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#59 Audrey Kermalvezen  Avocate et journaliste co-fondatrice de l'association ORIGINES “Agir pour que mon histoire serve” cover
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Elles Agissent

#59 Audrey Kermalvezen Avocate et journaliste co-fondatrice de l'association ORIGINES “Agir pour que mon histoire serve”

#59 Audrey Kermalvezen Avocate et journaliste co-fondatrice de l'association ORIGINES “Agir pour que mon histoire serve”

1h17 |11/04/2024
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Elles Agissent

#59 Audrey Kermalvezen Avocate et journaliste co-fondatrice de l'association ORIGINES “Agir pour que mon histoire serve”

#59 Audrey Kermalvezen Avocate et journaliste co-fondatrice de l'association ORIGINES “Agir pour que mon histoire serve”

1h17 |11/04/2024
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Description

Aujourd'hui, je reçois au micro d'elles Agissent Audrey Kermalvezen, Avocate de formation, aujourd'hui journaliste, spécialisée en droit social et bioéthique et co-fondatrice de l'association ORIGINES


Dans cet épisode nous allons retracer son parcours extraordinaire.

Elle a découvert qu'elle était née grâce au don d'une tierce personne à l'âge de 29 ans, elle a dû réapprendre à se connaître après une telle révélation. Les difficultés pour exprimer ses sentiments, la confirmation d'un lien indéniable avec ses parents mais aussi la naissance d'un sentiment nouveau. Apprendre à vivre avec le manque d'une partie d'elle-même, comment arriver à se comprendre pleinement sans avoir toutes les pièces du puzzle. 


Audrey entreprend alors une quête pour retrouver son donneur, espérant trouver des réponses sur son identité. Cependant, cette recherche est ponctuée d'innombrables rebondissements et de découvertes surprenantes.


Lors de cette recherche, elle rencontre Arthur, son futur mari, qui a également vécu une histoire similaire. Le dilemme se pose alors : pourraient-ils être, par hasard, demi-frère et sœur ? Cette crainte les hante au début de leur relation, jusqu'à ce qu'ils décident de faire un test ADN pour savoir s'ils ont un lien de parenté. Des questions aussi primordiales restent sans réponses dans le parcours d'une personne en quête de son donneur apportant son lot de frustration, de peur et d'angoisse. 

Cette histoire, à la fois passionnante et complexe, met en lumière l'importance de l'identité et du besoin de connaître ses origines.


Malgré les obstacles, Audrey reste déterminée à découvrir la vérité sur son passé, même lorsqu'elle se heurte à des blocages juridiques et administratifs.


Nous mettons aussi l'accent sur le sujet de l'anonymat dans les lois françaises dans le cadre de dons de gamètes, ainsi qu'une autre épreuve à laquelle Audrey ne s'attendait pas : son infantilisation qu'elle a pu ressentir tout au long de ses démarches.


Malgré les épreuves et les impasses juridiques, Audrey refuse de se taire. Elle utilise les médias, les podcasts (comme aujourd'hui dans Elles Agissent) et la presse pour faire entendre sa voix et son combat. À la fin de notre échange, vous saurez où en est Audrey dans sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur.

 Un récit fort, poignant, vrai d'une femme en quête de son identité. 

Pour elle l'action c'est d'abord pour combler ce vide intérieur mais aussi pour que son histoire serve. 



Biblio et références :

  • Livre "Né de spermatozoïde inconnu", Arthur Kermalvezen et Blandine de Dinechin, éd. Presse de la Renaissance et J'ai lu.

  • Livre "Le fils", Arthur Kermalvezen et Charlotte Rotman, ed. L'iconoclaste et livre de poche

  • Lien vers l'arrêt de la CEDH Gauvin-Fournis contre France du 7 septembre 2023 devenu définitif le 19 février 2024 : 

https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-226422%22]}


Photo de couverture : Zeineb Belkourati

Musique de l'épisode : Garçon de plage


https://associationorigines.com/


Audrey Kermalvezen-Fournis :

Co-fondatrice de l'association ORIGINES www.associationorigines.com

Spécialiste de la bioéthique

#Pour le droit de connaître ses origines

#Pour une PMA à visage humain

#Pour la transformation de l'accouchement sous X en accouchement secret pendant 18 ans

#Pour la légalisation des tests ADN



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour et bienvenue dans Elles agissent, le podcast qui donne la parole aux femmes qui font bouger les choses. A chaque épisode, je donnerai la parole à une femme pour qu'elle nous présente son univers, son métier, ses convictions. Ce sera aussi l'occasion pour elle de nous parler d'un sujet en particulier qu'elle affectionne ou qu'elle souhaite nous présenter. Ce sont des femmes inspirantes qui nous poussent à nous interroger, à réfléchir, à avancer. Et moi, à chaque fin d'épisode, je suis vraiment motivée pour agir et j'espère que ce sera pareil pour vous. Aujourd'hui, je reçois Audrey Kermavelzen, qui est journaliste et avocate spécialisée dans les questions de bioéthique. On retrace ensemble comment elle a appris qu'elle était née par un don d'une tierce personne à 29 ans. Elle leur s'en est suivie des difficultés à en parler, l'évidence des sentiments pour ses parents, mais aussi l'impression de manquer d'un quelque chose pour se comprendre complètement. Alors Audrey va se mettre en quête de son donneur, des informations qui pourraient lui permettre de comprendre qui elle est vraiment. De cette quête où elle cherche à savoir naîtra d'innombrables rebondissements. Dès le début de son chemin, elle se rend compte des oublis, des manquements, des absurdités dans ce domaine Je vous laisse découvrir l'ensemble de son histoire aux multiples rebondissements A la fois passionnante et complexe, qui permet de comprendre l'importance de l'identité, de comprendre d'où l'on vient Une histoire, vous le verrez, qui mêle le juridique et le personnel Ou quand la quête de savoir se bloque à l'état Et même s'il n'a plus de recours avec la loi possible pour faire entendre sa voix et son engagement Elle continuera par passer par des médias, les podcasts, comme ici, ou la presse Elle fera entendre sa voix et sa détermination Et vous verrez à la fin de l'épisode, vous saurez où en est Audrey de sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur Je vous laisse donc en compagnie d'Audrey et de son récit où, multiples rebondissements, nous permettons de mieux comprendre ce domaine et ses enjeux autour de l'identité Bonne écoute Bonjour Audrey.

  • #1

    Bonjour Emilie.

  • #0

    Merci d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie de t'accueillir à mon micro.

  • #1

    Je te remercie, je te remercie surtout de me donner la parole. et de pouvoir mettre en lumière ce combat qui me tient à cœur.

  • #0

    Avec grand plaisir. Alors justement, on va revenir sur quel est ce combat et ce que tu mets en place justement pour faire boucher les choses. Mais avant, on va revenir un petit peu aussi sur ton histoire et sur tout ton parcours, tout ton chemin. Est-ce que déjà tu peux te présenter, nous dire qui tu es, de la manière dont tu souhaites, à la fois personnellement et professionnellement, qui es-tu ?

  • #1

    Je m'appelle Audrey, Kermal Vezenne dans les médias pour tous les sujets de bioéthique. Je m'appelle Audrey Gauvin-Fournise dans ma vie privée et professionnelle. Je suis aujourd'hui rédactrice dans une maison d'édition juridique. Auparavant, j'étais avocate et j'ai deux spécialités, le droit du travail, le droit social et la bioéthique. La bioéthique, c'est une spécialité que j'ai choisie un peu par hasard après mes études de droit parce que j'ai toujours hésité entre eux. Le droit et la médecine et la bioéthique, c'est un point du droit sur lequel tout restait à faire. Donc, je l'ai vraiment fait comme une récréation.

  • #0

    Alors que ?

  • #1

    Alors qu'en fait, je suis tombée dans la bioéthique quand j'étais petite, un peu comme Obélix. Mais ça, je l'apprendrai bien plus tard. J'ai oublié de vous dire que j'ai trois enfants aussi.

  • #0

    Oui, bien sûr.

  • #1

    Voilà, et j'ai 43 ans. Donc, j'apprendrai bien plus tard. En fait, j'ai fait un troisième site. en droit de la bioéthique après mes études de droit européen. Et six ans plus tard, j'ai découvert que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur.

  • #0

    Alors, comment ça est arrivé dans ta vie, cette annonce, cette nouvelle ?

  • #1

    Alors, j'avais 29 ans et en fait, tous les deux étaient conçus par PMA avec tir d'honneur, mon frère et moi, et on l'ignorait tous les deux. Mon frère jusqu'à ses 32 ans et moi jusqu'à l'âge de 32. de 29 ans. Et en fait, c'est vrai que je me suis spécialisée en droit de la bioéthique, donc je connaissais bien ce sujet-là. J'échangeais d'ailleurs régulièrement sur le sujet avec ma mère, qui est infirmière puricultrice et qui s'intéressait beaucoup à ce sujet. Et puis, mon frère, de son côté, a consulté une naturopathe qui lui a dit qu'il y avait peut-être quelque chose à creuser du côté de sa naissance. Et en fait, ça faisait plusieurs années que ma mère voulait absolument nous dire qu'on était issus d'une PMA avec Tire Donner, parce qu'elle avait très peur qu'on le découvre par hasard.

  • #0

    Autrement, oui.

  • #1

    Autrement, par exemple, elle avait vu un reportage sur les tests ADN et elle avait très peur que... Qu'un jour on le découvre, autrement elle se disait que si c'était le cas la confiance serait définitivement rompue. Et puis donc mon frère consulte cette naturopathe et puis finalement mes parents s'accordent pour nous dire la vérité. Et donc moi je suis vraiment tombée des nues. Je pensais, je l'ai vraiment vécu comme une trahison. Je pensais pas qu'on ait pu me mentir. mentir sur quelque chose d'aussi énorme pendant aussi longtemps.

  • #0

    En fait, ils ont reculé le moment de vous l'annoncer, ou ils se sont dit on vous le dira plus tard, ou ils n'avaient pas de plan et puis en fait c'est le temps à passer. Est-ce que tu as su ça ?

  • #1

    Oui, alors en fait, ils avaient fait un pacte. La condition posée pour recourir à cette technique de procréation médicalement assistée, c'était que personne n'en sache jamais rien. Et donc ça... Ça peut paraître curieux, mais il faut savoir que c'était vraiment la norme à l'époque. Oui. Et d'ailleurs, même aujourd'hui, on continue de choisir un donneur qui ressemble au membre stérile du couple. On choisit la même couleur de peau, des yeux, des cheveux, la même taille, le même poids. Et on pousse la ressemblance jusqu'au groupe sanguin du parent stérile pour que l'enfant, en cours de biologie, lorsqu'on apprend comment se transmettent les résus sanguins, ne déteste pas. Le pauvre pas qui n'est pas le fruit biologique de ses deux parents. Et donc en fait, on crée toutes les conditions du secret. Et mes parents se sont dit, un peu comme tout le monde à l'époque, finalement si on crée toutes les conditions du secret, c'est que probablement il est préférable de ne pas le dire. Et c'est vrai qu'ils en avaient acquis la conviction, c'était de se dire, finalement si on ne dit rien à l'enfant, il ne se sentira pas différent et c'est peut-être mieux ainsi. Sauf que... Évidemment, moi, ça faisait six ans que je m'intéressais de très près à la procréation médicalement assistée avec tiers d'honneur. Mon frère qui faisait des questions, au final, ils se sont dit que peut-être on savait quelque chose. Et d'ailleurs, ma mère pensait que j'avais déjà deviné.

  • #0

    Oui, parce que c'est fou quand même d'avoir choisi ce chemin-là, cette voie-là, inconsciemment peut-être.

  • #1

    Oui, certains diront que c'est le hasard, d'autres pencheront plutôt pour le pouvoir. dans l'inconscient je pense effectivement que c'est probablement par hasard de toute façon après coup on se repasse le fil moi je me suis repassé un peu le fil des 29 ans auparavant et je me souviens par exemple quand j'étais petite je voulais absolument avoir un petit frère ou une petite soeur et j'étais très insistante sur le sujet et un jour mon père s'est fâché comme jamais en disant on t'a dit que c'était pas possible Et je n'avais pas compris cette réaction, comme je ne comprenais pas non plus pourquoi, quand on allait chez le médecin, ma mère ne parlait jamais des antécédents médicaux de mon père ou de sa famille, alors qu'il y a eu beaucoup de cancers. Et je me disais, oui, j'ai oublié. Et puis voilà, quand j'étais petite aussi, je faisais tout le temps un rêve récurrent. Il y avait un monsieur qui venait me chercher et il y avait tout le temps mon frère dans ce rêve, ma mère, mais jamais mon père. Et forcément, quand on se repasse le fil, on se dit que peut-être que ce monsieur, c'était... C'était le donneur que je... Pré-santé, enfin... En tout cas, on sent des choses. Les secrets de famille, même quand c'est pas verbalisé, je pense que ça transpire d'une manière ou d'une autre.

  • #0

    Et donc là, tu apprends, les choses sont dites, et là, c'est le coup de massue, c'est même pas ça, c'est...

  • #1

    En fait, c'est un énorme choc parce que je... Alors, ça remet absolument pas en cause les liens que j'ai avec mon père. Au contraire, la première chose que je fais, c'est l'appeler... et lui dire merci papa. En gros, j'espère que tu es d'accord pour qu'on soit toujours père et fille parce que moi, je n'ai pas du tout envie que nos liens s'arrêtent. Et lui me dit, mais écoute Audrey, c'est pour toi que ça peut changer quelque chose. Moi, j'ai toujours su. Oui,

  • #0

    c'est vrai.

  • #1

    Sauf que moi, je l'ai vraiment vécu comme une forme de désaveu. Je me disais, maintenant, on est adulte et c'est une façon pour lui de lui dire la comédie a duré assez longtemps. Maintenant vous êtes grand, on n'est plus obligé de faire semblant, je ne suis pas votre père, ciao bye bye. Et en fait ce n'était pas du tout dans cet esprit-là, mais moi j'ai eu cette crainte en tout cas. Donc ça nous a plutôt renforcés avec mon père. En revanche, dans les tout premiers temps, c'était compliqué d'en parler. Je me souviens que la première fois qu'on s'est vus, après que j'ai su la nouvelle, on a passé un déjeuner ensemble à parler de la pluie et du beau temps. Et à la fin j'ai essayé de lui parler, il m'a dit avec les larmes aux yeux, Écoute, moi j'en ai assez bavé il y a 30 ans, j'ai pas du tout envie de rouvrir le sujet. Alors que pour toi... Alors que moi je venais de l'apprendre, donc forcément j'étais pas du tout dans cette... Dans cette optique-là, et c'est vrai que dans mes études de droit de la bioéthique, j'en avais entendu parler, de l'anonymat du donneur, de plein de choses, mais je n'avais jamais vraiment perçu les choses, enfin il y a certains aspects que je n'avais absolument pas perçus avant d'y être confrontée personnellement. Par exemple, je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de limite à la congélation et à l'utilisation du sperme. C'est-à-dire que ne le sachant pas, ne sachant pas que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur, j'aurais pu recourir à une PMA avec tir d'honneur. et à cette occasion, être inséminée par le sperme de mon propre géniteur.

  • #0

    C'est possible, ça.

  • #1

    C'est possible, oui. Parce qu'en fait, il n'y a pas de traçabilité et il n'y a pas de limite dans le temps. Et alors, certes, ça peut paraître... Enfin, la probabilité est assez faible, mais elle existe quand même. Et en fait, ça démontre que le sujet... Il y a certains aspects du sujet qui, et ça on ne peut pas en vouloir aux pionniers qu'on y a emplacé la technique, n'a pas été pensé jusqu'au bout.

  • #0

    Il y a tellement de cas de figure, il y a tellement de choses qui rentrent en compte qu'il y a des oublis, il y a des manquements là, clairement.

  • #1

    Voilà, mais à la rigueur, moi je me dis, c'est normal qu'ils n'aient pas pensé à tout. D'ailleurs, quand l'anonymat a été mis en place au début, on s'est dit, c'est la moins mauvaise solution, même si tout le monde convenait que ça pouvait ne pas convenir aux enfants. mais lorsqu'ils grandissent et lorsqu'ils témoignent c'est bien de prendre en compte leurs paroles parce que autant on ne peut pas en vouloir au début de ne pas avoir écouté les bébés qui n'étaient pas encore là autant aujourd'hui quand on a des retours d'expérience ça se voit complètement dessus ça paraît inconcevable

  • #0

    donc tu apprends ça avec ton père ça va plutôt bien lui il ne veut pas en parler mais vous arrivez à vous dire des choses et avec ta mère Ma mère, comment tu prends la chose, comment tu vis, comment votre relation après se construit, se transforme, évolue ou reste, comment ça se passe ?

  • #1

    Alors ma mère, sur le coup, je l'en veux beaucoup parce que je... On avait vraiment une relation de confiance. Ma mère, c'est une adepte de Françoise Dolto. Je ne pouvais pas imaginer qu'elle m'ait mentie, en fait. On me dit que ce n'est pas un mensonge, c'est une omission. Mais si, parce que j'ai posé des questions. J'avais demandé si j'avais été adoptée. Certes, je n'ai pas formulé l'hypothèse du don de gamètes, mais je me posais quand même des questions et je n'ai jamais eu des réponses à côté. Et surtout, en fait, avec mon frère, Mon frère, je vois qu'il le vit plutôt comme un soulagement. Donc pas qu'il se... Il était content de ne pas tenir de mon père, mais parce qu'il pressentait qu'il y avait quelque chose, il ne se reconnaissait pas, par exemple, à l'adolescence, dans le physique de mon père. Et donc, quelque part, il se dit, mon intuition était bonne. Et moi, sur le coup, je me pose beaucoup de questions. Donc j'ai un sentiment de trahison. Je mets un petit peu de temps à pardonner, même assez longtemps, parce que vraiment, je... Je leur en veux. Ma mère m'explique qu'elle a attendu qu'on soit en âge d'être parents avec mon frère pour nous le dire. Mon père rend chéri en disant qu'effectivement, ils avaient peur que ce soit déstabilisant. Et donc, ils ont attendu qu'on soit sur des rails professionnellement, sentimentalement. Et c'est vrai que moi, j'étais devenue avocate. J'étais fiancée. J'avais une vie assez stable. Et c'était un coup de tonnerre, vraiment. Un coup de tonnerre,

  • #0

    oui.

  • #1

    Moi, j'ai eu l'impression... Le fait que je m'étais construite sur un château de cartes et que le château de cartes venait de s'effondrer. Et mon frère a eu cette image en disant, c'est marrant, c'est comme si on avait un pied ancré dans le sol et puis l'autre qui flottait dans les airs. Et en fait, parce que ça nous laissait face à de très nombreuses questions. Bien sûr, moi j'ai toujours su que j'avais un père, une mère, un frère, deux chiens. Mais là, j'apprenais en fait que j'avais... en moi une part d'inconnu. Et mon frère m'a dit, mais tu sais, c'est forcément, avec ces mots, tu sais que c'est forcément un type bien, regarde ce qu'on est devenu, etc. Je lui ai dit, mais moi, je pense qu'on est le fruit de notre éducation. Finalement, ce n'est pas quelqu'un que maman a choisi. Elle ne l'a jamais vu. Elle n'a jamais vu son visage. Et ma mère m'avait dit, oui, mais je pense que, enfin, te voyant, te voyant, voyant Pierre, je pense que votre... Vos donneurs, c'est forcément quelqu'un d'intelligent, de beau. Je dis oui, mais il peut être beau, intelligent et complètement détraqué. Oui, bien sûr. Et du coup,

  • #0

    se pose aussi la question de savoir si ton frère est ton frère venant du même donneur. Parce que là, vous n'avez pas l'info.

  • #1

    Exactement. En fait, mes parents me disent qu'on leur a dit que dans la mesure du possible, ils essaieraient de trouver le même donneur, mais ils n'en ont jamais eu la certitude. Et en fait, moi, je connaissais... J'avais lu des livres de personnes qui ont travaillé dans les séquos, les banques de sperme, et qui disent que... Pour certains couples, on faisait croire que c'était le même donneur, mais que finalement on changeait, parce qu'on en avait plus, mais on ne le disait pas. Pour pas gêner le processus, symboliquement, psychologiquement, etc.

  • #0

    Et un mensonge de plus.

  • #1

    Et donc je me dis, finalement, qu'est-ce qu'on en sait ? On ne se ressemble pas forcément avec mon frère. Et donc, c'est une des premières questions que je me pose. Je contacte la banque de sperme où nous avons été conçus. Donc, c'était à Necker. Et puis, j'apprends que ça a été transféré, enfin, elle a fermé. Donc, les dossiers sont transférés dans le 93 à Bondy. Donc, je les contacte avec mon frère et on leur demande si on est issus du même donneur.

  • #0

    Première démarche.

  • #1

    Voilà, première démarche. Est-ce que mon frère et moi, nous sommes issus du même donneur et on fait la démarche ensemble avec mon frère ? en leur expliquant qu'on vient d'apprendre qu'on est issu d'une PMI avec tir d'honneur, etc. Qu'on sait que le médecin qui a reçu nos parents s'appelait un tel, etc. Enfin, on donne les seules infos que nous avons. Et puis, on veut savoir s'ils ont un dossier, s'ils ont toujours un dossier, parce que je sais, moi, depuis les premières lois de bioéthique de 1994, que le dossier du donneur doit être conservé pendant une durée minimale de 40 ans. Mais évidemment, nous, on a été conçus avant ces premières lois. Et donc je me pose la question de savoir s'ils ont toujours un dossier et qu'est-ce qu'il contient comme information. C'est-à-dire, est-ce que vous avez des informations médicales, est-ce que vous avez juste le type d'informations qu'il contient. Et puis, on ne reçoit pas de réponse. Finalement, on me demande de prendre un rendez-vous sur place. J'étais lyonnaise à l'époque, je prends une journée de congé et je me rends à Bondy dans le 93, dans cet hôpital. Et puis là, la personne qui me reçoit... Il me dit, on ne peut rien vous dire, de toute façon, c'est anonyme. Et je dis, mais je ne comprends pas, vous m'avez fait déplacer. Mais vous avez peut-être besoin d'un soutien psychologique. On peut vous donner les adresses à Lyon. Et je me dis, mais non, mais pas du tout. Et puis, de toute façon, en fait, ça, c'est à moi d'en juger. J'ai 30 ans. D'ailleurs, vous ne savez peut-être pas si je suis en analyse ou pas. Et puis, de toute façon, ce n'est pas le sujet. Je suis venue chercher une information qui n'est pas protégée. par la loi, parce que ce qui est protégé, c'est l'anonymat du donneur, mais là, je ne vous demande pas le nom de mon donneur, je vous demande juste de savoir si mon frère et moi, on est issus du même donneur. Qu'est-ce que ça change pour vous de me donner cette information ? Et donc,

  • #0

    à ce moment-là, la loi, là, n'interdisait pas cette information.

  • #1

    C'est dans les textes, et moi qui suis juriste, je me dis, tout ce qui n'est pas interdit par la loi est autorisé, donc normalement, je dois pouvoir y accéder. Et là, on m'explique mais non, mais l'anonymat à la française, Ça couvre toute information, même tout ce qui ne permet pas d'identifier le donneur. En fait, toute information concernant ma conception. Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, tout ça, tout. Et là, je tombe des nues et je me dis, mais surtout, mais c'est pas du tout ce que j'ai en tête. Je sais que la Convention européenne des droits de l'homme protège le droit de connaître l'identité de ses géniteurs. Il protège le droit à la connaissance des origines personnelles. Et donc, je me dis, ça va pas se passer comme ça. En gros. Et l'après-midi, en fait, j'ai rendez-vous au sein d'une association. Parce que j'ai découvert l'existence d'un jeune homme qui s'appelle... Arthur, lorsque j'ai su que j'étais issue d'une PME avec tire d'honneur, j'ai cherché à savoir ce qui s'était passé avant 1994, parce qu'encore une fois, je connaissais très bien le droit de la bioéthique tel que je l'avais appris dans mes études, mais auparavant, avant 1994, il n'y avait pas de loi. Donc, est-ce que les donneurs étaient rémunérés ? Est-ce qu'on faisait beaucoup d'enfants avec le même donneur ? Bref, comment ça se passait ? Comment étaient recrutés les donneurs ? Et c'est comme ça que... J'ai découvert l'existence d'Arthur, qui a témoigné en 2006. C'est le premier à avoir témoigné en Europe sur le besoin de connaître ses origines. Alors lui, il a toujours su qu'il était issu d'une paix avec un tiers d'honneur. Oui,

  • #0

    c'est une histoire différente.

  • #1

    Lui,

  • #0

    il a toujours su.

  • #1

    Voilà, sa mère est psychanalyste. Et du coup, je pense que ça a probablement joué dans sa décision d'informer très tôt ses enfants de leur mode de conception avec un tiers d'honneur. Et... Et donc, Arthur, lui, il a toujours su, mais il était persuadé qu'à 18 ans, il aurait un dossier, il aurait des infos.

  • #0

    Oui, même s'il le sait, il n'est pas plus avancé que toi, en fait. C'est dans son histoire personnelle qui est différente, mais vous en êtes au même point, là. Tous les deux, au moment où vous vous rencontrez, toi, tu vas vers cette association.

  • #1

    Voilà, tout à fait. Et donc, entre-temps, je lis son livre qui s'appelle Né de spermatozoïdes inconnus C'est son premier témoignage qui a été... traduit en Europe, parce que c'est le premier témoignage d'une personne issue d'une PMA avec tir d'honneur qui dit, en fait, moi j'ai besoin de savoir d'où je viens. Je ne cherche pas un papa, je ne cherche pas un héritage, je ne cherche pas d'affection en particulier, je veux juste savoir d'où je viens et ce que je porte en moi, et ce que je vais transmettre à mes enfants. Parce que bien sûr, on transmet à ses enfants des valeurs, plein de choses, mais on transmet aussi des jeunes. Et donc je découvre l'histoire d'Arthur et je me retrouve dans cette association et en fait assez vite avec Arthur on se rend compte que on se comprend. Parfaitement. Il y a comme une évidence entre nous. Et c'est tellement troublant que ma mère, qui avait vu Arthur à plusieurs reprises dans les médias, me dit Tiens, c'est marrant, il ressemble à Pierre. Pierre, c'est mon frère. Et je commence à me dire qu'effectivement, en fait, finalement, rien n'exclut qu'on soit du même donneur. On pourrait très bien être du même donneur. Parce qu'à l'époque, il n'y avait que deux banques de sperme parisiennes.

  • #0

    Vous avez à peu près le même âge. Voilà.

  • #1

    On a tout besoin d'écart, mais avec la congélation, on fait exactement ce qu'on veut.

  • #0

    Oui, c'est vrai, on fait ce qu'on veut. Et puis, vous êtes de la même région aussi. Enfin, voilà, il y a plein de...

  • #1

    Oui, puis en fait, à l'époque, il y avait très peu de donneurs. Et on connaît des donneurs qui ont donné dans les deux banques de spermacoparavienne. Et donc, finalement, c'est possible.

  • #0

    Donc, très rapidement, quand vous étiez ensemble, il y a cette question.

  • #1

    Quand on tombe amoureux. Parce qu'en fait, pour être vraiment très claire, pendant très longtemps, ça a resté platonique. Parce que moi, j'avais vraiment la crainte de me dire, finalement, on est peut-être liés. génétiquement et je n'ai pas du tout envie de sortir avec mon demi-frère.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et donc, à l'époque, les tests ADN n'étaient pas du tout démocratisés comme aujourd'hui. Ils sont toujours illégaux en France, mais ils se pratiquent de plus en plus. Et heureusement. Mais à l'époque, on n'avait pas tellement de recours. Du coup, on a contacté une société belge. qui faisait des tests ADN et qui par chance avait une antenne dans le sud de la France et qui a accepté de nous faire un test ADN. Alors on l'a réglé en liquide un dimanche, 700 euros, et on a fait des tests ADN et on a reçu trois mois plus tard des résultats par la poste. Une sorte d'équation qui semblerait dire qu'ils n'étaient pas du même donneur, mais honnêtement ce généticien vendait aussi des filtres d'amour à base de fer. Il nous a proposé de faire un test de compatibilité HLA. On ne savait pas du tout quel crédit on devait y accroquer. Il avait un petit côté un peu charlatan. Et du coup, moi, j'avais quand même la crainte qu'on soit liés. Et en fait, c'est au moment de la naissance de notre premier enfant que trois semaines avant la naissance d'Esteban, ma gynécologue m'a envoyée en consultation en génétique pour faire des dépistages. de maladies génétiques récessives parce que la généticienne est partie du principe qu'on était consanguin et elle nous a dépisté deux maladies génétiques sur 2000 et par chance on n'était pas porteur des gènes mais elle m'a dit finalement on marche sur la tête, les informations existent moi je vais demander à savoir si vous êtes du même donneur votre mari et vous chose qu'on n'avait pas pu obtenir devant la justice En fait, trois semaines avant notre mariage, moi j'avais demandé, dites-nous au moins s'il fait la même taille, le même poids. Et nos pères étaient dans la salle. Et on nous a dit, mais non, on ne peut rien vous dire, c'est anonyme.

  • #0

    Vous avez été en justice pour avoir cette réponse, c'est ça ?

  • #1

    Oui, oui, oui. Alors en fait, oui. Pardon, je vais un petit peu vite. Quand j'ai cherché à savoir si mon frère et moi, on était du même donneur, et... Quand on m'a refusé cette information, je me suis dit, il faut que je saisisse la justice, parce que je sais que le droit est de notre côté. La Convention européenne des droits de l'homme dit que c'est un droit d'intérêt vital de connaître l'identité de ses géniteurs. Donc je vais demander à la justice, un, est-ce que mon frère et moi, on est ceux du même donneur ? Deux, est-ce que je peux connaître les antécédents médicaux de mon donneur ? Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature ? Est-ce qu'ils se comptent sur les doigts d'une main, en dizaines ou en centaines ? Parce qu'après, j'ai découvert des témoignages de donneurs qui ont mis au monde, en France, plusieurs centaines d'enfants. Et puis, comme je suis tombée amoureuse d'Arthur quand on s'est fiancés, j'ai demandé à savoir avant si on était issus ou non du même donneur. Et on a perdu devant la cour administrative, enfin on a perdu devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, trois semaines avant notre mariage. Et on s'est mariés quand même. On s'est mariés quand même, on a eu un premier enfant, et là, trois semaines avant la naissance d'Estéban, La généticienne obtient l'information que nos donneurs ne sont pas nés la même année et qu'ils ne font pas la même taille. Donc, ce n'est pas la même personne. Oui.

  • #0

    Donc là...

  • #1

    C'est pas né comme un bouchon de champagne. Ils sont péridurals, tout va bien. Et on est extrêmement...

  • #0

    Tu as toujours eu... Avant cette confirmation... T'étais comment par rapport à ça ? Au fond, comme on parlait d'intuition, tu sentais que vous n'étiez pas liée génétiquement ? Ou en fait, tu ne savais pas, tu étais perdue ?

  • #1

    Comment tu vivais ça ? Je ne savais pas du tout. Parce qu'en fait, je pense que c'est le fait d'avoir découvert très tardivement que j'ai mon mode de conception. Moi, ça m'a fait perdre confiance totalement dans le monde en général. Et du coup, j'avais beaucoup de mal à faire confiance en mon intuition. Et puis, moi, je faisais des cauchemars. J'accouchais, mais je ne voulais pas voir la tête de mon enfant. Vraiment, c'était une vraie angoisse.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et puis, on était très soulagés d'apprendre ça. Malheureusement, un an plus tard, le Conseil d'État va trancher mon dossier. Il va dire que je n'avais pas à avoir accès à cette information, que le médecin peut accéder à l'information, de savoir si deux personnes issues d'un don sont issues du même donneur, mais que la personne issue du don elle-même ne peut pas, même par l'intermédiaire d'un médecin. Donc là, les bras m'ont senti tomber. Je me suis dit que c'était vraiment dingue. C'est-à-dire qu'on aurait... On refuse tout, alors que je trouvais que mes demandes étaient quand même relativement modérées. Je demandais juste savoir si... Enfin, je ne sais pas, j'ai deux mille frères et sœurs dans la nature.

  • #0

    Oui, on parlait aussi de tout ce qui est génétique, de ce qui peut être impactant, encore en plus quand on est enceinte, de transmission, effectivement, de maladies, etc. Il y a tout un pan, en fait, aussi, de la santé qui te manque,

  • #1

    toi. Oui, c'est pour ça que je ne comprenais pas. Le problème, c'est que, justement, c'est des... Ce sont les médecins des banques de sperme qui étaient nos premiers opposants, alors qu'eux-mêmes sont bien au courant que c'est important pour nous de savoir, je ne sais pas moi, s'il y avait beaucoup de cancers du sein dans la famille. Moi, j'avais eu quatre biopsies du sein et deux cytoponctions. Forcément, c'est intéressant pour moi de savoir si j'ai une tante, si la sœur de mon donneur a eu un cancer du sein, par exemple. Et ça, je ne comprends pas qu'on nous refuse ces informations. Donc finalement, je saisis la Cour européenne des droits de l'homme en 2016 après avoir épuisé toutes les voies de recours internes puisque je demandais des éléments non identifiants, des informations qui ne concernent pas particulièrement le donneur plus que moi, comme j'ai deux mille frères et soeurs, est-ce que mon frère et moi on est du même donneur, est-ce que mon mari et moi on est du même donneur, quels sont mes antécédents médicaux, et puis pour ce qui est de mon donneur, s'il est encore en vie, contactez-le lui, posez-lui la question, est-ce qu'il serait d'accord pour que son identité me soit dévoilée. Il a le droit de dire oui ou non. Mais l'anonymat du donneur, ça a été inscrit dans la loi en 1994. Autrement dit, quand j'avais 14 ans. Donc on ne peut pas dire que mon donneur, on lui a promis l'anonymat, etc. Ça, ça n'existait pas. Il n'y avait pas de loi. Par exemple, là où j'ai été conçue à Necker, les donneurs étaient rémunérés. 100 francs à chaque don. Il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on pouvait faire avec le même donneur. Donc j'ai... probablement des dizaines de demi-frères et sœurs dans la nature. Peut-être même plus. Bref, il y a tout un tas d'informations, donc je voulais au moins qu'on pose la question à un endonneur.

  • #0

    S'il dit non, je respecterai sa décision. Sachant que même s'il dit oui, de toute façon, ça ne changerait rien à son statut. C'est-à-dire qu'il ne sera jamais reconnu comme un père vis-à-vis de moi. Tant mieux, moi ce n'est pas tout ce que je demande.

  • #1

    Ce n'est pas la démarche.

  • #0

    Il n'y aura pas de demande d'héritage, il n'y a pas de question de pension alimentaire, etc. C'est vraiment juste un besoin de savoir à qui je dois aussi la vie. Bien sûr, on n'est pas que le fruit de la biologie, mais... Sans la volonté de mes parents, je ne serais pas là, mais sans l'apport biologique de mon donard, je ne serais pas là. Et parfois on me dit, mais c'est juste des cellules, etc. Mais le problème, c'est que ces cellules-là, moi, elles me constituent. Le donard, il ne m'a pas donné un bras, un rang, un cœur, il m'a donné la vie. Et ce qu'il m'a donné, je le transmets à mes enfants aussi. Et en fait, on ne peut pas nous demander de ne pas y penser. Donc, on dit non.

  • #1

    Et est-ce que dans ce chemin aussi juridique que tu prends, tu es un ovni quelque part ? Est-ce que tu es une pionnière ? Est-ce qu'ils peuvent se dire, il y a d'autres cas, il y a d'autres personnes qui s'y intéressent, peut-être par le biais de votre association aussi, Comment tu te situes aussi ?

  • #0

    Alors, effectivement je suis une pionnière, mais comme c'est une première et que j'entendais beaucoup à l'époque une petite musique qui disait finalement la plupart des enfants issus d'une PMA avec tir d'honneur ne veulent pas connaître leur donneur, il n'y a qu'une minorité qui veut connaître, c'est des gens qui ont des problèmes psychologiques, qui ne s'entendent pas bien avec leurs parents, enfin on était affublés de tous les trucs. toutes les tartes possibles. En fait, ce dont je me suis aperçue, et ça, j'ai oublié de vous le dire, c'est important, c'est que, en fait, j'ai appris tardivement mon mode de conception, mais j'ai découvert que mon histoire est loin d'être singulière, parce qu'en fait, il y a, sur 10 personnes issues d'une PMA avec donneur, il y en a une qui le sait. Autrement dit, il y a 9 personnes sur 10 issues d'une PMA avec donneur. Donc, en France, il y a... Qui s'ignorent. Il y a 90 000 personnes issues d'une PMA avec donneur qui l'ignorent. Sur les 100 000 déjà conçus. C'est énorme, c'est énorme. Donc, forcément, il n'y en a pas beaucoup qui prennent la parole, parce que déjà, il n'y en a pas beaucoup qui savent qu'ils sont le site d'une PMA avec Pierre Donner. Et puis, c'est vrai que moi, j'ai pris un pseudonyme dans les médias. Donc, je m'appelle Kermal Vezem, parce que parler de mon mode de conception, c'est aussi mettre en lumière la stérilité de mon père. Et donc, ça implique... un tiers et voilà ça peut le gêner c'est pas simple en fait,

  • #1

    il y a beaucoup de choses dans tout ce que tu entreprends à la fois l'histoire personnelle juridique et médiatique en fait il y a beaucoup de choses qui s'entrebêlent tout à fait et donc c'est parce que c'est intime mais voilà,

  • #0

    moi je savais qu'il y avait énormément de personnes issues d'une PMA avec tiers d'honneur qui voulaient Au moins connaître leurs antécédents médicaux, à minima ça, et parfois, et souvent, connaître le donneur quand ils avaient un peu l'autorisation morale de le faire. C'est-à-dire que moi, je pense que mes parents et ceux d'Arthur ne se sont jamais sentis en danger. Ils savent qu'on les aime, ils savent que ce sont nos parents et qu'on n'a qu'un seul père. Et du coup, ils comprennent très bien qu'on n'est pas en recherche d'affection, qu'on a juste besoin de savoir d'où on vient. Et qu'après tout, si on y réfléchit, c'est un besoin fondamental. Et donc, avant de saisir la justice, j'ai lancé un appel dans l'association pour savoir qui souhaitait aussi faire cette démarche, pour ne pas être la seule, justement, pour ne pas comprendre du doigt comme étant la seule personne qui se poserait des questions. Et dedans, il y a une certaine Sophie qui m'a dit moi j'aimerais bien, avec mon frère, on souhaiterait saisir la justice Donc je ne les connaissais pas, j'ai découvert leur existence dans les dossiers. Et puis j'ai découvert qu'on était issus de la même banque de sperme, qu'on avait le même groupe sanguin qui est assez rare, il est porté que par 6% de la population. Et puis le jour de l'audience, je l'ai rencontré. Juste avant de plaider son dossier, on a bu un café et Arthur qui nous a vus... Ensemble, ils m'ont dit c'est marrant, vous avez la même manière de vous tenir, et puis le même grain de peau J'ai mis ça de côté et puis j'ai surtout ne me dit pas ça avant de rentrer dans la salle d'audience. J'ai plaidé son dossier et puis on est resté en contact pendant plusieurs années. J'ai appris qu'elle avait eu son agrégation, je l'ai informée des naissances de mes enfants, etc.

  • #1

    Un lien, quand même, quelque part, qui s'est créé, parce que, comme tu dis aussi, c'est singulier d'aller plaider pour... C'est une cause qui vous unit. Quoi qu'il en soit, il y avait déjà ça comme base pour créer ce lien.

  • #0

    Oui, tout à fait. Et c'est vrai qu'on a échangé pas mal aussi sur les caractères de nos frères. Là, pour le coup, il y avait comme une intuition. Mais je n'ai jamais osé vraiment la verbaliser. Et puis elle non plus. Mais on restait en lien dans le doute, un peu. Et puis en 2017, voyant que ça n'avançait pas du tout devant la justice, que ça avançait encore moins face aux politiques, j'y reviendrai, mais on a quand même beaucoup essayé de convaincre avant d'entreprendre des démarches un peu plus dures, judiciaires et autres. En 2017, on décide de faire un test ADN étranger. En fait, c'était de plus en plus... Alors,

  • #1

    tu dis 11, qui ?

