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#100 Marion Dubreuil  journaliste et dessinatrice judiciaire, auteure "Mazan, justice, société" cover
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Elles Agissent

#100 Marion Dubreuil journaliste et dessinatrice judiciaire, auteure "Mazan, justice, société"

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45min |09/10/2025
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45min |09/10/2025
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Description

Journaliste judiciaire à RMC et dessinatrice d’audience, Marion Dubreuil couvre depuis des années les grands procès liés aux violences sexistes et sexuelles.
Dans cet épisode, elle revient sur le procès Mazan, point de départ de son livre Mazan – La traversée du Styx (Éditions Globe), pour interroger les mécanismes de la justice française, ses biais, ses silences et ses héritages.


Marion parle de la violence symbolique qui se rejoue parfois dans les prétoires, du poids des mots, du rôle du regard médiatique, et de sa volonté de transformer ce vécu en réflexion engagée.


Un échange fort mais nécessaire, sur ce que la justice dit et tait de notre société.

 Un épisode à écouter si vous vous intéressez à la justice, au féminisme, à la manière dont nos institutions reflètent nos valeurs.


Le livre de Marion : https://editions-globe.com/dubreuil-marion/


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie

Je suis Emilie Berthet Conférencière, productrice de podcasts, sophrologue et auteure, j’accompagne les organisations et les particuliers vers une meilleure compréhension de notre époque et à construire une société attentive aux enjeux humains.


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Non, non, pas de souci. Pour la première question, pourquoi c'est moi qui ai couvert cette audience pour RMC ? Parce qu'à RMC, je suis clairement identifiée sur ces questions-là, que c'est moi qui porte les suivis de procès pour violences sexuelles et sexistes, pour violences intrafamiliales, sur la question, par exemple, des violences conjugales, parce que voilà, c'est vraiment mon créneau. sur le fait de se dire que... Sur un procès attendu, ce soit moi qui le couvre, ça c'est assez naturel. En revanche, c'est souvent moi qui porte ces procès, ces sujets auprès de ma rédaction en chef. Et ça se passe plus rarement dans le sens inverse. C'est-à-dire que je suis spécialisée, je travaille en service polyjustice. Et du coup, c'est moi qui vais porter l'information à leur connaissance. Donc là, je me souviens que ce procès-là, en l'occurrence, je l'ai attendu depuis, je pense, le premier... le premier article qui mentionnait l'arrestation de Dominique Pellicot pour avoir sédaté, violé et fait violer son ex-épouse Gisèle Pellicot qui sort courant novembre

  • Speaker #1

    2020. Donc tu vois tout ce qui sort en fait et toi tu penses déjà à l'après, au procès, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait j'ai une veille d'actu qui du coup... se focalise sur la matière judiciaire, se focalise aussi sur la question notamment des violences sexuelles et sexistes. Et donc ce premier article sort et du coup il alerte déjà mon intérêt. Pendant toute l'instruction, je vais suivre les autres médias qui médiatisent ce dossier. Donc il y a Le Parisien, il y a Le Monde, mais il se trouve qu'à cette période-là, moi je suis à la fois... indépendante et un peu en rédaction. Je ne me saisis pas de l'instruction du dossier Pédico, même si je suis vraiment avec attention à ce que mes confrères, mes consœurs disent de ce dossier. Je dirais que quand j'apprends le renvoi devant la cour criminelle du départemental du Vaucluse, à Avignon, le renvoi, c'est la venue d'un procès. Je commence déjà à me procurer l'ordonnance de mise en accusation, qui résume les charges qui sont retenues contre les mises en examen qui sont à ce stade désormais accusées, et les éléments évidemment à décharge. Et je dirais que ça, ça se fait au printemps-été 2024. Ce qui va être déterminant, c'est que du coup, moi j'en parle beaucoup à mon chef de service. du service police justice et puis je commence déjà aussi en parler à ma rédaction en chef et puis j'apprends je pense en juin que Gisèle Pellicot va renoncer au huis clos et donc là je me dis bon bah voilà c'est ça va être vraiment ce qui va m'occuper à la rentrée je pense déjà plus qu'à ça enfin je fais d'autres choses mais c'est vraiment parce que un procès pareil ça se prépare quoi, on n'y va pas.

  • Speaker #1

    Justement comment tu le prépares ?

  • Speaker #0

    Du coup, en lisant cette ordonnance de mise en accusation qui fait, je crois,

  • Speaker #1

    pour le dossier Pélico... T'y as accès, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, t'y as accès, mais parce que t'es journaliste, parce que tu la récupères. C'est un dossier, enfin, c'est un élément qui n'est plus couvert par le secret de l'instruction à partir du moment où les accusés sont renvoyés, mais ce n'est pas un document qui est à disposition du public.

  • Speaker #1

    Jamais,

  • Speaker #0

    il ne sera jamais à disposition du public. On le récupère par plein de moyens. Je vais juste citer des sources sans dire laquelle. m'a permis de la récupérer. Il y a les avocats, les magistrats, les policiers aussi, les partis aussi, tous ceux qui ont à en connaître. Et du coup, c'est par ce biais-là qu'on peut récupérer ce document. Après, j'appelle aussi la totalité presque des avocats de ce dossier, et donc les avocats de Gisèle Pellicot, mais aussi les avocats des accusés. Je prévois déjà les moments où je vais les rencontrer, les interviews que je vais pouvoir faire en amont pour pouvoir éclairer. le procès avant d'y être. Ça, c'est pour la partie préparation et comment ça se passe. Ça vient vraiment de moi, ces dossiers-là que je fais remonter pour qu'ils soient traités à RMC. Ensuite, je ne me souviens plus de ta deuxième question.

  • Speaker #1

    C'était justement par rapport à ce livre qui est quand même autour du procès. Est-ce que ça a été un déclic pendant le procès ou est-ce que finalement, tu t'es dit après ? Avant, tu avais déjà ce projet et ça l'a nourri encore plus sur ce que tu avais déjà, parce que tu retraces beaucoup de procès dans ce livre, pas uniquement Mazan, qui est quand même le fil conducteur, on va dire, et d'autres procès autour. Comment s'est construit aussi cette envie de livre, finalement ?

  • Speaker #0

    L'envie qui a été première, c'est que du coup, je suis journaliste, mais je suis aussi dessinatrice judiciaire. Et donc, au procès Mazan, j'ai énormément dessiné. Et donc, je pense qu'au bout de deux semaines d'audience, j'ai eu... envie de faire une bande dessinée. Pour la première fois, j'avais un autre projet, j'ai un autre projet de bande dessinée qui n'est pas... qui reste dans un coin de ma tête à ce moment-là, qui était là, dont je ne parlerai pas, mais qui, j'espère, aboutira. Et donc j'avais déjà quand même cette idée de la forme du dessin qui me plaisait, notamment en confrontation avec la matière judiciaire, qui est quand même extrêmement difficile et éprouvante.

  • Speaker #1

    Et le dessin qui peut être plus léger, en tout cas capté plus vite,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Exactement, j'avais l'intuition de ce mélange des deux formes qui pourrait me convenir aussi. Et puis avec cette notion de grand public, ce n'est pas pour rien que je travaille à RMC, c'est aussi parce que j'ai envie de me dire que je parle à tout le monde et pas seulement... aux personnes qui sont convaincues ou intéressées de prime abord. Et du coup, au bout de deux semaines, j'ai cette envie de bande dessinée qui vient. Et rapidement, il y aura plusieurs fils qui vont percuter. C'est que la déferlante avec qui j'ai déjà travaillé, la revue des révolutions féministes, sur un cycle de chroniques sur la justice par un prisme féministe, me dit « Est-ce que ça t'intéresserait une carte blanche chez nous sur la totalité du procès ? » Donc au départ je dis oui oui ça m'intéresse on sait pas encore quelle forme ça va prendre mais je commence à y réfléchir donc en fait il y a déjà ces deux formats concurrents presque fin ou qui se complètent de la bande dessinée que je projette sur laquelle j'ai pas beaucoup de légitimité en tant qu'artiste et pour le coup cette idée d'aller plus loin que le procès, d'aller au delà du procès et d'entrer dans une mécanique d'écriture pour décrypter que j'habite un peu déjà. Et je dois dire que pendant tout le procès, j'ai vraiment très peu dormi, j'ai très peu fait autre chose. J'ai commencé à faire des planches de BD, j'ai commencé à écrire des réflexions comme un carnet de bord, mais qui soit quand même plus réflexif. Et donc en fait, je n'ai pas arrêté d'occuper des espaces d'expression pendant l'audience, en plus des chroniques judiciaires que je faisais à la radio, du fil sur les réseaux sociaux. Donc, à ce moment-là, le livre qui peut se dessiner à partir de la carte blanche que je fais pour La Déferlante, c'est vraiment un livre sur le procès. Et c'est en fait quand le procès se termine que je suis percutée par les autres audiences que j'ai traitées. Pendant tout le procès, je fais des ponts dans ma tête, un peu à l'image de ce qui se fait dans ce livre, mais je ne les couche pas sur le papier. Elles me viennent. les affaires me reviennent,

  • Speaker #1

    je fais des comparaisons je me dis là c'est comme dans celui-là c'est vraiment dans mon cerveau à ce moment-là c'est une ébullition mais je ne sens pas que c'est là que réside le livre que je pourrais écrire et justement est-ce que ce procès il est finalement hors norme ou est-ce qu'il est le reflet de tous les procès qu'on n'entend pas et que tu décris aussi en tout cas moins médiatisé ... Et qu'en fait, là, ça prend une proportion où tu te dis, mais en fait, les gens se rendent peut-être compte de certaines choses. Et en fait, c'est tellement ça depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Alors, il y a un peu ça.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un peu ça. Et il est hors norme aussi, de toute manière.

  • Speaker #0

    Il y a deux aspects. Mais pour commencer sur le côté plutôt violence ordinaire, c'est que, oui, en fait, moi, j'ai retrouvé plein de marqueurs que j'avais trouvés dans d'autres audiences. et j'ai eu un peu envie de dire de profiter du moment où tout le monde regardait Mazan pour interpeller... le grand public autour d'autres questions qu'on trouvait dans le procès Mazon, mais qui n'avaient pas forcément été décrites ou retranscrites pendant les chroniques judiciaires du temps immédiat. Et je voulais aussi qu'on quitte ce côté hors normes et qu'on réinvestisse, enfin on réhabite notre justice. Et c'était vraiment le propos de ce livre, et c'est pour ça que je me suis dit en fait tu ne peux pas faire que Mazon, ça n'a pas de sens, c'est pas ma réflexion à moi. Après, il était hors norme et il aurait dû être saisi comme un moment historique en amont par beaucoup plus de gens que des journalistes et des chroniques judiciaires ou des journalistes féministes. Parce que 51 accusés, c'est un échantillon représentatif sociologique. Je me déplace de ma position de journaliste. C'est un échantillon pour la recherche qui aurait dû être perçu immédiatement. Et moi, c'est un peu mon regret, c'est que... Ça n'a pas été vu à ce moment-là comme tel. J'espère qu'il va y avoir beaucoup d'ouvrages qui vont analyser le travail des journalistes, la réception avec la société, en dehors même d'une production de témoins immédiats, pour nous donner aussi cette profondeur de la recherche.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une étude de terrain toute. prête quoi.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Pour les sociologues.

  • Speaker #0

    Elle est située, elle est pas biaisée, parce que c'est une unité de lieu, une unité de temps. Pour moi, il y avait vraiment cette matière-là. Moi, je ne suis pas sociologue et je ne prétends pas l'être. Et du coup, j'espère que... Sur la base de tous les écrits, de toutes les traces qui existent aujourd'hui et qui continueront d'affluer, des chercheurs vont s'en saisir. Donc pour moi, ce n'est pas tant hors normes qu'une ressource, un matériau vraiment riche.

  • Speaker #1

    Tu as dit, j'avais lu ou entendu, on ne peut plus se contenter de raconter ces affaires comme avant, ces affaires judiciaires. Qu'est-ce que tu entends par là ? Qu'est-ce qui est plus possible ?

  • Speaker #0

    De faire croire qu'elles sont extraordinaires. En fait, souvent, l'un des biais du journalisme, c'est de traiter une thématique par le biais de l'insolite ou de ce qui se détache de l'ordinaire. Il faudrait une affaire... avec une histoire un peu incroyable pour pouvoir parler des violences faites aux femmes. Mais en fait, les violences faites aux femmes, le caractère important réside dans la répétition, dans le systématisme, dans le côté ordinaire. Et moi, ça m'interroge aussi, y compris à ma place de journaliste, parce que je me suis coulée dans ce moule-là pour pouvoir porter ces sujets-là auprès de ma rédaction en chef. J'ai joué ce jeu d'un storytelling et de me dire, attendez, qu'est-ce que je peux trouver dans ce dossier-là qui va les attraper ? Comme ça, je vais pouvoir... de couvrir. Et je ne remets pas ça en cause complètement, parce qu'il faut aussi s'inscrire dans un réel, y compris dans une structure médiatique avec ses codes. Mais je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est quand même contre-productif, parce que, y compris dans les productions qui vont porter ces sujets-là, si on s'attache à l'extraordinaire, si on s'attache aux faits exceptionnels qui extraient cette histoire du réel, parce que... Elle n'est pas arrivée avant. En fait, en même temps qu'on le fait, on contre le discours qu'on veut porter. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Et c'est contradictoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr, oui. Dans le livre, j'ai... Alors, peut-être naïvement, mais j'ai été choquée d'avoir cette notion que cette audience, ce moment où c'est une scène d'audience, se rejoue vraiment, en quelque sorte, les mêmes violences, parfois. La domination, la non-écoute. Il y a plein de biais. Comment ça, c'est pour ça que tu as écrit ce livre, justement pour le faire ressentir, le faire comprendre aussi. C'est ce moment-là où toi tu te dis que la justice, tu apportes ce regard critique en disant ok, là il faut vraiment qu'on se remette en question, il faut vraiment trouver des solutions sur ça.

  • Speaker #0

    Oui, et je pense, je veux juste faire tout de suite une différence par exemple avec aujourd'hui la critique de la décision de justice sur Nicolas Sarkozy, sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. On est en plein dedans, à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs dans le dossier libyen. Moi je ne conteste pas la décision de justice, ou en tout cas je ne dis pas que la justice est unique. Là, dans ce livre, ce que j'essaie d'interroger c'est quels sont les éléments qui ne sont pas pour moi des biais idéologiques forcément de haine. Mais quels sont les biais qu'on a tous en héritage qui traversent aussi notre appareil judiciaire et qui font qu'il va y avoir une mauvaise lecture ?

  • Speaker #1

    Notamment dans le rapport humain.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Dans le rapport en femme. Les phrases qui blessent encore la victime.

  • Speaker #0

    Exactement. Et ce n'est pas ce qui va forcément changer la décision, même si parfois déjà ce regard stéréotypé peut influer sur... le cours d'une procédure, on l'a vu avec notamment les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme qui viennent sanctionner la France, non pas pour la décision finale, mais pour l'absence de moyens, les défauts de procédure qui sont souvent dus à des stéréotypes de genre, qui sont souvent dus au fait qu'on estime encore presque que le viol se caractérise par une résistance physique. Voilà, par tout cet imaginaire-là. C'est ça que j'ai envie de, moi, dénoncer. Et je pense que je suis à ma place en le faisant, parce que je connais bien maintenant les tribunaux, je connais bien les audiences. J'ai vu des magistrats qui savent parfaitement mener une audience sans revictimiser des partis civils. Et là, force est de constater qu'au procès Mazan, qu'on a présenté comme un procès vitrine, dont on a fait... du président, un président qui a tenu une audience incroyable avec 51 accusés dans un délai limité, etc. Oui, ça on peut lui accorder ce crédit, mais on peut aussi s'interroger sur la manière dont il a revictimisé Gisèle Pellicot en laissant la défense aller au-delà des questions qui étaient nécessaires pour la manifestation de la vérité, en posant lui-même des questions qui embrassaient la vision des accusés, notamment en parlant de scènes de sexe plutôt que de rapports sexuels qui est un terme plus neutre, En parlant de partenaire, je trouve en étant parfois en adéquation avec la ligne des accusés, même si ce n'était pas ce qu'ils pensaient. L'intention et le but. Mais du coup, les mots ont un sens.

  • Speaker #1

    Il parlait de partenaire pour les accusés ?

  • Speaker #0

    Oui, il parlait de partenaire. Il y avait plusieurs questions qui étaient formulées à Gisèle Pellicot, et notamment, est-ce que vous avez participé Ausha des partenaires ? Je pense que par ailleurs, dans ce dossier-là, on n'était plus à cette étape-là, puisqu'il était... attesté qu'elle était sédatée, inconsciente et qu'il n'y avait eu aucune trace d'échange entre Gisèle Pellicot et les accusés. Et du coup, voilà, ça interroge sur quel est le rôle que se donne à ce moment-là le président. je connais la phrase réflexe de dire c'est pour déminer la défense c'est à dire que le président peut nous dire le président la présidente les magistrats de la cour reprennent des questions enfin entame des questions de la défense qui serait plutôt prêté à la défense pour ne pas leur laisser en gros attaquer avant d'être exactement et sauf que cette réflexion là elle a parfois un sens mais là en l'occurrence elle n'en a pas et du coup c'est le magistrat qui se fait l'artifice de cette violence à l'égard de Gisèle Pellicot et je pense que on a trop longtemps fait de l'enceinte judiciaire une arène et on s'est trop caché derrière le fait que la procédure judiciaire c'est violent les questions un interrogatoire c'est violent est-ce qu'on peut réinterroger cette violence aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Et je me dis moi en étant extérieur c'est un entre-soi aussi c'est-à-dire que la justice appartient à la justice à tous ceux qui peuvent entrer dans ce moment, dans cette enceinte et qui peuvent y participer. Tu vois, ton livre, c'est comme si on avait un œil qui nous donne aussi à vivre sur l'extérieur. L'extérieur peut avoir cet avis-là. C'est peut-être aussi par ce biais-là, comme je te disais, ton livre, c'est une pierre aussi sur justement des débats, une construction, parce que c'est quelque chose qui peut faire retravailler les... Les gens de l'intérieur, en se disant « Ah ok, c'est vrai qu'on peut être comme ça » , c'est ce qu'on dit très souvent quand on veut se déconstruire justement, on y revient peut-être par ce biais-là, c'est aussi en se rendant compte et en ayant un miroir, ou en tout cas quelqu'un qui dit « Mais c'est pas très normal ça, ou cette phrase-là » . Tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #0

    Je vois parfaitement. Et pour te dire, moi quand j'ai commencé en étant chronique judiciaire, quand on ne connaît pas le système, en fait on ne peut pas être à cet endroit-là de la critique. Parce qu'il faut déjà absorber. et absorber le rituel, savoir qui parle où l'avocat général quand on est face à la cour à droite, pourquoi le président a une robe rouge, pourquoi ils sont surélevés par rapport à nous, pourquoi on se lève quand ils arrivent, c'est justement pour montrer que la justice est humaine et pour reprendre la même hauteur que la cour en fait. Il y a plein de choses comme ça. Tant qu'on ne les connaît pas, on ne connaît pas les codes, on peut plus difficilement, ou en tout cas avec un sentiment de moins de légitimité... critiquer son fonctionnement. Et moi, l'endroit d'où je parle, c'est de dire, voilà, moi, c'est bon, j'ai compris les codes, parfois je m'y suis coulée, j'ai parfois embrassé une vision que je trouve injuste, au final, parce que j'ai voulu aussi montrer que je maîtrisais les codes.

