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#81 Rosemonde Pierre Louis Donner du temps aux victimes : agir contre l’oubli cover
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Elles Agissent

#81 Rosemonde Pierre Louis Donner du temps aux victimes : agir contre l’oubli

#81 Rosemonde Pierre Louis Donner du temps aux victimes : agir contre l’oubli

46min |16/01/2025
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Elles Agissent

#81 Rosemonde Pierre Louis Donner du temps aux victimes : agir contre l’oubli

#81 Rosemonde Pierre Louis Donner du temps aux victimes : agir contre l’oubli

46min |16/01/2025
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Description

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de recevoir Rosemonde Pierre Louis, femme d’affaires franco-haïtienne et autrice du livre Je ne suis pas ta mère.


Un récit bouleversant, où elle dévoile son parcours de résilience face aux violences sexuelles subies durant son enfance.


Son histoire est bien plus qu’un témoignage : c’est un appel à briser le silence, un acte puissant pour transformer l’intime en universel.


Dans cet épisode, Rosemonde partage avec nous son cheminement, son engagement pour l’imprescriptibilité des viols sur mineurs, et la force de la parole comme outil de guérison.


Nous avons enregistré cet épisode après une longue discussion dans un café, où chaque mot résonnait avec tant de profondeur. C’est ce moment que je vous invite à vivre avec nous, un moment où les tiroirs d’une histoire personnelle s’entrelacent avec celles de tant d’autres femmes.


Cet épisode abrode des sujets lourds comme le viols et les difficultés psychologiques. Si vous êtes dans un cas similaire, n'hésitez pas à contacter le 3919


En tant que productrice de podcasts, je crois au pouvoir des récits pour sensibiliser et engager. Si votre entreprise ou votre organisation souhaite porter des messages forts, nous pouvons construire ensemble un podcast sur mesure.


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


N'hésitez pas à laisser 5 étoiles et un commentaire pour rendre visible ce podcast !


Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Rose.

  • Speaker #1

    Salut Émilie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elsagis. Je suis heureuse de t'avoir dans mon micro.

  • Speaker #1

    Merci de m'avoir invitée surtout.

  • Speaker #0

    Alors Rose, pour te définir, j'aurais pu aller dans plein plein de définitions parce que tu es une femme plurielle. Je vais essayer de te définir tout de même avec ces quelques mots. Déjà, tu es une femme d'affaires. Tu as créé ta société. Ce n'est pas de la com. C'est pas rien, on en parlait un petit peu en off, c'est quelque chose d'assez important. Tu es aussi maman de deux jeunes filles et tu es l'auteur du livre qu'on a toutes les deux là sous les yeux, que j'ai du mal à qualifier parce qu'il est, je trouve, à la fois poétique, poignant, oui poétique,

  • Speaker #1

    je l'ai trouvé très poétique,

  • Speaker #0

    et surtout puissant. Et ce livre c'est Je ne suis pas ta mère que tu as auto-édité. Et dans cet ouvrage, tu racontes avec courage et sincérité ton parcours, je trouve, de résilience après avoir vécu des violences sexuelles durant ton enfance. Et donc, en partageant ton histoire, tu nous offres non seulement un témoignage de ton intime, mais aussi une réflexion sur la manière dont la parole peut briser les chaînes du silence, qu'elle soit familiale. ou personnel, ou même public.

  • Speaker #1

    Public, oui.

  • Speaker #0

    Ton livre est un livre à tiroirs, où l'on ouvre plusieurs facettes, que ce soit les facettes d'émotion, de vécu, tu y parles d'amitié, d'histoire de vie, de construction et de déconstruction. Tu brises des chaînes, des tabous, tu parles d'identité. Et comme tu le dis, l'écriture devient aussi un acte thérapeutique. Une nouvelle manière aussi peut-être de te réapproprier ton histoire et aussi de la digérer peut-être quelque part. Ma première question est la suivante. Dans ton processus d'écriture et après de publication, est-ce que tu as réfléchi à la manière dont ce récit pouvait passer de l'intime à l'universel en s'inscrivant dans un mouvement plus large aussi de contestation ? Des structures qui maintiennent, qui forcent le silence des victimes.

  • Speaker #1

    Wow, écoute, déjà je te remercie pour cette chronique, c'est incroyable tout ce que tu dis, merci. Quand tu écris un livre, en fait, tu t'attends pas forcément, le livre ne t'appartient plus en fait, ton texte ne t'appartient plus et je trouve que tu as fait une description qui me semble juste. Ensuite, pour répondre à ta question, je dirais qu'à aucun moment, quand j'ai écrit Je ne suis pas ta mère je pensais que déjà, j'allais m'inscrire moi-même dans une espèce de prise de parole qui allait devenir politique. Bien que c'est après coup que je me suis dit, mais en fait, l'intime est politique. Le fait de se mettre à nu comme ça, tout de suite, ça veut dire quelque chose. Et finalement, de toute manière, quand j'ai écrit, dans un premier temps, c'était purement égoïste. De manière égoïste, c'était une manière pour moi aussi, comme tu l'as très bien dit, de me réapproprier mon histoire, d'en faire quelque chose, en fait. L'idée, c'était aussi de dire... Comment je peux dire ça ? Le noir, la noirceur de ce que j'ai pu vivre. Ça y est, je l'ai vécu. Maintenant, est-ce que je peux transformer en quelque chose de sublime ? Pour moi, c'est passé par l'écriture. Finalement, quand j'ai écrit le livre, je ne voulais pas écrire quelque chose de triste. C'est peut-être pour ça, en ce sens, que tu dis que c'est poétique. J'ai peut-être une manière d'écrire qui est très imagée. J'avais aussi envie d'emmener les gens dans mon monde. J'avais envie aussi que les gens comprennent et se réapproprient. Mon histoire est que la petite fille qui est rose dans ce livre soit aussi la personne qui lit les livres, parce que c'est un peu une histoire universelle quand même. Non, je n'avais pas pensé que ça allait devenir quelque chose, que ça allait briser des chaînes. Parce qu'en fait, à la sortie du livre, moi déjà, j'avais très, très peur d'en parler. Je ne pensais pas que ça allait être un livre, déjà. Dans un premier temps, j'ai écrit le texte vraiment de manière cathartique, vraiment pour me réapproprier mon histoire et pour me dire attends, j'ai vécu ça, j'ai vraiment vécu ça, mais c'est pas possible Et je voulais vraiment le mettre sur papier. Et puis après, je me suis dit oh, bon, c'est pas mal ce que j'ai écrit quand même Et puis ensuite, je me suis dit bon, ce sera pour mes filles Et puis après, je me suis dit oh, je vais peut-être le publier Et quand il est sorti, moi qui suis dans la com', je voulais plus en parler. Je voulais dire non, j'avais trop peur quand il est sorti Quand il a été imprimé et que c'est vraiment arrivé dans l'entrepôt, dans la boîte de distribution, je me suis dit Oh, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Mais je suis folle ! Je suis en train de détruire ma vie ! Parce que je crois que j'avais conscience à un moment donné que c'était quelque chose de puissant.

  • Speaker #0

    Là, c'est là où tu as pris conscience. C'est là que j'ai pris conscience.

  • Speaker #1

    Exactement. Et puis, c'est sorti aussi au moment où... Je pense que je l'ai aussi écrit, j'ai voulu sortir parce qu'il y avait le mouvement MeToo, tout ça, etc. Donc j'ai trouvé qu'il y avait des femmes hyper courageuses. Et c'est à ce moment-là que je me suis dit, oui, c'est vrai que là, on doit changer le corps. Mais après, pour en parler, ça a été très compliqué. Et j'ai mis vraiment un an avant de vraiment en parler, parce qu'il y a eu des choses qui ont fait que j'ai décidé d'en parler. Et quand j'ai décidé d'en parler, c'était fini. Ça y est, je ne pouvais plus m'arrêter. C'est un peu mon combat, ça devient hyper important dans ma vie, j'en parle partout, c'est devenu quelque chose qui me dépasse en fait et je l'accepte maintenant.

  • Speaker #0

    Et justement, on parlait de cet aspect thérapeutique, est-ce qu'il y a certaines choses qui sont sorties dans l'écriture ? Est-ce qu'il y a eu un cheminement ? Est-ce que ça t'a permis aussi de te rendre compte de tout ce que tu avais vécu et de prendre un petit peu de recul sur tout ça ?

  • Speaker #1

    Alors, pour te dire la vérité, je savais exactement ce que j'allais mettre dans le livre, mais je ne savais pas dans quel ordre. Donc, j'ai écrit les choses qui étaient plaisantes pour moi, donc dans un premier temps. C'est ce que j'ai écrit. J'ai adoré parler de mes copines. J'ai adoré parler de mes filles. Les choses qui me faisaient du bien. J'ai commencé par écrire ça. Et bizarrement, je savais que les choses qui ont été très compliquées dans ma vie, j'allais les écrire à la fin parce que je savais que ça allait être douloureux. Et effectivement, quand j'écrivais, je pleurais. C'était incroyable parce que je pleurais mais des litres, des litres. dos, j'arrivais plus à m'arrêter. Puis j'avais une rage, j'étais en colère, j'avais la rage. Bizarrement, j'avais pas honte. J'ai tout écrit, et en fait, ça m'a libérée, ça m'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Et peut-être que la notion de ne pas avoir honte, de faire du bien, est-ce que ça te permet aussi de te réapproprier ton identité ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai envie de te dire que quand tu as été agressée, violée dans ton enfance, puis même tout court, c'est une blessure à vie en fait. C'est un handicap à vie que tu portes, ça ne se voit pas et c'est invisible. On va dire que des fois, ça me fait du bien. et des fois moins, mais mettre un petit pansement quand même, ça apaise un peu finalement. Mais c'est pas facile. Pas facile, non.

  • Speaker #0

    Dans ce livre aussi tu parles, je le disais que c'était un tiroir plein de sujets, on parle de culture aussi, d'héritage culturel que tu portes. Tu es née en Haïti, tu es franco-haïtienne. Ma question était de savoir comment ces cultures, Ont-elles influencé ta perception de ce que tu as vécu, de la violence, de la violence sexuelle, des non-dits ? Quel est l'héritage culturel qu'il y a dans tout ça ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est un fardeau. Un fardeau immense que l'on fait porter sur les petites filles, sur les femmes. dans nos cultures et pourtant je suis pas restée longtemps en Haïti mais du fait d'avoir été élevée par des femmes qui ont très certainement vécu ce que j'ai vécu, parce qu'on n'en a jamais parlé, du fait d'être dans une... C'est très drôle parce qu'en fait, en Haïti, on a ce que l'on appelle le vaudou. Et dans la culture, qui est une religion, dans le vaudou, les femmes sont à égalité entre les hommes. C'est très drôle, elles ont autant de pouvoir que les hommes, si ce n'est plus. elles sont très fortes et tout ça etc mais ça ne se reproduit pas forcément dans la réalité après il y a eu c'est très simple bien sûr donc après il y a eu une évangélisation donc il y a eu la religion catholique protestante etc qui là pour le coup inverse les rôles puisque la La femme est née d'une côte de l'homme, donc la femme est un peu en dessous. Et de ce fait, je pense qu'on l'a intégrée et puis on le fait très bien comprendre aux petites filles que c'est très drôle parce qu'en fait, on dit aux petites filles, attention, aux garçons, etc. Mais on ne nous explique pas pourquoi. Et on blâme les petites filles. Les petites filles, elles n'ont pas le droit de sortir, elles n'ont pas le droit de côtoyer les garçons, etc. Mais les garçons, pas de souci. Et je pense que... Ça c'est quelque chose que l'on a intégré tout petit. On le sait, on sait que les garçons ça peut être dangereux, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. Et on ne parle pas de ces sujets-là. Il n'y a pas de sensibilisation sur le fait que ton corps est ton corps. Et puis il y a aussi ce truc en Haïti où les portes sont ouvertes tout le temps. On est très accueillants. Enfin je veux dire, même si on n'a pas à manger, il y a quelqu'un qui vient à la maison. Cette personne aura à manger. Et donc le fait aussi d'être... On nous apprend aussi qu'il faut être hyper poli.

  • Speaker #0

    Mais même, pardon, à l'extrême, parce que c'est ce que tu dis dans ton livre, c'est que c'est cette ouverture poussée même à tout le monde qui a fait rentrer un peu le diable ici.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est que oui, c'est poussé à l'extrême. C'est qu'il faut être très sage. Il faut toujours obéir à l'adulte. C'est très important. Oui, bonjour, monsieur. Au revoir, monsieur. Merci. Si un adulte te dit, viens, ma petite fille, viens t'asseoir sur mes jambes, ben, t'y vas, parce qu'il faut respecter, etc. Et finalement, comme les portes sont tout le temps ouvertes, il n'y a pas... Mais en même temps, on te dit, fais attention. Donc, c'est paradoxal. C'est paradoxal. Tu ne sais plus sur qui elle peut danser. Et finalement, le fait de faire entrer tout, n'importe qui, chez soi, ça... Ça ouvre la porte à du n'importe quoi aussi.

  • Speaker #0

    Ça fait endosser toutes les responsabilités, à la fois d'ouvrir, d'être très le cœur sur la main, et en même temps, c'est ta responsabilité de ne pas être agressée, presque.

  • Speaker #1

    Totalement. Mais c'est totalement ta responsabilité, c'est ta faute. Et puis de toute façon, je le raconte dans le livre, à un moment donné, je crois qu'une fois, je... On nous a surpris avec mon agresseur, qui était plus âgé que moi, un garçon. Et en fait, la personne qui a été blâmée, ce n'est pas le garçon, c'était moi. Parce que je n'avais pas à être à cet endroit à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Et c'est ta tante, justement, qui te blâme.

  • Speaker #1

    Exactement. Et finalement, moi, je pensais qu'elle allait me sauver. Je pensais qu'elle allait me dire Oh mon Dieu ! C'est très drôle parce qu'en fait j'étais contente qu'elle nous découvre et en même temps je me suis dit oulala je vais peut-être en prendre une mais je savais pas pourquoi. Et le fait de dire mais c'est ta faute, donc finalement s'il se reproduit la même chose, tu te tais parce que tu sais que tu vas te prendre une braille.

  • Speaker #0

    Ça instaure le silence que tu brises là avec ton discours et ton livre.

  • Speaker #1

    Et le silence, en fait, c'est pas que dans la culture haïtienne, c'est partout. Dans les viols, les agressions, c'est partout. C'est ce qui fait que ça perdure, en fait. S'il n'y a pas de silence, je suis convaincue qu'il n'y a pas de viol. Et le fait de continuer à avoir honte, mais déjà, c'est une humiliation pour quiconque. Donc, tu as honte de fait, t'évites d'en parler. Et de deux... ton agresseur te fait comprendre que tu évites d'en parler et puis ton entourage aussi. Et puis quand tu lis certaines choses de la littérature scientifique, tu apprends que l'inceste, les agressions, les viols, il y a une mécanique qui se met en place. C'est ce que Dorothée Bussy appelle, qui est anthropologue, la grammaire du silence. Donc on le comprend sans se parler, on sait qu'on ne doit pas parler. Dans la manière d'être, dans sa façon de se comporter, dans ses gestes, toute la famille sait que tu ne dois pas en parler. silence signifie agression.

  • Speaker #0

    Oui, et ce silence, il est aussi très lié aux femmes de ta vie, qui sont à la fois, j'ai l'impression, ta force et ton poison, quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, oui. En fait, c'est très drôle parce qu'en fait, quelque part, moi, je n'ai pas connu directement le patriarcat. C'est-à-dire que je ne sais pas ce que ça veut dire qu'un mec... t'interdisent de mettre une jupe ou te disent t'as pas le droit d'aller là, j'ai pas connu ça mais j'ai connu le poids des interdits par ces femmes là parce que je pense que c'était entendu, c'était quelque chose qu'il fallait maintenir et en même temps moi je les ai trouvées hyper fortes parce que elles s'en sont toujours sorties et puis il y a ma tante aussi qui est une figure à part... qui est quelqu'un qui n'a jamais fait fi des normes sociales, mais qui, limite je me demandais si elle se rendait compte qu'elle était en marge quelque part de la société, parce qu'en fait c'est quelqu'un qui n'a jamais travaillé, ça ne l'a jamais intéressé. C'est quelqu'un qui buvait, qui fumait, qui sortait énormément, qui adorait s'amuser, et... je pense qu'elle a eu beaucoup d'hommes dans sa vie donc elle était complète donc ça c'est une figure qui finalement m'a marquée parce que quand je y repense je me dis j'ai dû prendre d'elle parce que je la voyais, elle se maquillait, elle sortait des fois elle rentrait pas et elle était, c'était la vie d'Aloca je pense qu'elle a vécu la vie de manière forte tout était déraisonné et ça j'ai dû récupérer ça parce que moi ma vie je la vis comme je l'entends en fait, c'est-à-dire que je vais me sortir, faire la fête, boire du champagne, m'amuser, j'inculque ça à mes filles et en même temps j'avais l'inverse aussi, j'avais ma grand-mère qui se sacrifiait.

  • Speaker #0

    Tu en parles beaucoup dans le livre.

  • Speaker #1

    Et je l'adorais, c'était quelqu'un qui était je la trouvais douce alors qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #0

    Elle est complexe.

  • Speaker #1

    C'est des figures très complexes parce qu'elle lutte en permanence en fait, elle lutte avec tout ce qui les...... composent et moi je crois que j'ai tiré j'ai essayé de tirer le meilleur de chacune d'entre elles et tu transmets ce meilleur à tes filles ? J'essaie de transmettre ça à mes filles, j'essaie de leur faire comprendre que que ce sont des filles et que plus tard elles auront le droit de faire ce dont elles ont envie mais véritablement qu'elles ne se mettent pas de barrière... Et surtout, j'essaie de leur faire comprendre que dans la vie, le plus important, c'est d'être heureux. C'est compliqué à le faire comprendre. C'est-à-dire que des fois, en même temps, j'ai une fille, la plus grande, à l'école, elle est vraiment dilettante. Elle n'est pas du tout stressée, mais en même temps, elle est stressée pour autre chose. Je leur ai souvent dit, dans la vie, rien n'est grave. J'essaie de faire en sorte qu'elles soient apaisées à ce niveau-là. Mais en même temps, il y a des choses que je dois transmettre malgré moi. Et puis maintenant, on sait qu'on transmet des choses aussi.