  • #0

    Alors, 10 personnes issues d'une PM avec tiers d'honneur, et on fait ça dans notre salon, comme ils nous disent d'un coup. Et puis, il y a Arthur, mon frère. Sophie, son frère, les soeurs d'Arthur et puis plusieurs personnes qui sont devenues des amies, qui sont issues de l'association. Et les résultats tombent. Je me souviens, j'étais à une réunion à la crèche de mon fils jusqu'à 22 heures et je vois qu'Arthur a 6% d'ADN avec une certaine Laura. Je rentre, je dis à Arthur, il me dit Tu crois que c'est bien 6% ? On ne savait pas du tout ce que ça voulait dire. On a eu les résultats trois semaines après le test. On crache dans un tube, on le commande sur Internet, ça coûte à peine 100 euros. Et donc, trois semaines plus tard, on reçoit ces résultats, 6% d'ADN. Et puis, je découvre que Laura vit à Londres. Je vois sa photo, je me dis Tiens, ce n'est pas le contraire de toi Et en fait, très vite, Arthur la contacte sur LinkedIn. Et... Elle lui dit, oui, moi, j'ai fait le test il y a 10 ans, mais si tu veux, on peut s'appeler. Donc, 30 minutes plus tard, ils sont au téléphone sur WhatsApp. Et Arthur, il lui dit très clairement, voilà, moi j'ai fait le test parce que je recherche mes origines, je suis étudiante de PMA avec Pierre Donner, j'ai besoin de savoir qui est mon père biologique. Et Laura, elle lui répond, mais ça c'est la base. Et c'est génial parce qu'il n'y a pas besoin de la convaincre, elle est déjà convaincue de l'importance de savoir d'où on vient. Tout ça, ouais. Et il se trouve que Laura, elle avait fait le test dix ans plus tôt. Juste pour connaître ses origines géographiques, un peu pour le fun.

  • #1

    Plus pour le fun, oui.

  • #0

    Et en fait, le lendemain matin, elle contacte Arthur à 11h. Elle lui dit, ça y est, je sais. appelle-moi maintenant et en fait on a découvert que le donneur d'Arthur vivait à une heure et quart de chez nous près de Fontainebleau il s'appelle Gérard et bon après Arthur raconte comment il a pris contact avec lui parce que évidemment il ne s'agissait pas de lui envoyer d'aller sonner à sa porte en disant bon je ne crois pas parce que c'est pas un père comme un père pour Arthur et Et puis on ne voulait pas l'importuner, on ne voulait pas... Oui,

  • #1

    aussi dans sa vie.

  • #0

    Là, s'il a refait sa vie, si...

  • #1

    Ça implique beaucoup de choses. Pour vous, pour eux, pour tout le monde.

  • #0

    Oui, et du coup, finalement, on a découvert qu'à côté de la maison de Gérard, juste en face, il y avait un gîte. Et donc, on s'y est rendus avec nos enfants et on a essayé de regarder un peu dans le jardin pour voir si on voyait à quoi pouvait ressembler le fameux Gérard. et puis je vous cache pas qu'on est allé passer plusieurs fois le week-end dans les rues du petit village en se disant on sait jamais et on aurait jamais deviné parce qu'Arthur est très grand Gérard est assez petit et franchement si j'avais pas su comme ça, c'est vrai quand je les vois côte à côte en photo c'est évident qu'il y a quelque chose et d'ailleurs mes enfants aussi ont des traits de Gérard mais comme ça j'aurais peut-être pas deviné en le croisant dans la rue Et ce week-end-là, on n'a pas vu Gérard, mais en revanche, Arthur a décidé d'écrire une lettre. qu'il a fait remettre à ses voisins pour consigne de lui donner à lui et rien qu'à lui. Parce qu'on ne voulait pas le laisser dans la boîte aux lettres. On ne savait pas s'il avait refait sa vie, si ses enfants pouvaient tomber sur la lettre, etc. Donc ça, c'était pendant les vacances de la Toussaint. Et les voisins, finalement, on apprendra plus tard qu'ils lui donneront la lettre le 23 décembre. Donc pendant très longtemps, Arthur n'avait pas de nouvelles. Il a jugé son frère, c'était terrible. Et puis le 25 décembre, à 10h, Gérard appelle Arthur sur son téléphone en lui disant devine qui peut t'appeler le 25 décembre Et là, forcément, c'était magnifique. C'était magnifique parce qu'Arthur est le premier à avoir témoigné son besoin de connaître ses origines. S'il y a bien quelqu'un qui a remué ciel et terre pour connaître son donneur, c'est lui. Et par chance, il a gagné au loto génétique. Il a eu ce match direct. Et donc, il retrouve Gérard. Il met un petit moment avant de décider de se voir. Je pense qu'ils avaient besoin de temps, l'un et l'autre. Et puis, comme il a appris assez vite que Gérard avait une santé fragile, ils ont décidé de s'appeler tous les samedis matins. Et Arthur avait sa liste de questions et Gérard répondait à toutes les questions. Ce qu'il avait dit, de toute façon, qu'on s'entende ou pas, je m'engage à répondre à toutes tes questions. Vraiment un accueil formidable. Et en fait, ce qu'on va découvrir, c'est que Gérard, il était hyper content, en fait. C'est un côté réparateur pour lui aussi, d'être retrouvé et d'être désiré, entre guillemets, par Arthur. Parce qu'en fait, il a été... Sa mère l'a eu quand elle avait 44 ans. Et finalement, il est arrivé sur le tard. Et ce n'était pas forcément un enfant désiré. Il a...

  • #1

    Il a une propre histoire un peu difficile et du coup ça... ils se liaient tous les deux. En tout cas, il s'est passé quelque chose autour de cette rencontre, en fait.

  • #0

    Tout à fait. Et donc, ils sont toujours en lien. Et ce n'est pas un père. Ce n'est pas... C'est Gérard. Gérard, au début, ne savait pas tellement comment se positionner vis-à-vis d'Arthur. Parce que c'est une relation à inventer. Mais autant, Arthur avait toujours su qu'il avait un donneur. Donc, il savait qu'il avait un père, une mère et un donneur. Autant Gérard a découvert un peu l'insistance d'Arthur. Et au début, je me souviens, ça nous avait fait sourire, parce qu'au tout début, Arthur a appelé Gérard monsieur. Et puis Gérard lui dit, écoute, tu vas me tutoyer. Et puis tu vas m'appeler Gérard. Et moi, si papa et maman sont d'accord, je vais t'appeler mon bébé. Et là, on s'est dit, mais non, c'est pas possible. C'était mignon, mais c'était un peu décalé, parce que voilà, on était adultes, et puis c'était pas tellement ça qui venait chercher Arthur. Mais finalement, c'est vraiment quelqu'un d'adorable, et surtout qui accueille Arthur, qui prend très régulièrement de ses nouvelles, et ça fait du bien, en fait, finalement, de se retrouver.

  • #1

    Et qui apporte des réponses.

  • #0

    Tout à fait. Qui apporte des réponses, notamment, en fait, sur le... On a découvert... Gérard, il a été diagnostiqué d'une mutation génétique à l'âge de 65 ans. Et donc, dès qu'on l'a su, évidemment, on a fait dépister Arthur et nos enfants pour savoir s'ils étaient porteurs de cette mutation, parce que c'est une mutation qui entraîne des problèmes de coagulation du sang, donc ça peut être très grave, et lui, il a failli en mourir, Gérard. Mais par exemple, il y a beaucoup de choses que

  • #1

    Gérard apporte comme réponse. Et puis, qu'il peut éviter, santé, génétique, etc. Et du coup, ce test,

  • #0

    de ton côté... Et moi, je découvre... J'avais fait le test avec Sophie et son frère. Et Sophie m'envoie un message pour me dire, tu es la demi-sœur de David. David, c'est le frère de Sophie. Et alors, c'est vrai que... J'avais imaginé que je pouvais être la demi-sœur de Sophie, sans vraiment le verbaliser, mais je ne m'attendais pas à être la demi-sœur de Dabi. Et elle m'a dit, non mais en fait, tu es notre demi-sœur à tous les deux. Et donc je découvre que mon frère est vraiment mon frère génétiquement, puisqu'on a la même mère et le même géniteur. Et que donc Sophie a le même donneur que moi, et que son frère aussi. Et un des tout premiers trucs qu'elle me dit, je crois qu'il le savait au tribunal. Et c'est vrai que c'est agaçant de se dire qu'en fait tout le monde est au courant.

  • #1

    Eux ils ont ces infos, au tribunal ils peuvent...

  • #0

    En tout cas l'état français a les informations. C'est ça qui est assez... La question, c'est que finalement, tout le monde sait quelque chose de très intime sur nous. D'ailleurs, je me souviens, le jour de mon mariage avec Arthur, j'ai une de mes tantes qui m'a dit Ah, ça y est, ils te l'ont dit, tes parents. Et en fait, ma mère m'avait dit que seuls nos grands-parents étaient au courant, mais finalement, tout le monde était au courant, sauf moi.

  • #1

    Ça, c'est dur aussi. Oui.

  • #0

    et bon bref je découvre que je suis la demi-sœur de Sophie on est super contentes l'une et l'autre parce que finalement on l'avait senti il y avait ce lien déjà c'est fort ça et je me dis finalement mon inconscient en tout cas est peut-être pas si mauvais entre la bioéthique et le fait de me retrouver à plaider le dossier de Sophie c'est ça et donc je suis très contente parce que je me sens justement plus ancrée en voyant le visage de mon frère du coup je me dis que je peux imaginer un peu le visage de mon donneur et j'ai enfin des éléments un peu concrets pour ancrer cette réalité qu'on m'a livrée en 2009

  • #1

    Et encore une fois, tout ça, ça se passe en dehors, finalement, du droit français.

  • #0

    C'est totalement illégal. Moi, c'est pour ça que je m'y suis vraiment...

  • #1

    C'est illégal, on peut le faire, je veux dire...

  • #0

    On peut le faire, mais c'est pénalement répréhensible. Ah oui ? C'est la raison pour laquelle, moi, je m'y suis refusée pendant de nombreuses années. Déjà parce que, il fut un temps, c'était pas hyper démocratisé. Vous ne connaissez pas trop. Parce que là,

  • #1

    on a l'impression qu'on peut y avoir accès librement.

  • #0

    On peut y avoir accès librement. Alors, sur Internet, c'est devenu plus compliqué de se faire livrer en test ADN en France. D'accord. Depuis quelque temps, il faut se faire livrer à l'étranger. Vous pouvez aller sur le site de l'association Régine et on vous explique tout comment faire. Ce que je veux dire par là, c'est que ça reste quand même quelque chose d'illégal. Et moi, c'est vrai que le fait d'avoir obtenu cette information autrement que par la voie légale, ça m'a coûté. En fait, je ne voulais pas me mettre dans l'illégalité en tant qu'avocate. Et puis, j'étais vraiment convaincue que comme on demandait quelque chose d'assez modéré, je ne demandais pas un héritage, je ne demandais pas à ce qu'on déterre le corps de mon donneur pour faire un test ADN. Je demandais juste... qu'on pose la question à quelqu'un et qu'on respecte sa décision. Et qu'on me donne des informations qui ne font de mal à personne, qui concernent ma personne et mon frère ou mon mari. Et ta santé et tout ça. Et ça, c'est interdit et c'est même d'ordre public. Comme on considère que me livrer ce genre d'informations, ça porte atteinte à la sécurité publique. Enfin, à l'ordre public, en tout cas. Donc, c'est vrai que c'est assez curieux. Mais finalement, j'ai fait ce test. Et donc, j'étais contente d'avoir retrouvé Sophie et David. Mais ça faisait 4 personnes sur les 10 à être du même donneur. Et sachant que c'était rémunéré à Necker, qu'il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on faisait avec le même donneur, je me suis dit, on est combien en famille ? On était contents, mais on s'est dit, quand on va découvrir le cinquantième de mes frères et sœurs... on sera peut-être moins contents. Et aujourd'hui encore, je ne sais pas combien j'ai dit mes frères et sœurs dans la nature, et c'est vrai que c'est quelque chose qui m'angoisse aussi, parce que mes enfants pourraient potentiellement rencontrer des personnes issues du même donneur. Mais moi, je n'ai pas retrouvé mon donneur par ce biais-là. Arthur commençait à avoir des relations avec Gérard. Vous voyez,

  • #1

    vous recotez quelque chose.

  • #0

    Et puis, moi, je me disais que... Moi, il faut quand même que j'avance. J'avais lu que beaucoup de fondateurs des banques de sperme avaient donné eux-mêmes de leur propre sperme, parfois sans le dire. Et ça s'est beaucoup vu. Il y a plusieurs affaires comme ça aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, de fondateurs des banques de sperme qui ont en fait donné à Foison, faisant croire qu'ils faisaient appel à des donneurs, mais qui étaient l'unique donneur pour tous les couples qui se présentaient. Et donc, je me suis dit, c'est peut-être ce qui s'est passé à Necker. Donc, je vais contacter les fondateurs de la banque de sperme de Necker et je vais leur demander... si c'était possible. J'ai essayé de retrouver des gens qui avaient le même âge que moi à peu près pour leur demander si leur grand-père avait pu être donneur. Il y en a un qui m'a dit que c'était possible. Je ne peux pas vous assurer qu'il l'a donné, mais ce serait logique. Comme le même chercheur recruté des donneurs. Et donc, j'ai fini par lui envoyer la photo de ma demi-sœur, de mon demi-frère. Et il y en a un qui m'a dit, c'est dingue, il ressemble tellement à mon père. Donc, le fils du fondateur de la banque de sperme. Que je pense que c'est mon grand-père, votre donnant. Et il m'a dit, j'en ai la certitude. La photo a fait le tour de la famille. Mais on a trop peur pour les problèmes d'héritage, etc. Donc on ne fera jamais de test ADN. Mais il faut nous croire sur parole. Bon. Et là, je me suis dit... Bon. Alors, c'est possible. Mais quand mon fils était quelqu'un d'assez connu, un grand médecin, j'ai regardé des images de Lina. Ça ne te parlait pas trop. Et je n'arrivais pas à me retrouver dans son physique. Il est petit, trapu. Et même mon frère, ça ne ressemblait pas du tout. J'avais du mal à accrocher. Bon, grand médecin juif, alors je me suis mise à m'intéresser au judaïsme. On est parti en Israël, j'ai pris des cours d'hébreu. J'étais un peu dans cette phase un peu exploratoire, mais sans grande conviction. Donc,

  • #1

    tu étais dans la phase, tu explores, mais au fond, pas convaincue.

  • #0

    Voilà, et mon affaire, elle a été tranchée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre... Entre temps, la loi a changé. En fait, juste avant que mon affaire soit tranchée, la Cour a interrogé le gouvernement français pour savoir quelles étaient ses intentions dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique qui devait avoir lieu en 2021. Et sous-entendant que si la France ne modifiait pas sa loi, il y avait un risque de condamnation. pour mon respect du droit à la connaissance des origines personnelles. Donc il y avait bien des donneurs qui voulaient se faire connaître, sauf que le principe d'anonymat, c'est alors même que l'enfant serait d'accord, que les parents seraient d'accord, que le donneur serait d'accord, c'est d'ordre public. Donc ça veut dire que même quand tout le monde est d'accord, l'État français dit non. Et ce caractère d'ordre public, le Conseil d'État avait dit à plusieurs reprises dans des rapports en 2009, ça sent... En 2018, le comité consultatif national d'éthique, l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, énormément d'instances avaient pointé du doigt le caractère excessif de cet anonymat à la française qui s'impose même contre l'avis des premiers intéressés. Et donc la loi a changé. Et probablement que... Ma requête devant la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2016 et le fait qu'Arthur ait retrouvé son donneur et l'ait fait savoir publiquement, médiatiquement,

  • #1

    ça a contribué.

  • #0

    Je pense même que ça a été décisif. C'est-à-dire que, vraiment, si la loi n'avait pas changé... La France aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme parce que la Cour a fini par dire qu'on ne pouvait pas reprocher à la France d'avoir tardé à changer sa loi, mais qu'aujourd'hui il existait une commission. que les personnes comme moi peuvent saisir pour rechercher les donneurs et leur poser la question. Très exactement ce que je demandais depuis 2009. Et de la même manière, si le donneur dit non, tout s'arrête. Et si le donneur dit oui, alors la personne peut avoir accès à des informations qui peuvent aller jusqu'à son identité si le donneur est d'accord. Donc c'est exactement ce qu'on demandait depuis le début. Il y a plusieurs problèmes avec cette législation, même si c'est ce qu'on demandait, c'est que déjà ils ont mis 14 ans à changer la loi. Mais ça, la Cour européenne des droits de l'homme a dit C'est pas grave, maintenant il y a une commission. Oui,

  • #1

    c'est pas encore le temps, ça y est, c'est fait.

  • #0

    Aujourd'hui c'est fait, et donc vous avez le droit de saisir une commission. Le problème, c'est que moi j'ai saisi la commission en octobre 2022, dès qu'elle a été constituée. Et on m'a dit, on va rechercher votre donneur, on va voir s'il accepte de donner des éléments. Et puis, cinq mois et demi plus tard, on m'a dit, il s'avère que votre donneur est décédé.

  • #1

    Vous avez eu cette info ? Ils t'ont donné cette info ?

  • #0

    J'ai reçu un recommandé chez moi le 28 mars 2023. Il s'avère que votre donneur est décédé, je ne sais pas quand, il ne me dit pas quand, et que dès lors, nous devons opposer une fin de non-recevoir définitive à votre demande d'accès, que ce soit à son identité ou même à toute autre information, même non-identifiante. Donc, parce que mon donneur est décédé, je n'ai pas le droit de savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, je n'ai pas le droit de savoir officiellement si mon frère et moi, on est du même donneur, même si je le sais par un moyen détourné. Mais je n'ai pas le droit. Je n'ai pas eu le droit de le savoir. Officiellement, je n'ai pas le droit de savoir de quand est mort mon donneur et de quoi. Je n'ai rien le droit de savoir à son sujet parce qu'il est décédé. Mais. Et ça, c'est la version officielle, légale. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est pour ça que la loi est mal et imparfaite. C'est que si le donneur est décédé, tout s'arrête. Et je ne comprends pas pourquoi le législateur français a imposé de recueillir l'accord du donneur, y compris pour transmettre les éléments non identifiants. Parce que par hypothèse, c'est des éléments non identifiants. Savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature Je ne vois pas pourquoi le donneur aurait besoin de donner son accord, en fait. Qui ça concerne, sinon moi et mes demi-frères et sœurs ? De la même manière, les antécédents médicaux, c'est quand même quelque chose d'important, et donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir l'information. Et puis, on considère que, alors que l'anonymat a été voté 14 ans après ma naissance, donc forcément, par hypothèse, des années après le don... À l'origine de ma conception, on considère que mon donneur, son souhait, c'est d'être anonyme, y compris après sa mort, alors qu'il n'a jamais rien demandé de tel de son vivant. Et en parallèle, il y a un peu le même dispositif qui existe pour les personnes nées sous X, qui peuvent saisir le CNAOP, le Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles, depuis 2002. Et de la même manière, ça s'est passé devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, juste avant. Pour éviter à la France d'être condamnée, ils ont changé leur loi et ils ont mis en place le CNAOP. Et donc là, ils ont fait la même chose pour les dons. Sauf que le CNAOP, quand il contacte la femme qui a accouché sous X et qu'elle est décédée avant d'avoir pu être interrogée sur ses intentions, l'identité est transmise à l'enfant. Ah oui. Donc ça veut dire qu'on présume pas de volonté d'anonymat post-mortem pour la femme qui a accouché sous X. Et donc pourquoi faire différemment pour un donneur ? On peut au contraire se dire que peut-être que c'est plus lourd à assumer à titre posthume, je sais pas moi, vis-à-vis de son entourage, le fait d'avoir abandonné un enfant à un moment donné, parce que c'est un acte lourd. qu'on peut peut-être considérer comme honteux, alors que le don, c'est plutôt quelque chose qui est socialement valorisé. On ne peut pas les deux de la même manière. Oui, et moi, je ne vois pas de bonne raison à ça. Et l'autre, donc, ce qui me déplait dans la loi, c'est ça, c'est que quand le donneur est décédé, tout s'arrête, y compris les données non identifiantes. Qu'on part du principe qu'il est forcément, qu'on ne peut pas transmettre son identité alors qu'on le fait en matière d'accouchement sous X. Et puis... Surtout, en fait, la loi a changé. Aujourd'hui, ce qui est très bien, c'est que depuis le 1er septembre 2022, toute personne qui souhaite donner son sperme, ses ovocytes ou ses embryons ne peut le faire qu'à condition d'accepter, d'être identifiable 18 ans plus tard, enfin 18 ans et 9 mois plus tard, si l'enfant a sa majorité, on éprouve le besoin. Autrement dit, il n'y a plus que des donneurs ouverts. Il y a encore un anonymat, mais qui a duré déterminé pendant 18 ans, mais il est levable. si l'enfant en éprouve le besoin. Le problème, c'est que tous ces dons-là ne sont pas utilisés aujourd'hui. On continue à utiliser l'ancien stock de donneurs qui pourraient rester indéfiniment anonymes potentiellement jusqu'au... On pourra utiliser le nouveau stock à partir d'avril 2025. La justification, c'est de se dire, comme on va mettre fin à la conservation du ancien stock, c'est quand même terrible de jeter du sperme, etc. C'est ça curieux comme justification, parce que c'est pas... Qu'est-ce qui compte ? Est-ce qu'on est dans une logique comptable de vouloir faire plein d'enfants à tout prix ? Ou est-ce qu'on part du principe qu'on veut concevoir des enfants qui marchent sur leurs deux jambes et qui sont bien dans leur peau. Voilà, j'avoue avoir beaucoup de mal, alors que là, la directrice générale de l'agence de la biomédecine nous dit qu'aujourd'hui, il y a le nombre de donneurs à doubler depuis le changement de la loi.

  • #1

    Oui, c'est ça. Il y avait une crainte peut-être de la diminution, mais ce n'est pas du tout le cas.

  • #0

    Au contraire. En fait, c'est vrai que ça a toujours été le chiffon rouge qui a été appliqué par tout le monde en disant que le nombre de donneurs va chuter si on change la loi. Eh bien non. Il y a deux fois plus de donneurs qu'il y en avait auparavant. Et nous, on le savait parce qu'on avait le recul des États étrangers. La Suède a changé sa loi en 1984. Le Royaume-Uni l'a fait en 2003. Et à chaque fois, il n'y a pas eu de baisse du nombre de donneurs. Donc, on savait que ce serait la même chose en France, qu'il n'y aurait pas de chute du nombre de donneurs. Parce que, encore une fois, les donneurs sont protégés, il n'y a pas de question d'héritage, de filiation, c'est vraiment juste...

  • #1

    L'identité.

  • #0

    Oui. OK. Le droit de savoir.

  • #1

    Le droit de savoir.

  • #0

    Et puis, la Cour européenne des droits de l'homme a tranché mon affaire et a considéré que finalement, il n'y avait pas eu de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que je n'avais pas à savoir qui était mon donneur dès lors qu'il était décédé. Pourtant, dans une autre affaire, Jackie contre Suisse en 2006, elle avait condamné la Suisse. pour avoir refusé à M. Jaggi d'exhumer le cadavre de son père présumé. Alors lui, il n'était pas du tout issu d'une PMA avec tir d'honneur, mais sa mère lui avait dit je pense que ton papa, c'est ce monsieur Sauf qu'il n'en avait jamais eu la certitude et ce monsieur était décédé. Et donc M. Jaggi se rendait régulièrement au cimetière, payait même pour la concession au cimetière, puisque sa famille ne le faisait plus. Et un jour, il a dit mais moi, j'ai envie de savoir si c'est vraiment lui, mon père, en fait Et donc il a... demandait à faire un test ADN sur le cadavre. Et la famille s'y est opposée. La Suisse a refusé. Et la Cour européenne de droit d'homme a condamné la Suisse, les autorités suisses, au nom du droit à la connaissance de ses origines. Il n'y avait pas de problème de filiation, tout ça. C'était juste au nom du droit de savoir qui est son père. Et elle disait, mais M. Jaggi, il a 67 ans, il a témoigné d'une telle persévérance dans sa volonté de savoir d'où il venait que... Ça témoigne de souffrances morales qui sont peut-être pas médicalement constatées, mais évidentes. Au nom du droit à la connaissance des origines personnelles, M. Jaggi avait pu connaître l'identité de son géniteur. Moi, on m'a dit, vous avez le droit de saisir une commission, et comme votre donneur est décédé, vous n'aurez pas... Alors que je ne demandais pas l'exhumation du corps de mon donneur. Je demandais juste un nom dans un dossier. Ça, c'est pour la voie légale.

  • #1

    Comment tu... Ça a été une claque, ça.

  • #0

    Ça a été une énorme claque parce que, en fait, moi, je suis une... J'ai toujours cru en la justice. Avec Arthur, on s'est un peu répartis les rôles, même si on a été l'un et l'autre pas mal auditionnés à l'Assemblée, au Sénat, dans les ministères, à l'Élysée, à Matignon. Moi, j'ai toujours senti l'énorme décalage qu'il y avait dans la façon dont nos discours étaient reçus. Par exemple, pour te donner une anecdote, quand on était en 2010 à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la révision de la bioéthique, on était auditionnés avec un pédopsychiatre. Donc on avait l'un et l'autre 30 ans et 27 ans. Et puis il y avait un pédopsychiatre que les députés interrogeaient en disant est-ce que vous pourriez nous expliquer quel est le ressort psychique qui anime ces jeunes gens ? Et nous, on était là avec Arthur, on se disait mais en fait... On est là pour vous répondre si vous voulez. Et ce pédopsy avec lequel on n'avait jamais échangé le moindre mot a commencé à expliquer que la PMA avec Tire d'honneur, c'était comme une fiction et qu'il y avait des enfants qui n'arrivaient pas bien à comprendre la fiction. Et que comme on n'avait pas bien adhéré à la fiction, forcément on allait chercher ailleurs quelque chose qu'on aurait dû trouver dans notre foyer, etc. En gros, on était des mauvais parents. et que nos parents nous avaient pas bien dit les choses et que donc nos parents étaient des mauvais enfants et nos parents étaient des mauvais parents enfin bref et Arthur lui a dit mais vous savez nous on adore les fictions mais là il manque juste un personnage on est le fruit d'un père, d'une mère et d'un donneur

  • #1

    C'est votre réalité, c'est votre histoire et il manque quelque chose.

  • #0

    Et au même moment, il y avait une autre députée qui m'a dit, vous me faites penser à cette jeune fille qui se croyait issue d'Yves Montand, mais vous savez, votre donneur, c'est peut-être pas quelqu'un de connu, vous allez être déçus.

  • #1

    Le sujet n'était pas pris.

  • #0

    Et en fait, je me sentais complètement infantilisée. Je ne sais pas, moi j'étais avocate, j'avais des gros dossiers de licenciement avec beaucoup d'argent en jeu, etc. Et je me retrouvais là d'un coup complètement pointée. J'ai l'impression d'être complètement marginalisée, absolument pas respectée dans... Dans plus.

  • #1

    Ouais,

  • #0

    dans votre... Voilà. C'était juste une démarche d'information. C'est un peu comme la psychologue qui m'avait reçue au séco, en me disant, vous pourriez peut-être vous faire aider par un psy, mais déjà... que sais-tu de ma vie ? Je viens chercher une information.

  • #1

    C'est facile aussi de dire ça, d'avoir ces arguments-là aussi. C'est peut-être pour éviter justement de se dire que c'est des personnes qui n'ont pas d'autres demandes que celles qu'elles formulent en fait.

  • #0

    Oui, tout à fait. Moi, je pense qu'il y a eu vraiment... Il y a encore parfois sur ces sujets-là une forme d'inertie de la pensée. Comme du dogmatisme, c'est-à-dire que dès qu'on veut expliquer que la personne née sous X, par exemple, a besoin de connaître ses origines, c'est comme si on voulait mettre à mal le droit des femmes. C'est pas le sujet en fait, c'est juste qu'on peut très bien comprendre qu'une femme au moment où elle accouche ait besoin d'un secret absolu, parce qu'elle n'est pas dans une position qui lui permet d'assumer cet enfant, et il y a parfois des histoires dramatiques derrière, parfois peut-être un peu moins, mais dans tous les cas c'est jamais un choix facile, c'est un état de nécessité, donc on peut comprendre qu'il y a un secret absolu au moment de la naissance, mais que ce secret soit maintenu toute la vie de l'enfant, et parfois même après la mort de la femme. Ça, là, pour le coup, on bascule dans l'excès. C'est-à-dire que le secret doit être modulé en fonction du temps qui s'écoule. Il y a un moment donné, je ne comprends pas qu'on oppose tout le temps le droit de la femme et le droit de l'enfant. L'enfant, ça devient une femme aussi, ou parfois un homme, mais en tout cas, il y a une conciliation possible. Il y a une conciliation possible entre les deux et je pense que sur ces sujets aujourd'hui, il y a trop de dogmatisme et de... Oui, quelque chose, une forme d'inertie de la pensée qui empêche de voir les choses concrètement. Qu'est-ce qui empêcherait de prévoir un anonymat à durée déterminée pour la femme qui accouche, sous X, mais qui permettrait à l'enfant de savoir à qui il doit être né ? En fait, c'est juste un besoin fondamental. Je pense qu'aujourd'hui, je ne sais pas si tu sais, mais en Suisse et en Allemagne, le droit de connaître ses origines, c'est un droit constitutionnel. Moi, je pense que le droit de connaître ses origines... Ça doit être inscrit dans la Constitution aussi, parce que c'est vraiment quelque chose aujourd'hui... qui fait qu'on ne mesure pas le caractère inhumain de priver les gens de leur histoire, et en fait de priver les gens de liens. Parfois on m'a dit, mais vous savez, il y a des histoires dramatiques, a-t-on vraiment besoin de connaître la tête du violeur de sa mère ? Et en fait j'ai envie de dire, mais de toute façon ça, ça regarde qui, sinon la personne concernée. Moi je pense que, c'est mon point de vue, mais... Moi, la réalité, même si elle est terrible, je pense qu'on peut la travailler, on peut la dépasser. Parfois, ça peut prendre des années de psychanalyse et autres, mais un point d'interrogation, on ne peut pas le dépasser. Parce qu'on n'a rien sur lequel s'ancrer. Il y a peut-être des gens qui ne voudront jamais savoir, et je les respecte totalement. Mais le droit de connaître ses origines, c'est comme le droit à l'IVG ou le droit de vote. Je pense que certaines personnes n'en useront jamais. jamais. Et c'est leur choix. Mais d'autres, on éprouve un besoin absolu, et c'est leur choix aussi. Et le droit de connaître ses origines, pour moi, ça doit être quelque chose du même ordre.

  • #1

    C'est ton combat et c'est ton action.

  • #0

    Oui. Tu n'as jamais ? Oui, moi, je continuerai de me battre, parce que je pense que aujourd'hui, quand on a aboli la peine de mort, les gens étaient résolument pour, parce qu'il y avait cette inertie de la pensée où on se disait, mais Finalement, œil pour œil, dent pour dent, cette personne a fait quelque chose de terrible, donc on a le droit de lui ôter la vie. Là, je sais que la comparaison peut paraître excessive. Moi, c'est juste que je veux faire prendre conscience qu'on ampute à vie une personne de la connaissance sur soi, sur elle-même, alors que c'est quelqu'un qui n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, les personnes nées sous X, dont on parle souvent comme des enfants, moi, c'est des personnes que je connais qui, pour certains, sont grand-père ou grand-mère, et qui portent encore en eux la blessure d'avoir été abandonnées. Et... Je ne peux pas savoir à qui ils doivent la vie. Et moi, heureusement, heureusement que, finalement... J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai pas été entendue par la justice. Et je le regrette amèrement parce que ce que je voulais, c'était faire bouger les lignes pour que d'autres ne soient pas dans la même situation que moi. Mais moi aussi, j'ai fini par gagner de l'autogénétique, puisque j'ai eu un match avec une Américaine. Donc j'ai fait tous les tests ADN qui existent sur le marché, en faisant livrer à l'étranger, etc. Et puis un jour, je reçois... 1% d'ADN partagé avec une américaine qui s'appelle Linda. Et donc je contacte Linda, je lui demande si... Je lui explique que je cherche mon donneur, etc. Et elle me dit... Moi je fais beaucoup de généalogie, et j'ai une branche française, si tu veux je peux te mettre en contact avec Suzanne. et c'est ma branche française évidemment je suis preneuse et en fait deux jours plus tard je reçois un mail de Suzanne avec une photo une photo d'un petit garçon de 13 ans et en fait je me vois, je vois mon frère je vois mes enfants Et je suis sûre que c'est mon donneur. Et Suzanne me dit, j'ai vu votre photo sur Facebook, et en fait, vous me faites tellement penser à mon frère, c'est Philippe. Et donc, elle m'apprend qu'elle ne savait pas que son frère avait été donneur, mais qu'elle s'est renseignée auprès de son autre frère, et qu'effectivement, il a donné un équerre, à des dates qui correspondent à ma naissance et celle de mon frère, que malheureusement, il est décédé d'un accident aux Etats-Unis. J'ai effrayé. franco-américain.

  • #1

    Et donc, ça lie aussi... Bon, qu'il soit décédé, ça correspond aussi à ce que tu avais eu comme info juridique. Mais en tout cas, ce que tu disais aussi, c'est que là, la justice ne voulait pas, mais la vie t'a donné ta réponse, en fait.

  • #0

    C'est la belle histoire dans l'histoire. Oui, tout à fait. Alors, bien sûr que je regrette... Je pourrais jamais échanger avec Philippe, mais là où ils sont vraiment géniaux, c'est que Suzanne, elle nous a vraiment accueillis. mon frère, ma demi-sœur et mon demi-frère et moi, comme une chance. Elle adorait son grand-frère. Elle me dit qu'il est parti trop tôt et qu'en fait, il n'avait pas d'enfant. Donc pour elle, on est une continuité de Philippe. Et elle m'a dit c'est formidable que vous fassiez partie de la famille. et en fait c'est ça qui est dingue c'est que la justice me dit non au nom de et en fait ils sont super contents de nous connaître et Suzanne elle est adorable parce qu'elle m'a envoyé la chanson préférée de Philippe je connais beaucoup d'informations médicales qui sont très importantes et que maintenant je peux enfin transmettre à mon médecin j'ai énormément de questions d'anecdotes, de photos. La dernière fois, elle a encore retrouvé une nouvelle boîte avec des vieilles photos. Et c'est vraiment... C'est très amusant parce que... Je me vois, je vois mon frère.

  • #1

    Oui, il y a des choses génétiquement. Il fait partie, comme tu disais au début, il a permis à ce que tu sois là. Il fait partie de toi aussi.

  • #0

    Et puis, c'était pas Yves Montand, mais il a eu des petits rôles dans des films. Du coup, j'ai même des images animées. J'ai...

  • #1

    C'est un petit clin d'œil pour la réponse.

  • #0

    Oui, ça m'a fait rigoler parce que je me suis dit voilà, mais j'avais pas complètement tort. Il a joué dans des films comme La Septième Compagnie au clair de lune. C'est des trucs super connus qu'on voit à la télé. Il était dedans. Et puis, le seul truc qui me fait un peu bizarre, c'est d'apprendre qu'il a vécu à Paris vraiment à deux pas du cabinet où je travaillais et que si ça se trouve, on s'est croisés, si ça se trouve, on s'est vus à la boulangerie.

  • #1

    Le café, du coup.

  • #0

    Ça, ça me... Oui. Ça me fait un peu mal parce que je me dis finalement, si j'avais su tout ça plus tôt, j'aurais pu le rencontrer. Mais en tout cas, j'ai beaucoup de chance. Il avait l'air d'être quelqu'un de fabuleux. Et ça m'a énormément apporté de savoir qui il était. J'aurais aimé l'apprendre de manière légale, mais en même temps, je l'ai appris de façon... J'ai trouvé toute seule et je suis très contente. C'est beau aussi. Il me reste à savoir si on a d'autres demi-frères et sœurs.

  • #1

    Oui, et puis ton combat aussi pour justement tous les... Les autres aussi,

  • #0

    qui ont encore leur réponse. Oui, surtout les autres, parce qu'en fait, tous ceux qui sont déjà conçus, donc les 100 000 personnes déjà conçues, et toutes les personnes qui sont en train d'être conçues jusqu'à mars 2025, pourraient se retrouver dans la même situation que moi. Si le donneur est décédé, et ça veut dire que les parents sont dans une position un peu impossible, c'est-à-dire qu'on leur dit, il faut dire très tôt à votre enfant qu'il est issu d'un donneur, ça veut dire qu'ils vont dire à leur enfant, alors tu es issu d'un donneur, et est-ce que je pourrais savoir qui il est ? Je ne sais pas, ça dépend s'il est encore vivant quand tu saisis la commission, quand tu as atteint tes 18 ans, et s'il est décédé, tu ne pourras pas savoir. S'il dit non, tu ne pourras pas savoir non plus. C'est extrêmement inconfortable et moi j'aurais aimé que la loi change tout de suite parce qu'on a les gamètes nécessaires pour le faire. Parce qu'encore une fois, là pour le coup ce n'est pas moi qui le dis, c'est un droit fondamental d'intérêt vital et la Cour européenne des droits d'hommes l'a redit dans mon dossier, c'est un aspect sur lequel elle a... Vous avez vraiment raison et c'est tellement d'intérêt vital que les gens, le veuillent ou non, nous cherchons et nous trouvons. Et voilà pourquoi je limite aussi pour la légalisation des tests ADN. J'aimerais que ce soit encadré et qu'on ne soit pas obligé de donner notre ADN à l'étranger parce que c'est des sociétés qui...

  • #1

    Oui, tu donnes des données et tu donnes autre chose aussi. Tu donnes des infos qui seront utilisées.

  • #0

    Moi, je voudrais qu'on fasse ça en France et qu'on l'encadre. Limite que si ça doit faire l'objet de recherche, mais que ça profite à nous. Je cherche français.

  • #1

    Bon, est-ce que tu peux, pour clôturer cet échange et ton histoire, et comprendre bien à quel point tu investis, nous donner aussi ta définition de l'action, pour toi, agir, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça implique aussi, peut-être, pour toi ?

  • #0

    Moi, c'était vraiment... Je me suis dit, si je n'affronte pas le sujet, si je fais l'autruche, parce que dans un premier temps, je me suis dit, peut-être que je peux oublier ce qu'on vient de me transmettre et me dire, non, j'ai qu'un père, une mère, deux chiens, un frère, comme avant. Je vais finir par faire une grave dépression à 50 ans. Pour moi, c'était absolument indispensable de me mettre en mouvement pour... pour combler ce vide intérieur et toutes ces questions que j'avais. Et surtout, ce qui m'a motivée, c'était de me dire je veux que mon histoire serve. Je veux que personne ne se trouve un jour confronté à cette situation. Moi, je me suis sentie enfermée dans un sas. L'histoire qu'on m'avait confiée auparavant, mon père et mon géniteur, cette histoire-là, une porte venait se fermer dessus. Mais la deuxième porte, celle qui s'ouvrait sur qui est mon géniteur, elle était fermée à double tour. Donc je me suis trouvée enfermée. dans un sas avec que des questions et j'avais l'impression que ma vie était mise entre parenthèses pendant ces 15 dernières années. Et ça, je voulais que personne n'y soit confrontée un jour et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire et c'est pour ça que je vais continuer à tenter de sensibiliser. Je te remercie encore une fois de m'avoir donné la parole parce que je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissances sur le sujet, qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire, mais donc ça passera peut-être plus par la justice mais j'ai perpétué J'ai pas espoir de convaincre nos décideurs. Et voilà, je vais continuer. Eh bien,

  • #1

    bravo à toi. Merci d'avoir partagé ton histoire, ton engagement au micro d'El Zagis. Et puis, je mettrai aussi les liens pour qu'on puisse te contacter, qu'on puisse avoir accès aux informations de l'association. Voilà, pour continuer. Et comme tu dis, ton combat, ton engagement peut prendre une forme différente. Mais il sera toujours là, en tout cas.