  • Speaker #1

    On a envie de se faire accepter, n'importe où on est, on parle de rite d'entreprise sur les gens qui travaillent en entreprise, on accepte des choses en entreprise qu'on n'accepte pas ailleurs. On accepte, je pense, dans la Cour de justice et dans un procès, de s'adapter au rituel.

  • Speaker #0

    Oui, et de les retranscrire finalement. Et de ne plus les retranscrire, en fait. C'est-à-dire de faire comme s'ils étaient transparents, comme s'ils n'avaient pas d'incidence sur la procédure, enfin, sur l'affaire qui était en train d'être jugée. Mais ce n'est pas vrai. Et du coup, moi, c'est aussi cet endroit-là qu'aujourd'hui, j'ai envie d'occuper et de décrypter pour d'autres qui auraient peut-être... un jour une confrontation avec la justice, que ce soit en tant que victime ou en tant qu'auteur, même si dans ce livre, j'ai voulu davantage m'axer sur la partie civile, parce qu'aujourd'hui encore, c'est quand même un peu l'angle mort de la procédure. Donc ça ne veut pas dire que je n'ai pas une réflexion aussi sur le fait que la justice est parfois aussi injuste à l'égard des auteurs. Mais voilà, c'est de réinterroger ces codes qu'on a appris à accepter de manière extrêmement passive. Et j'ai envie de les refaire circuler, de refaire de ces concepts qu'on doit accepter une matière mobile, vive. Et en fait, ce n'est pas parce que la justice aujourd'hui se passe comme ça que demain, elle devra se passer comme ça.

  • Speaker #1

    De ce que tu viens de dire aussi, j'ai pensé aussi au poids des mots, vraiment, quand on est victime, comme Gisèle Pellicot qui entend encore des choses comme ça. Ça ajoute encore. Et en fait, une fois que le procès est fini, qu'est-ce qui se passe pour ces victimes une fois qu'elles ont entendu tout ça pendant les procès ? Dans ton livre, tu décris des phrases qui sont très dures. Vous l'avez presque cherchée, pas forcément sur le procès Pellicot, mais sur plein d'autres. Et ça, qu'est-ce qui reste après ?

  • Speaker #0

    C'est des phrases qui restent.

  • Speaker #1

    Ça rajoute en fait. Ça rajoute. Quand tu as le poids de la justice qui te le dit ou un avocat qui... qui peut impressionner, qui impressionne. On n'a pas l'habitude, en tant que victime, d'aller dans un tribunal, d'entendre dire ça. Mais pour Gisèle Pellicot, vous aviez eu d'autres partenaires où je crois qu'elle était naturiste, ou je ne sais pas, où c'est la piscine, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Elle ne l'était pas, mais en fait...

  • Speaker #1

    Ils l'ont décrit comme ça, etc. Et ça, est-ce que tu as... Une vision sur l'après aussi ou sur l'impact que ça a au moment ? Oui.

  • Speaker #0

    Sur l'après, je parle du procès de Georges Tron pour viol dans ce livre. Et il se trouve que la victime qui a été reconnue par la justice, Virginie Etel, je l'ai recontactée après, une fois que, enfin, l'arrêt de la Cour de cassation a confirmé le verdict en appel qui condamnait Georges Tron. Et j'ai justement fait ce travail-là avec elle, de faire le bilan de la procédure judiciaire et de ce que ça lui avait coûté. J'aurais pas assez de mots pour le dire, j'avais pas assez de mots pour l'écrire. C'est... Je suis navrée.

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas de soucis, t'inquiète.

  • Speaker #0

    Je me demandais ce que c'était.

  • Speaker #1

    Je me dis, merde, c'est le micro qui...

  • Speaker #0

    Non, je pense que c'est... Enfin,

  • Speaker #1

    j'ai... Il captait, oui, il cherchait le truc. T'avais pas assez de mots pour...

  • Speaker #0

    J'avais pas assez de mots pour l'écrire et pour le retranscrire, mais toute la procédure a été émaillée de violences dont elle a gardé trace, en fait, et qui réactive le traumatisme, et qui le réactive et qui même l'augmente parce que ça donne un nouveau champ aux violences. Et en l'occurrence, cette première audience dont je parle, avec un magistrat qui va dire des phrases comme « juste un doigt » . parce qu'elle a été violée par pénétration digitale, qui va s'étonner qu'elle dise quand même bonjour à Georges Tronc, qui est son employeur, au lendemain du viol qu'elle a subi. Et en fait, je pense que presque aujourd'hui, ces phrases-là, elles ont plus de reviviscence pour elle, parfois, que le traumatisme, parce qu'elle a fait, en l'occurrence de l'EMDR, pour... pour dissocier son traumatisme de ce qu'elle peut ressentir aujourd'hui. Et je me dis que c'est quand même terrible que la machine qui est censée vous protéger vous mette à un endroit de victime et vous enferme là-dedans. Mais pas parce que vous êtes reconnue victime, mais parce qu'elle vous fait mal, parce qu'elle vous abîme, en fait. Et la blessure de la procédure judiciaire, c'est vraiment quelque chose que je veux continuer d'explorer. Parce que c'est une réalité qu'on efface trop souvent par une décision de condamnation.

  • Speaker #1

    Et justement, tu dis aussi dans ton livre au tout début qu'on se souvient très bien des surnoms. Déjà, on donne des surnoms aux tueurs, peut-être que ça les familiarise un peu, ça les fait rentrer dans nos familles. tel tueur, tel machin et les victimes on a du mal à se souvenir d'elles ou en tout cas à se souvenir d'elles en tant que personne qui elles sont vraiment. Il y a vraiment cette différence, cette dissonance qui est incroyable.

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est terrible, c'est que dans la procédure judiciaire, un auteur, un accusé ou un prévenu, va vouloir montrer pendant toute la procédure qu'il est autre chose que ce qu'il a fait. La victime, elle, on lui demande de n'être que victime. En fait, on lui demande par exemple dans son récit de se replacer à l'endroit où elle était quand elle a été victime. On lui demande de retranscrire les émotions, les sensations qu'elle a ressenties. Mais bien souvent, la procédure judiciaire, elle arrive 5, 6, 7, 8 ans après. Ça aussi, c'est quand même un jeu de dupe, mais qui coûte davantage, en tout cas dans le temps de la procédure, à une victime qui va devoir se résumer à ce qu'elle a subi. Parce que si elle déborde de ce costume-là, ça veut dire qu'elle s'en sort. Ça veut dire que ce n'est pas si grave. En fait, c'est quand même une schizophrénie pour les victimes de ne pas pouvoir montrer aussi qu'elles sont autre chose à la justice. Parce que la justice, ce qui va les intéresser, c'est quelles sont les conséquences de l'acte qu'elles ont subi.

  • Speaker #1

    De l'acte, d'accord.

  • Speaker #0

    Et par contre, l'accusé, il va y avoir un examen de sa personnalité et tout son enjeu, c'est de montrer qu'il n'est pas l'auteur, ou qu'il n'est pas que l'auteur des actes. et donc pour lui, on va raconter autre chose. Ça, c'est vraiment valable pour les victimes de viol, pour les victimes de féminicide. Évidemment, les proches sont là pour refaire vivre la victime et pour parler d'elle autrement, même si dans les questions que la justice va leur poser, on va quand même beaucoup s'intéresser, notamment dans la mécanique des violences conjugales, à ... à partir de quand elle a été victime, qu'est-ce qu'elle a subi, etc. Et que ça, ça vient presque parfois envahir. toute la vie d'une femme, au point de parfois oublier ce qu'elle pouvait être ailleurs.

  • Speaker #1

    Presque pour chercher un déclic. Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui a fait que ? Presque.

  • Speaker #0

    C'est même, au-delà du déclic, c'est de dresser le portrait de quelqu'un qui ne serait que victime et si elle est autre chose que victime, c'est déjà un soupçon.

  • Speaker #1

    C'est terrible.

  • Speaker #0

    C'est terrible. Ouais. En fait, c'est... Ça enferme dans une case. Et je dois dire qu'autant les auteurs peuvent s'échapper de cette case, autant les victimes, elles, sont astreintes à explorer l'ensemble du relief de cette case pour pouvoir donner à voir, pour pouvoir donner à comprendre leurs préjudices.

  • Speaker #1

    Et dans ton livre, tu retraces le viol au fil de l'histoire judiciaire aussi. Comment toi, tu perçois cette évolution et comment tu l'imagines aussi après ?

  • Speaker #0

    Je vois vraiment un carcan qu'on essaie d'élargir. C'est vrai qu'au début, il faut bien se dire que le viol, c'est quand même un crime de propriété en fait. Un crime de propriété à l'égard des hommes. La blessure des femmes, elle n'est pas envisagée. Ce qui va inquiéter la société, c'est le fait qu'il puisse y avoir un bâtard qui naissent d'un viol, c'est le fait que la réputation d'un homme puisse être entachée parce que sa fille, son épouse, a été salie. Et du coup, aujourd'hui, on voit bien que si on se met dans une perspective historique, à chaque fois il a fallu élargir la vision du viol et de remettre le sujet victime au milieu. Et dans ce qu'elle éprouve, dans les conséquences pour elle, mais aussi dans les conséquences pour la société, au-delà de la perturbation d'un ordre établi, en fait, dans les conséquences pour la société en termes de santé publique, en fait, en d'autres enjeux que font entendre les victimes. et demain Je sais pas si en l'état... Alors il y a la question de l'inscription du consentement qui revient, qui va sans doute entrer dans notre code pénal, qui pour moi aura peut-être pour vertu de clarifier au grand public peut-être la question du viol, même si je peux pas m'empêcher de me dire qu'en fait, aujourd'hui, un violeur, s'il connaît pas le code pénal, il sait quand même qu'il commet un viol. Enfin je veux dire, il sait quand même qu'il impose quelque chose. même s'il se raconte des histoires et même s'il ne veut pas que ça rentre justement dans le code de procédure pénale. Je pense que ça aura l'intérêt au moins de nous épargner des explications qui voudraient dire que le consentement était acquis ou du moins dans l'idée de l'auteur. Je sais pas si... Aujourd'hui, on a une jurisprudence qui est hyper riche, en fait, sur toutes les notions de contraintes morales. Alors peut-être qu'il faut rappeler la définition du viol, c'est tout acte de pénétration bucco-ginitale imposé sur la personne d'autrui par l'auteur, soit par menace, contrainte, violence ou surprise. En fait aujourd'hui cet éventail menace, contrainte, violence ou surprise, il recouvre déjà toutes les situations de viol, pour peu qu'on ait des magistrats qui le caractérisent bien, le qualifient bien, voient dans la contrainte morale dans un ascendant par exemple entre... un employeur et sa salariée. Pour peu qu'on veuille lire le contexte, en fait. Et je pense que l'évolution de notre répression du viol va venir surtout d'une meilleure lecture du contexte. Et ce contexte-là, il peut déjà être pris en compte par notre définition du viol. Il faut juste s'attacher à le décrypter. Et ça relève aussi d'une question de temps, de moyens. C'est que... Le viol capté par vidéo, comme au procès Mazon, ça n'existe pas, en fait.

  • Speaker #1

    Et même capté par une vidéo, c'était compliqué.

  • Speaker #0

    Et même capté par une vidéo, on a eu quand même, en tout cas, une ligne de défense qui était vraiment absurde et qui était inacceptable. Enfin, je veux dire, inacceptable pas au regard de ce qui se passe dans l'enceinte judiciaire, mais inacceptable au regard de la réflexion, je veux dire, qui était intellectuellement... vouée à l'échec. C'est inefficace. Mais voilà, je pense que c'est vraiment dans ce contexte-là, et ce contexte-là, il faut du temps, il faut des moyens d'enquête, il faut des magistrats, des forces de l'ordre qui soient formés à aller chercher entre les lignes. Et je pense qu'il y a quand même un écueil de... Pour moi, aujourd'hui, la justice, si je parle d'une justice vitrine, c'est qu'avec... Finalement, 1% des viols qui sont jugés et qui aboutissent à un procès, c'est forcément une justice d'exemple. C'est forcément une justice qui ne va pas s'adresser qu'aux partis, mais qui s'adresse aussi à la société. Je ne crois pas au verdict pour l'exemple, mais par contre je crois au procès pour l'exemple, pour frapper les esprits, pour comprendre, pour décrypter. C'est pour ça que moi j'y vais. mais pour que ce pourcentage augmente ou pour que l'on trouve peut-être d'autres réponses que la voie judiciaire, il faut des moyens, il faut une société qui accepte de se confronter à cette réalité.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Et est-ce que tu es confiante dans l'avenir ? La question.

  • Speaker #0

    C'est hyper dur.

  • Speaker #1

    En fait, est-ce que tu vois, c'est une deuxième question, c'est même par rapport à ton livre, les retours, est-ce que ça questionne, est-ce que du coup ça fait quand même, tu vois, est-ce que tu vois des choses qui...

  • Speaker #0

    Alors, je vois une des choses qui m'a le plus... Je dois dire que j'attendais finalement le plus de critiques de la part de ceux qui partagent ma profession.

  • Speaker #1

    Oui, j'imagine que tu as toujours cette peur d'être jugée peut-être aussi ou de ne pas être comprise par mes pairs. Oui, un pavé dans la mare, mais alors qu'en fait, c'est pas ça le but.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, au contraire, j'ai eu énormément de retours de confrères. Je dis confrères particulièrement parce que peut-être que mes consœurs sont... sont plus habitués peut-être à ce que j'écris. Enfin, en tout cas, c'est pas éloigné des discussions que j'ai en permanence. Mon livre, c'est vraiment ma pratique... C'est vraiment ma pratique professionnelle. C'est pas une réflexion qui est désincarnée. Mais j'ai eu beaucoup de retours de confrères masculins qui font de la chronique judiciaire et qui m'ont dit « Ton livre, en fait, il m'a bousculée. En fait, il m'a fait réfléchir. » Du coup je me dis, tu vois, ta notion de contexte, y compris pour nous, parce que là j'en parlais du contexte pour les magistrats quand ils enquêtent, mais ta notion de contexte même pour nous chroniqueurs judiciaires, quand on retranscrit des débats, c'est vrai qu'en fait on a un devoir de pédagogie qui va au-delà de la restitution brute de ce qui se dit dans une salle d'audience. Et voilà, le fait de s'engager, etc., j'ai eu beaucoup de confrères qui m'ont dit que ça les avait fait réfléchir, donc ça c'est... Pour moi,

  • Speaker #1

    c'est très bien, c'est positif.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux.

  • Speaker #1

    Souvent, les femmes écoutent des femmes, les femmes lisent les femmes. Ça reste quand même...

  • Speaker #0

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #1

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc ça, ça m'a beaucoup... J'ai eu un de mes collègues qui a une position de rédacteur en chef qui me dit, du coup, ton livre, il me fait m'interroger moi alors qu'il n'est pas dans la chronique judiciaire, etc. il me fait m'interroger moi sur mon rôle dans la société, sur mon comportement et tout. Donc ça, pour moi, c'est des victoires. Tous les échanges qui naissent de ce livre, pour moi, c'est une source de joie. Et je le dis vraiment, ça me rend extrêmement joyeuse. Je sors d'un salon, mon premier salon du livre, et la réception a été vraiment incroyable, parce que c'est un salon qui est normalement largement dédié à l'écologie, à l'environnement. Et il y a quelques poches comme ça sur le fait d'hiver, sur la justice. Et donc du coup, je pense que je n'étais pas très attendue. Oui. les gens n'en venaient pas pour ce sujet mais j'ai eu beaucoup de gens qui se sont arrêtés beaucoup de gens qui ont commencé à discuter avec moi et qui de l'échange ont finalement parfois acheté le livre parfois pas acheté c'est pas tant la question mais qui ont accepté en tout cas de discuter et ça c'est incroyable on avait fait une rencontre avec une quarantaine de personnes et... La rencontre devait durer une heure, elle a duré 1h40 et les gens ne voulaient plus s'arrêter. Moi, tous les espaces où ça recrée de la parole sur ces sujets-là qui sont sidérants, qu'on dit trop souvent, trop éprouvants, qu'on ne veut pas voir, remettre de la parole, remettre de la mobilité, de l'échange, y compris du rire parfois. Je veux dire, ce n'est pas interdit. Et bien en fait, pour moi, c'est ça l'objectif de ce livre. C'est ça. S'il n'y a que ça... C'est déjà gagné. Ça, c'est pour mon échelle à moi et mon engagement à moi et la réponse qu'il y a à mon engagement. Je trouve qu'elle est là. La réponse est là. Je suis invitée à être dans ce que je te disais avant, dans des facs de droit, à Sciences Po, dans des colloques.