  • Speaker #0

    Autour du transgénérationnel. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Je crois que ce qu'on appelle l'épigénétisme, ça saute des générations. Moi, je pense que je dois porter des choses qui ne m'appartiennent pas. Mais ce n'est pas grave. dès lors que l'on en parle oui c'est ce que j'allais dire,

  • Speaker #0

    tu le formalises je le verbalise et cette notion de transmission elle est très forte pour toi et chez toi c'est peut-être ce que tu n'as pas vécu que tu as envie de justement de te casser, transgénérationnel c'est ça aussi,

  • Speaker #1

    on casse des choses pour arrêter de les transmettre c'est tout à fait ça et en fait moi j'ai pas connu, je sais pas ce que c'est que de discuter avec ma mère, ma tante ma grand-mère, ma famille, je sais pas je sais pas ce que ça veut dire... on ne discute pas de toute façon l'enfant n'a pas le droit à la parole je sais que on nous dit quand il y avait des conversations on essayait de prendre la conversation c'était non mais C'est-à-dire, on ne t'a rien demandé, et c'était hyper mal vu de prendre la parole. Et en fait, je m'aperçois que c'est quelque chose d'incroyable. On a tous ça, c'est gratuit. Ça pourrait tellement sauver des gens, parler juste. Mes filles, quand elles reviennent de l'école, on les force. Alors, qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui à l'école ? Qu'est-ce qui s'est passé ? On essaie de verbaliser, mais c'est tellement important. La parole, c'est ce qui est... Juste le verbaliser, c'est déjà se décharger de poids.

  • Speaker #0

    Elle libère aussi la parole.

  • Speaker #1

    La parole libère totalement.

  • Speaker #0

    Dans ce qu'on est victime de violences, de viols, de violences sexuelles, il y a tout un processus de guérison qui peut ne pas se mettre en place, mais qui peut se mettre en place aussi. J'avais en tête le processus qui avait... On a proposé Judith Hermon, qui passait par la sécurité, la remémoration, puis la reconnexion à soi. J'avais envie de savoir quelles étaient tes propres étapes à toi dans ton parcours de réguérison, et où est-ce que tu en es maintenant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on ne finit jamais de guérir, déjà. Ensuite, j'ai eu de la chance, parce qu'en fait, je ne sais pas si c'est de la chance, non, je retire ce que j'aime bien. Je suis... En fait, je suis tombée sur mon mari. Ça a été le premier point de départ de ma guérison. Qui a tout de suite vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez moi. Je me souviens qu'il me disait, les débuts quand je t'ai rencontré, j'avais l'impression d'avoir en face de moi un petit animal blessé qui était à vif sur pas mal de sujets, qui s'emportait très vite mais qui était très faible et très fragile sur d'autres choses. Donc j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et puis ensuite, quand je suis tombée enceinte de ma première fille, je ne sais plus comment on est arrivé à une discussion. J'ai dû parler, j'ai dû dire, oui, il m'est arrivé ça. Et en fait, ça a été merveilleux parce qu'il m'a dit, wow, OK, alors il faut que tu me racontes. Non, je n'ai pas envie. OK, mais tu prendras le temps qu'il faut, mais il faut qu'on en parle. Et puis, le processus de guérison a commencé comme ça. C'est-à-dire que... Il y a quelqu'un qui m'a cru. Il y a quelqu'un qui ne m'a pas dénigré. Et il y a quelqu'un qui m'a fait... J'étais en sécurité. Je savais que je pouvais parler en toute sécurité. Et il m'a dit, tu ne dois pas avoir honte. Ce n'est pas à toi d'avoir honte. Donc ça, ça a été le premier choc. Et ensuite, je pense... qu'après il y a des choses qui reviennent de manière subite. Et quand ça arrive, j'ai dû être entourée. Et moi, c'est mon médecin qui s'en est aperçu. Et mon médecin m'a fait parler, encore une fois, la parole. J'ai beaucoup parlé avec lui. Et ensuite, il m'a dit, il faut absolument que vous soyez suivi. Moi, je lui ai dit, mais non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en dépression. Oui, bien sûr. Donc, il m'a obligée à aller voir quelqu'un. J'ai vu cette personne à raison d'une fois par semaine. Et ensuite, j'ai écrit. Et après avoir écrit, j'en ai parlé à mes enfants. Très important aussi pour moi. Et après en avoir parlé à mes enfants, je me suis sentie totalement libérée. C'est-à-dire que voilà, maintenant, j'en ai parlé à mon médecin, à mon mec, mes enfants sont au courant. Wouah, plus rien ne peut m'atteindre. Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à en parler en public. Et le fait d'en parler en public, ça m'a totalement, totalement, totalement libérée. Parce que je n'ai pas fait une rencontre où il n'y avait pas une personne qui venait me voir en disant Waouh, j'ai vécu ça. Alors j'ai lu ton livre. Il m'est arrivé ça. Je veux en parler. Je comprends qu'il faut en parler. J'ai parlé à l'Assemblée nationale, j'ai parlé au Sénat, j'ai parlé dans des petites assos, j'ai parlé devant trois personnes, j'ai parlé devant 50 personnes, j'ai parlé devant 200 personnes. Il n'y a pas une fois, une personne n'est pas venue me voir et juste ça, ça fait... je me sens utile en fait.

  • Speaker #0

    Ça permet de guérir aussi.

  • Speaker #1

    Ça permet totalement... Des fois c'est dur parce qu'en fait, il y a aussi ce truc où... comme tu parles et que tu racontes ce que t'as vécu les gens ont aussi envie de te parler de ce qu'ils ont vécu. Et des fois, je me prends des histoires en pleine figure, et là, ça me ramène à des choses. Je suis hypersensible aussi. C'est-à-dire que dès qu'on va me parler de ces sujets, je ne vais pas être bien. Et ensuite, je sens aussi qu'il y a des personnes qui sont hyper fragiles, qui vont me poser des questions que je n'arrivais plus à gérer. J'en ai demandé, j'ai dit à mon médecin, je n'y arrive plus. C'est compliqué pour moi parce que j'ai une charge... émotionnelles trop fortes, importantes. Je faisais des cauchemars. En fait, il m'a dit qu'il faudrait les renvoyer vers des spécialistes, etc. Donc, c'est ce que j'ai fait. Mais je t'avoue qu'il y a un épisode, d'ailleurs, qui me trotte encore dans la tête. Je ne sais pas trop ce qui est devenu cette fille. Une fille m'a contactée sur Insta et qui m'a dit, oui, j'ai lu ton livre, il faut que je te parle, etc. On en a parlé, on a beaucoup échangé sur Insta. Je ne sais plus. La conversation s'est arrêtée. Un jour, elle est revenue. Elle m'a dit, je ne sais pas comment tu fais, Rose. Comment tu fais pour vivre ? Comment tu fais pour avoir la vie que tu as ? Je vois comment tu es avec tes enfants, etc. Comment est-ce possible ? Moi, je n'y arrive pas. Je me dégoûte. Je n'arrive pas à être une bonne mère, etc. Elle m'a envoyé ça. J'étais en vacances.

  • Speaker #0

    Elle t'a envoyé quelque chose ?

  • Speaker #1

    Elle m'a envoyé quelque chose. Je ne sais pas. C'est violent après. Très violent. Et là, j'ai dit, écoute, attends. je vais prendre le temps de te répondre j'ai pris le temps et je lui ai fait un très long texte où je lui ai expliqué en disant écoute tu sais déjà d'une Instagram c'est pas la réalité je montre ce que j'ai envie de montrer déjà c'est mon métier donc je sais comment parler et comment rendre du rêve et ensuite je lui ai tout dit je lui ai dit je suis suivie elle m'avait dit j'arrive pas à aimer mes enfants. Moi, c'est tout l'inverse. J'ai un amour incommensurable pour mes enfants. Je peux comprendre que ça bousille. Parce qu'elle a des garçons, elle dit que je n'arrive pas à les aimer. Donc, j'ai essayé de lui faire... Je lui ai dit, ben voilà, tu peux contacter tel assaut, tu peux passer... Je n'ai plus de nouvelles, je ne la vois plus. Je ne sais pas trop ce qu'elle est devenue.

  • Speaker #0

    Ça te reste ?

  • Speaker #1

    Ça me reste, ça. J'ai peur. J'ai peur qu'elle ait fait une bêtise, je ne sais pas. Mais après je me dis, c'est pas mon histoire, faut pas que je prenne.

  • Speaker #0

    Et c'est sûr, ce que tu disais, la charge émotionnelle est très forte quand on partage, on reçoit aussi du coup les autres histoires. Et en termes d'émotion, tu parles justement de cette tristesse qui te caractérise depuis que tu as été agressée pour la première fois à l'âge de 6 ans, qui n'existait pas avant et qui est là, qui est présente. On dit souvent que le corps n'oublie pas, n'oublie rien même. et je voulais savoir comment va ton corps maintenant, moralement et le corps physique aussi et est-ce qu'il reste encore des poids de ce traumatisme et de cette tristesse en toi ?

  • Speaker #1

    je pense que je serai toujours triste j'ai toujours été depuis j'ai toujours été mélancolique et ça se traduit j'ai des phases des fois comme ça où j'ai besoin d'être seule, de m'isoler et Des fois, ça peut m'arriver de pleurer sans rien, juste comme ça. En revanche, mon corps, je fais très attention à mon corps parce que c'est un peu une carapace, tu sais. Quand j'étais dans une phase de très grosse dépression, je soignais mon corps. Je suis hyper coquette, je ne laisse rien transparaître. C'est un peu une manière aussi de ne pas me laisser ronger par ça. Du coup, je fais beaucoup de sport. Mais après, le corps, c'est aussi la tête. Et la tête, là, c'est autre chose. Là, c'est vraiment autre chose. Je pense que si je n'avais pas des médicaments pour m'aider, c'est un peu une béquille chimique. Ce serait plus compliqué. Mais voilà, après, tu vois, je fais beaucoup de sport. J'essaie de me faire masser, de faire pas mal de choses, des exercices de respiration.

  • Speaker #0

    C'est important. En tout cas, la tristesse n'est plus l'unique émotion qui te caractérise.

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Elle est toujours là, en fond, en fil et graines. Mais paradoxalement, tu vois, je suis une fille très... Enfin, moi, je pense que je suis une nana qui aime bien s'amuser. Enfin, tu vois, j'ai... C'est bizarre, je dois pouvoir, je ne sais pas, je dois switcher entre... Limite, des fois, je me demande si je ne suis pas un peu border, parce que des fois... Mais après, ça, c'est aussi, j'avais lu ça quelque part, c'est aussi caractéristique des personnes qui ont été agressées. Tu peux être dans des moments très euphoriques et d'autres moments très down. Moi j'ai ce truc dans le boulot.

  • Speaker #0

    où je peux être dans une phase hyper créa, très très créative, où j'ai envie de faire plein de choses. Tu vois, mon livre, je l'ai écrit, j'étais hyper créa, c'était incroyable. Et d'autres moments où je me sens nulle, c'est très compliqué pour moi. Je pense que ça doit s'expliquer, je n'ai pas encore trop cherché.

  • Speaker #1

    Et désormais, tu fais un ton de ta voix. Notamment, tu te bats pour que le retrait du délai de prescription... des actes de viol sur mineurs s'arrêtent, tout simplement. Qu'est-ce qui a déclenché cet engagement, cette prise de parole publique sur ce sujet et ton engagement autour de ce combat ?

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses. Il y a notamment une chose, je ne veux pas en parler parce qu'en fait, c'est encore un peu trop douloureux, mais c'est surtout le fait que lorsque j'en parle, autour de moi, je m'aperçois... Les enfants, c'est trop vulnérable. Depuis que j'ai des enfants, c'est juste impossible. Juste le fait de me dire si jamais il arrive ça à mes enfants, je ne sais pas ce que je fais. Et ensuite, je l'ai vu sur moi, en fait. C'est-à-dire que j'ai occulté mon cerveau à oublier ce qui m'était arrivé. Il savait. Il l'a rangé quelque part. Ce n'était pas très bien rangé. Et quand c'est sorti, c'est sorti longtemps après. Et surtout, j'ai vu autour de moi qu'il y avait beaucoup de personnes, beaucoup de femmes et d'hommes qui se souviennent de choses très longtemps après. Donc, sur quelle base les politiques, les personnes qui décident de faire la loi se sont dit 18 ans, 30 ans après la majorité, c'est une... C'est le bon nombre. Sur quelle base ils se sont basés pour se dire, ouais bon, on va leur laisser 30 ans après la majorité pour pouvoir parler, et si jamais ils parlent 30 ans après la majorité, eh ben c'est trop tard. On va partir du principe qu'il y a prescription. Sur quelle base ? Déjà d'une. Et de deux, on s'aperçoit qu'il y a des gens, ça sort, il y a des personnes qui m'ont écrit en me disant, Je me suis souvenu, j'avais 60 ans, je suis une vieille dame maintenant. Ça m'est arrivé, j'avais 7, 8 ans. Et puis surtout, il y a des personnes qui savent que ça leur est arrivé, mais qui se disent, mais je ne suis pas sûre. Je ne suis pas sûre parce que, oh là là, je ne sais pas, mon cerveau me joue des toits. Donc pour toutes ces raisons, il ne devrait pas y avoir prescription, parce qu'en fait, il faudrait laisser le temps aux gens. Personne ne doit décider de quand. Tu as le droit de parler quand tu te sens libre, quand tu te sens bien, tu parles. C'est que personne n'a le droit de dire, tu as juste 4 ans pour parler, personne, si ce n'est toi. Et ensuite, on me reproche aussi le fait de dire, excuse-moi mais pour qu'une société puisse avancer, il faut que la société puisse oublier. C'est très drôle parce qu'on... Des fois, j'en parle à des personnes qui sont très lettrées, etc. et qui me disent, tu vois, on ferait. Il dit que lui, il a vécu des choses très compliquées dans sa vie et pour avancer, il a oublié. Fine, très bien. Et en plus, moi, je suis d'accord. Pour avancer, il faut oublier. Mais avant d'oublier, il faut comprendre ce qui nous est arrivé. Il faut digérer. Et ça, ce laps de temps, il n'est pas négociable. Et il n'est pas négociable par rapport à des personnes qui font soi-disant... Sur quelle base on se... Il n'est pas négociable. Il n'est pas négociable avec ta souffrance, en fait. Donc, moi, je suis partisane qu'il faut oublier pour avancer. De toute façon, ton cerveau le fait tout seul. Oui. Parce que le cerveau, quand il y a des choses qui sont trop compliquées, il ne peut pas vivre. C'est ce qui arrive dans tous les traumas. La guerre, les attentats. Ton cerveau fait quelque chose d'incroyable. Il est étrange. Il est étrange. Mais ça ressort.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est ça, c'est l'impact psychologique, je me disais. Même l'impact positif psychologique pour une victime qui sait qu'il n'y a pas de limite de temps, en fait, pour poursuivre son agresseur, en fait, c'est ça, pour réclamer justice.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y aurait un impact en se disant, ok, je peux, et en fait, je peux être reconnue victime. C'est ça, là.

  • Speaker #0

    Après, il y a deux écoles. Il y a aussi des personnes qui disent, je préfère qu'il y ait une... Une date, parce que ça me motive plus ou moins à aller porter plainte. Ça s'entend. Mais en même temps, je me dis... qu'on ne devrait pas imposer. Oui,

  • Speaker #1

    sans date, tu as le choix aussi.

  • Speaker #0

    Tu as le choix aussi. Et puis, il y a des gens aussi qui disent Ah, comme je sais que la date est passée, maintenant c'est bon, je ne pourrai plus porter plainte. Donc, c'est plus de ma faute si je ne porte plus plainte. Et j'ai aussi l'impression qu'il y a des personnes qui ont peur de se dire Non, mais s'il y a un prescription, à n'importe quel moment, je peux me retrouver en prison. Mais déjà... de mettre les gens en prison. Moi, je ne suis pas... Je comprends aussi, en fait. J'ai été victime, mais je comprends aussi l'agresseur. C'est paradoxal. C'est-à-dire que moi, je suis prête à discuter avec mon agresseur. Je suis prête à échanger. Et je pense que, encore une fois, la parole libère. Et si, en face, sauf dans des très rares cas où il y a des personnes, des agresseurs qui ne veulent vraiment pas comprendre, on s'assoit, on discute. la personne aussi peut comprendre que il y a plein de raisons qui font que tu agresses il y a plein de je vais pas revenir là dessus peut-être qu'on va en parler il y a plein de raisons qui font que tu agresses et que tu deviens agresseur mais l'idée c'est pas non plus de dire ben voilà comme il y a un prescription vous allez tous aller en prison, c'est pas du tout ça l'idée c'est de comprendre ce qui arrive et d'essayer d'avoir un dialogue mutuel et de faire société en fait oui c'est ça et justement je me disais qu'une telle réforme

  • Speaker #1

    serait un peu un pas vers une transformation de la place des victimes dans la société et justement une reconnaissance de leurs souffrances qui peuvent réapparaître, comme tu nous l'as expliqué, des années et des années après. Mais c'est vraiment une réappropriation de la notion de victime en se disant qu'il n'y a pas de délai pour être victime, pour avoir les souvenirs qui ressurgissent. Et ce statut-là, en fait, il doit avoir le droit à la justice.

  • Speaker #0

    Peu importe le délai.

  • Speaker #1

    Cette notion de victime.

  • Speaker #0

    Exactement, tout à fait.