  • #0

    tout à fait merci beaucoup Audrey merci à toi

  • #2

    J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. Et n'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté Elsagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com A très bientôt !

  • #0

    C'est...

Description

Aujourd'hui, je reçois au micro d'elles Agissent Audrey Kermalvezen, Avocate de formation, aujourd'hui journaliste, spécialisée en droit social et bioéthique et co-fondatrice de l'association ORIGINES


Dans cet épisode nous allons retracer son parcours extraordinaire.

Elle a découvert qu'elle était née grâce au don d'une tierce personne à l'âge de 29 ans, elle a dû réapprendre à se connaître après une telle révélation. Les difficultés pour exprimer ses sentiments, la confirmation d'un lien indéniable avec ses parents mais aussi la naissance d'un sentiment nouveau. Apprendre à vivre avec le manque d'une partie d'elle-même, comment arriver à se comprendre pleinement sans avoir toutes les pièces du puzzle. 


Audrey entreprend alors une quête pour retrouver son donneur, espérant trouver des réponses sur son identité. Cependant, cette recherche est ponctuée d'innombrables rebondissements et de découvertes surprenantes.


Lors de cette recherche, elle rencontre Arthur, son futur mari, qui a également vécu une histoire similaire. Le dilemme se pose alors : pourraient-ils être, par hasard, demi-frère et sœur ? Cette crainte les hante au début de leur relation, jusqu'à ce qu'ils décident de faire un test ADN pour savoir s'ils ont un lien de parenté. Des questions aussi primordiales restent sans réponses dans le parcours d'une personne en quête de son donneur apportant son lot de frustration, de peur et d'angoisse. 

Cette histoire, à la fois passionnante et complexe, met en lumière l'importance de l'identité et du besoin de connaître ses origines.


Malgré les obstacles, Audrey reste déterminée à découvrir la vérité sur son passé, même lorsqu'elle se heurte à des blocages juridiques et administratifs.


Nous mettons aussi l'accent sur le sujet de l'anonymat dans les lois françaises dans le cadre de dons de gamètes, ainsi qu'une autre épreuve à laquelle Audrey ne s'attendait pas : son infantilisation qu'elle a pu ressentir tout au long de ses démarches.


Malgré les épreuves et les impasses juridiques, Audrey refuse de se taire. Elle utilise les médias, les podcasts (comme aujourd'hui dans Elles Agissent) et la presse pour faire entendre sa voix et son combat. À la fin de notre échange, vous saurez où en est Audrey dans sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur.

 Un récit fort, poignant, vrai d'une femme en quête de son identité. 

Pour elle l'action c'est d'abord pour combler ce vide intérieur mais aussi pour que son histoire serve. 



Biblio et références :

  • Livre "Né de spermatozoïde inconnu", Arthur Kermalvezen et Blandine de Dinechin, éd. Presse de la Renaissance et J'ai lu.

  • Livre "Le fils", Arthur Kermalvezen et Charlotte Rotman, ed. L'iconoclaste et livre de poche

  • Lien vers l'arrêt de la CEDH Gauvin-Fournis contre France du 7 septembre 2023 devenu définitif le 19 février 2024 : 

https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-226422%22]}


Photo de couverture : Zeineb Belkourati

Musique de l'épisode : Garçon de plage


https://associationorigines.com/


Audrey Kermalvezen-Fournis :

Co-fondatrice de l'association ORIGINES www.associationorigines.com

Spécialiste de la bioéthique

#Pour le droit de connaître ses origines

#Pour une PMA à visage humain

#Pour la transformation de l'accouchement sous X en accouchement secret pendant 18 ans

#Pour la légalisation des tests ADN



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour et bienvenue dans Elles agissent, le podcast qui donne la parole aux femmes qui font bouger les choses. A chaque épisode, je donnerai la parole à une femme pour qu'elle nous présente son univers, son métier, ses convictions. Ce sera aussi l'occasion pour elle de nous parler d'un sujet en particulier qu'elle affectionne ou qu'elle souhaite nous présenter. Ce sont des femmes inspirantes qui nous poussent à nous interroger, à réfléchir, à avancer. Et moi, à chaque fin d'épisode, je suis vraiment motivée pour agir et j'espère que ce sera pareil pour vous. Aujourd'hui, je reçois Audrey Kermavelzen, qui est journaliste et avocate spécialisée dans les questions de bioéthique. On retrace ensemble comment elle a appris qu'elle était née par un don d'une tierce personne à 29 ans. Elle leur s'en est suivie des difficultés à en parler, l'évidence des sentiments pour ses parents, mais aussi l'impression de manquer d'un quelque chose pour se comprendre complètement. Alors Audrey va se mettre en quête de son donneur, des informations qui pourraient lui permettre de comprendre qui elle est vraiment. De cette quête où elle cherche à savoir naîtra d'innombrables rebondissements. Dès le début de son chemin, elle se rend compte des oublis, des manquements, des absurdités dans ce domaine Je vous laisse découvrir l'ensemble de son histoire aux multiples rebondissements A la fois passionnante et complexe, qui permet de comprendre l'importance de l'identité, de comprendre d'où l'on vient Une histoire, vous le verrez, qui mêle le juridique et le personnel Ou quand la quête de savoir se bloque à l'état Et même s'il n'a plus de recours avec la loi possible pour faire entendre sa voix et son engagement Elle continuera par passer par des médias, les podcasts, comme ici, ou la presse Elle fera entendre sa voix et sa détermination Et vous verrez à la fin de l'épisode, vous saurez où en est Audrey de sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur Je vous laisse donc en compagnie d'Audrey et de son récit où, multiples rebondissements, nous permettons de mieux comprendre ce domaine et ses enjeux autour de l'identité Bonne écoute Bonjour Audrey.

  • #1

    Bonjour Emilie.

  • #0

    Merci d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie de t'accueillir à mon micro.

  • #1

    Je te remercie, je te remercie surtout de me donner la parole. et de pouvoir mettre en lumière ce combat qui me tient à cœur.

  • #0

    Avec grand plaisir. Alors justement, on va revenir sur quel est ce combat et ce que tu mets en place justement pour faire boucher les choses. Mais avant, on va revenir un petit peu aussi sur ton histoire et sur tout ton parcours, tout ton chemin. Est-ce que déjà tu peux te présenter, nous dire qui tu es, de la manière dont tu souhaites, à la fois personnellement et professionnellement, qui es-tu ?

  • #1

    Je m'appelle Audrey, Kermal Vezenne dans les médias pour tous les sujets de bioéthique. Je m'appelle Audrey Gauvin-Fournise dans ma vie privée et professionnelle. Je suis aujourd'hui rédactrice dans une maison d'édition juridique. Auparavant, j'étais avocate et j'ai deux spécialités, le droit du travail, le droit social et la bioéthique. La bioéthique, c'est une spécialité que j'ai choisie un peu par hasard après mes études de droit parce que j'ai toujours hésité entre eux. Le droit et la médecine et la bioéthique, c'est un point du droit sur lequel tout restait à faire. Donc, je l'ai vraiment fait comme une récréation.

  • #0

    Alors que ?

  • #1

    Alors qu'en fait, je suis tombée dans la bioéthique quand j'étais petite, un peu comme Obélix. Mais ça, je l'apprendrai bien plus tard. J'ai oublié de vous dire que j'ai trois enfants aussi.

  • #0

    Oui, bien sûr.

  • #1

    Voilà, et j'ai 43 ans. Donc, j'apprendrai bien plus tard. En fait, j'ai fait un troisième site. en droit de la bioéthique après mes études de droit européen. Et six ans plus tard, j'ai découvert que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur.

  • #0

    Alors, comment ça est arrivé dans ta vie, cette annonce, cette nouvelle ?

  • #1

    Alors, j'avais 29 ans et en fait, tous les deux étaient conçus par PMA avec tir d'honneur, mon frère et moi, et on l'ignorait tous les deux. Mon frère jusqu'à ses 32 ans et moi jusqu'à l'âge de 32. de 29 ans. Et en fait, c'est vrai que je me suis spécialisée en droit de la bioéthique, donc je connaissais bien ce sujet-là. J'échangeais d'ailleurs régulièrement sur le sujet avec ma mère, qui est infirmière puricultrice et qui s'intéressait beaucoup à ce sujet. Et puis, mon frère, de son côté, a consulté une naturopathe qui lui a dit qu'il y avait peut-être quelque chose à creuser du côté de sa naissance. Et en fait, ça faisait plusieurs années que ma mère voulait absolument nous dire qu'on était issus d'une PMA avec Tire Donner, parce qu'elle avait très peur qu'on le découvre par hasard.

  • #0

    Autrement, oui.

  • #1

    Autrement, par exemple, elle avait vu un reportage sur les tests ADN et elle avait très peur que... Qu'un jour on le découvre, autrement elle se disait que si c'était le cas la confiance serait définitivement rompue. Et puis donc mon frère consulte cette naturopathe et puis finalement mes parents s'accordent pour nous dire la vérité. Et donc moi je suis vraiment tombée des nues. Je pensais, je l'ai vraiment vécu comme une trahison. Je pensais pas qu'on ait pu me mentir. mentir sur quelque chose d'aussi énorme pendant aussi longtemps.

  • #0

    En fait, ils ont reculé le moment de vous l'annoncer, ou ils se sont dit on vous le dira plus tard, ou ils n'avaient pas de plan et puis en fait c'est le temps à passer. Est-ce que tu as su ça ?

  • #1

    Oui, alors en fait, ils avaient fait un pacte. La condition posée pour recourir à cette technique de procréation médicalement assistée, c'était que personne n'en sache jamais rien. Et donc ça... Ça peut paraître curieux, mais il faut savoir que c'était vraiment la norme à l'époque. Oui. Et d'ailleurs, même aujourd'hui, on continue de choisir un donneur qui ressemble au membre stérile du couple. On choisit la même couleur de peau, des yeux, des cheveux, la même taille, le même poids. Et on pousse la ressemblance jusqu'au groupe sanguin du parent stérile pour que l'enfant, en cours de biologie, lorsqu'on apprend comment se transmettent les résus sanguins, ne déteste pas. Le pauvre pas qui n'est pas le fruit biologique de ses deux parents. Et donc en fait, on crée toutes les conditions du secret. Et mes parents se sont dit, un peu comme tout le monde à l'époque, finalement si on crée toutes les conditions du secret, c'est que probablement il est préférable de ne pas le dire. Et c'est vrai qu'ils en avaient acquis la conviction, c'était de se dire, finalement si on ne dit rien à l'enfant, il ne se sentira pas différent et c'est peut-être mieux ainsi. Sauf que... Évidemment, moi, ça faisait six ans que je m'intéressais de très près à la procréation médicalement assistée avec tiers d'honneur. Mon frère qui faisait des questions, au final, ils se sont dit que peut-être on savait quelque chose. Et d'ailleurs, ma mère pensait que j'avais déjà deviné.

  • #0

    Oui, parce que c'est fou quand même d'avoir choisi ce chemin-là, cette voie-là, inconsciemment peut-être.

  • #1

    Oui, certains diront que c'est le hasard, d'autres pencheront plutôt pour le pouvoir. dans l'inconscient je pense effectivement que c'est probablement par hasard de toute façon après coup on se repasse le fil moi je me suis repassé un peu le fil des 29 ans auparavant et je me souviens par exemple quand j'étais petite je voulais absolument avoir un petit frère ou une petite soeur et j'étais très insistante sur le sujet et un jour mon père s'est fâché comme jamais en disant on t'a dit que c'était pas possible Et je n'avais pas compris cette réaction, comme je ne comprenais pas non plus pourquoi, quand on allait chez le médecin, ma mère ne parlait jamais des antécédents médicaux de mon père ou de sa famille, alors qu'il y a eu beaucoup de cancers. Et je me disais, oui, j'ai oublié. Et puis voilà, quand j'étais petite aussi, je faisais tout le temps un rêve récurrent. Il y avait un monsieur qui venait me chercher et il y avait tout le temps mon frère dans ce rêve, ma mère, mais jamais mon père. Et forcément, quand on se repasse le fil, on se dit que peut-être que ce monsieur, c'était... C'était le donneur que je... Pré-santé, enfin... En tout cas, on sent des choses. Les secrets de famille, même quand c'est pas verbalisé, je pense que ça transpire d'une manière ou d'une autre.

  • #0

    Et donc là, tu apprends, les choses sont dites, et là, c'est le coup de massue, c'est même pas ça, c'est...

  • #1

    En fait, c'est un énorme choc parce que je... Alors, ça remet absolument pas en cause les liens que j'ai avec mon père. Au contraire, la première chose que je fais, c'est l'appeler... et lui dire merci papa. En gros, j'espère que tu es d'accord pour qu'on soit toujours père et fille parce que moi, je n'ai pas du tout envie que nos liens s'arrêtent. Et lui me dit, mais écoute Audrey, c'est pour toi que ça peut changer quelque chose. Moi, j'ai toujours su. Oui,

  • #0

    c'est vrai.

  • #1

    Sauf que moi, je l'ai vraiment vécu comme une forme de désaveu. Je me disais, maintenant, on est adulte et c'est une façon pour lui de lui dire la comédie a duré assez longtemps. Maintenant vous êtes grand, on n'est plus obligé de faire semblant, je ne suis pas votre père, ciao bye bye. Et en fait ce n'était pas du tout dans cet esprit-là, mais moi j'ai eu cette crainte en tout cas. Donc ça nous a plutôt renforcés avec mon père. En revanche, dans les tout premiers temps, c'était compliqué d'en parler. Je me souviens que la première fois qu'on s'est vus, après que j'ai su la nouvelle, on a passé un déjeuner ensemble à parler de la pluie et du beau temps. Et à la fin j'ai essayé de lui parler, il m'a dit avec les larmes aux yeux, Écoute, moi j'en ai assez bavé il y a 30 ans, j'ai pas du tout envie de rouvrir le sujet. Alors que pour toi... Alors que moi je venais de l'apprendre, donc forcément j'étais pas du tout dans cette... Dans cette optique-là, et c'est vrai que dans mes études de droit de la bioéthique, j'en avais entendu parler, de l'anonymat du donneur, de plein de choses, mais je n'avais jamais vraiment perçu les choses, enfin il y a certains aspects que je n'avais absolument pas perçus avant d'y être confrontée personnellement. Par exemple, je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de limite à la congélation et à l'utilisation du sperme. C'est-à-dire que ne le sachant pas, ne sachant pas que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur, j'aurais pu recourir à une PMA avec tir d'honneur. et à cette occasion, être inséminée par le sperme de mon propre géniteur.

  • #0

    C'est possible, ça.

  • #1

    C'est possible, oui. Parce qu'en fait, il n'y a pas de traçabilité et il n'y a pas de limite dans le temps. Et alors, certes, ça peut paraître... Enfin, la probabilité est assez faible, mais elle existe quand même. Et en fait, ça démontre que le sujet... Il y a certains aspects du sujet qui, et ça on ne peut pas en vouloir aux pionniers qu'on y a emplacé la technique, n'a pas été pensé jusqu'au bout.

  • #0

    Il y a tellement de cas de figure, il y a tellement de choses qui rentrent en compte qu'il y a des oublis, il y a des manquements là, clairement.

  • #1

    Voilà, mais à la rigueur, moi je me dis, c'est normal qu'ils n'aient pas pensé à tout. D'ailleurs, quand l'anonymat a été mis en place au début, on s'est dit, c'est la moins mauvaise solution, même si tout le monde convenait que ça pouvait ne pas convenir aux enfants. mais lorsqu'ils grandissent et lorsqu'ils témoignent c'est bien de prendre en compte leurs paroles parce que autant on ne peut pas en vouloir au début de ne pas avoir écouté les bébés qui n'étaient pas encore là autant aujourd'hui quand on a des retours d'expérience ça se voit complètement dessus ça paraît inconcevable

  • #0

    donc tu apprends ça avec ton père ça va plutôt bien lui il ne veut pas en parler mais vous arrivez à vous dire des choses et avec ta mère Ma mère, comment tu prends la chose, comment tu vis, comment votre relation après se construit, se transforme, évolue ou reste, comment ça se passe ?

  • #1

    Alors ma mère, sur le coup, je l'en veux beaucoup parce que je... On avait vraiment une relation de confiance. Ma mère, c'est une adepte de Françoise Dolto. Je ne pouvais pas imaginer qu'elle m'ait mentie, en fait. On me dit que ce n'est pas un mensonge, c'est une omission. Mais si, parce que j'ai posé des questions. J'avais demandé si j'avais été adoptée. Certes, je n'ai pas formulé l'hypothèse du don de gamètes, mais je me posais quand même des questions et je n'ai jamais eu des réponses à côté. Et surtout, en fait, avec mon frère, Mon frère, je vois qu'il le vit plutôt comme un soulagement. Donc pas qu'il se... Il était content de ne pas tenir de mon père, mais parce qu'il pressentait qu'il y avait quelque chose, il ne se reconnaissait pas, par exemple, à l'adolescence, dans le physique de mon père. Et donc, quelque part, il se dit, mon intuition était bonne. Et moi, sur le coup, je me pose beaucoup de questions. Donc j'ai un sentiment de trahison. Je mets un petit peu de temps à pardonner, même assez longtemps, parce que vraiment, je... Je leur en veux. Ma mère m'explique qu'elle a attendu qu'on soit en âge d'être parents avec mon frère pour nous le dire. Mon père rend chéri en disant qu'effectivement, ils avaient peur que ce soit déstabilisant. Et donc, ils ont attendu qu'on soit sur des rails professionnellement, sentimentalement. Et c'est vrai que moi, j'étais devenue avocate. J'étais fiancée. J'avais une vie assez stable. Et c'était un coup de tonnerre, vraiment. Un coup de tonnerre,

  • #0

    oui.

  • #1

    Moi, j'ai eu l'impression... Le fait que je m'étais construite sur un château de cartes et que le château de cartes venait de s'effondrer. Et mon frère a eu cette image en disant, c'est marrant, c'est comme si on avait un pied ancré dans le sol et puis l'autre qui flottait dans les airs. Et en fait, parce que ça nous laissait face à de très nombreuses questions. Bien sûr, moi j'ai toujours su que j'avais un père, une mère, un frère, deux chiens. Mais là, j'apprenais en fait que j'avais... en moi une part d'inconnu. Et mon frère m'a dit, mais tu sais, c'est forcément, avec ces mots, tu sais que c'est forcément un type bien, regarde ce qu'on est devenu, etc. Je lui ai dit, mais moi, je pense qu'on est le fruit de notre éducation. Finalement, ce n'est pas quelqu'un que maman a choisi. Elle ne l'a jamais vu. Elle n'a jamais vu son visage. Et ma mère m'avait dit, oui, mais je pense que, enfin, te voyant, te voyant, voyant Pierre, je pense que votre... Vos donneurs, c'est forcément quelqu'un d'intelligent, de beau. Je dis oui, mais il peut être beau, intelligent et complètement détraqué. Oui, bien sûr. Et du coup,

  • #0

    se pose aussi la question de savoir si ton frère est ton frère venant du même donneur. Parce que là, vous n'avez pas l'info.

  • #1

    Exactement. En fait, mes parents me disent qu'on leur a dit que dans la mesure du possible, ils essaieraient de trouver le même donneur, mais ils n'en ont jamais eu la certitude. Et en fait, moi, je connaissais... J'avais lu des livres de personnes qui ont travaillé dans les séquos, les banques de sperme, et qui disent que... Pour certains couples, on faisait croire que c'était le même donneur, mais que finalement on changeait, parce qu'on en avait plus, mais on ne le disait pas. Pour pas gêner le processus, symboliquement, psychologiquement, etc.

  • #0

    Et un mensonge de plus.

  • #1

    Et donc je me dis, finalement, qu'est-ce qu'on en sait ? On ne se ressemble pas forcément avec mon frère. Et donc, c'est une des premières questions que je me pose. Je contacte la banque de sperme où nous avons été conçus. Donc, c'était à Necker. Et puis, j'apprends que ça a été transféré, enfin, elle a fermé. Donc, les dossiers sont transférés dans le 93 à Bondy. Donc, je les contacte avec mon frère et on leur demande si on est issus du même donneur.

  • #0

    Première démarche.

  • #1

    Voilà, première démarche. Est-ce que mon frère et moi, nous sommes issus du même donneur et on fait la démarche ensemble avec mon frère ? en leur expliquant qu'on vient d'apprendre qu'on est issu d'une PMI avec tir d'honneur, etc. Qu'on sait que le médecin qui a reçu nos parents s'appelait un tel, etc. Enfin, on donne les seules infos que nous avons. Et puis, on veut savoir s'ils ont un dossier, s'ils ont toujours un dossier, parce que je sais, moi, depuis les premières lois de bioéthique de 1994, que le dossier du donneur doit être conservé pendant une durée minimale de 40 ans. Mais évidemment, nous, on a été conçus avant ces premières lois. Et donc je me pose la question de savoir s'ils ont toujours un dossier et qu'est-ce qu'il contient comme information. C'est-à-dire, est-ce que vous avez des informations médicales, est-ce que vous avez juste le type d'informations qu'il contient. Et puis, on ne reçoit pas de réponse. Finalement, on me demande de prendre un rendez-vous sur place. J'étais lyonnaise à l'époque, je prends une journée de congé et je me rends à Bondy dans le 93, dans cet hôpital. Et puis là, la personne qui me reçoit... Il me dit, on ne peut rien vous dire, de toute façon, c'est anonyme. Et je dis, mais je ne comprends pas, vous m'avez fait déplacer. Mais vous avez peut-être besoin d'un soutien psychologique. On peut vous donner les adresses à Lyon. Et je me dis, mais non, mais pas du tout. Et puis, de toute façon, en fait, ça, c'est à moi d'en juger. J'ai 30 ans. D'ailleurs, vous ne savez peut-être pas si je suis en analyse ou pas. Et puis, de toute façon, ce n'est pas le sujet. Je suis venue chercher une information qui n'est pas protégée. par la loi, parce que ce qui est protégé, c'est l'anonymat du donneur, mais là, je ne vous demande pas le nom de mon donneur, je vous demande juste de savoir si mon frère et moi, on est issus du même donneur. Qu'est-ce que ça change pour vous de me donner cette information ? Et donc,

  • #0

    à ce moment-là, la loi, là, n'interdisait pas cette information.

  • #1

    C'est dans les textes, et moi qui suis juriste, je me dis, tout ce qui n'est pas interdit par la loi est autorisé, donc normalement, je dois pouvoir y accéder. Et là, on m'explique mais non, mais l'anonymat à la française, Ça couvre toute information, même tout ce qui ne permet pas d'identifier le donneur. En fait, toute information concernant ma conception. Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, tout ça, tout. Et là, je tombe des nues et je me dis, mais surtout, mais c'est pas du tout ce que j'ai en tête. Je sais que la Convention européenne des droits de l'homme protège le droit de connaître l'identité de ses géniteurs. Il protège le droit à la connaissance des origines personnelles. Et donc, je me dis, ça va pas se passer comme ça. En gros. Et l'après-midi, en fait, j'ai rendez-vous au sein d'une association. Parce que j'ai découvert l'existence d'un jeune homme qui s'appelle... Arthur, lorsque j'ai su que j'étais issue d'une PME avec tire d'honneur, j'ai cherché à savoir ce qui s'était passé avant 1994, parce qu'encore une fois, je connaissais très bien le droit de la bioéthique tel que je l'avais appris dans mes études, mais auparavant, avant 1994, il n'y avait pas de loi. Donc, est-ce que les donneurs étaient rémunérés ? Est-ce qu'on faisait beaucoup d'enfants avec le même donneur ? Bref, comment ça se passait ? Comment étaient recrutés les donneurs ? Et c'est comme ça que... J'ai découvert l'existence d'Arthur, qui a témoigné en 2006. C'est le premier à avoir témoigné en Europe sur le besoin de connaître ses origines. Alors lui, il a toujours su qu'il était issu d'une paix avec un tiers d'honneur. Oui,

  • #0

    c'est une histoire différente.

  • #1

    Lui,

  • #0

    il a toujours su.

  • #1

    Voilà, sa mère est psychanalyste. Et du coup, je pense que ça a probablement joué dans sa décision d'informer très tôt ses enfants de leur mode de conception avec un tiers d'honneur. Et... Et donc, Arthur, lui, il a toujours su, mais il était persuadé qu'à 18 ans, il aurait un dossier, il aurait des infos.

  • #0

    Oui, même s'il le sait, il n'est pas plus avancé que toi, en fait. C'est dans son histoire personnelle qui est différente, mais vous en êtes au même point, là. Tous les deux, au moment où vous vous rencontrez, toi, tu vas vers cette association.

  • #1

    Voilà, tout à fait. Et donc, entre-temps, je lis son livre qui s'appelle Né de spermatozoïdes inconnus C'est son premier témoignage qui a été... traduit en Europe, parce que c'est le premier témoignage d'une personne issue d'une PMA avec tir d'honneur qui dit, en fait, moi j'ai besoin de savoir d'où je viens. Je ne cherche pas un papa, je ne cherche pas un héritage, je ne cherche pas d'affection en particulier, je veux juste savoir d'où je viens et ce que je porte en moi, et ce que je vais transmettre à mes enfants. Parce que bien sûr, on transmet à ses enfants des valeurs, plein de choses, mais on transmet aussi des jeunes. Et donc je découvre l'histoire d'Arthur et je me retrouve dans cette association et en fait assez vite avec Arthur on se rend compte que on se comprend. Parfaitement. Il y a comme une évidence entre nous. Et c'est tellement troublant que ma mère, qui avait vu Arthur à plusieurs reprises dans les médias, me dit Tiens, c'est marrant, il ressemble à Pierre. Pierre, c'est mon frère. Et je commence à me dire qu'effectivement, en fait, finalement, rien n'exclut qu'on soit du même donneur. On pourrait très bien être du même donneur. Parce qu'à l'époque, il n'y avait que deux banques de sperme parisiennes.

  • #0

    Vous avez à peu près le même âge. Voilà.

  • #1

    On a tout besoin d'écart, mais avec la congélation, on fait exactement ce qu'on veut.

  • #0

    Oui, c'est vrai, on fait ce qu'on veut. Et puis, vous êtes de la même région aussi. Enfin, voilà, il y a plein de...

  • #1

    Oui, puis en fait, à l'époque, il y avait très peu de donneurs. Et on connaît des donneurs qui ont donné dans les deux banques de spermacoparavienne. Et donc, finalement, c'est possible.

  • #0

    Donc, très rapidement, quand vous étiez ensemble, il y a cette question.

  • #1

    Quand on tombe amoureux. Parce qu'en fait, pour être vraiment très claire, pendant très longtemps, ça a resté platonique. Parce que moi, j'avais vraiment la crainte de me dire, finalement, on est peut-être liés. génétiquement et je n'ai pas du tout envie de sortir avec mon demi-frère.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et donc, à l'époque, les tests ADN n'étaient pas du tout démocratisés comme aujourd'hui. Ils sont toujours illégaux en France, mais ils se pratiquent de plus en plus. Et heureusement. Mais à l'époque, on n'avait pas tellement de recours. Du coup, on a contacté une société belge. qui faisait des tests ADN et qui par chance avait une antenne dans le sud de la France et qui a accepté de nous faire un test ADN. Alors on l'a réglé en liquide un dimanche, 700 euros, et on a fait des tests ADN et on a reçu trois mois plus tard des résultats par la poste. Une sorte d'équation qui semblerait dire qu'ils n'étaient pas du même donneur, mais honnêtement ce généticien vendait aussi des filtres d'amour à base de fer. Il nous a proposé de faire un test de compatibilité HLA. On ne savait pas du tout quel crédit on devait y accroquer. Il avait un petit côté un peu charlatan. Et du coup, moi, j'avais quand même la crainte qu'on soit liés. Et en fait, c'est au moment de la naissance de notre premier enfant que trois semaines avant la naissance d'Esteban, ma gynécologue m'a envoyée en consultation en génétique pour faire des dépistages. de maladies génétiques récessives parce que la généticienne est partie du principe qu'on était consanguin et elle nous a dépisté deux maladies génétiques sur 2000 et par chance on n'était pas porteur des gènes mais elle m'a dit finalement on marche sur la tête, les informations existent moi je vais demander à savoir si vous êtes du même donneur votre mari et vous chose qu'on n'avait pas pu obtenir devant la justice En fait, trois semaines avant notre mariage, moi j'avais demandé, dites-nous au moins s'il fait la même taille, le même poids. Et nos pères étaient dans la salle. Et on nous a dit, mais non, on ne peut rien vous dire, c'est anonyme.

  • #0

    Vous avez été en justice pour avoir cette réponse, c'est ça ?

  • #1

    Oui, oui, oui. Alors en fait, oui. Pardon, je vais un petit peu vite. Quand j'ai cherché à savoir si mon frère et moi, on était du même donneur, et... Quand on m'a refusé cette information, je me suis dit, il faut que je saisisse la justice, parce que je sais que le droit est de notre côté. La Convention européenne des droits de l'homme dit que c'est un droit d'intérêt vital de connaître l'identité de ses géniteurs. Donc je vais demander à la justice, un, est-ce que mon frère et moi, on est ceux du même donneur ? Deux, est-ce que je peux connaître les antécédents médicaux de mon donneur ? Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature ? Est-ce qu'ils se comptent sur les doigts d'une main, en dizaines ou en centaines ? Parce qu'après, j'ai découvert des témoignages de donneurs qui ont mis au monde, en France, plusieurs centaines d'enfants. Et puis, comme je suis tombée amoureuse d'Arthur quand on s'est fiancés, j'ai demandé à savoir avant si on était issus ou non du même donneur. Et on a perdu devant la cour administrative, enfin on a perdu devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, trois semaines avant notre mariage. Et on s'est mariés quand même. On s'est mariés quand même, on a eu un premier enfant, et là, trois semaines avant la naissance d'Estéban, La généticienne obtient l'information que nos donneurs ne sont pas nés la même année et qu'ils ne font pas la même taille. Donc, ce n'est pas la même personne. Oui.

  • #0

    Donc là...

  • #1

    C'est pas né comme un bouchon de champagne. Ils sont péridurals, tout va bien. Et on est extrêmement...

  • #0

    Tu as toujours eu... Avant cette confirmation... T'étais comment par rapport à ça ? Au fond, comme on parlait d'intuition, tu sentais que vous n'étiez pas liée génétiquement ? Ou en fait, tu ne savais pas, tu étais perdue ?

  • #1

    Comment tu vivais ça ? Je ne savais pas du tout. Parce qu'en fait, je pense que c'est le fait d'avoir découvert très tardivement que j'ai mon mode de conception. Moi, ça m'a fait perdre confiance totalement dans le monde en général. Et du coup, j'avais beaucoup de mal à faire confiance en mon intuition. Et puis, moi, je faisais des cauchemars. J'accouchais, mais je ne voulais pas voir la tête de mon enfant. Vraiment, c'était une vraie angoisse.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et puis, on était très soulagés d'apprendre ça. Malheureusement, un an plus tard, le Conseil d'État va trancher mon dossier. Il va dire que je n'avais pas à avoir accès à cette information, que le médecin peut accéder à l'information, de savoir si deux personnes issues d'un don sont issues du même donneur, mais que la personne issue du don elle-même ne peut pas, même par l'intermédiaire d'un médecin. Donc là, les bras m'ont senti tomber. Je me suis dit que c'était vraiment dingue. C'est-à-dire qu'on aurait... On refuse tout, alors que je trouvais que mes demandes étaient quand même relativement modérées. Je demandais juste savoir si... Enfin, je ne sais pas, j'ai deux mille frères et sœurs dans la nature.

  • #0

    Oui, on parlait aussi de tout ce qui est génétique, de ce qui peut être impactant, encore en plus quand on est enceinte, de transmission, effectivement, de maladies, etc. Il y a tout un pan, en fait, aussi, de la santé qui te manque,

  • #1

    toi. Oui, c'est pour ça que je ne comprenais pas. Le problème, c'est que, justement, c'est des... Ce sont les médecins des banques de sperme qui étaient nos premiers opposants, alors qu'eux-mêmes sont bien au courant que c'est important pour nous de savoir, je ne sais pas moi, s'il y avait beaucoup de cancers du sein dans la famille. Moi, j'avais eu quatre biopsies du sein et deux cytoponctions. Forcément, c'est intéressant pour moi de savoir si j'ai une tante, si la sœur de mon donneur a eu un cancer du sein, par exemple. Et ça, je ne comprends pas qu'on nous refuse ces informations. Donc finalement, je saisis la Cour européenne des droits de l'homme en 2016 après avoir épuisé toutes les voies de recours internes puisque je demandais des éléments non identifiants, des informations qui ne concernent pas particulièrement le donneur plus que moi, comme j'ai deux mille frères et soeurs, est-ce que mon frère et moi on est du même donneur, est-ce que mon mari et moi on est du même donneur, quels sont mes antécédents médicaux, et puis pour ce qui est de mon donneur, s'il est encore en vie, contactez-le lui, posez-lui la question, est-ce qu'il serait d'accord pour que son identité me soit dévoilée. Il a le droit de dire oui ou non. Mais l'anonymat du donneur, ça a été inscrit dans la loi en 1994. Autrement dit, quand j'avais 14 ans. Donc on ne peut pas dire que mon donneur, on lui a promis l'anonymat, etc. Ça, ça n'existait pas. Il n'y avait pas de loi. Par exemple, là où j'ai été conçue à Necker, les donneurs étaient rémunérés. 100 francs à chaque don. Il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on pouvait faire avec le même donneur. Donc j'ai... probablement des dizaines de demi-frères et sœurs dans la nature. Peut-être même plus. Bref, il y a tout un tas d'informations, donc je voulais au moins qu'on pose la question à un endonneur.

  • #0

    S'il dit non, je respecterai sa décision. Sachant que même s'il dit oui, de toute façon, ça ne changerait rien à son statut. C'est-à-dire qu'il ne sera jamais reconnu comme un père vis-à-vis de moi. Tant mieux, moi ce n'est pas tout ce que je demande.

  • #1

    Ce n'est pas la démarche.

  • #0

    Il n'y aura pas de demande d'héritage, il n'y a pas de question de pension alimentaire, etc. C'est vraiment juste un besoin de savoir à qui je dois aussi la vie. Bien sûr, on n'est pas que le fruit de la biologie, mais... Sans la volonté de mes parents, je ne serais pas là, mais sans l'apport biologique de mon donard, je ne serais pas là. Et parfois on me dit, mais c'est juste des cellules, etc. Mais le problème, c'est que ces cellules-là, moi, elles me constituent. Le donard, il ne m'a pas donné un bras, un rang, un cœur, il m'a donné la vie. Et ce qu'il m'a donné, je le transmets à mes enfants aussi. Et en fait, on ne peut pas nous demander de ne pas y penser. Donc, on dit non.

  • #1

    Et est-ce que dans ce chemin aussi juridique que tu prends, tu es un ovni quelque part ? Est-ce que tu es une pionnière ? Est-ce qu'ils peuvent se dire, il y a d'autres cas, il y a d'autres personnes qui s'y intéressent, peut-être par le biais de votre association aussi, Comment tu te situes aussi ?

  • #0

    Alors, effectivement je suis une pionnière, mais comme c'est une première et que j'entendais beaucoup à l'époque une petite musique qui disait finalement la plupart des enfants issus d'une PMA avec tir d'honneur ne veulent pas connaître leur donneur, il n'y a qu'une minorité qui veut connaître, c'est des gens qui ont des problèmes psychologiques, qui ne s'entendent pas bien avec leurs parents, enfin on était affublés de tous les trucs. toutes les tartes possibles. En fait, ce dont je me suis aperçue, et ça, j'ai oublié de vous le dire, c'est important, c'est que, en fait, j'ai appris tardivement mon mode de conception, mais j'ai découvert que mon histoire est loin d'être singulière, parce qu'en fait, il y a, sur 10 personnes issues d'une PMA avec donneur, il y en a une qui le sait. Autrement dit, il y a 9 personnes sur 10 issues d'une PMA avec donneur. Donc, en France, il y a... Qui s'ignorent. Il y a 90 000 personnes issues d'une PMA avec donneur qui l'ignorent. Sur les 100 000 déjà conçus. C'est énorme, c'est énorme. Donc, forcément, il n'y en a pas beaucoup qui prennent la parole, parce que déjà, il n'y en a pas beaucoup qui savent qu'ils sont le site d'une PMA avec Pierre Donner. Et puis, c'est vrai que moi, j'ai pris un pseudonyme dans les médias. Donc, je m'appelle Kermal Vezem, parce que parler de mon mode de conception, c'est aussi mettre en lumière la stérilité de mon père. Et donc, ça implique... un tiers et voilà ça peut le gêner c'est pas simple en fait,

  • #1

    il y a beaucoup de choses dans tout ce que tu entreprends à la fois l'histoire personnelle juridique et médiatique en fait il y a beaucoup de choses qui s'entrebêlent tout à fait et donc c'est parce que c'est intime mais voilà,

  • #0

    moi je savais qu'il y avait énormément de personnes issues d'une PMA avec tiers d'honneur qui voulaient Au moins connaître leurs antécédents médicaux, à minima ça, et parfois, et souvent, connaître le donneur quand ils avaient un peu l'autorisation morale de le faire. C'est-à-dire que moi, je pense que mes parents et ceux d'Arthur ne se sont jamais sentis en danger. Ils savent qu'on les aime, ils savent que ce sont nos parents et qu'on n'a qu'un seul père. Et du coup, ils comprennent très bien qu'on n'est pas en recherche d'affection, qu'on a juste besoin de savoir d'où on vient. Et qu'après tout, si on y réfléchit, c'est un besoin fondamental. Et donc, avant de saisir la justice, j'ai lancé un appel dans l'association pour savoir qui souhaitait aussi faire cette démarche, pour ne pas être la seule, justement, pour ne pas comprendre du doigt comme étant la seule personne qui se poserait des questions. Et dedans, il y a une certaine Sophie qui m'a dit moi j'aimerais bien, avec mon frère, on souhaiterait saisir la justice Donc je ne les connaissais pas, j'ai découvert leur existence dans les dossiers. Et puis j'ai découvert qu'on était issus de la même banque de sperme, qu'on avait le même groupe sanguin qui est assez rare, il est porté que par 6% de la population. Et puis le jour de l'audience, je l'ai rencontré. Juste avant de plaider son dossier, on a bu un café et Arthur qui nous a vus... Ensemble, ils m'ont dit c'est marrant, vous avez la même manière de vous tenir, et puis le même grain de peau J'ai mis ça de côté et puis j'ai surtout ne me dit pas ça avant de rentrer dans la salle d'audience. J'ai plaidé son dossier et puis on est resté en contact pendant plusieurs années. J'ai appris qu'elle avait eu son agrégation, je l'ai informée des naissances de mes enfants, etc.

  • #1

    Un lien, quand même, quelque part, qui s'est créé, parce que, comme tu dis aussi, c'est singulier d'aller plaider pour... C'est une cause qui vous unit. Quoi qu'il en soit, il y avait déjà ça comme base pour créer ce lien.

  • #0

    Oui, tout à fait. Et c'est vrai qu'on a échangé pas mal aussi sur les caractères de nos frères. Là, pour le coup, il y avait comme une intuition. Mais je n'ai jamais osé vraiment la verbaliser. Et puis elle non plus. Mais on restait en lien dans le doute, un peu. Et puis en 2017, voyant que ça n'avançait pas du tout devant la justice, que ça avançait encore moins face aux politiques, j'y reviendrai, mais on a quand même beaucoup essayé de convaincre avant d'entreprendre des démarches un peu plus dures, judiciaires et autres. En 2017, on décide de faire un test ADN étranger. En fait, c'était de plus en plus... Alors,

  • #1

    tu dis 11, qui ?

