- Speaker #0
Nous sommes en 1971 dans les sous-sols de l'université de Saint-Jean. Ce qui devait être une simple simulation va complètement dégénérer. L'expérience devait durer deux semaines mais elle a été interrompue au bout de six jours. Le professeur Zimbardo avance que cette expérience prouve que nous sommes tous capables de commettre des atrocités, cela dépendrait juste du contexte. Alors, c'est quoi l'expérience de Stanford ? Que s'est-il vraiment passé ? Est-ce que c'était vraiment de la science ou juste une énorme fraude ? Et surtout, sommes-nous tous concernés ? On va rembobiner un petit peu en arrière. Été 71, Philippe Zimbardo, professeur de psychologie à l'université de Stanford, veut tester une idée simple. Comment se comporte l'être humain quand on lui donne du pouvoir ou au contraire quand on lui enlève ? Pour trouver des participants, il publie une annonce dans le journal et propose une rémunération de 15 dollars par jour. Ce qui n'était pas trop mal pour l'époque. Environ 80 personnes ont répondu à l'annonce et après des entretiens et des tests de personnalité, il recrute 24 étudiants. Il va les répartir aléatoirement en deux groupes un groupe de gardiens et un groupe de prisonniers. Les règles sont simples. Pour les gardiens, maintenir l'ordre, ne pas laisser les prisonniers s'échapper et pas d'agression physique. Et pour les prisonniers, sur le papier, ils pouvaient quitter l'expérience quand ils voulaient, mais dans les faits, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça.
- Speaker #1
Zim Mardo veut que...
- Speaker #0
tout soit réaliste. Les gardiens perçoivent un uniforme, une matraque, un sifflet et des lunettes de soleil miroir pour donner un sentiment d'anonymat et d'autorité. Dans un couloir, ils construisent trois cellules. Les cellules sont équipées de lits et protégées par des barreaux. Il y a même une salle d'isolement pour punir les détenus. La veille de l'expérience, les gardes reçoivent un briefing. Alors ça a l'air de rien, mais on le verra plus tard, ça a son importance. Les prisonniers sont arrêtés par surprise chez eux par la vraie police de Palo Alto, accusés fictivement de vol à main armée. Ils sont ensuite transférés, sirène allumée, à la fausse prison. Ils sont fouillés, menottés, on prend leurs empreintes, on leur bande les yeux, on les déshabille, et les gardiens passent un spray désinfectant sur les prisonniers. Ils leur mettent une chaîne sur un pied, ils leur donnent une blouse qui fait office d'uniforme, et au lieu de leur raser la tête, on leur met à la place un bonnet. Les prisonniers se voient même assigner un numéro, pour Zimardo c'était un moyen de déshumaniser les participants. Et les gardiens devaient même se faire appeler par les prisonniers. Le premier jour, les gardiens vont commencer par infliger toutes sortes de choses aux prisonniers, comme réciter leur numéro, encore et encore. Des jumping jacks, des pompes, ils finissent même par chanter leur numéro. Bref,
- Speaker #2
tout ce qui pouvait être un peu humiliant.
- Speaker #0
2h30 du matin, les gardiens réveillent les prisonniers en hurlant, sifflant, frappant sur les barreaux. Mais cette fois-ci, les détenus se rebellent, ils refusent de sortir, arrachent leur numéro, jettent leur bonnet et insultent les gardiens. Ils vont même mettre leur lit devant la porte de la cellule pour bloquer l'entrée des gardiens. En réponse, les gardiens pulvérisent un extincteur, vont enlever les lits d'une des cellules et les meneurs de la rébellion sont envoyés à l'isolement. Ils vont même saisir leurs vêtements,
- Speaker #1
laissant les prisonniers complètement nus. Plus tard dans la journée,
- Speaker #0
deux prisonniers essaient même de s'échapper, mais sans succès. Les gardiens vont même jusqu'à les qualifier de, je cite, « prisonniers dangereux » , bref. L'ambiance change. À partir de là, les rôles commencent à s'ancrer. Les gardiens entrent vraiment dans leur personnage, les prisonniers, eux, obéissent. Certains gardiens prennent leur rôle un peu trop à cœur, d'autres suivent, mais tous font respecter l'autorité. Et justement, ils vont passer à un autre niveau. L'humiliation commence à devenir la norme, les pompes absurdes, les décomptes incessants. l'accès aux toilettes restreint, à ce stade certains sont contraints d'uriner dans un seau, tout est sous contrôle des gardiens, quand ils dorment, quand ils mangent, ce qu'ils mangent, comment ils mangent, même avoir une couverture ou un oreiller devient un privilège. Et c'est là que le prisonnier 9612 craque. Douglas Scorpi se met à hurler, il supplie qu'on le laisse partir. Tout le monde pense qu'il fait une véritable décompensation psychologique. Des années plus tard, il affirmera que tout ça était faux, qu'il l'a simulé pour pouvoir sortir et retourner étudier. Zimbardo, lui, dira que cette version est un mensonge. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre, la frontière entre le jeu et la réalité devient extrêmement floue. Au fait, si le contenu vous plaît, n'oubliez pas de vous abonner parce que c'est peut-être pas grand chose pour vous, mais pour nous ça compte énormément. Merci et retour à l'épisode. Les familles sont autorisées à rendre visite aux prisonniers, ils découvrent des fils épuisés, alors qu'il ne s'agit que d'une simple simulation. Certains parents repartent en évoquant l'idée de faire appel à un avocat. Un peu plus tard, le prisonnier 416 entame une grève de la faim, il est envoyé à l'isolement. Et puis, les gardiens vont franchir une nouvelle limite, ils vont forcer les prisonniers à adopter des positions humiliantes à connotation sexuelle. Ils vont ordonner aux prisonniers de mimer l'accouplement de chameaux. Christina Maslach Chercheuse et future compagne de Zimbardo visite la prison, ce qu'elle voit là choque. Des prisonniers humiliés, des sacs en papier sur la tête,
- Speaker #1
des gardiens devenus de véritables bourreaux.