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'une fois qu'il y a prescription, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    T'es victime, mais tu peux pas être entendue par la loi. Puis après, chaque personne agressée vive les choses de manière totalement différente. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux personnes de parler ? Juste le fait de parler, d'aller... de s'asseoir devant... Parce que tu parles à la police, au magistrat, à la justice. Donc tu parles à la société. C'est en fait une sorte de reconnaissance. Je veux dire, justement, le fait de dire après 30 ans la majorité, ça veut dire qu'après, même si on finit par te dire oui, t'as été victime, mais t'es pas reconnue par la société en tant que victime. Et c'est ça qui me tue, en fait. C'est ça qu'il me dit, mais c'est rajouter de la souffrance à la souffrance. Et ça, c'est vraiment intolérable.

  • Speaker #1

    Dans Elles agissent, on parle d'action. Quel message tu aurais envie de passer peut-être aux auditeurs, auditrices qui nous écoutent, qui justement ne laissent pas place à cette action que tu as mise toi en place, que tu fais pour oser peut-être aussi ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué parce qu'en fait, d'un côté, il y a des gens qui nous disent c'est courageux Je ne trouve pas ça du tout courageux. Je fais, c'est tout. Et j'aurais aimé ne pas le faire. J'aurais aimé ne pas avoir vécu tout ça. Et de l'autre côté, il y a certaines personnes aussi qui me disent non mais franchement, on n'a pas marre de parler de tous ces sujets, c'est pas agréable

  • Speaker #1

    On te dit ça, que c'est pas agréable ?

  • Speaker #0

    Oui, on m'a même déjà reproché des fois. Sur mon compte Instagram, c'est bon. Pas ça autre chose. Pas ça autre chose. Il y a des gens qui me disent, moi, dès que tu commences à parler de ces trucs, je swipe. Je comprends. Je comprends, ce n'est pas un sujet agréable, franchement. Et puis, ce n'est pas quelque chose qui me réjouit aussi. Des fois, je vais sur des plateaux, je dors mal. Je dors mal. Ce n'est pas agréable, ce n'est vraiment pas agréable. Mais justement, c'est parce que ce n'est pas agréable qu'il faut en parler. que ça s'arrête. Non, c'est pas agréable, c'est pas cool, c'est pas un sujet facile. Par exemple, je repense souvent à cet exemple de Dorothée Ducy, qui a écrit un livre incroyable sur l'inceste, l'anthropologie de l'inceste, qui explique que pendant des années, elle a mené ses enquêtes et elle dit, franchement... C'était vraiment pas agréable. Tout le temps, parler de ces sujets, elle dit, moi, quand je suis... On m'invitait plus dans les repas, parce qu'en fait, ça plombe bien l'ambiance. Elle dit, bien sûr que ça plombe l'ambiance. Et elle dit, et puis moi, elle rencontre des personnes qui ont agressé des agresseurs tout le temps, elle dit, mais c'est vraiment pas agréable, c'est horrible, c'est... Mais bien sûr, je veux dire, on est humain, c'est normal que c'est pas agréable. Enfin, je veux dire... Moi ça me plaît pas, c'est pas ma tasse de thé de parler d'agressions sexuelles. Mais en même temps, si on n'en parle pas, c'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'a pas eu lieu. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne qui est en face de toi n'a pas été agressée. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne ne souffre pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il n'y a pas d'agresseur. Donc je préfère passer ça le moment et me dire que finalement... Peut-être que ça va aider une petite fille à dire... Moi,

  • Speaker #1

    tu préfères agir.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je préfère agir, en fait. Et moi, si je devais dire quelque chose, c'est qu'il faut écouter les enfants. Il faut les écouter et les croire. Je ne supporte plus les personnes qui parlent de nuances. Foutez-nous la paix en fait. Arrêtez de rajouter de la violence à la violence comme si c'était une partie de plaisir pour un enfant de dire par exemple, papa m'a touché le sexe, bien sûr. C'est pas agréable, c'est pas une partie de plaisir et les enfants n'inventent pas. Tu ne peux pas inventer, tu n'as pas la maturité. la maturité sexuelle pour savoir ce genre de choses, tu peux pas inventer, c'est impossible mais c'est vraiment impossible, soit l'enfant a vu, soit l'enfant l'a vécu, soit on lui a montré, c'est impossible donc les questions de nuances etc, please vraiment fuck you, je suis désolée, je suis hyper violente dans mes paroles parce qu'il faut arrêter Et donc, il faut écouter les enfants, il faut les croire. Et en fait, même lorsque les enfants ne parlent pas, leur corps dit des choses, leur manière de dormir, de vivre les choses, d'être en colère, tout parle. Donc il faut toujours essayer de déceler ce qui ne va pas. Et c'est la meilleure des choses que l'on puisse faire en tant que parent. Les croire, les mettre en sécurité. Franchement, c'est le plus beau des cadeaux que l'on puisse faire à nos enfants. Et

  • Speaker #1

    Rose, quelle est ta définition d'agir ? Ça veut dire quoi pour toi ?

  • Speaker #0

    Agir, pour moi, c'est... On peut agir de n'importe quelle manière, en fait. Ça peut être déjà souffrir à la question, écouter des podcasts comme le tien. Ça peut être juste lire ces sujets-là. Ça peut être mettre un like sur Instagram, sur un post. qui parle de ces sujets-là. Ça peut être une copine qui n'est pas bien et de lui, de la prendre dans ses bras. Ça peut être là, en fait, pour quelqu'un. Ça peut, si quelqu'un te dit je ne suis pas bien te dire bon, écoute, le jour où tu te sentiras prêt, peut-être que tu as besoin de parler, je suis là Après, agir, ça peut aussi... Après, il y a agir de manière politique. de s'engager. Mais là, ça demande quand même beaucoup de... ça demande beaucoup de soi. Moi, je suis fan du fait que des personnes comme toi, Émilie, s'intéressent à la parole des femmes, de donner la parole à des personnes qui n'ont pas l'habitude de parler. Agir, c'est tout ça. C'est vraiment... Tu peux agir à n'importe quel niveau. C'est-à-dire... Par exemple, dans la rue, il y a une petite fille qui est dans l'école de mes enfants, qui d'un coup d'un seul a reçu une claque de son grand frère. Ils ont peut-être trois ans d'écart. Mes enfants étaient là et ce petit garçon était avec sa nounou et avec sa petite soeur. Et il lui a mis une claque, mais j'ai jamais vu ça. Et c'était tout à fait naturel et normal, tu vois. C'est-à-dire que la petite, elle, a rien dit. La nounou, qui ne devait pas être sa nounou, en fait, ça devait être la grand-mère. Bon, elle a dit, allez, on avance. Mais waouh, j'étais tellement choquée. Mes filles étaient hyper choquées. En fait, j'étais dans une espèce de sidération. Ça m'a travaillé. Je suis rentrée à la maison. J'en ai parlé à mon mec. Et lui, il me dit, mais toi, t'as rien fait. T'as rien dit. T'as pas été voir. Je fais, ben non, j'ai pas réussi. Et ça, c'est à gérer, en fait. J'ai pas réussi. Et après, je dis, mais qu'est-ce que je peux faire ? Il dit, ben, je sais pas, moi, maintenant. Je me suis sentie mal. Et en fait, ouais, agir, c'est déjà ça. C'est juste de dire, ben, attends. Tu ne mets pas une claque. C'est dur, mais tu peux agir à n'importe quel niveau. Après, il y a des signalements, tu sais très bien qu'il y a des choses qui se passent. Mais là, pour moi, c'est compliqué parce que tu ne sais pas jusqu'où ça peut aller. Mais mon médecin m'encourage. Après, mon médecin est très fier de moi. Il me dit C'est incroyable, Madame Pierre-Louis. Vous vous rendez compte ? Vous êtes venu la première fois, vous n'arrivez pas à parler. Et là, maintenant, vous ne faites que de parler. C'est génial. Continuez, continuez. Donc, c'est ça. Par n'importe quel biais. Et surtout, tu sais, maintenant, on est tous sur les réseaux sociaux. Tous, tous, tous, tous. Ça me tue, ça me flingue de voir qu'il n'y a pas plus de personnes connues qui prennent la parole sur ces sujets-là, qui encouragent à parler. à appeler tel numéro, tout ça, etc. qui ont une telle puissance auprès de leur audience. Mais bon, on va, je veux dire, continuer, enfin parler. Agir, c'est parler, oui.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci pour cet échange.

  • Speaker #0

    Merci,

  • Speaker #1

    Amélie. Merci pour ce moment.

  • Speaker #0

    C'était intense. Et surtout, je voulais... Dire quelque chose à toi, parce qu'en fait on s'est rencontré par l'intermédiaire d'une amie et surtout on a vécu, enfin on vit dans la même ville et on s'était jamais croisés, on a jamais discuté. Et donc finalement quelque part je me dis on traverse tous, on a tous nos secrets, on vit tous certaines choses. On devrait prêter plus attention à ceux qui nous entourent et faire plus attention, tout simplement. Ça, c'est agir à faire plus attention aux personnes qui sont autour de nous, proches de nous, dans les écoles, les mamans qui, des fois, peuvent être un petit peu soit véhémentes ou alors un peu plus tristes. On devrait faire plus attention, moins regarder nos téléphones parce que dans la rue... On regarde beaucoup les téléphones, on est par terre, on a la tête baissée, on regarde nos téléphones. On devrait plus se regarder en fait.

  • Speaker #1

    Et discuter, on aura des belles rencontres.

  • Speaker #0

    Et ça, pour moi, ça a été vraiment une très très belle rencontre.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Donc merci. Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de recevoir Rosemonde Pierre Louis, femme d’affaires franco-haïtienne et autrice du livre Je ne suis pas ta mère.


Un récit bouleversant, où elle dévoile son parcours de résilience face aux violences sexuelles subies durant son enfance.


Son histoire est bien plus qu’un témoignage : c’est un appel à briser le silence, un acte puissant pour transformer l’intime en universel.


Dans cet épisode, Rosemonde partage avec nous son cheminement, son engagement pour l’imprescriptibilité des viols sur mineurs, et la force de la parole comme outil de guérison.


Nous avons enregistré cet épisode après une longue discussion dans un café, où chaque mot résonnait avec tant de profondeur. C’est ce moment que je vous invite à vivre avec nous, un moment où les tiroirs d’une histoire personnelle s’entrelacent avec celles de tant d’autres femmes.


Cet épisode abrode des sujets lourds comme le viols et les difficultés psychologiques. Si vous êtes dans un cas similaire, n'hésitez pas à contacter le 3919


En tant que productrice de podcasts, je crois au pouvoir des récits pour sensibiliser et engager. Si votre entreprise ou votre organisation souhaite porter des messages forts, nous pouvons construire ensemble un podcast sur mesure.


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Rose.

  • Speaker #1

    Salut Émilie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elsagis. Je suis heureuse de t'avoir dans mon micro.

  • Speaker #1

    Merci de m'avoir invitée surtout.

  • Speaker #0

    Alors Rose, pour te définir, j'aurais pu aller dans plein plein de définitions parce que tu es une femme plurielle. Je vais essayer de te définir tout de même avec ces quelques mots. Déjà, tu es une femme d'affaires. Tu as créé ta société. Ce n'est pas de la com. C'est pas rien, on en parlait un petit peu en off, c'est quelque chose d'assez important. Tu es aussi maman de deux jeunes filles et tu es l'auteur du livre qu'on a toutes les deux là sous les yeux, que j'ai du mal à qualifier parce qu'il est, je trouve, à la fois poétique, poignant, oui poétique,

  • Speaker #1

    je l'ai trouvé très poétique,

  • Speaker #0

    et surtout puissant. Et ce livre c'est Je ne suis pas ta mère que tu as auto-édité. Et dans cet ouvrage, tu racontes avec courage et sincérité ton parcours, je trouve, de résilience après avoir vécu des violences sexuelles durant ton enfance. Et donc, en partageant ton histoire, tu nous offres non seulement un témoignage de ton intime, mais aussi une réflexion sur la manière dont la parole peut briser les chaînes du silence, qu'elle soit familiale. ou personnel, ou même public.

  • Speaker #1

    Public, oui.

  • Speaker #0

    Ton livre est un livre à tiroirs, où l'on ouvre plusieurs facettes, que ce soit les facettes d'émotion, de vécu, tu y parles d'amitié, d'histoire de vie, de construction et de déconstruction. Tu brises des chaînes, des tabous, tu parles d'identité. Et comme tu le dis, l'écriture devient aussi un acte thérapeutique. Une nouvelle manière aussi peut-être de te réapproprier ton histoire et aussi de la digérer peut-être quelque part. Ma première question est la suivante. Dans ton processus d'écriture et après de publication, est-ce que tu as réfléchi à la manière dont ce récit pouvait passer de l'intime à l'universel en s'inscrivant dans un mouvement plus large aussi de contestation ? Des structures qui maintiennent, qui forcent le silence des victimes.

  • Speaker #1

    Wow, écoute, déjà je te remercie pour cette chronique, c'est incroyable tout ce que tu dis, merci. Quand tu écris un livre, en fait, tu t'attends pas forcément, le livre ne t'appartient plus en fait, ton texte ne t'appartient plus et je trouve que tu as fait une description qui me semble juste. Ensuite, pour répondre à ta question, je dirais qu'à aucun moment, quand j'ai écrit Je ne suis pas ta mère je pensais que déjà, j'allais m'inscrire moi-même dans une espèce de prise de parole qui allait devenir politique. Bien que c'est après coup que je me suis dit, mais en fait, l'intime est politique. Le fait de se mettre à nu comme ça, tout de suite, ça veut dire quelque chose. Et finalement, de toute manière, quand j'ai écrit, dans un premier temps, c'était purement égoïste. De manière égoïste, c'était une manière pour moi aussi, comme tu l'as très bien dit, de me réapproprier mon histoire, d'en faire quelque chose, en fait. L'idée, c'était aussi de dire... Comment je peux dire ça ? Le noir, la noirceur de ce que j'ai pu vivre. Ça y est, je l'ai vécu. Maintenant, est-ce que je peux transformer en quelque chose de sublime ? Pour moi, c'est passé par l'écriture. Finalement, quand j'ai écrit le livre, je ne voulais pas écrire quelque chose de triste. C'est peut-être pour ça, en ce sens, que tu dis que c'est poétique. J'ai peut-être une manière d'écrire qui est très imagée. J'avais aussi envie d'emmener les gens dans mon monde. J'avais envie aussi que les gens comprennent et se réapproprient. Mon histoire est que la petite fille qui est rose dans ce livre soit aussi la personne qui lit les livres, parce que c'est un peu une histoire universelle quand même. Non, je n'avais pas pensé que ça allait devenir quelque chose, que ça allait briser des chaînes. Parce qu'en fait, à la sortie du livre, moi déjà, j'avais très, très peur d'en parler. Je ne pensais pas que ça allait être un livre, déjà. Dans un premier temps, j'ai écrit le texte vraiment de manière cathartique, vraiment pour me réapproprier mon histoire et pour me dire attends, j'ai vécu ça, j'ai vraiment vécu ça, mais c'est pas possible Et je voulais vraiment le mettre sur papier. Et puis après, je me suis dit oh, bon, c'est pas mal ce que j'ai écrit quand même Et puis ensuite, je me suis dit bon, ce sera pour mes filles Et puis après, je me suis dit oh, je vais peut-être le publier Et quand il est sorti, moi qui suis dans la com', je voulais plus en parler. Je voulais dire non, j'avais trop peur quand il est sorti Quand il a été imprimé et que c'est vraiment arrivé dans l'entrepôt, dans la boîte de distribution, je me suis dit Oh, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Mais je suis folle ! Je suis en train de détruire ma vie ! Parce que je crois que j'avais conscience à un moment donné que c'était quelque chose de puissant.

  • Speaker #0

    Là, c'est là où tu as pris conscience. C'est là que j'ai pris conscience.

  • Speaker #1

    Exactement. Et puis, c'est sorti aussi au moment où... Je pense que je l'ai aussi écrit, j'ai voulu sortir parce qu'il y avait le mouvement MeToo, tout ça, etc. Donc j'ai trouvé qu'il y avait des femmes hyper courageuses. Et c'est à ce moment-là que je me suis dit, oui, c'est vrai que là, on doit changer le corps. Mais après, pour en parler, ça a été très compliqué. Et j'ai mis vraiment un an avant de vraiment en parler, parce qu'il y a eu des choses qui ont fait que j'ai décidé d'en parler. Et quand j'ai décidé d'en parler, c'était fini. Ça y est, je ne pouvais plus m'arrêter. C'est un peu mon combat, ça devient hyper important dans ma vie, j'en parle partout, c'est devenu quelque chose qui me dépasse en fait et je l'accepte maintenant.

  • Speaker #0

    Et justement, on parlait de cet aspect thérapeutique, est-ce qu'il y a certaines choses qui sont sorties dans l'écriture ? Est-ce qu'il y a eu un cheminement ? Est-ce que ça t'a permis aussi de te rendre compte de tout ce que tu avais vécu et de prendre un petit peu de recul sur tout ça ?

  • Speaker #1

    Alors, pour te dire la vérité, je savais exactement ce que j'allais mettre dans le livre, mais je ne savais pas dans quel ordre. Donc, j'ai écrit les choses qui étaient plaisantes pour moi, donc dans un premier temps. C'est ce que j'ai écrit. J'ai adoré parler de mes copines. J'ai adoré parler de mes filles. Les choses qui me faisaient du bien. J'ai commencé par écrire ça. Et bizarrement, je savais que les choses qui ont été très compliquées dans ma vie, j'allais les écrire à la fin parce que je savais que ça allait être douloureux. Et effectivement, quand j'écrivais, je pleurais. C'était incroyable parce que je pleurais mais des litres, des litres. dos, j'arrivais plus à m'arrêter. Puis j'avais une rage, j'étais en colère, j'avais la rage. Bizarrement, j'avais pas honte. J'ai tout écrit, et en fait, ça m'a libérée, ça m'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Et peut-être que la notion de ne pas avoir honte, de faire du bien, est-ce que ça te permet aussi de te réapproprier ton identité ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai envie de te dire que quand tu as été agressée, violée dans ton enfance, puis même tout court, c'est une blessure à vie en fait. C'est un handicap à vie que tu portes, ça ne se voit pas et c'est invisible. On va dire que des fois, ça me fait du bien. et des fois moins, mais mettre un petit pansement quand même, ça apaise un peu finalement. Mais c'est pas facile. Pas facile, non.