  • #0

    Alors, 10 personnes issues d'une PM avec tiers d'honneur, et on fait ça dans notre salon, comme ils nous disent d'un coup. Et puis, il y a Arthur, mon frère. Sophie, son frère, les soeurs d'Arthur et puis plusieurs personnes qui sont devenues des amies, qui sont issues de l'association. Et les résultats tombent. Je me souviens, j'étais à une réunion à la crèche de mon fils jusqu'à 22 heures et je vois qu'Arthur a 6% d'ADN avec une certaine Laura. Je rentre, je dis à Arthur, il me dit Tu crois que c'est bien 6% ? On ne savait pas du tout ce que ça voulait dire. On a eu les résultats trois semaines après le test. On crache dans un tube, on le commande sur Internet, ça coûte à peine 100 euros. Et donc, trois semaines plus tard, on reçoit ces résultats, 6% d'ADN. Et puis, je découvre que Laura vit à Londres. Je vois sa photo, je me dis Tiens, ce n'est pas le contraire de toi Et en fait, très vite, Arthur la contacte sur LinkedIn. Et... Elle lui dit, oui, moi, j'ai fait le test il y a 10 ans, mais si tu veux, on peut s'appeler. Donc, 30 minutes plus tard, ils sont au téléphone sur WhatsApp. Et Arthur, il lui dit très clairement, voilà, moi j'ai fait le test parce que je recherche mes origines, je suis étudiante de PMA avec Pierre Donner, j'ai besoin de savoir qui est mon père biologique. Et Laura, elle lui répond, mais ça c'est la base. Et c'est génial parce qu'il n'y a pas besoin de la convaincre, elle est déjà convaincue de l'importance de savoir d'où on vient. Tout ça, ouais. Et il se trouve que Laura, elle avait fait le test dix ans plus tôt. Juste pour connaître ses origines géographiques, un peu pour le fun.

  • #1

    Plus pour le fun, oui.

  • #0

    Et en fait, le lendemain matin, elle contacte Arthur à 11h. Elle lui dit, ça y est, je sais. appelle-moi maintenant et en fait on a découvert que le donneur d'Arthur vivait à une heure et quart de chez nous près de Fontainebleau il s'appelle Gérard et bon après Arthur raconte comment il a pris contact avec lui parce que évidemment il ne s'agissait pas de lui envoyer d'aller sonner à sa porte en disant bon je ne crois pas parce que c'est pas un père comme un père pour Arthur et Et puis on ne voulait pas l'importuner, on ne voulait pas... Oui,

  • #1

    aussi dans sa vie.

  • #0

    Là, s'il a refait sa vie, si...

  • #1

    Ça implique beaucoup de choses. Pour vous, pour eux, pour tout le monde.

  • #0

    Oui, et du coup, finalement, on a découvert qu'à côté de la maison de Gérard, juste en face, il y avait un gîte. Et donc, on s'y est rendus avec nos enfants et on a essayé de regarder un peu dans le jardin pour voir si on voyait à quoi pouvait ressembler le fameux Gérard. et puis je vous cache pas qu'on est allé passer plusieurs fois le week-end dans les rues du petit village en se disant on sait jamais et on aurait jamais deviné parce qu'Arthur est très grand Gérard est assez petit et franchement si j'avais pas su comme ça, c'est vrai quand je les vois côte à côte en photo c'est évident qu'il y a quelque chose et d'ailleurs mes enfants aussi ont des traits de Gérard mais comme ça j'aurais peut-être pas deviné en le croisant dans la rue Et ce week-end-là, on n'a pas vu Gérard, mais en revanche, Arthur a décidé d'écrire une lettre. qu'il a fait remettre à ses voisins pour consigne de lui donner à lui et rien qu'à lui. Parce qu'on ne voulait pas le laisser dans la boîte aux lettres. On ne savait pas s'il avait refait sa vie, si ses enfants pouvaient tomber sur la lettre, etc. Donc ça, c'était pendant les vacances de la Toussaint. Et les voisins, finalement, on apprendra plus tard qu'ils lui donneront la lettre le 23 décembre. Donc pendant très longtemps, Arthur n'avait pas de nouvelles. Il a jugé son frère, c'était terrible. Et puis le 25 décembre, à 10h, Gérard appelle Arthur sur son téléphone en lui disant devine qui peut t'appeler le 25 décembre Et là, forcément, c'était magnifique. C'était magnifique parce qu'Arthur est le premier à avoir témoigné son besoin de connaître ses origines. S'il y a bien quelqu'un qui a remué ciel et terre pour connaître son donneur, c'est lui. Et par chance, il a gagné au loto génétique. Il a eu ce match direct. Et donc, il retrouve Gérard. Il met un petit moment avant de décider de se voir. Je pense qu'ils avaient besoin de temps, l'un et l'autre. Et puis, comme il a appris assez vite que Gérard avait une santé fragile, ils ont décidé de s'appeler tous les samedis matins. Et Arthur avait sa liste de questions et Gérard répondait à toutes les questions. Ce qu'il avait dit, de toute façon, qu'on s'entende ou pas, je m'engage à répondre à toutes tes questions. Vraiment un accueil formidable. Et en fait, ce qu'on va découvrir, c'est que Gérard, il était hyper content, en fait. C'est un côté réparateur pour lui aussi, d'être retrouvé et d'être désiré, entre guillemets, par Arthur. Parce qu'en fait, il a été... Sa mère l'a eu quand elle avait 44 ans. Et finalement, il est arrivé sur le tard. Et ce n'était pas forcément un enfant désiré. Il a...

  • #1

    Il a une propre histoire un peu difficile et du coup ça... ils se liaient tous les deux. En tout cas, il s'est passé quelque chose autour de cette rencontre, en fait.

  • #0

    Tout à fait. Et donc, ils sont toujours en lien. Et ce n'est pas un père. Ce n'est pas... C'est Gérard. Gérard, au début, ne savait pas tellement comment se positionner vis-à-vis d'Arthur. Parce que c'est une relation à inventer. Mais autant, Arthur avait toujours su qu'il avait un donneur. Donc, il savait qu'il avait un père, une mère et un donneur. Autant Gérard a découvert un peu l'insistance d'Arthur. Et au début, je me souviens, ça nous avait fait sourire, parce qu'au tout début, Arthur a appelé Gérard monsieur. Et puis Gérard lui dit, écoute, tu vas me tutoyer. Et puis tu vas m'appeler Gérard. Et moi, si papa et maman sont d'accord, je vais t'appeler mon bébé. Et là, on s'est dit, mais non, c'est pas possible. C'était mignon, mais c'était un peu décalé, parce que voilà, on était adultes, et puis c'était pas tellement ça qui venait chercher Arthur. Mais finalement, c'est vraiment quelqu'un d'adorable, et surtout qui accueille Arthur, qui prend très régulièrement de ses nouvelles, et ça fait du bien, en fait, finalement, de se retrouver.

  • #1

    Et qui apporte des réponses.

  • #0

    Tout à fait. Qui apporte des réponses, notamment, en fait, sur le... On a découvert... Gérard, il a été diagnostiqué d'une mutation génétique à l'âge de 65 ans. Et donc, dès qu'on l'a su, évidemment, on a fait dépister Arthur et nos enfants pour savoir s'ils étaient porteurs de cette mutation, parce que c'est une mutation qui entraîne des problèmes de coagulation du sang, donc ça peut être très grave, et lui, il a failli en mourir, Gérard. Mais par exemple, il y a beaucoup de choses que

  • #1

    Gérard apporte comme réponse. Et puis, qu'il peut éviter, santé, génétique, etc. Et du coup, ce test,

  • #0

    de ton côté... Et moi, je découvre... J'avais fait le test avec Sophie et son frère. Et Sophie m'envoie un message pour me dire, tu es la demi-sœur de David. David, c'est le frère de Sophie. Et alors, c'est vrai que... J'avais imaginé que je pouvais être la demi-sœur de Sophie, sans vraiment le verbaliser, mais je ne m'attendais pas à être la demi-sœur de Dabi. Et elle m'a dit, non mais en fait, tu es notre demi-sœur à tous les deux. Et donc je découvre que mon frère est vraiment mon frère génétiquement, puisqu'on a la même mère et le même géniteur. Et que donc Sophie a le même donneur que moi, et que son frère aussi. Et un des tout premiers trucs qu'elle me dit, je crois qu'il le savait au tribunal. Et c'est vrai que c'est agaçant de se dire qu'en fait tout le monde est au courant.

  • #1

    Eux ils ont ces infos, au tribunal ils peuvent...

  • #0

    En tout cas l'état français a les informations. C'est ça qui est assez... La question, c'est que finalement, tout le monde sait quelque chose de très intime sur nous. D'ailleurs, je me souviens, le jour de mon mariage avec Arthur, j'ai une de mes tantes qui m'a dit Ah, ça y est, ils te l'ont dit, tes parents. Et en fait, ma mère m'avait dit que seuls nos grands-parents étaient au courant, mais finalement, tout le monde était au courant, sauf moi.

  • #1

    Ça, c'est dur aussi. Oui.

  • #0

    et bon bref je découvre que je suis la demi-sœur de Sophie on est super contentes l'une et l'autre parce que finalement on l'avait senti il y avait ce lien déjà c'est fort ça et je me dis finalement mon inconscient en tout cas est peut-être pas si mauvais entre la bioéthique et le fait de me retrouver à plaider le dossier de Sophie c'est ça et donc je suis très contente parce que je me sens justement plus ancrée en voyant le visage de mon frère du coup je me dis que je peux imaginer un peu le visage de mon donneur et j'ai enfin des éléments un peu concrets pour ancrer cette réalité qu'on m'a livrée en 2009

  • #1

    Et encore une fois, tout ça, ça se passe en dehors, finalement, du droit français.

  • #0

    C'est totalement illégal. Moi, c'est pour ça que je m'y suis vraiment...

  • #1

    C'est illégal, on peut le faire, je veux dire...

  • #0

    On peut le faire, mais c'est pénalement répréhensible. Ah oui ? C'est la raison pour laquelle, moi, je m'y suis refusée pendant de nombreuses années. Déjà parce que, il fut un temps, c'était pas hyper démocratisé. Vous ne connaissez pas trop. Parce que là,

  • #1

    on a l'impression qu'on peut y avoir accès librement.

  • #0

    On peut y avoir accès librement. Alors, sur Internet, c'est devenu plus compliqué de se faire livrer en test ADN en France. D'accord. Depuis quelque temps, il faut se faire livrer à l'étranger. Vous pouvez aller sur le site de l'association Régine et on vous explique tout comment faire. Ce que je veux dire par là, c'est que ça reste quand même quelque chose d'illégal. Et moi, c'est vrai que le fait d'avoir obtenu cette information autrement que par la voie légale, ça m'a coûté. En fait, je ne voulais pas me mettre dans l'illégalité en tant qu'avocate. Et puis, j'étais vraiment convaincue que comme on demandait quelque chose d'assez modéré, je ne demandais pas un héritage, je ne demandais pas à ce qu'on déterre le corps de mon donneur pour faire un test ADN. Je demandais juste... qu'on pose la question à quelqu'un et qu'on respecte sa décision. Et qu'on me donne des informations qui ne font de mal à personne, qui concernent ma personne et mon frère ou mon mari. Et ta santé et tout ça. Et ça, c'est interdit et c'est même d'ordre public. Comme on considère que me livrer ce genre d'informations, ça porte atteinte à la sécurité publique. Enfin, à l'ordre public, en tout cas. Donc, c'est vrai que c'est assez curieux. Mais finalement, j'ai fait ce test. Et donc, j'étais contente d'avoir retrouvé Sophie et David. Mais ça faisait 4 personnes sur les 10 à être du même donneur. Et sachant que c'était rémunéré à Necker, qu'il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on faisait avec le même donneur, je me suis dit, on est combien en famille ? On était contents, mais on s'est dit, quand on va découvrir le cinquantième de mes frères et sœurs... on sera peut-être moins contents. Et aujourd'hui encore, je ne sais pas combien j'ai dit mes frères et sœurs dans la nature, et c'est vrai que c'est quelque chose qui m'angoisse aussi, parce que mes enfants pourraient potentiellement rencontrer des personnes issues du même donneur. Mais moi, je n'ai pas retrouvé mon donneur par ce biais-là. Arthur commençait à avoir des relations avec Gérard. Vous voyez,

  • #1

    vous recotez quelque chose.

  • #0

    Et puis, moi, je me disais que... Moi, il faut quand même que j'avance. J'avais lu que beaucoup de fondateurs des banques de sperme avaient donné eux-mêmes de leur propre sperme, parfois sans le dire. Et ça s'est beaucoup vu. Il y a plusieurs affaires comme ça aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, de fondateurs des banques de sperme qui ont en fait donné à Foison, faisant croire qu'ils faisaient appel à des donneurs, mais qui étaient l'unique donneur pour tous les couples qui se présentaient. Et donc, je me suis dit, c'est peut-être ce qui s'est passé à Necker. Donc, je vais contacter les fondateurs de la banque de sperme de Necker et je vais leur demander... si c'était possible. J'ai essayé de retrouver des gens qui avaient le même âge que moi à peu près pour leur demander si leur grand-père avait pu être donneur. Il y en a un qui m'a dit que c'était possible. Je ne peux pas vous assurer qu'il l'a donné, mais ce serait logique. Comme le même chercheur recruté des donneurs. Et donc, j'ai fini par lui envoyer la photo de ma demi-sœur, de mon demi-frère. Et il y en a un qui m'a dit, c'est dingue, il ressemble tellement à mon père. Donc, le fils du fondateur de la banque de sperme. Que je pense que c'est mon grand-père, votre donnant. Et il m'a dit, j'en ai la certitude. La photo a fait le tour de la famille. Mais on a trop peur pour les problèmes d'héritage, etc. Donc on ne fera jamais de test ADN. Mais il faut nous croire sur parole. Bon. Et là, je me suis dit... Bon. Alors, c'est possible. Mais quand mon fils était quelqu'un d'assez connu, un grand médecin, j'ai regardé des images de Lina. Ça ne te parlait pas trop. Et je n'arrivais pas à me retrouver dans son physique. Il est petit, trapu. Et même mon frère, ça ne ressemblait pas du tout. J'avais du mal à accrocher. Bon, grand médecin juif, alors je me suis mise à m'intéresser au judaïsme. On est parti en Israël, j'ai pris des cours d'hébreu. J'étais un peu dans cette phase un peu exploratoire, mais sans grande conviction. Donc,

  • #1

    tu étais dans la phase, tu explores, mais au fond, pas convaincue.

  • #0

    Voilà, et mon affaire, elle a été tranchée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre... Entre temps, la loi a changé. En fait, juste avant que mon affaire soit tranchée, la Cour a interrogé le gouvernement français pour savoir quelles étaient ses intentions dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique qui devait avoir lieu en 2021. Et sous-entendant que si la France ne modifiait pas sa loi, il y avait un risque de condamnation. pour mon respect du droit à la connaissance des origines personnelles. Donc il y avait bien des donneurs qui voulaient se faire connaître, sauf que le principe d'anonymat, c'est alors même que l'enfant serait d'accord, que les parents seraient d'accord, que le donneur serait d'accord, c'est d'ordre public. Donc ça veut dire que même quand tout le monde est d'accord, l'État français dit non. Et ce caractère d'ordre public, le Conseil d'État avait dit à plusieurs reprises dans des rapports en 2009, ça sent... En 2018, le comité consultatif national d'éthique, l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, énormément d'instances avaient pointé du doigt le caractère excessif de cet anonymat à la française qui s'impose même contre l'avis des premiers intéressés. Et donc la loi a changé. Et probablement que... Ma requête devant la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2016 et le fait qu'Arthur ait retrouvé son donneur et l'ait fait savoir publiquement, médiatiquement,

  • #1

    ça a contribué.

  • #0

    Je pense même que ça a été décisif. C'est-à-dire que, vraiment, si la loi n'avait pas changé... La France aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme parce que la Cour a fini par dire qu'on ne pouvait pas reprocher à la France d'avoir tardé à changer sa loi, mais qu'aujourd'hui il existait une commission. que les personnes comme moi peuvent saisir pour rechercher les donneurs et leur poser la question. Très exactement ce que je demandais depuis 2009. Et de la même manière, si le donneur dit non, tout s'arrête. Et si le donneur dit oui, alors la personne peut avoir accès à des informations qui peuvent aller jusqu'à son identité si le donneur est d'accord. Donc c'est exactement ce qu'on demandait depuis le début. Il y a plusieurs problèmes avec cette législation, même si c'est ce qu'on demandait, c'est que déjà ils ont mis 14 ans à changer la loi. Mais ça, la Cour européenne des droits de l'homme a dit C'est pas grave, maintenant il y a une commission. Oui,

  • #1

    c'est pas encore le temps, ça y est, c'est fait.

  • #0

    Aujourd'hui c'est fait, et donc vous avez le droit de saisir une commission. Le problème, c'est que moi j'ai saisi la commission en octobre 2022, dès qu'elle a été constituée. Et on m'a dit, on va rechercher votre donneur, on va voir s'il accepte de donner des éléments. Et puis, cinq mois et demi plus tard, on m'a dit, il s'avère que votre donneur est décédé.

  • #1

    Vous avez eu cette info ? Ils t'ont donné cette info ?

  • #0

    J'ai reçu un recommandé chez moi le 28 mars 2023. Il s'avère que votre donneur est décédé, je ne sais pas quand, il ne me dit pas quand, et que dès lors, nous devons opposer une fin de non-recevoir définitive à votre demande d'accès, que ce soit à son identité ou même à toute autre information, même non-identifiante. Donc, parce que mon donneur est décédé, je n'ai pas le droit de savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, je n'ai pas le droit de savoir officiellement si mon frère et moi, on est du même donneur, même si je le sais par un moyen détourné. Mais je n'ai pas le droit. Je n'ai pas eu le droit de le savoir. Officiellement, je n'ai pas le droit de savoir de quand est mort mon donneur et de quoi. Je n'ai rien le droit de savoir à son sujet parce qu'il est décédé. Mais. Et ça, c'est la version officielle, légale. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est pour ça que la loi est mal et imparfaite. C'est que si le donneur est décédé, tout s'arrête. Et je ne comprends pas pourquoi le législateur français a imposé de recueillir l'accord du donneur, y compris pour transmettre les éléments non identifiants. Parce que par hypothèse, c'est des éléments non identifiants. Savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature Je ne vois pas pourquoi le donneur aurait besoin de donner son accord, en fait. Qui ça concerne, sinon moi et mes demi-frères et sœurs ? De la même manière, les antécédents médicaux, c'est quand même quelque chose d'important, et donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir l'information. Et puis, on considère que, alors que l'anonymat a été voté 14 ans après ma naissance, donc forcément, par hypothèse, des années après le don... À l'origine de ma conception, on considère que mon donneur, son souhait, c'est d'être anonyme, y compris après sa mort, alors qu'il n'a jamais rien demandé de tel de son vivant. Et en parallèle, il y a un peu le même dispositif qui existe pour les personnes nées sous X, qui peuvent saisir le CNAOP, le Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles, depuis 2002. Et de la même manière, ça s'est passé devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, juste avant. Pour éviter à la France d'être condamnée, ils ont changé leur loi et ils ont mis en place le CNAOP. Et donc là, ils ont fait la même chose pour les dons. Sauf que le CNAOP, quand il contacte la femme qui a accouché sous X et qu'elle est décédée avant d'avoir pu être interrogée sur ses intentions, l'identité est transmise à l'enfant. Ah oui. Donc ça veut dire qu'on présume pas de volonté d'anonymat post-mortem pour la femme qui a accouché sous X. Et donc pourquoi faire différemment pour un donneur ? On peut au contraire se dire que peut-être que c'est plus lourd à assumer à titre posthume, je sais pas moi, vis-à-vis de son entourage, le fait d'avoir abandonné un enfant à un moment donné, parce que c'est un acte lourd. qu'on peut peut-être considérer comme honteux, alors que le don, c'est plutôt quelque chose qui est socialement valorisé. On ne peut pas les deux de la même manière. Oui, et moi, je ne vois pas de bonne raison à ça. Et l'autre, donc, ce qui me déplait dans la loi, c'est ça, c'est que quand le donneur est décédé, tout s'arrête, y compris les données non identifiantes. Qu'on part du principe qu'il est forcément, qu'on ne peut pas transmettre son identité alors qu'on le fait en matière d'accouchement sous X. Et puis... Surtout, en fait, la loi a changé. Aujourd'hui, ce qui est très bien, c'est que depuis le 1er septembre 2022, toute personne qui souhaite donner son sperme, ses ovocytes ou ses embryons ne peut le faire qu'à condition d'accepter, d'être identifiable 18 ans plus tard, enfin 18 ans et 9 mois plus tard, si l'enfant a sa majorité, on éprouve le besoin. Autrement dit, il n'y a plus que des donneurs ouverts. Il y a encore un anonymat, mais qui a duré déterminé pendant 18 ans, mais il est levable. si l'enfant en éprouve le besoin. Le problème, c'est que tous ces dons-là ne sont pas utilisés aujourd'hui. On continue à utiliser l'ancien stock de donneurs qui pourraient rester indéfiniment anonymes potentiellement jusqu'au... On pourra utiliser le nouveau stock à partir d'avril 2025. La justification, c'est de se dire, comme on va mettre fin à la conservation du ancien stock, c'est quand même terrible de jeter du sperme, etc. C'est ça curieux comme justification, parce que c'est pas... Qu'est-ce qui compte ? Est-ce qu'on est dans une logique comptable de vouloir faire plein d'enfants à tout prix ? Ou est-ce qu'on part du principe qu'on veut concevoir des enfants qui marchent sur leurs deux jambes et qui sont bien dans leur peau. Voilà, j'avoue avoir beaucoup de mal, alors que là, la directrice générale de l'agence de la biomédecine nous dit qu'aujourd'hui, il y a le nombre de donneurs à doubler depuis le changement de la loi.

  • #1

    Oui, c'est ça. Il y avait une crainte peut-être de la diminution, mais ce n'est pas du tout le cas.

  • #0

    Au contraire. En fait, c'est vrai que ça a toujours été le chiffon rouge qui a été appliqué par tout le monde en disant que le nombre de donneurs va chuter si on change la loi. Eh bien non. Il y a deux fois plus de donneurs qu'il y en avait auparavant. Et nous, on le savait parce qu'on avait le recul des États étrangers. La Suède a changé sa loi en 1984. Le Royaume-Uni l'a fait en 2003. Et à chaque fois, il n'y a pas eu de baisse du nombre de donneurs. Donc, on savait que ce serait la même chose en France, qu'il n'y aurait pas de chute du nombre de donneurs. Parce que, encore une fois, les donneurs sont protégés, il n'y a pas de question d'héritage, de filiation, c'est vraiment juste...

  • #1

    L'identité.

  • #0

    Oui. OK. Le droit de savoir.

  • #1

    Le droit de savoir.

  • #0

    Et puis, la Cour européenne des droits de l'homme a tranché mon affaire et a considéré que finalement, il n'y avait pas eu de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que je n'avais pas à savoir qui était mon donneur dès lors qu'il était décédé. Pourtant, dans une autre affaire, Jackie contre Suisse en 2006, elle avait condamné la Suisse. pour avoir refusé à M. Jaggi d'exhumer le cadavre de son père présumé. Alors lui, il n'était pas du tout issu d'une PMA avec tir d'honneur, mais sa mère lui avait dit je pense que ton papa, c'est ce monsieur Sauf qu'il n'en avait jamais eu la certitude et ce monsieur était décédé. Et donc M. Jaggi se rendait régulièrement au cimetière, payait même pour la concession au cimetière, puisque sa famille ne le faisait plus. Et un jour, il a dit mais moi, j'ai envie de savoir si c'est vraiment lui, mon père, en fait Et donc il a... demandait à faire un test ADN sur le cadavre. Et la famille s'y est opposée. La Suisse a refusé. Et la Cour européenne de droit d'homme a condamné la Suisse, les autorités suisses, au nom du droit à la connaissance de ses origines. Il n'y avait pas de problème de filiation, tout ça. C'était juste au nom du droit de savoir qui est son père. Et elle disait, mais M. Jaggi, il a 67 ans, il a témoigné d'une telle persévérance dans sa volonté de savoir d'où il venait que... Ça témoigne de souffrances morales qui sont peut-être pas médicalement constatées, mais évidentes. Au nom du droit à la connaissance des origines personnelles, M. Jaggi avait pu connaître l'identité de son géniteur. Moi, on m'a dit, vous avez le droit de saisir une commission, et comme votre donneur est décédé, vous n'aurez pas... Alors que je ne demandais pas l'exhumation du corps de mon donneur. Je demandais juste un nom dans un dossier. Ça, c'est pour la voie légale.

  • #1

    Comment tu... Ça a été une claque, ça.

  • #0

    Ça a été une énorme claque parce que, en fait, moi, je suis une... J'ai toujours cru en la justice. Avec Arthur, on s'est un peu répartis les rôles, même si on a été l'un et l'autre pas mal auditionnés à l'Assemblée, au Sénat, dans les ministères, à l'Élysée, à Matignon. Moi, j'ai toujours senti l'énorme décalage qu'il y avait dans la façon dont nos discours étaient reçus. Par exemple, pour te donner une anecdote, quand on était en 2010 à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la révision de la bioéthique, on était auditionnés avec un pédopsychiatre. Donc on avait l'un et l'autre 30 ans et 27 ans. Et puis il y avait un pédopsychiatre que les députés interrogeaient en disant est-ce que vous pourriez nous expliquer quel est le ressort psychique qui anime ces jeunes gens ? Et nous, on était là avec Arthur, on se disait mais en fait... On est là pour vous répondre si vous voulez. Et ce pédopsy avec lequel on n'avait jamais échangé le moindre mot a commencé à expliquer que la PMA avec Tire d'honneur, c'était comme une fiction et qu'il y avait des enfants qui n'arrivaient pas bien à comprendre la fiction. Et que comme on n'avait pas bien adhéré à la fiction, forcément on allait chercher ailleurs quelque chose qu'on aurait dû trouver dans notre foyer, etc. En gros, on était des mauvais parents. et que nos parents nous avaient pas bien dit les choses et que donc nos parents étaient des mauvais enfants et nos parents étaient des mauvais parents enfin bref et Arthur lui a dit mais vous savez nous on adore les fictions mais là il manque juste un personnage on est le fruit d'un père, d'une mère et d'un donneur

  • #1

    C'est votre réalité, c'est votre histoire et il manque quelque chose.

  • #0

    Et au même moment, il y avait une autre députée qui m'a dit, vous me faites penser à cette jeune fille qui se croyait issue d'Yves Montand, mais vous savez, votre donneur, c'est peut-être pas quelqu'un de connu, vous allez être déçus.

  • #1

    Le sujet n'était pas pris.

  • #0

    Et en fait, je me sentais complètement infantilisée. Je ne sais pas, moi j'étais avocate, j'avais des gros dossiers de licenciement avec beaucoup d'argent en jeu, etc. Et je me retrouvais là d'un coup complètement pointée. J'ai l'impression d'être complètement marginalisée, absolument pas respectée dans... Dans plus.

  • #1

    Ouais,

  • #0

    dans votre... Voilà. C'était juste une démarche d'information. C'est un peu comme la psychologue qui m'avait reçue au séco, en me disant, vous pourriez peut-être vous faire aider par un psy, mais déjà... que sais-tu de ma vie ? Je viens chercher une information.

  • #1

    C'est facile aussi de dire ça, d'avoir ces arguments-là aussi. C'est peut-être pour éviter justement de se dire que c'est des personnes qui n'ont pas d'autres demandes que celles qu'elles formulent en fait.

  • #0

    Oui, tout à fait. Moi, je pense qu'il y a eu vraiment... Il y a encore parfois sur ces sujets-là une forme d'inertie de la pensée. Comme du dogmatisme, c'est-à-dire que dès qu'on veut expliquer que la personne née sous X, par exemple, a besoin de connaître ses origines, c'est comme si on voulait mettre à mal le droit des femmes. C'est pas le sujet en fait, c'est juste qu'on peut très bien comprendre qu'une femme au moment où elle accouche ait besoin d'un secret absolu, parce qu'elle n'est pas dans une position qui lui permet d'assumer cet enfant, et il y a parfois des histoires dramatiques derrière, parfois peut-être un peu moins, mais dans tous les cas c'est jamais un choix facile, c'est un état de nécessité, donc on peut comprendre qu'il y a un secret absolu au moment de la naissance, mais que ce secret soit maintenu toute la vie de l'enfant, et parfois même après la mort de la femme. Ça, là, pour le coup, on bascule dans l'excès. C'est-à-dire que le secret doit être modulé en fonction du temps qui s'écoule. Il y a un moment donné, je ne comprends pas qu'on oppose tout le temps le droit de la femme et le droit de l'enfant. L'enfant, ça devient une femme aussi, ou parfois un homme, mais en tout cas, il y a une conciliation possible. Il y a une conciliation possible entre les deux et je pense que sur ces sujets aujourd'hui, il y a trop de dogmatisme et de... Oui, quelque chose, une forme d'inertie de la pensée qui empêche de voir les choses concrètement. Qu'est-ce qui empêcherait de prévoir un anonymat à durée déterminée pour la femme qui accouche, sous X, mais qui permettrait à l'enfant de savoir à qui il doit être né ? En fait, c'est juste un besoin fondamental. Je pense qu'aujourd'hui, je ne sais pas si tu sais, mais en Suisse et en Allemagne, le droit de connaître ses origines, c'est un droit constitutionnel. Moi, je pense que le droit de connaître ses origines... Ça doit être inscrit dans la Constitution aussi, parce que c'est vraiment quelque chose aujourd'hui... qui fait qu'on ne mesure pas le caractère inhumain de priver les gens de leur histoire, et en fait de priver les gens de liens. Parfois on m'a dit, mais vous savez, il y a des histoires dramatiques, a-t-on vraiment besoin de connaître la tête du violeur de sa mère ? Et en fait j'ai envie de dire, mais de toute façon ça, ça regarde qui, sinon la personne concernée. Moi je pense que, c'est mon point de vue, mais... Moi, la réalité, même si elle est terrible, je pense qu'on peut la travailler, on peut la dépasser. Parfois, ça peut prendre des années de psychanalyse et autres, mais un point d'interrogation, on ne peut pas le dépasser. Parce qu'on n'a rien sur lequel s'ancrer. Il y a peut-être des gens qui ne voudront jamais savoir, et je les respecte totalement. Mais le droit de connaître ses origines, c'est comme le droit à l'IVG ou le droit de vote. Je pense que certaines personnes n'en useront jamais. jamais. Et c'est leur choix. Mais d'autres, on éprouve un besoin absolu, et c'est leur choix aussi. Et le droit de connaître ses origines, pour moi, ça doit être quelque chose du même ordre.

  • #1

    C'est ton combat et c'est ton action.

  • #0

    Oui. Tu n'as jamais ? Oui, moi, je continuerai de me battre, parce que je pense que aujourd'hui, quand on a aboli la peine de mort, les gens étaient résolument pour, parce qu'il y avait cette inertie de la pensée où on se disait, mais Finalement, œil pour œil, dent pour dent, cette personne a fait quelque chose de terrible, donc on a le droit de lui ôter la vie. Là, je sais que la comparaison peut paraître excessive. Moi, c'est juste que je veux faire prendre conscience qu'on ampute à vie une personne de la connaissance sur soi, sur elle-même, alors que c'est quelqu'un qui n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, les personnes nées sous X, dont on parle souvent comme des enfants, moi, c'est des personnes que je connais qui, pour certains, sont grand-père ou grand-mère, et qui portent encore en eux la blessure d'avoir été abandonnées. Et... Je ne peux pas savoir à qui ils doivent la vie. Et moi, heureusement, heureusement que, finalement... J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai pas été entendue par la justice. Et je le regrette amèrement parce que ce que je voulais, c'était faire bouger les lignes pour que d'autres ne soient pas dans la même situation que moi. Mais moi aussi, j'ai fini par gagner de l'autogénétique, puisque j'ai eu un match avec une Américaine. Donc j'ai fait tous les tests ADN qui existent sur le marché, en faisant livrer à l'étranger, etc. Et puis un jour, je reçois... 1% d'ADN partagé avec une américaine qui s'appelle Linda. Et donc je contacte Linda, je lui demande si... Je lui explique que je cherche mon donneur, etc. Et elle me dit... Moi je fais beaucoup de généalogie, et j'ai une branche française, si tu veux je peux te mettre en contact avec Suzanne. et c'est ma branche française évidemment je suis preneuse et en fait deux jours plus tard je reçois un mail de Suzanne avec une photo une photo d'un petit garçon de 13 ans et en fait je me vois, je vois mon frère je vois mes enfants Et je suis sûre que c'est mon donneur. Et Suzanne me dit, j'ai vu votre photo sur Facebook, et en fait, vous me faites tellement penser à mon frère, c'est Philippe. Et donc, elle m'apprend qu'elle ne savait pas que son frère avait été donneur, mais qu'elle s'est renseignée auprès de son autre frère, et qu'effectivement, il a donné un équerre, à des dates qui correspondent à ma naissance et celle de mon frère, que malheureusement, il est décédé d'un accident aux Etats-Unis. J'ai effrayé. franco-américain.

  • #1

    Et donc, ça lie aussi... Bon, qu'il soit décédé, ça correspond aussi à ce que tu avais eu comme info juridique. Mais en tout cas, ce que tu disais aussi, c'est que là, la justice ne voulait pas, mais la vie t'a donné ta réponse, en fait.

  • #0

    C'est la belle histoire dans l'histoire. Oui, tout à fait. Alors, bien sûr que je regrette... Je pourrais jamais échanger avec Philippe, mais là où ils sont vraiment géniaux, c'est que Suzanne, elle nous a vraiment accueillis. mon frère, ma demi-sœur et mon demi-frère et moi, comme une chance. Elle adorait son grand-frère. Elle me dit qu'il est parti trop tôt et qu'en fait, il n'avait pas d'enfant. Donc pour elle, on est une continuité de Philippe. Et elle m'a dit c'est formidable que vous fassiez partie de la famille. et en fait c'est ça qui est dingue c'est que la justice me dit non au nom de et en fait ils sont super contents de nous connaître et Suzanne elle est adorable parce qu'elle m'a envoyé la chanson préférée de Philippe je connais beaucoup d'informations médicales qui sont très importantes et que maintenant je peux enfin transmettre à mon médecin j'ai énormément de questions d'anecdotes, de photos. La dernière fois, elle a encore retrouvé une nouvelle boîte avec des vieilles photos. Et c'est vraiment... C'est très amusant parce que... Je me vois, je vois mon frère.

  • #1

    Oui, il y a des choses génétiquement. Il fait partie, comme tu disais au début, il a permis à ce que tu sois là. Il fait partie de toi aussi.

  • #0

    Et puis, c'était pas Yves Montand, mais il a eu des petits rôles dans des films. Du coup, j'ai même des images animées. J'ai...

  • #1

    C'est un petit clin d'œil pour la réponse.

  • #0

    Oui, ça m'a fait rigoler parce que je me suis dit voilà, mais j'avais pas complètement tort. Il a joué dans des films comme La Septième Compagnie au clair de lune. C'est des trucs super connus qu'on voit à la télé. Il était dedans. Et puis, le seul truc qui me fait un peu bizarre, c'est d'apprendre qu'il a vécu à Paris vraiment à deux pas du cabinet où je travaillais et que si ça se trouve, on s'est croisés, si ça se trouve, on s'est vus à la boulangerie.

  • #1

    Le café, du coup.

  • #0

    Ça, ça me... Oui. Ça me fait un peu mal parce que je me dis finalement, si j'avais su tout ça plus tôt, j'aurais pu le rencontrer. Mais en tout cas, j'ai beaucoup de chance. Il avait l'air d'être quelqu'un de fabuleux. Et ça m'a énormément apporté de savoir qui il était. J'aurais aimé l'apprendre de manière légale, mais en même temps, je l'ai appris de façon... J'ai trouvé toute seule et je suis très contente. C'est beau aussi. Il me reste à savoir si on a d'autres demi-frères et sœurs.

  • #1

    Oui, et puis ton combat aussi pour justement tous les... Les autres aussi,

  • #0

    qui ont encore leur réponse. Oui, surtout les autres, parce qu'en fait, tous ceux qui sont déjà conçus, donc les 100 000 personnes déjà conçues, et toutes les personnes qui sont en train d'être conçues jusqu'à mars 2025, pourraient se retrouver dans la même situation que moi. Si le donneur est décédé, et ça veut dire que les parents sont dans une position un peu impossible, c'est-à-dire qu'on leur dit, il faut dire très tôt à votre enfant qu'il est issu d'un donneur, ça veut dire qu'ils vont dire à leur enfant, alors tu es issu d'un donneur, et est-ce que je pourrais savoir qui il est ? Je ne sais pas, ça dépend s'il est encore vivant quand tu saisis la commission, quand tu as atteint tes 18 ans, et s'il est décédé, tu ne pourras pas savoir. S'il dit non, tu ne pourras pas savoir non plus. C'est extrêmement inconfortable et moi j'aurais aimé que la loi change tout de suite parce qu'on a les gamètes nécessaires pour le faire. Parce qu'encore une fois, là pour le coup ce n'est pas moi qui le dis, c'est un droit fondamental d'intérêt vital et la Cour européenne des droits d'hommes l'a redit dans mon dossier, c'est un aspect sur lequel elle a... Vous avez vraiment raison et c'est tellement d'intérêt vital que les gens, le veuillent ou non, nous cherchons et nous trouvons. Et voilà pourquoi je limite aussi pour la légalisation des tests ADN. J'aimerais que ce soit encadré et qu'on ne soit pas obligé de donner notre ADN à l'étranger parce que c'est des sociétés qui...

  • #1

    Oui, tu donnes des données et tu donnes autre chose aussi. Tu donnes des infos qui seront utilisées.

  • #0

    Moi, je voudrais qu'on fasse ça en France et qu'on l'encadre. Limite que si ça doit faire l'objet de recherche, mais que ça profite à nous. Je cherche français.

  • #1

    Bon, est-ce que tu peux, pour clôturer cet échange et ton histoire, et comprendre bien à quel point tu investis, nous donner aussi ta définition de l'action, pour toi, agir, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça implique aussi, peut-être, pour toi ?

  • #0

    Moi, c'était vraiment... Je me suis dit, si je n'affronte pas le sujet, si je fais l'autruche, parce que dans un premier temps, je me suis dit, peut-être que je peux oublier ce qu'on vient de me transmettre et me dire, non, j'ai qu'un père, une mère, deux chiens, un frère, comme avant. Je vais finir par faire une grave dépression à 50 ans. Pour moi, c'était absolument indispensable de me mettre en mouvement pour... pour combler ce vide intérieur et toutes ces questions que j'avais. Et surtout, ce qui m'a motivée, c'était de me dire je veux que mon histoire serve. Je veux que personne ne se trouve un jour confronté à cette situation. Moi, je me suis sentie enfermée dans un sas. L'histoire qu'on m'avait confiée auparavant, mon père et mon géniteur, cette histoire-là, une porte venait se fermer dessus. Mais la deuxième porte, celle qui s'ouvrait sur qui est mon géniteur, elle était fermée à double tour. Donc je me suis trouvée enfermée. dans un sas avec que des questions et j'avais l'impression que ma vie était mise entre parenthèses pendant ces 15 dernières années. Et ça, je voulais que personne n'y soit confrontée un jour et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire et c'est pour ça que je vais continuer à tenter de sensibiliser. Je te remercie encore une fois de m'avoir donné la parole parce que je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissances sur le sujet, qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire, mais donc ça passera peut-être plus par la justice mais j'ai perpétué J'ai pas espoir de convaincre nos décideurs. Et voilà, je vais continuer. Eh bien,

  • #1

    bravo à toi. Merci d'avoir partagé ton histoire, ton engagement au micro d'El Zagis. Et puis, je mettrai aussi les liens pour qu'on puisse te contacter, qu'on puisse avoir accès aux informations de l'association. Voilà, pour continuer. Et comme tu dis, ton combat, ton engagement peut prendre une forme différente. Mais il sera toujours là, en tout cas.