  • Speaker #1

    Faire entendre, discuter.

  • Speaker #0

    Faire entendre cette voix.

Description

Journaliste judiciaire à RMC et dessinatrice d’audience, Marion Dubreuil couvre depuis des années les grands procès liés aux violences sexistes et sexuelles.
Dans cet épisode, elle revient sur le procès Mazan, point de départ de son livre Mazan – La traversée du Styx (Éditions Globe), pour interroger les mécanismes de la justice française, ses biais, ses silences et ses héritages.


Marion parle de la violence symbolique qui se rejoue parfois dans les prétoires, du poids des mots, du rôle du regard médiatique, et de sa volonté de transformer ce vécu en réflexion engagée.


Un échange fort mais nécessaire, sur ce que la justice dit et tait de notre société.

 Un épisode à écouter si vous vous intéressez à la justice, au féminisme, à la manière dont nos institutions reflètent nos valeurs.


Le livre de Marion : https://editions-globe.com/dubreuil-marion/


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie

Je suis Emilie Berthet Conférencière, productrice de podcasts, sophrologue et auteure, j’accompagne les organisations et les particuliers vers une meilleure compréhension de notre époque et à construire une société attentive aux enjeux humains.


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Non, non, pas de souci. Pour la première question, pourquoi c'est moi qui ai couvert cette audience pour RMC ? Parce qu'à RMC, je suis clairement identifiée sur ces questions-là, que c'est moi qui porte les suivis de procès pour violences sexuelles et sexistes, pour violences intrafamiliales, sur la question, par exemple, des violences conjugales, parce que voilà, c'est vraiment mon créneau. sur le fait de se dire que... Sur un procès attendu, ce soit moi qui le couvre, ça c'est assez naturel. En revanche, c'est souvent moi qui porte ces procès, ces sujets auprès de ma rédaction en chef. Et ça se passe plus rarement dans le sens inverse. C'est-à-dire que je suis spécialisée, je travaille en service polyjustice. Et du coup, c'est moi qui vais porter l'information à leur connaissance. Donc là, je me souviens que ce procès-là, en l'occurrence, je l'ai attendu depuis, je pense, le premier... le premier article qui mentionnait l'arrestation de Dominique Pellicot pour avoir sédaté, violé et fait violer son ex-épouse Gisèle Pellicot qui sort courant novembre

  • Speaker #1

    2020. Donc tu vois tout ce qui sort en fait et toi tu penses déjà à l'après, au procès, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait j'ai une veille d'actu qui du coup... se focalise sur la matière judiciaire, se focalise aussi sur la question notamment des violences sexuelles et sexistes. Et donc ce premier article sort et du coup il alerte déjà mon intérêt. Pendant toute l'instruction, je vais suivre les autres médias qui médiatisent ce dossier. Donc il y a Le Parisien, il y a Le Monde, mais il se trouve qu'à cette période-là, moi je suis à la fois... indépendante et un peu en rédaction. Je ne me saisis pas de l'instruction du dossier Pédico, même si je suis vraiment avec attention à ce que mes confrères, mes consœurs disent de ce dossier. Je dirais que quand j'apprends le renvoi devant la cour criminelle du départemental du Vaucluse, à Avignon, le renvoi, c'est la venue d'un procès. Je commence déjà à me procurer l'ordonnance de mise en accusation, qui résume les charges qui sont retenues contre les mises en examen qui sont à ce stade désormais accusées, et les éléments évidemment à décharge. Et je dirais que ça, ça se fait au printemps-été 2024. Ce qui va être déterminant, c'est que du coup, moi j'en parle beaucoup à mon chef de service. du service police justice et puis je commence déjà aussi en parler à ma rédaction en chef et puis j'apprends je pense en juin que Gisèle Pellicot va renoncer au huis clos et donc là je me dis bon bah voilà c'est ça va être vraiment ce qui va m'occuper à la rentrée je pense déjà plus qu'à ça enfin je fais d'autres choses mais c'est vraiment parce que un procès pareil ça se prépare quoi, on n'y va pas.

  • Speaker #1

    Justement comment tu le prépares ?

  • Speaker #0

    Du coup, en lisant cette ordonnance de mise en accusation qui fait, je crois,

  • Speaker #1

    pour le dossier Pélico... T'y as accès, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, t'y as accès, mais parce que t'es journaliste, parce que tu la récupères. C'est un dossier, enfin, c'est un élément qui n'est plus couvert par le secret de l'instruction à partir du moment où les accusés sont renvoyés, mais ce n'est pas un document qui est à disposition du public.

  • Speaker #1

    Jamais,

  • Speaker #0

    il ne sera jamais à disposition du public. On le récupère par plein de moyens. Je vais juste citer des sources sans dire laquelle. m'a permis de la récupérer. Il y a les avocats, les magistrats, les policiers aussi, les partis aussi, tous ceux qui ont à en connaître. Et du coup, c'est par ce biais-là qu'on peut récupérer ce document. Après, j'appelle aussi la totalité presque des avocats de ce dossier, et donc les avocats de Gisèle Pellicot, mais aussi les avocats des accusés. Je prévois déjà les moments où je vais les rencontrer, les interviews que je vais pouvoir faire en amont pour pouvoir éclairer. le procès avant d'y être. Ça, c'est pour la partie préparation et comment ça se passe. Ça vient vraiment de moi, ces dossiers-là que je fais remonter pour qu'ils soient traités à RMC. Ensuite, je ne me souviens plus de ta deuxième question.

  • Speaker #1

    C'était justement par rapport à ce livre qui est quand même autour du procès. Est-ce que ça a été un déclic pendant le procès ou est-ce que finalement, tu t'es dit après ? Avant, tu avais déjà ce projet et ça l'a nourri encore plus sur ce que tu avais déjà, parce que tu retraces beaucoup de procès dans ce livre, pas uniquement Mazan, qui est quand même le fil conducteur, on va dire, et d'autres procès autour. Comment s'est construit aussi cette envie de livre, finalement ?

  • Speaker #0

    L'envie qui a été première, c'est que du coup, je suis journaliste, mais je suis aussi dessinatrice judiciaire. Et donc, au procès Mazan, j'ai énormément dessiné. Et donc, je pense qu'au bout de deux semaines d'audience, j'ai eu... envie de faire une bande dessinée. Pour la première fois, j'avais un autre projet, j'ai un autre projet de bande dessinée qui n'est pas... qui reste dans un coin de ma tête à ce moment-là, qui était là, dont je ne parlerai pas, mais qui, j'espère, aboutira. Et donc j'avais déjà quand même cette idée de la forme du dessin qui me plaisait, notamment en confrontation avec la matière judiciaire, qui est quand même extrêmement difficile et éprouvante.

  • Speaker #1

    Et le dessin qui peut être plus léger, en tout cas capté plus vite,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Exactement, j'avais l'intuition de ce mélange des deux formes qui pourrait me convenir aussi. Et puis avec cette notion de grand public, ce n'est pas pour rien que je travaille à RMC, c'est aussi parce que j'ai envie de me dire que je parle à tout le monde et pas seulement... aux personnes qui sont convaincues ou intéressées de prime abord. Et du coup, au bout de deux semaines, j'ai cette envie de bande dessinée qui vient. Et rapidement, il y aura plusieurs fils qui vont percuter. C'est que la déferlante avec qui j'ai déjà travaillé, la revue des révolutions féministes, sur un cycle de chroniques sur la justice par un prisme féministe, me dit « Est-ce que ça t'intéresserait une carte blanche chez nous sur la totalité du procès ? » Donc au départ je dis oui oui ça m'intéresse on sait pas encore quelle forme ça va prendre mais je commence à y réfléchir donc en fait il y a déjà ces deux formats concurrents presque fin ou qui se complètent de la bande dessinée que je projette sur laquelle j'ai pas beaucoup de légitimité en tant qu'artiste et pour le coup cette idée d'aller plus loin que le procès, d'aller au delà du procès et d'entrer dans une mécanique d'écriture pour décrypter que j'habite un peu déjà. Et je dois dire que pendant tout le procès, j'ai vraiment très peu dormi, j'ai très peu fait autre chose. J'ai commencé à faire des planches de BD, j'ai commencé à écrire des réflexions comme un carnet de bord, mais qui soit quand même plus réflexif. Et donc en fait, je n'ai pas arrêté d'occuper des espaces d'expression pendant l'audience, en plus des chroniques judiciaires que je faisais à la radio, du fil sur les réseaux sociaux. Donc, à ce moment-là, le livre qui peut se dessiner à partir de la carte blanche que je fais pour La Déferlante, c'est vraiment un livre sur le procès. Et c'est en fait quand le procès se termine que je suis percutée par les autres audiences que j'ai traitées. Pendant tout le procès, je fais des ponts dans ma tête, un peu à l'image de ce qui se fait dans ce livre, mais je ne les couche pas sur le papier. Elles me viennent. les affaires me reviennent,

  • Speaker #1

    je fais des comparaisons je me dis là c'est comme dans celui-là c'est vraiment dans mon cerveau à ce moment-là c'est une ébullition mais je ne sens pas que c'est là que réside le livre que je pourrais écrire et justement est-ce que ce procès il est finalement hors norme ou est-ce qu'il est le reflet de tous les procès qu'on n'entend pas et que tu décris aussi en tout cas moins médiatisé ... Et qu'en fait, là, ça prend une proportion où tu te dis, mais en fait, les gens se rendent peut-être compte de certaines choses. Et en fait, c'est tellement ça depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Alors, il y a un peu ça.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un peu ça. Et il est hors norme aussi, de toute manière.

  • Speaker #0

    Il y a deux aspects. Mais pour commencer sur le côté plutôt violence ordinaire, c'est que, oui, en fait, moi, j'ai retrouvé plein de marqueurs que j'avais trouvés dans d'autres audiences. et j'ai eu un peu envie de dire de profiter du moment où tout le monde regardait Mazan pour interpeller... le grand public autour d'autres questions qu'on trouvait dans le procès Mazon, mais qui n'avaient pas forcément été décrites ou retranscrites pendant les chroniques judiciaires du temps immédiat. Et je voulais aussi qu'on quitte ce côté hors normes et qu'on réinvestisse, enfin on réhabite notre justice. Et c'était vraiment le propos de ce livre, et c'est pour ça que je me suis dit en fait tu ne peux pas faire que Mazon, ça n'a pas de sens, c'est pas ma réflexion à moi. Après, il était hors norme et il aurait dû être saisi comme un moment historique en amont par beaucoup plus de gens que des journalistes et des chroniques judiciaires ou des journalistes féministes. Parce que 51 accusés, c'est un échantillon représentatif sociologique. Je me déplace de ma position de journaliste. C'est un échantillon pour la recherche qui aurait dû être perçu immédiatement. Et moi, c'est un peu mon regret, c'est que... Ça n'a pas été vu à ce moment-là comme tel. J'espère qu'il va y avoir beaucoup d'ouvrages qui vont analyser le travail des journalistes, la réception avec la société, en dehors même d'une production de témoins immédiats, pour nous donner aussi cette profondeur de la recherche.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une étude de terrain toute. prête quoi.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Pour les sociologues.

  • Speaker #0

    Elle est située, elle est pas biaisée, parce que c'est une unité de lieu, une unité de temps. Pour moi, il y avait vraiment cette matière-là. Moi, je ne suis pas sociologue et je ne prétends pas l'être. Et du coup, j'espère que... Sur la base de tous les écrits, de toutes les traces qui existent aujourd'hui et qui continueront d'affluer, des chercheurs vont s'en saisir. Donc pour moi, ce n'est pas tant hors normes qu'une ressource, un matériau vraiment riche.

  • Speaker #1

    Tu as dit, j'avais lu ou entendu, on ne peut plus se contenter de raconter ces affaires comme avant, ces affaires judiciaires. Qu'est-ce que tu entends par là ? Qu'est-ce qui est plus possible ?

  • Speaker #0

    De faire croire qu'elles sont extraordinaires. En fait, souvent, l'un des biais du journalisme, c'est de traiter une thématique par le biais de l'insolite ou de ce qui se détache de l'ordinaire. Il faudrait une affaire... avec une histoire un peu incroyable pour pouvoir parler des violences faites aux femmes. Mais en fait, les violences faites aux femmes, le caractère important réside dans la répétition, dans le systématisme, dans le côté ordinaire. Et moi, ça m'interroge aussi, y compris à ma place de journaliste, parce que je me suis coulée dans ce moule-là pour pouvoir porter ces sujets-là auprès de ma rédaction en chef. J'ai joué ce jeu d'un storytelling et de me dire, attendez, qu'est-ce que je peux trouver dans ce dossier-là qui va les attraper ? Comme ça, je vais pouvoir... de couvrir. Et je ne remets pas ça en cause complètement, parce qu'il faut aussi s'inscrire dans un réel, y compris dans une structure médiatique avec ses codes. Mais je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est quand même contre-productif, parce que, y compris dans les productions qui vont porter ces sujets-là, si on s'attache à l'extraordinaire, si on s'attache aux faits exceptionnels qui extraient cette histoire du réel, parce que... Elle n'est pas arrivée avant. En fait, en même temps qu'on le fait, on contre le discours qu'on veut porter. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Et c'est contradictoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr, oui. Dans le livre, j'ai... Alors, peut-être naïvement, mais j'ai été choquée d'avoir cette notion que cette audience, ce moment où c'est une scène d'audience, se rejoue vraiment, en quelque sorte, les mêmes violences, parfois. La domination, la non-écoute. Il y a plein de biais. Comment ça, c'est pour ça que tu as écrit ce livre, justement pour le faire ressentir, le faire comprendre aussi. C'est ce moment-là où toi tu te dis que la justice, tu apportes ce regard critique en disant ok, là il faut vraiment qu'on se remette en question, il faut vraiment trouver des solutions sur ça.

  • Speaker #0

    Oui, et je pense, je veux juste faire tout de suite une différence par exemple avec aujourd'hui la critique de la décision de justice sur Nicolas Sarkozy, sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. On est en plein dedans, à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs dans le dossier libyen. Moi je ne conteste pas la décision de justice, ou en tout cas je ne dis pas que la justice est unique. Là, dans ce livre, ce que j'essaie d'interroger c'est quels sont les éléments qui ne sont pas pour moi des biais idéologiques forcément de haine. Mais quels sont les biais qu'on a tous en héritage qui traversent aussi notre appareil judiciaire et qui font qu'il va y avoir une mauvaise lecture ?

  • Speaker #1

    Notamment dans le rapport humain.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Dans le rapport en femme. Les phrases qui blessent encore la victime.

  • Speaker #0

    Exactement. Et ce n'est pas ce qui va forcément changer la décision, même si parfois déjà ce regard stéréotypé peut influer sur... le cours d'une procédure, on l'a vu avec notamment les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme qui viennent sanctionner la France, non pas pour la décision finale, mais pour l'absence de moyens, les défauts de procédure qui sont souvent dus à des stéréotypes de genre, qui sont souvent dus au fait qu'on estime encore presque que le viol se caractérise par une résistance physique. Voilà, par tout cet imaginaire-là. C'est ça que j'ai envie de, moi, dénoncer. Et je pense que je suis à ma place en le faisant, parce que je connais bien maintenant les tribunaux, je connais bien les audiences. J'ai vu des magistrats qui savent parfaitement mener une audience sans revictimiser des partis civils. Et là, force est de constater qu'au procès Mazan, qu'on a présenté comme un procès vitrine, dont on a fait... du président, un président qui a tenu une audience incroyable avec 51 accusés dans un délai limité, etc. Oui, ça on peut lui accorder ce crédit, mais on peut aussi s'interroger sur la manière dont il a revictimisé Gisèle Pellicot en laissant la défense aller au-delà des questions qui étaient nécessaires pour la manifestation de la vérité, en posant lui-même des questions qui embrassaient la vision des accusés, notamment en parlant de scènes de sexe plutôt que de rapports sexuels qui est un terme plus neutre, En parlant de partenaire, je trouve en étant parfois en adéquation avec la ligne des accusés, même si ce n'était pas ce qu'ils pensaient. L'intention et le but. Mais du coup, les mots ont un sens.

  • Speaker #1

    Il parlait de partenaire pour les accusés ?

  • Speaker #0

    Oui, il parlait de partenaire. Il y avait plusieurs questions qui étaient formulées à Gisèle Pellicot, et notamment, est-ce que vous avez participé Ausha des partenaires ? Je pense que par ailleurs, dans ce dossier-là, on n'était plus à cette étape-là, puisqu'il était... attesté qu'elle était sédatée, inconsciente et qu'il n'y avait eu aucune trace d'échange entre Gisèle Pellicot et les accusés. Et du coup, voilà, ça interroge sur quel est le rôle que se donne à ce moment-là le président. je connais la phrase réflexe de dire c'est pour déminer la défense c'est à dire que le président peut nous dire le président la présidente les magistrats de la cour reprennent des questions enfin entame des questions de la défense qui serait plutôt prêté à la défense pour ne pas leur laisser en gros attaquer avant d'être exactement et sauf que cette réflexion là elle a parfois un sens mais là en l'occurrence elle n'en a pas et du coup c'est le magistrat qui se fait l'artifice de cette violence à l'égard de Gisèle Pellicot et je pense que on a trop longtemps fait de l'enceinte judiciaire une arène et on s'est trop caché derrière le fait que la procédure judiciaire c'est violent les questions un interrogatoire c'est violent est-ce qu'on peut réinterroger cette violence aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Et je me dis moi en étant extérieur c'est un entre-soi aussi c'est-à-dire que la justice appartient à la justice à tous ceux qui peuvent entrer dans ce moment, dans cette enceinte et qui peuvent y participer. Tu vois, ton livre, c'est comme si on avait un œil qui nous donne aussi à vivre sur l'extérieur. L'extérieur peut avoir cet avis-là. C'est peut-être aussi par ce biais-là, comme je te disais, ton livre, c'est une pierre aussi sur justement des débats, une construction, parce que c'est quelque chose qui peut faire retravailler les... Les gens de l'intérieur, en se disant « Ah ok, c'est vrai qu'on peut être comme ça » , c'est ce qu'on dit très souvent quand on veut se déconstruire justement, on y revient peut-être par ce biais-là, c'est aussi en se rendant compte et en ayant un miroir, ou en tout cas quelqu'un qui dit « Mais c'est pas très normal ça, ou cette phrase-là » . Tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #0

    Je vois parfaitement. Et pour te dire, moi quand j'ai commencé en étant chronique judiciaire, quand on ne connaît pas le système, en fait on ne peut pas être à cet endroit-là de la critique. Parce qu'il faut déjà absorber. et absorber le rituel, savoir qui parle où l'avocat général quand on est face à la cour à droite, pourquoi le président a une robe rouge, pourquoi ils sont surélevés par rapport à nous, pourquoi on se lève quand ils arrivent, c'est justement pour montrer que la justice est humaine et pour reprendre la même hauteur que la cour en fait. Il y a plein de choses comme ça. Tant qu'on ne les connaît pas, on ne connaît pas les codes, on peut plus difficilement, ou en tout cas avec un sentiment de moins de légitimité... critiquer son fonctionnement. Et moi, l'endroit d'où je parle, c'est de dire, voilà, moi, c'est bon, j'ai compris les codes, parfois je m'y suis coulée, j'ai parfois embrassé une vision que je trouve injuste, au final, parce que j'ai voulu aussi montrer que je maîtrisais les codes.

