- Speaker #0
Imaginez pouvoir faire Paris New York en seulement 3h30 Imaginez pouvoir traverser l'Atlantique à deux fois la vitesse du son soit environ 2150 km heure Imaginez pouvoir voir le même coucher de soleil deux fois Et bien dans les années 70 c'était pas seulement un rêve mais une réalité grâce au Concorde notamment Un avion supersonique capable de voler à Mach 2 donc deux fois la vitesse du son Et c'était plus qu'un avion c'était un symbole Mais cette ère du vol supersonique elle n'a pas duré Et aujourd'hui aucun avion commercial ne dépasse le mur du son Il faut environ 8 heures pour rejoindre New York. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi est-ce qu'on a arrêté de voler Supersonic ? Pourquoi est-ce que ces avions sont aujourd'hui dans les musées ? Et surtout, est-ce qu'on pourra espérer le retour du vol Supersonic commercial ? Bon pour comprendre où on en est aujourd'hui il faut comprendre d'où on vient. On connaît bien la course à l'espace mais on connaît un peu moins la course à l'avion supersonique et pourtant dans les années 60 cette course elle a vraiment existé et à l'époque il y avait trois concurrents. Déjà il y avait les américains avec le Boeing 207. Le Boeing 207 c'était un avion avec une aile à géométrie variable capable de voler à Mach 3 donc trois fois la vitesse du son et de transporter 250 passagers. Alors je sais pas si vous vous en rendez compte mais c'est énorme, le projet est hallucinant et très ambitieux et les défis de conception étaient immenses notamment à cause de la chaleur qui aurait été générée à ces vitesses là et très rapidement en fait le budget a dépassé les estimations initiales et le projet a dû être abandonné. De l'autre côté dans l'Union Soviétique il y avait le Tupolev 144. Le TU-144 était un avion supersonique capable de voler à Mach 2, donc deux fois la vitesse du son, et de transporter une centaine de passagers. Donc c'est un concurrent sérieux du Concorde. Le TU-144 ou Konkordski, oui la presse occidentale le surnommait Konkordski pour sa ressemblance avec le Concorde. Et aussi parce que le renseignement soviétique s'était procuré des plans du Concorde. En fait c'est surtout pour ça qu'on le surnommait Konkordski. Il entra en service en 1977 et ne servira qu'une seule route, Moscou-Alma-Ata qui est aujourd'hui au Kazakhstan, pour s'arrêter seulement 8 mois plus tard après seulement 55 vols commerciaux. Alors sa carrière totale elle est un peu plus grande. Elle s'étend de 1968 à 1985 et pendant sa carrière complète, il a surtout fait des vols d'essai et du transport de cargo. Donc on ne peut pas dire que c'est vraiment une réussite. Et en plus, pendant sa carrière, cet avion a subi deux crashs. Un lors d'une démonstration au vol au salon du Bourget, tuant 14 personnes, 6 membres d'équipage et 8 personnes au sol. Et un autre lors d'un vol d'essai, tuant 2 personnes à bord. Et enfin le dernier, le Concorde. Le Concorde est issu d'une alliance franco-britannique. C'était un avion qui est capable de voler à Mach 2, donc deux fois la vitesse du son, et de transporter une centaine de passagers. Il a eu une carrière très longue de 27 ans chez Air France et British Airways. Il est à l'origine de nombreuses prouesses technologiques. Par exemple, c'était le premier avion à pouvoir rééquilibrer le carburant en vol.
- Speaker #1
On avait un réservoir à l'avant et un réservoir à l'arrière. Et on avait des pompes assez rapides qui pouvaient transférer de l'avant vers l'arrière. Et ça permet de... décentrer l'avion. Un avion pour voler, il doit être centré à l'intérieur d'une certaine enveloppe. Et sur le Concorde, sur tous les avions supersoniques, son centre de poussée, c'est-à-dire la poussée de la portance sur l'aile, se décentre à cause du phénomène supersonique. Donc on a été obligés d'inventer cette technologie pour décentrer l'avion, ou du moins le centrer là où il pouvait voler en croisière.
- Speaker #0
Il était équipé d'une automanette.
- Speaker #1
C'est un calculateur, un automate, qui permet à un pilote de brancher un automatisme qui va lui faire respecter la vitesse que le pilote décidera et affichera dans une petite lucarne de commandes du pilote automatique.