  • #0

    tout à fait merci beaucoup Audrey merci à toi

  • #2

    J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. Et n'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté Elsagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com A très bientôt !

  • #0

    C'est...

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Description

Aujourd'hui, je reçois au micro d'elles Agissent Audrey Kermalvezen, Avocate de formation, aujourd'hui journaliste, spécialisée en droit social et bioéthique et co-fondatrice de l'association ORIGINES


Dans cet épisode nous allons retracer son parcours extraordinaire.

Elle a découvert qu'elle était née grâce au don d'une tierce personne à l'âge de 29 ans, elle a dû réapprendre à se connaître après une telle révélation. Les difficultés pour exprimer ses sentiments, la confirmation d'un lien indéniable avec ses parents mais aussi la naissance d'un sentiment nouveau. Apprendre à vivre avec le manque d'une partie d'elle-même, comment arriver à se comprendre pleinement sans avoir toutes les pièces du puzzle. 


Audrey entreprend alors une quête pour retrouver son donneur, espérant trouver des réponses sur son identité. Cependant, cette recherche est ponctuée d'innombrables rebondissements et de découvertes surprenantes.


Lors de cette recherche, elle rencontre Arthur, son futur mari, qui a également vécu une histoire similaire. Le dilemme se pose alors : pourraient-ils être, par hasard, demi-frère et sœur ? Cette crainte les hante au début de leur relation, jusqu'à ce qu'ils décident de faire un test ADN pour savoir s'ils ont un lien de parenté. Des questions aussi primordiales restent sans réponses dans le parcours d'une personne en quête de son donneur apportant son lot de frustration, de peur et d'angoisse. 

Cette histoire, à la fois passionnante et complexe, met en lumière l'importance de l'identité et du besoin de connaître ses origines.


Malgré les obstacles, Audrey reste déterminée à découvrir la vérité sur son passé, même lorsqu'elle se heurte à des blocages juridiques et administratifs.


Nous mettons aussi l'accent sur le sujet de l'anonymat dans les lois françaises dans le cadre de dons de gamètes, ainsi qu'une autre épreuve à laquelle Audrey ne s'attendait pas : son infantilisation qu'elle a pu ressentir tout au long de ses démarches.


Malgré les épreuves et les impasses juridiques, Audrey refuse de se taire. Elle utilise les médias, les podcasts (comme aujourd'hui dans Elles Agissent) et la presse pour faire entendre sa voix et son combat. À la fin de notre échange, vous saurez où en est Audrey dans sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur.

 Un récit fort, poignant, vrai d'une femme en quête de son identité. 

Pour elle l'action c'est d'abord pour combler ce vide intérieur mais aussi pour que son histoire serve. 



Biblio et références :

  • Livre "Né de spermatozoïde inconnu", Arthur Kermalvezen et Blandine de Dinechin, éd. Presse de la Renaissance et J'ai lu.

  • Livre "Le fils", Arthur Kermalvezen et Charlotte Rotman, ed. L'iconoclaste et livre de poche

  • Lien vers l'arrêt de la CEDH Gauvin-Fournis contre France du 7 septembre 2023 devenu définitif le 19 février 2024 : 

https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-226422%22]}


Photo de couverture : Zeineb Belkourati

Musique de l'épisode : Garçon de plage


https://associationorigines.com/


Audrey Kermalvezen-Fournis :

Co-fondatrice de l'association ORIGINES www.associationorigines.com

Spécialiste de la bioéthique

#Pour le droit de connaître ses origines

#Pour une PMA à visage humain

#Pour la transformation de l'accouchement sous X en accouchement secret pendant 18 ans

#Pour la légalisation des tests ADN



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour et bienvenue dans Elles agissent, le podcast qui donne la parole aux femmes qui font bouger les choses. A chaque épisode, je donnerai la parole à une femme pour qu'elle nous présente son univers, son métier, ses convictions. Ce sera aussi l'occasion pour elle de nous parler d'un sujet en particulier qu'elle affectionne ou qu'elle souhaite nous présenter. Ce sont des femmes inspirantes qui nous poussent à nous interroger, à réfléchir, à avancer. Et moi, à chaque fin d'épisode, je suis vraiment motivée pour agir et j'espère que ce sera pareil pour vous. Aujourd'hui, je reçois Audrey Kermavelzen, qui est journaliste et avocate spécialisée dans les questions de bioéthique. On retrace ensemble comment elle a appris qu'elle était née par un don d'une tierce personne à 29 ans. Elle leur s'en est suivie des difficultés à en parler, l'évidence des sentiments pour ses parents, mais aussi l'impression de manquer d'un quelque chose pour se comprendre complètement. Alors Audrey va se mettre en quête de son donneur, des informations qui pourraient lui permettre de comprendre qui elle est vraiment. De cette quête où elle cherche à savoir naîtra d'innombrables rebondissements. Dès le début de son chemin, elle se rend compte des oublis, des manquements, des absurdités dans ce domaine Je vous laisse découvrir l'ensemble de son histoire aux multiples rebondissements A la fois passionnante et complexe, qui permet de comprendre l'importance de l'identité, de comprendre d'où l'on vient Une histoire, vous le verrez, qui mêle le juridique et le personnel Ou quand la quête de savoir se bloque à l'état Et même s'il n'a plus de recours avec la loi possible pour faire entendre sa voix et son engagement Elle continuera par passer par des médias, les podcasts, comme ici, ou la presse Elle fera entendre sa voix et sa détermination Et vous verrez à la fin de l'épisode, vous saurez où en est Audrey de sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur Je vous laisse donc en compagnie d'Audrey et de son récit où, multiples rebondissements, nous permettons de mieux comprendre ce domaine et ses enjeux autour de l'identité Bonne écoute Bonjour Audrey.

  • #1

    Bonjour Emilie.

  • #0

    Merci d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie de t'accueillir à mon micro.

  • #1

    Je te remercie, je te remercie surtout de me donner la parole. et de pouvoir mettre en lumière ce combat qui me tient à cœur.

  • #0

    Avec grand plaisir. Alors justement, on va revenir sur quel est ce combat et ce que tu mets en place justement pour faire boucher les choses. Mais avant, on va revenir un petit peu aussi sur ton histoire et sur tout ton parcours, tout ton chemin. Est-ce que déjà tu peux te présenter, nous dire qui tu es, de la manière dont tu souhaites, à la fois personnellement et professionnellement, qui es-tu ?

  • #1

    Je m'appelle Audrey, Kermal Vezenne dans les médias pour tous les sujets de bioéthique. Je m'appelle Audrey Gauvin-Fournise dans ma vie privée et professionnelle. Je suis aujourd'hui rédactrice dans une maison d'édition juridique. Auparavant, j'étais avocate et j'ai deux spécialités, le droit du travail, le droit social et la bioéthique. La bioéthique, c'est une spécialité que j'ai choisie un peu par hasard après mes études de droit parce que j'ai toujours hésité entre eux. Le droit et la médecine et la bioéthique, c'est un point du droit sur lequel tout restait à faire. Donc, je l'ai vraiment fait comme une récréation.

  • #0

    Alors que ?

  • #1

    Alors qu'en fait, je suis tombée dans la bioéthique quand j'étais petite, un peu comme Obélix. Mais ça, je l'apprendrai bien plus tard. J'ai oublié de vous dire que j'ai trois enfants aussi.

  • #0

    Oui, bien sûr.

  • #1

    Voilà, et j'ai 43 ans. Donc, j'apprendrai bien plus tard. En fait, j'ai fait un troisième site. en droit de la bioéthique après mes études de droit européen. Et six ans plus tard, j'ai découvert que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur.

  • #0

    Alors, comment ça est arrivé dans ta vie, cette annonce, cette nouvelle ?

  • #1

    Alors, j'avais 29 ans et en fait, tous les deux étaient conçus par PMA avec tir d'honneur, mon frère et moi, et on l'ignorait tous les deux. Mon frère jusqu'à ses 32 ans et moi jusqu'à l'âge de 32. de 29 ans. Et en fait, c'est vrai que je me suis spécialisée en droit de la bioéthique, donc je connaissais bien ce sujet-là. J'échangeais d'ailleurs régulièrement sur le sujet avec ma mère, qui est infirmière puricultrice et qui s'intéressait beaucoup à ce sujet. Et puis, mon frère, de son côté, a consulté une naturopathe qui lui a dit qu'il y avait peut-être quelque chose à creuser du côté de sa naissance. Et en fait, ça faisait plusieurs années que ma mère voulait absolument nous dire qu'on était issus d'une PMA avec Tire Donner, parce qu'elle avait très peur qu'on le découvre par hasard.

  • #0

    Autrement, oui.

  • #1

    Autrement, par exemple, elle avait vu un reportage sur les tests ADN et elle avait très peur que... Qu'un jour on le découvre, autrement elle se disait que si c'était le cas la confiance serait définitivement rompue. Et puis donc mon frère consulte cette naturopathe et puis finalement mes parents s'accordent pour nous dire la vérité. Et donc moi je suis vraiment tombée des nues. Je pensais, je l'ai vraiment vécu comme une trahison. Je pensais pas qu'on ait pu me mentir. mentir sur quelque chose d'aussi énorme pendant aussi longtemps.

  • #0

    En fait, ils ont reculé le moment de vous l'annoncer, ou ils se sont dit on vous le dira plus tard, ou ils n'avaient pas de plan et puis en fait c'est le temps à passer. Est-ce que tu as su ça ?

  • #1

    Oui, alors en fait, ils avaient fait un pacte. La condition posée pour recourir à cette technique de procréation médicalement assistée, c'était que personne n'en sache jamais rien. Et donc ça... Ça peut paraître curieux, mais il faut savoir que c'était vraiment la norme à l'époque. Oui. Et d'ailleurs, même aujourd'hui, on continue de choisir un donneur qui ressemble au membre stérile du couple. On choisit la même couleur de peau, des yeux, des cheveux, la même taille, le même poids. Et on pousse la ressemblance jusqu'au groupe sanguin du parent stérile pour que l'enfant, en cours de biologie, lorsqu'on apprend comment se transmettent les résus sanguins, ne déteste pas. Le pauvre pas qui n'est pas le fruit biologique de ses deux parents. Et donc en fait, on crée toutes les conditions du secret. Et mes parents se sont dit, un peu comme tout le monde à l'époque, finalement si on crée toutes les conditions du secret, c'est que probablement il est préférable de ne pas le dire. Et c'est vrai qu'ils en avaient acquis la conviction, c'était de se dire, finalement si on ne dit rien à l'enfant, il ne se sentira pas différent et c'est peut-être mieux ainsi. Sauf que... Évidemment, moi, ça faisait six ans que je m'intéressais de très près à la procréation médicalement assistée avec tiers d'honneur. Mon frère qui faisait des questions, au final, ils se sont dit que peut-être on savait quelque chose. Et d'ailleurs, ma mère pensait que j'avais déjà deviné.

  • #0

    Oui, parce que c'est fou quand même d'avoir choisi ce chemin-là, cette voie-là, inconsciemment peut-être.

  • #1

    Oui, certains diront que c'est le hasard, d'autres pencheront plutôt pour le pouvoir. dans l'inconscient je pense effectivement que c'est probablement par hasard de toute façon après coup on se repasse le fil moi je me suis repassé un peu le fil des 29 ans auparavant et je me souviens par exemple quand j'étais petite je voulais absolument avoir un petit frère ou une petite soeur et j'étais très insistante sur le sujet et un jour mon père s'est fâché comme jamais en disant on t'a dit que c'était pas possible Et je n'avais pas compris cette réaction, comme je ne comprenais pas non plus pourquoi, quand on allait chez le médecin, ma mère ne parlait jamais des antécédents médicaux de mon père ou de sa famille, alors qu'il y a eu beaucoup de cancers. Et je me disais, oui, j'ai oublié. Et puis voilà, quand j'étais petite aussi, je faisais tout le temps un rêve récurrent. Il y avait un monsieur qui venait me chercher et il y avait tout le temps mon frère dans ce rêve, ma mère, mais jamais mon père. Et forcément, quand on se repasse le fil, on se dit que peut-être que ce monsieur, c'était... C'était le donneur que je... Pré-santé, enfin... En tout cas, on sent des choses. Les secrets de famille, même quand c'est pas verbalisé, je pense que ça transpire d'une manière ou d'une autre.

  • #0

    Et donc là, tu apprends, les choses sont dites, et là, c'est le coup de massue, c'est même pas ça, c'est...

  • #1

    En fait, c'est un énorme choc parce que je... Alors, ça remet absolument pas en cause les liens que j'ai avec mon père. Au contraire, la première chose que je fais, c'est l'appeler... et lui dire merci papa. En gros, j'espère que tu es d'accord pour qu'on soit toujours père et fille parce que moi, je n'ai pas du tout envie que nos liens s'arrêtent. Et lui me dit, mais écoute Audrey, c'est pour toi que ça peut changer quelque chose. Moi, j'ai toujours su. Oui,

  • #0

    c'est vrai.

  • #1

    Sauf que moi, je l'ai vraiment vécu comme une forme de désaveu. Je me disais, maintenant, on est adulte et c'est une façon pour lui de lui dire la comédie a duré assez longtemps. Maintenant vous êtes grand, on n'est plus obligé de faire semblant, je ne suis pas votre père, ciao bye bye. Et en fait ce n'était pas du tout dans cet esprit-là, mais moi j'ai eu cette crainte en tout cas. Donc ça nous a plutôt renforcés avec mon père. En revanche, dans les tout premiers temps, c'était compliqué d'en parler. Je me souviens que la première fois qu'on s'est vus, après que j'ai su la nouvelle, on a passé un déjeuner ensemble à parler de la pluie et du beau temps. Et à la fin j'ai essayé de lui parler, il m'a dit avec les larmes aux yeux, Écoute, moi j'en ai assez bavé il y a 30 ans, j'ai pas du tout envie de rouvrir le sujet. Alors que pour toi... Alors que moi je venais de l'apprendre, donc forcément j'étais pas du tout dans cette... Dans cette optique-là, et c'est vrai que dans mes études de droit de la bioéthique, j'en avais entendu parler, de l'anonymat du donneur, de plein de choses, mais je n'avais jamais vraiment perçu les choses, enfin il y a certains aspects que je n'avais absolument pas perçus avant d'y être confrontée personnellement. Par exemple, je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de limite à la congélation et à l'utilisation du sperme. C'est-à-dire que ne le sachant pas, ne sachant pas que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur, j'aurais pu recourir à une PMA avec tir d'honneur. et à cette occasion, être inséminée par le sperme de mon propre géniteur.

  • #0

    C'est possible, ça.

  • #1

    C'est possible, oui. Parce qu'en fait, il n'y a pas de traçabilité et il n'y a pas de limite dans le temps. Et alors, certes, ça peut paraître... Enfin, la probabilité est assez faible, mais elle existe quand même. Et en fait, ça démontre que le sujet... Il y a certains aspects du sujet qui, et ça on ne peut pas en vouloir aux pionniers qu'on y a emplacé la technique, n'a pas été pensé jusqu'au bout.

  • #0

    Il y a tellement de cas de figure, il y a tellement de choses qui rentrent en compte qu'il y a des oublis, il y a des manquements là, clairement.

  • #1

    Voilà, mais à la rigueur, moi je me dis, c'est normal qu'ils n'aient pas pensé à tout. D'ailleurs, quand l'anonymat a été mis en place au début, on s'est dit, c'est la moins mauvaise solution, même si tout le monde convenait que ça pouvait ne pas convenir aux enfants. mais lorsqu'ils grandissent et lorsqu'ils témoignent c'est bien de prendre en compte leurs paroles parce que autant on ne peut pas en vouloir au début de ne pas avoir écouté les bébés qui n'étaient pas encore là autant aujourd'hui quand on a des retours d'expérience ça se voit complètement dessus ça paraît inconcevable

  • #0

    donc tu apprends ça avec ton père ça va plutôt bien lui il ne veut pas en parler mais vous arrivez à vous dire des choses et avec ta mère Ma mère, comment tu prends la chose, comment tu vis, comment votre relation après se construit, se transforme, évolue ou reste, comment ça se passe ?

  • #1

    Alors ma mère, sur le coup, je l'en veux beaucoup parce que je... On avait vraiment une relation de confiance. Ma mère, c'est une adepte de Françoise Dolto. Je ne pouvais pas imaginer qu'elle m'ait mentie, en fait. On me dit que ce n'est pas un mensonge, c'est une omission. Mais si, parce que j'ai posé des questions. J'avais demandé si j'avais été adoptée. Certes, je n'ai pas formulé l'hypothèse du don de gamètes, mais je me posais quand même des questions et je n'ai jamais eu des réponses à côté. Et surtout, en fait, avec mon frère, Mon frère, je vois qu'il le vit plutôt comme un soulagement. Donc pas qu'il se... Il était content de ne pas tenir de mon père, mais parce qu'il pressentait qu'il y avait quelque chose, il ne se reconnaissait pas, par exemple, à l'adolescence, dans le physique de mon père. Et donc, quelque part, il se dit, mon intuition était bonne. Et moi, sur le coup, je me pose beaucoup de questions. Donc j'ai un sentiment de trahison. Je mets un petit peu de temps à pardonner, même assez longtemps, parce que vraiment, je... Je leur en veux. Ma mère m'explique qu'elle a attendu qu'on soit en âge d'être parents avec mon frère pour nous le dire. Mon père rend chéri en disant qu'effectivement, ils avaient peur que ce soit déstabilisant. Et donc, ils ont attendu qu'on soit sur des rails professionnellement, sentimentalement. Et c'est vrai que moi, j'étais devenue avocate. J'étais fiancée. J'avais une vie assez stable. Et c'était un coup de tonnerre, vraiment. Un coup de tonnerre,

  • #0

    oui.

  • #1

    Moi, j'ai eu l'impression... Le fait que je m'étais construite sur un château de cartes et que le château de cartes venait de s'effondrer. Et mon frère a eu cette image en disant, c'est marrant, c'est comme si on avait un pied ancré dans le sol et puis l'autre qui flottait dans les airs. Et en fait, parce que ça nous laissait face à de très nombreuses questions. Bien sûr, moi j'ai toujours su que j'avais un père, une mère, un frère, deux chiens. Mais là, j'apprenais en fait que j'avais... en moi une part d'inconnu. Et mon frère m'a dit, mais tu sais, c'est forcément, avec ces mots, tu sais que c'est forcément un type bien, regarde ce qu'on est devenu, etc. Je lui ai dit, mais moi, je pense qu'on est le fruit de notre éducation. Finalement, ce n'est pas quelqu'un que maman a choisi. Elle ne l'a jamais vu. Elle n'a jamais vu son visage. Et ma mère m'avait dit, oui, mais je pense que, enfin, te voyant, te voyant, voyant Pierre, je pense que votre... Vos donneurs, c'est forcément quelqu'un d'intelligent, de beau. Je dis oui, mais il peut être beau, intelligent et complètement détraqué. Oui, bien sûr. Et du coup,

  • #0

    se pose aussi la question de savoir si ton frère est ton frère venant du même donneur. Parce que là, vous n'avez pas l'info.

  • #1

    Exactement. En fait, mes parents me disent qu'on leur a dit que dans la mesure du possible, ils essaieraient de trouver le même donneur, mais ils n'en ont jamais eu la certitude. Et en fait, moi, je connaissais... J'avais lu des livres de personnes qui ont travaillé dans les séquos, les banques de sperme, et qui disent que... Pour certains couples, on faisait croire que c'était le même donneur, mais que finalement on changeait, parce qu'on en avait plus, mais on ne le disait pas. Pour pas gêner le processus, symboliquement, psychologiquement, etc.

  • #0

    Et un mensonge de plus.

  • #1

    Et donc je me dis, finalement, qu'est-ce qu'on en sait ? On ne se ressemble pas forcément avec mon frère. Et donc, c'est une des premières questions que je me pose. Je contacte la banque de sperme où nous avons été conçus. Donc, c'était à Necker. Et puis, j'apprends que ça a été transféré, enfin, elle a fermé. Donc, les dossiers sont transférés dans le 93 à Bondy. Donc, je les contacte avec mon frère et on leur demande si on est issus du même donneur.

  • #0

    Première démarche.

  • #1

    Voilà, première démarche. Est-ce que mon frère et moi, nous sommes issus du même donneur et on fait la démarche ensemble avec mon frère ? en leur expliquant qu'on vient d'apprendre qu'on est issu d'une PMI avec tir d'honneur, etc. Qu'on sait que le médecin qui a reçu nos parents s'appelait un tel, etc. Enfin, on donne les seules infos que nous avons. Et puis, on veut savoir s'ils ont un dossier, s'ils ont toujours un dossier, parce que je sais, moi, depuis les premières lois de bioéthique de 1994, que le dossier du donneur doit être conservé pendant une durée minimale de 40 ans. Mais évidemment, nous, on a été conçus avant ces premières lois. Et donc je me pose la question de savoir s'ils ont toujours un dossier et qu'est-ce qu'il contient comme information. C'est-à-dire, est-ce que vous avez des informations médicales, est-ce que vous avez juste le type d'informations qu'il contient. Et puis, on ne reçoit pas de réponse. Finalement, on me demande de prendre un rendez-vous sur place. J'étais lyonnaise à l'époque, je prends une journée de congé et je me rends à Bondy dans le 93, dans cet hôpital. Et puis là, la personne qui me reçoit... Il me dit, on ne peut rien vous dire, de toute façon, c'est anonyme. Et je dis, mais je ne comprends pas, vous m'avez fait déplacer. Mais vous avez peut-être besoin d'un soutien psychologique. On peut vous donner les adresses à Lyon. Et je me dis, mais non, mais pas du tout. Et puis, de toute façon, en fait, ça, c'est à moi d'en juger. J'ai 30 ans. D'ailleurs, vous ne savez peut-être pas si je suis en analyse ou pas. Et puis, de toute façon, ce n'est pas le sujet. Je suis venue chercher une information qui n'est pas protégée. par la loi, parce que ce qui est protégé, c'est l'anonymat du donneur, mais là, je ne vous demande pas le nom de mon donneur, je vous demande juste de savoir si mon frère et moi, on est issus du même donneur. Qu'est-ce que ça change pour vous de me donner cette information ? Et donc,

  • #0

    à ce moment-là, la loi, là, n'interdisait pas cette information.

  • #1

    C'est dans les textes, et moi qui suis juriste, je me dis, tout ce qui n'est pas interdit par la loi est autorisé, donc normalement, je dois pouvoir y accéder. Et là, on m'explique mais non, mais l'anonymat à la française, Ça couvre toute information, même tout ce qui ne permet pas d'identifier le donneur. En fait, toute information concernant ma conception. Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, tout ça, tout. Et là, je tombe des nues et je me dis, mais surtout, mais c'est pas du tout ce que j'ai en tête. Je sais que la Convention européenne des droits de l'homme protège le droit de connaître l'identité de ses géniteurs. Il protège le droit à la connaissance des origines personnelles. Et donc, je me dis, ça va pas se passer comme ça. En gros. Et l'après-midi, en fait, j'ai rendez-vous au sein d'une association. Parce que j'ai découvert l'existence d'un jeune homme qui s'appelle... Arthur, lorsque j'ai su que j'étais issue d'une PME avec tire d'honneur, j'ai cherché à savoir ce qui s'était passé avant 1994, parce qu'encore une fois, je connaissais très bien le droit de la bioéthique tel que je l'avais appris dans mes études, mais auparavant, avant 1994, il n'y avait pas de loi. Donc, est-ce que les donneurs étaient rémunérés ? Est-ce qu'on faisait beaucoup d'enfants avec le même donneur ? Bref, comment ça se passait ? Comment étaient recrutés les donneurs ? Et c'est comme ça que... J'ai découvert l'existence d'Arthur, qui a témoigné en 2006. C'est le premier à avoir témoigné en Europe sur le besoin de connaître ses origines. Alors lui, il a toujours su qu'il était issu d'une paix avec un tiers d'honneur. Oui,

  • #0

    c'est une histoire différente.

  • #1

    Lui,

  • #0

    il a toujours su.

  • #1

    Voilà, sa mère est psychanalyste. Et du coup, je pense que ça a probablement joué dans sa décision d'informer très tôt ses enfants de leur mode de conception avec un tiers d'honneur. Et... Et donc, Arthur, lui, il a toujours su, mais il était persuadé qu'à 18 ans, il aurait un dossier, il aurait des infos.

  • #0

    Oui, même s'il le sait, il n'est pas plus avancé que toi, en fait. C'est dans son histoire personnelle qui est différente, mais vous en êtes au même point, là. Tous les deux, au moment où vous vous rencontrez, toi, tu vas vers cette association.

  • #1

    Voilà, tout à fait. Et donc, entre-temps, je lis son livre qui s'appelle Né de spermatozoïdes inconnus C'est son premier témoignage qui a été... traduit en Europe, parce que c'est le premier témoignage d'une personne issue d'une PMA avec tir d'honneur qui dit, en fait, moi j'ai besoin de savoir d'où je viens. Je ne cherche pas un papa, je ne cherche pas un héritage, je ne cherche pas d'affection en particulier, je veux juste savoir d'où je viens et ce que je porte en moi, et ce que je vais transmettre à mes enfants. Parce que bien sûr, on transmet à ses enfants des valeurs, plein de choses, mais on transmet aussi des jeunes. Et donc je découvre l'histoire d'Arthur et je me retrouve dans cette association et en fait assez vite avec Arthur on se rend compte que on se comprend. Parfaitement. Il y a comme une évidence entre nous. Et c'est tellement troublant que ma mère, qui avait vu Arthur à plusieurs reprises dans les médias, me dit Tiens, c'est marrant, il ressemble à Pierre. Pierre, c'est mon frère. Et je commence à me dire qu'effectivement, en fait, finalement, rien n'exclut qu'on soit du même donneur. On pourrait très bien être du même donneur. Parce qu'à l'époque, il n'y avait que deux banques de sperme parisiennes.

  • #0

    Vous avez à peu près le même âge. Voilà.

  • #1

    On a tout besoin d'écart, mais avec la congélation, on fait exactement ce qu'on veut.

  • #0

    Oui, c'est vrai, on fait ce qu'on veut. Et puis, vous êtes de la même région aussi. Enfin, voilà, il y a plein de...

  • #1

    Oui, puis en fait, à l'époque, il y avait très peu de donneurs. Et on connaît des donneurs qui ont donné dans les deux banques de spermacoparavienne. Et donc, finalement, c'est possible.

  • #0

    Donc, très rapidement, quand vous étiez ensemble, il y a cette question.

  • #1

    Quand on tombe amoureux. Parce qu'en fait, pour être vraiment très claire, pendant très longtemps, ça a resté platonique. Parce que moi, j'avais vraiment la crainte de me dire, finalement, on est peut-être liés. génétiquement et je n'ai pas du tout envie de sortir avec mon demi-frère.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et donc, à l'époque, les tests ADN n'étaient pas du tout démocratisés comme aujourd'hui. Ils sont toujours illégaux en France, mais ils se pratiquent de plus en plus. Et heureusement. Mais à l'époque, on n'avait pas tellement de recours. Du coup, on a contacté une société belge. qui faisait des tests ADN et qui par chance avait une antenne dans le sud de la France et qui a accepté de nous faire un test ADN. Alors on l'a réglé en liquide un dimanche, 700 euros, et on a fait des tests ADN et on a reçu trois mois plus tard des résultats par la poste. Une sorte d'équation qui semblerait dire qu'ils n'étaient pas du même donneur, mais honnêtement ce généticien vendait aussi des filtres d'amour à base de fer. Il nous a proposé de faire un test de compatibilité HLA. On ne savait pas du tout quel crédit on devait y accroquer. Il avait un petit côté un peu charlatan. Et du coup, moi, j'avais quand même la crainte qu'on soit liés. Et en fait, c'est au moment de la naissance de notre premier enfant que trois semaines avant la naissance d'Esteban, ma gynécologue m'a envoyée en consultation en génétique pour faire des dépistages. de maladies génétiques récessives parce que la généticienne est partie du principe qu'on était consanguin et elle nous a dépisté deux maladies génétiques sur 2000 et par chance on n'était pas porteur des gènes mais elle m'a dit finalement on marche sur la tête, les informations existent moi je vais demander à savoir si vous êtes du même donneur votre mari et vous chose qu'on n'avait pas pu obtenir devant la justice En fait, trois semaines avant notre mariage, moi j'avais demandé, dites-nous au moins s'il fait la même taille, le même poids. Et nos pères étaient dans la salle. Et on nous a dit, mais non, on ne peut rien vous dire, c'est anonyme.

  • #0

    Vous avez été en justice pour avoir cette réponse, c'est ça ?

  • #1

    Oui, oui, oui. Alors en fait, oui. Pardon, je vais un petit peu vite. Quand j'ai cherché à savoir si mon frère et moi, on était du même donneur, et... Quand on m'a refusé cette information, je me suis dit, il faut que je saisisse la justice, parce que je sais que le droit est de notre côté. La Convention européenne des droits de l'homme dit que c'est un droit d'intérêt vital de connaître l'identité de ses géniteurs. Donc je vais demander à la justice, un, est-ce que mon frère et moi, on est ceux du même donneur ? Deux, est-ce que je peux connaître les antécédents médicaux de mon donneur ? Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature ? Est-ce qu'ils se comptent sur les doigts d'une main, en dizaines ou en centaines ? Parce qu'après, j'ai découvert des témoignages de donneurs qui ont mis au monde, en France, plusieurs centaines d'enfants. Et puis, comme je suis tombée amoureuse d'Arthur quand on s'est fiancés, j'ai demandé à savoir avant si on était issus ou non du même donneur. Et on a perdu devant la cour administrative, enfin on a perdu devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, trois semaines avant notre mariage. Et on s'est mariés quand même. On s'est mariés quand même, on a eu un premier enfant, et là, trois semaines avant la naissance d'Estéban, La généticienne obtient l'information que nos donneurs ne sont pas nés la même année et qu'ils ne font pas la même taille. Donc, ce n'est pas la même personne. Oui.

  • #0

    Donc là...

  • #1

    C'est pas né comme un bouchon de champagne. Ils sont péridurals, tout va bien. Et on est extrêmement...

  • #0

    Tu as toujours eu... Avant cette confirmation... T'étais comment par rapport à ça ? Au fond, comme on parlait d'intuition, tu sentais que vous n'étiez pas liée génétiquement ? Ou en fait, tu ne savais pas, tu étais perdue ?

  • #1

    Comment tu vivais ça ? Je ne savais pas du tout. Parce qu'en fait, je pense que c'est le fait d'avoir découvert très tardivement que j'ai mon mode de conception. Moi, ça m'a fait perdre confiance totalement dans le monde en général. Et du coup, j'avais beaucoup de mal à faire confiance en mon intuition. Et puis, moi, je faisais des cauchemars. J'accouchais, mais je ne voulais pas voir la tête de mon enfant. Vraiment, c'était une vraie angoisse.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et puis, on était très soulagés d'apprendre ça. Malheureusement, un an plus tard, le Conseil d'État va trancher mon dossier. Il va dire que je n'avais pas à avoir accès à cette information, que le médecin peut accéder à l'information, de savoir si deux personnes issues d'un don sont issues du même donneur, mais que la personne issue du don elle-même ne peut pas, même par l'intermédiaire d'un médecin. Donc là, les bras m'ont senti tomber. Je me suis dit que c'était vraiment dingue. C'est-à-dire qu'on aurait... On refuse tout, alors que je trouvais que mes demandes étaient quand même relativement modérées. Je demandais juste savoir si... Enfin, je ne sais pas, j'ai deux mille frères et sœurs dans la nature.

  • #0

    Oui, on parlait aussi de tout ce qui est génétique, de ce qui peut être impactant, encore en plus quand on est enceinte, de transmission, effectivement, de maladies, etc. Il y a tout un pan, en fait, aussi, de la santé qui te manque,

  • #1

    toi. Oui, c'est pour ça que je ne comprenais pas. Le problème, c'est que, justement, c'est des... Ce sont les médecins des banques de sperme qui étaient nos premiers opposants, alors qu'eux-mêmes sont bien au courant que c'est important pour nous de savoir, je ne sais pas moi, s'il y avait beaucoup de cancers du sein dans la famille. Moi, j'avais eu quatre biopsies du sein et deux cytoponctions. Forcément, c'est intéressant pour moi de savoir si j'ai une tante, si la sœur de mon donneur a eu un cancer du sein, par exemple. Et ça, je ne comprends pas qu'on nous refuse ces informations. Donc finalement, je saisis la Cour européenne des droits de l'homme en 2016 après avoir épuisé toutes les voies de recours internes puisque je demandais des éléments non identifiants, des informations qui ne concernent pas particulièrement le donneur plus que moi, comme j'ai deux mille frères et soeurs, est-ce que mon frère et moi on est du même donneur, est-ce que mon mari et moi on est du même donneur, quels sont mes antécédents médicaux, et puis pour ce qui est de mon donneur, s'il est encore en vie, contactez-le lui, posez-lui la question, est-ce qu'il serait d'accord pour que son identité me soit dévoilée. Il a le droit de dire oui ou non. Mais l'anonymat du donneur, ça a été inscrit dans la loi en 1994. Autrement dit, quand j'avais 14 ans. Donc on ne peut pas dire que mon donneur, on lui a promis l'anonymat, etc. Ça, ça n'existait pas. Il n'y avait pas de loi. Par exemple, là où j'ai été conçue à Necker, les donneurs étaient rémunérés. 100 francs à chaque don. Il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on pouvait faire avec le même donneur. Donc j'ai... probablement des dizaines de demi-frères et sœurs dans la nature. Peut-être même plus. Bref, il y a tout un tas d'informations, donc je voulais au moins qu'on pose la question à un endonneur.

  • #0

    S'il dit non, je respecterai sa décision. Sachant que même s'il dit oui, de toute façon, ça ne changerait rien à son statut. C'est-à-dire qu'il ne sera jamais reconnu comme un père vis-à-vis de moi. Tant mieux, moi ce n'est pas tout ce que je demande.

  • #1

    Ce n'est pas la démarche.

  • #0

    Il n'y aura pas de demande d'héritage, il n'y a pas de question de pension alimentaire, etc. C'est vraiment juste un besoin de savoir à qui je dois aussi la vie. Bien sûr, on n'est pas que le fruit de la biologie, mais... Sans la volonté de mes parents, je ne serais pas là, mais sans l'apport biologique de mon donard, je ne serais pas là. Et parfois on me dit, mais c'est juste des cellules, etc. Mais le problème, c'est que ces cellules-là, moi, elles me constituent. Le donard, il ne m'a pas donné un bras, un rang, un cœur, il m'a donné la vie. Et ce qu'il m'a donné, je le transmets à mes enfants aussi. Et en fait, on ne peut pas nous demander de ne pas y penser. Donc, on dit non.

  • #1

    Et est-ce que dans ce chemin aussi juridique que tu prends, tu es un ovni quelque part ? Est-ce que tu es une pionnière ? Est-ce qu'ils peuvent se dire, il y a d'autres cas, il y a d'autres personnes qui s'y intéressent, peut-être par le biais de votre association aussi, Comment tu te situes aussi ?

  • #0

    Alors, effectivement je suis une pionnière, mais comme c'est une première et que j'entendais beaucoup à l'époque une petite musique qui disait finalement la plupart des enfants issus d'une PMA avec tir d'honneur ne veulent pas connaître leur donneur, il n'y a qu'une minorité qui veut connaître, c'est des gens qui ont des problèmes psychologiques, qui ne s'entendent pas bien avec leurs parents, enfin on était affublés de tous les trucs. toutes les tartes possibles. En fait, ce dont je me suis aperçue, et ça, j'ai oublié de vous le dire, c'est important, c'est que, en fait, j'ai appris tardivement mon mode de conception, mais j'ai découvert que mon histoire est loin d'être singulière, parce qu'en fait, il y a, sur 10 personnes issues d'une PMA avec donneur, il y en a une qui le sait. Autrement dit, il y a 9 personnes sur 10 issues d'une PMA avec donneur. Donc, en France, il y a... Qui s'ignorent. Il y a 90 000 personnes issues d'une PMA avec donneur qui l'ignorent. Sur les 100 000 déjà conçus. C'est énorme, c'est énorme. Donc, forcément, il n'y en a pas beaucoup qui prennent la parole, parce que déjà, il n'y en a pas beaucoup qui savent qu'ils sont le site d'une PMA avec Pierre Donner. Et puis, c'est vrai que moi, j'ai pris un pseudonyme dans les médias. Donc, je m'appelle Kermal Vezem, parce que parler de mon mode de conception, c'est aussi mettre en lumière la stérilité de mon père. Et donc, ça implique... un tiers et voilà ça peut le gêner c'est pas simple en fait,

  • #1

    il y a beaucoup de choses dans tout ce que tu entreprends à la fois l'histoire personnelle juridique et médiatique en fait il y a beaucoup de choses qui s'entrebêlent tout à fait et donc c'est parce que c'est intime mais voilà,

  • #0

    moi je savais qu'il y avait énormément de personnes issues d'une PMA avec tiers d'honneur qui voulaient Au moins connaître leurs antécédents médicaux, à minima ça, et parfois, et souvent, connaître le donneur quand ils avaient un peu l'autorisation morale de le faire. C'est-à-dire que moi, je pense que mes parents et ceux d'Arthur ne se sont jamais sentis en danger. Ils savent qu'on les aime, ils savent que ce sont nos parents et qu'on n'a qu'un seul père. Et du coup, ils comprennent très bien qu'on n'est pas en recherche d'affection, qu'on a juste besoin de savoir d'où on vient. Et qu'après tout, si on y réfléchit, c'est un besoin fondamental. Et donc, avant de saisir la justice, j'ai lancé un appel dans l'association pour savoir qui souhaitait aussi faire cette démarche, pour ne pas être la seule, justement, pour ne pas comprendre du doigt comme étant la seule personne qui se poserait des questions. Et dedans, il y a une certaine Sophie qui m'a dit moi j'aimerais bien, avec mon frère, on souhaiterait saisir la justice Donc je ne les connaissais pas, j'ai découvert leur existence dans les dossiers. Et puis j'ai découvert qu'on était issus de la même banque de sperme, qu'on avait le même groupe sanguin qui est assez rare, il est porté que par 6% de la population. Et puis le jour de l'audience, je l'ai rencontré. Juste avant de plaider son dossier, on a bu un café et Arthur qui nous a vus... Ensemble, ils m'ont dit c'est marrant, vous avez la même manière de vous tenir, et puis le même grain de peau J'ai mis ça de côté et puis j'ai surtout ne me dit pas ça avant de rentrer dans la salle d'audience. J'ai plaidé son dossier et puis on est resté en contact pendant plusieurs années. J'ai appris qu'elle avait eu son agrégation, je l'ai informée des naissances de mes enfants, etc.

  • #1

    Un lien, quand même, quelque part, qui s'est créé, parce que, comme tu dis aussi, c'est singulier d'aller plaider pour... C'est une cause qui vous unit. Quoi qu'il en soit, il y avait déjà ça comme base pour créer ce lien.

  • #0

    Oui, tout à fait. Et c'est vrai qu'on a échangé pas mal aussi sur les caractères de nos frères. Là, pour le coup, il y avait comme une intuition. Mais je n'ai jamais osé vraiment la verbaliser. Et puis elle non plus. Mais on restait en lien dans le doute, un peu. Et puis en 2017, voyant que ça n'avançait pas du tout devant la justice, que ça avançait encore moins face aux politiques, j'y reviendrai, mais on a quand même beaucoup essayé de convaincre avant d'entreprendre des démarches un peu plus dures, judiciaires et autres. En 2017, on décide de faire un test ADN étranger. En fait, c'était de plus en plus... Alors,

  • #1

    tu dis 11, qui ?