  • Speaker #1

    On a envie de se faire accepter, n'importe où on est, on parle de rite d'entreprise sur les gens qui travaillent en entreprise, on accepte des choses en entreprise qu'on n'accepte pas ailleurs. On accepte, je pense, dans la Cour de justice et dans un procès, de s'adapter au rituel.

  • Speaker #0

    Oui, et de les retranscrire finalement. Et de ne plus les retranscrire, en fait. C'est-à-dire de faire comme s'ils étaient transparents, comme s'ils n'avaient pas d'incidence sur la procédure, enfin, sur l'affaire qui était en train d'être jugée. Mais ce n'est pas vrai. Et du coup, moi, c'est aussi cet endroit-là qu'aujourd'hui, j'ai envie d'occuper et de décrypter pour d'autres qui auraient peut-être... un jour une confrontation avec la justice, que ce soit en tant que victime ou en tant qu'auteur, même si dans ce livre, j'ai voulu davantage m'axer sur la partie civile, parce qu'aujourd'hui encore, c'est quand même un peu l'angle mort de la procédure. Donc ça ne veut pas dire que je n'ai pas une réflexion aussi sur le fait que la justice est parfois aussi injuste à l'égard des auteurs. Mais voilà, c'est de réinterroger ces codes qu'on a appris à accepter de manière extrêmement passive. Et j'ai envie de les refaire circuler, de refaire de ces concepts qu'on doit accepter une matière mobile, vive. Et en fait, ce n'est pas parce que la justice aujourd'hui se passe comme ça que demain, elle devra se passer comme ça.

  • Speaker #1

    De ce que tu viens de dire aussi, j'ai pensé aussi au poids des mots, vraiment, quand on est victime, comme Gisèle Pellicot qui entend encore des choses comme ça. Ça ajoute encore. Et en fait, une fois que le procès est fini, qu'est-ce qui se passe pour ces victimes une fois qu'elles ont entendu tout ça pendant les procès ? Dans ton livre, tu décris des phrases qui sont très dures. Vous l'avez presque cherchée, pas forcément sur le procès Pellicot, mais sur plein d'autres. Et ça, qu'est-ce qui reste après ?

  • Speaker #0

    C'est des phrases qui restent.

  • Speaker #1

    Ça rajoute en fait. Ça rajoute. Quand tu as le poids de la justice qui te le dit ou un avocat qui... qui peut impressionner, qui impressionne. On n'a pas l'habitude, en tant que victime, d'aller dans un tribunal, d'entendre dire ça. Mais pour Gisèle Pellicot, vous aviez eu d'autres partenaires où je crois qu'elle était naturiste, ou je ne sais pas, où c'est la piscine, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Elle ne l'était pas, mais en fait...

  • Speaker #1

    Ils l'ont décrit comme ça, etc. Et ça, est-ce que tu as... Une vision sur l'après aussi ou sur l'impact que ça a au moment ? Oui.

  • Speaker #0

    Sur l'après, je parle du procès de Georges Tron pour viol dans ce livre. Et il se trouve que la victime qui a été reconnue par la justice, Virginie Etel, je l'ai recontactée après, une fois que, enfin, l'arrêt de la Cour de cassation a confirmé le verdict en appel qui condamnait Georges Tron. Et j'ai justement fait ce travail-là avec elle, de faire le bilan de la procédure judiciaire et de ce que ça lui avait coûté. J'aurais pas assez de mots pour le dire, j'avais pas assez de mots pour l'écrire. C'est... Je suis navrée.

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas de soucis, t'inquiète.

  • Speaker #0

    Je me demandais ce que c'était.

  • Speaker #1

    Je me dis, merde, c'est le micro qui...

  • Speaker #0

    Non, je pense que c'est... Enfin,

  • Speaker #1

    j'ai... Il captait, oui, il cherchait le truc. T'avais pas assez de mots pour...

  • Speaker #0

    J'avais pas assez de mots pour l'écrire et pour le retranscrire, mais toute la procédure a été émaillée de violences dont elle a gardé trace, en fait, et qui réactive le traumatisme, et qui le réactive et qui même l'augmente parce que ça donne un nouveau champ aux violences. Et en l'occurrence, cette première audience dont je parle, avec un magistrat qui va dire des phrases comme « juste un doigt » . parce qu'elle a été violée par pénétration digitale, qui va s'étonner qu'elle dise quand même bonjour à Georges Tronc, qui est son employeur, au lendemain du viol qu'elle a subi. Et en fait, je pense que presque aujourd'hui, ces phrases-là, elles ont plus de reviviscence pour elle, parfois, que le traumatisme, parce qu'elle a fait, en l'occurrence de l'EMDR, pour... pour dissocier son traumatisme de ce qu'elle peut ressentir aujourd'hui. Et je me dis que c'est quand même terrible que la machine qui est censée vous protéger vous mette à un endroit de victime et vous enferme là-dedans. Mais pas parce que vous êtes reconnue victime, mais parce qu'elle vous fait mal, parce qu'elle vous abîme, en fait. Et la blessure de la procédure judiciaire, c'est vraiment quelque chose que je veux continuer d'explorer. Parce que c'est une réalité qu'on efface trop souvent par une décision de condamnation.

  • Speaker #1

    Et justement, tu dis aussi dans ton livre au tout début qu'on se souvient très bien des surnoms. Déjà, on donne des surnoms aux tueurs, peut-être que ça les familiarise un peu, ça les fait rentrer dans nos familles. tel tueur, tel machin et les victimes on a du mal à se souvenir d'elles ou en tout cas à se souvenir d'elles en tant que personne qui elles sont vraiment. Il y a vraiment cette différence, cette dissonance qui est incroyable.

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est terrible, c'est que dans la procédure judiciaire, un auteur, un accusé ou un prévenu, va vouloir montrer pendant toute la procédure qu'il est autre chose que ce qu'il a fait. La victime, elle, on lui demande de n'être que victime. En fait, on lui demande par exemple dans son récit de se replacer à l'endroit où elle était quand elle a été victime. On lui demande de retranscrire les émotions, les sensations qu'elle a ressenties. Mais bien souvent, la procédure judiciaire, elle arrive 5, 6, 7, 8 ans après. Ça aussi, c'est quand même un jeu de dupe, mais qui coûte davantage, en tout cas dans le temps de la procédure, à une victime qui va devoir se résumer à ce qu'elle a subi. Parce que si elle déborde de ce costume-là, ça veut dire qu'elle s'en sort. Ça veut dire que ce n'est pas si grave. En fait, c'est quand même une schizophrénie pour les victimes de ne pas pouvoir montrer aussi qu'elles sont autre chose à la justice. Parce que la justice, ce qui va les intéresser, c'est quelles sont les conséquences de l'acte qu'elles ont subi.

  • Speaker #1

    De l'acte, d'accord.

  • Speaker #0

    Et par contre, l'accusé, il va y avoir un examen de sa personnalité et tout son enjeu, c'est de montrer qu'il n'est pas l'auteur, ou qu'il n'est pas que l'auteur des actes. et donc pour lui, on va raconter autre chose. Ça, c'est vraiment valable pour les victimes de viol, pour les victimes de féminicide. Évidemment, les proches sont là pour refaire vivre la victime et pour parler d'elle autrement, même si dans les questions que la justice va leur poser, on va quand même beaucoup s'intéresser, notamment dans la mécanique des violences conjugales, à ... à partir de quand elle a été victime, qu'est-ce qu'elle a subi, etc. Et que ça, ça vient presque parfois envahir. toute la vie d'une femme, au point de parfois oublier ce qu'elle pouvait être ailleurs.

  • Speaker #1

    Presque pour chercher un déclic. Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui a fait que ? Presque.

  • Speaker #0

    C'est même, au-delà du déclic, c'est de dresser le portrait de quelqu'un qui ne serait que victime et si elle est autre chose que victime, c'est déjà un soupçon.

  • Speaker #1

    C'est terrible.

  • Speaker #0

    C'est terrible. Ouais. En fait, c'est... Ça enferme dans une case. Et je dois dire qu'autant les auteurs peuvent s'échapper de cette case, autant les victimes, elles, sont astreintes à explorer l'ensemble du relief de cette case pour pouvoir donner à voir, pour pouvoir donner à comprendre leurs préjudices.

  • Speaker #1

    Et dans ton livre, tu retraces le viol au fil de l'histoire judiciaire aussi. Comment toi, tu perçois cette évolution et comment tu l'imagines aussi après ?

  • Speaker #0

    Je vois vraiment un carcan qu'on essaie d'élargir. C'est vrai qu'au début, il faut bien se dire que le viol, c'est quand même un crime de propriété en fait. Un crime de propriété à l'égard des hommes. La blessure des femmes, elle n'est pas envisagée. Ce qui va inquiéter la société, c'est le fait qu'il puisse y avoir un bâtard qui naissent d'un viol, c'est le fait que la réputation d'un homme puisse être entachée parce que sa fille, son épouse, a été salie. Et du coup, aujourd'hui, on voit bien que si on se met dans une perspective historique, à chaque fois il a fallu élargir la vision du viol et de remettre le sujet victime au milieu. Et dans ce qu'elle éprouve, dans les conséquences pour elle, mais aussi dans les conséquences pour la société, au-delà de la perturbation d'un ordre établi, en fait, dans les conséquences pour la société en termes de santé publique, en fait, en d'autres enjeux que font entendre les victimes. et demain Je sais pas si en l'état... Alors il y a la question de l'inscription du consentement qui revient, qui va sans doute entrer dans notre code pénal, qui pour moi aura peut-être pour vertu de clarifier au grand public peut-être la question du viol, même si je peux pas m'empêcher de me dire qu'en fait, aujourd'hui, un violeur, s'il connaît pas le code pénal, il sait quand même qu'il commet un viol. Enfin je veux dire, il sait quand même qu'il impose quelque chose. même s'il se raconte des histoires et même s'il ne veut pas que ça rentre justement dans le code de procédure pénale. Je pense que ça aura l'intérêt au moins de nous épargner des explications qui voudraient dire que le consentement était acquis ou du moins dans l'idée de l'auteur. Je sais pas si... Aujourd'hui, on a une jurisprudence qui est hyper riche, en fait, sur toutes les notions de contraintes morales. Alors peut-être qu'il faut rappeler la définition du viol, c'est tout acte de pénétration bucco-ginitale imposé sur la personne d'autrui par l'auteur, soit par menace, contrainte, violence ou surprise. En fait aujourd'hui cet éventail menace, contrainte, violence ou surprise, il recouvre déjà toutes les situations de viol, pour peu qu'on ait des magistrats qui le caractérisent bien, le qualifient bien, voient dans la contrainte morale dans un ascendant par exemple entre... un employeur et sa salariée. Pour peu qu'on veuille lire le contexte, en fait. Et je pense que l'évolution de notre répression du viol va venir surtout d'une meilleure lecture du contexte. Et ce contexte-là, il peut déjà être pris en compte par notre définition du viol. Il faut juste s'attacher à le décrypter. Et ça relève aussi d'une question de temps, de moyens. C'est que... Le viol capté par vidéo, comme au procès Mazon, ça n'existe pas, en fait.

  • Speaker #1

    Et même capté par une vidéo, c'était compliqué.

  • Speaker #0

    Et même capté par une vidéo, on a eu quand même, en tout cas, une ligne de défense qui était vraiment absurde et qui était inacceptable. Enfin, je veux dire, inacceptable pas au regard de ce qui se passe dans l'enceinte judiciaire, mais inacceptable au regard de la réflexion, je veux dire, qui était intellectuellement... vouée à l'échec. C'est inefficace. Mais voilà, je pense que c'est vraiment dans ce contexte-là, et ce contexte-là, il faut du temps, il faut des moyens d'enquête, il faut des magistrats, des forces de l'ordre qui soient formés à aller chercher entre les lignes. Et je pense qu'il y a quand même un écueil de... Pour moi, aujourd'hui, la justice, si je parle d'une justice vitrine, c'est qu'avec... Finalement, 1% des viols qui sont jugés et qui aboutissent à un procès, c'est forcément une justice d'exemple. C'est forcément une justice qui ne va pas s'adresser qu'aux partis, mais qui s'adresse aussi à la société. Je ne crois pas au verdict pour l'exemple, mais par contre je crois au procès pour l'exemple, pour frapper les esprits, pour comprendre, pour décrypter. C'est pour ça que moi j'y vais. mais pour que ce pourcentage augmente ou pour que l'on trouve peut-être d'autres réponses que la voie judiciaire, il faut des moyens, il faut une société qui accepte de se confronter à cette réalité.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Et est-ce que tu es confiante dans l'avenir ? La question.

  • Speaker #0

    C'est hyper dur.

  • Speaker #1

    En fait, est-ce que tu vois, c'est une deuxième question, c'est même par rapport à ton livre, les retours, est-ce que ça questionne, est-ce que du coup ça fait quand même, tu vois, est-ce que tu vois des choses qui...

  • Speaker #0

    Alors, je vois une des choses qui m'a le plus... Je dois dire que j'attendais finalement le plus de critiques de la part de ceux qui partagent ma profession.

  • Speaker #1

    Oui, j'imagine que tu as toujours cette peur d'être jugée peut-être aussi ou de ne pas être comprise par mes pairs. Oui, un pavé dans la mare, mais alors qu'en fait, c'est pas ça le but.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, au contraire, j'ai eu énormément de retours de confrères. Je dis confrères particulièrement parce que peut-être que mes consœurs sont... sont plus habitués peut-être à ce que j'écris. Enfin, en tout cas, c'est pas éloigné des discussions que j'ai en permanence. Mon livre, c'est vraiment ma pratique... C'est vraiment ma pratique professionnelle. C'est pas une réflexion qui est désincarnée. Mais j'ai eu beaucoup de retours de confrères masculins qui font de la chronique judiciaire et qui m'ont dit « Ton livre, en fait, il m'a bousculée. En fait, il m'a fait réfléchir. » Du coup je me dis, tu vois, ta notion de contexte, y compris pour nous, parce que là j'en parlais du contexte pour les magistrats quand ils enquêtent, mais ta notion de contexte même pour nous chroniqueurs judiciaires, quand on retranscrit des débats, c'est vrai qu'en fait on a un devoir de pédagogie qui va au-delà de la restitution brute de ce qui se dit dans une salle d'audience. Et voilà, le fait de s'engager, etc., j'ai eu beaucoup de confrères qui m'ont dit que ça les avait fait réfléchir, donc ça c'est... Pour moi,

  • Speaker #1

    c'est très bien, c'est positif.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux.

  • Speaker #1

    Souvent, les femmes écoutent des femmes, les femmes lisent les femmes. Ça reste quand même...

  • Speaker #0

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #1

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc ça, ça m'a beaucoup... J'ai eu un de mes collègues qui a une position de rédacteur en chef qui me dit, du coup, ton livre, il me fait m'interroger moi alors qu'il n'est pas dans la chronique judiciaire, etc. il me fait m'interroger moi sur mon rôle dans la société, sur mon comportement et tout. Donc ça, pour moi, c'est des victoires. Tous les échanges qui naissent de ce livre, pour moi, c'est une source de joie. Et je le dis vraiment, ça me rend extrêmement joyeuse. Je sors d'un salon, mon premier salon du livre, et la réception a été vraiment incroyable, parce que c'est un salon qui est normalement largement dédié à l'écologie, à l'environnement. Et il y a quelques poches comme ça sur le fait d'hiver, sur la justice. Et donc du coup, je pense que je n'étais pas très attendue. Oui. les gens n'en venaient pas pour ce sujet mais j'ai eu beaucoup de gens qui se sont arrêtés beaucoup de gens qui ont commencé à discuter avec moi et qui de l'échange ont finalement parfois acheté le livre parfois pas acheté c'est pas tant la question mais qui ont accepté en tout cas de discuter et ça c'est incroyable on avait fait une rencontre avec une quarantaine de personnes et... La rencontre devait durer une heure, elle a duré 1h40 et les gens ne voulaient plus s'arrêter. Moi, tous les espaces où ça recrée de la parole sur ces sujets-là qui sont sidérants, qu'on dit trop souvent, trop éprouvants, qu'on ne veut pas voir, remettre de la parole, remettre de la mobilité, de l'échange, y compris du rire parfois. Je veux dire, ce n'est pas interdit. Et bien en fait, pour moi, c'est ça l'objectif de ce livre. C'est ça. S'il n'y a que ça... C'est déjà gagné. Ça, c'est pour mon échelle à moi et mon engagement à moi et la réponse qu'il y a à mon engagement. Je trouve qu'elle est là. La réponse est là. Je suis invitée à être dans ce que je te disais avant, dans des facs de droit, à Sciences Po, dans des colloques.

