Speaker #1Aux jeunes parents, on demande souvent si l'enfant dort bien ou mange bien, plus rarement s'il parle bien. Pourtant, bien parler est tout aussi vital. Je m'appelle Céline De Villers, je suis orthophoniste et fondatrice de loulilou.fr. Je forme depuis des années les professionnels de la petite enfance au développement et à l'éveil au langage. Au cours de ma carrière, j'ai rencontré de nombreux parents et j'ai remarqué que très peu d'entre eux sont conscients du rôle crucial qu'ils ont à jouer dans le développement du langage de leur enfant. Voilà pourquoi j'ai créé cette série de podcasts. Pour vous parler gazouillis, babillages, en attendant les premiers mots, vous guider pour accompagner les premières phrases, mais aussi vous partager astuces, conseils et anecdotes pour vous éviter certains écueils. Pas de formule magique, mais une formule toute simple. Un beau langage permet de mieux s'épanouir. Écoute-moi bien dans les yeux. Le podcast sur l'évaillot langage chez l'enfant de 0 à 50. Aujourd'hui, je vais vous éclairer sur les questions que vous vous posez si votre enfant présente des difficultés pour s'exprimer. Bienvenue dans l'épisode 10, à partir de quand s'inquiéter. La mise en place du langage est un processus complexe et remarquable durant les premières années de la petite enfance, qui est soumis à bien des variations. Le bon développement dépend de chaque enfant, mais aussi de l'environnement, de la qualité des interactions vécues et de bien d'autres variables. Cet épisode a pour but de vous donner des pistes de réflexion et des points de repère qui peuvent être utiles si vous vous questionnez. J'ai abordé dans les épisodes 1 à 8, les différents stades d'acquisition du langage chez l'enfant de 0 à 5 ans. Évidemment, les âges donnés pour les différentes étapes sont indicatifs. Ils servent de référence. On est loin d'une vérité absolue de type « à tel âge, il doit faire ça » . Il est vraiment important de comprendre que chaque enfant est différent et de respecter que chacun avance à son propre rythme. Je souhaite tout d'abord vous rassurer et vous sensibiliser au fait Merci. que votre enfant a un potentiel énorme. Lui accorder votre confiance est déjà une base indispensable. Certes, votre bout de chou a peut-être quelques difficultés, mais rappelez-vous, toute nouvelle étape de langage doit être mise en lien avec le développement global de l'enfant. On entend souvent dire que l'enfant ne peut pas progresser à tous les niveaux en même temps, ou qu'il faut laisser le temps au temps. Effectivement, selon l'âge et selon les enfants, Les étapes du développement psychique, psychomoteur et langagier s'alternent ou s'entrecroisent. Alors, comme pour toute acquisition, l'enfant peut connaître parfois des paliers, ou prendre un peu plus de temps pour franchir la marche d'après, sans qu'il y ait forcément un problème. Parfois, c'est notre environnement qui nous stresse inutilement. Quelques mauvaises langues viennent faire vaciller nos certitudes. Comment ? À 12 mois, il ne parle toujours pas ? petite remarque d'un collègue vous turlupine et commence à semer le doute dans votre esprit. Rassurez-vous, ce n'est pas parce que l'enfant ne dit pas encore de vrais mots à un an que forcément il présente un retard ou un trouble du langage. Car il y a une différence énorme entre lire une information sur Internet et recueillir l'avis d'un spécialiste. Si vous prenez cette remarque au pied de la lettre, le risque est de faire des raccourcis de manière hâtive et de vous retrouver à partir d'une petite phrase avec une usine à gaz dans la tête. Un autre point important est de ne pas comparer le développement de l'enfant avec celui de ses frères et sœurs. Bien évidemment, c'est plus facile à dire qu'à faire. C'est vraiment pas facile de s'enlever de la tête des réflexions du genre. Je me demande si Léo ne marchait pas déjà à son âge. Et puis, quand vous faites l'effort de ne pas comparer votre cadet avec votre aîné, C'est souvent votre entourage qui pratique la comparaison et vous met un petit coup de pression. « Ah ? Il ne dit toujours pas de mots ? » C'est étonnant parce que Louise était une vraie pipelette à son âge. Bon, d'accord, mais alors à partir de quand s'inquiéter ? Bien souvent, l'inquiétude spontanée que vous ressentez est juste. Oui, juste, car déjà c'est vous qui connaissez le mieux votre enfant. Il arrive que certains éléments de la communication de votre enfant vous interpellent. Un babillage pauvre, l'absence de premiers mots, le fait qu'il vous fasse souvent répéter. Du coup, vous vous posez une question tout à fait naturelle. Est-ce que c'est normal ? Essayons d'abord de remettre les choses en perspective. Nous l'avons vu dans les précédents épisodes, le développement du langage évolue rapidement durant les premières années. La progression des différents stades en témoigne. Vous pouvez partir du principe que le langage s'enrichit généralement en quelques