  • Speaker #0

    Dans ce livre aussi tu parles, je le disais que c'était un tiroir plein de sujets, on parle de culture aussi, d'héritage culturel que tu portes. Tu es née en Haïti, tu es franco-haïtienne. Ma question était de savoir comment ces cultures, Ont-elles influencé ta perception de ce que tu as vécu, de la violence, de la violence sexuelle, des non-dits ? Quel est l'héritage culturel qu'il y a dans tout ça ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est un fardeau. Un fardeau immense que l'on fait porter sur les petites filles, sur les femmes. dans nos cultures et pourtant je suis pas restée longtemps en Haïti mais du fait d'avoir été élevée par des femmes qui ont très certainement vécu ce que j'ai vécu, parce qu'on n'en a jamais parlé, du fait d'être dans une... C'est très drôle parce qu'en fait, en Haïti, on a ce que l'on appelle le vaudou. Et dans la culture, qui est une religion, dans le vaudou, les femmes sont à égalité entre les hommes. C'est très drôle, elles ont autant de pouvoir que les hommes, si ce n'est plus. elles sont très fortes et tout ça etc mais ça ne se reproduit pas forcément dans la réalité après il y a eu c'est très simple bien sûr donc après il y a eu une évangélisation donc il y a eu la religion catholique protestante etc qui là pour le coup inverse les rôles puisque la La femme est née d'une côte de l'homme, donc la femme est un peu en dessous. Et de ce fait, je pense qu'on l'a intégrée et puis on le fait très bien comprendre aux petites filles que c'est très drôle parce qu'en fait, on dit aux petites filles, attention, aux garçons, etc. Mais on ne nous explique pas pourquoi. Et on blâme les petites filles. Les petites filles, elles n'ont pas le droit de sortir, elles n'ont pas le droit de côtoyer les garçons, etc. Mais les garçons, pas de souci. Et je pense que... Ça c'est quelque chose que l'on a intégré tout petit. On le sait, on sait que les garçons ça peut être dangereux, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. Et on ne parle pas de ces sujets-là. Il n'y a pas de sensibilisation sur le fait que ton corps est ton corps. Et puis il y a aussi ce truc en Haïti où les portes sont ouvertes tout le temps. On est très accueillants. Enfin je veux dire, même si on n'a pas à manger, il y a quelqu'un qui vient à la maison. Cette personne aura à manger. Et donc le fait aussi d'être... On nous apprend aussi qu'il faut être hyper poli.

  • Speaker #0

    Mais même, pardon, à l'extrême, parce que c'est ce que tu dis dans ton livre, c'est que c'est cette ouverture poussée même à tout le monde qui a fait rentrer un peu le diable ici.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est que oui, c'est poussé à l'extrême. C'est qu'il faut être très sage. Il faut toujours obéir à l'adulte. C'est très important. Oui, bonjour, monsieur. Au revoir, monsieur. Merci. Si un adulte te dit, viens, ma petite fille, viens t'asseoir sur mes jambes, ben, t'y vas, parce qu'il faut respecter, etc. Et finalement, comme les portes sont tout le temps ouvertes, il n'y a pas... Mais en même temps, on te dit, fais attention. Donc, c'est paradoxal. C'est paradoxal. Tu ne sais plus sur qui elle peut danser. Et finalement, le fait de faire entrer tout, n'importe qui, chez soi, ça... Ça ouvre la porte à du n'importe quoi aussi.

  • Speaker #0

    Ça fait endosser toutes les responsabilités, à la fois d'ouvrir, d'être très le cœur sur la main, et en même temps, c'est ta responsabilité de ne pas être agressée, presque.

  • Speaker #1

    Totalement. Mais c'est totalement ta responsabilité, c'est ta faute. Et puis de toute façon, je le raconte dans le livre, à un moment donné, je crois qu'une fois, je... On nous a surpris avec mon agresseur, qui était plus âgé que moi, un garçon. Et en fait, la personne qui a été blâmée, ce n'est pas le garçon, c'était moi. Parce que je n'avais pas à être à cet endroit à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Et c'est ta tante, justement, qui te blâme.

  • Speaker #1

    Exactement. Et finalement, moi, je pensais qu'elle allait me sauver. Je pensais qu'elle allait me dire Oh mon Dieu ! C'est très drôle parce qu'en fait j'étais contente qu'elle nous découvre et en même temps je me suis dit oulala je vais peut-être en prendre une mais je savais pas pourquoi. Et le fait de dire mais c'est ta faute, donc finalement s'il se reproduit la même chose, tu te tais parce que tu sais que tu vas te prendre une braille.

  • Speaker #0

    Ça instaure le silence que tu brises là avec ton discours et ton livre.

  • Speaker #1

    Et le silence, en fait, c'est pas que dans la culture haïtienne, c'est partout. Dans les viols, les agressions, c'est partout. C'est ce qui fait que ça perdure, en fait. S'il n'y a pas de silence, je suis convaincue qu'il n'y a pas de viol. Et le fait de continuer à avoir honte, mais déjà, c'est une humiliation pour quiconque. Donc, tu as honte de fait, t'évites d'en parler. Et de deux... ton agresseur te fait comprendre que tu évites d'en parler et puis ton entourage aussi. Et puis quand tu lis certaines choses de la littérature scientifique, tu apprends que l'inceste, les agressions, les viols, il y a une mécanique qui se met en place. C'est ce que Dorothée Bussy appelle, qui est anthropologue, la grammaire du silence. Donc on le comprend sans se parler, on sait qu'on ne doit pas parler. Dans la manière d'être, dans sa façon de se comporter, dans ses gestes, toute la famille sait que tu ne dois pas en parler. silence signifie agression.

  • Speaker #0

    Oui, et ce silence, il est aussi très lié aux femmes de ta vie, qui sont à la fois, j'ai l'impression, ta force et ton poison, quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, oui. En fait, c'est très drôle parce qu'en fait, quelque part, moi, je n'ai pas connu directement le patriarcat. C'est-à-dire que je ne sais pas ce que ça veut dire qu'un mec... t'interdisent de mettre une jupe ou te disent t'as pas le droit d'aller là, j'ai pas connu ça mais j'ai connu le poids des interdits par ces femmes là parce que je pense que c'était entendu, c'était quelque chose qu'il fallait maintenir et en même temps moi je les ai trouvées hyper fortes parce que elles s'en sont toujours sorties et puis il y a ma tante aussi qui est une figure à part... qui est quelqu'un qui n'a jamais fait fi des normes sociales, mais qui, limite je me demandais si elle se rendait compte qu'elle était en marge quelque part de la société, parce qu'en fait c'est quelqu'un qui n'a jamais travaillé, ça ne l'a jamais intéressé. C'est quelqu'un qui buvait, qui fumait, qui sortait énormément, qui adorait s'amuser, et... je pense qu'elle a eu beaucoup d'hommes dans sa vie donc elle était complète donc ça c'est une figure qui finalement m'a marquée parce que quand je y repense je me dis j'ai dû prendre d'elle parce que je la voyais, elle se maquillait, elle sortait des fois elle rentrait pas et elle était, c'était la vie d'Aloca je pense qu'elle a vécu la vie de manière forte tout était déraisonné et ça j'ai dû récupérer ça parce que moi ma vie je la vis comme je l'entends en fait, c'est-à-dire que je vais me sortir, faire la fête, boire du champagne, m'amuser, j'inculque ça à mes filles et en même temps j'avais l'inverse aussi, j'avais ma grand-mère qui se sacrifiait.

  • Speaker #0

    Tu en parles beaucoup dans le livre.

  • Speaker #1

    Et je l'adorais, c'était quelqu'un qui était je la trouvais douce alors qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #0

    Elle est complexe.

  • Speaker #1

    C'est des figures très complexes parce qu'elle lutte en permanence en fait, elle lutte avec tout ce qui les...... composent et moi je crois que j'ai tiré j'ai essayé de tirer le meilleur de chacune d'entre elles et tu transmets ce meilleur à tes filles ? J'essaie de transmettre ça à mes filles, j'essaie de leur faire comprendre que que ce sont des filles et que plus tard elles auront le droit de faire ce dont elles ont envie mais véritablement qu'elles ne se mettent pas de barrière... Et surtout, j'essaie de leur faire comprendre que dans la vie, le plus important, c'est d'être heureux. C'est compliqué à le faire comprendre. C'est-à-dire que des fois, en même temps, j'ai une fille, la plus grande, à l'école, elle est vraiment dilettante. Elle n'est pas du tout stressée, mais en même temps, elle est stressée pour autre chose. Je leur ai souvent dit, dans la vie, rien n'est grave. J'essaie de faire en sorte qu'elles soient apaisées à ce niveau-là. Mais en même temps, il y a des choses que je dois transmettre malgré moi. Et puis maintenant, on sait qu'on transmet des choses aussi.

  • Speaker #0

    Autour du transgénérationnel. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Je crois que ce qu'on appelle l'épigénétisme, ça saute des générations. Moi, je pense que je dois porter des choses qui ne m'appartiennent pas. Mais ce n'est pas grave. dès lors que l'on en parle oui c'est ce que j'allais dire,

  • Speaker #0

    tu le formalises je le verbalise et cette notion de transmission elle est très forte pour toi et chez toi c'est peut-être ce que tu n'as pas vécu que tu as envie de justement de te casser, transgénérationnel c'est ça aussi,

  • Speaker #1

    on casse des choses pour arrêter de les transmettre c'est tout à fait ça et en fait moi j'ai pas connu, je sais pas ce que c'est que de discuter avec ma mère, ma tante ma grand-mère, ma famille, je sais pas je sais pas ce que ça veut dire... on ne discute pas de toute façon l'enfant n'a pas le droit à la parole je sais que on nous dit quand il y avait des conversations on essayait de prendre la conversation c'était non mais C'est-à-dire, on ne t'a rien demandé, et c'était hyper mal vu de prendre la parole. Et en fait, je m'aperçois que c'est quelque chose d'incroyable. On a tous ça, c'est gratuit. Ça pourrait tellement sauver des gens, parler juste. Mes filles, quand elles reviennent de l'école, on les force. Alors, qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui à l'école ? Qu'est-ce qui s'est passé ? On essaie de verbaliser, mais c'est tellement important. La parole, c'est ce qui est... Juste le verbaliser, c'est déjà se décharger de poids.

  • Speaker #0

    Elle libère aussi la parole.

  • Speaker #1

    La parole libère totalement.

  • Speaker #0

    Dans ce qu'on est victime de violences, de viols, de violences sexuelles, il y a tout un processus de guérison qui peut ne pas se mettre en place, mais qui peut se mettre en place aussi. J'avais en tête le processus qui avait... On a proposé Judith Hermon, qui passait par la sécurité, la remémoration, puis la reconnexion à soi. J'avais envie de savoir quelles étaient tes propres étapes à toi dans ton parcours de réguérison, et où est-ce que tu en es maintenant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on ne finit jamais de guérir, déjà. Ensuite, j'ai eu de la chance, parce qu'en fait, je ne sais pas si c'est de la chance, non, je retire ce que j'aime bien. Je suis... En fait, je suis tombée sur mon mari. Ça a été le premier point de départ de ma guérison. Qui a tout de suite vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez moi. Je me souviens qu'il me disait, les débuts quand je t'ai rencontré, j'avais l'impression d'avoir en face de moi un petit animal blessé qui était à vif sur pas mal de sujets, qui s'emportait très vite mais qui était très faible et très fragile sur d'autres choses. Donc j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et puis ensuite, quand je suis tombée enceinte de ma première fille, je ne sais plus comment on est arrivé à une discussion. J'ai dû parler, j'ai dû dire, oui, il m'est arrivé ça. Et en fait, ça a été merveilleux parce qu'il m'a dit, wow, OK, alors il faut que tu me racontes. Non, je n'ai pas envie. OK, mais tu prendras le temps qu'il faut, mais il faut qu'on en parle. Et puis, le processus de guérison a commencé comme ça. C'est-à-dire que... Il y a quelqu'un qui m'a cru. Il y a quelqu'un qui ne m'a pas dénigré. Et il y a quelqu'un qui m'a fait... J'étais en sécurité. Je savais que je pouvais parler en toute sécurité. Et il m'a dit, tu ne dois pas avoir honte. Ce n'est pas à toi d'avoir honte. Donc ça, ça a été le premier choc. Et ensuite, je pense... qu'après il y a des choses qui reviennent de manière subite. Et quand ça arrive, j'ai dû être entourée. Et moi, c'est mon médecin qui s'en est aperçu. Et mon médecin m'a fait parler, encore une fois, la parole. J'ai beaucoup parlé avec lui. Et ensuite, il m'a dit, il faut absolument que vous soyez suivi. Moi, je lui ai dit, mais non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en dépression. Oui, bien sûr. Donc, il m'a obligée à aller voir quelqu'un. J'ai vu cette personne à raison d'une fois par semaine. Et ensuite, j'ai écrit. Et après avoir écrit, j'en ai parlé à mes enfants. Très important aussi pour moi. Et après en avoir parlé à mes enfants, je me suis sentie totalement libérée. C'est-à-dire que voilà, maintenant, j'en ai parlé à mon médecin, à mon mec, mes enfants sont au courant. Wouah, plus rien ne peut m'atteindre. Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à en parler en public. Et le fait d'en parler en public, ça m'a totalement, totalement, totalement libérée. Parce que je n'ai pas fait une rencontre où il n'y avait pas une personne qui venait me voir en disant Waouh, j'ai vécu ça. Alors j'ai lu ton livre. Il m'est arrivé ça. Je veux en parler. Je comprends qu'il faut en parler. J'ai parlé à l'Assemblée nationale, j'ai parlé au Sénat, j'ai parlé dans des petites assos, j'ai parlé devant trois personnes, j'ai parlé devant 50 personnes, j'ai parlé devant 200 personnes. Il n'y a pas une fois, une personne n'est pas venue me voir et juste ça, ça fait... je me sens utile en fait.

  • Speaker #0

    Ça permet de guérir aussi.

  • Speaker #1

    Ça permet totalement... Des fois c'est dur parce qu'en fait, il y a aussi ce truc où... comme tu parles et que tu racontes ce que t'as vécu les gens ont aussi envie de te parler de ce qu'ils ont vécu. Et des fois, je me prends des histoires en pleine figure, et là, ça me ramène à des choses. Je suis hypersensible aussi. C'est-à-dire que dès qu'on va me parler de ces sujets, je ne vais pas être bien. Et ensuite, je sens aussi qu'il y a des personnes qui sont hyper fragiles, qui vont me poser des questions que je n'arrivais plus à gérer. J'en ai demandé, j'ai dit à mon médecin, je n'y arrive plus. C'est compliqué pour moi parce que j'ai une charge... émotionnelles trop fortes, importantes. Je faisais des cauchemars. En fait, il m'a dit qu'il faudrait les renvoyer vers des spécialistes, etc. Donc, c'est ce que j'ai fait. Mais je t'avoue qu'il y a un épisode, d'ailleurs, qui me trotte encore dans la tête. Je ne sais pas trop ce qui est devenu cette fille. Une fille m'a contactée sur Insta et qui m'a dit, oui, j'ai lu ton livre, il faut que je te parle, etc. On en a parlé, on a beaucoup échangé sur Insta. Je ne sais plus. La conversation s'est arrêtée. Un jour, elle est revenue. Elle m'a dit, je ne sais pas comment tu fais, Rose. Comment tu fais pour vivre ? Comment tu fais pour avoir la vie que tu as ? Je vois comment tu es avec tes enfants, etc. Comment est-ce possible ? Moi, je n'y arrive pas. Je me dégoûte. Je n'arrive pas à être une bonne mère, etc. Elle m'a envoyé ça. J'étais en vacances.

  • Speaker #0

    Elle t'a envoyé quelque chose ?

  • Speaker #1

    Elle m'a envoyé quelque chose. Je ne sais pas. C'est violent après. Très violent. Et là, j'ai dit, écoute, attends. je vais prendre le temps de te répondre j'ai pris le temps et je lui ai fait un très long texte où je lui ai expliqué en disant écoute tu sais déjà d'une Instagram c'est pas la réalité je montre ce que j'ai envie de montrer déjà c'est mon métier donc je sais comment parler et comment rendre du rêve et ensuite je lui ai tout dit je lui ai dit je suis suivie elle m'avait dit j'arrive pas à aimer mes enfants. Moi, c'est tout l'inverse. J'ai un amour incommensurable pour mes enfants. Je peux comprendre que ça bousille. Parce qu'elle a des garçons, elle dit que je n'arrive pas à les aimer. Donc, j'ai essayé de lui faire... Je lui ai dit, ben voilà, tu peux contacter tel assaut, tu peux passer... Je n'ai plus de nouvelles, je ne la vois plus. Je ne sais pas trop ce qu'elle est devenue.

  • Speaker #0

    Ça te reste ?

  • Speaker #1

    Ça me reste, ça. J'ai peur. J'ai peur qu'elle ait fait une bêtise, je ne sais pas. Mais après je me dis, c'est pas mon histoire, faut pas que je prenne.

  • Speaker #0

    Et c'est sûr, ce que tu disais, la charge émotionnelle est très forte quand on partage, on reçoit aussi du coup les autres histoires. Et en termes d'émotion, tu parles justement de cette tristesse qui te caractérise depuis que tu as été agressée pour la première fois à l'âge de 6 ans, qui n'existait pas avant et qui est là, qui est présente. On dit souvent que le corps n'oublie pas, n'oublie rien même. et je voulais savoir comment va ton corps maintenant, moralement et le corps physique aussi et est-ce qu'il reste encore des poids de ce traumatisme et de cette tristesse en toi ?