  • Speaker #1

    Faire entendre, discuter.

  • Speaker #0

    Faire entendre cette voix.

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Description

Journaliste judiciaire à RMC et dessinatrice d’audience, Marion Dubreuil couvre depuis des années les grands procès liés aux violences sexistes et sexuelles.
Dans cet épisode, elle revient sur le procès Mazan, point de départ de son livre Mazan – La traversée du Styx (Éditions Globe), pour interroger les mécanismes de la justice française, ses biais, ses silences et ses héritages.


Marion parle de la violence symbolique qui se rejoue parfois dans les prétoires, du poids des mots, du rôle du regard médiatique, et de sa volonté de transformer ce vécu en réflexion engagée.


Un échange fort mais nécessaire, sur ce que la justice dit et tait de notre société.

 Un épisode à écouter si vous vous intéressez à la justice, au féminisme, à la manière dont nos institutions reflètent nos valeurs.


Le livre de Marion : https://editions-globe.com/dubreuil-marion/


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie

Je suis Emilie Berthet Conférencière, productrice de podcasts, sophrologue et auteure, j’accompagne les organisations et les particuliers vers une meilleure compréhension de notre époque et à construire une société attentive aux enjeux humains.


N'hésitez pas à laisser 5 étoiles et un commentaire pour rendre visible ce podcast !


Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Non, non, pas de souci. Pour la première question, pourquoi c'est moi qui ai couvert cette audience pour RMC ? Parce qu'à RMC, je suis clairement identifiée sur ces questions-là, que c'est moi qui porte les suivis de procès pour violences sexuelles et sexistes, pour violences intrafamiliales, sur la question, par exemple, des violences conjugales, parce que voilà, c'est vraiment mon créneau. sur le fait de se dire que... Sur un procès attendu, ce soit moi qui le couvre, ça c'est assez naturel. En revanche, c'est souvent moi qui porte ces procès, ces sujets auprès de ma rédaction en chef. Et ça se passe plus rarement dans le sens inverse. C'est-à-dire que je suis spécialisée, je travaille en service polyjustice. Et du coup, c'est moi qui vais porter l'information à leur connaissance. Donc là, je me souviens que ce procès-là, en l'occurrence, je l'ai attendu depuis, je pense, le premier... le premier article qui mentionnait l'arrestation de Dominique Pellicot pour avoir sédaté, violé et fait violer son ex-épouse Gisèle Pellicot qui sort courant novembre

  • Speaker #1

    2020. Donc tu vois tout ce qui sort en fait et toi tu penses déjà à l'après, au procès, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait j'ai une veille d'actu qui du coup... se focalise sur la matière judiciaire, se focalise aussi sur la question notamment des violences sexuelles et sexistes. Et donc ce premier article sort et du coup il alerte déjà mon intérêt. Pendant toute l'instruction, je vais suivre les autres médias qui médiatisent ce dossier. Donc il y a Le Parisien, il y a Le Monde, mais il se trouve qu'à cette période-là, moi je suis à la fois... indépendante et un peu en rédaction. Je ne me saisis pas de l'instruction du dossier Pédico, même si je suis vraiment avec attention à ce que mes confrères, mes consœurs disent de ce dossier. Je dirais que quand j'apprends le renvoi devant la cour criminelle du départemental du Vaucluse, à Avignon, le renvoi, c'est la venue d'un procès. Je commence déjà à me procurer l'ordonnance de mise en accusation, qui résume les charges qui sont retenues contre les mises en examen qui sont à ce stade désormais accusées, et les éléments évidemment à décharge. Et je dirais que ça, ça se fait au printemps-été 2024. Ce qui va être déterminant, c'est que du coup, moi j'en parle beaucoup à mon chef de service. du service police justice et puis je commence déjà aussi en parler à ma rédaction en chef et puis j'apprends je pense en juin que Gisèle Pellicot va renoncer au huis clos et donc là je me dis bon bah voilà c'est ça va être vraiment ce qui va m'occuper à la rentrée je pense déjà plus qu'à ça enfin je fais d'autres choses mais c'est vraiment parce que un procès pareil ça se prépare quoi, on n'y va pas.

  • Speaker #1

    Justement comment tu le prépares ?

  • Speaker #0

    Du coup, en lisant cette ordonnance de mise en accusation qui fait, je crois,

  • Speaker #1

    pour le dossier Pélico... T'y as accès, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, t'y as accès, mais parce que t'es journaliste, parce que tu la récupères. C'est un dossier, enfin, c'est un élément qui n'est plus couvert par le secret de l'instruction à partir du moment où les accusés sont renvoyés, mais ce n'est pas un document qui est à disposition du public.

  • Speaker #1

    Jamais,

  • Speaker #0

    il ne sera jamais à disposition du public. On le récupère par plein de moyens. Je vais juste citer des sources sans dire laquelle. m'a permis de la récupérer. Il y a les avocats, les magistrats, les policiers aussi, les partis aussi, tous ceux qui ont à en connaître. Et du coup, c'est par ce biais-là qu'on peut récupérer ce document. Après, j'appelle aussi la totalité presque des avocats de ce dossier, et donc les avocats de Gisèle Pellicot, mais aussi les avocats des accusés. Je prévois déjà les moments où je vais les rencontrer, les interviews que je vais pouvoir faire en amont pour pouvoir éclairer. le procès avant d'y être. Ça, c'est pour la partie préparation et comment ça se passe. Ça vient vraiment de moi, ces dossiers-là que je fais remonter pour qu'ils soient traités à RMC. Ensuite, je ne me souviens plus de ta deuxième question.

  • Speaker #1

    C'était justement par rapport à ce livre qui est quand même autour du procès. Est-ce que ça a été un déclic pendant le procès ou est-ce que finalement, tu t'es dit après ? Avant, tu avais déjà ce projet et ça l'a nourri encore plus sur ce que tu avais déjà, parce que tu retraces beaucoup de procès dans ce livre, pas uniquement Mazan, qui est quand même le fil conducteur, on va dire, et d'autres procès autour. Comment s'est construit aussi cette envie de livre, finalement ?

  • Speaker #0

    L'envie qui a été première, c'est que du coup, je suis journaliste, mais je suis aussi dessinatrice judiciaire. Et donc, au procès Mazan, j'ai énormément dessiné. Et donc, je pense qu'au bout de deux semaines d'audience, j'ai eu... envie de faire une bande dessinée. Pour la première fois, j'avais un autre projet, j'ai un autre projet de bande dessinée qui n'est pas... qui reste dans un coin de ma tête à ce moment-là, qui était là, dont je ne parlerai pas, mais qui, j'espère, aboutira. Et donc j'avais déjà quand même cette idée de la forme du dessin qui me plaisait, notamment en confrontation avec la matière judiciaire, qui est quand même extrêmement difficile et éprouvante.

  • Speaker #1

    Et le dessin qui peut être plus léger, en tout cas capté plus vite,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Exactement, j'avais l'intuition de ce mélange des deux formes qui pourrait me convenir aussi. Et puis avec cette notion de grand public, ce n'est pas pour rien que je travaille à RMC, c'est aussi parce que j'ai envie de me dire que je parle à tout le monde et pas seulement... aux personnes qui sont convaincues ou intéressées de prime abord. Et du coup, au bout de deux semaines, j'ai cette envie de bande dessinée qui vient. Et rapidement, il y aura plusieurs fils qui vont percuter. C'est que la déferlante avec qui j'ai déjà travaillé, la revue des révolutions féministes, sur un cycle de chroniques sur la justice par un prisme féministe, me dit « Est-ce que ça t'intéresserait une carte blanche chez nous sur la totalité du procès ? » Donc au départ je dis oui oui ça m'intéresse on sait pas encore quelle forme ça va prendre mais je commence à y réfléchir donc en fait il y a déjà ces deux formats concurrents presque fin ou qui se complètent de la bande dessinée que je projette sur laquelle j'ai pas beaucoup de légitimité en tant qu'artiste et pour le coup cette idée d'aller plus loin que le procès, d'aller au delà du procès et d'entrer dans une mécanique d'écriture pour décrypter que j'habite un peu déjà. Et je dois dire que pendant tout le procès, j'ai vraiment très peu dormi, j'ai très peu fait autre chose. J'ai commencé à faire des planches de BD, j'ai commencé à écrire des réflexions comme un carnet de bord, mais qui soit quand même plus réflexif. Et donc en fait, je n'ai pas arrêté d'occuper des espaces d'expression pendant l'audience, en plus des chroniques judiciaires que je faisais à la radio, du fil sur les réseaux sociaux. Donc, à ce moment-là, le livre qui peut se dessiner à partir de la carte blanche que je fais pour La Déferlante, c'est vraiment un livre sur le procès. Et c'est en fait quand le procès se termine que je suis percutée par les autres audiences que j'ai traitées. Pendant tout le procès, je fais des ponts dans ma tête, un peu à l'image de ce qui se fait dans ce livre, mais je ne les couche pas sur le papier. Elles me viennent. les affaires me reviennent,

  • Speaker #1

    je fais des comparaisons je me dis là c'est comme dans celui-là c'est vraiment dans mon cerveau à ce moment-là c'est une ébullition mais je ne sens pas que c'est là que réside le livre que je pourrais écrire et justement est-ce que ce procès il est finalement hors norme ou est-ce qu'il est le reflet de tous les procès qu'on n'entend pas et que tu décris aussi en tout cas moins médiatisé ... Et qu'en fait, là, ça prend une proportion où tu te dis, mais en fait, les gens se rendent peut-être compte de certaines choses. Et en fait, c'est tellement ça depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Alors, il y a un peu ça.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un peu ça. Et il est hors norme aussi, de toute manière.

  • Speaker #0

    Il y a deux aspects. Mais pour commencer sur le côté plutôt violence ordinaire, c'est que, oui, en fait, moi, j'ai retrouvé plein de marqueurs que j'avais trouvés dans d'autres audiences. et j'ai eu un peu envie de dire de profiter du moment où tout le monde regardait Mazan pour interpeller... le grand public autour d'autres questions qu'on trouvait dans le procès Mazon, mais qui n'avaient pas forcément été décrites ou retranscrites pendant les chroniques judiciaires du temps immédiat. Et je voulais aussi qu'on quitte ce côté hors normes et qu'on réinvestisse, enfin on réhabite notre justice. Et c'était vraiment le propos de ce livre, et c'est pour ça que je me suis dit en fait tu ne peux pas faire que Mazon, ça n'a pas de sens, c'est pas ma réflexion à moi. Après, il était hors norme et il aurait dû être saisi comme un moment historique en amont par beaucoup plus de gens que des journalistes et des chroniques judiciaires ou des journalistes féministes. Parce que 51 accusés, c'est un échantillon représentatif sociologique. Je me déplace de ma position de journaliste. C'est un échantillon pour la recherche qui aurait dû être perçu immédiatement. Et moi, c'est un peu mon regret, c'est que... Ça n'a pas été vu à ce moment-là comme tel. J'espère qu'il va y avoir beaucoup d'ouvrages qui vont analyser le travail des journalistes, la réception avec la société, en dehors même d'une production de témoins immédiats, pour nous donner aussi cette profondeur de la recherche.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une étude de terrain toute. prête quoi.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Pour les sociologues.

  • Speaker #0

    Elle est située, elle est pas biaisée, parce que c'est une unité de lieu, une unité de temps. Pour moi, il y avait vraiment cette matière-là. Moi, je ne suis pas sociologue et je ne prétends pas l'être. Et du coup, j'espère que... Sur la base de tous les écrits, de toutes les traces qui existent aujourd'hui et qui continueront d'affluer, des chercheurs vont s'en saisir. Donc pour moi, ce n'est pas tant hors normes qu'une ressource, un matériau vraiment riche.

  • Speaker #1

    Tu as dit, j'avais lu ou entendu, on ne peut plus se contenter de raconter ces affaires comme avant, ces affaires judiciaires. Qu'est-ce que tu entends par là ? Qu'est-ce qui est plus possible ?

  • Speaker #0

    De faire croire qu'elles sont extraordinaires. En fait, souvent, l'un des biais du journalisme, c'est de traiter une thématique par le biais de l'insolite ou de ce qui se détache de l'ordinaire. Il faudrait une affaire... avec une histoire un peu incroyable pour pouvoir parler des violences faites aux femmes. Mais en fait, les violences faites aux femmes, le caractère important réside dans la répétition, dans le systématisme, dans le côté ordinaire. Et moi, ça m'interroge aussi, y compris à ma place de journaliste, parce que je me suis coulée dans ce moule-là pour pouvoir porter ces sujets-là auprès de ma rédaction en chef. J'ai joué ce jeu d'un storytelling et de me dire, attendez, qu'est-ce que je peux trouver dans ce dossier-là qui va les attraper ? Comme ça, je vais pouvoir... de couvrir. Et je ne remets pas ça en cause complètement, parce qu'il faut aussi s'inscrire dans un réel, y compris dans une structure médiatique avec ses codes. Mais je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est quand même contre-productif, parce que, y compris dans les productions qui vont porter ces sujets-là, si on s'attache à l'extraordinaire, si on s'attache aux faits exceptionnels qui extraient cette histoire du réel, parce que... Elle n'est pas arrivée avant. En fait, en même temps qu'on le fait, on contre le discours qu'on veut porter. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Et c'est contradictoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr, oui. Dans le livre, j'ai... Alors, peut-être naïvement, mais j'ai été choquée d'avoir cette notion que cette audience, ce moment où c'est une scène d'audience, se rejoue vraiment, en quelque sorte, les mêmes violences, parfois. La domination, la non-écoute. Il y a plein de biais. Comment ça, c'est pour ça que tu as écrit ce livre, justement pour le faire ressentir, le faire comprendre aussi. C'est ce moment-là où toi tu te dis que la justice, tu apportes ce regard critique en disant ok, là il faut vraiment qu'on se remette en question, il faut vraiment trouver des solutions sur ça.

  • Speaker #0

    Oui, et je pense, je veux juste faire tout de suite une différence par exemple avec aujourd'hui la critique de la décision de justice sur Nicolas Sarkozy, sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. On est en plein dedans, à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs dans le dossier libyen. Moi je ne conteste pas la décision de justice, ou en tout cas je ne dis pas que la justice est unique. Là, dans ce livre, ce que j'essaie d'interroger c'est quels sont les éléments qui ne sont pas pour moi des biais idéologiques forcément de haine. Mais quels sont les biais qu'on a tous en héritage qui traversent aussi notre appareil judiciaire et qui font qu'il va y avoir une mauvaise lecture ?

  • Speaker #1

    Notamment dans le rapport humain.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Dans le rapport en femme. Les phrases qui blessent encore la victime.

  • Speaker #0

    Exactement. Et ce n'est pas ce qui va forcément changer la décision, même si parfois déjà ce regard stéréotypé peut influer sur... le cours d'une procédure, on l'a vu avec notamment les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme qui viennent sanctionner la France, non pas pour la décision finale, mais pour l'absence de moyens, les défauts de procédure qui sont souvent dus à des stéréotypes de genre, qui sont souvent dus au fait qu'on estime encore presque que le viol se caractérise par une résistance physique. Voilà, par tout cet imaginaire-là. C'est ça que j'ai envie de, moi, dénoncer. Et je pense que je suis à ma place en le faisant, parce que je connais bien maintenant les tribunaux, je connais bien les audiences. J'ai vu des magistrats qui savent parfaitement mener une audience sans revictimiser des partis civils. Et là, force est de constater qu'au procès Mazan, qu'on a présenté comme un procès vitrine, dont on a fait... du président, un président qui a tenu une audience incroyable avec 51 accusés dans un délai limité, etc. Oui, ça on peut lui accorder ce crédit, mais on peut aussi s'interroger sur la manière dont il a revictimisé Gisèle Pellicot en laissant la défense aller au-delà des questions qui étaient nécessaires pour la manifestation de la vérité, en posant lui-même des questions qui embrassaient la vision des accusés, notamment en parlant de scènes de sexe plutôt que de rapports sexuels qui est un terme plus neutre, En parlant de partenaire, je trouve en étant parfois en adéquation avec la ligne des accusés, même si ce n'était pas ce qu'ils pensaient. L'intention et le but. Mais du coup, les mots ont un sens.

  • Speaker #1

    Il parlait de partenaire pour les accusés ?

  • Speaker #0

    Oui, il parlait de partenaire. Il y avait plusieurs questions qui étaient formulées à Gisèle Pellicot, et notamment, est-ce que vous avez participé Ausha des partenaires ? Je pense que par ailleurs, dans ce dossier-là, on n'était plus à cette étape-là, puisqu'il était... attesté qu'elle était sédatée, inconsciente et qu'il n'y avait eu aucune trace d'échange entre Gisèle Pellicot et les accusés. Et du coup, voilà, ça interroge sur quel est le rôle que se donne à ce moment-là le président. je connais la phrase réflexe de dire c'est pour déminer la défense c'est à dire que le président peut nous dire le président la présidente les magistrats de la cour reprennent des questions enfin entame des questions de la défense qui serait plutôt prêté à la défense pour ne pas leur laisser en gros attaquer avant d'être exactement et sauf que cette réflexion là elle a parfois un sens mais là en l'occurrence elle n'en a pas et du coup c'est le magistrat qui se fait l'artifice de cette violence à l'égard de Gisèle Pellicot et je pense que on a trop longtemps fait de l'enceinte judiciaire une arène et on s'est trop caché derrière le fait que la procédure judiciaire c'est violent les questions un interrogatoire c'est violent est-ce qu'on peut réinterroger cette violence aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Et je me dis moi en étant extérieur c'est un entre-soi aussi c'est-à-dire que la justice appartient à la justice à tous ceux qui peuvent entrer dans ce moment, dans cette enceinte et qui peuvent y participer. Tu vois, ton livre, c'est comme si on avait un œil qui nous donne aussi à vivre sur l'extérieur. L'extérieur peut avoir cet avis-là. C'est peut-être aussi par ce biais-là, comme je te disais, ton livre, c'est une pierre aussi sur justement des débats, une construction, parce que c'est quelque chose qui peut faire retravailler les... Les gens de l'intérieur, en se disant « Ah ok, c'est vrai qu'on peut être comme ça » , c'est ce qu'on dit très souvent quand on veut se déconstruire justement, on y revient peut-être par ce biais-là, c'est aussi en se rendant compte et en ayant un miroir, ou en tout cas quelqu'un qui dit « Mais c'est pas très normal ça, ou cette phrase-là » . Tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #0

    Je vois parfaitement. Et pour te dire, moi quand j'ai commencé en étant chronique judiciaire, quand on ne connaît pas le système, en fait on ne peut pas être à cet endroit-là de la critique. Parce qu'il faut déjà absorber. et absorber le rituel, savoir qui parle où l'avocat général quand on est face à la cour à droite, pourquoi le président a une robe rouge, pourquoi ils sont surélevés par rapport à nous, pourquoi on se lève quand ils arrivent, c'est justement pour montrer que la justice est humaine et pour reprendre la même hauteur que la cour en fait. Il y a plein de choses comme ça. Tant qu'on ne les connaît pas, on ne connaît pas les codes, on peut plus difficilement, ou en tout cas avec un sentiment de moins de légitimité... critiquer son fonctionnement. Et moi, l'endroit d'où je parle, c'est de dire, voilà, moi, c'est bon, j'ai compris les codes, parfois je m'y suis coulée, j'ai parfois embrassé une vision que je trouve injuste, au final, parce que j'ai voulu aussi montrer que je maîtrisais les codes.