  • #0

    Alors, 10 personnes issues d'une PM avec tiers d'honneur, et on fait ça dans notre salon, comme ils nous disent d'un coup. Et puis, il y a Arthur, mon frère. Sophie, son frère, les soeurs d'Arthur et puis plusieurs personnes qui sont devenues des amies, qui sont issues de l'association. Et les résultats tombent. Je me souviens, j'étais à une réunion à la crèche de mon fils jusqu'à 22 heures et je vois qu'Arthur a 6% d'ADN avec une certaine Laura. Je rentre, je dis à Arthur, il me dit Tu crois que c'est bien 6% ? On ne savait pas du tout ce que ça voulait dire. On a eu les résultats trois semaines après le test. On crache dans un tube, on le commande sur Internet, ça coûte à peine 100 euros. Et donc, trois semaines plus tard, on reçoit ces résultats, 6% d'ADN. Et puis, je découvre que Laura vit à Londres. Je vois sa photo, je me dis Tiens, ce n'est pas le contraire de toi Et en fait, très vite, Arthur la contacte sur LinkedIn. Et... Elle lui dit, oui, moi, j'ai fait le test il y a 10 ans, mais si tu veux, on peut s'appeler. Donc, 30 minutes plus tard, ils sont au téléphone sur WhatsApp. Et Arthur, il lui dit très clairement, voilà, moi j'ai fait le test parce que je recherche mes origines, je suis étudiante de PMA avec Pierre Donner, j'ai besoin de savoir qui est mon père biologique. Et Laura, elle lui répond, mais ça c'est la base. Et c'est génial parce qu'il n'y a pas besoin de la convaincre, elle est déjà convaincue de l'importance de savoir d'où on vient. Tout ça, ouais. Et il se trouve que Laura, elle avait fait le test dix ans plus tôt. Juste pour connaître ses origines géographiques, un peu pour le fun.

  • #1

    Plus pour le fun, oui.

  • #0

    Et en fait, le lendemain matin, elle contacte Arthur à 11h. Elle lui dit, ça y est, je sais. appelle-moi maintenant et en fait on a découvert que le donneur d'Arthur vivait à une heure et quart de chez nous près de Fontainebleau il s'appelle Gérard et bon après Arthur raconte comment il a pris contact avec lui parce que évidemment il ne s'agissait pas de lui envoyer d'aller sonner à sa porte en disant bon je ne crois pas parce que c'est pas un père comme un père pour Arthur et Et puis on ne voulait pas l'importuner, on ne voulait pas... Oui,

  • #1

    aussi dans sa vie.

  • #0

    Là, s'il a refait sa vie, si...

  • #1

    Ça implique beaucoup de choses. Pour vous, pour eux, pour tout le monde.

  • #0

    Oui, et du coup, finalement, on a découvert qu'à côté de la maison de Gérard, juste en face, il y avait un gîte. Et donc, on s'y est rendus avec nos enfants et on a essayé de regarder un peu dans le jardin pour voir si on voyait à quoi pouvait ressembler le fameux Gérard. et puis je vous cache pas qu'on est allé passer plusieurs fois le week-end dans les rues du petit village en se disant on sait jamais et on aurait jamais deviné parce qu'Arthur est très grand Gérard est assez petit et franchement si j'avais pas su comme ça, c'est vrai quand je les vois côte à côte en photo c'est évident qu'il y a quelque chose et d'ailleurs mes enfants aussi ont des traits de Gérard mais comme ça j'aurais peut-être pas deviné en le croisant dans la rue Et ce week-end-là, on n'a pas vu Gérard, mais en revanche, Arthur a décidé d'écrire une lettre. qu'il a fait remettre à ses voisins pour consigne de lui donner à lui et rien qu'à lui. Parce qu'on ne voulait pas le laisser dans la boîte aux lettres. On ne savait pas s'il avait refait sa vie, si ses enfants pouvaient tomber sur la lettre, etc. Donc ça, c'était pendant les vacances de la Toussaint. Et les voisins, finalement, on apprendra plus tard qu'ils lui donneront la lettre le 23 décembre. Donc pendant très longtemps, Arthur n'avait pas de nouvelles. Il a jugé son frère, c'était terrible. Et puis le 25 décembre, à 10h, Gérard appelle Arthur sur son téléphone en lui disant devine qui peut t'appeler le 25 décembre Et là, forcément, c'était magnifique. C'était magnifique parce qu'Arthur est le premier à avoir témoigné son besoin de connaître ses origines. S'il y a bien quelqu'un qui a remué ciel et terre pour connaître son donneur, c'est lui. Et par chance, il a gagné au loto génétique. Il a eu ce match direct. Et donc, il retrouve Gérard. Il met un petit moment avant de décider de se voir. Je pense qu'ils avaient besoin de temps, l'un et l'autre. Et puis, comme il a appris assez vite que Gérard avait une santé fragile, ils ont décidé de s'appeler tous les samedis matins. Et Arthur avait sa liste de questions et Gérard répondait à toutes les questions. Ce qu'il avait dit, de toute façon, qu'on s'entende ou pas, je m'engage à répondre à toutes tes questions. Vraiment un accueil formidable. Et en fait, ce qu'on va découvrir, c'est que Gérard, il était hyper content, en fait. C'est un côté réparateur pour lui aussi, d'être retrouvé et d'être désiré, entre guillemets, par Arthur. Parce qu'en fait, il a été... Sa mère l'a eu quand elle avait 44 ans. Et finalement, il est arrivé sur le tard. Et ce n'était pas forcément un enfant désiré. Il a...

  • #1

    Il a une propre histoire un peu difficile et du coup ça... ils se liaient tous les deux. En tout cas, il s'est passé quelque chose autour de cette rencontre, en fait.

  • #0

    Tout à fait. Et donc, ils sont toujours en lien. Et ce n'est pas un père. Ce n'est pas... C'est Gérard. Gérard, au début, ne savait pas tellement comment se positionner vis-à-vis d'Arthur. Parce que c'est une relation à inventer. Mais autant, Arthur avait toujours su qu'il avait un donneur. Donc, il savait qu'il avait un père, une mère et un donneur. Autant Gérard a découvert un peu l'insistance d'Arthur. Et au début, je me souviens, ça nous avait fait sourire, parce qu'au tout début, Arthur a appelé Gérard monsieur. Et puis Gérard lui dit, écoute, tu vas me tutoyer. Et puis tu vas m'appeler Gérard. Et moi, si papa et maman sont d'accord, je vais t'appeler mon bébé. Et là, on s'est dit, mais non, c'est pas possible. C'était mignon, mais c'était un peu décalé, parce que voilà, on était adultes, et puis c'était pas tellement ça qui venait chercher Arthur. Mais finalement, c'est vraiment quelqu'un d'adorable, et surtout qui accueille Arthur, qui prend très régulièrement de ses nouvelles, et ça fait du bien, en fait, finalement, de se retrouver.

  • #1

    Et qui apporte des réponses.

  • #0

    Tout à fait. Qui apporte des réponses, notamment, en fait, sur le... On a découvert... Gérard, il a été diagnostiqué d'une mutation génétique à l'âge de 65 ans. Et donc, dès qu'on l'a su, évidemment, on a fait dépister Arthur et nos enfants pour savoir s'ils étaient porteurs de cette mutation, parce que c'est une mutation qui entraîne des problèmes de coagulation du sang, donc ça peut être très grave, et lui, il a failli en mourir, Gérard. Mais par exemple, il y a beaucoup de choses que

  • #1

    Gérard apporte comme réponse. Et puis, qu'il peut éviter, santé, génétique, etc. Et du coup, ce test,

  • #0

    de ton côté... Et moi, je découvre... J'avais fait le test avec Sophie et son frère. Et Sophie m'envoie un message pour me dire, tu es la demi-sœur de David. David, c'est le frère de Sophie. Et alors, c'est vrai que... J'avais imaginé que je pouvais être la demi-sœur de Sophie, sans vraiment le verbaliser, mais je ne m'attendais pas à être la demi-sœur de Dabi. Et elle m'a dit, non mais en fait, tu es notre demi-sœur à tous les deux. Et donc je découvre que mon frère est vraiment mon frère génétiquement, puisqu'on a la même mère et le même géniteur. Et que donc Sophie a le même donneur que moi, et que son frère aussi. Et un des tout premiers trucs qu'elle me dit, je crois qu'il le savait au tribunal. Et c'est vrai que c'est agaçant de se dire qu'en fait tout le monde est au courant.

  • #1

    Eux ils ont ces infos, au tribunal ils peuvent...

  • #0

    En tout cas l'état français a les informations. C'est ça qui est assez... La question, c'est que finalement, tout le monde sait quelque chose de très intime sur nous. D'ailleurs, je me souviens, le jour de mon mariage avec Arthur, j'ai une de mes tantes qui m'a dit Ah, ça y est, ils te l'ont dit, tes parents. Et en fait, ma mère m'avait dit que seuls nos grands-parents étaient au courant, mais finalement, tout le monde était au courant, sauf moi.

  • #1

    Ça, c'est dur aussi. Oui.

  • #0

    et bon bref je découvre que je suis la demi-sœur de Sophie on est super contentes l'une et l'autre parce que finalement on l'avait senti il y avait ce lien déjà c'est fort ça et je me dis finalement mon inconscient en tout cas est peut-être pas si mauvais entre la bioéthique et le fait de me retrouver à plaider le dossier de Sophie c'est ça et donc je suis très contente parce que je me sens justement plus ancrée en voyant le visage de mon frère du coup je me dis que je peux imaginer un peu le visage de mon donneur et j'ai enfin des éléments un peu concrets pour ancrer cette réalité qu'on m'a livrée en 2009

  • #1

    Et encore une fois, tout ça, ça se passe en dehors, finalement, du droit français.

  • #0

    C'est totalement illégal. Moi, c'est pour ça que je m'y suis vraiment...

  • #1

    C'est illégal, on peut le faire, je veux dire...

  • #0

    On peut le faire, mais c'est pénalement répréhensible. Ah oui ? C'est la raison pour laquelle, moi, je m'y suis refusée pendant de nombreuses années. Déjà parce que, il fut un temps, c'était pas hyper démocratisé. Vous ne connaissez pas trop. Parce que là,

  • #1

    on a l'impression qu'on peut y avoir accès librement.

  • #0

    On peut y avoir accès librement. Alors, sur Internet, c'est devenu plus compliqué de se faire livrer en test ADN en France. D'accord. Depuis quelque temps, il faut se faire livrer à l'étranger. Vous pouvez aller sur le site de l'association Régine et on vous explique tout comment faire. Ce que je veux dire par là, c'est que ça reste quand même quelque chose d'illégal. Et moi, c'est vrai que le fait d'avoir obtenu cette information autrement que par la voie légale, ça m'a coûté. En fait, je ne voulais pas me mettre dans l'illégalité en tant qu'avocate. Et puis, j'étais vraiment convaincue que comme on demandait quelque chose d'assez modéré, je ne demandais pas un héritage, je ne demandais pas à ce qu'on déterre le corps de mon donneur pour faire un test ADN. Je demandais juste... qu'on pose la question à quelqu'un et qu'on respecte sa décision. Et qu'on me donne des informations qui ne font de mal à personne, qui concernent ma personne et mon frère ou mon mari. Et ta santé et tout ça. Et ça, c'est interdit et c'est même d'ordre public. Comme on considère que me livrer ce genre d'informations, ça porte atteinte à la sécurité publique. Enfin, à l'ordre public, en tout cas. Donc, c'est vrai que c'est assez curieux. Mais finalement, j'ai fait ce test. Et donc, j'étais contente d'avoir retrouvé Sophie et David. Mais ça faisait 4 personnes sur les 10 à être du même donneur. Et sachant que c'était rémunéré à Necker, qu'il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on faisait avec le même donneur, je me suis dit, on est combien en famille ? On était contents, mais on s'est dit, quand on va découvrir le cinquantième de mes frères et sœurs... on sera peut-être moins contents. Et aujourd'hui encore, je ne sais pas combien j'ai dit mes frères et sœurs dans la nature, et c'est vrai que c'est quelque chose qui m'angoisse aussi, parce que mes enfants pourraient potentiellement rencontrer des personnes issues du même donneur. Mais moi, je n'ai pas retrouvé mon donneur par ce biais-là. Arthur commençait à avoir des relations avec Gérard. Vous voyez,

  • #1

    vous recotez quelque chose.

  • #0

    Et puis, moi, je me disais que... Moi, il faut quand même que j'avance. J'avais lu que beaucoup de fondateurs des banques de sperme avaient donné eux-mêmes de leur propre sperme, parfois sans le dire. Et ça s'est beaucoup vu. Il y a plusieurs affaires comme ça aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, de fondateurs des banques de sperme qui ont en fait donné à Foison, faisant croire qu'ils faisaient appel à des donneurs, mais qui étaient l'unique donneur pour tous les couples qui se présentaient. Et donc, je me suis dit, c'est peut-être ce qui s'est passé à Necker. Donc, je vais contacter les fondateurs de la banque de sperme de Necker et je vais leur demander... si c'était possible. J'ai essayé de retrouver des gens qui avaient le même âge que moi à peu près pour leur demander si leur grand-père avait pu être donneur. Il y en a un qui m'a dit que c'était possible. Je ne peux pas vous assurer qu'il l'a donné, mais ce serait logique. Comme le même chercheur recruté des donneurs. Et donc, j'ai fini par lui envoyer la photo de ma demi-sœur, de mon demi-frère. Et il y en a un qui m'a dit, c'est dingue, il ressemble tellement à mon père. Donc, le fils du fondateur de la banque de sperme. Que je pense que c'est mon grand-père, votre donnant. Et il m'a dit, j'en ai la certitude. La photo a fait le tour de la famille. Mais on a trop peur pour les problèmes d'héritage, etc. Donc on ne fera jamais de test ADN. Mais il faut nous croire sur parole. Bon. Et là, je me suis dit... Bon. Alors, c'est possible. Mais quand mon fils était quelqu'un d'assez connu, un grand médecin, j'ai regardé des images de Lina. Ça ne te parlait pas trop. Et je n'arrivais pas à me retrouver dans son physique. Il est petit, trapu. Et même mon frère, ça ne ressemblait pas du tout. J'avais du mal à accrocher. Bon, grand médecin juif, alors je me suis mise à m'intéresser au judaïsme. On est parti en Israël, j'ai pris des cours d'hébreu. J'étais un peu dans cette phase un peu exploratoire, mais sans grande conviction. Donc,

  • #1

    tu étais dans la phase, tu explores, mais au fond, pas convaincue.

  • #0

    Voilà, et mon affaire, elle a été tranchée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre... Entre temps, la loi a changé. En fait, juste avant que mon affaire soit tranchée, la Cour a interrogé le gouvernement français pour savoir quelles étaient ses intentions dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique qui devait avoir lieu en 2021. Et sous-entendant que si la France ne modifiait pas sa loi, il y avait un risque de condamnation. pour mon respect du droit à la connaissance des origines personnelles. Donc il y avait bien des donneurs qui voulaient se faire connaître, sauf que le principe d'anonymat, c'est alors même que l'enfant serait d'accord, que les parents seraient d'accord, que le donneur serait d'accord, c'est d'ordre public. Donc ça veut dire que même quand tout le monde est d'accord, l'État français dit non. Et ce caractère d'ordre public, le Conseil d'État avait dit à plusieurs reprises dans des rapports en 2009, ça sent... En 2018, le comité consultatif national d'éthique, l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, énormément d'instances avaient pointé du doigt le caractère excessif de cet anonymat à la française qui s'impose même contre l'avis des premiers intéressés. Et donc la loi a changé. Et probablement que... Ma requête devant la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2016 et le fait qu'Arthur ait retrouvé son donneur et l'ait fait savoir publiquement, médiatiquement,

  • #1

    ça a contribué.

  • #0

    Je pense même que ça a été décisif. C'est-à-dire que, vraiment, si la loi n'avait pas changé... La France aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme parce que la Cour a fini par dire qu'on ne pouvait pas reprocher à la France d'avoir tardé à changer sa loi, mais qu'aujourd'hui il existait une commission. que les personnes comme moi peuvent saisir pour rechercher les donneurs et leur poser la question. Très exactement ce que je demandais depuis 2009. Et de la même manière, si le donneur dit non, tout s'arrête. Et si le donneur dit oui, alors la personne peut avoir accès à des informations qui peuvent aller jusqu'à son identité si le donneur est d'accord. Donc c'est exactement ce qu'on demandait depuis le début. Il y a plusieurs problèmes avec cette législation, même si c'est ce qu'on demandait, c'est que déjà ils ont mis 14 ans à changer la loi. Mais ça, la Cour européenne des droits de l'homme a dit C'est pas grave, maintenant il y a une commission. Oui,

  • #1

    c'est pas encore le temps, ça y est, c'est fait.

  • #0

    Aujourd'hui c'est fait, et donc vous avez le droit de saisir une commission. Le problème, c'est que moi j'ai saisi la commission en octobre 2022, dès qu'elle a été constituée. Et on m'a dit, on va rechercher votre donneur, on va voir s'il accepte de donner des éléments. Et puis, cinq mois et demi plus tard, on m'a dit, il s'avère que votre donneur est décédé.

  • #1

    Vous avez eu cette info ? Ils t'ont donné cette info ?

  • #0

    J'ai reçu un recommandé chez moi le 28 mars 2023. Il s'avère que votre donneur est décédé, je ne sais pas quand, il ne me dit pas quand, et que dès lors, nous devons opposer une fin de non-recevoir définitive à votre demande d'accès, que ce soit à son identité ou même à toute autre information, même non-identifiante. Donc, parce que mon donneur est décédé, je n'ai pas le droit de savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, je n'ai pas le droit de savoir officiellement si mon frère et moi, on est du même donneur, même si je le sais par un moyen détourné. Mais je n'ai pas le droit. Je n'ai pas eu le droit de le savoir. Officiellement, je n'ai pas le droit de savoir de quand est mort mon donneur et de quoi. Je n'ai rien le droit de savoir à son sujet parce qu'il est décédé. Mais. Et ça, c'est la version officielle, légale. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est pour ça que la loi est mal et imparfaite. C'est que si le donneur est décédé, tout s'arrête. Et je ne comprends pas pourquoi le législateur français a imposé de recueillir l'accord du donneur, y compris pour transmettre les éléments non identifiants. Parce que par hypothèse, c'est des éléments non identifiants. Savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature Je ne vois pas pourquoi le donneur aurait besoin de donner son accord, en fait. Qui ça concerne, sinon moi et mes demi-frères et sœurs ? De la même manière, les antécédents médicaux, c'est quand même quelque chose d'important, et donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir l'information. Et puis, on considère que, alors que l'anonymat a été voté 14 ans après ma naissance, donc forcément, par hypothèse, des années après le don... À l'origine de ma conception, on considère que mon donneur, son souhait, c'est d'être anonyme, y compris après sa mort, alors qu'il n'a jamais rien demandé de tel de son vivant. Et en parallèle, il y a un peu le même dispositif qui existe pour les personnes nées sous X, qui peuvent saisir le CNAOP, le Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles, depuis 2002. Et de la même manière, ça s'est passé devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, juste avant. Pour éviter à la France d'être condamnée, ils ont changé leur loi et ils ont mis en place le CNAOP. Et donc là, ils ont fait la même chose pour les dons. Sauf que le CNAOP, quand il contacte la femme qui a accouché sous X et qu'elle est décédée avant d'avoir pu être interrogée sur ses intentions, l'identité est transmise à l'enfant. Ah oui. Donc ça veut dire qu'on présume pas de volonté d'anonymat post-mortem pour la femme qui a accouché sous X. Et donc pourquoi faire différemment pour un donneur ? On peut au contraire se dire que peut-être que c'est plus lourd à assumer à titre posthume, je sais pas moi, vis-à-vis de son entourage, le fait d'avoir abandonné un enfant à un moment donné, parce que c'est un acte lourd. qu'on peut peut-être considérer comme honteux, alors que le don, c'est plutôt quelque chose qui est socialement valorisé. On ne peut pas les deux de la même manière. Oui, et moi, je ne vois pas de bonne raison à ça. Et l'autre, donc, ce qui me déplait dans la loi, c'est ça, c'est que quand le donneur est décédé, tout s'arrête, y compris les données non identifiantes. Qu'on part du principe qu'il est forcément, qu'on ne peut pas transmettre son identité alors qu'on le fait en matière d'accouchement sous X. Et puis... Surtout, en fait, la loi a changé. Aujourd'hui, ce qui est très bien, c'est que depuis le 1er septembre 2022, toute personne qui souhaite donner son sperme, ses ovocytes ou ses embryons ne peut le faire qu'à condition d'accepter, d'être identifiable 18 ans plus tard, enfin 18 ans et 9 mois plus tard, si l'enfant a sa majorité, on éprouve le besoin. Autrement dit, il n'y a plus que des donneurs ouverts. Il y a encore un anonymat, mais qui a duré déterminé pendant 18 ans, mais il est levable. si l'enfant en éprouve le besoin. Le problème, c'est que tous ces dons-là ne sont pas utilisés aujourd'hui. On continue à utiliser l'ancien stock de donneurs qui pourraient rester indéfiniment anonymes potentiellement jusqu'au... On pourra utiliser le nouveau stock à partir d'avril 2025. La justification, c'est de se dire, comme on va mettre fin à la conservation du ancien stock, c'est quand même terrible de jeter du sperme, etc. C'est ça curieux comme justification, parce que c'est pas... Qu'est-ce qui compte ? Est-ce qu'on est dans une logique comptable de vouloir faire plein d'enfants à tout prix ? Ou est-ce qu'on part du principe qu'on veut concevoir des enfants qui marchent sur leurs deux jambes et qui sont bien dans leur peau. Voilà, j'avoue avoir beaucoup de mal, alors que là, la directrice générale de l'agence de la biomédecine nous dit qu'aujourd'hui, il y a le nombre de donneurs à doubler depuis le changement de la loi.

  • #1

    Oui, c'est ça. Il y avait une crainte peut-être de la diminution, mais ce n'est pas du tout le cas.

  • #0

    Au contraire. En fait, c'est vrai que ça a toujours été le chiffon rouge qui a été appliqué par tout le monde en disant que le nombre de donneurs va chuter si on change la loi. Eh bien non. Il y a deux fois plus de donneurs qu'il y en avait auparavant. Et nous, on le savait parce qu'on avait le recul des États étrangers. La Suède a changé sa loi en 1984. Le Royaume-Uni l'a fait en 2003. Et à chaque fois, il n'y a pas eu de baisse du nombre de donneurs. Donc, on savait que ce serait la même chose en France, qu'il n'y aurait pas de chute du nombre de donneurs. Parce que, encore une fois, les donneurs sont protégés, il n'y a pas de question d'héritage, de filiation, c'est vraiment juste...

  • #1

    L'identité.

  • #0

    Oui. OK. Le droit de savoir.

  • #1

    Le droit de savoir.

  • #0

    Et puis, la Cour européenne des droits de l'homme a tranché mon affaire et a considéré que finalement, il n'y avait pas eu de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que je n'avais pas à savoir qui était mon donneur dès lors qu'il était décédé. Pourtant, dans une autre affaire, Jackie contre Suisse en 2006, elle avait condamné la Suisse. pour avoir refusé à M. Jaggi d'exhumer le cadavre de son père présumé. Alors lui, il n'était pas du tout issu d'une PMA avec tir d'honneur, mais sa mère lui avait dit je pense que ton papa, c'est ce monsieur Sauf qu'il n'en avait jamais eu la certitude et ce monsieur était décédé. Et donc M. Jaggi se rendait régulièrement au cimetière, payait même pour la concession au cimetière, puisque sa famille ne le faisait plus. Et un jour, il a dit mais moi, j'ai envie de savoir si c'est vraiment lui, mon père, en fait Et donc il a... demandait à faire un test ADN sur le cadavre. Et la famille s'y est opposée. La Suisse a refusé. Et la Cour européenne de droit d'homme a condamné la Suisse, les autorités suisses, au nom du droit à la connaissance de ses origines. Il n'y avait pas de problème de filiation, tout ça. C'était juste au nom du droit de savoir qui est son père. Et elle disait, mais M. Jaggi, il a 67 ans, il a témoigné d'une telle persévérance dans sa volonté de savoir d'où il venait que... Ça témoigne de souffrances morales qui sont peut-être pas médicalement constatées, mais évidentes. Au nom du droit à la connaissance des origines personnelles, M. Jaggi avait pu connaître l'identité de son géniteur. Moi, on m'a dit, vous avez le droit de saisir une commission, et comme votre donneur est décédé, vous n'aurez pas... Alors que je ne demandais pas l'exhumation du corps de mon donneur. Je demandais juste un nom dans un dossier. Ça, c'est pour la voie légale.

  • #1

    Comment tu... Ça a été une claque, ça.

  • #0

    Ça a été une énorme claque parce que, en fait, moi, je suis une... J'ai toujours cru en la justice. Avec Arthur, on s'est un peu répartis les rôles, même si on a été l'un et l'autre pas mal auditionnés à l'Assemblée, au Sénat, dans les ministères, à l'Élysée, à Matignon. Moi, j'ai toujours senti l'énorme décalage qu'il y avait dans la façon dont nos discours étaient reçus. Par exemple, pour te donner une anecdote, quand on était en 2010 à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la révision de la bioéthique, on était auditionnés avec un pédopsychiatre. Donc on avait l'un et l'autre 30 ans et 27 ans. Et puis il y avait un pédopsychiatre que les députés interrogeaient en disant est-ce que vous pourriez nous expliquer quel est le ressort psychique qui anime ces jeunes gens ? Et nous, on était là avec Arthur, on se disait mais en fait... On est là pour vous répondre si vous voulez. Et ce pédopsy avec lequel on n'avait jamais échangé le moindre mot a commencé à expliquer que la PMA avec Tire d'honneur, c'était comme une fiction et qu'il y avait des enfants qui n'arrivaient pas bien à comprendre la fiction. Et que comme on n'avait pas bien adhéré à la fiction, forcément on allait chercher ailleurs quelque chose qu'on aurait dû trouver dans notre foyer, etc. En gros, on était des mauvais parents. et que nos parents nous avaient pas bien dit les choses et que donc nos parents étaient des mauvais enfants et nos parents étaient des mauvais parents enfin bref et Arthur lui a dit mais vous savez nous on adore les fictions mais là il manque juste un personnage on est le fruit d'un père, d'une mère et d'un donneur

  • #1

    C'est votre réalité, c'est votre histoire et il manque quelque chose.

  • #0

    Et au même moment, il y avait une autre députée qui m'a dit, vous me faites penser à cette jeune fille qui se croyait issue d'Yves Montand, mais vous savez, votre donneur, c'est peut-être pas quelqu'un de connu, vous allez être déçus.

  • #1

    Le sujet n'était pas pris.

  • #0

    Et en fait, je me sentais complètement infantilisée. Je ne sais pas, moi j'étais avocate, j'avais des gros dossiers de licenciement avec beaucoup d'argent en jeu, etc. Et je me retrouvais là d'un coup complètement pointée. J'ai l'impression d'être complètement marginalisée, absolument pas respectée dans... Dans plus.

  • #1

    Ouais,

  • #0

    dans votre... Voilà. C'était juste une démarche d'information. C'est un peu comme la psychologue qui m'avait reçue au séco, en me disant, vous pourriez peut-être vous faire aider par un psy, mais déjà... que sais-tu de ma vie ? Je viens chercher une information.

  • #1

    C'est facile aussi de dire ça, d'avoir ces arguments-là aussi. C'est peut-être pour éviter justement de se dire que c'est des personnes qui n'ont pas d'autres demandes que celles qu'elles formulent en fait.

  • #0

    Oui, tout à fait. Moi, je pense qu'il y a eu vraiment... Il y a encore parfois sur ces sujets-là une forme d'inertie de la pensée. Comme du dogmatisme, c'est-à-dire que dès qu'on veut expliquer que la personne née sous X, par exemple, a besoin de connaître ses origines, c'est comme si on voulait mettre à mal le droit des femmes. C'est pas le sujet en fait, c'est juste qu'on peut très bien comprendre qu'une femme au moment où elle accouche ait besoin d'un secret absolu, parce qu'elle n'est pas dans une position qui lui permet d'assumer cet enfant, et il y a parfois des histoires dramatiques derrière, parfois peut-être un peu moins, mais dans tous les cas c'est jamais un choix facile, c'est un état de nécessité, donc on peut comprendre qu'il y a un secret absolu au moment de la naissance, mais que ce secret soit maintenu toute la vie de l'enfant, et parfois même après la mort de la femme. Ça, là, pour le coup, on bascule dans l'excès. C'est-à-dire que le secret doit être modulé en fonction du temps qui s'écoule. Il y a un moment donné, je ne comprends pas qu'on oppose tout le temps le droit de la femme et le droit de l'enfant. L'enfant, ça devient une femme aussi, ou parfois un homme, mais en tout cas, il y a une conciliation possible. Il y a une conciliation possible entre les deux et je pense que sur ces sujets aujourd'hui, il y a trop de dogmatisme et de... Oui, quelque chose, une forme d'inertie de la pensée qui empêche de voir les choses concrètement. Qu'est-ce qui empêcherait de prévoir un anonymat à durée déterminée pour la femme qui accouche, sous X, mais qui permettrait à l'enfant de savoir à qui il doit être né ? En fait, c'est juste un besoin fondamental. Je pense qu'aujourd'hui, je ne sais pas si tu sais, mais en Suisse et en Allemagne, le droit de connaître ses origines, c'est un droit constitutionnel. Moi, je pense que le droit de connaître ses origines... Ça doit être inscrit dans la Constitution aussi, parce que c'est vraiment quelque chose aujourd'hui... qui fait qu'on ne mesure pas le caractère inhumain de priver les gens de leur histoire, et en fait de priver les gens de liens. Parfois on m'a dit, mais vous savez, il y a des histoires dramatiques, a-t-on vraiment besoin de connaître la tête du violeur de sa mère ? Et en fait j'ai envie de dire, mais de toute façon ça, ça regarde qui, sinon la personne concernée. Moi je pense que, c'est mon point de vue, mais... Moi, la réalité, même si elle est terrible, je pense qu'on peut la travailler, on peut la dépasser. Parfois, ça peut prendre des années de psychanalyse et autres, mais un point d'interrogation, on ne peut pas le dépasser. Parce qu'on n'a rien sur lequel s'ancrer. Il y a peut-être des gens qui ne voudront jamais savoir, et je les respecte totalement. Mais le droit de connaître ses origines, c'est comme le droit à l'IVG ou le droit de vote. Je pense que certaines personnes n'en useront jamais. jamais. Et c'est leur choix. Mais d'autres, on éprouve un besoin absolu, et c'est leur choix aussi. Et le droit de connaître ses origines, pour moi, ça doit être quelque chose du même ordre.

  • #1

    C'est ton combat et c'est ton action.

  • #0

    Oui. Tu n'as jamais ? Oui, moi, je continuerai de me battre, parce que je pense que aujourd'hui, quand on a aboli la peine de mort, les gens étaient résolument pour, parce qu'il y avait cette inertie de la pensée où on se disait, mais Finalement, œil pour œil, dent pour dent, cette personne a fait quelque chose de terrible, donc on a le droit de lui ôter la vie. Là, je sais que la comparaison peut paraître excessive. Moi, c'est juste que je veux faire prendre conscience qu'on ampute à vie une personne de la connaissance sur soi, sur elle-même, alors que c'est quelqu'un qui n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, les personnes nées sous X, dont on parle souvent comme des enfants, moi, c'est des personnes que je connais qui, pour certains, sont grand-père ou grand-mère, et qui portent encore en eux la blessure d'avoir été abandonnées. Et... Je ne peux pas savoir à qui ils doivent la vie. Et moi, heureusement, heureusement que, finalement... J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai pas été entendue par la justice. Et je le regrette amèrement parce que ce que je voulais, c'était faire bouger les lignes pour que d'autres ne soient pas dans la même situation que moi. Mais moi aussi, j'ai fini par gagner de l'autogénétique, puisque j'ai eu un match avec une Américaine. Donc j'ai fait tous les tests ADN qui existent sur le marché, en faisant livrer à l'étranger, etc. Et puis un jour, je reçois... 1% d'ADN partagé avec une américaine qui s'appelle Linda. Et donc je contacte Linda, je lui demande si... Je lui explique que je cherche mon donneur, etc. Et elle me dit... Moi je fais beaucoup de généalogie, et j'ai une branche française, si tu veux je peux te mettre en contact avec Suzanne. et c'est ma branche française évidemment je suis preneuse et en fait deux jours plus tard je reçois un mail de Suzanne avec une photo une photo d'un petit garçon de 13 ans et en fait je me vois, je vois mon frère je vois mes enfants Et je suis sûre que c'est mon donneur. Et Suzanne me dit, j'ai vu votre photo sur Facebook, et en fait, vous me faites tellement penser à mon frère, c'est Philippe. Et donc, elle m'apprend qu'elle ne savait pas que son frère avait été donneur, mais qu'elle s'est renseignée auprès de son autre frère, et qu'effectivement, il a donné un équerre, à des dates qui correspondent à ma naissance et celle de mon frère, que malheureusement, il est décédé d'un accident aux Etats-Unis. J'ai effrayé. franco-américain.

  • #1

    Et donc, ça lie aussi... Bon, qu'il soit décédé, ça correspond aussi à ce que tu avais eu comme info juridique. Mais en tout cas, ce que tu disais aussi, c'est que là, la justice ne voulait pas, mais la vie t'a donné ta réponse, en fait.

  • #0

    C'est la belle histoire dans l'histoire. Oui, tout à fait. Alors, bien sûr que je regrette... Je pourrais jamais échanger avec Philippe, mais là où ils sont vraiment géniaux, c'est que Suzanne, elle nous a vraiment accueillis. mon frère, ma demi-sœur et mon demi-frère et moi, comme une chance. Elle adorait son grand-frère. Elle me dit qu'il est parti trop tôt et qu'en fait, il n'avait pas d'enfant. Donc pour elle, on est une continuité de Philippe. Et elle m'a dit c'est formidable que vous fassiez partie de la famille. et en fait c'est ça qui est dingue c'est que la justice me dit non au nom de et en fait ils sont super contents de nous connaître et Suzanne elle est adorable parce qu'elle m'a envoyé la chanson préférée de Philippe je connais beaucoup d'informations médicales qui sont très importantes et que maintenant je peux enfin transmettre à mon médecin j'ai énormément de questions d'anecdotes, de photos. La dernière fois, elle a encore retrouvé une nouvelle boîte avec des vieilles photos. Et c'est vraiment... C'est très amusant parce que... Je me vois, je vois mon frère.

  • #1

    Oui, il y a des choses génétiquement. Il fait partie, comme tu disais au début, il a permis à ce que tu sois là. Il fait partie de toi aussi.

  • #0

    Et puis, c'était pas Yves Montand, mais il a eu des petits rôles dans des films. Du coup, j'ai même des images animées. J'ai...

  • #1

    C'est un petit clin d'œil pour la réponse.

  • #0

    Oui, ça m'a fait rigoler parce que je me suis dit voilà, mais j'avais pas complètement tort. Il a joué dans des films comme La Septième Compagnie au clair de lune. C'est des trucs super connus qu'on voit à la télé. Il était dedans. Et puis, le seul truc qui me fait un peu bizarre, c'est d'apprendre qu'il a vécu à Paris vraiment à deux pas du cabinet où je travaillais et que si ça se trouve, on s'est croisés, si ça se trouve, on s'est vus à la boulangerie.

  • #1

    Le café, du coup.

  • #0

    Ça, ça me... Oui. Ça me fait un peu mal parce que je me dis finalement, si j'avais su tout ça plus tôt, j'aurais pu le rencontrer. Mais en tout cas, j'ai beaucoup de chance. Il avait l'air d'être quelqu'un de fabuleux. Et ça m'a énormément apporté de savoir qui il était. J'aurais aimé l'apprendre de manière légale, mais en même temps, je l'ai appris de façon... J'ai trouvé toute seule et je suis très contente. C'est beau aussi. Il me reste à savoir si on a d'autres demi-frères et sœurs.

  • #1

    Oui, et puis ton combat aussi pour justement tous les... Les autres aussi,

  • #0

    qui ont encore leur réponse. Oui, surtout les autres, parce qu'en fait, tous ceux qui sont déjà conçus, donc les 100 000 personnes déjà conçues, et toutes les personnes qui sont en train d'être conçues jusqu'à mars 2025, pourraient se retrouver dans la même situation que moi. Si le donneur est décédé, et ça veut dire que les parents sont dans une position un peu impossible, c'est-à-dire qu'on leur dit, il faut dire très tôt à votre enfant qu'il est issu d'un donneur, ça veut dire qu'ils vont dire à leur enfant, alors tu es issu d'un donneur, et est-ce que je pourrais savoir qui il est ? Je ne sais pas, ça dépend s'il est encore vivant quand tu saisis la commission, quand tu as atteint tes 18 ans, et s'il est décédé, tu ne pourras pas savoir. S'il dit non, tu ne pourras pas savoir non plus. C'est extrêmement inconfortable et moi j'aurais aimé que la loi change tout de suite parce qu'on a les gamètes nécessaires pour le faire. Parce qu'encore une fois, là pour le coup ce n'est pas moi qui le dis, c'est un droit fondamental d'intérêt vital et la Cour européenne des droits d'hommes l'a redit dans mon dossier, c'est un aspect sur lequel elle a... Vous avez vraiment raison et c'est tellement d'intérêt vital que les gens, le veuillent ou non, nous cherchons et nous trouvons. Et voilà pourquoi je limite aussi pour la légalisation des tests ADN. J'aimerais que ce soit encadré et qu'on ne soit pas obligé de donner notre ADN à l'étranger parce que c'est des sociétés qui...

  • #1

    Oui, tu donnes des données et tu donnes autre chose aussi. Tu donnes des infos qui seront utilisées.

  • #0

    Moi, je voudrais qu'on fasse ça en France et qu'on l'encadre. Limite que si ça doit faire l'objet de recherche, mais que ça profite à nous. Je cherche français.

  • #1

    Bon, est-ce que tu peux, pour clôturer cet échange et ton histoire, et comprendre bien à quel point tu investis, nous donner aussi ta définition de l'action, pour toi, agir, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça implique aussi, peut-être, pour toi ?

  • #0

    Moi, c'était vraiment... Je me suis dit, si je n'affronte pas le sujet, si je fais l'autruche, parce que dans un premier temps, je me suis dit, peut-être que je peux oublier ce qu'on vient de me transmettre et me dire, non, j'ai qu'un père, une mère, deux chiens, un frère, comme avant. Je vais finir par faire une grave dépression à 50 ans. Pour moi, c'était absolument indispensable de me mettre en mouvement pour... pour combler ce vide intérieur et toutes ces questions que j'avais. Et surtout, ce qui m'a motivée, c'était de me dire je veux que mon histoire serve. Je veux que personne ne se trouve un jour confronté à cette situation. Moi, je me suis sentie enfermée dans un sas. L'histoire qu'on m'avait confiée auparavant, mon père et mon géniteur, cette histoire-là, une porte venait se fermer dessus. Mais la deuxième porte, celle qui s'ouvrait sur qui est mon géniteur, elle était fermée à double tour. Donc je me suis trouvée enfermée. dans un sas avec que des questions et j'avais l'impression que ma vie était mise entre parenthèses pendant ces 15 dernières années. Et ça, je voulais que personne n'y soit confrontée un jour et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire et c'est pour ça que je vais continuer à tenter de sensibiliser. Je te remercie encore une fois de m'avoir donné la parole parce que je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissances sur le sujet, qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire, mais donc ça passera peut-être plus par la justice mais j'ai perpétué J'ai pas espoir de convaincre nos décideurs. Et voilà, je vais continuer. Eh bien,

  • #1

    bravo à toi. Merci d'avoir partagé ton histoire, ton engagement au micro d'El Zagis. Et puis, je mettrai aussi les liens pour qu'on puisse te contacter, qu'on puisse avoir accès aux informations de l'association. Voilà, pour continuer. Et comme tu dis, ton combat, ton engagement peut prendre une forme différente. Mais il sera toujours là, en tout cas.

  • #0

    tout à fait merci beaucoup Audrey merci à toi

  • #2

    J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. Et n'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté Elsagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com A très bientôt !

  • #0

    C'est...