  • Speaker #1

    je pense que je serai toujours triste j'ai toujours été depuis j'ai toujours été mélancolique et ça se traduit j'ai des phases des fois comme ça où j'ai besoin d'être seule, de m'isoler et Des fois, ça peut m'arriver de pleurer sans rien, juste comme ça. En revanche, mon corps, je fais très attention à mon corps parce que c'est un peu une carapace, tu sais. Quand j'étais dans une phase de très grosse dépression, je soignais mon corps. Je suis hyper coquette, je ne laisse rien transparaître. C'est un peu une manière aussi de ne pas me laisser ronger par ça. Du coup, je fais beaucoup de sport. Mais après, le corps, c'est aussi la tête. Et la tête, là, c'est autre chose. Là, c'est vraiment autre chose. Je pense que si je n'avais pas des médicaments pour m'aider, c'est un peu une béquille chimique. Ce serait plus compliqué. Mais voilà, après, tu vois, je fais beaucoup de sport. J'essaie de me faire masser, de faire pas mal de choses, des exercices de respiration.

  • Speaker #0

    C'est important. En tout cas, la tristesse n'est plus l'unique émotion qui te caractérise.

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Elle est toujours là, en fond, en fil et graines. Mais paradoxalement, tu vois, je suis une fille très... Enfin, moi, je pense que je suis une nana qui aime bien s'amuser. Enfin, tu vois, j'ai... C'est bizarre, je dois pouvoir, je ne sais pas, je dois switcher entre... Limite, des fois, je me demande si je ne suis pas un peu border, parce que des fois... Mais après, ça, c'est aussi, j'avais lu ça quelque part, c'est aussi caractéristique des personnes qui ont été agressées. Tu peux être dans des moments très euphoriques et d'autres moments très down. Moi j'ai ce truc dans le boulot.

  • Speaker #0

    où je peux être dans une phase hyper créa, très très créative, où j'ai envie de faire plein de choses. Tu vois, mon livre, je l'ai écrit, j'étais hyper créa, c'était incroyable. Et d'autres moments où je me sens nulle, c'est très compliqué pour moi. Je pense que ça doit s'expliquer, je n'ai pas encore trop cherché.

  • Speaker #1

    Et désormais, tu fais un ton de ta voix. Notamment, tu te bats pour que le retrait du délai de prescription... des actes de viol sur mineurs s'arrêtent, tout simplement. Qu'est-ce qui a déclenché cet engagement, cette prise de parole publique sur ce sujet et ton engagement autour de ce combat ?

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses. Il y a notamment une chose, je ne veux pas en parler parce qu'en fait, c'est encore un peu trop douloureux, mais c'est surtout le fait que lorsque j'en parle, autour de moi, je m'aperçois... Les enfants, c'est trop vulnérable. Depuis que j'ai des enfants, c'est juste impossible. Juste le fait de me dire si jamais il arrive ça à mes enfants, je ne sais pas ce que je fais. Et ensuite, je l'ai vu sur moi, en fait. C'est-à-dire que j'ai occulté mon cerveau à oublier ce qui m'était arrivé. Il savait. Il l'a rangé quelque part. Ce n'était pas très bien rangé. Et quand c'est sorti, c'est sorti longtemps après. Et surtout, j'ai vu autour de moi qu'il y avait beaucoup de personnes, beaucoup de femmes et d'hommes qui se souviennent de choses très longtemps après. Donc, sur quelle base les politiques, les personnes qui décident de faire la loi se sont dit 18 ans, 30 ans après la majorité, c'est une... C'est le bon nombre. Sur quelle base ils se sont basés pour se dire, ouais bon, on va leur laisser 30 ans après la majorité pour pouvoir parler, et si jamais ils parlent 30 ans après la majorité, eh ben c'est trop tard. On va partir du principe qu'il y a prescription. Sur quelle base ? Déjà d'une. Et de deux, on s'aperçoit qu'il y a des gens, ça sort, il y a des personnes qui m'ont écrit en me disant, Je me suis souvenu, j'avais 60 ans, je suis une vieille dame maintenant. Ça m'est arrivé, j'avais 7, 8 ans. Et puis surtout, il y a des personnes qui savent que ça leur est arrivé, mais qui se disent, mais je ne suis pas sûre. Je ne suis pas sûre parce que, oh là là, je ne sais pas, mon cerveau me joue des toits. Donc pour toutes ces raisons, il ne devrait pas y avoir prescription, parce qu'en fait, il faudrait laisser le temps aux gens. Personne ne doit décider de quand. Tu as le droit de parler quand tu te sens libre, quand tu te sens bien, tu parles. C'est que personne n'a le droit de dire, tu as juste 4 ans pour parler, personne, si ce n'est toi. Et ensuite, on me reproche aussi le fait de dire, excuse-moi mais pour qu'une société puisse avancer, il faut que la société puisse oublier. C'est très drôle parce qu'on... Des fois, j'en parle à des personnes qui sont très lettrées, etc. et qui me disent, tu vois, on ferait. Il dit que lui, il a vécu des choses très compliquées dans sa vie et pour avancer, il a oublié. Fine, très bien. Et en plus, moi, je suis d'accord. Pour avancer, il faut oublier. Mais avant d'oublier, il faut comprendre ce qui nous est arrivé. Il faut digérer. Et ça, ce laps de temps, il n'est pas négociable. Et il n'est pas négociable par rapport à des personnes qui font soi-disant... Sur quelle base on se... Il n'est pas négociable. Il n'est pas négociable avec ta souffrance, en fait. Donc, moi, je suis partisane qu'il faut oublier pour avancer. De toute façon, ton cerveau le fait tout seul. Oui. Parce que le cerveau, quand il y a des choses qui sont trop compliquées, il ne peut pas vivre. C'est ce qui arrive dans tous les traumas. La guerre, les attentats. Ton cerveau fait quelque chose d'incroyable. Il est étrange. Il est étrange. Mais ça ressort.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est ça, c'est l'impact psychologique, je me disais. Même l'impact positif psychologique pour une victime qui sait qu'il n'y a pas de limite de temps, en fait, pour poursuivre son agresseur, en fait, c'est ça, pour réclamer justice.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y aurait un impact en se disant, ok, je peux, et en fait, je peux être reconnue victime. C'est ça, là.

  • Speaker #0

    Après, il y a deux écoles. Il y a aussi des personnes qui disent, je préfère qu'il y ait une... Une date, parce que ça me motive plus ou moins à aller porter plainte. Ça s'entend. Mais en même temps, je me dis... qu'on ne devrait pas imposer. Oui,

  • Speaker #1

    sans date, tu as le choix aussi.

  • Speaker #0

    Tu as le choix aussi. Et puis, il y a des gens aussi qui disent Ah, comme je sais que la date est passée, maintenant c'est bon, je ne pourrai plus porter plainte. Donc, c'est plus de ma faute si je ne porte plus plainte. Et j'ai aussi l'impression qu'il y a des personnes qui ont peur de se dire Non, mais s'il y a un prescription, à n'importe quel moment, je peux me retrouver en prison. Mais déjà... de mettre les gens en prison. Moi, je ne suis pas... Je comprends aussi, en fait. J'ai été victime, mais je comprends aussi l'agresseur. C'est paradoxal. C'est-à-dire que moi, je suis prête à discuter avec mon agresseur. Je suis prête à échanger. Et je pense que, encore une fois, la parole libère. Et si, en face, sauf dans des très rares cas où il y a des personnes, des agresseurs qui ne veulent vraiment pas comprendre, on s'assoit, on discute. la personne aussi peut comprendre que il y a plein de raisons qui font que tu agresses il y a plein de je vais pas revenir là dessus peut-être qu'on va en parler il y a plein de raisons qui font que tu agresses et que tu deviens agresseur mais l'idée c'est pas non plus de dire ben voilà comme il y a un prescription vous allez tous aller en prison, c'est pas du tout ça l'idée c'est de comprendre ce qui arrive et d'essayer d'avoir un dialogue mutuel et de faire société en fait oui c'est ça et justement je me disais qu'une telle réforme

  • Speaker #1

    serait un peu un pas vers une transformation de la place des victimes dans la société et justement une reconnaissance de leurs souffrances qui peuvent réapparaître, comme tu nous l'as expliqué, des années et des années après. Mais c'est vraiment une réappropriation de la notion de victime en se disant qu'il n'y a pas de délai pour être victime, pour avoir les souvenirs qui ressurgissent. Et ce statut-là, en fait, il doit avoir le droit à la justice.

  • Speaker #0

    Peu importe le délai.

  • Speaker #1

    Cette notion de victime.

  • Speaker #0

    Exactement, tout à fait.

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'une fois qu'il y a prescription, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    T'es victime, mais tu peux pas être entendue par la loi. Puis après, chaque personne agressée vive les choses de manière totalement différente. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux personnes de parler ? Juste le fait de parler, d'aller... de s'asseoir devant... Parce que tu parles à la police, au magistrat, à la justice. Donc tu parles à la société. C'est en fait une sorte de reconnaissance. Je veux dire, justement, le fait de dire après 30 ans la majorité, ça veut dire qu'après, même si on finit par te dire oui, t'as été victime, mais t'es pas reconnue par la société en tant que victime. Et c'est ça qui me tue, en fait. C'est ça qu'il me dit, mais c'est rajouter de la souffrance à la souffrance. Et ça, c'est vraiment intolérable.

  • Speaker #1

    Dans Elles agissent, on parle d'action. Quel message tu aurais envie de passer peut-être aux auditeurs, auditrices qui nous écoutent, qui justement ne laissent pas place à cette action que tu as mise toi en place, que tu fais pour oser peut-être aussi ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué parce qu'en fait, d'un côté, il y a des gens qui nous disent c'est courageux Je ne trouve pas ça du tout courageux. Je fais, c'est tout. Et j'aurais aimé ne pas le faire. J'aurais aimé ne pas avoir vécu tout ça. Et de l'autre côté, il y a certaines personnes aussi qui me disent non mais franchement, on n'a pas marre de parler de tous ces sujets, c'est pas agréable

  • Speaker #1

    On te dit ça, que c'est pas agréable ?

  • Speaker #0

    Oui, on m'a même déjà reproché des fois. Sur mon compte Instagram, c'est bon. Pas ça autre chose. Pas ça autre chose. Il y a des gens qui me disent, moi, dès que tu commences à parler de ces trucs, je swipe. Je comprends. Je comprends, ce n'est pas un sujet agréable, franchement. Et puis, ce n'est pas quelque chose qui me réjouit aussi. Des fois, je vais sur des plateaux, je dors mal. Je dors mal. Ce n'est pas agréable, ce n'est vraiment pas agréable. Mais justement, c'est parce que ce n'est pas agréable qu'il faut en parler. que ça s'arrête. Non, c'est pas agréable, c'est pas cool, c'est pas un sujet facile. Par exemple, je repense souvent à cet exemple de Dorothée Ducy, qui a écrit un livre incroyable sur l'inceste, l'anthropologie de l'inceste, qui explique que pendant des années, elle a mené ses enquêtes et elle dit, franchement... C'était vraiment pas agréable. Tout le temps, parler de ces sujets, elle dit, moi, quand je suis... On m'invitait plus dans les repas, parce qu'en fait, ça plombe bien l'ambiance. Elle dit, bien sûr que ça plombe l'ambiance. Et elle dit, et puis moi, elle rencontre des personnes qui ont agressé des agresseurs tout le temps, elle dit, mais c'est vraiment pas agréable, c'est horrible, c'est... Mais bien sûr, je veux dire, on est humain, c'est normal que c'est pas agréable. Enfin, je veux dire... Moi ça me plaît pas, c'est pas ma tasse de thé de parler d'agressions sexuelles. Mais en même temps, si on n'en parle pas, c'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'a pas eu lieu. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne qui est en face de toi n'a pas été agressée. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne ne souffre pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il n'y a pas d'agresseur. Donc je préfère passer ça le moment et me dire que finalement... Peut-être que ça va aider une petite fille à dire... Moi,

  • Speaker #1

    tu préfères agir.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je préfère agir, en fait. Et moi, si je devais dire quelque chose, c'est qu'il faut écouter les enfants. Il faut les écouter et les croire. Je ne supporte plus les personnes qui parlent de nuances. Foutez-nous la paix en fait. Arrêtez de rajouter de la violence à la violence comme si c'était une partie de plaisir pour un enfant de dire par exemple, papa m'a touché le sexe, bien sûr. C'est pas agréable, c'est pas une partie de plaisir et les enfants n'inventent pas. Tu ne peux pas inventer, tu n'as pas la maturité. la maturité sexuelle pour savoir ce genre de choses, tu peux pas inventer, c'est impossible mais c'est vraiment impossible, soit l'enfant a vu, soit l'enfant l'a vécu, soit on lui a montré, c'est impossible donc les questions de nuances etc, please vraiment fuck you, je suis désolée, je suis hyper violente dans mes paroles parce qu'il faut arrêter Et donc, il faut écouter les enfants, il faut les croire. Et en fait, même lorsque les enfants ne parlent pas, leur corps dit des choses, leur manière de dormir, de vivre les choses, d'être en colère, tout parle. Donc il faut toujours essayer de déceler ce qui ne va pas. Et c'est la meilleure des choses que l'on puisse faire en tant que parent. Les croire, les mettre en sécurité. Franchement, c'est le plus beau des cadeaux que l'on puisse faire à nos enfants. Et

  • Speaker #1

    Rose, quelle est ta définition d'agir ? Ça veut dire quoi pour toi ?

  • Speaker #0

    Agir, pour moi, c'est... On peut agir de n'importe quelle manière, en fait. Ça peut être déjà souffrir à la question, écouter des podcasts comme le tien. Ça peut être juste lire ces sujets-là. Ça peut être mettre un like sur Instagram, sur un post. qui parle de ces sujets-là. Ça peut être une copine qui n'est pas bien et de lui, de la prendre dans ses bras. Ça peut être là, en fait, pour quelqu'un. Ça peut, si quelqu'un te dit je ne suis pas bien te dire bon, écoute, le jour où tu te sentiras prêt, peut-être que tu as besoin de parler, je suis là Après, agir, ça peut aussi... Après, il y a agir de manière politique. de s'engager. Mais là, ça demande quand même beaucoup de... ça demande beaucoup de soi. Moi, je suis fan du fait que des personnes comme toi, Émilie, s'intéressent à la parole des femmes, de donner la parole à des personnes qui n'ont pas l'habitude de parler. Agir, c'est tout ça. C'est vraiment... Tu peux agir à n'importe quel niveau. C'est-à-dire... Par exemple, dans la rue, il y a une petite fille qui est dans l'école de mes enfants, qui d'un coup d'un seul a reçu une claque de son grand frère. Ils ont peut-être trois ans d'écart. Mes enfants étaient là et ce petit garçon était avec sa nounou et avec sa petite soeur. Et il lui a mis une claque, mais j'ai jamais vu ça. Et c'était tout à fait naturel et normal, tu vois. C'est-à-dire que la petite, elle, a rien dit. La nounou, qui ne devait pas être sa nounou, en fait, ça devait être la grand-mère. Bon, elle a dit, allez, on avance. Mais waouh, j'étais tellement choquée. Mes filles étaient hyper choquées. En fait, j'étais dans une espèce de sidération. Ça m'a travaillé. Je suis rentrée à la maison. J'en ai parlé à mon mec. Et lui, il me dit, mais toi, t'as rien fait. T'as rien dit. T'as pas été voir. Je fais, ben non, j'ai pas réussi. Et ça, c'est à gérer, en fait. J'ai pas réussi. Et après, je dis, mais qu'est-ce que je peux faire ? Il dit, ben, je sais pas, moi, maintenant. Je me suis sentie mal. Et en fait, ouais, agir, c'est déjà ça. C'est juste de dire, ben, attends. Tu ne mets pas une claque. C'est dur, mais tu peux agir à n'importe quel niveau. Après, il y a des signalements, tu sais très bien qu'il y a des choses qui se passent. Mais là, pour moi, c'est compliqué parce que tu ne sais pas jusqu'où ça peut aller. Mais mon médecin m'encourage. Après, mon médecin est très fier de moi. Il me dit C'est incroyable, Madame Pierre-Louis. Vous vous rendez compte ? Vous êtes venu la première fois, vous n'arrivez pas à parler. Et là, maintenant, vous ne faites que de parler. C'est génial. Continuez, continuez. Donc, c'est ça. Par n'importe quel biais. Et surtout, tu sais, maintenant, on est tous sur les réseaux sociaux. Tous, tous, tous, tous. Ça me tue, ça me flingue de voir qu'il n'y a pas plus de personnes connues qui prennent la parole sur ces sujets-là, qui encouragent à parler. à appeler tel numéro, tout ça, etc. qui ont une telle puissance auprès de leur audience. Mais bon, on va, je veux dire, continuer, enfin parler. Agir, c'est parler, oui.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci pour cet échange.

  • Speaker #0

    Merci,

  • Speaker #1

    Amélie. Merci pour ce moment.

  • Speaker #0

    C'était intense. Et surtout, je voulais... Dire quelque chose à toi, parce qu'en fait on s'est rencontré par l'intermédiaire d'une amie et surtout on a vécu, enfin on vit dans la même ville et on s'était jamais croisés, on a jamais discuté. Et donc finalement quelque part je me dis on traverse tous, on a tous nos secrets, on vit tous certaines choses. On devrait prêter plus attention à ceux qui nous entourent et faire plus attention, tout simplement. Ça, c'est agir à faire plus attention aux personnes qui sont autour de nous, proches de nous, dans les écoles, les mamans qui, des fois, peuvent être un petit peu soit véhémentes ou alors un peu plus tristes. On devrait faire plus attention, moins regarder nos téléphones parce que dans la rue... On regarde beaucoup les téléphones, on est par terre, on a la tête baissée, on regarde nos téléphones. On devrait plus se regarder en fait.

  • Speaker #1

    Et discuter, on aura des belles rencontres.

  • Speaker #0

    Et ça, pour moi, ça a été vraiment une très très belle rencontre.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Donc merci. Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci.

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Description

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de recevoir Rosemonde Pierre Louis, femme d’affaires franco-haïtienne et autrice du livre Je ne suis pas ta mère.