  • Speaker #1

    On a envie de se faire accepter, n'importe où on est, on parle de rite d'entreprise sur les gens qui travaillent en entreprise, on accepte des choses en entreprise qu'on n'accepte pas ailleurs. On accepte, je pense, dans la Cour de justice et dans un procès, de s'adapter au rituel.

  • Speaker #0

    Oui, et de les retranscrire finalement. Et de ne plus les retranscrire, en fait. C'est-à-dire de faire comme s'ils étaient transparents, comme s'ils n'avaient pas d'incidence sur la procédure, enfin, sur l'affaire qui était en train d'être jugée. Mais ce n'est pas vrai. Et du coup, moi, c'est aussi cet endroit-là qu'aujourd'hui, j'ai envie d'occuper et de décrypter pour d'autres qui auraient peut-être... un jour une confrontation avec la justice, que ce soit en tant que victime ou en tant qu'auteur, même si dans ce livre, j'ai voulu davantage m'axer sur la partie civile, parce qu'aujourd'hui encore, c'est quand même un peu l'angle mort de la procédure. Donc ça ne veut pas dire que je n'ai pas une réflexion aussi sur le fait que la justice est parfois aussi injuste à l'égard des auteurs. Mais voilà, c'est de réinterroger ces codes qu'on a appris à accepter de manière extrêmement passive. Et j'ai envie de les refaire circuler, de refaire de ces concepts qu'on doit accepter une matière mobile, vive. Et en fait, ce n'est pas parce que la justice aujourd'hui se passe comme ça que demain, elle devra se passer comme ça.

  • Speaker #1

    De ce que tu viens de dire aussi, j'ai pensé aussi au poids des mots, vraiment, quand on est victime, comme Gisèle Pellicot qui entend encore des choses comme ça. Ça ajoute encore. Et en fait, une fois que le procès est fini, qu'est-ce qui se passe pour ces victimes une fois qu'elles ont entendu tout ça pendant les procès ? Dans ton livre, tu décris des phrases qui sont très dures. Vous l'avez presque cherchée, pas forcément sur le procès Pellicot, mais sur plein d'autres. Et ça, qu'est-ce qui reste après ?

  • Speaker #0

    C'est des phrases qui restent.

  • Speaker #1

    Ça rajoute en fait. Ça rajoute. Quand tu as le poids de la justice qui te le dit ou un avocat qui... qui peut impressionner, qui impressionne. On n'a pas l'habitude, en tant que victime, d'aller dans un tribunal, d'entendre dire ça. Mais pour Gisèle Pellicot, vous aviez eu d'autres partenaires où je crois qu'elle était naturiste, ou je ne sais pas, où c'est la piscine, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Elle ne l'était pas, mais en fait...

  • Speaker #1

    Ils l'ont décrit comme ça, etc. Et ça, est-ce que tu as... Une vision sur l'après aussi ou sur l'impact que ça a au moment ? Oui.

  • Speaker #0

    Sur l'après, je parle du procès de Georges Tron pour viol dans ce livre. Et il se trouve que la victime qui a été reconnue par la justice, Virginie Etel, je l'ai recontactée après, une fois que, enfin, l'arrêt de la Cour de cassation a confirmé le verdict en appel qui condamnait Georges Tron. Et j'ai justement fait ce travail-là avec elle, de faire le bilan de la procédure judiciaire et de ce que ça lui avait coûté. J'aurais pas assez de mots pour le dire, j'avais pas assez de mots pour l'écrire. C'est... Je suis navrée.

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas de soucis, t'inquiète.

  • Speaker #0

    Je me demandais ce que c'était.

  • Speaker #1

    Je me dis, merde, c'est le micro qui...

  • Speaker #0

    Non, je pense que c'est... Enfin,

  • Speaker #1

    j'ai... Il captait, oui, il cherchait le truc. T'avais pas assez de mots pour...

  • Speaker #0

    J'avais pas assez de mots pour l'écrire et pour le retranscrire, mais toute la procédure a été émaillée de violences dont elle a gardé trace, en fait, et qui réactive le traumatisme, et qui le réactive et qui même l'augmente parce que ça donne un nouveau champ aux violences. Et en l'occurrence, cette première audience dont je parle, avec un magistrat qui va dire des phrases comme « juste un doigt » . parce qu'elle a été violée par pénétration digitale, qui va s'étonner qu'elle dise quand même bonjour à Georges Tronc, qui est son employeur, au lendemain du viol qu'elle a subi. Et en fait, je pense que presque aujourd'hui, ces phrases-là, elles ont plus de reviviscence pour elle, parfois, que le traumatisme, parce qu'elle a fait, en l'occurrence de l'EMDR, pour... pour dissocier son traumatisme de ce qu'elle peut ressentir aujourd'hui. Et je me dis que c'est quand même terrible que la machine qui est censée vous protéger vous mette à un endroit de victime et vous enferme là-dedans. Mais pas parce que vous êtes reconnue victime, mais parce qu'elle vous fait mal, parce qu'elle vous abîme, en fait. Et la blessure de la procédure judiciaire, c'est vraiment quelque chose que je veux continuer d'explorer. Parce que c'est une réalité qu'on efface trop souvent par une décision de condamnation.

  • Speaker #1

    Et justement, tu dis aussi dans ton livre au tout début qu'on se souvient très bien des surnoms. Déjà, on donne des surnoms aux tueurs, peut-être que ça les familiarise un peu, ça les fait rentrer dans nos familles. tel tueur, tel machin et les victimes on a du mal à se souvenir d'elles ou en tout cas à se souvenir d'elles en tant que personne qui elles sont vraiment. Il y a vraiment cette différence, cette dissonance qui est incroyable.

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est terrible, c'est que dans la procédure judiciaire, un auteur, un accusé ou un prévenu, va vouloir montrer pendant toute la procédure qu'il est autre chose que ce qu'il a fait. La victime, elle, on lui demande de n'être que victime. En fait, on lui demande par exemple dans son récit de se replacer à l'endroit où elle était quand elle a été victime. On lui demande de retranscrire les émotions, les sensations qu'elle a ressenties. Mais bien souvent, la procédure judiciaire, elle arrive 5, 6, 7, 8 ans après. Ça aussi, c'est quand même un jeu de dupe, mais qui coûte davantage, en tout cas dans le temps de la procédure, à une victime qui va devoir se résumer à ce qu'elle a subi. Parce que si elle déborde de ce costume-là, ça veut dire qu'elle s'en sort. Ça veut dire que ce n'est pas si grave. En fait, c'est quand même une schizophrénie pour les victimes de ne pas pouvoir montrer aussi qu'elles sont autre chose à la justice. Parce que la justice, ce qui va les intéresser, c'est quelles sont les conséquences de l'acte qu'elles ont subi.

  • Speaker #1

    De l'acte, d'accord.

  • Speaker #0

    Et par contre, l'accusé, il va y avoir un examen de sa personnalité et tout son enjeu, c'est de montrer qu'il n'est pas l'auteur, ou qu'il n'est pas que l'auteur des actes. et donc pour lui, on va raconter autre chose. Ça, c'est vraiment valable pour les victimes de viol, pour les victimes de féminicide. Évidemment, les proches sont là pour refaire vivre la victime et pour parler d'elle autrement, même si dans les questions que la justice va leur poser, on va quand même beaucoup s'intéresser, notamment dans la mécanique des violences conjugales, à ... à partir de quand elle a été victime, qu'est-ce qu'elle a subi, etc. Et que ça, ça vient presque parfois envahir. toute la vie d'une femme, au point de parfois oublier ce qu'elle pouvait être ailleurs.

  • Speaker #1

    Presque pour chercher un déclic. Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui a fait que ? Presque.

  • Speaker #0

    C'est même, au-delà du déclic, c'est de dresser le portrait de quelqu'un qui ne serait que victime et si elle est autre chose que victime, c'est déjà un soupçon.

  • Speaker #1

    C'est terrible.

  • Speaker #0

    C'est terrible. Ouais. En fait, c'est... Ça enferme dans une case. Et je dois dire qu'autant les auteurs peuvent s'échapper de cette case, autant les victimes, elles, sont astreintes à explorer l'ensemble du relief de cette case pour pouvoir donner à voir, pour pouvoir donner à comprendre leurs préjudices.

  • Speaker #1

    Et dans ton livre, tu retraces le viol au fil de l'histoire judiciaire aussi. Comment toi, tu perçois cette évolution et comment tu l'imagines aussi après ?

  • Speaker #0

    Je vois vraiment un carcan qu'on essaie d'élargir. C'est vrai qu'au début, il faut bien se dire que le viol, c'est quand même un crime de propriété en fait. Un crime de propriété à l'égard des hommes. La blessure des femmes, elle n'est pas envisagée. Ce qui va inquiéter la société, c'est le fait qu'il puisse y avoir un bâtard qui naissent d'un viol, c'est le fait que la réputation d'un homme puisse être entachée parce que sa fille, son épouse, a été salie. Et du coup, aujourd'hui, on voit bien que si on se met dans une perspective historique, à chaque fois il a fallu élargir la vision du viol et de remettre le sujet victime au milieu. Et dans ce qu'elle éprouve, dans les conséquences pour elle, mais aussi dans les conséquences pour la société, au-delà de la perturbation d'un ordre établi, en fait, dans les conséquences pour la société en termes de santé publique, en fait, en d'autres enjeux que font entendre les victimes. et demain Je sais pas si en l'état... Alors il y a la question de l'inscription du consentement qui revient, qui va sans doute entrer dans notre code pénal, qui pour moi aura peut-être pour vertu de clarifier au grand public peut-être la question du viol, même si je peux pas m'empêcher de me dire qu'en fait, aujourd'hui, un violeur, s'il connaît pas le code pénal, il sait quand même qu'il commet un viol. Enfin je veux dire, il sait quand même qu'il impose quelque chose. même s'il se raconte des histoires et même s'il ne veut pas que ça rentre justement dans le code de procédure pénale. Je pense que ça aura l'intérêt au moins de nous épargner des explications qui voudraient dire que le consentement était acquis ou du moins dans l'idée de l'auteur. Je sais pas si... Aujourd'hui, on a une jurisprudence qui est hyper riche, en fait, sur toutes les notions de contraintes morales. Alors peut-être qu'il faut rappeler la définition du viol, c'est tout acte de pénétration bucco-ginitale imposé sur la personne d'autrui par l'auteur, soit par menace, contrainte, violence ou surprise. En fait aujourd'hui cet éventail menace, contrainte, violence ou surprise, il recouvre déjà toutes les situations de viol, pour peu qu'on ait des magistrats qui le caractérisent bien, le qualifient bien, voient dans la contrainte morale dans un ascendant par exemple entre... un employeur et sa salariée. Pour peu qu'on veuille lire le contexte, en fait. Et je pense que l'évolution de notre répression du viol va venir surtout d'une meilleure lecture du contexte. Et ce contexte-là, il peut déjà être pris en compte par notre définition du viol. Il faut juste s'attacher à le décrypter. Et ça relève aussi d'une question de temps, de moyens. C'est que... Le viol capté par vidéo, comme au procès Mazon, ça n'existe pas, en fait.

  • Speaker #1

    Et même capté par une vidéo, c'était compliqué.

  • Speaker #0

    Et même capté par une vidéo, on a eu quand même, en tout cas, une ligne de défense qui était vraiment absurde et qui était inacceptable. Enfin, je veux dire, inacceptable pas au regard de ce qui se passe dans l'enceinte judiciaire, mais inacceptable au regard de la réflexion, je veux dire, qui était intellectuellement... vouée à l'échec. C'est inefficace. Mais voilà, je pense que c'est vraiment dans ce contexte-là, et ce contexte-là, il faut du temps, il faut des moyens d'enquête, il faut des magistrats, des forces de l'ordre qui soient formés à aller chercher entre les lignes. Et je pense qu'il y a quand même un écueil de... Pour moi, aujourd'hui, la justice, si je parle d'une justice vitrine, c'est qu'avec... Finalement, 1% des viols qui sont jugés et qui aboutissent à un procès, c'est forcément une justice d'exemple. C'est forcément une justice qui ne va pas s'adresser qu'aux partis, mais qui s'adresse aussi à la société. Je ne crois pas au verdict pour l'exemple, mais par contre je crois au procès pour l'exemple, pour frapper les esprits, pour comprendre, pour décrypter. C'est pour ça que moi j'y vais. mais pour que ce pourcentage augmente ou pour que l'on trouve peut-être d'autres réponses que la voie judiciaire, il faut des moyens, il faut une société qui accepte de se confronter à cette réalité.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Et est-ce que tu es confiante dans l'avenir ? La question.

  • Speaker #0

    C'est hyper dur.

  • Speaker #1

    En fait, est-ce que tu vois, c'est une deuxième question, c'est même par rapport à ton livre, les retours, est-ce que ça questionne, est-ce que du coup ça fait quand même, tu vois, est-ce que tu vois des choses qui...

  • Speaker #0

    Alors, je vois une des choses qui m'a le plus... Je dois dire que j'attendais finalement le plus de critiques de la part de ceux qui partagent ma profession.

  • Speaker #1

    Oui, j'imagine que tu as toujours cette peur d'être jugée peut-être aussi ou de ne pas être comprise par mes pairs. Oui, un pavé dans la mare, mais alors qu'en fait, c'est pas ça le but.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, au contraire, j'ai eu énormément de retours de confrères. Je dis confrères particulièrement parce que peut-être que mes consœurs sont... sont plus habitués peut-être à ce que j'écris. Enfin, en tout cas, c'est pas éloigné des discussions que j'ai en permanence. Mon livre, c'est vraiment ma pratique... C'est vraiment ma pratique professionnelle. C'est pas une réflexion qui est désincarnée. Mais j'ai eu beaucoup de retours de confrères masculins qui font de la chronique judiciaire et qui m'ont dit « Ton livre, en fait, il m'a bousculée. En fait, il m'a fait réfléchir. » Du coup je me dis, tu vois, ta notion de contexte, y compris pour nous, parce que là j'en parlais du contexte pour les magistrats quand ils enquêtent, mais ta notion de contexte même pour nous chroniqueurs judiciaires, quand on retranscrit des débats, c'est vrai qu'en fait on a un devoir de pédagogie qui va au-delà de la restitution brute de ce qui se dit dans une salle d'audience. Et voilà, le fait de s'engager, etc., j'ai eu beaucoup de confrères qui m'ont dit que ça les avait fait réfléchir, donc ça c'est... Pour moi,

  • Speaker #1

    c'est très bien, c'est positif.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux.

  • Speaker #1

    Souvent, les femmes écoutent des femmes, les femmes lisent les femmes. Ça reste quand même...

  • Speaker #0

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #1

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc ça, ça m'a beaucoup... J'ai eu un de mes collègues qui a une position de rédacteur en chef qui me dit, du coup, ton livre, il me fait m'interroger moi alors qu'il n'est pas dans la chronique judiciaire, etc. il me fait m'interroger moi sur mon rôle dans la société, sur mon comportement et tout. Donc ça, pour moi, c'est des victoires. Tous les échanges qui naissent de ce livre, pour moi, c'est une source de joie. Et je le dis vraiment, ça me rend extrêmement joyeuse. Je sors d'un salon, mon premier salon du livre, et la réception a été vraiment incroyable, parce que c'est un salon qui est normalement largement dédié à l'écologie, à l'environnement. Et il y a quelques poches comme ça sur le fait d'hiver, sur la justice. Et donc du coup, je pense que je n'étais pas très attendue. Oui. les gens n'en venaient pas pour ce sujet mais j'ai eu beaucoup de gens qui se sont arrêtés beaucoup de gens qui ont commencé à discuter avec moi et qui de l'échange ont finalement parfois acheté le livre parfois pas acheté c'est pas tant la question mais qui ont accepté en tout cas de discuter et ça c'est incroyable on avait fait une rencontre avec une quarantaine de personnes et... La rencontre devait durer une heure, elle a duré 1h40 et les gens ne voulaient plus s'arrêter. Moi, tous les espaces où ça recrée de la parole sur ces sujets-là qui sont sidérants, qu'on dit trop souvent, trop éprouvants, qu'on ne veut pas voir, remettre de la parole, remettre de la mobilité, de l'échange, y compris du rire parfois. Je veux dire, ce n'est pas interdit. Et bien en fait, pour moi, c'est ça l'objectif de ce livre. C'est ça. S'il n'y a que ça... C'est déjà gagné. Ça, c'est pour mon échelle à moi et mon engagement à moi et la réponse qu'il y a à mon engagement. Je trouve qu'elle est là. La réponse est là. Je suis invitée à être dans ce que je te disais avant, dans des facs de droit, à Sciences Po, dans des colloques.

  • Speaker #1

    Faire entendre, discuter.