mois. En cas d'inquiétude, la première étape est déjà de voir si la problématique s'inscrit dans le temps, car une situation peut parfois se débloquer naturellement. Se donner trois à six mois semble raisonnable pour constater une amélioration. Parfois, certains facteurs peuvent freiner le bon développement du langage. Je pense par exemple à une utilisation trop importante de la tétine après deux ans qui devient réellement un bouchon à parole ou encore aux otites répétées. Eh oui, l'oreille de votre petit bout peut être atteinte d'une otite serreuse sans que vous vous en rendiez compte et cela peut réellement gêner la mise en place de la parole. C'est ce qui est arrivé à Thibaut, mon deuxième enfant. J'avais remarqué qu'il ne se retournait pas quand je chuchotais derrière son dos. L'ORL détecta une otite serreuse, doublée d'un bouchon de cérumène. Avec tout ça, il n'entendait pas grand-chose, et cela impactait son langage. Comme il présentait des otites serreuses à répétition, le médecin préconisa une opération. Il lui posa des yo-yos, appelés aussi aérateurs ou diabolos. Après cette intervention, son langage se développa à merveille. Un terrain d'otite à répétition est donc à considérer comme un facteur de risque pour le bon développement du langage. La surexposition aux écrans également. Aujourd'hui, tous les scientifiques s'accordent pour déconseiller les écrans avant 3 ans. Pour bien se développer, le cerveau d'un tout petit a besoin avant tout de la relation humaine et d'objets du réel, et non d'objets virtuels. Devant un écran, les sens du jeune enfant sont littéralement bombardés. On parle alors de surstimulation. Alors oui, devant votre téléphone, vous avez l'impression que votre enfant se calme, car son attention est captée, mais il n'en est rien. En réalité, le tout petit est abruti par des flashs imprévisibles, qui génèrent de l'angoisse et de l'agressivité. On est bien loin du calme dans le sens sérénité. Les écrans ont aussi un puissant pouvoir addictif basé sur la dopamine, ce qui complique leur arrêt et crée une intolérance à la frustration. Bref, tout ce temps que votre petit bout passe devant les écrans est du temps d'exploration motrice et d'interaction familiale en moins. Le plus gros problème aujourd'hui, c'est le téléphone. Je rencontre des bébés de 10 mois qui ne savent pas tourner les pages d'un livre car ils essaient inlassablement de déverrouiller la page de couverture. Inutile de vous dire que nous sommes tous concernés par ce phénomène. S'interroger soi-même sur son propre rapport aux écrans me semble primordial quand on est parent. Car comme vous, cela m'arrive de constater que ma disponibilité envers mes enfants devient toute relative quand je suis avec mon portable greffé à la main. Dès 2017, la Société canadienne de pédiatrie informait qu'une exposition aux médias avant deux ans n'engendrait aucun bienfait, mais entraînait plutôt ... un risque développemental de type trouble de l'attention, problème d'impulsivité ou de la relation. J'ai parlé du téléphone, mais n'oublions pas nos amis les DVD, dessins animés en tout genre ou les DVD qui nous vantent leurs vertus éducatives. Autant vous dire que ces derniers sont uniquement des produits marketing. Avec des promesses comme « apprendre à lire à bébé » ou « apprendre les mathématiques à bébé » , autant vous dire qu'on part dans du grand n'importe quoi. Les DVD pour les moins de 3 ans représentent tout de même 30% des parts du marché. À l'heure actuelle, aucune recherche scientifique ne démontre le succès de ces programmes d'apprentissage précoce auprès d'enfants tout venant. Au contraire, les études démontrent qu'une surconsommation de DVD génère un appauvrissement du vocabulaire et du développement cognitif. Allez, assez parlé des écrans. J'ai plutôt envie de vous dire que, quelle que soit votre inquiétude, tout problème a une solution, ou son petit coin de ciel bleu. Soyez confiant. Bien sûr, il n'est pas rare quand vous partagez vos interrogations à vos proches d'entendre « t'inquiète pas, ça passera tout seul » ou bien « attends l'entrée à l'école, tu verras bien » . Bon, comme je l'ai évoqué, il est vrai que la situation peut parfois s'arranger naturellement, mais d'autres fois, non. Et dans ces cas-là, le temps perdu aurait été précieux. Précieux pour demander l'avis d'un spécialiste, pour réajuster la manière d'échanger avec l'enfant. ou précieux pour démarrer une prise en charge orthophonique, à minima être inscrit sur une liste d'attente. Alors faites confiance à votre intuition. À la PMI, Service de Protection Maternelle et Infantile, ou dans la structure petite enfance qui accueille votre enfant, des professionnels peuvent vous informer et vous orienter si besoin vers la démarche adéquate. En tout cas, l'INSERM ou l'ANAES, l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation de la Santé, décrivent quelques signes Merci. évocateur d'une difficulté de langage et qui mérite l'avis