Description

Aujourd'hui, je reçois au micro d'elles Agissent Audrey Kermalvezen, Avocate de formation, aujourd'hui journaliste, spécialisée en droit social et bioéthique et co-fondatrice de l'association ORIGINES


Dans cet épisode nous allons retracer son parcours extraordinaire.

Elle a découvert qu'elle était née grâce au don d'une tierce personne à l'âge de 29 ans, elle a dû réapprendre à se connaître après une telle révélation. Les difficultés pour exprimer ses sentiments, la confirmation d'un lien indéniable avec ses parents mais aussi la naissance d'un sentiment nouveau. Apprendre à vivre avec le manque d'une partie d'elle-même, comment arriver à se comprendre pleinement sans avoir toutes les pièces du puzzle. 


Audrey entreprend alors une quête pour retrouver son donneur, espérant trouver des réponses sur son identité. Cependant, cette recherche est ponctuée d'innombrables rebondissements et de découvertes surprenantes.


Lors de cette recherche, elle rencontre Arthur, son futur mari, qui a également vécu une histoire similaire. Le dilemme se pose alors : pourraient-ils être, par hasard, demi-frère et sœur ? Cette crainte les hante au début de leur relation, jusqu'à ce qu'ils décident de faire un test ADN pour savoir s'ils ont un lien de parenté. Des questions aussi primordiales restent sans réponses dans le parcours d'une personne en quête de son donneur apportant son lot de frustration, de peur et d'angoisse. 

Cette histoire, à la fois passionnante et complexe, met en lumière l'importance de l'identité et du besoin de connaître ses origines.


Malgré les obstacles, Audrey reste déterminée à découvrir la vérité sur son passé, même lorsqu'elle se heurte à des blocages juridiques et administratifs.


Nous mettons aussi l'accent sur le sujet de l'anonymat dans les lois françaises dans le cadre de dons de gamètes, ainsi qu'une autre épreuve à laquelle Audrey ne s'attendait pas : son infantilisation qu'elle a pu ressentir tout au long de ses démarches.


Malgré les épreuves et les impasses juridiques, Audrey refuse de se taire. Elle utilise les médias, les podcasts (comme aujourd'hui dans Elles Agissent) et la presse pour faire entendre sa voix et son combat. À la fin de notre échange, vous saurez où en est Audrey dans sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur.

 Un récit fort, poignant, vrai d'une femme en quête de son identité. 

Pour elle l'action c'est d'abord pour combler ce vide intérieur mais aussi pour que son histoire serve. 



Biblio et références :

  • Livre "Né de spermatozoïde inconnu", Arthur Kermalvezen et Blandine de Dinechin, éd. Presse de la Renaissance et J'ai lu.

  • Livre "Le fils", Arthur Kermalvezen et Charlotte Rotman, ed. L'iconoclaste et livre de poche

  • Lien vers l'arrêt de la CEDH Gauvin-Fournis contre France du 7 septembre 2023 devenu définitif le 19 février 2024 : 

https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-226422%22]}


Photo de couverture : Zeineb Belkourati

Musique de l'épisode : Garçon de plage


https://associationorigines.com/


Audrey Kermalvezen-Fournis :

Co-fondatrice de l'association ORIGINES www.associationorigines.com

Spécialiste de la bioéthique

#Pour le droit de connaître ses origines

#Pour une PMA à visage humain

#Pour la transformation de l'accouchement sous X en accouchement secret pendant 18 ans

#Pour la légalisation des tests ADN



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour et bienvenue dans Elles agissent, le podcast qui donne la parole aux femmes qui font bouger les choses. A chaque épisode, je donnerai la parole à une femme pour qu'elle nous présente son univers, son métier, ses convictions. Ce sera aussi l'occasion pour elle de nous parler d'un sujet en particulier qu'elle affectionne ou qu'elle souhaite nous présenter. Ce sont des femmes inspirantes qui nous poussent à nous interroger, à réfléchir, à avancer. Et moi, à chaque fin d'épisode, je suis vraiment motivée pour agir et j'espère que ce sera pareil pour vous. Aujourd'hui, je reçois Audrey Kermavelzen, qui est journaliste et avocate spécialisée dans les questions de bioéthique. On retrace ensemble comment elle a appris qu'elle était née par un don d'une tierce personne à 29 ans. Elle leur s'en est suivie des difficultés à en parler, l'évidence des sentiments pour ses parents, mais aussi l'impression de manquer d'un quelque chose pour se comprendre complètement. Alors Audrey va se mettre en quête de son donneur, des informations qui pourraient lui permettre de comprendre qui elle est vraiment. De cette quête où elle cherche à savoir naîtra d'innombrables rebondissements. Dès le début de son chemin, elle se rend compte des oublis, des manquements, des absurdités dans ce domaine Je vous laisse découvrir l'ensemble de son histoire aux multiples rebondissements A la fois passionnante et complexe, qui permet de comprendre l'importance de l'identité, de comprendre d'où l'on vient Une histoire, vous le verrez, qui mêle le juridique et le personnel Ou quand la quête de savoir se bloque à l'état Et même s'il n'a plus de recours avec la loi possible pour faire entendre sa voix et son engagement Elle continuera par passer par des médias, les podcasts, comme ici, ou la presse Elle fera entendre sa voix et sa détermination Et vous verrez à la fin de l'épisode, vous saurez où en est Audrey de sa quête personnelle pour découvrir l'identité de son donneur Je vous laisse donc en compagnie d'Audrey et de son récit où, multiples rebondissements, nous permettons de mieux comprendre ce domaine et ses enjeux autour de l'identité Bonne écoute Bonjour Audrey.

  • #1

    Bonjour Emilie.

  • #0

    Merci d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie de t'accueillir à mon micro.

  • #1

    Je te remercie, je te remercie surtout de me donner la parole. et de pouvoir mettre en lumière ce combat qui me tient à cœur.

  • #0

    Avec grand plaisir. Alors justement, on va revenir sur quel est ce combat et ce que tu mets en place justement pour faire boucher les choses. Mais avant, on va revenir un petit peu aussi sur ton histoire et sur tout ton parcours, tout ton chemin. Est-ce que déjà tu peux te présenter, nous dire qui tu es, de la manière dont tu souhaites, à la fois personnellement et professionnellement, qui es-tu ?

  • #1

    Je m'appelle Audrey, Kermal Vezenne dans les médias pour tous les sujets de bioéthique. Je m'appelle Audrey Gauvin-Fournise dans ma vie privée et professionnelle. Je suis aujourd'hui rédactrice dans une maison d'édition juridique. Auparavant, j'étais avocate et j'ai deux spécialités, le droit du travail, le droit social et la bioéthique. La bioéthique, c'est une spécialité que j'ai choisie un peu par hasard après mes études de droit parce que j'ai toujours hésité entre eux. Le droit et la médecine et la bioéthique, c'est un point du droit sur lequel tout restait à faire. Donc, je l'ai vraiment fait comme une récréation.

  • #0

    Alors que ?

  • #1

    Alors qu'en fait, je suis tombée dans la bioéthique quand j'étais petite, un peu comme Obélix. Mais ça, je l'apprendrai bien plus tard. J'ai oublié de vous dire que j'ai trois enfants aussi.

  • #0

    Oui, bien sûr.

  • #1

    Voilà, et j'ai 43 ans. Donc, j'apprendrai bien plus tard. En fait, j'ai fait un troisième site. en droit de la bioéthique après mes études de droit européen. Et six ans plus tard, j'ai découvert que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur.

  • #0

    Alors, comment ça est arrivé dans ta vie, cette annonce, cette nouvelle ?

  • #1

    Alors, j'avais 29 ans et en fait, tous les deux étaient conçus par PMA avec tir d'honneur, mon frère et moi, et on l'ignorait tous les deux. Mon frère jusqu'à ses 32 ans et moi jusqu'à l'âge de 32. de 29 ans. Et en fait, c'est vrai que je me suis spécialisée en droit de la bioéthique, donc je connaissais bien ce sujet-là. J'échangeais d'ailleurs régulièrement sur le sujet avec ma mère, qui est infirmière puricultrice et qui s'intéressait beaucoup à ce sujet. Et puis, mon frère, de son côté, a consulté une naturopathe qui lui a dit qu'il y avait peut-être quelque chose à creuser du côté de sa naissance. Et en fait, ça faisait plusieurs années que ma mère voulait absolument nous dire qu'on était issus d'une PMA avec Tire Donner, parce qu'elle avait très peur qu'on le découvre par hasard.

  • #0

    Autrement, oui.

  • #1

    Autrement, par exemple, elle avait vu un reportage sur les tests ADN et elle avait très peur que... Qu'un jour on le découvre, autrement elle se disait que si c'était le cas la confiance serait définitivement rompue. Et puis donc mon frère consulte cette naturopathe et puis finalement mes parents s'accordent pour nous dire la vérité. Et donc moi je suis vraiment tombée des nues. Je pensais, je l'ai vraiment vécu comme une trahison. Je pensais pas qu'on ait pu me mentir. mentir sur quelque chose d'aussi énorme pendant aussi longtemps.

  • #0

    En fait, ils ont reculé le moment de vous l'annoncer, ou ils se sont dit on vous le dira plus tard, ou ils n'avaient pas de plan et puis en fait c'est le temps à passer. Est-ce que tu as su ça ?

  • #1

    Oui, alors en fait, ils avaient fait un pacte. La condition posée pour recourir à cette technique de procréation médicalement assistée, c'était que personne n'en sache jamais rien. Et donc ça... Ça peut paraître curieux, mais il faut savoir que c'était vraiment la norme à l'époque. Oui. Et d'ailleurs, même aujourd'hui, on continue de choisir un donneur qui ressemble au membre stérile du couple. On choisit la même couleur de peau, des yeux, des cheveux, la même taille, le même poids. Et on pousse la ressemblance jusqu'au groupe sanguin du parent stérile pour que l'enfant, en cours de biologie, lorsqu'on apprend comment se transmettent les résus sanguins, ne déteste pas. Le pauvre pas qui n'est pas le fruit biologique de ses deux parents. Et donc en fait, on crée toutes les conditions du secret. Et mes parents se sont dit, un peu comme tout le monde à l'époque, finalement si on crée toutes les conditions du secret, c'est que probablement il est préférable de ne pas le dire. Et c'est vrai qu'ils en avaient acquis la conviction, c'était de se dire, finalement si on ne dit rien à l'enfant, il ne se sentira pas différent et c'est peut-être mieux ainsi. Sauf que... Évidemment, moi, ça faisait six ans que je m'intéressais de très près à la procréation médicalement assistée avec tiers d'honneur. Mon frère qui faisait des questions, au final, ils se sont dit que peut-être on savait quelque chose. Et d'ailleurs, ma mère pensait que j'avais déjà deviné.

  • #0

    Oui, parce que c'est fou quand même d'avoir choisi ce chemin-là, cette voie-là, inconsciemment peut-être.

  • #1

    Oui, certains diront que c'est le hasard, d'autres pencheront plutôt pour le pouvoir. dans l'inconscient je pense effectivement que c'est probablement par hasard de toute façon après coup on se repasse le fil moi je me suis repassé un peu le fil des 29 ans auparavant et je me souviens par exemple quand j'étais petite je voulais absolument avoir un petit frère ou une petite soeur et j'étais très insistante sur le sujet et un jour mon père s'est fâché comme jamais en disant on t'a dit que c'était pas possible Et je n'avais pas compris cette réaction, comme je ne comprenais pas non plus pourquoi, quand on allait chez le médecin, ma mère ne parlait jamais des antécédents médicaux de mon père ou de sa famille, alors qu'il y a eu beaucoup de cancers. Et je me disais, oui, j'ai oublié. Et puis voilà, quand j'étais petite aussi, je faisais tout le temps un rêve récurrent. Il y avait un monsieur qui venait me chercher et il y avait tout le temps mon frère dans ce rêve, ma mère, mais jamais mon père. Et forcément, quand on se repasse le fil, on se dit que peut-être que ce monsieur, c'était... C'était le donneur que je... Pré-santé, enfin... En tout cas, on sent des choses. Les secrets de famille, même quand c'est pas verbalisé, je pense que ça transpire d'une manière ou d'une autre.

  • #0

    Et donc là, tu apprends, les choses sont dites, et là, c'est le coup de massue, c'est même pas ça, c'est...

  • #1

    En fait, c'est un énorme choc parce que je... Alors, ça remet absolument pas en cause les liens que j'ai avec mon père. Au contraire, la première chose que je fais, c'est l'appeler... et lui dire merci papa. En gros, j'espère que tu es d'accord pour qu'on soit toujours père et fille parce que moi, je n'ai pas du tout envie que nos liens s'arrêtent. Et lui me dit, mais écoute Audrey, c'est pour toi que ça peut changer quelque chose. Moi, j'ai toujours su. Oui,

  • #0

    c'est vrai.

  • #1

    Sauf que moi, je l'ai vraiment vécu comme une forme de désaveu. Je me disais, maintenant, on est adulte et c'est une façon pour lui de lui dire la comédie a duré assez longtemps. Maintenant vous êtes grand, on n'est plus obligé de faire semblant, je ne suis pas votre père, ciao bye bye. Et en fait ce n'était pas du tout dans cet esprit-là, mais moi j'ai eu cette crainte en tout cas. Donc ça nous a plutôt renforcés avec mon père. En revanche, dans les tout premiers temps, c'était compliqué d'en parler. Je me souviens que la première fois qu'on s'est vus, après que j'ai su la nouvelle, on a passé un déjeuner ensemble à parler de la pluie et du beau temps. Et à la fin j'ai essayé de lui parler, il m'a dit avec les larmes aux yeux, Écoute, moi j'en ai assez bavé il y a 30 ans, j'ai pas du tout envie de rouvrir le sujet. Alors que pour toi... Alors que moi je venais de l'apprendre, donc forcément j'étais pas du tout dans cette... Dans cette optique-là, et c'est vrai que dans mes études de droit de la bioéthique, j'en avais entendu parler, de l'anonymat du donneur, de plein de choses, mais je n'avais jamais vraiment perçu les choses, enfin il y a certains aspects que je n'avais absolument pas perçus avant d'y être confrontée personnellement. Par exemple, je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de limite à la congélation et à l'utilisation du sperme. C'est-à-dire que ne le sachant pas, ne sachant pas que j'étais issue d'une PMA avec tir d'honneur, j'aurais pu recourir à une PMA avec tir d'honneur. et à cette occasion, être inséminée par le sperme de mon propre géniteur.

  • #0

    C'est possible, ça.

  • #1

    C'est possible, oui. Parce qu'en fait, il n'y a pas de traçabilité et il n'y a pas de limite dans le temps. Et alors, certes, ça peut paraître... Enfin, la probabilité est assez faible, mais elle existe quand même. Et en fait, ça démontre que le sujet... Il y a certains aspects du sujet qui, et ça on ne peut pas en vouloir aux pionniers qu'on y a emplacé la technique, n'a pas été pensé jusqu'au bout.

  • #0

    Il y a tellement de cas de figure, il y a tellement de choses qui rentrent en compte qu'il y a des oublis, il y a des manquements là, clairement.

  • #1

    Voilà, mais à la rigueur, moi je me dis, c'est normal qu'ils n'aient pas pensé à tout. D'ailleurs, quand l'anonymat a été mis en place au début, on s'est dit, c'est la moins mauvaise solution, même si tout le monde convenait que ça pouvait ne pas convenir aux enfants. mais lorsqu'ils grandissent et lorsqu'ils témoignent c'est bien de prendre en compte leurs paroles parce que autant on ne peut pas en vouloir au début de ne pas avoir écouté les bébés qui n'étaient pas encore là autant aujourd'hui quand on a des retours d'expérience ça se voit complètement dessus ça paraît inconcevable

  • #0

    donc tu apprends ça avec ton père ça va plutôt bien lui il ne veut pas en parler mais vous arrivez à vous dire des choses et avec ta mère Ma mère, comment tu prends la chose, comment tu vis, comment votre relation après se construit, se transforme, évolue ou reste, comment ça se passe ?

  • #1

    Alors ma mère, sur le coup, je l'en veux beaucoup parce que je... On avait vraiment une relation de confiance. Ma mère, c'est une adepte de Françoise Dolto. Je ne pouvais pas imaginer qu'elle m'ait mentie, en fait. On me dit que ce n'est pas un mensonge, c'est une omission. Mais si, parce que j'ai posé des questions. J'avais demandé si j'avais été adoptée. Certes, je n'ai pas formulé l'hypothèse du don de gamètes, mais je me posais quand même des questions et je n'ai jamais eu des réponses à côté. Et surtout, en fait, avec mon frère, Mon frère, je vois qu'il le vit plutôt comme un soulagement. Donc pas qu'il se... Il était content de ne pas tenir de mon père, mais parce qu'il pressentait qu'il y avait quelque chose, il ne se reconnaissait pas, par exemple, à l'adolescence, dans le physique de mon père. Et donc, quelque part, il se dit, mon intuition était bonne. Et moi, sur le coup, je me pose beaucoup de questions. Donc j'ai un sentiment de trahison. Je mets un petit peu de temps à pardonner, même assez longtemps, parce que vraiment, je... Je leur en veux. Ma mère m'explique qu'elle a attendu qu'on soit en âge d'être parents avec mon frère pour nous le dire. Mon père rend chéri en disant qu'effectivement, ils avaient peur que ce soit déstabilisant. Et donc, ils ont attendu qu'on soit sur des rails professionnellement, sentimentalement. Et c'est vrai que moi, j'étais devenue avocate. J'étais fiancée. J'avais une vie assez stable. Et c'était un coup de tonnerre, vraiment. Un coup de tonnerre,

  • #0

    oui.

  • #1

    Moi, j'ai eu l'impression... Le fait que je m'étais construite sur un château de cartes et que le château de cartes venait de s'effondrer. Et mon frère a eu cette image en disant, c'est marrant, c'est comme si on avait un pied ancré dans le sol et puis l'autre qui flottait dans les airs. Et en fait, parce que ça nous laissait face à de très nombreuses questions. Bien sûr, moi j'ai toujours su que j'avais un père, une mère, un frère, deux chiens. Mais là, j'apprenais en fait que j'avais... en moi une part d'inconnu. Et mon frère m'a dit, mais tu sais, c'est forcément, avec ces mots, tu sais que c'est forcément un type bien, regarde ce qu'on est devenu, etc. Je lui ai dit, mais moi, je pense qu'on est le fruit de notre éducation. Finalement, ce n'est pas quelqu'un que maman a choisi. Elle ne l'a jamais vu. Elle n'a jamais vu son visage. Et ma mère m'avait dit, oui, mais je pense que, enfin, te voyant, te voyant, voyant Pierre, je pense que votre... Vos donneurs, c'est forcément quelqu'un d'intelligent, de beau. Je dis oui, mais il peut être beau, intelligent et complètement détraqué. Oui, bien sûr. Et du coup,

  • #0

    se pose aussi la question de savoir si ton frère est ton frère venant du même donneur. Parce que là, vous n'avez pas l'info.

  • #1

    Exactement. En fait, mes parents me disent qu'on leur a dit que dans la mesure du possible, ils essaieraient de trouver le même donneur, mais ils n'en ont jamais eu la certitude. Et en fait, moi, je connaissais... J'avais lu des livres de personnes qui ont travaillé dans les séquos, les banques de sperme, et qui disent que... Pour certains couples, on faisait croire que c'était le même donneur, mais que finalement on changeait, parce qu'on en avait plus, mais on ne le disait pas. Pour pas gêner le processus, symboliquement, psychologiquement, etc.

  • #0

    Et un mensonge de plus.

  • #1

    Et donc je me dis, finalement, qu'est-ce qu'on en sait ? On ne se ressemble pas forcément avec mon frère. Et donc, c'est une des premières questions que je me pose. Je contacte la banque de sperme où nous avons été conçus. Donc, c'était à Necker. Et puis, j'apprends que ça a été transféré, enfin, elle a fermé. Donc, les dossiers sont transférés dans le 93 à Bondy. Donc, je les contacte avec mon frère et on leur demande si on est issus du même donneur.

  • #0

    Première démarche.

  • #1

    Voilà, première démarche. Est-ce que mon frère et moi, nous sommes issus du même donneur et on fait la démarche ensemble avec mon frère ? en leur expliquant qu'on vient d'apprendre qu'on est issu d'une PMI avec tir d'honneur, etc. Qu'on sait que le médecin qui a reçu nos parents s'appelait un tel, etc. Enfin, on donne les seules infos que nous avons. Et puis, on veut savoir s'ils ont un dossier, s'ils ont toujours un dossier, parce que je sais, moi, depuis les premières lois de bioéthique de 1994, que le dossier du donneur doit être conservé pendant une durée minimale de 40 ans. Mais évidemment, nous, on a été conçus avant ces premières lois. Et donc je me pose la question de savoir s'ils ont toujours un dossier et qu'est-ce qu'il contient comme information. C'est-à-dire, est-ce que vous avez des informations médicales, est-ce que vous avez juste le type d'informations qu'il contient. Et puis, on ne reçoit pas de réponse. Finalement, on me demande de prendre un rendez-vous sur place. J'étais lyonnaise à l'époque, je prends une journée de congé et je me rends à Bondy dans le 93, dans cet hôpital. Et puis là, la personne qui me reçoit... Il me dit, on ne peut rien vous dire, de toute façon, c'est anonyme. Et je dis, mais je ne comprends pas, vous m'avez fait déplacer. Mais vous avez peut-être besoin d'un soutien psychologique. On peut vous donner les adresses à Lyon. Et je me dis, mais non, mais pas du tout. Et puis, de toute façon, en fait, ça, c'est à moi d'en juger. J'ai 30 ans. D'ailleurs, vous ne savez peut-être pas si je suis en analyse ou pas. Et puis, de toute façon, ce n'est pas le sujet. Je suis venue chercher une information qui n'est pas protégée. par la loi, parce que ce qui est protégé, c'est l'anonymat du donneur, mais là, je ne vous demande pas le nom de mon donneur, je vous demande juste de savoir si mon frère et moi, on est issus du même donneur. Qu'est-ce que ça change pour vous de me donner cette information ? Et donc,

  • #0

    à ce moment-là, la loi, là, n'interdisait pas cette information.

  • #1

    C'est dans les textes, et moi qui suis juriste, je me dis, tout ce qui n'est pas interdit par la loi est autorisé, donc normalement, je dois pouvoir y accéder. Et là, on m'explique mais non, mais l'anonymat à la française, Ça couvre toute information, même tout ce qui ne permet pas d'identifier le donneur. En fait, toute information concernant ma conception. Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, tout ça, tout. Et là, je tombe des nues et je me dis, mais surtout, mais c'est pas du tout ce que j'ai en tête. Je sais que la Convention européenne des droits de l'homme protège le droit de connaître l'identité de ses géniteurs. Il protège le droit à la connaissance des origines personnelles. Et donc, je me dis, ça va pas se passer comme ça. En gros. Et l'après-midi, en fait, j'ai rendez-vous au sein d'une association. Parce que j'ai découvert l'existence d'un jeune homme qui s'appelle... Arthur, lorsque j'ai su que j'étais issue d'une PME avec tire d'honneur, j'ai cherché à savoir ce qui s'était passé avant 1994, parce qu'encore une fois, je connaissais très bien le droit de la bioéthique tel que je l'avais appris dans mes études, mais auparavant, avant 1994, il n'y avait pas de loi. Donc, est-ce que les donneurs étaient rémunérés ? Est-ce qu'on faisait beaucoup d'enfants avec le même donneur ? Bref, comment ça se passait ? Comment étaient recrutés les donneurs ? Et c'est comme ça que... J'ai découvert l'existence d'Arthur, qui a témoigné en 2006. C'est le premier à avoir témoigné en Europe sur le besoin de connaître ses origines. Alors lui, il a toujours su qu'il était issu d'une paix avec un tiers d'honneur. Oui,

  • #0

    c'est une histoire différente.

  • #1

    Lui,

  • #0

    il a toujours su.

  • #1

    Voilà, sa mère est psychanalyste. Et du coup, je pense que ça a probablement joué dans sa décision d'informer très tôt ses enfants de leur mode de conception avec un tiers d'honneur. Et... Et donc, Arthur, lui, il a toujours su, mais il était persuadé qu'à 18 ans, il aurait un dossier, il aurait des infos.

  • #0

    Oui, même s'il le sait, il n'est pas plus avancé que toi, en fait. C'est dans son histoire personnelle qui est différente, mais vous en êtes au même point, là. Tous les deux, au moment où vous vous rencontrez, toi, tu vas vers cette association.

  • #1

    Voilà, tout à fait. Et donc, entre-temps, je lis son livre qui s'appelle Né de spermatozoïdes inconnus C'est son premier témoignage qui a été... traduit en Europe, parce que c'est le premier témoignage d'une personne issue d'une PMA avec tir d'honneur qui dit, en fait, moi j'ai besoin de savoir d'où je viens. Je ne cherche pas un papa, je ne cherche pas un héritage, je ne cherche pas d'affection en particulier, je veux juste savoir d'où je viens et ce que je porte en moi, et ce que je vais transmettre à mes enfants. Parce que bien sûr, on transmet à ses enfants des valeurs, plein de choses, mais on transmet aussi des jeunes. Et donc je découvre l'histoire d'Arthur et je me retrouve dans cette association et en fait assez vite avec Arthur on se rend compte que on se comprend. Parfaitement. Il y a comme une évidence entre nous. Et c'est tellement troublant que ma mère, qui avait vu Arthur à plusieurs reprises dans les médias, me dit Tiens, c'est marrant, il ressemble à Pierre. Pierre, c'est mon frère. Et je commence à me dire qu'effectivement, en fait, finalement, rien n'exclut qu'on soit du même donneur. On pourrait très bien être du même donneur. Parce qu'à l'époque, il n'y avait que deux banques de sperme parisiennes.

  • #0

    Vous avez à peu près le même âge. Voilà.

  • #1

    On a tout besoin d'écart, mais avec la congélation, on fait exactement ce qu'on veut.

  • #0

    Oui, c'est vrai, on fait ce qu'on veut. Et puis, vous êtes de la même région aussi. Enfin, voilà, il y a plein de...

  • #1

    Oui, puis en fait, à l'époque, il y avait très peu de donneurs. Et on connaît des donneurs qui ont donné dans les deux banques de spermacoparavienne. Et donc, finalement, c'est possible.

  • #0

    Donc, très rapidement, quand vous étiez ensemble, il y a cette question.

  • #1

    Quand on tombe amoureux. Parce qu'en fait, pour être vraiment très claire, pendant très longtemps, ça a resté platonique. Parce que moi, j'avais vraiment la crainte de me dire, finalement, on est peut-être liés. génétiquement et je n'ai pas du tout envie de sortir avec mon demi-frère.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et donc, à l'époque, les tests ADN n'étaient pas du tout démocratisés comme aujourd'hui. Ils sont toujours illégaux en France, mais ils se pratiquent de plus en plus. Et heureusement. Mais à l'époque, on n'avait pas tellement de recours. Du coup, on a contacté une société belge. qui faisait des tests ADN et qui par chance avait une antenne dans le sud de la France et qui a accepté de nous faire un test ADN. Alors on l'a réglé en liquide un dimanche, 700 euros, et on a fait des tests ADN et on a reçu trois mois plus tard des résultats par la poste. Une sorte d'équation qui semblerait dire qu'ils n'étaient pas du même donneur, mais honnêtement ce généticien vendait aussi des filtres d'amour à base de fer. Il nous a proposé de faire un test de compatibilité HLA. On ne savait pas du tout quel crédit on devait y accroquer. Il avait un petit côté un peu charlatan. Et du coup, moi, j'avais quand même la crainte qu'on soit liés. Et en fait, c'est au moment de la naissance de notre premier enfant que trois semaines avant la naissance d'Esteban, ma gynécologue m'a envoyée en consultation en génétique pour faire des dépistages. de maladies génétiques récessives parce que la généticienne est partie du principe qu'on était consanguin et elle nous a dépisté deux maladies génétiques sur 2000 et par chance on n'était pas porteur des gènes mais elle m'a dit finalement on marche sur la tête, les informations existent moi je vais demander à savoir si vous êtes du même donneur votre mari et vous chose qu'on n'avait pas pu obtenir devant la justice En fait, trois semaines avant notre mariage, moi j'avais demandé, dites-nous au moins s'il fait la même taille, le même poids. Et nos pères étaient dans la salle. Et on nous a dit, mais non, on ne peut rien vous dire, c'est anonyme.

  • #0

    Vous avez été en justice pour avoir cette réponse, c'est ça ?

  • #1

    Oui, oui, oui. Alors en fait, oui. Pardon, je vais un petit peu vite. Quand j'ai cherché à savoir si mon frère et moi, on était du même donneur, et... Quand on m'a refusé cette information, je me suis dit, il faut que je saisisse la justice, parce que je sais que le droit est de notre côté. La Convention européenne des droits de l'homme dit que c'est un droit d'intérêt vital de connaître l'identité de ses géniteurs. Donc je vais demander à la justice, un, est-ce que mon frère et moi, on est ceux du même donneur ? Deux, est-ce que je peux connaître les antécédents médicaux de mon donneur ? Combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature ? Est-ce qu'ils se comptent sur les doigts d'une main, en dizaines ou en centaines ? Parce qu'après, j'ai découvert des témoignages de donneurs qui ont mis au monde, en France, plusieurs centaines d'enfants. Et puis, comme je suis tombée amoureuse d'Arthur quand on s'est fiancés, j'ai demandé à savoir avant si on était issus ou non du même donneur. Et on a perdu devant la cour administrative, enfin on a perdu devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, trois semaines avant notre mariage. Et on s'est mariés quand même. On s'est mariés quand même, on a eu un premier enfant, et là, trois semaines avant la naissance d'Estéban, La généticienne obtient l'information que nos donneurs ne sont pas nés la même année et qu'ils ne font pas la même taille. Donc, ce n'est pas la même personne. Oui.

  • #0

    Donc là...

  • #1

    C'est pas né comme un bouchon de champagne. Ils sont péridurals, tout va bien. Et on est extrêmement...

  • #0

    Tu as toujours eu... Avant cette confirmation... T'étais comment par rapport à ça ? Au fond, comme on parlait d'intuition, tu sentais que vous n'étiez pas liée génétiquement ? Ou en fait, tu ne savais pas, tu étais perdue ?

  • #1

    Comment tu vivais ça ? Je ne savais pas du tout. Parce qu'en fait, je pense que c'est le fait d'avoir découvert très tardivement que j'ai mon mode de conception. Moi, ça m'a fait perdre confiance totalement dans le monde en général. Et du coup, j'avais beaucoup de mal à faire confiance en mon intuition. Et puis, moi, je faisais des cauchemars. J'accouchais, mais je ne voulais pas voir la tête de mon enfant. Vraiment, c'était une vraie angoisse.

  • #0

    Bien sûr.

  • #1

    Et puis, on était très soulagés d'apprendre ça. Malheureusement, un an plus tard, le Conseil d'État va trancher mon dossier. Il va dire que je n'avais pas à avoir accès à cette information, que le médecin peut accéder à l'information, de savoir si deux personnes issues d'un don sont issues du même donneur, mais que la personne issue du don elle-même ne peut pas, même par l'intermédiaire d'un médecin. Donc là, les bras m'ont senti tomber. Je me suis dit que c'était vraiment dingue. C'est-à-dire qu'on aurait... On refuse tout, alors que je trouvais que mes demandes étaient quand même relativement modérées. Je demandais juste savoir si... Enfin, je ne sais pas, j'ai deux mille frères et sœurs dans la nature.

  • #0

    Oui, on parlait aussi de tout ce qui est génétique, de ce qui peut être impactant, encore en plus quand on est enceinte, de transmission, effectivement, de maladies, etc. Il y a tout un pan, en fait, aussi, de la santé qui te manque,

  • #1

    toi. Oui, c'est pour ça que je ne comprenais pas. Le problème, c'est que, justement, c'est des... Ce sont les médecins des banques de sperme qui étaient nos premiers opposants, alors qu'eux-mêmes sont bien au courant que c'est important pour nous de savoir, je ne sais pas moi, s'il y avait beaucoup de cancers du sein dans la famille. Moi, j'avais eu quatre biopsies du sein et deux cytoponctions. Forcément, c'est intéressant pour moi de savoir si j'ai une tante, si la sœur de mon donneur a eu un cancer du sein, par exemple. Et ça, je ne comprends pas qu'on nous refuse ces informations. Donc finalement, je saisis la Cour européenne des droits de l'homme en 2016 après avoir épuisé toutes les voies de recours internes puisque je demandais des éléments non identifiants, des informations qui ne concernent pas particulièrement le donneur plus que moi, comme j'ai deux mille frères et soeurs, est-ce que mon frère et moi on est du même donneur, est-ce que mon mari et moi on est du même donneur, quels sont mes antécédents médicaux, et puis pour ce qui est de mon donneur, s'il est encore en vie, contactez-le lui, posez-lui la question, est-ce qu'il serait d'accord pour que son identité me soit dévoilée. Il a le droit de dire oui ou non. Mais l'anonymat du donneur, ça a été inscrit dans la loi en 1994. Autrement dit, quand j'avais 14 ans. Donc on ne peut pas dire que mon donneur, on lui a promis l'anonymat, etc. Ça, ça n'existait pas. Il n'y avait pas de loi. Par exemple, là où j'ai été conçue à Necker, les donneurs étaient rémunérés. 100 francs à chaque don. Il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on pouvait faire avec le même donneur. Donc j'ai... probablement des dizaines de demi-frères et sœurs dans la nature. Peut-être même plus. Bref, il y a tout un tas d'informations, donc je voulais au moins qu'on pose la question à un endonneur.

  • #0

    S'il dit non, je respecterai sa décision. Sachant que même s'il dit oui, de toute façon, ça ne changerait rien à son statut. C'est-à-dire qu'il ne sera jamais reconnu comme un père vis-à-vis de moi. Tant mieux, moi ce n'est pas tout ce que je demande.

  • #1

    Ce n'est pas la démarche.

  • #0

    Il n'y aura pas de demande d'héritage, il n'y a pas de question de pension alimentaire, etc. C'est vraiment juste un besoin de savoir à qui je dois aussi la vie. Bien sûr, on n'est pas que le fruit de la biologie, mais... Sans la volonté de mes parents, je ne serais pas là, mais sans l'apport biologique de mon donard, je ne serais pas là. Et parfois on me dit, mais c'est juste des cellules, etc. Mais le problème, c'est que ces cellules-là, moi, elles me constituent. Le donard, il ne m'a pas donné un bras, un rang, un cœur, il m'a donné la vie. Et ce qu'il m'a donné, je le transmets à mes enfants aussi. Et en fait, on ne peut pas nous demander de ne pas y penser. Donc, on dit non.

  • #1

    Et est-ce que dans ce chemin aussi juridique que tu prends, tu es un ovni quelque part ? Est-ce que tu es une pionnière ? Est-ce qu'ils peuvent se dire, il y a d'autres cas, il y a d'autres personnes qui s'y intéressent, peut-être par le biais de votre association aussi, Comment tu te situes aussi ?

  • #0

    Alors, effectivement je suis une pionnière, mais comme c'est une première et que j'entendais beaucoup à l'époque une petite musique qui disait finalement la plupart des enfants issus d'une PMA avec tir d'honneur ne veulent pas connaître leur donneur, il n'y a qu'une minorité qui veut connaître, c'est des gens qui ont des problèmes psychologiques, qui ne s'entendent pas bien avec leurs parents, enfin on était affublés de tous les trucs. toutes les tartes possibles. En fait, ce dont je me suis aperçue, et ça, j'ai oublié de vous le dire, c'est important, c'est que, en fait, j'ai appris tardivement mon mode de conception, mais j'ai découvert que mon histoire est loin d'être singulière, parce qu'en fait, il y a, sur 10 personnes issues d'une PMA avec donneur, il y en a une qui le sait. Autrement dit, il y a 9 personnes sur 10 issues d'une PMA avec donneur. Donc, en France, il y a... Qui s'ignorent. Il y a 90 000 personnes issues d'une PMA avec donneur qui l'ignorent. Sur les 100 000 déjà conçus. C'est énorme, c'est énorme. Donc, forcément, il n'y en a pas beaucoup qui prennent la parole, parce que déjà, il n'y en a pas beaucoup qui savent qu'ils sont le site d'une PMA avec Pierre Donner. Et puis, c'est vrai que moi, j'ai pris un pseudonyme dans les médias. Donc, je m'appelle Kermal Vezem, parce que parler de mon mode de conception, c'est aussi mettre en lumière la stérilité de mon père. Et donc, ça implique... un tiers et voilà ça peut le gêner c'est pas simple en fait,

  • #1

    il y a beaucoup de choses dans tout ce que tu entreprends à la fois l'histoire personnelle juridique et médiatique en fait il y a beaucoup de choses qui s'entrebêlent tout à fait et donc c'est parce que c'est intime mais voilà,

  • #0

    moi je savais qu'il y avait énormément de personnes issues d'une PMA avec tiers d'honneur qui voulaient Au moins connaître leurs antécédents médicaux, à minima ça, et parfois, et souvent, connaître le donneur quand ils avaient un peu l'autorisation morale de le faire. C'est-à-dire que moi, je pense que mes parents et ceux d'Arthur ne se sont jamais sentis en danger. Ils savent qu'on les aime, ils savent que ce sont nos parents et qu'on n'a qu'un seul père. Et du coup, ils comprennent très bien qu'on n'est pas en recherche d'affection, qu'on a juste besoin de savoir d'où on vient. Et qu'après tout, si on y réfléchit, c'est un besoin fondamental. Et donc, avant de saisir la justice, j'ai lancé un appel dans l'association pour savoir qui souhaitait aussi faire cette démarche, pour ne pas être la seule, justement, pour ne pas comprendre du doigt comme étant la seule personne qui se poserait des questions. Et dedans, il y a une certaine Sophie qui m'a dit moi j'aimerais bien, avec mon frère, on souhaiterait saisir la justice Donc je ne les connaissais pas, j'ai découvert leur existence dans les dossiers. Et puis j'ai découvert qu'on était issus de la même banque de sperme, qu'on avait le même groupe sanguin qui est assez rare, il est porté que par 6% de la population. Et puis le jour de l'audience, je l'ai rencontré. Juste avant de plaider son dossier, on a bu un café et Arthur qui nous a vus... Ensemble, ils m'ont dit c'est marrant, vous avez la même manière de vous tenir, et puis le même grain de peau J'ai mis ça de côté et puis j'ai surtout ne me dit pas ça avant de rentrer dans la salle d'audience. J'ai plaidé son dossier et puis on est resté en contact pendant plusieurs années. J'ai appris qu'elle avait eu son agrégation, je l'ai informée des naissances de mes enfants, etc.

  • #1

    Un lien, quand même, quelque part, qui s'est créé, parce que, comme tu dis aussi, c'est singulier d'aller plaider pour... C'est une cause qui vous unit. Quoi qu'il en soit, il y avait déjà ça comme base pour créer ce lien.

  • #0

    Oui, tout à fait. Et c'est vrai qu'on a échangé pas mal aussi sur les caractères de nos frères. Là, pour le coup, il y avait comme une intuition. Mais je n'ai jamais osé vraiment la verbaliser. Et puis elle non plus. Mais on restait en lien dans le doute, un peu. Et puis en 2017, voyant que ça n'avançait pas du tout devant la justice, que ça avançait encore moins face aux politiques, j'y reviendrai, mais on a quand même beaucoup essayé de convaincre avant d'entreprendre des démarches un peu plus dures, judiciaires et autres. En 2017, on décide de faire un test ADN étranger. En fait, c'était de plus en plus... Alors,

  • #1

    tu dis 11, qui ?

