedans, ils ont investi dans comment vivre ensemble sans se faire la guerre. Comment faire de l'altérité et de la richesse. Ils proposent que le savoir-faire qu'on a acquis, que le savoir-être qu'ils maintiennent toujours, se rencontre. C'est là que c'est complémentaire. Nous, on n'apprend pas à nos enfants à ne pas se battre dans la cour de récréation. On n'apprend pas, nos enfants, ce que c'est que la fraternité, qu'on a marquée sur nos écoles. Jamais.

  • Speaker #1

    Donc il faut qu'on fasse intervenir des co-guillards à l'école.

  • Speaker #0

    C'est l'école qui est ici, l'école Caminandien. Ça inscrit beaucoup de leur philosophie.

  • Speaker #1

    Un beau projet en tout cas. Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin après toutes ces années d'engagement et comment est-ce que vous gardez une sorte de joie un peu simple ?

  • Speaker #0

    Comment je garde la joie ? En la cultivant comme un jardin précieux, tous les matins, tous les jours. Des fois je me raconte une blague à deux balles, des fois je joue de la musique, des fois je respire à plein poumon l'air tiède de la fin d'après-midi comme c'était le cas tout à l'heure. Je crois que c'était Voltaire qui disait « on décide d'être joyeux, c'est une décision » . C'est vrai. Je réécoutais encore le gouverneur Coggy, parce qu'ils ont des représentants politiques, qui disaient « il ne faut jamais douter, jamais lâcher, continuer, continuer, continuer » .

  • Speaker #1

    Donc l'engagement, la persévérance.

  • Speaker #0

    Ma grande-tante que j'ai eu la chance de connaître quand j'étais adulte à 42-43 ans, quand je lui demandais ce qu'elle avait fait pendant la dernière guerre, elle me disait « oh je suis en camp de vacances » . Quand j'ai grandi c'était à Auschwitz et quand je lui ai demandé comment tout en est sorti, parce qu'elle m'en parlait, c'était une dame fragile mais d'une force incroyable, elle me regardait et me dit « mon chéri, la joie, la solidarité et la poésie, n'oublie jamais ça » .

  • Speaker #1

    Ah c'est joli. C'est très beau l'ensemble. Est-ce que ça pourrait être une des réponses à ce qu'on ressent de plus en plus comme une forme d'urgence écologique ? On parle beaucoup, j'ai abordé cette question-là avec certains invités sur le podcast, de l'anxiété écologique, l'urgence écologique, le réchauffement climatique. Et puis en même temps, le temps qui est plus long de celui de la transformation, de l'acquisition, de la rencontre. Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. Comment est-ce qu'on peut arriver à apaiser l'un et stimuler l'autre, peut-être ?

  • Speaker #0

    On a des gens de talent en France, en Europe, il y a vraiment des gens de talent. Mais il y a souvent deux obstacles. La difficulté à incarner. Beaucoup de gens vont vous dire, il n'y a qu'à faut qu'on, ils vont sortir un livre. C'est bien un livre, mais ça ne change pas. énormément de mal à se mettre en lien. On reste quand même campé sur nos égaux. Très difficile de baisser les armes et de se dire sincèrement c'est ensemble qu'on va y arriver. Je n'ai pas trouvé pour l'instant des gens qui s'engagent sur ce chemin. On est encore loin, on a encore besoin de briller. On va faire une action et on va la mettre sur un réseau social. On est dans la jonction. On n'est pas dans l'action. C'est la vraie action. Et puis on a un pays qui étouffe toute initiative qui lui échapperait. Cette école primaire ici, s'ils pouvaient la fermer, je pense qu'ils s'en porteraient mieux. Alors que les enfants sont heureux, font des calendriers de l'Avent avant la rentrée, tellement ils ont envie de rentrer. Et si on prend les notes ou les évaluations du collège comme un référentiel, on les met en note les meilleures évaluations au collège. C'est quoi le problème ? Ils savent lire, écrire, ils sont contents d'aller à l'école. Non, on est dans un pays qui ne peut pas entendre l'innovation sociale. Impossible. Trop bloqué, trop peur, il n'a pas encore vécu la souffrance, il ne se souvient plus de la souffrance qu'il a vécue.