  • Speaker #0

    Faire entendre cette voix.

Description

Journaliste judiciaire à RMC et dessinatrice d’audience, Marion Dubreuil couvre depuis des années les grands procès liés aux violences sexistes et sexuelles.
Dans cet épisode, elle revient sur le procès Mazan, point de départ de son livre Mazan – La traversée du Styx (Éditions Globe), pour interroger les mécanismes de la justice française, ses biais, ses silences et ses héritages.


Marion parle de la violence symbolique qui se rejoue parfois dans les prétoires, du poids des mots, du rôle du regard médiatique, et de sa volonté de transformer ce vécu en réflexion engagée.


Un échange fort mais nécessaire, sur ce que la justice dit et tait de notre société.

 Un épisode à écouter si vous vous intéressez à la justice, au féminisme, à la manière dont nos institutions reflètent nos valeurs.


Le livre de Marion : https://editions-globe.com/dubreuil-marion/


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie

Je suis Emilie Berthet Conférencière, productrice de podcasts, sophrologue et auteure, j’accompagne les organisations et les particuliers vers une meilleure compréhension de notre époque et à construire une société attentive aux enjeux humains.


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Non, non, pas de souci. Pour la première question, pourquoi c'est moi qui ai couvert cette audience pour RMC ? Parce qu'à RMC, je suis clairement identifiée sur ces questions-là, que c'est moi qui porte les suivis de procès pour violences sexuelles et sexistes, pour violences intrafamiliales, sur la question, par exemple, des violences conjugales, parce que voilà, c'est vraiment mon créneau. sur le fait de se dire que... Sur un procès attendu, ce soit moi qui le couvre, ça c'est assez naturel. En revanche, c'est souvent moi qui porte ces procès, ces sujets auprès de ma rédaction en chef. Et ça se passe plus rarement dans le sens inverse. C'est-à-dire que je suis spécialisée, je travaille en service polyjustice. Et du coup, c'est moi qui vais porter l'information à leur connaissance. Donc là, je me souviens que ce procès-là, en l'occurrence, je l'ai attendu depuis, je pense, le premier... le premier article qui mentionnait l'arrestation de Dominique Pellicot pour avoir sédaté, violé et fait violer son ex-épouse Gisèle Pellicot qui sort courant novembre

  • Speaker #1

    2020. Donc tu vois tout ce qui sort en fait et toi tu penses déjà à l'après, au procès, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait j'ai une veille d'actu qui du coup... se focalise sur la matière judiciaire, se focalise aussi sur la question notamment des violences sexuelles et sexistes. Et donc ce premier article sort et du coup il alerte déjà mon intérêt. Pendant toute l'instruction, je vais suivre les autres médias qui médiatisent ce dossier. Donc il y a Le Parisien, il y a Le Monde, mais il se trouve qu'à cette période-là, moi je suis à la fois... indépendante et un peu en rédaction. Je ne me saisis pas de l'instruction du dossier Pédico, même si je suis vraiment avec attention à ce que mes confrères, mes consœurs disent de ce dossier. Je dirais que quand j'apprends le renvoi devant la cour criminelle du départemental du Vaucluse, à Avignon, le renvoi, c'est la venue d'un procès. Je commence déjà à me procurer l'ordonnance de mise en accusation, qui résume les charges qui sont retenues contre les mises en examen qui sont à ce stade désormais accusées, et les éléments évidemment à décharge. Et je dirais que ça, ça se fait au printemps-été 2024. Ce qui va être déterminant, c'est que du coup, moi j'en parle beaucoup à mon chef de service. du service police justice et puis je commence déjà aussi en parler à ma rédaction en chef et puis j'apprends je pense en juin que Gisèle Pellicot va renoncer au huis clos et donc là je me dis bon bah voilà c'est ça va être vraiment ce qui va m'occuper à la rentrée je pense déjà plus qu'à ça enfin je fais d'autres choses mais c'est vraiment parce que un procès pareil ça se prépare quoi, on n'y va pas.

  • Speaker #1

    Justement comment tu le prépares ?

  • Speaker #0

    Du coup, en lisant cette ordonnance de mise en accusation qui fait, je crois,

  • Speaker #1

    pour le dossier Pélico... T'y as accès, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, t'y as accès, mais parce que t'es journaliste, parce que tu la récupères. C'est un dossier, enfin, c'est un élément qui n'est plus couvert par le secret de l'instruction à partir du moment où les accusés sont renvoyés, mais ce n'est pas un document qui est à disposition du public.

  • Speaker #1

    Jamais,

  • Speaker #0

    il ne sera jamais à disposition du public. On le récupère par plein de moyens. Je vais juste citer des sources sans dire laquelle. m'a permis de la récupérer. Il y a les avocats, les magistrats, les policiers aussi, les partis aussi, tous ceux qui ont à en connaître. Et du coup, c'est par ce biais-là qu'on peut récupérer ce document. Après, j'appelle aussi la totalité presque des avocats de ce dossier, et donc les avocats de Gisèle Pellicot, mais aussi les avocats des accusés. Je prévois déjà les moments où je vais les rencontrer, les interviews que je vais pouvoir faire en amont pour pouvoir éclairer. le procès avant d'y être. Ça, c'est pour la partie préparation et comment ça se passe. Ça vient vraiment de moi, ces dossiers-là que je fais remonter pour qu'ils soient traités à RMC. Ensuite, je ne me souviens plus de ta deuxième question.

  • Speaker #1

    C'était justement par rapport à ce livre qui est quand même autour du procès. Est-ce que ça a été un déclic pendant le procès ou est-ce que finalement, tu t'es dit après ? Avant, tu avais déjà ce projet et ça l'a nourri encore plus sur ce que tu avais déjà, parce que tu retraces beaucoup de procès dans ce livre, pas uniquement Mazan, qui est quand même le fil conducteur, on va dire, et d'autres procès autour. Comment s'est construit aussi cette envie de livre, finalement ?

  • Speaker #0

    L'envie qui a été première, c'est que du coup, je suis journaliste, mais je suis aussi dessinatrice judiciaire. Et donc, au procès Mazan, j'ai énormément dessiné. Et donc, je pense qu'au bout de deux semaines d'audience, j'ai eu... envie de faire une bande dessinée. Pour la première fois, j'avais un autre projet, j'ai un autre projet de bande dessinée qui n'est pas... qui reste dans un coin de ma tête à ce moment-là, qui était là, dont je ne parlerai pas, mais qui, j'espère, aboutira. Et donc j'avais déjà quand même cette idée de la forme du dessin qui me plaisait, notamment en confrontation avec la matière judiciaire, qui est quand même extrêmement difficile et éprouvante.

  • Speaker #1

    Et le dessin qui peut être plus léger, en tout cas capté plus vite,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Exactement, j'avais l'intuition de ce mélange des deux formes qui pourrait me convenir aussi. Et puis avec cette notion de grand public, ce n'est pas pour rien que je travaille à RMC, c'est aussi parce que j'ai envie de me dire que je parle à tout le monde et pas seulement... aux personnes qui sont convaincues ou intéressées de prime abord. Et du coup, au bout de deux semaines, j'ai cette envie de bande dessinée qui vient. Et rapidement, il y aura plusieurs fils qui vont percuter. C'est que la déferlante avec qui j'ai déjà travaillé, la revue des révolutions féministes, sur un cycle de chroniques sur la justice par un prisme féministe, me dit « Est-ce que ça t'intéresserait une carte blanche chez nous sur la totalité du procès ? » Donc au départ je dis oui oui ça m'intéresse on sait pas encore quelle forme ça va prendre mais je commence à y réfléchir donc en fait il y a déjà ces deux formats concurrents presque fin ou qui se complètent de la bande dessinée que je projette sur laquelle j'ai pas beaucoup de légitimité en tant qu'artiste et pour le coup cette idée d'aller plus loin que le procès, d'aller au delà du procès et d'entrer dans une mécanique d'écriture pour décrypter que j'habite un peu déjà. Et je dois dire que pendant tout le procès, j'ai vraiment très peu dormi, j'ai très peu fait autre chose. J'ai commencé à faire des planches de BD, j'ai commencé à écrire des réflexions comme un carnet de bord, mais qui soit quand même plus réflexif. Et donc en fait, je n'ai pas arrêté d'occuper des espaces d'expression pendant l'audience, en plus des chroniques judiciaires que je faisais à la radio, du fil sur les réseaux sociaux. Donc, à ce moment-là, le livre qui peut se dessiner à partir de la carte blanche que je fais pour La Déferlante, c'est vraiment un livre sur le procès. Et c'est en fait quand le procès se termine que je suis percutée par les autres audiences que j'ai traitées. Pendant tout le procès, je fais des ponts dans ma tête, un peu à l'image de ce qui se fait dans ce livre, mais je ne les couche pas sur le papier. Elles me viennent. les affaires me reviennent,

  • Speaker #1

    je fais des comparaisons je me dis là c'est comme dans celui-là c'est vraiment dans mon cerveau à ce moment-là c'est une ébullition mais je ne sens pas que c'est là que réside le livre que je pourrais écrire et justement est-ce que ce procès il est finalement hors norme ou est-ce qu'il est le reflet de tous les procès qu'on n'entend pas et que tu décris aussi en tout cas moins médiatisé ... Et qu'en fait, là, ça prend une proportion où tu te dis, mais en fait, les gens se rendent peut-être compte de certaines choses. Et en fait, c'est tellement ça depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Alors, il y a un peu ça.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un peu ça. Et il est hors norme aussi, de toute manière.

  • Speaker #0

    Il y a deux aspects. Mais pour commencer sur le côté plutôt violence ordinaire, c'est que, oui, en fait, moi, j'ai retrouvé plein de marqueurs que j'avais trouvés dans d'autres audiences. et j'ai eu un peu envie de dire de profiter du moment où tout le monde regardait Mazan pour interpeller... le grand public autour d'autres questions qu'on trouvait dans le procès Mazon, mais qui n'avaient pas forcément été décrites ou retranscrites pendant les chroniques judiciaires du temps immédiat. Et je voulais aussi qu'on quitte ce côté hors normes et qu'on réinvestisse, enfin on réhabite notre justice. Et c'était vraiment le propos de ce livre, et c'est pour ça que je me suis dit en fait tu ne peux pas faire que Mazon, ça n'a pas de sens, c'est pas ma réflexion à moi. Après, il était hors norme et il aurait dû être saisi comme un moment historique en amont par beaucoup plus de gens que des journalistes et des chroniques judiciaires ou des journalistes féministes. Parce que 51 accusés, c'est un échantillon représentatif sociologique. Je me déplace de ma position de journaliste. C'est un échantillon pour la recherche qui aurait dû être perçu immédiatement. Et moi, c'est un peu mon regret, c'est que... Ça n'a pas été vu à ce moment-là comme tel. J'espère qu'il va y avoir beaucoup d'ouvrages qui vont analyser le travail des journalistes, la réception avec la société, en dehors même d'une production de témoins immédiats, pour nous donner aussi cette profondeur de la recherche.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une étude de terrain toute. prête quoi.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Pour les sociologues.

  • Speaker #0

    Elle est située, elle est pas biaisée, parce que c'est une unité de lieu, une unité de temps. Pour moi, il y avait vraiment cette matière-là. Moi, je ne suis pas sociologue et je ne prétends pas l'être. Et du coup, j'espère que... Sur la base de tous les écrits, de toutes les traces qui existent aujourd'hui et qui continueront d'affluer, des chercheurs vont s'en saisir. Donc pour moi, ce n'est pas tant hors normes qu'une ressource, un matériau vraiment riche.

  • Speaker #1

    Tu as dit, j'avais lu ou entendu, on ne peut plus se contenter de raconter ces affaires comme avant, ces affaires judiciaires. Qu'est-ce que tu entends par là ? Qu'est-ce qui est plus possible ?

  • Speaker #0

    De faire croire qu'elles sont extraordinaires. En fait, souvent, l'un des biais du journalisme, c'est de traiter une thématique par le biais de l'insolite ou de ce qui se détache de l'ordinaire. Il faudrait une affaire... avec une histoire un peu incroyable pour pouvoir parler des violences faites aux femmes. Mais en fait, les violences faites aux femmes, le caractère important réside dans la répétition, dans le systématisme, dans le côté ordinaire. Et moi, ça m'interroge aussi, y compris à ma place de journaliste, parce que je me suis coulée dans ce moule-là pour pouvoir porter ces sujets-là auprès de ma rédaction en chef. J'ai joué ce jeu d'un storytelling et de me dire, attendez, qu'est-ce que je peux trouver dans ce dossier-là qui va les attraper ? Comme ça, je vais pouvoir... de couvrir. Et je ne remets pas ça en cause complètement, parce qu'il faut aussi s'inscrire dans un réel, y compris dans une structure médiatique avec ses codes. Mais je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est quand même contre-productif, parce que, y compris dans les productions qui vont porter ces sujets-là, si on s'attache à l'extraordinaire, si on s'attache aux faits exceptionnels qui extraient cette histoire du réel, parce que... Elle n'est pas arrivée avant. En fait, en même temps qu'on le fait, on contre le discours qu'on veut porter. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Et c'est contradictoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr, oui. Dans le livre, j'ai... Alors, peut-être naïvement, mais j'ai été choquée d'avoir cette notion que cette audience, ce moment où c'est une scène d'audience, se rejoue vraiment, en quelque sorte, les mêmes violences, parfois. La domination, la non-écoute. Il y a plein de biais. Comment ça, c'est pour ça que tu as écrit ce livre, justement pour le faire ressentir, le faire comprendre aussi. C'est ce moment-là où toi tu te dis que la justice, tu apportes ce regard critique en disant ok, là il faut vraiment qu'on se remette en question, il faut vraiment trouver des solutions sur ça.

  • Speaker #0

    Oui, et je pense, je veux juste faire tout de suite une différence par exemple avec aujourd'hui la critique de la décision de justice sur Nicolas Sarkozy, sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. On est en plein dedans, à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs dans le dossier libyen. Moi je ne conteste pas la décision de justice, ou en tout cas je ne dis pas que la justice est unique. Là, dans ce livre, ce que j'essaie d'interroger c'est quels sont les éléments qui ne sont pas pour moi des biais idéologiques forcément de haine. Mais quels sont les biais qu'on a tous en héritage qui traversent aussi notre appareil judiciaire et qui font qu'il va y avoir une mauvaise lecture ?

  • Speaker #1

    Notamment dans le rapport humain.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Dans le rapport en femme. Les phrases qui blessent encore la victime.

  • Speaker #0

    Exactement. Et ce n'est pas ce qui va forcément changer la décision, même si parfois déjà ce regard stéréotypé peut influer sur... le cours d'une procédure, on l'a vu avec notamment les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme qui viennent sanctionner la France, non pas pour la décision finale, mais pour l'absence de moyens, les défauts de procédure qui sont souvent dus à des stéréotypes de genre, qui sont souvent dus au fait qu'on estime encore presque que le viol se caractérise par une résistance physique. Voilà, par tout cet imaginaire-là. C'est ça que j'ai envie de, moi, dénoncer. Et je pense que je suis à ma place en le faisant, parce que je connais bien maintenant les tribunaux, je connais bien les audiences. J'ai vu des magistrats qui savent parfaitement mener une audience sans revictimiser des partis civils. Et là, force est de constater qu'au procès Mazan, qu'on a présenté comme un procès vitrine, dont on a fait... du président, un président qui a tenu une audience incroyable avec 51 accusés dans un délai limité, etc. Oui, ça on peut lui accorder ce crédit, mais on peut aussi s'interroger sur la manière dont il a revictimisé Gisèle Pellicot en laissant la défense aller au-delà des questions qui étaient nécessaires pour la manifestation de la vérité, en posant lui-même des questions qui embrassaient la vision des accusés, notamment en parlant de scènes de sexe plutôt que de rapports sexuels qui est un terme plus neutre, En parlant de partenaire, je trouve en étant parfois en adéquation avec la ligne des accusés, même si ce n'était pas ce qu'ils pensaient. L'intention et le but. Mais du coup, les mots ont un sens.

  • Speaker #1

    Il parlait de partenaire pour les accusés ?

  • Speaker #0

    Oui, il parlait de partenaire. Il y avait plusieurs questions qui étaient formulées à Gisèle Pellicot, et notamment, est-ce que vous avez participé Ausha des partenaires ? Je pense que par ailleurs, dans ce dossier-là, on n'était plus à cette étape-là, puisqu'il était... attesté qu'elle était sédatée, inconsciente et qu'il n'y avait eu aucune trace d'échange entre Gisèle Pellicot et les accusés. Et du coup, voilà, ça interroge sur quel est le rôle que se donne à ce moment-là le président. je connais la phrase réflexe de dire c'est pour déminer la défense c'est à dire que le président peut nous dire le président la présidente les magistrats de la cour reprennent des questions enfin entame des questions de la défense qui serait plutôt prêté à la défense pour ne pas leur laisser en gros attaquer avant d'être exactement et sauf que cette réflexion là elle a parfois un sens mais là en l'occurrence elle n'en a pas et du coup c'est le magistrat qui se fait l'artifice de cette violence à l'égard de Gisèle Pellicot et je pense que on a trop longtemps fait de l'enceinte judiciaire une arène et on s'est trop caché derrière le fait que la procédure judiciaire c'est violent les questions un interrogatoire c'est violent est-ce qu'on peut réinterroger cette violence aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Et je me dis moi en étant extérieur c'est un entre-soi aussi c'est-à-dire que la justice appartient à la justice à tous ceux qui peuvent entrer dans ce moment, dans cette enceinte et qui peuvent y participer. Tu vois, ton livre, c'est comme si on avait un œil qui nous donne aussi à vivre sur l'extérieur. L'extérieur peut avoir cet avis-là. C'est peut-être aussi par ce biais-là, comme je te disais, ton livre, c'est une pierre aussi sur justement des débats, une construction, parce que c'est quelque chose qui peut faire retravailler les... Les gens de l'intérieur, en se disant « Ah ok, c'est vrai qu'on peut être comme ça » , c'est ce qu'on dit très souvent quand on veut se déconstruire justement, on y revient peut-être par ce biais-là, c'est aussi en se rendant compte et en ayant un miroir, ou en tout cas quelqu'un qui dit « Mais c'est pas très normal ça, ou cette phrase-là » . Tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #0

    Je vois parfaitement. Et pour te dire, moi quand j'ai commencé en étant chronique judiciaire, quand on ne connaît pas le système, en fait on ne peut pas être à cet endroit-là de la critique. Parce qu'il faut déjà absorber. et absorber le rituel, savoir qui parle où l'avocat général quand on est face à la cour à droite, pourquoi le président a une robe rouge, pourquoi ils sont surélevés par rapport à nous, pourquoi on se lève quand ils arrivent, c'est justement pour montrer que la justice est humaine et pour reprendre la même hauteur que la cour en fait. Il y a plein de choses comme ça. Tant qu'on ne les connaît pas, on ne connaît pas les codes, on peut plus difficilement, ou en tout cas avec un sentiment de moins de légitimité... critiquer son fonctionnement. Et moi, l'endroit d'où je parle, c'est de dire, voilà, moi, c'est bon, j'ai compris les codes, parfois je m'y suis coulée, j'ai parfois embrassé une vision que je trouve injuste, au final, parce que j'ai voulu aussi montrer que je maîtrisais les codes.