Un récit bouleversant, où elle dévoile son parcours de résilience face aux violences sexuelles subies durant son enfance.


Son histoire est bien plus qu’un témoignage : c’est un appel à briser le silence, un acte puissant pour transformer l’intime en universel.


Dans cet épisode, Rosemonde partage avec nous son cheminement, son engagement pour l’imprescriptibilité des viols sur mineurs, et la force de la parole comme outil de guérison.


Nous avons enregistré cet épisode après une longue discussion dans un café, où chaque mot résonnait avec tant de profondeur. C’est ce moment que je vous invite à vivre avec nous, un moment où les tiroirs d’une histoire personnelle s’entrelacent avec celles de tant d’autres femmes.


Cet épisode abrode des sujets lourds comme le viols et les difficultés psychologiques. Si vous êtes dans un cas similaire, n'hésitez pas à contacter le 3919


En tant que productrice de podcasts, je crois au pouvoir des récits pour sensibiliser et engager. Si votre entreprise ou votre organisation souhaite porter des messages forts, nous pouvons construire ensemble un podcast sur mesure.


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


N'hésitez pas à laisser 5 étoiles et un commentaire pour rendre visible ce podcast !


Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Rose.

  • Speaker #1

    Salut Émilie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elsagis. Je suis heureuse de t'avoir dans mon micro.

  • Speaker #1

    Merci de m'avoir invitée surtout.

  • Speaker #0

    Alors Rose, pour te définir, j'aurais pu aller dans plein plein de définitions parce que tu es une femme plurielle. Je vais essayer de te définir tout de même avec ces quelques mots. Déjà, tu es une femme d'affaires. Tu as créé ta société. Ce n'est pas de la com. C'est pas rien, on en parlait un petit peu en off, c'est quelque chose d'assez important. Tu es aussi maman de deux jeunes filles et tu es l'auteur du livre qu'on a toutes les deux là sous les yeux, que j'ai du mal à qualifier parce qu'il est, je trouve, à la fois poétique, poignant, oui poétique,

  • Speaker #1

    je l'ai trouvé très poétique,

  • Speaker #0

    et surtout puissant. Et ce livre c'est Je ne suis pas ta mère que tu as auto-édité. Et dans cet ouvrage, tu racontes avec courage et sincérité ton parcours, je trouve, de résilience après avoir vécu des violences sexuelles durant ton enfance. Et donc, en partageant ton histoire, tu nous offres non seulement un témoignage de ton intime, mais aussi une réflexion sur la manière dont la parole peut briser les chaînes du silence, qu'elle soit familiale. ou personnel, ou même public.

  • Speaker #1

    Public, oui.

  • Speaker #0

    Ton livre est un livre à tiroirs, où l'on ouvre plusieurs facettes, que ce soit les facettes d'émotion, de vécu, tu y parles d'amitié, d'histoire de vie, de construction et de déconstruction. Tu brises des chaînes, des tabous, tu parles d'identité. Et comme tu le dis, l'écriture devient aussi un acte thérapeutique. Une nouvelle manière aussi peut-être de te réapproprier ton histoire et aussi de la digérer peut-être quelque part. Ma première question est la suivante. Dans ton processus d'écriture et après de publication, est-ce que tu as réfléchi à la manière dont ce récit pouvait passer de l'intime à l'universel en s'inscrivant dans un mouvement plus large aussi de contestation ? Des structures qui maintiennent, qui forcent le silence des victimes.

  • Speaker #1

    Wow, écoute, déjà je te remercie pour cette chronique, c'est incroyable tout ce que tu dis, merci. Quand tu écris un livre, en fait, tu t'attends pas forcément, le livre ne t'appartient plus en fait, ton texte ne t'appartient plus et je trouve que tu as fait une description qui me semble juste. Ensuite, pour répondre à ta question, je dirais qu'à aucun moment, quand j'ai écrit Je ne suis pas ta mère je pensais que déjà, j'allais m'inscrire moi-même dans une espèce de prise de parole qui allait devenir politique. Bien que c'est après coup que je me suis dit, mais en fait, l'intime est politique. Le fait de se mettre à nu comme ça, tout de suite, ça veut dire quelque chose. Et finalement, de toute manière, quand j'ai écrit, dans un premier temps, c'était purement égoïste. De manière égoïste, c'était une manière pour moi aussi, comme tu l'as très bien dit, de me réapproprier mon histoire, d'en faire quelque chose, en fait. L'idée, c'était aussi de dire... Comment je peux dire ça ? Le noir, la noirceur de ce que j'ai pu vivre. Ça y est, je l'ai vécu. Maintenant, est-ce que je peux transformer en quelque chose de sublime ? Pour moi, c'est passé par l'écriture. Finalement, quand j'ai écrit le livre, je ne voulais pas écrire quelque chose de triste. C'est peut-être pour ça, en ce sens, que tu dis que c'est poétique. J'ai peut-être une manière d'écrire qui est très imagée. J'avais aussi envie d'emmener les gens dans mon monde. J'avais envie aussi que les gens comprennent et se réapproprient. Mon histoire est que la petite fille qui est rose dans ce livre soit aussi la personne qui lit les livres, parce que c'est un peu une histoire universelle quand même. Non, je n'avais pas pensé que ça allait devenir quelque chose, que ça allait briser des chaînes. Parce qu'en fait, à la sortie du livre, moi déjà, j'avais très, très peur d'en parler. Je ne pensais pas que ça allait être un livre, déjà. Dans un premier temps, j'ai écrit le texte vraiment de manière cathartique, vraiment pour me réapproprier mon histoire et pour me dire attends, j'ai vécu ça, j'ai vraiment vécu ça, mais c'est pas possible Et je voulais vraiment le mettre sur papier. Et puis après, je me suis dit oh, bon, c'est pas mal ce que j'ai écrit quand même Et puis ensuite, je me suis dit bon, ce sera pour mes filles Et puis après, je me suis dit oh, je vais peut-être le publier Et quand il est sorti, moi qui suis dans la com', je voulais plus en parler. Je voulais dire non, j'avais trop peur quand il est sorti Quand il a été imprimé et que c'est vraiment arrivé dans l'entrepôt, dans la boîte de distribution, je me suis dit Oh, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Mais je suis folle ! Je suis en train de détruire ma vie ! Parce que je crois que j'avais conscience à un moment donné que c'était quelque chose de puissant.

  • Speaker #0

    Là, c'est là où tu as pris conscience. C'est là que j'ai pris conscience.

  • Speaker #1

    Exactement. Et puis, c'est sorti aussi au moment où... Je pense que je l'ai aussi écrit, j'ai voulu sortir parce qu'il y avait le mouvement MeToo, tout ça, etc. Donc j'ai trouvé qu'il y avait des femmes hyper courageuses. Et c'est à ce moment-là que je me suis dit, oui, c'est vrai que là, on doit changer le corps. Mais après, pour en parler, ça a été très compliqué. Et j'ai mis vraiment un an avant de vraiment en parler, parce qu'il y a eu des choses qui ont fait que j'ai décidé d'en parler. Et quand j'ai décidé d'en parler, c'était fini. Ça y est, je ne pouvais plus m'arrêter. C'est un peu mon combat, ça devient hyper important dans ma vie, j'en parle partout, c'est devenu quelque chose qui me dépasse en fait et je l'accepte maintenant.

  • Speaker #0

    Et justement, on parlait de cet aspect thérapeutique, est-ce qu'il y a certaines choses qui sont sorties dans l'écriture ? Est-ce qu'il y a eu un cheminement ? Est-ce que ça t'a permis aussi de te rendre compte de tout ce que tu avais vécu et de prendre un petit peu de recul sur tout ça ?

  • Speaker #1

    Alors, pour te dire la vérité, je savais exactement ce que j'allais mettre dans le livre, mais je ne savais pas dans quel ordre. Donc, j'ai écrit les choses qui étaient plaisantes pour moi, donc dans un premier temps. C'est ce que j'ai écrit. J'ai adoré parler de mes copines. J'ai adoré parler de mes filles. Les choses qui me faisaient du bien. J'ai commencé par écrire ça. Et bizarrement, je savais que les choses qui ont été très compliquées dans ma vie, j'allais les écrire à la fin parce que je savais que ça allait être douloureux. Et effectivement, quand j'écrivais, je pleurais. C'était incroyable parce que je pleurais mais des litres, des litres. dos, j'arrivais plus à m'arrêter. Puis j'avais une rage, j'étais en colère, j'avais la rage. Bizarrement, j'avais pas honte. J'ai tout écrit, et en fait, ça m'a libérée, ça m'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Et peut-être que la notion de ne pas avoir honte, de faire du bien, est-ce que ça te permet aussi de te réapproprier ton identité ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai envie de te dire que quand tu as été agressée, violée dans ton enfance, puis même tout court, c'est une blessure à vie en fait. C'est un handicap à vie que tu portes, ça ne se voit pas et c'est invisible. On va dire que des fois, ça me fait du bien. et des fois moins, mais mettre un petit pansement quand même, ça apaise un peu finalement. Mais c'est pas facile. Pas facile, non.

  • Speaker #0

    Dans ce livre aussi tu parles, je le disais que c'était un tiroir plein de sujets, on parle de culture aussi, d'héritage culturel que tu portes. Tu es née en Haïti, tu es franco-haïtienne. Ma question était de savoir comment ces cultures, Ont-elles influencé ta perception de ce que tu as vécu, de la violence, de la violence sexuelle, des non-dits ? Quel est l'héritage culturel qu'il y a dans tout ça ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est un fardeau. Un fardeau immense que l'on fait porter sur les petites filles, sur les femmes. dans nos cultures et pourtant je suis pas restée longtemps en Haïti mais du fait d'avoir été élevée par des femmes qui ont très certainement vécu ce que j'ai vécu, parce qu'on n'en a jamais parlé, du fait d'être dans une... C'est très drôle parce qu'en fait, en Haïti, on a ce que l'on appelle le vaudou. Et dans la culture, qui est une religion, dans le vaudou, les femmes sont à égalité entre les hommes. C'est très drôle, elles ont autant de pouvoir que les hommes, si ce n'est plus. elles sont très fortes et tout ça etc mais ça ne se reproduit pas forcément dans la réalité après il y a eu c'est très simple bien sûr donc après il y a eu une évangélisation donc il y a eu la religion catholique protestante etc qui là pour le coup inverse les rôles puisque la La femme est née d'une côte de l'homme, donc la femme est un peu en dessous. Et de ce fait, je pense qu'on l'a intégrée et puis on le fait très bien comprendre aux petites filles que c'est très drôle parce qu'en fait, on dit aux petites filles, attention, aux garçons, etc. Mais on ne nous explique pas pourquoi. Et on blâme les petites filles. Les petites filles, elles n'ont pas le droit de sortir, elles n'ont pas le droit de côtoyer les garçons, etc. Mais les garçons, pas de souci. Et je pense que... Ça c'est quelque chose que l'on a intégré tout petit. On le sait, on sait que les garçons ça peut être dangereux, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. Et on ne parle pas de ces sujets-là. Il n'y a pas de sensibilisation sur le fait que ton corps est ton corps. Et puis il y a aussi ce truc en Haïti où les portes sont ouvertes tout le temps. On est très accueillants. Enfin je veux dire, même si on n'a pas à manger, il y a quelqu'un qui vient à la maison. Cette personne aura à manger. Et donc le fait aussi d'être... On nous apprend aussi qu'il faut être hyper poli.

  • Speaker #0

    Mais même, pardon, à l'extrême, parce que c'est ce que tu dis dans ton livre, c'est que c'est cette ouverture poussée même à tout le monde qui a fait rentrer un peu le diable ici.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est que oui, c'est poussé à l'extrême. C'est qu'il faut être très sage. Il faut toujours obéir à l'adulte. C'est très important. Oui, bonjour, monsieur. Au revoir, monsieur. Merci. Si un adulte te dit, viens, ma petite fille, viens t'asseoir sur mes jambes, ben, t'y vas, parce qu'il faut respecter, etc. Et finalement, comme les portes sont tout le temps ouvertes, il n'y a pas... Mais en même temps, on te dit, fais attention. Donc, c'est paradoxal. C'est paradoxal. Tu ne sais plus sur qui elle peut danser. Et finalement, le fait de faire entrer tout, n'importe qui, chez soi, ça... Ça ouvre la porte à du n'importe quoi aussi.

  • Speaker #0

    Ça fait endosser toutes les responsabilités, à la fois d'ouvrir, d'être très le cœur sur la main, et en même temps, c'est ta responsabilité de ne pas être agressée, presque.

  • Speaker #1

    Totalement. Mais c'est totalement ta responsabilité, c'est ta faute. Et puis de toute façon, je le raconte dans le livre, à un moment donné, je crois qu'une fois, je... On nous a surpris avec mon agresseur, qui était plus âgé que moi, un garçon. Et en fait, la personne qui a été blâmée, ce n'est pas le garçon, c'était moi. Parce que je n'avais pas à être à cet endroit à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Et c'est ta tante, justement, qui te blâme.

  • Speaker #1

    Exactement. Et finalement, moi, je pensais qu'elle allait me sauver. Je pensais qu'elle allait me dire Oh mon Dieu ! C'est très drôle parce qu'en fait j'étais contente qu'elle nous découvre et en même temps je me suis dit oulala je vais peut-être en prendre une mais je savais pas pourquoi. Et le fait de dire mais c'est ta faute, donc finalement s'il se reproduit la même chose, tu te tais parce que tu sais que tu vas te prendre une braille.

  • Speaker #0

    Ça instaure le silence que tu brises là avec ton discours et ton livre.

  • Speaker #1

    Et le silence, en fait, c'est pas que dans la culture haïtienne, c'est partout. Dans les viols, les agressions, c'est partout. C'est ce qui fait que ça perdure, en fait. S'il n'y a pas de silence, je suis convaincue qu'il n'y a pas de viol. Et le fait de continuer à avoir honte, mais déjà, c'est une humiliation pour quiconque. Donc, tu as honte de fait, t'évites d'en parler. Et de deux... ton agresseur te fait comprendre que tu évites d'en parler et puis ton entourage aussi. Et puis quand tu lis certaines choses de la littérature scientifique, tu apprends que l'inceste, les agressions, les viols, il y a une mécanique qui se met en place. C'est ce que Dorothée Bussy appelle, qui est anthropologue, la grammaire du silence. Donc on le comprend sans se parler, on sait qu'on ne doit pas parler. Dans la manière d'être, dans sa façon de se comporter, dans ses gestes, toute la famille sait que tu ne dois pas en parler. silence signifie agression.

  • Speaker #0

    Oui, et ce silence, il est aussi très lié aux femmes de ta vie, qui sont à la fois, j'ai l'impression, ta force et ton poison, quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, oui. En fait, c'est très drôle parce qu'en fait, quelque part, moi, je n'ai pas connu directement le patriarcat. C'est-à-dire que je ne sais pas ce que ça veut dire qu'un mec... t'interdisent de mettre une jupe ou te disent t'as pas le droit d'aller là, j'ai pas connu ça mais j'ai connu le poids des interdits par ces femmes là parce que je pense que c'était entendu, c'était quelque chose qu'il fallait maintenir et en même temps moi je les ai trouvées hyper fortes parce que elles s'en sont toujours sorties et puis il y a ma tante aussi qui est une figure à part... qui est quelqu'un qui n'a jamais fait fi des normes sociales, mais qui, limite je me demandais si elle se rendait compte qu'elle était en marge quelque part de la société, parce qu'en fait c'est quelqu'un qui n'a jamais travaillé, ça ne l'a jamais intéressé. C'est quelqu'un qui buvait, qui fumait, qui sortait énormément, qui adorait s'amuser, et... je pense qu'elle a eu beaucoup d'hommes dans sa vie donc elle était complète donc ça c'est une figure qui finalement m'a marquée parce que quand je y repense je me dis j'ai dû prendre d'elle parce que je la voyais, elle se maquillait, elle sortait des fois elle rentrait pas et elle était, c'était la vie d'Aloca je pense qu'elle a vécu la vie de manière forte tout était déraisonné et ça j'ai dû récupérer ça parce que moi ma vie je la vis comme je l'entends en fait, c'est-à-dire que je vais me sortir, faire la fête, boire du champagne, m'amuser, j'inculque ça à mes filles et en même temps j'avais l'inverse aussi, j'avais ma grand-mère qui se sacrifiait.

  • Speaker #0

    Tu en parles beaucoup dans le livre.

  • Speaker #1

    Et je l'adorais, c'était quelqu'un qui était je la trouvais douce alors qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #0

    Elle est complexe.

  • Speaker #1

    C'est des figures très complexes parce qu'elle lutte en permanence en fait, elle lutte avec tout ce qui les...... composent et moi je crois que j'ai tiré j'ai essayé de tirer le meilleur de chacune d'entre elles et tu transmets ce meilleur à tes filles ? J'essaie de transmettre ça à mes filles, j'essaie de leur faire comprendre que que ce sont des filles et que plus tard elles auront le droit de faire ce dont elles ont envie mais véritablement qu'elles ne se mettent pas de barrière... Et surtout, j'essaie de leur faire comprendre que dans la vie, le plus important, c'est d'être heureux. C'est compliqué à le faire comprendre. C'est-à-dire que des fois, en même temps, j'ai une fille, la plus grande, à l'école, elle est vraiment dilettante. Elle n'est pas du tout stressée, mais en même temps, elle est stressée pour autre chose. Je leur ai souvent dit, dans la vie, rien n'est grave. J'essaie de faire en sorte qu'elles soient apaisées à ce niveau-là. Mais en même temps, il y a des choses que je dois transmettre malgré moi. Et puis maintenant, on sait qu'on transmet des choses aussi.