  • Speaker #1

    On va vous inviter à Luxembourg pour nous parler un peu de tout ça dans une prochaine conférence qu'on essaie d'organiser avec un certain nombre de gens sur ces questions à la fois de lien entre l'école et l'entreprise, mais pas au sens mental, au sens vraiment de l'humain, et puis aussi comment repenser l'école. Et dans les gens qui sont là cette semaine, il y a une femme qui fait partie d'une association qui n'est pas elle-même enseignante à la base, elle est psychothérapeute, elle a maintenant ouvert un café de rencontre, une sorte de tiers-lieu. Et ils essayent de vrai aussi pour proposer une forme d'école différente. Et pour avoir eu quatre enfants, scolariser dans un système qui est certes pas mal, parce qu'à Luxembourg... Il y a des choses qui sont quand même novatrices, tout n'est pas bon, enfin bon souhait, mais je me dis sur une totalité de classes, aujourd'hui si on prend un enseignement traditionnel, combien d'enfants sont concernés, combien d'enfants peuvent suivre ? Mais entre les trop intelligents, je mets des guillemets, entre les pas assez intelligents, je mets aussi des guillemets. Les dyslexiques,

  • Speaker #0

    les trucs que je dis.

  • Speaker #1

    Voilà, dyscalculie, dys tout. En fait, il doit y avoir trois dans la classe à pouvoir suivre.

  • Speaker #0

    Parce qu'il n'y a qu'une seule question à se poser pour l'éducation. Comment réveiller le désir ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Pour que l'enfant, il ait envie, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    Oui, avant, je ne sais plus qui, je crois que c'était Idrissa Berkane qui disait sur l'éducation, quand on a... On a ouvert les écoles et on les a rendues obligatoires. Ce n'était pas pour les enfants que les ont rendues obligatoires, c'était pour les parents pour qu'ils arrêtent de les mettre au champ. Mais les gamins, ils étaient vachement contents d'aller plutôt sur les bancs et écouter des histoires que dans les champs. Mais l'école n'a pas beaucoup évolué après ça.

  • Speaker #0

    On rentre dans une école aujourd'hui, à 80% des cas, ça n'a pas changé. Parce que moi j'ai connu à l'école primaire du frontal, taisez-vous, immobile, on n'a jamais prouvé qu'il fallait être immobile. Les enfants font des jardins, ils vont passer 7 jours en montagne, ils font des sit-spots, 20 minutes tout seuls, hors référents adultes. Ça marche après, c'est selon les enfants et les tempéraments, mais globalement ça se passe bien. Vous avez des enfants que vous voyez revenir à un espèce de taux vibratoire, ils peuvent apprendre.

  • Speaker #1

    J'en doute pas.

  • Speaker #0

    Là on a une directrice de crèche qui avait accueilli mes enfants, qui en a maintenant 20 ans, donc qui a plus de 20 ans d'expérience de voir passer les enfants. Elle disait que les enfants qui arrivent ne jouent plus, ne se mettent plus en lien socialement, et prononcent des mots, mais qu'ils ont pris ça à 4, 3, 4, 5 ans. On se prépare des générations pour piquer des verres. Le rêve, si on parle d'éducation, le Luxembourg pourrait être porteur de ça. Ce serait vraiment une espèce de chair du futur, pour des étudiants du futur, l'élite du futur. Imaginez si Luxembourg jouait à si bel, si français, si coggy, ou à si canaque. Comme par exemple, une ancienne colonie, pour dire on va vous proposer un parcours de réconciliation de l'ensemble des savoirs et des connaissances qu'il faut avoir. Pour avoir une petite idée de ce qui se passe actuellement. C'est-à-dire que ces étudiants passeraient vraiment trois semaines avec les cogis, ou les jeunes cogis seraient valorisés, parce qu'ils pourraient leur dire comment ça marche. Puis chez les calaques, ce qui permettrait de sortir les calaques de là où on les a mis aujourd'hui en France. Puis dans une université. On apprend les institutions européennes, ça en fait partie. Et là, on pourrait donner une chance de réveiller un peu ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous oppose. Soir de l'audace, on n'a pas d'audace. Je suis intervenu dans la conférence des universités à Bruxelles il n'y a pas longtemps, des universités belges. C'est comme si on était pétrifiés par la peur, je ne sais pas. Ils écoutent, ils trouvent ça bien. En fait, le cadre est tellement sclérosant, il n'y a rien qui bouge.

  • Speaker #1

    Il faudra encore du temps, je pense. Ne perdons pas espoir, ne perdons pas espoir. Continuez,

  • Speaker #0

    continuez, continuez.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Donc si vous aviez pour terminer un enseignement, Kogi, à transmettre à nos auditeurs pour peut-être oser faire un pas ou oser eux aussi prendre la parole sur des sujets qui les concernent ou qui leur tiennent à cœur sans forcément rentrer dans... Cette notion de soit j'ai raison, soit d'opposition, soit de vouloir à tout prix convaincre, qu'est-ce que vous pourriez leur dire ?