- Speaker #0
Et de commandes fly-by-wire.
- Speaker #1
C'était les premières commandes de vol électriques. J'ai un souvenir très agréable des commandes de vol.
- Speaker #0
Et toutes les stars voulaient voler avec. Et imaginez, les businessmen pouvaient aller à New York la journée travailler et puis rentrer le soir à Paris dans la même journée. Et lors de sa conception, son carnet de commandes était plein. Il avait environ une centaine de commandes, des compagnies comme Panam, Lufthansa, Japan Airlines et United. Mais alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Bon, déjà, il y avait un petit problème sonore. Ça, c'est le banc supersonique. Alors, le banc supersonique, c'est très simple à comprendre. On va prendre un exemple. Imaginez que vous êtes dans la rue. et qu'il y a un camion de pompier s'il y a un allumé qui passe devant vous. Quand le camion de pompier se rapproche de vous, le son qu'il émet sera un peu plus aigu parce que les ondes sonores sont compressées par le mouvement du camion qui se rapproche de vous. Et quand le camion passe et s'éloigne, le son qu'il émet est un peu plus grave Parce que ces ondes sonores sont élargies, sont étirées par le mouvement du camion qui s'éloigne de vous. Et bien avec l'avion, c'est pareil. Mais imaginez maintenant que l'avion se déplace à vitesse supersonique plus vite que le son lui-même. Est-ce que vous l'entendriez arriver ? Et bien non. Il émet quand même du son. Mais les ondes sonores n'arrivent pas à se déplacer en amont de l'avion parce que l'avion se déplace plus vite que le son lui-même. Et du coup le son s'accumule et lorsqu'il passe devant vous, vous entendrez tout le son d'un coup. Alors c'est là où c'est intéressant. Contrairement au son normal qui se propage de manière continue et progressive, là, le son, il va se propager sous forme d'onde de choc. Et l'onde de choc, elle se propage de manière discontinue et rapide. Elle crée un mur de pression. Et ce mur de pression, il peut être tellement intense qu'il peut briser des fenêtres au sol. Donc imaginez que vous êtes en train de boire votre café tranquille en terrasse, et puis là, il y a un avion qui passe à vitesse supersonique au-dessus de vous. Vous entendez un énorme bang et puis les fenêtres se brisent. C'est quand même pas top. Du coup, en 1973, la FAA décide d'interdire le survol supersonique commercial au-dessus de la Terre. Et ça laisse des routes seulement au-dessus des océans, donc coup dur pour le Concorde. Parce que ça limite vachement les routes possibles du Concorde. Et ça, les compagnies aériennes, elles aiment pas trop ça. Et puis il y avait une autre raison, le coût de l'exploitation. Avec le Concorde, tout coûtait cher. Déjà, le Concorde consommait 4 fois plus de kérosène que les autres avions subsoniques comparables.
- Speaker #1
L'avion contenait 95 tonnes de carburant. On consommait 88 tonnes à peu près pour l'aller New York.
- Speaker #0
Et en plus, 1973, c'est l'année du choc pétrolier. Et pendant cette crise, le prix du pétrole a presque quadruplé. Et c'est cette année-là que la plupart des compagnies aériennes ont décidé d'annuler leurs commandes, laissant BOAC, actuellement British Airways, Air France, seul client du Concorde. La maintenance et les pièces de rechange coûtaient aussi extrêmement cher.
- Speaker #1
C'était l'avion le plus compliqué du monde. Pour les pneus par exemple, je te donnais une idée, un pneu de Concorde faisait une trentaine d'atterrissages. Sur un avion subsonique, c'est 400 atterrissages. Pour une heure de vol, la maintenance c'était 50 heures homme de travail. Donc ça te met à un aller-retour New York, ça te coûtait 400 heures de boulot.
- Speaker #0
Le prix de l'assurance était aussi très cher, oui les avions ont les assurances un peu comme les voitures, et les frais de stationnement dans les aéroports étaient aussi plus chers que les autres avions pour répondre aux besoins spécifiques du Concorde. Et tout ça, ça devait être rentabilisé avec 100 passagers. Là où les avions non courriers peuvent transporter plus de 400 passagers. Donc je vous laisse imaginer le prix du billet, 4700 euros en moyenne, à peu près 9000 euros aujourd'hui compensés pour l'inflation. Et puis il y a un troisième facteur qui a scellé le sort du Concorde. C'est son accident en juillet 2000. Lors du décollage, un objet métallique a perforé un pneu du Concorde qui lui-même a perforé le réservoir de carburant. Le carburant s'est donc déversé, a pris feu et l'avion s'est abîmé quelques centaines de mètres plus loin sur un hôtel à Gonesse, tuant les 109 personnes à bord et 4 personnes au sol.