  • Speaker #0

    Autour du transgénérationnel. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Je crois que ce qu'on appelle l'épigénétisme, ça saute des générations. Moi, je pense que je dois porter des choses qui ne m'appartiennent pas. Mais ce n'est pas grave. dès lors que l'on en parle oui c'est ce que j'allais dire,

  • Speaker #0

    tu le formalises je le verbalise et cette notion de transmission elle est très forte pour toi et chez toi c'est peut-être ce que tu n'as pas vécu que tu as envie de justement de te casser, transgénérationnel c'est ça aussi,

  • Speaker #1

    on casse des choses pour arrêter de les transmettre c'est tout à fait ça et en fait moi j'ai pas connu, je sais pas ce que c'est que de discuter avec ma mère, ma tante ma grand-mère, ma famille, je sais pas je sais pas ce que ça veut dire... on ne discute pas de toute façon l'enfant n'a pas le droit à la parole je sais que on nous dit quand il y avait des conversations on essayait de prendre la conversation c'était non mais C'est-à-dire, on ne t'a rien demandé, et c'était hyper mal vu de prendre la parole. Et en fait, je m'aperçois que c'est quelque chose d'incroyable. On a tous ça, c'est gratuit. Ça pourrait tellement sauver des gens, parler juste. Mes filles, quand elles reviennent de l'école, on les force. Alors, qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui à l'école ? Qu'est-ce qui s'est passé ? On essaie de verbaliser, mais c'est tellement important. La parole, c'est ce qui est... Juste le verbaliser, c'est déjà se décharger de poids.

  • Speaker #0

    Elle libère aussi la parole.

  • Speaker #1

    La parole libère totalement.

  • Speaker #0

    Dans ce qu'on est victime de violences, de viols, de violences sexuelles, il y a tout un processus de guérison qui peut ne pas se mettre en place, mais qui peut se mettre en place aussi. J'avais en tête le processus qui avait... On a proposé Judith Hermon, qui passait par la sécurité, la remémoration, puis la reconnexion à soi. J'avais envie de savoir quelles étaient tes propres étapes à toi dans ton parcours de réguérison, et où est-ce que tu en es maintenant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on ne finit jamais de guérir, déjà. Ensuite, j'ai eu de la chance, parce qu'en fait, je ne sais pas si c'est de la chance, non, je retire ce que j'aime bien. Je suis... En fait, je suis tombée sur mon mari. Ça a été le premier point de départ de ma guérison. Qui a tout de suite vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez moi. Je me souviens qu'il me disait, les débuts quand je t'ai rencontré, j'avais l'impression d'avoir en face de moi un petit animal blessé qui était à vif sur pas mal de sujets, qui s'emportait très vite mais qui était très faible et très fragile sur d'autres choses. Donc j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et puis ensuite, quand je suis tombée enceinte de ma première fille, je ne sais plus comment on est arrivé à une discussion. J'ai dû parler, j'ai dû dire, oui, il m'est arrivé ça. Et en fait, ça a été merveilleux parce qu'il m'a dit, wow, OK, alors il faut que tu me racontes. Non, je n'ai pas envie. OK, mais tu prendras le temps qu'il faut, mais il faut qu'on en parle. Et puis, le processus de guérison a commencé comme ça. C'est-à-dire que... Il y a quelqu'un qui m'a cru. Il y a quelqu'un qui ne m'a pas dénigré. Et il y a quelqu'un qui m'a fait... J'étais en sécurité. Je savais que je pouvais parler en toute sécurité. Et il m'a dit, tu ne dois pas avoir honte. Ce n'est pas à toi d'avoir honte. Donc ça, ça a été le premier choc. Et ensuite, je pense... qu'après il y a des choses qui reviennent de manière subite. Et quand ça arrive, j'ai dû être entourée. Et moi, c'est mon médecin qui s'en est aperçu. Et mon médecin m'a fait parler, encore une fois, la parole. J'ai beaucoup parlé avec lui. Et ensuite, il m'a dit, il faut absolument que vous soyez suivi. Moi, je lui ai dit, mais non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en dépression. Oui, bien sûr. Donc, il m'a obligée à aller voir quelqu'un. J'ai vu cette personne à raison d'une fois par semaine. Et ensuite, j'ai écrit. Et après avoir écrit, j'en ai parlé à mes enfants. Très important aussi pour moi. Et après en avoir parlé à mes enfants, je me suis sentie totalement libérée. C'est-à-dire que voilà, maintenant, j'en ai parlé à mon médecin, à mon mec, mes enfants sont au courant. Wouah, plus rien ne peut m'atteindre. Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à en parler en public. Et le fait d'en parler en public, ça m'a totalement, totalement, totalement libérée. Parce que je n'ai pas fait une rencontre où il n'y avait pas une personne qui venait me voir en disant Waouh, j'ai vécu ça. Alors j'ai lu ton livre. Il m'est arrivé ça. Je veux en parler. Je comprends qu'il faut en parler. J'ai parlé à l'Assemblée nationale, j'ai parlé au Sénat, j'ai parlé dans des petites assos, j'ai parlé devant trois personnes, j'ai parlé devant 50 personnes, j'ai parlé devant 200 personnes. Il n'y a pas une fois, une personne n'est pas venue me voir et juste ça, ça fait... je me sens utile en fait.

  • Speaker #0

    Ça permet de guérir aussi.

  • Speaker #1

    Ça permet totalement... Des fois c'est dur parce qu'en fait, il y a aussi ce truc où... comme tu parles et que tu racontes ce que t'as vécu les gens ont aussi envie de te parler de ce qu'ils ont vécu. Et des fois, je me prends des histoires en pleine figure, et là, ça me ramène à des choses. Je suis hypersensible aussi. C'est-à-dire que dès qu'on va me parler de ces sujets, je ne vais pas être bien. Et ensuite, je sens aussi qu'il y a des personnes qui sont hyper fragiles, qui vont me poser des questions que je n'arrivais plus à gérer. J'en ai demandé, j'ai dit à mon médecin, je n'y arrive plus. C'est compliqué pour moi parce que j'ai une charge... émotionnelles trop fortes, importantes. Je faisais des cauchemars. En fait, il m'a dit qu'il faudrait les renvoyer vers des spécialistes, etc. Donc, c'est ce que j'ai fait. Mais je t'avoue qu'il y a un épisode, d'ailleurs, qui me trotte encore dans la tête. Je ne sais pas trop ce qui est devenu cette fille. Une fille m'a contactée sur Insta et qui m'a dit, oui, j'ai lu ton livre, il faut que je te parle, etc. On en a parlé, on a beaucoup échangé sur Insta. Je ne sais plus. La conversation s'est arrêtée. Un jour, elle est revenue. Elle m'a dit, je ne sais pas comment tu fais, Rose. Comment tu fais pour vivre ? Comment tu fais pour avoir la vie que tu as ? Je vois comment tu es avec tes enfants, etc. Comment est-ce possible ? Moi, je n'y arrive pas. Je me dégoûte. Je n'arrive pas à être une bonne mère, etc. Elle m'a envoyé ça. J'étais en vacances.

  • Speaker #0

    Elle t'a envoyé quelque chose ?

  • Speaker #1

    Elle m'a envoyé quelque chose. Je ne sais pas. C'est violent après. Très violent. Et là, j'ai dit, écoute, attends. je vais prendre le temps de te répondre j'ai pris le temps et je lui ai fait un très long texte où je lui ai expliqué en disant écoute tu sais déjà d'une Instagram c'est pas la réalité je montre ce que j'ai envie de montrer déjà c'est mon métier donc je sais comment parler et comment rendre du rêve et ensuite je lui ai tout dit je lui ai dit je suis suivie elle m'avait dit j'arrive pas à aimer mes enfants. Moi, c'est tout l'inverse. J'ai un amour incommensurable pour mes enfants. Je peux comprendre que ça bousille. Parce qu'elle a des garçons, elle dit que je n'arrive pas à les aimer. Donc, j'ai essayé de lui faire... Je lui ai dit, ben voilà, tu peux contacter tel assaut, tu peux passer... Je n'ai plus de nouvelles, je ne la vois plus. Je ne sais pas trop ce qu'elle est devenue.

  • Speaker #0

    Ça te reste ?

  • Speaker #1

    Ça me reste, ça. J'ai peur. J'ai peur qu'elle ait fait une bêtise, je ne sais pas. Mais après je me dis, c'est pas mon histoire, faut pas que je prenne.

  • Speaker #0

    Et c'est sûr, ce que tu disais, la charge émotionnelle est très forte quand on partage, on reçoit aussi du coup les autres histoires. Et en termes d'émotion, tu parles justement de cette tristesse qui te caractérise depuis que tu as été agressée pour la première fois à l'âge de 6 ans, qui n'existait pas avant et qui est là, qui est présente. On dit souvent que le corps n'oublie pas, n'oublie rien même. et je voulais savoir comment va ton corps maintenant, moralement et le corps physique aussi et est-ce qu'il reste encore des poids de ce traumatisme et de cette tristesse en toi ?

  • Speaker #1

    je pense que je serai toujours triste j'ai toujours été depuis j'ai toujours été mélancolique et ça se traduit j'ai des phases des fois comme ça où j'ai besoin d'être seule, de m'isoler et Des fois, ça peut m'arriver de pleurer sans rien, juste comme ça. En revanche, mon corps, je fais très attention à mon corps parce que c'est un peu une carapace, tu sais. Quand j'étais dans une phase de très grosse dépression, je soignais mon corps. Je suis hyper coquette, je ne laisse rien transparaître. C'est un peu une manière aussi de ne pas me laisser ronger par ça. Du coup, je fais beaucoup de sport. Mais après, le corps, c'est aussi la tête. Et la tête, là, c'est autre chose. Là, c'est vraiment autre chose. Je pense que si je n'avais pas des médicaments pour m'aider, c'est un peu une béquille chimique. Ce serait plus compliqué. Mais voilà, après, tu vois, je fais beaucoup de sport. J'essaie de me faire masser, de faire pas mal de choses, des exercices de respiration.

  • Speaker #0

    C'est important. En tout cas, la tristesse n'est plus l'unique émotion qui te caractérise.

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Elle est toujours là, en fond, en fil et graines. Mais paradoxalement, tu vois, je suis une fille très... Enfin, moi, je pense que je suis une nana qui aime bien s'amuser. Enfin, tu vois, j'ai... C'est bizarre, je dois pouvoir, je ne sais pas, je dois switcher entre... Limite, des fois, je me demande si je ne suis pas un peu border, parce que des fois... Mais après, ça, c'est aussi, j'avais lu ça quelque part, c'est aussi caractéristique des personnes qui ont été agressées. Tu peux être dans des moments très euphoriques et d'autres moments très down. Moi j'ai ce truc dans le boulot.

  • Speaker #0

    où je peux être dans une phase hyper créa, très très créative, où j'ai envie de faire plein de choses. Tu vois, mon livre, je l'ai écrit, j'étais hyper créa, c'était incroyable. Et d'autres moments où je me sens nulle, c'est très compliqué pour moi. Je pense que ça doit s'expliquer, je n'ai pas encore trop cherché.

  • Speaker #1

    Et désormais, tu fais un ton de ta voix. Notamment, tu te bats pour que le retrait du délai de prescription... des actes de viol sur mineurs s'arrêtent, tout simplement. Qu'est-ce qui a déclenché cet engagement, cette prise de parole publique sur ce sujet et ton engagement autour de ce combat ?

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses. Il y a notamment une chose, je ne veux pas en parler parce qu'en fait, c'est encore un peu trop douloureux, mais c'est surtout le fait que lorsque j'en parle, autour de moi, je m'aperçois... Les enfants, c'est trop vulnérable. Depuis que j'ai des enfants, c'est juste impossible. Juste le fait de me dire si jamais il arrive ça à mes enfants, je ne sais pas ce que je fais. Et ensuite, je l'ai vu sur moi, en fait. C'est-à-dire que j'ai occulté mon cerveau à oublier ce qui m'était arrivé. Il savait. Il l'a rangé quelque part. Ce n'était pas très bien rangé. Et quand c'est sorti, c'est sorti longtemps après. Et surtout, j'ai vu autour de moi qu'il y avait beaucoup de personnes, beaucoup de femmes et d'hommes qui se souviennent de choses très longtemps après. Donc, sur quelle base les politiques, les personnes qui décident de faire la loi se sont dit 18 ans, 30 ans après la majorité, c'est une... C'est le bon nombre. Sur quelle base ils se sont basés pour se dire, ouais bon, on va leur laisser 30 ans après la majorité pour pouvoir parler, et si jamais ils parlent 30 ans après la majorité, eh ben c'est trop tard. On va partir du principe qu'il y a prescription. Sur quelle base ? Déjà d'une. Et de deux, on s'aperçoit qu'il y a des gens, ça sort, il y a des personnes qui m'ont écrit en me disant, Je me suis souvenu, j'avais 60 ans, je suis une vieille dame maintenant. Ça m'est arrivé, j'avais 7, 8 ans. Et puis surtout, il y a des personnes qui savent que ça leur est arrivé, mais qui se disent, mais je ne suis pas sûre. Je ne suis pas sûre parce que, oh là là, je ne sais pas, mon cerveau me joue des toits. Donc pour toutes ces raisons, il ne devrait pas y avoir prescription, parce qu'en fait, il faudrait laisser le temps aux gens. Personne ne doit décider de quand. Tu as le droit de parler quand tu te sens libre, quand tu te sens bien, tu parles. C'est que personne n'a le droit de dire, tu as juste 4 ans pour parler, personne, si ce n'est toi. Et ensuite, on me reproche aussi le fait de dire, excuse-moi mais pour qu'une société puisse avancer, il faut que la société puisse oublier. C'est très drôle parce qu'on... Des fois, j'en parle à des personnes qui sont très lettrées, etc. et qui me disent, tu vois, on ferait. Il dit que lui, il a vécu des choses très compliquées dans sa vie et pour avancer, il a oublié. Fine, très bien. Et en plus, moi, je suis d'accord. Pour avancer, il faut oublier. Mais avant d'oublier, il faut comprendre ce qui nous est arrivé. Il faut digérer. Et ça, ce laps de temps, il n'est pas négociable. Et il n'est pas négociable par rapport à des personnes qui font soi-disant... Sur quelle base on se... Il n'est pas négociable. Il n'est pas négociable avec ta souffrance, en fait. Donc, moi, je suis partisane qu'il faut oublier pour avancer. De toute façon, ton cerveau le fait tout seul. Oui. Parce que le cerveau, quand il y a des choses qui sont trop compliquées, il ne peut pas vivre. C'est ce qui arrive dans tous les traumas. La guerre, les attentats. Ton cerveau fait quelque chose d'incroyable. Il est étrange. Il est étrange. Mais ça ressort.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est ça, c'est l'impact psychologique, je me disais. Même l'impact positif psychologique pour une victime qui sait qu'il n'y a pas de limite de temps, en fait, pour poursuivre son agresseur, en fait, c'est ça, pour réclamer justice.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y aurait un impact en se disant, ok, je peux, et en fait, je peux être reconnue victime. C'est ça, là.

  • Speaker #0

    Après, il y a deux écoles. Il y a aussi des personnes qui disent, je préfère qu'il y ait une... Une date, parce que ça me motive plus ou moins à aller porter plainte. Ça s'entend. Mais en même temps, je me dis... qu'on ne devrait pas imposer. Oui,

  • Speaker #1

    sans date, tu as le choix aussi.

  • Speaker #0

    Tu as le choix aussi. Et puis, il y a des gens aussi qui disent Ah, comme je sais que la date est passée, maintenant c'est bon, je ne pourrai plus porter plainte. Donc, c'est plus de ma faute si je ne porte plus plainte. Et j'ai aussi l'impression qu'il y a des personnes qui ont peur de se dire Non, mais s'il y a un prescription, à n'importe quel moment, je peux me retrouver en prison. Mais déjà... de mettre les gens en prison. Moi, je ne suis pas... Je comprends aussi, en fait. J'ai été victime, mais je comprends aussi l'agresseur. C'est paradoxal. C'est-à-dire que moi, je suis prête à discuter avec mon agresseur. Je suis prête à échanger. Et je pense que, encore une fois, la parole libère. Et si, en face, sauf dans des très rares cas où il y a des personnes, des agresseurs qui ne veulent vraiment pas comprendre, on s'assoit, on discute. la personne aussi peut comprendre que il y a plein de raisons qui font que tu agresses il y a plein de je vais pas revenir là dessus peut-être qu'on va en parler il y a plein de raisons qui font que tu agresses et que tu deviens agresseur mais l'idée c'est pas non plus de dire ben voilà comme il y a un prescription vous allez tous aller en prison, c'est pas du tout ça l'idée c'est de comprendre ce qui arrive et d'essayer d'avoir un dialogue mutuel et de faire société en fait oui c'est ça et justement je me disais qu'une telle réforme

  • Speaker #1

    serait un peu un pas vers une transformation de la place des victimes dans la société et justement une reconnaissance de leurs souffrances qui peuvent réapparaître, comme tu nous l'as expliqué, des années et des années après. Mais c'est vraiment une réappropriation de la notion de victime en se disant qu'il n'y a pas de délai pour être victime, pour avoir les souvenirs qui ressurgissent. Et ce statut-là, en fait, il doit avoir le droit à la justice.

  • Speaker #0

    Peu importe le délai.

  • Speaker #1

    Cette notion de victime.

  • Speaker #0

    Exactement, tout à fait.

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'une fois qu'il y a prescription, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    T'es victime, mais tu peux pas être entendue par la loi. Puis après, chaque personne agressée vive les choses de manière totalement différente. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux personnes de parler ? Juste le fait de parler, d'aller... de s'asseoir devant... Parce que tu parles à la police, au magistrat, à la justice. Donc tu parles à la société. C'est en fait une sorte de reconnaissance. Je veux dire, justement, le fait de dire après 30 ans la majorité, ça veut dire qu'après, même si on finit par te dire oui, t'as été victime, mais t'es pas reconnue par la société en tant que victime. Et c'est ça qui me tue, en fait. C'est ça qu'il me dit, mais c'est rajouter de la souffrance à la souffrance. Et ça, c'est vraiment intolérable.