  • Speaker #0

    Je leur dirais, allez passer trois jours en montagne, en nature, en silence, et regardez ce qui se passe pour vous. Apprenez à boire de l'eau, c'est la première relation spirituelle, de l'eau qui ne soit pas en bouteille, pas dans les tuyaux, pas avec des ultraviolets, de la vraie eau qui soit dans une vraie montagne. Apprenez-la, buvez-la lentement en comprenant. que nous sommes 80% d'eau dans le corps et que c'est la première relation spirituelle. La deuxième, c'est qu'est-ce que vous mangez ? Prenez le temps de faire votre deuxième alimentation spirituelle pour vous faire en bonne santé ou pas. La troisième, c'est qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que c'est que ces idées sombres que vous n'arrêtez pas de ramener ? C'est un apprentissage. Pour essayer de calmer ces idées, la quatrième, c'est qu'est-ce que vous dites ? Quels sont les mots, les énergies que vous envoyez aux autres ? Voilà, et puis jouer de la musique, chanter.

  • Speaker #1

    Super, ben voilà, les amis, il n'y a plus qu'à se mettre à chanter. Moi je dis d'accord, d'accord, d'accord,

  • Speaker #0

    d'accord. Il y a un scientifique, un physicien, dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui disait pour progresser, aller au-delà des apparences, il y a les mathématiques, qui par certaines formules vous font toucher, quand on est mathématicien, l'au-delà du strict réel tel qu'on le perçoit. Mais surtout c'est la musique, c'est la vibration qui vous fait tout de suite aller dans d'autres dimensions. La vibration ça nous réunit, la vibration et l'humour, les blagues. Je vois les coguilles comme si on venait en France. Il y en a un qui m'a demandé comment on dit bonjour chez toi en français. On dit bonjour ma biche. On répétait ça plusieurs fois et le lendemain on avait une rencontre avec des aigus et des échappes bleu-blanc-rouge et tout. Il s'est avancé très content, bonjour ma biche, ça fait des éclats de rire. Ça a changé totalement le rendez-vous. J'ai expliqué aux aigus, ça avait cassé une barrière. Et qu'on s'était rencontré entre potes, et là tout est possible.

  • Speaker #1

    Entre potes, super. Encore mille fois merci pour le temps que vous nous avez accordé.

  • Speaker #0

    J'espère qu'on va en faire quelque chose avec plaisir.

  • Speaker #1

    Avec plaisir, oui, j'espère bien qu'on va en faire quelque chose. Je vais certainement vous faire rire, mais cette histoire, elle a un épilogue. L'univers a continué, l'univers ou la vie ou le grotto, enfin appelez-le comme vous voulez, donc a continué de m'envoyer des signaux. Parce que tout début septembre, j'ouvre la newsletter de Simone Gray-Sol, une coach coréenne en marketing que je suis depuis un moment, dans laquelle elle nous fait part d'une quête d'espoir dans ce monde qu'elle considère comme étant en mille morceaux et qui a urgemment besoin de transformation. Donc elle explique avoir cherché des réponses en politique, dans le monde des affaires, de l'innovation, avant de se tourner vers le développement personnel. Et partout, au fur et à mesure de ses expériences, elle dit constater que les systèmes qui sont en place, politiques, économiques et même parfois spirituels, reproduisent les mêmes schémas, les limitent finalement une transformation réelle.

  • Speaker #0

    Pour conclure,

  • Speaker #1

    elle dit avoir trouvé une forme d'espoir durable, profond, en prêt, d'enseignants autochtones et de sagesse ancestrale. Deux parcours, deux histoires, et finalement un constat identique qui est que l'espoir n'est pas quelque chose de naïf à partir du moment où ça devient une pratique active et qu'elle se nourrit de rencontres vraies avec d'autres façons de voir le monde. Et c'est exactement... ce qu'on vient de faire. Alors, dans les enseignements des Kogis, Kagba, qu'Éric nous transmet, lequel finalement a retenu le plus votre attention que ce soit l'idée de décoloniser nos imaginaires ou bien la complémentarité des savoirs, la reconnexion aux vivants, le fait de féconder ensemble, de créer des ponts entre savoir-faire Et savoir être, le rééquilibrage essentiel du féminin pour que notre société soit moins dans la peur, la fraternité aussi malgré les formes d'oppression. Ou bien peut-être que le message essentiel de cet épisode ne serait-il pas de faire déjà la paix à l'intérieur parce que comme ça, ça ira mieux à l'extérieur. Je vais terminer par quand même le truc extraordinaire. C'est qu'Eric, il a fini par dédicacer le livre que m'avait offert Sandra. Merci infiniment. Et j'ai envie de conclure cet épisode par un bonjour ma biche. Alors je vous souhaite, d'ici notre prochaine rencontre, des éclats de voix que je qualifierais de malicieux.

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