- Speaker #1
J'étais rentré à la maison après le simulateur, j'avais croisé l'équipage qui partait sur ce vol. J'étais chez moi et puis j'ai entendu le téléphone sonner, quelqu'un m'a annoncé la nouvelle. Et c'était assez traumatisant tu vois, on était que 10, enfin c'était très très proche.
- Speaker #0
Et en fait cet accident, il a mis en évidence des problèmes de conception du Concorde. Suite à ça, tous les Concordes ont été cloués au sol pour y apporter des modifications, notamment l'ajout d'une doublure en Kevlar sur les réservoirs de carburant pour les solidifier. Et en fait, tout ça, ça a encore plus augmenté le coût d'exploitation du Concorde qui était déjà très cher. Et surtout, cet accident, il a gravement affecté la confiance du public dans cet avion. Donc, pour résumer, on avait des coûts d'exploitation qui étaient encore plus élevés, avec moins de passagers. Pour vous donner un ordre d'idée, le taux de remplissage des vols Concorde après le crash était d'à peu près 50%.
- Speaker #1
L'accident a été très traumatisant, très médiatisé. Ça s'est passé devant le siège social d'Air France, c'est passé sur toutes les télés du monde entier. J'étais persuadé que des gens, et même des gens sensés qui regardaient un peu la sécurité de cet avion, ne remonteraient jamais dans cet avion. Pour le festival de Cannes ou des choses comme ça, il y avait 100% de remplissage. Et après la reprise des vols en novembre 2001, jusqu'à l'arrêt des vols en mai 2003, il n'y a jamais eu un avion complet. Et plus souvent, on avait 25 ou 30 personnes dans cet avion.
- Speaker #0
Donc c'était presque... insoutenable pour les compagnies aériennes et en 2003 British Airways et Air France ont décidé d'arrêter les opérations du Concorde. Mais alors on en est où aujourd'hui ? Bon il y a plusieurs Une compagnie qui essaie de reconstruire le vol supersonique commercial, déjà il y a Boom Supersonic. Boom Supersonic est en très bonne voie, c'est un constructeur américain qui prévoit de construire un avion Overture capable de voler à Mach 1.7 et de transporter environ 60 à 80 passagers selon les versions de l'avion. Le constructeur vise 2029 pour commencer la commercialisation de cet avion et il a déjà reçu des précommandes de trois compagnies différentes, Japan Airlines, United et American. Il y a aussi Spike Supersonic avec le S-512. Et là, c'est plus un avion de type jet privé capable de voler à Mach 1.6 et de transporter environ 18 passagers. Et pareil, elle prévoit la commercialisation environ à la fin de la décennie. Et puis, il y a aussi une autre alliance dont je voulais vous parler. C'est l'alliance de la NASA avec Lockheed Martin qui, eux, utilisent l'avion X-59 pour faire des recherches sur le banc supersonique. Et en fait, leur but, on le voit avec cet avion qui a le nez très allongé, c'est de réduire le banc supersonique le plus possible pour qu'il soit presque inaudible pour les gens au sol. Et avec ça, en fait, ils veulent forcer les autorités à réapprouver le vol supersonique au-dessus de la Terre. Donc on voit quand même qu'il y a du mouvement, que c'est pas totalement à l'arrêt, mais aujourd'hui, les challenges sont peut-être différents que dans les années 60, et aujourd'hui, on peut plus permettre d'avoir un avion qui consomme 4 fois plus de kérosène pour transporter quatre fois moins de passagers. Et ça, les constructeurs, ils le savent. Ils travaillent d'arrache-pied pour remettre ce rêve en place, ce rêve de voler toujours plus haut, toujours plus vite. Et peut-être qu'un jour, vous et moi, on pourra voler plus vite que le son.
- Speaker #2
On a besoin d'aller à New York pour signer même un contrat. Dans une journée, on peut partir le matin, revenir le soir. C'est tout de même exceptionnel. Et avec un confort absolument nouveau et irréalisé auparavant.