  • Speaker #1

    On a envie de se faire accepter, n'importe où on est, on parle de rite d'entreprise sur les gens qui travaillent en entreprise, on accepte des choses en entreprise qu'on n'accepte pas ailleurs. On accepte, je pense, dans la Cour de justice et dans un procès, de s'adapter au rituel.

  • Speaker #0

    Oui, et de les retranscrire finalement. Et de ne plus les retranscrire, en fait. C'est-à-dire de faire comme s'ils étaient transparents, comme s'ils n'avaient pas d'incidence sur la procédure, enfin, sur l'affaire qui était en train d'être jugée. Mais ce n'est pas vrai. Et du coup, moi, c'est aussi cet endroit-là qu'aujourd'hui, j'ai envie d'occuper et de décrypter pour d'autres qui auraient peut-être... un jour une confrontation avec la justice, que ce soit en tant que victime ou en tant qu'auteur, même si dans ce livre, j'ai voulu davantage m'axer sur la partie civile, parce qu'aujourd'hui encore, c'est quand même un peu l'angle mort de la procédure. Donc ça ne veut pas dire que je n'ai pas une réflexion aussi sur le fait que la justice est parfois aussi injuste à l'égard des auteurs. Mais voilà, c'est de réinterroger ces codes qu'on a appris à accepter de manière extrêmement passive. Et j'ai envie de les refaire circuler, de refaire de ces concepts qu'on doit accepter une matière mobile, vive. Et en fait, ce n'est pas parce que la justice aujourd'hui se passe comme ça que demain, elle devra se passer comme ça.

  • Speaker #1

    De ce que tu viens de dire aussi, j'ai pensé aussi au poids des mots, vraiment, quand on est victime, comme Gisèle Pellicot qui entend encore des choses comme ça. Ça ajoute encore. Et en fait, une fois que le procès est fini, qu'est-ce qui se passe pour ces victimes une fois qu'elles ont entendu tout ça pendant les procès ? Dans ton livre, tu décris des phrases qui sont très dures. Vous l'avez presque cherchée, pas forcément sur le procès Pellicot, mais sur plein d'autres. Et ça, qu'est-ce qui reste après ?

  • Speaker #0

    C'est des phrases qui restent.

  • Speaker #1

    Ça rajoute en fait. Ça rajoute. Quand tu as le poids de la justice qui te le dit ou un avocat qui... qui peut impressionner, qui impressionne. On n'a pas l'habitude, en tant que victime, d'aller dans un tribunal, d'entendre dire ça. Mais pour Gisèle Pellicot, vous aviez eu d'autres partenaires où je crois qu'elle était naturiste, ou je ne sais pas, où c'est la piscine, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Elle ne l'était pas, mais en fait...

  • Speaker #1

    Ils l'ont décrit comme ça, etc. Et ça, est-ce que tu as... Une vision sur l'après aussi ou sur l'impact que ça a au moment ? Oui.

  • Speaker #0

    Sur l'après, je parle du procès de Georges Tron pour viol dans ce livre. Et il se trouve que la victime qui a été reconnue par la justice, Virginie Etel, je l'ai recontactée après, une fois que, enfin, l'arrêt de la Cour de cassation a confirmé le verdict en appel qui condamnait Georges Tron. Et j'ai justement fait ce travail-là avec elle, de faire le bilan de la procédure judiciaire et de ce que ça lui avait coûté. J'aurais pas assez de mots pour le dire, j'avais pas assez de mots pour l'écrire. C'est... Je suis navrée.

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas de soucis, t'inquiète.

  • Speaker #0

    Je me demandais ce que c'était.

  • Speaker #1

    Je me dis, merde, c'est le micro qui...

  • Speaker #0

    Non, je pense que c'est... Enfin,

  • Speaker #1

    j'ai... Il captait, oui, il cherchait le truc. T'avais pas assez de mots pour...

  • Speaker #0

    J'avais pas assez de mots pour l'écrire et pour le retranscrire, mais toute la procédure a été émaillée de violences dont elle a gardé trace, en fait, et qui réactive le traumatisme, et qui le réactive et qui même l'augmente parce que ça donne un nouveau champ aux violences. Et en l'occurrence, cette première audience dont je parle, avec un magistrat qui va dire des phrases comme « juste un doigt » . parce qu'elle a été violée par pénétration digitale, qui va s'étonner qu'elle dise quand même bonjour à Georges Tronc, qui est son employeur, au lendemain du viol qu'elle a subi. Et en fait, je pense que presque aujourd'hui, ces phrases-là, elles ont plus de reviviscence pour elle, parfois, que le traumatisme, parce qu'elle a fait, en l'occurrence de l'EMDR, pour... pour dissocier son traumatisme de ce qu'elle peut ressentir aujourd'hui. Et je me dis que c'est quand même terrible que la machine qui est censée vous protéger vous mette à un endroit de victime et vous enferme là-dedans. Mais pas parce que vous êtes reconnue victime, mais parce qu'elle vous fait mal, parce qu'elle vous abîme, en fait. Et la blessure de la procédure judiciaire, c'est vraiment quelque chose que je veux continuer d'explorer. Parce que c'est une réalité qu'on efface trop souvent par une décision de condamnation.

  • Speaker #1

    Et justement, tu dis aussi dans ton livre au tout début qu'on se souvient très bien des surnoms. Déjà, on donne des surnoms aux tueurs, peut-être que ça les familiarise un peu, ça les fait rentrer dans nos familles. tel tueur, tel machin et les victimes on a du mal à se souvenir d'elles ou en tout cas à se souvenir d'elles en tant que personne qui elles sont vraiment. Il y a vraiment cette différence, cette dissonance qui est incroyable.

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est terrible, c'est que dans la procédure judiciaire, un auteur, un accusé ou un prévenu, va vouloir montrer pendant toute la procédure qu'il est autre chose que ce qu'il a fait. La victime, elle, on lui demande de n'être que victime. En fait, on lui demande par exemple dans son récit de se replacer à l'endroit où elle était quand elle a été victime. On lui demande de retranscrire les émotions, les sensations qu'elle a ressenties. Mais bien souvent, la procédure judiciaire, elle arrive 5, 6, 7, 8 ans après. Ça aussi, c'est quand même un jeu de dupe, mais qui coûte davantage, en tout cas dans le temps de la procédure, à une victime qui va devoir se résumer à ce qu'elle a subi. Parce que si elle déborde de ce costume-là, ça veut dire qu'elle s'en sort. Ça veut dire que ce n'est pas si grave. En fait, c'est quand même une schizophrénie pour les victimes de ne pas pouvoir montrer aussi qu'elles sont autre chose à la justice. Parce que la justice, ce qui va les intéresser, c'est quelles sont les conséquences de l'acte qu'elles ont subi.

  • Speaker #1

    De l'acte, d'accord.

  • Speaker #0

    Et par contre, l'accusé, il va y avoir un examen de sa personnalité et tout son enjeu, c'est de montrer qu'il n'est pas l'auteur, ou qu'il n'est pas que l'auteur des actes. et donc pour lui, on va raconter autre chose. Ça, c'est vraiment valable pour les victimes de viol, pour les victimes de féminicide. Évidemment, les proches sont là pour refaire vivre la victime et pour parler d'elle autrement, même si dans les questions que la justice va leur poser, on va quand même beaucoup s'intéresser, notamment dans la mécanique des violences conjugales, à ... à partir de quand elle a été victime, qu'est-ce qu'elle a subi, etc. Et que ça, ça vient presque parfois envahir. toute la vie d'une femme, au point de parfois oublier ce qu'elle pouvait être ailleurs.

  • Speaker #1

    Presque pour chercher un déclic. Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui a fait que ? Presque.

  • Speaker #0

    C'est même, au-delà du déclic, c'est de dresser le portrait de quelqu'un qui ne serait que victime et si elle est autre chose que victime, c'est déjà un soupçon.

  • Speaker #1

    C'est terrible.

  • Speaker #0

    C'est terrible. Ouais. En fait, c'est... Ça enferme dans une case. Et je dois dire qu'autant les auteurs peuvent s'échapper de cette case, autant les victimes, elles, sont astreintes à explorer l'ensemble du relief de cette case pour pouvoir donner à voir, pour pouvoir donner à comprendre leurs préjudices.

  • Speaker #1

    Et dans ton livre, tu retraces le viol au fil de l'histoire judiciaire aussi. Comment toi, tu perçois cette évolution et comment tu l'imagines aussi après ?

  • Speaker #0

    Je vois vraiment un carcan qu'on essaie d'élargir. C'est vrai qu'au début, il faut bien se dire que le viol, c'est quand même un crime de propriété en fait. Un crime de propriété à l'égard des hommes. La blessure des femmes, elle n'est pas envisagée. Ce qui va inquiéter la société, c'est le fait qu'il puisse y avoir un bâtard qui naissent d'un viol, c'est le fait que la réputation d'un homme puisse être entachée parce que sa fille, son épouse, a été salie. Et du coup, aujourd'hui, on voit bien que si on se met dans une perspective historique, à chaque fois il a fallu élargir la vision du viol et de remettre le sujet victime au milieu. Et dans ce qu'elle éprouve, dans les conséquences pour elle, mais aussi dans les conséquences pour la société, au-delà de la perturbation d'un ordre établi, en fait, dans les conséquences pour la société en termes de santé publique, en fait, en d'autres enjeux que font entendre les victimes. et demain Je sais pas si en l'état... Alors il y a la question de l'inscription du consentement qui revient, qui va sans doute entrer dans notre code pénal, qui pour moi aura peut-être pour vertu de clarifier au grand public peut-être la question du viol, même si je peux pas m'empêcher de me dire qu'en fait, aujourd'hui, un violeur, s'il connaît pas le code pénal, il sait quand même qu'il commet un viol. Enfin je veux dire, il sait quand même qu'il impose quelque chose. même s'il se raconte des histoires et même s'il ne veut pas que ça rentre justement dans le code de procédure pénale. Je pense que ça aura l'intérêt au moins de nous épargner des explications qui voudraient dire que le consentement était acquis ou du moins dans l'idée de l'auteur. Je sais pas si... Aujourd'hui, on a une jurisprudence qui est hyper riche, en fait, sur toutes les notions de contraintes morales. Alors peut-être qu'il faut rappeler la définition du viol, c'est tout acte de pénétration bucco-ginitale imposé sur la personne d'autrui par l'auteur, soit par menace, contrainte, violence ou surprise. En fait aujourd'hui cet éventail menace, contrainte, violence ou surprise, il recouvre déjà toutes les situations de viol, pour peu qu'on ait des magistrats qui le caractérisent bien, le qualifient bien, voient dans la contrainte morale dans un ascendant par exemple entre... un employeur et sa salariée. Pour peu qu'on veuille lire le contexte, en fait. Et je pense que l'évolution de notre répression du viol va venir surtout d'une meilleure lecture du contexte. Et ce contexte-là, il peut déjà être pris en compte par notre définition du viol. Il faut juste s'attacher à le décrypter. Et ça relève aussi d'une question de temps, de moyens. C'est que... Le viol capté par vidéo, comme au procès Mazon, ça n'existe pas, en fait.

  • Speaker #1

    Et même capté par une vidéo, c'était compliqué.

  • Speaker #0

    Et même capté par une vidéo, on a eu quand même, en tout cas, une ligne de défense qui était vraiment absurde et qui était inacceptable. Enfin, je veux dire, inacceptable pas au regard de ce qui se passe dans l'enceinte judiciaire, mais inacceptable au regard de la réflexion, je veux dire, qui était intellectuellement... vouée à l'échec. C'est inefficace. Mais voilà, je pense que c'est vraiment dans ce contexte-là, et ce contexte-là, il faut du temps, il faut des moyens d'enquête, il faut des magistrats, des forces de l'ordre qui soient formés à aller chercher entre les lignes. Et je pense qu'il y a quand même un écueil de... Pour moi, aujourd'hui, la justice, si je parle d'une justice vitrine, c'est qu'avec... Finalement, 1% des viols qui sont jugés et qui aboutissent à un procès, c'est forcément une justice d'exemple. C'est forcément une justice qui ne va pas s'adresser qu'aux partis, mais qui s'adresse aussi à la société. Je ne crois pas au verdict pour l'exemple, mais par contre je crois au procès pour l'exemple, pour frapper les esprits, pour comprendre, pour décrypter. C'est pour ça que moi j'y vais. mais pour que ce pourcentage augmente ou pour que l'on trouve peut-être d'autres réponses que la voie judiciaire, il faut des moyens, il faut une société qui accepte de se confronter à cette réalité.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Et est-ce que tu es confiante dans l'avenir ? La question.

  • Speaker #0

    C'est hyper dur.

  • Speaker #1

    En fait, est-ce que tu vois, c'est une deuxième question, c'est même par rapport à ton livre, les retours, est-ce que ça questionne, est-ce que du coup ça fait quand même, tu vois, est-ce que tu vois des choses qui...

  • Speaker #0

    Alors, je vois une des choses qui m'a le plus... Je dois dire que j'attendais finalement le plus de critiques de la part de ceux qui partagent ma profession.

  • Speaker #1

    Oui, j'imagine que tu as toujours cette peur d'être jugée peut-être aussi ou de ne pas être comprise par mes pairs. Oui, un pavé dans la mare, mais alors qu'en fait, c'est pas ça le but.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, au contraire, j'ai eu énormément de retours de confrères. Je dis confrères particulièrement parce que peut-être que mes consœurs sont... sont plus habitués peut-être à ce que j'écris. Enfin, en tout cas, c'est pas éloigné des discussions que j'ai en permanence. Mon livre, c'est vraiment ma pratique... C'est vraiment ma pratique professionnelle. C'est pas une réflexion qui est désincarnée. Mais j'ai eu beaucoup de retours de confrères masculins qui font de la chronique judiciaire et qui m'ont dit « Ton livre, en fait, il m'a bousculée. En fait, il m'a fait réfléchir. » Du coup je me dis, tu vois, ta notion de contexte, y compris pour nous, parce que là j'en parlais du contexte pour les magistrats quand ils enquêtent, mais ta notion de contexte même pour nous chroniqueurs judiciaires, quand on retranscrit des débats, c'est vrai qu'en fait on a un devoir de pédagogie qui va au-delà de la restitution brute de ce qui se dit dans une salle d'audience. Et voilà, le fait de s'engager, etc., j'ai eu beaucoup de confrères qui m'ont dit que ça les avait fait réfléchir, donc ça c'est... Pour moi,

  • Speaker #1

    c'est très bien, c'est positif.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux.

  • Speaker #1

    Souvent, les femmes écoutent des femmes, les femmes lisent les femmes. Ça reste quand même...

  • Speaker #0

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #1

    Une affaire de femmes.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc ça, ça m'a beaucoup... J'ai eu un de mes collègues qui a une position de rédacteur en chef qui me dit, du coup, ton livre, il me fait m'interroger moi alors qu'il n'est pas dans la chronique judiciaire, etc. il me fait m'interroger moi sur mon rôle dans la société, sur mon comportement et tout. Donc ça, pour moi, c'est des victoires. Tous les échanges qui naissent de ce livre, pour moi, c'est une source de joie. Et je le dis vraiment, ça me rend extrêmement joyeuse. Je sors d'un salon, mon premier salon du livre, et la réception a été vraiment incroyable, parce que c'est un salon qui est normalement largement dédié à l'écologie, à l'environnement. Et il y a quelques poches comme ça sur le fait d'hiver, sur la justice. Et donc du coup, je pense que je n'étais pas très attendue. Oui. les gens n'en venaient pas pour ce sujet mais j'ai eu beaucoup de gens qui se sont arrêtés beaucoup de gens qui ont commencé à discuter avec moi et qui de l'échange ont finalement parfois acheté le livre parfois pas acheté c'est pas tant la question mais qui ont accepté en tout cas de discuter et ça c'est incroyable on avait fait une rencontre avec une quarantaine de personnes et... La rencontre devait durer une heure, elle a duré 1h40 et les gens ne voulaient plus s'arrêter. Moi, tous les espaces où ça recrée de la parole sur ces sujets-là qui sont sidérants, qu'on dit trop souvent, trop éprouvants, qu'on ne veut pas voir, remettre de la parole, remettre de la mobilité, de l'échange, y compris du rire parfois. Je veux dire, ce n'est pas interdit. Et bien en fait, pour moi, c'est ça l'objectif de ce livre. C'est ça. S'il n'y a que ça... C'est déjà gagné. Ça, c'est pour mon échelle à moi et mon engagement à moi et la réponse qu'il y a à mon engagement. Je trouve qu'elle est là. La réponse est là. Je suis invitée à être dans ce que je te disais avant, dans des facs de droit, à Sciences Po, dans des colloques.

  • Speaker #1

    Faire entendre, discuter.

  • Speaker #0

    Faire entendre cette voix.

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