- Speaker #0
Il était temps de mettre un terme à cette expérience. En fait, c'était plus une expérience. Les prisonniers étaient devenus passifs, isolés. et détachés.
- Speaker #1
Le vendredi 20 août,
- Speaker #0
Philippe Zimardo met un terme à l'étude. Bon, il y a eu pas mal de critiques sur cette expérience. Certains chercheurs et psychologues ont émis des réserves sur l'expérience elle-même, mais surtout sur l'interprétation des résultats. Bon, déjà, il y a eu pas mal de biais. Alors très simplement, un biais c'est un peu comme un raccourci mental qui nous fait parfois voir les choses de travers sans qu'on s'en rende compte. Le biais qui a été le plus souvent reproché est le biais d'attente. En fait, c'est juste quand les participants devinent ce que l'expérimentateur attend d'eux et modifient leur comportement en conséquence. On a tous envie de bien faire et inconsciemment, on veut faire réussir l'expérience, sauf que c'est un biais. Zimbardo dira plus tard qu'aucun groupe n'avait reçu la moindre instruction sur la façon de se comporter, sauf que si vous vous rappelez bien, plus tôt je vous avais dit que les gardiens avaient reçu un briefing. Et dans ce briefing, Zimbardo avait dicté pas mal de choses comme les objectifs à atteindre et même l'emploi du temps qui inclut les réveils à 2h30 du matin. Et ce que je ne vous avais pas dit, c'est que Zimbardo lui-même va s'attribuer le rôle de directeur de prison. Et pendant l'expérience, un des gardiens va même recevoir l'instruction d'être, je cite, « plus agressif » . Là, on peut même parler du biais de l'expérimentateur, le fait que la présence ou les attentes du chercheur influencent directement le comportement des participants. On a aussi reproché à l'expérience l'absence totale de reproductibilité scientifique. Aucune étude n'a pu recréer exactement les mêmes conditions ni les mêmes résultats. Bon, c'est vrai que niveau éthique, certains comportements des gardiens ont clairement franchi une ligne. Ils ont provoqué des situations potentiellement destructrices psychologiquement pour les prisonniers. Cette expérience, elle est régulièrement comparée à celle de Milgram qui a eu lieu 10 ans plus tôt sur l'obéissance et l'autorité. Parce que contrairement à ce qu'on leur avait dit, les participants n'étaient pas vraiment libres de partir. Plusieurs ont demandé à quitter l'étude et on leur a refusé. Donc ça pourrait aussi expliquer les comportements. extrême de certains prisonniers qui voulaient juste partir. A l'époque, il y avait moins de règles d'éthique encadrant ce genre de recherche. Mais aujourd'hui, les études sur les humains doivent passer devant un comité d'éthique indépendant. Il faut aussi qu'on parle des conclusions de l'expérience. Beaucoup pensent que Zimbardo a tiré des conclusions trop larges, trop vite, parce que l'expérience confirmait ce qu'il voulait prouver. Que ce n'est pas la personnalité qui détermine nos comportements, mais la situation. Et puis il mentionne pas trop dans ses conclusions que tout le monde n'a pas joué le jeu, certains gardiens n'ont jamais été violents. Et même, est-ce que 24 étudiants de Stanford, ça représente vraiment l'humanité tout entière ? Quoi qu'il en soit, même si ses conclusions sont discutables, l'expérience a eu un impact énorme. Elle a lancé un vrai débat sur l'autorité, la déshumanisation et le pouvoir. Mais ça fait 50 ans, alors pourquoi on continue encore d'en parler aujourd'hui ? C'est vraiment devenu une référence culturelle, on l'ancienne encore dans les écoles de psychologie. J'ai fait beaucoup de recherches pour cet épisode, mais bon, je ne suis pas psychologue, et pour être honnête, je ne me sens pas assez légitime pour pouvoir donner mon avis et prendre position dans une conclusion. Mais ce que je peux vous dire, c'est que j'ai passé des heures et des heures à étudier cette expérience, et c'est vrai qu'elle laisse une trace, elle nous pose une question, et même avec tous ses défauts, elle dit quelque chose qui dérange, elle nous force à nous regarder en face et à se poser la question. Et moi, qu'est-ce que j'aurais fait à leur place ?
- Speaker #3
Si tu disais, oh bien, je ne vais pas blesser personne, oh bien, c'est une situation limitée, c'est plus de deux semaines.
- Speaker #1
Bien, vous, en ce moment, que diriez-vous ? Je ne sais pas.