  • #0

    Alors, 10 personnes issues d'une PM avec tiers d'honneur, et on fait ça dans notre salon, comme ils nous disent d'un coup. Et puis, il y a Arthur, mon frère. Sophie, son frère, les soeurs d'Arthur et puis plusieurs personnes qui sont devenues des amies, qui sont issues de l'association. Et les résultats tombent. Je me souviens, j'étais à une réunion à la crèche de mon fils jusqu'à 22 heures et je vois qu'Arthur a 6% d'ADN avec une certaine Laura. Je rentre, je dis à Arthur, il me dit Tu crois que c'est bien 6% ? On ne savait pas du tout ce que ça voulait dire. On a eu les résultats trois semaines après le test. On crache dans un tube, on le commande sur Internet, ça coûte à peine 100 euros. Et donc, trois semaines plus tard, on reçoit ces résultats, 6% d'ADN. Et puis, je découvre que Laura vit à Londres. Je vois sa photo, je me dis Tiens, ce n'est pas le contraire de toi Et en fait, très vite, Arthur la contacte sur LinkedIn. Et... Elle lui dit, oui, moi, j'ai fait le test il y a 10 ans, mais si tu veux, on peut s'appeler. Donc, 30 minutes plus tard, ils sont au téléphone sur WhatsApp. Et Arthur, il lui dit très clairement, voilà, moi j'ai fait le test parce que je recherche mes origines, je suis étudiante de PMA avec Pierre Donner, j'ai besoin de savoir qui est mon père biologique. Et Laura, elle lui répond, mais ça c'est la base. Et c'est génial parce qu'il n'y a pas besoin de la convaincre, elle est déjà convaincue de l'importance de savoir d'où on vient. Tout ça, ouais. Et il se trouve que Laura, elle avait fait le test dix ans plus tôt. Juste pour connaître ses origines géographiques, un peu pour le fun.

  • #1

    Plus pour le fun, oui.

  • #0

    Et en fait, le lendemain matin, elle contacte Arthur à 11h. Elle lui dit, ça y est, je sais. appelle-moi maintenant et en fait on a découvert que le donneur d'Arthur vivait à une heure et quart de chez nous près de Fontainebleau il s'appelle Gérard et bon après Arthur raconte comment il a pris contact avec lui parce que évidemment il ne s'agissait pas de lui envoyer d'aller sonner à sa porte en disant bon je ne crois pas parce que c'est pas un père comme un père pour Arthur et Et puis on ne voulait pas l'importuner, on ne voulait pas... Oui,

  • #1

    aussi dans sa vie.

  • #0

    Là, s'il a refait sa vie, si...

  • #1

    Ça implique beaucoup de choses. Pour vous, pour eux, pour tout le monde.

  • #0

    Oui, et du coup, finalement, on a découvert qu'à côté de la maison de Gérard, juste en face, il y avait un gîte. Et donc, on s'y est rendus avec nos enfants et on a essayé de regarder un peu dans le jardin pour voir si on voyait à quoi pouvait ressembler le fameux Gérard. et puis je vous cache pas qu'on est allé passer plusieurs fois le week-end dans les rues du petit village en se disant on sait jamais et on aurait jamais deviné parce qu'Arthur est très grand Gérard est assez petit et franchement si j'avais pas su comme ça, c'est vrai quand je les vois côte à côte en photo c'est évident qu'il y a quelque chose et d'ailleurs mes enfants aussi ont des traits de Gérard mais comme ça j'aurais peut-être pas deviné en le croisant dans la rue Et ce week-end-là, on n'a pas vu Gérard, mais en revanche, Arthur a décidé d'écrire une lettre. qu'il a fait remettre à ses voisins pour consigne de lui donner à lui et rien qu'à lui. Parce qu'on ne voulait pas le laisser dans la boîte aux lettres. On ne savait pas s'il avait refait sa vie, si ses enfants pouvaient tomber sur la lettre, etc. Donc ça, c'était pendant les vacances de la Toussaint. Et les voisins, finalement, on apprendra plus tard qu'ils lui donneront la lettre le 23 décembre. Donc pendant très longtemps, Arthur n'avait pas de nouvelles. Il a jugé son frère, c'était terrible. Et puis le 25 décembre, à 10h, Gérard appelle Arthur sur son téléphone en lui disant devine qui peut t'appeler le 25 décembre Et là, forcément, c'était magnifique. C'était magnifique parce qu'Arthur est le premier à avoir témoigné son besoin de connaître ses origines. S'il y a bien quelqu'un qui a remué ciel et terre pour connaître son donneur, c'est lui. Et par chance, il a gagné au loto génétique. Il a eu ce match direct. Et donc, il retrouve Gérard. Il met un petit moment avant de décider de se voir. Je pense qu'ils avaient besoin de temps, l'un et l'autre. Et puis, comme il a appris assez vite que Gérard avait une santé fragile, ils ont décidé de s'appeler tous les samedis matins. Et Arthur avait sa liste de questions et Gérard répondait à toutes les questions. Ce qu'il avait dit, de toute façon, qu'on s'entende ou pas, je m'engage à répondre à toutes tes questions. Vraiment un accueil formidable. Et en fait, ce qu'on va découvrir, c'est que Gérard, il était hyper content, en fait. C'est un côté réparateur pour lui aussi, d'être retrouvé et d'être désiré, entre guillemets, par Arthur. Parce qu'en fait, il a été... Sa mère l'a eu quand elle avait 44 ans. Et finalement, il est arrivé sur le tard. Et ce n'était pas forcément un enfant désiré. Il a...

  • #1

    Il a une propre histoire un peu difficile et du coup ça... ils se liaient tous les deux. En tout cas, il s'est passé quelque chose autour de cette rencontre, en fait.

  • #0

    Tout à fait. Et donc, ils sont toujours en lien. Et ce n'est pas un père. Ce n'est pas... C'est Gérard. Gérard, au début, ne savait pas tellement comment se positionner vis-à-vis d'Arthur. Parce que c'est une relation à inventer. Mais autant, Arthur avait toujours su qu'il avait un donneur. Donc, il savait qu'il avait un père, une mère et un donneur. Autant Gérard a découvert un peu l'insistance d'Arthur. Et au début, je me souviens, ça nous avait fait sourire, parce qu'au tout début, Arthur a appelé Gérard monsieur. Et puis Gérard lui dit, écoute, tu vas me tutoyer. Et puis tu vas m'appeler Gérard. Et moi, si papa et maman sont d'accord, je vais t'appeler mon bébé. Et là, on s'est dit, mais non, c'est pas possible. C'était mignon, mais c'était un peu décalé, parce que voilà, on était adultes, et puis c'était pas tellement ça qui venait chercher Arthur. Mais finalement, c'est vraiment quelqu'un d'adorable, et surtout qui accueille Arthur, qui prend très régulièrement de ses nouvelles, et ça fait du bien, en fait, finalement, de se retrouver.

  • #1

    Et qui apporte des réponses.

  • #0

    Tout à fait. Qui apporte des réponses, notamment, en fait, sur le... On a découvert... Gérard, il a été diagnostiqué d'une mutation génétique à l'âge de 65 ans. Et donc, dès qu'on l'a su, évidemment, on a fait dépister Arthur et nos enfants pour savoir s'ils étaient porteurs de cette mutation, parce que c'est une mutation qui entraîne des problèmes de coagulation du sang, donc ça peut être très grave, et lui, il a failli en mourir, Gérard. Mais par exemple, il y a beaucoup de choses que

  • #1

    Gérard apporte comme réponse. Et puis, qu'il peut éviter, santé, génétique, etc. Et du coup, ce test,

  • #0

    de ton côté... Et moi, je découvre... J'avais fait le test avec Sophie et son frère. Et Sophie m'envoie un message pour me dire, tu es la demi-sœur de David. David, c'est le frère de Sophie. Et alors, c'est vrai que... J'avais imaginé que je pouvais être la demi-sœur de Sophie, sans vraiment le verbaliser, mais je ne m'attendais pas à être la demi-sœur de Dabi. Et elle m'a dit, non mais en fait, tu es notre demi-sœur à tous les deux. Et donc je découvre que mon frère est vraiment mon frère génétiquement, puisqu'on a la même mère et le même géniteur. Et que donc Sophie a le même donneur que moi, et que son frère aussi. Et un des tout premiers trucs qu'elle me dit, je crois qu'il le savait au tribunal. Et c'est vrai que c'est agaçant de se dire qu'en fait tout le monde est au courant.

  • #1

    Eux ils ont ces infos, au tribunal ils peuvent...

  • #0

    En tout cas l'état français a les informations. C'est ça qui est assez... La question, c'est que finalement, tout le monde sait quelque chose de très intime sur nous. D'ailleurs, je me souviens, le jour de mon mariage avec Arthur, j'ai une de mes tantes qui m'a dit Ah, ça y est, ils te l'ont dit, tes parents. Et en fait, ma mère m'avait dit que seuls nos grands-parents étaient au courant, mais finalement, tout le monde était au courant, sauf moi.

  • #1

    Ça, c'est dur aussi. Oui.

  • #0

    et bon bref je découvre que je suis la demi-sœur de Sophie on est super contentes l'une et l'autre parce que finalement on l'avait senti il y avait ce lien déjà c'est fort ça et je me dis finalement mon inconscient en tout cas est peut-être pas si mauvais entre la bioéthique et le fait de me retrouver à plaider le dossier de Sophie c'est ça et donc je suis très contente parce que je me sens justement plus ancrée en voyant le visage de mon frère du coup je me dis que je peux imaginer un peu le visage de mon donneur et j'ai enfin des éléments un peu concrets pour ancrer cette réalité qu'on m'a livrée en 2009

  • #1

    Et encore une fois, tout ça, ça se passe en dehors, finalement, du droit français.

  • #0

    C'est totalement illégal. Moi, c'est pour ça que je m'y suis vraiment...

  • #1

    C'est illégal, on peut le faire, je veux dire...

  • #0

    On peut le faire, mais c'est pénalement répréhensible. Ah oui ? C'est la raison pour laquelle, moi, je m'y suis refusée pendant de nombreuses années. Déjà parce que, il fut un temps, c'était pas hyper démocratisé. Vous ne connaissez pas trop. Parce que là,

  • #1

    on a l'impression qu'on peut y avoir accès librement.

  • #0

    On peut y avoir accès librement. Alors, sur Internet, c'est devenu plus compliqué de se faire livrer en test ADN en France. D'accord. Depuis quelque temps, il faut se faire livrer à l'étranger. Vous pouvez aller sur le site de l'association Régine et on vous explique tout comment faire. Ce que je veux dire par là, c'est que ça reste quand même quelque chose d'illégal. Et moi, c'est vrai que le fait d'avoir obtenu cette information autrement que par la voie légale, ça m'a coûté. En fait, je ne voulais pas me mettre dans l'illégalité en tant qu'avocate. Et puis, j'étais vraiment convaincue que comme on demandait quelque chose d'assez modéré, je ne demandais pas un héritage, je ne demandais pas à ce qu'on déterre le corps de mon donneur pour faire un test ADN. Je demandais juste... qu'on pose la question à quelqu'un et qu'on respecte sa décision. Et qu'on me donne des informations qui ne font de mal à personne, qui concernent ma personne et mon frère ou mon mari. Et ta santé et tout ça. Et ça, c'est interdit et c'est même d'ordre public. Comme on considère que me livrer ce genre d'informations, ça porte atteinte à la sécurité publique. Enfin, à l'ordre public, en tout cas. Donc, c'est vrai que c'est assez curieux. Mais finalement, j'ai fait ce test. Et donc, j'étais contente d'avoir retrouvé Sophie et David. Mais ça faisait 4 personnes sur les 10 à être du même donneur. Et sachant que c'était rémunéré à Necker, qu'il n'y avait pas de limite au nombre d'enfants qu'on faisait avec le même donneur, je me suis dit, on est combien en famille ? On était contents, mais on s'est dit, quand on va découvrir le cinquantième de mes frères et sœurs... on sera peut-être moins contents. Et aujourd'hui encore, je ne sais pas combien j'ai dit mes frères et sœurs dans la nature, et c'est vrai que c'est quelque chose qui m'angoisse aussi, parce que mes enfants pourraient potentiellement rencontrer des personnes issues du même donneur. Mais moi, je n'ai pas retrouvé mon donneur par ce biais-là. Arthur commençait à avoir des relations avec Gérard. Vous voyez,

  • #1

    vous recotez quelque chose.

  • #0

    Et puis, moi, je me disais que... Moi, il faut quand même que j'avance. J'avais lu que beaucoup de fondateurs des banques de sperme avaient donné eux-mêmes de leur propre sperme, parfois sans le dire. Et ça s'est beaucoup vu. Il y a plusieurs affaires comme ça aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, de fondateurs des banques de sperme qui ont en fait donné à Foison, faisant croire qu'ils faisaient appel à des donneurs, mais qui étaient l'unique donneur pour tous les couples qui se présentaient. Et donc, je me suis dit, c'est peut-être ce qui s'est passé à Necker. Donc, je vais contacter les fondateurs de la banque de sperme de Necker et je vais leur demander... si c'était possible. J'ai essayé de retrouver des gens qui avaient le même âge que moi à peu près pour leur demander si leur grand-père avait pu être donneur. Il y en a un qui m'a dit que c'était possible. Je ne peux pas vous assurer qu'il l'a donné, mais ce serait logique. Comme le même chercheur recruté des donneurs. Et donc, j'ai fini par lui envoyer la photo de ma demi-sœur, de mon demi-frère. Et il y en a un qui m'a dit, c'est dingue, il ressemble tellement à mon père. Donc, le fils du fondateur de la banque de sperme. Que je pense que c'est mon grand-père, votre donnant. Et il m'a dit, j'en ai la certitude. La photo a fait le tour de la famille. Mais on a trop peur pour les problèmes d'héritage, etc. Donc on ne fera jamais de test ADN. Mais il faut nous croire sur parole. Bon. Et là, je me suis dit... Bon. Alors, c'est possible. Mais quand mon fils était quelqu'un d'assez connu, un grand médecin, j'ai regardé des images de Lina. Ça ne te parlait pas trop. Et je n'arrivais pas à me retrouver dans son physique. Il est petit, trapu. Et même mon frère, ça ne ressemblait pas du tout. J'avais du mal à accrocher. Bon, grand médecin juif, alors je me suis mise à m'intéresser au judaïsme. On est parti en Israël, j'ai pris des cours d'hébreu. J'étais un peu dans cette phase un peu exploratoire, mais sans grande conviction. Donc,

  • #1

    tu étais dans la phase, tu explores, mais au fond, pas convaincue.

  • #0

    Voilà, et mon affaire, elle a été tranchée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre... Entre temps, la loi a changé. En fait, juste avant que mon affaire soit tranchée, la Cour a interrogé le gouvernement français pour savoir quelles étaient ses intentions dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique qui devait avoir lieu en 2021. Et sous-entendant que si la France ne modifiait pas sa loi, il y avait un risque de condamnation. pour mon respect du droit à la connaissance des origines personnelles. Donc il y avait bien des donneurs qui voulaient se faire connaître, sauf que le principe d'anonymat, c'est alors même que l'enfant serait d'accord, que les parents seraient d'accord, que le donneur serait d'accord, c'est d'ordre public. Donc ça veut dire que même quand tout le monde est d'accord, l'État français dit non. Et ce caractère d'ordre public, le Conseil d'État avait dit à plusieurs reprises dans des rapports en 2009, ça sent... En 2018, le comité consultatif national d'éthique, l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, énormément d'instances avaient pointé du doigt le caractère excessif de cet anonymat à la française qui s'impose même contre l'avis des premiers intéressés. Et donc la loi a changé. Et probablement que... Ma requête devant la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2016 et le fait qu'Arthur ait retrouvé son donneur et l'ait fait savoir publiquement, médiatiquement,

  • #1

    ça a contribué.

  • #0

    Je pense même que ça a été décisif. C'est-à-dire que, vraiment, si la loi n'avait pas changé... La France aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme parce que la Cour a fini par dire qu'on ne pouvait pas reprocher à la France d'avoir tardé à changer sa loi, mais qu'aujourd'hui il existait une commission. que les personnes comme moi peuvent saisir pour rechercher les donneurs et leur poser la question. Très exactement ce que je demandais depuis 2009. Et de la même manière, si le donneur dit non, tout s'arrête. Et si le donneur dit oui, alors la personne peut avoir accès à des informations qui peuvent aller jusqu'à son identité si le donneur est d'accord. Donc c'est exactement ce qu'on demandait depuis le début. Il y a plusieurs problèmes avec cette législation, même si c'est ce qu'on demandait, c'est que déjà ils ont mis 14 ans à changer la loi. Mais ça, la Cour européenne des droits de l'homme a dit C'est pas grave, maintenant il y a une commission. Oui,

  • #1

    c'est pas encore le temps, ça y est, c'est fait.

  • #0

    Aujourd'hui c'est fait, et donc vous avez le droit de saisir une commission. Le problème, c'est que moi j'ai saisi la commission en octobre 2022, dès qu'elle a été constituée. Et on m'a dit, on va rechercher votre donneur, on va voir s'il accepte de donner des éléments. Et puis, cinq mois et demi plus tard, on m'a dit, il s'avère que votre donneur est décédé.

  • #1

    Vous avez eu cette info ? Ils t'ont donné cette info ?

  • #0

    J'ai reçu un recommandé chez moi le 28 mars 2023. Il s'avère que votre donneur est décédé, je ne sais pas quand, il ne me dit pas quand, et que dès lors, nous devons opposer une fin de non-recevoir définitive à votre demande d'accès, que ce soit à son identité ou même à toute autre information, même non-identifiante. Donc, parce que mon donneur est décédé, je n'ai pas le droit de savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature, je n'ai pas le droit de savoir officiellement si mon frère et moi, on est du même donneur, même si je le sais par un moyen détourné. Mais je n'ai pas le droit. Je n'ai pas eu le droit de le savoir. Officiellement, je n'ai pas le droit de savoir de quand est mort mon donneur et de quoi. Je n'ai rien le droit de savoir à son sujet parce qu'il est décédé. Mais. Et ça, c'est la version officielle, légale. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est pour ça que la loi est mal et imparfaite. C'est que si le donneur est décédé, tout s'arrête. Et je ne comprends pas pourquoi le législateur français a imposé de recueillir l'accord du donneur, y compris pour transmettre les éléments non identifiants. Parce que par hypothèse, c'est des éléments non identifiants. Savoir combien j'ai de demi-frères et sœurs dans la nature Je ne vois pas pourquoi le donneur aurait besoin de donner son accord, en fait. Qui ça concerne, sinon moi et mes demi-frères et sœurs ? De la même manière, les antécédents médicaux, c'est quand même quelque chose d'important, et donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir l'information. Et puis, on considère que, alors que l'anonymat a été voté 14 ans après ma naissance, donc forcément, par hypothèse, des années après le don... À l'origine de ma conception, on considère que mon donneur, son souhait, c'est d'être anonyme, y compris après sa mort, alors qu'il n'a jamais rien demandé de tel de son vivant. Et en parallèle, il y a un peu le même dispositif qui existe pour les personnes nées sous X, qui peuvent saisir le CNAOP, le Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles, depuis 2002. Et de la même manière, ça s'est passé devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, juste avant. Pour éviter à la France d'être condamnée, ils ont changé leur loi et ils ont mis en place le CNAOP. Et donc là, ils ont fait la même chose pour les dons. Sauf que le CNAOP, quand il contacte la femme qui a accouché sous X et qu'elle est décédée avant d'avoir pu être interrogée sur ses intentions, l'identité est transmise à l'enfant. Ah oui. Donc ça veut dire qu'on présume pas de volonté d'anonymat post-mortem pour la femme qui a accouché sous X. Et donc pourquoi faire différemment pour un donneur ? On peut au contraire se dire que peut-être que c'est plus lourd à assumer à titre posthume, je sais pas moi, vis-à-vis de son entourage, le fait d'avoir abandonné un enfant à un moment donné, parce que c'est un acte lourd. qu'on peut peut-être considérer comme honteux, alors que le don, c'est plutôt quelque chose qui est socialement valorisé. On ne peut pas les deux de la même manière. Oui, et moi, je ne vois pas de bonne raison à ça. Et l'autre, donc, ce qui me déplait dans la loi, c'est ça, c'est que quand le donneur est décédé, tout s'arrête, y compris les données non identifiantes. Qu'on part du principe qu'il est forcément, qu'on ne peut pas transmettre son identité alors qu'on le fait en matière d'accouchement sous X. Et puis... Surtout, en fait, la loi a changé. Aujourd'hui, ce qui est très bien, c'est que depuis le 1er septembre 2022, toute personne qui souhaite donner son sperme, ses ovocytes ou ses embryons ne peut le faire qu'à condition d'accepter, d'être identifiable 18 ans plus tard, enfin 18 ans et 9 mois plus tard, si l'enfant a sa majorité, on éprouve le besoin. Autrement dit, il n'y a plus que des donneurs ouverts. Il y a encore un anonymat, mais qui a duré déterminé pendant 18 ans, mais il est levable. si l'enfant en éprouve le besoin. Le problème, c'est que tous ces dons-là ne sont pas utilisés aujourd'hui. On continue à utiliser l'ancien stock de donneurs qui pourraient rester indéfiniment anonymes potentiellement jusqu'au... On pourra utiliser le nouveau stock à partir d'avril 2025. La justification, c'est de se dire, comme on va mettre fin à la conservation du ancien stock, c'est quand même terrible de jeter du sperme, etc. C'est ça curieux comme justification, parce que c'est pas... Qu'est-ce qui compte ? Est-ce qu'on est dans une logique comptable de vouloir faire plein d'enfants à tout prix ? Ou est-ce qu'on part du principe qu'on veut concevoir des enfants qui marchent sur leurs deux jambes et qui sont bien dans leur peau. Voilà, j'avoue avoir beaucoup de mal, alors que là, la directrice générale de l'agence de la biomédecine nous dit qu'aujourd'hui, il y a le nombre de donneurs à doubler depuis le changement de la loi.

  • #1

    Oui, c'est ça. Il y avait une crainte peut-être de la diminution, mais ce n'est pas du tout le cas.

  • #0

    Au contraire. En fait, c'est vrai que ça a toujours été le chiffon rouge qui a été appliqué par tout le monde en disant que le nombre de donneurs va chuter si on change la loi. Eh bien non. Il y a deux fois plus de donneurs qu'il y en avait auparavant. Et nous, on le savait parce qu'on avait le recul des États étrangers. La Suède a changé sa loi en 1984. Le Royaume-Uni l'a fait en 2003. Et à chaque fois, il n'y a pas eu de baisse du nombre de donneurs. Donc, on savait que ce serait la même chose en France, qu'il n'y aurait pas de chute du nombre de donneurs. Parce que, encore une fois, les donneurs sont protégés, il n'y a pas de question d'héritage, de filiation, c'est vraiment juste...

  • #1

    L'identité.

  • #0

    Oui. OK. Le droit de savoir.

  • #1

    Le droit de savoir.

  • #0

    Et puis, la Cour européenne des droits de l'homme a tranché mon affaire et a considéré que finalement, il n'y avait pas eu de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que je n'avais pas à savoir qui était mon donneur dès lors qu'il était décédé. Pourtant, dans une autre affaire, Jackie contre Suisse en 2006, elle avait condamné la Suisse. pour avoir refusé à M. Jaggi d'exhumer le cadavre de son père présumé. Alors lui, il n'était pas du tout issu d'une PMA avec tir d'honneur, mais sa mère lui avait dit je pense que ton papa, c'est ce monsieur Sauf qu'il n'en avait jamais eu la certitude et ce monsieur était décédé. Et donc M. Jaggi se rendait régulièrement au cimetière, payait même pour la concession au cimetière, puisque sa famille ne le faisait plus. Et un jour, il a dit mais moi, j'ai envie de savoir si c'est vraiment lui, mon père, en fait Et donc il a... demandait à faire un test ADN sur le cadavre. Et la famille s'y est opposée. La Suisse a refusé. Et la Cour européenne de droit d'homme a condamné la Suisse, les autorités suisses, au nom du droit à la connaissance de ses origines. Il n'y avait pas de problème de filiation, tout ça. C'était juste au nom du droit de savoir qui est son père. Et elle disait, mais M. Jaggi, il a 67 ans, il a témoigné d'une telle persévérance dans sa volonté de savoir d'où il venait que... Ça témoigne de souffrances morales qui sont peut-être pas médicalement constatées, mais évidentes. Au nom du droit à la connaissance des origines personnelles, M. Jaggi avait pu connaître l'identité de son géniteur. Moi, on m'a dit, vous avez le droit de saisir une commission, et comme votre donneur est décédé, vous n'aurez pas... Alors que je ne demandais pas l'exhumation du corps de mon donneur. Je demandais juste un nom dans un dossier. Ça, c'est pour la voie légale.

  • #1

    Comment tu... Ça a été une claque, ça.

  • #0

    Ça a été une énorme claque parce que, en fait, moi, je suis une... J'ai toujours cru en la justice. Avec Arthur, on s'est un peu répartis les rôles, même si on a été l'un et l'autre pas mal auditionnés à l'Assemblée, au Sénat, dans les ministères, à l'Élysée, à Matignon. Moi, j'ai toujours senti l'énorme décalage qu'il y avait dans la façon dont nos discours étaient reçus. Par exemple, pour te donner une anecdote, quand on était en 2010 à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la révision de la bioéthique, on était auditionnés avec un pédopsychiatre. Donc on avait l'un et l'autre 30 ans et 27 ans. Et puis il y avait un pédopsychiatre que les députés interrogeaient en disant est-ce que vous pourriez nous expliquer quel est le ressort psychique qui anime ces jeunes gens ? Et nous, on était là avec Arthur, on se disait mais en fait... On est là pour vous répondre si vous voulez. Et ce pédopsy avec lequel on n'avait jamais échangé le moindre mot a commencé à expliquer que la PMA avec Tire d'honneur, c'était comme une fiction et qu'il y avait des enfants qui n'arrivaient pas bien à comprendre la fiction. Et que comme on n'avait pas bien adhéré à la fiction, forcément on allait chercher ailleurs quelque chose qu'on aurait dû trouver dans notre foyer, etc. En gros, on était des mauvais parents. et que nos parents nous avaient pas bien dit les choses et que donc nos parents étaient des mauvais enfants et nos parents étaient des mauvais parents enfin bref et Arthur lui a dit mais vous savez nous on adore les fictions mais là il manque juste un personnage on est le fruit d'un père, d'une mère et d'un donneur

  • #1

    C'est votre réalité, c'est votre histoire et il manque quelque chose.

  • #0

    Et au même moment, il y avait une autre députée qui m'a dit, vous me faites penser à cette jeune fille qui se croyait issue d'Yves Montand, mais vous savez, votre donneur, c'est peut-être pas quelqu'un de connu, vous allez être déçus.

  • #1

    Le sujet n'était pas pris.

  • #0

    Et en fait, je me sentais complètement infantilisée. Je ne sais pas, moi j'étais avocate, j'avais des gros dossiers de licenciement avec beaucoup d'argent en jeu, etc. Et je me retrouvais là d'un coup complètement pointée. J'ai l'impression d'être complètement marginalisée, absolument pas respectée dans... Dans plus.

  • #1

    Ouais,

  • #0

    dans votre... Voilà. C'était juste une démarche d'information. C'est un peu comme la psychologue qui m'avait reçue au séco, en me disant, vous pourriez peut-être vous faire aider par un psy, mais déjà... que sais-tu de ma vie ? Je viens chercher une information.

  • #1

    C'est facile aussi de dire ça, d'avoir ces arguments-là aussi. C'est peut-être pour éviter justement de se dire que c'est des personnes qui n'ont pas d'autres demandes que celles qu'elles formulent en fait.

  • #0

    Oui, tout à fait. Moi, je pense qu'il y a eu vraiment... Il y a encore parfois sur ces sujets-là une forme d'inertie de la pensée. Comme du dogmatisme, c'est-à-dire que dès qu'on veut expliquer que la personne née sous X, par exemple, a besoin de connaître ses origines, c'est comme si on voulait mettre à mal le droit des femmes. C'est pas le sujet en fait, c'est juste qu'on peut très bien comprendre qu'une femme au moment où elle accouche ait besoin d'un secret absolu, parce qu'elle n'est pas dans une position qui lui permet d'assumer cet enfant, et il y a parfois des histoires dramatiques derrière, parfois peut-être un peu moins, mais dans tous les cas c'est jamais un choix facile, c'est un état de nécessité, donc on peut comprendre qu'il y a un secret absolu au moment de la naissance, mais que ce secret soit maintenu toute la vie de l'enfant, et parfois même après la mort de la femme. Ça, là, pour le coup, on bascule dans l'excès. C'est-à-dire que le secret doit être modulé en fonction du temps qui s'écoule. Il y a un moment donné, je ne comprends pas qu'on oppose tout le temps le droit de la femme et le droit de l'enfant. L'enfant, ça devient une femme aussi, ou parfois un homme, mais en tout cas, il y a une conciliation possible. Il y a une conciliation possible entre les deux et je pense que sur ces sujets aujourd'hui, il y a trop de dogmatisme et de... Oui, quelque chose, une forme d'inertie de la pensée qui empêche de voir les choses concrètement. Qu'est-ce qui empêcherait de prévoir un anonymat à durée déterminée pour la femme qui accouche, sous X, mais qui permettrait à l'enfant de savoir à qui il doit être né ? En fait, c'est juste un besoin fondamental. Je pense qu'aujourd'hui, je ne sais pas si tu sais, mais en Suisse et en Allemagne, le droit de connaître ses origines, c'est un droit constitutionnel. Moi, je pense que le droit de connaître ses origines... Ça doit être inscrit dans la Constitution aussi, parce que c'est vraiment quelque chose aujourd'hui... qui fait qu'on ne mesure pas le caractère inhumain de priver les gens de leur histoire, et en fait de priver les gens de liens. Parfois on m'a dit, mais vous savez, il y a des histoires dramatiques, a-t-on vraiment besoin de connaître la tête du violeur de sa mère ? Et en fait j'ai envie de dire, mais de toute façon ça, ça regarde qui, sinon la personne concernée. Moi je pense que, c'est mon point de vue, mais... Moi, la réalité, même si elle est terrible, je pense qu'on peut la travailler, on peut la dépasser. Parfois, ça peut prendre des années de psychanalyse et autres, mais un point d'interrogation, on ne peut pas le dépasser. Parce qu'on n'a rien sur lequel s'ancrer. Il y a peut-être des gens qui ne voudront jamais savoir, et je les respecte totalement. Mais le droit de connaître ses origines, c'est comme le droit à l'IVG ou le droit de vote. Je pense que certaines personnes n'en useront jamais. jamais. Et c'est leur choix. Mais d'autres, on éprouve un besoin absolu, et c'est leur choix aussi. Et le droit de connaître ses origines, pour moi, ça doit être quelque chose du même ordre.

  • #1

    C'est ton combat et c'est ton action.

  • #0

    Oui. Tu n'as jamais ? Oui, moi, je continuerai de me battre, parce que je pense que aujourd'hui, quand on a aboli la peine de mort, les gens étaient résolument pour, parce qu'il y avait cette inertie de la pensée où on se disait, mais Finalement, œil pour œil, dent pour dent, cette personne a fait quelque chose de terrible, donc on a le droit de lui ôter la vie. Là, je sais que la comparaison peut paraître excessive. Moi, c'est juste que je veux faire prendre conscience qu'on ampute à vie une personne de la connaissance sur soi, sur elle-même, alors que c'est quelqu'un qui n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, les personnes nées sous X, dont on parle souvent comme des enfants, moi, c'est des personnes que je connais qui, pour certains, sont grand-père ou grand-mère, et qui portent encore en eux la blessure d'avoir été abandonnées. Et... Je ne peux pas savoir à qui ils doivent la vie. Et moi, heureusement, heureusement que, finalement... J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai pas été entendue par la justice. Et je le regrette amèrement parce que ce que je voulais, c'était faire bouger les lignes pour que d'autres ne soient pas dans la même situation que moi. Mais moi aussi, j'ai fini par gagner de l'autogénétique, puisque j'ai eu un match avec une Américaine. Donc j'ai fait tous les tests ADN qui existent sur le marché, en faisant livrer à l'étranger, etc. Et puis un jour, je reçois... 1% d'ADN partagé avec une américaine qui s'appelle Linda. Et donc je contacte Linda, je lui demande si... Je lui explique que je cherche mon donneur, etc. Et elle me dit... Moi je fais beaucoup de généalogie, et j'ai une branche française, si tu veux je peux te mettre en contact avec Suzanne. et c'est ma branche française évidemment je suis preneuse et en fait deux jours plus tard je reçois un mail de Suzanne avec une photo une photo d'un petit garçon de 13 ans et en fait je me vois, je vois mon frère je vois mes enfants Et je suis sûre que c'est mon donneur. Et Suzanne me dit, j'ai vu votre photo sur Facebook, et en fait, vous me faites tellement penser à mon frère, c'est Philippe. Et donc, elle m'apprend qu'elle ne savait pas que son frère avait été donneur, mais qu'elle s'est renseignée auprès de son autre frère, et qu'effectivement, il a donné un équerre, à des dates qui correspondent à ma naissance et celle de mon frère, que malheureusement, il est décédé d'un accident aux Etats-Unis. J'ai effrayé. franco-américain.

  • #1

    Et donc, ça lie aussi... Bon, qu'il soit décédé, ça correspond aussi à ce que tu avais eu comme info juridique. Mais en tout cas, ce que tu disais aussi, c'est que là, la justice ne voulait pas, mais la vie t'a donné ta réponse, en fait.

  • #0

    C'est la belle histoire dans l'histoire. Oui, tout à fait. Alors, bien sûr que je regrette... Je pourrais jamais échanger avec Philippe, mais là où ils sont vraiment géniaux, c'est que Suzanne, elle nous a vraiment accueillis. mon frère, ma demi-sœur et mon demi-frère et moi, comme une chance. Elle adorait son grand-frère. Elle me dit qu'il est parti trop tôt et qu'en fait, il n'avait pas d'enfant. Donc pour elle, on est une continuité de Philippe. Et elle m'a dit c'est formidable que vous fassiez partie de la famille. et en fait c'est ça qui est dingue c'est que la justice me dit non au nom de et en fait ils sont super contents de nous connaître et Suzanne elle est adorable parce qu'elle m'a envoyé la chanson préférée de Philippe je connais beaucoup d'informations médicales qui sont très importantes et que maintenant je peux enfin transmettre à mon médecin j'ai énormément de questions d'anecdotes, de photos. La dernière fois, elle a encore retrouvé une nouvelle boîte avec des vieilles photos. Et c'est vraiment... C'est très amusant parce que... Je me vois, je vois mon frère.

  • #1

    Oui, il y a des choses génétiquement. Il fait partie, comme tu disais au début, il a permis à ce que tu sois là. Il fait partie de toi aussi.

  • #0

    Et puis, c'était pas Yves Montand, mais il a eu des petits rôles dans des films. Du coup, j'ai même des images animées. J'ai...

  • #1

    C'est un petit clin d'œil pour la réponse.

  • #0

    Oui, ça m'a fait rigoler parce que je me suis dit voilà, mais j'avais pas complètement tort. Il a joué dans des films comme La Septième Compagnie au clair de lune. C'est des trucs super connus qu'on voit à la télé. Il était dedans. Et puis, le seul truc qui me fait un peu bizarre, c'est d'apprendre qu'il a vécu à Paris vraiment à deux pas du cabinet où je travaillais et que si ça se trouve, on s'est croisés, si ça se trouve, on s'est vus à la boulangerie.

  • #1

    Le café, du coup.

  • #0

    Ça, ça me... Oui. Ça me fait un peu mal parce que je me dis finalement, si j'avais su tout ça plus tôt, j'aurais pu le rencontrer. Mais en tout cas, j'ai beaucoup de chance. Il avait l'air d'être quelqu'un de fabuleux. Et ça m'a énormément apporté de savoir qui il était. J'aurais aimé l'apprendre de manière légale, mais en même temps, je l'ai appris de façon... J'ai trouvé toute seule et je suis très contente. C'est beau aussi. Il me reste à savoir si on a d'autres demi-frères et sœurs.

  • #1

    Oui, et puis ton combat aussi pour justement tous les... Les autres aussi,

  • #0

    qui ont encore leur réponse. Oui, surtout les autres, parce qu'en fait, tous ceux qui sont déjà conçus, donc les 100 000 personnes déjà conçues, et toutes les personnes qui sont en train d'être conçues jusqu'à mars 2025, pourraient se retrouver dans la même situation que moi. Si le donneur est décédé, et ça veut dire que les parents sont dans une position un peu impossible, c'est-à-dire qu'on leur dit, il faut dire très tôt à votre enfant qu'il est issu d'un donneur, ça veut dire qu'ils vont dire à leur enfant, alors tu es issu d'un donneur, et est-ce que je pourrais savoir qui il est ? Je ne sais pas, ça dépend s'il est encore vivant quand tu saisis la commission, quand tu as atteint tes 18 ans, et s'il est décédé, tu ne pourras pas savoir. S'il dit non, tu ne pourras pas savoir non plus. C'est extrêmement inconfortable et moi j'aurais aimé que la loi change tout de suite parce qu'on a les gamètes nécessaires pour le faire. Parce qu'encore une fois, là pour le coup ce n'est pas moi qui le dis, c'est un droit fondamental d'intérêt vital et la Cour européenne des droits d'hommes l'a redit dans mon dossier, c'est un aspect sur lequel elle a... Vous avez vraiment raison et c'est tellement d'intérêt vital que les gens, le veuillent ou non, nous cherchons et nous trouvons. Et voilà pourquoi je limite aussi pour la légalisation des tests ADN. J'aimerais que ce soit encadré et qu'on ne soit pas obligé de donner notre ADN à l'étranger parce que c'est des sociétés qui...

  • #1

    Oui, tu donnes des données et tu donnes autre chose aussi. Tu donnes des infos qui seront utilisées.

  • #0

    Moi, je voudrais qu'on fasse ça en France et qu'on l'encadre. Limite que si ça doit faire l'objet de recherche, mais que ça profite à nous. Je cherche français.

  • #1

    Bon, est-ce que tu peux, pour clôturer cet échange et ton histoire, et comprendre bien à quel point tu investis, nous donner aussi ta définition de l'action, pour toi, agir, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça implique aussi, peut-être, pour toi ?

  • #0

    Moi, c'était vraiment... Je me suis dit, si je n'affronte pas le sujet, si je fais l'autruche, parce que dans un premier temps, je me suis dit, peut-être que je peux oublier ce qu'on vient de me transmettre et me dire, non, j'ai qu'un père, une mère, deux chiens, un frère, comme avant. Je vais finir par faire une grave dépression à 50 ans. Pour moi, c'était absolument indispensable de me mettre en mouvement pour... pour combler ce vide intérieur et toutes ces questions que j'avais. Et surtout, ce qui m'a motivée, c'était de me dire je veux que mon histoire serve. Je veux que personne ne se trouve un jour confronté à cette situation. Moi, je me suis sentie enfermée dans un sas. L'histoire qu'on m'avait confiée auparavant, mon père et mon géniteur, cette histoire-là, une porte venait se fermer dessus. Mais la deuxième porte, celle qui s'ouvrait sur qui est mon géniteur, elle était fermée à double tour. Donc je me suis trouvée enfermée. dans un sas avec que des questions et j'avais l'impression que ma vie était mise entre parenthèses pendant ces 15 dernières années. Et ça, je voulais que personne n'y soit confrontée un jour et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire et c'est pour ça que je vais continuer à tenter de sensibiliser. Je te remercie encore une fois de m'avoir donné la parole parce que je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissances sur le sujet, qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire, mais donc ça passera peut-être plus par la justice mais j'ai perpétué J'ai pas espoir de convaincre nos décideurs. Et voilà, je vais continuer. Eh bien,

  • #1

    bravo à toi. Merci d'avoir partagé ton histoire, ton engagement au micro d'El Zagis. Et puis, je mettrai aussi les liens pour qu'on puisse te contacter, qu'on puisse avoir accès aux informations de l'association. Voilà, pour continuer. Et comme tu dis, ton combat, ton engagement peut prendre une forme différente. Mais il sera toujours là, en tout cas.

  • #0

    tout à fait merci beaucoup Audrey merci à toi

  • #2

    J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. Et n'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté Elsagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com A très bientôt !

  • #0

    C'est...

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