de votre médecin. Si bébé ne babille pas à 10 mois, le babillage étant le fait de dire des syllabes, par exemple « da da da da » Si l'enfant ne dit pas de mots à 18 mois ou s'il ne s'exprime pas avec deux mots juxtaposés du genre « tombez doudou » à 2 ans. Si la voix de votre enfant est en permanence cassée, nasale ou trop forte. Si son langage régresse ou que vous avez le moindre doute sur son audition. Si votre enfant bégait et qu'au fil des semaines, son bégayement s'intensifie et lui fait perdre confiance en lui. Si vous êtes la seule personne à réussir à comprendre votre enfant au moment de l'entrée à l'école. Si ses phrases sont toujours mal construites vers 4 ans et qu'il ne parle pas de lui en disant « je » . Si votre questionnement concerne l'un de ces points, cela ne sert à rien de rester seul avec votre inquiétude. Bien des professionnels peuvent vous aider. Le premier interlocuteur à qui vous adresser est votre médecin référent. Par exemple, depuis 2019, en cas de suspicion d'autisme, vous pouvez solliciter votre médecin généraliste ou votre pédiatre pour une consultation longue qui coûte 60 euros et qui est remboursée. Pour toute autre inquiétude liée au langage, le médecin demandera souvent un contrôle de l'audition, des PEA, potentiels évoqués auditifs, Ou un audiogramme. Et oui, même si le dépistage réalisé à la maternité était normal, il arrive parfois que les difficultés à entrer dans le langage soient liées à un problème auditif acquis. Donc en premier, on cherchera souvent à écarter cette cause. Une fois la difficulté de langage avérée et le diagnostic posé, Mettre en place des soins n'est pas toujours aisé, et comprendre les possibilités de prise en charge ne l'est pas non plus. Il faut choisir la meilleure option de prise en charge selon la problématique de l'enfant. Orthophonie en libéral, hôpital ou centre de soins ? Pour cela, on doit se familiariser avec de nombreux acronymes qui font référence aux structures de soins pluridisciplinaires de notre système. CMPP, CAMS… Rassurez-vous. Les professionnels de santé et votre médecin sauront vous conseiller au mieux. En ce qui concerne l'orthophonie, les listes d'attente ont explosé ces dernières années. La raison est tout d'abord le nombre de départs à la retraite, corrélés à la limitation du numerus clausus, mais surtout l'augmentation des troubles du langage dus à la surexposition aux écrans. Pour autant, ne baissez pas les bras, gardez espoir. Un ou une orthophoniste... accueillera votre enfant avec professionnalisme et bienveillance. Un premier rendez-vous se fait sur ordonnance de votre médecin et donne lieu soit à un bilan orthophonique avec rééducation, soit à un bilan de prévention et d'accompagnement parental. Ce dernier bilan vous permet d'exposer la problématique de votre enfant à un thérapeute du langage et de la communication. Cette démarche préventive est possible même avant 3 ans, alors n'hésitez pas ! Il existe également des sites ressources fiables, comme le site allo-ortho.com, véritable plateforme de prévention qui donne bien des informations utiles en attendant de démarrer une prise en charge. La prévention des difficultés de langage est capitale. Agir tôt permet bien souvent de réajuster la trajectoire de langage et de minimiser la frustration ou la souffrance causée par les difficultés de communication. Plus la prise en charge orthophonique est précoce, moins de temps elle dure. D'ailleurs, dans la plupart des cas, l'enfant se saisit rapidement de l'espace de parole proposé chez l'orthophoniste. Il a compris que cet espace lui est dédié, que sa parole est accueillie avec bienveillance et douceur. Vous connaissez désormais les principaux facteurs de risque susceptibles d'entraver le bon développement du langage. La tétine, les otites à répétition, la surexposition aux écrans. En cas de doute ou de signe évocateur, de nombreux professionnels peuvent vous accompagner et aider votre enfant à surmonter ses difficultés. Et surtout, n'oubliez pas que la confiance dans les capacités de votre bouchou et la valorisation de sa parole jouent un rôle considérable pour la suite. En donnant à votre enfant les chances d'être à l'aise dans son langage, vous favorisez ainsi son mieux-être et son intégration sociale. En effet, entrer à l'école maternelle avec un bagage langagier de qualité facilite les futurs apprentissages. Viser une entrée au CP avec une belle articulation permet une meilleure acquisition de la lecture et de l'écriture. Loulilou porte cette conviction. Un beau langage permet de mieux s'épanouir. Ainsi se termine l'épisode 10, intitulé « À partir de quand s'inquiéter ? » J'espère qu'il vous a plu. C'était le dernier épisode de la série sur l'éveil au langage. Merci pour votre écoute. N'hésitez pas à commenter et à partager le podcast autour de vous. Vous pourrez trouver davantage de ressources gratuites sur le sujet, vidéos et articles sur le site loulilou.fr ou la chaîne YouTube.