  • Speaker #1

    Dans Elles agissent, on parle d'action. Quel message tu aurais envie de passer peut-être aux auditeurs, auditrices qui nous écoutent, qui justement ne laissent pas place à cette action que tu as mise toi en place, que tu fais pour oser peut-être aussi ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué parce qu'en fait, d'un côté, il y a des gens qui nous disent c'est courageux Je ne trouve pas ça du tout courageux. Je fais, c'est tout. Et j'aurais aimé ne pas le faire. J'aurais aimé ne pas avoir vécu tout ça. Et de l'autre côté, il y a certaines personnes aussi qui me disent non mais franchement, on n'a pas marre de parler de tous ces sujets, c'est pas agréable

  • Speaker #1

    On te dit ça, que c'est pas agréable ?

  • Speaker #0

    Oui, on m'a même déjà reproché des fois. Sur mon compte Instagram, c'est bon. Pas ça autre chose. Pas ça autre chose. Il y a des gens qui me disent, moi, dès que tu commences à parler de ces trucs, je swipe. Je comprends. Je comprends, ce n'est pas un sujet agréable, franchement. Et puis, ce n'est pas quelque chose qui me réjouit aussi. Des fois, je vais sur des plateaux, je dors mal. Je dors mal. Ce n'est pas agréable, ce n'est vraiment pas agréable. Mais justement, c'est parce que ce n'est pas agréable qu'il faut en parler. que ça s'arrête. Non, c'est pas agréable, c'est pas cool, c'est pas un sujet facile. Par exemple, je repense souvent à cet exemple de Dorothée Ducy, qui a écrit un livre incroyable sur l'inceste, l'anthropologie de l'inceste, qui explique que pendant des années, elle a mené ses enquêtes et elle dit, franchement... C'était vraiment pas agréable. Tout le temps, parler de ces sujets, elle dit, moi, quand je suis... On m'invitait plus dans les repas, parce qu'en fait, ça plombe bien l'ambiance. Elle dit, bien sûr que ça plombe l'ambiance. Et elle dit, et puis moi, elle rencontre des personnes qui ont agressé des agresseurs tout le temps, elle dit, mais c'est vraiment pas agréable, c'est horrible, c'est... Mais bien sûr, je veux dire, on est humain, c'est normal que c'est pas agréable. Enfin, je veux dire... Moi ça me plaît pas, c'est pas ma tasse de thé de parler d'agressions sexuelles. Mais en même temps, si on n'en parle pas, c'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'a pas eu lieu. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne qui est en face de toi n'a pas été agressée. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne ne souffre pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il n'y a pas d'agresseur. Donc je préfère passer ça le moment et me dire que finalement... Peut-être que ça va aider une petite fille à dire... Moi,

  • Speaker #1

    tu préfères agir.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je préfère agir, en fait. Et moi, si je devais dire quelque chose, c'est qu'il faut écouter les enfants. Il faut les écouter et les croire. Je ne supporte plus les personnes qui parlent de nuances. Foutez-nous la paix en fait. Arrêtez de rajouter de la violence à la violence comme si c'était une partie de plaisir pour un enfant de dire par exemple, papa m'a touché le sexe, bien sûr. C'est pas agréable, c'est pas une partie de plaisir et les enfants n'inventent pas. Tu ne peux pas inventer, tu n'as pas la maturité. la maturité sexuelle pour savoir ce genre de choses, tu peux pas inventer, c'est impossible mais c'est vraiment impossible, soit l'enfant a vu, soit l'enfant l'a vécu, soit on lui a montré, c'est impossible donc les questions de nuances etc, please vraiment fuck you, je suis désolée, je suis hyper violente dans mes paroles parce qu'il faut arrêter Et donc, il faut écouter les enfants, il faut les croire. Et en fait, même lorsque les enfants ne parlent pas, leur corps dit des choses, leur manière de dormir, de vivre les choses, d'être en colère, tout parle. Donc il faut toujours essayer de déceler ce qui ne va pas. Et c'est la meilleure des choses que l'on puisse faire en tant que parent. Les croire, les mettre en sécurité. Franchement, c'est le plus beau des cadeaux que l'on puisse faire à nos enfants. Et

  • Speaker #1

    Rose, quelle est ta définition d'agir ? Ça veut dire quoi pour toi ?

  • Speaker #0

    Agir, pour moi, c'est... On peut agir de n'importe quelle manière, en fait. Ça peut être déjà souffrir à la question, écouter des podcasts comme le tien. Ça peut être juste lire ces sujets-là. Ça peut être mettre un like sur Instagram, sur un post. qui parle de ces sujets-là. Ça peut être une copine qui n'est pas bien et de lui, de la prendre dans ses bras. Ça peut être là, en fait, pour quelqu'un. Ça peut, si quelqu'un te dit je ne suis pas bien te dire bon, écoute, le jour où tu te sentiras prêt, peut-être que tu as besoin de parler, je suis là Après, agir, ça peut aussi... Après, il y a agir de manière politique. de s'engager. Mais là, ça demande quand même beaucoup de... ça demande beaucoup de soi. Moi, je suis fan du fait que des personnes comme toi, Émilie, s'intéressent à la parole des femmes, de donner la parole à des personnes qui n'ont pas l'habitude de parler. Agir, c'est tout ça. C'est vraiment... Tu peux agir à n'importe quel niveau. C'est-à-dire... Par exemple, dans la rue, il y a une petite fille qui est dans l'école de mes enfants, qui d'un coup d'un seul a reçu une claque de son grand frère. Ils ont peut-être trois ans d'écart. Mes enfants étaient là et ce petit garçon était avec sa nounou et avec sa petite soeur. Et il lui a mis une claque, mais j'ai jamais vu ça. Et c'était tout à fait naturel et normal, tu vois. C'est-à-dire que la petite, elle, a rien dit. La nounou, qui ne devait pas être sa nounou, en fait, ça devait être la grand-mère. Bon, elle a dit, allez, on avance. Mais waouh, j'étais tellement choquée. Mes filles étaient hyper choquées. En fait, j'étais dans une espèce de sidération. Ça m'a travaillé. Je suis rentrée à la maison. J'en ai parlé à mon mec. Et lui, il me dit, mais toi, t'as rien fait. T'as rien dit. T'as pas été voir. Je fais, ben non, j'ai pas réussi. Et ça, c'est à gérer, en fait. J'ai pas réussi. Et après, je dis, mais qu'est-ce que je peux faire ? Il dit, ben, je sais pas, moi, maintenant. Je me suis sentie mal. Et en fait, ouais, agir, c'est déjà ça. C'est juste de dire, ben, attends. Tu ne mets pas une claque. C'est dur, mais tu peux agir à n'importe quel niveau. Après, il y a des signalements, tu sais très bien qu'il y a des choses qui se passent. Mais là, pour moi, c'est compliqué parce que tu ne sais pas jusqu'où ça peut aller. Mais mon médecin m'encourage. Après, mon médecin est très fier de moi. Il me dit C'est incroyable, Madame Pierre-Louis. Vous vous rendez compte ? Vous êtes venu la première fois, vous n'arrivez pas à parler. Et là, maintenant, vous ne faites que de parler. C'est génial. Continuez, continuez. Donc, c'est ça. Par n'importe quel biais. Et surtout, tu sais, maintenant, on est tous sur les réseaux sociaux. Tous, tous, tous, tous. Ça me tue, ça me flingue de voir qu'il n'y a pas plus de personnes connues qui prennent la parole sur ces sujets-là, qui encouragent à parler. à appeler tel numéro, tout ça, etc. qui ont une telle puissance auprès de leur audience. Mais bon, on va, je veux dire, continuer, enfin parler. Agir, c'est parler, oui.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci pour cet échange.

  • Speaker #0

    Merci,

  • Speaker #1

    Amélie. Merci pour ce moment.

  • Speaker #0

    C'était intense. Et surtout, je voulais... Dire quelque chose à toi, parce qu'en fait on s'est rencontré par l'intermédiaire d'une amie et surtout on a vécu, enfin on vit dans la même ville et on s'était jamais croisés, on a jamais discuté. Et donc finalement quelque part je me dis on traverse tous, on a tous nos secrets, on vit tous certaines choses. On devrait prêter plus attention à ceux qui nous entourent et faire plus attention, tout simplement. Ça, c'est agir à faire plus attention aux personnes qui sont autour de nous, proches de nous, dans les écoles, les mamans qui, des fois, peuvent être un petit peu soit véhémentes ou alors un peu plus tristes. On devrait faire plus attention, moins regarder nos téléphones parce que dans la rue... On regarde beaucoup les téléphones, on est par terre, on a la tête baissée, on regarde nos téléphones. On devrait plus se regarder en fait.

  • Speaker #1

    Et discuter, on aura des belles rencontres.

  • Speaker #0

    Et ça, pour moi, ça a été vraiment une très très belle rencontre.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Donc merci. Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de recevoir Rosemonde Pierre Louis, femme d’affaires franco-haïtienne et autrice du livre Je ne suis pas ta mère.


Un récit bouleversant, où elle dévoile son parcours de résilience face aux violences sexuelles subies durant son enfance.


Son histoire est bien plus qu’un témoignage : c’est un appel à briser le silence, un acte puissant pour transformer l’intime en universel.


Dans cet épisode, Rosemonde partage avec nous son cheminement, son engagement pour l’imprescriptibilité des viols sur mineurs, et la force de la parole comme outil de guérison.


Nous avons enregistré cet épisode après une longue discussion dans un café, où chaque mot résonnait avec tant de profondeur. C’est ce moment que je vous invite à vivre avec nous, un moment où les tiroirs d’une histoire personnelle s’entrelacent avec celles de tant d’autres femmes.


Cet épisode abrode des sujets lourds comme le viols et les difficultés psychologiques. Si vous êtes dans un cas similaire, n'hésitez pas à contacter le 3919


En tant que productrice de podcasts, je crois au pouvoir des récits pour sensibiliser et engager. Si votre entreprise ou votre organisation souhaite porter des messages forts, nous pouvons construire ensemble un podcast sur mesure.


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Rose.

  • Speaker #1

    Salut Émilie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elsagis. Je suis heureuse de t'avoir dans mon micro.

  • Speaker #1

    Merci de m'avoir invitée surtout.

  • Speaker #0

    Alors Rose, pour te définir, j'aurais pu aller dans plein plein de définitions parce que tu es une femme plurielle. Je vais essayer de te définir tout de même avec ces quelques mots. Déjà, tu es une femme d'affaires. Tu as créé ta société. Ce n'est pas de la com. C'est pas rien, on en parlait un petit peu en off, c'est quelque chose d'assez important. Tu es aussi maman de deux jeunes filles et tu es l'auteur du livre qu'on a toutes les deux là sous les yeux, que j'ai du mal à qualifier parce qu'il est, je trouve, à la fois poétique, poignant, oui poétique,

  • Speaker #1

    je l'ai trouvé très poétique,

  • Speaker #0

    et surtout puissant. Et ce livre c'est Je ne suis pas ta mère que tu as auto-édité. Et dans cet ouvrage, tu racontes avec courage et sincérité ton parcours, je trouve, de résilience après avoir vécu des violences sexuelles durant ton enfance. Et donc, en partageant ton histoire, tu nous offres non seulement un témoignage de ton intime, mais aussi une réflexion sur la manière dont la parole peut briser les chaînes du silence, qu'elle soit familiale. ou personnel, ou même public.

  • Speaker #1

    Public, oui.

  • Speaker #0

    Ton livre est un livre à tiroirs, où l'on ouvre plusieurs facettes, que ce soit les facettes d'émotion, de vécu, tu y parles d'amitié, d'histoire de vie, de construction et de déconstruction. Tu brises des chaînes, des tabous, tu parles d'identité. Et comme tu le dis, l'écriture devient aussi un acte thérapeutique. Une nouvelle manière aussi peut-être de te réapproprier ton histoire et aussi de la digérer peut-être quelque part. Ma première question est la suivante. Dans ton processus d'écriture et après de publication, est-ce que tu as réfléchi à la manière dont ce récit pouvait passer de l'intime à l'universel en s'inscrivant dans un mouvement plus large aussi de contestation ? Des structures qui maintiennent, qui forcent le silence des victimes.

  • Speaker #1

    Wow, écoute, déjà je te remercie pour cette chronique, c'est incroyable tout ce que tu dis, merci. Quand tu écris un livre, en fait, tu t'attends pas forcément, le livre ne t'appartient plus en fait, ton texte ne t'appartient plus et je trouve que tu as fait une description qui me semble juste. Ensuite, pour répondre à ta question, je dirais qu'à aucun moment, quand j'ai écrit Je ne suis pas ta mère je pensais que déjà, j'allais m'inscrire moi-même dans une espèce de prise de parole qui allait devenir politique. Bien que c'est après coup que je me suis dit, mais en fait, l'intime est politique. Le fait de se mettre à nu comme ça, tout de suite, ça veut dire quelque chose. Et finalement, de toute manière, quand j'ai écrit, dans un premier temps, c'était purement égoïste. De manière égoïste, c'était une manière pour moi aussi, comme tu l'as très bien dit, de me réapproprier mon histoire, d'en faire quelque chose, en fait. L'idée, c'était aussi de dire... Comment je peux dire ça ? Le noir, la noirceur de ce que j'ai pu vivre. Ça y est, je l'ai vécu. Maintenant, est-ce que je peux transformer en quelque chose de sublime ? Pour moi, c'est passé par l'écriture. Finalement, quand j'ai écrit le livre, je ne voulais pas écrire quelque chose de triste. C'est peut-être pour ça, en ce sens, que tu dis que c'est poétique. J'ai peut-être une manière d'écrire qui est très imagée. J'avais aussi envie d'emmener les gens dans mon monde. J'avais envie aussi que les gens comprennent et se réapproprient. Mon histoire est que la petite fille qui est rose dans ce livre soit aussi la personne qui lit les livres, parce que c'est un peu une histoire universelle quand même. Non, je n'avais pas pensé que ça allait devenir quelque chose, que ça allait briser des chaînes. Parce qu'en fait, à la sortie du livre, moi déjà, j'avais très, très peur d'en parler. Je ne pensais pas que ça allait être un livre, déjà. Dans un premier temps, j'ai écrit le texte vraiment de manière cathartique, vraiment pour me réapproprier mon histoire et pour me dire attends, j'ai vécu ça, j'ai vraiment vécu ça, mais c'est pas possible Et je voulais vraiment le mettre sur papier. Et puis après, je me suis dit oh, bon, c'est pas mal ce que j'ai écrit quand même Et puis ensuite, je me suis dit bon, ce sera pour mes filles Et puis après, je me suis dit oh, je vais peut-être le publier Et quand il est sorti, moi qui suis dans la com', je voulais plus en parler. Je voulais dire non, j'avais trop peur quand il est sorti Quand il a été imprimé et que c'est vraiment arrivé dans l'entrepôt, dans la boîte de distribution, je me suis dit Oh, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Mais je suis folle ! Je suis en train de détruire ma vie ! Parce que je crois que j'avais conscience à un moment donné que c'était quelque chose de puissant.

  • Speaker #0

    Là, c'est là où tu as pris conscience. C'est là que j'ai pris conscience.

  • Speaker #1

    Exactement. Et puis, c'est sorti aussi au moment où... Je pense que je l'ai aussi écrit, j'ai voulu sortir parce qu'il y avait le mouvement MeToo, tout ça, etc. Donc j'ai trouvé qu'il y avait des femmes hyper courageuses. Et c'est à ce moment-là que je me suis dit, oui, c'est vrai que là, on doit changer le corps. Mais après, pour en parler, ça a été très compliqué. Et j'ai mis vraiment un an avant de vraiment en parler, parce qu'il y a eu des choses qui ont fait que j'ai décidé d'en parler. Et quand j'ai décidé d'en parler, c'était fini. Ça y est, je ne pouvais plus m'arrêter. C'est un peu mon combat, ça devient hyper important dans ma vie, j'en parle partout, c'est devenu quelque chose qui me dépasse en fait et je l'accepte maintenant.

  • Speaker #0

    Et justement, on parlait de cet aspect thérapeutique, est-ce qu'il y a certaines choses qui sont sorties dans l'écriture ? Est-ce qu'il y a eu un cheminement ? Est-ce que ça t'a permis aussi de te rendre compte de tout ce que tu avais vécu et de prendre un petit peu de recul sur tout ça ?

  • Speaker #1

    Alors, pour te dire la vérité, je savais exactement ce que j'allais mettre dans le livre, mais je ne savais pas dans quel ordre. Donc, j'ai écrit les choses qui étaient plaisantes pour moi, donc dans un premier temps. C'est ce que j'ai écrit. J'ai adoré parler de mes copines. J'ai adoré parler de mes filles. Les choses qui me faisaient du bien. J'ai commencé par écrire ça. Et bizarrement, je savais que les choses qui ont été très compliquées dans ma vie, j'allais les écrire à la fin parce que je savais que ça allait être douloureux. Et effectivement, quand j'écrivais, je pleurais. C'était incroyable parce que je pleurais mais des litres, des litres. dos, j'arrivais plus à m'arrêter. Puis j'avais une rage, j'étais en colère, j'avais la rage. Bizarrement, j'avais pas honte. J'ai tout écrit, et en fait, ça m'a libérée, ça m'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Et peut-être que la notion de ne pas avoir honte, de faire du bien, est-ce que ça te permet aussi de te réapproprier ton identité ?

  • Speaker #1

    En fait, j'ai envie de te dire que quand tu as été agressée, violée dans ton enfance, puis même tout court, c'est une blessure à vie en fait. C'est un handicap à vie que tu portes, ça ne se voit pas et c'est invisible. On va dire que des fois, ça me fait du bien. et des fois moins, mais mettre un petit pansement quand même, ça apaise un peu finalement. Mais c'est pas facile. Pas facile, non.

  • Speaker #0

    Dans ce livre aussi tu parles, je le disais que c'était un tiroir plein de sujets, on parle de culture aussi, d'héritage culturel que tu portes. Tu es née en Haïti, tu es franco-haïtienne. Ma question était de savoir comment ces cultures, Ont-elles influencé ta perception de ce que tu as vécu, de la violence, de la violence sexuelle, des non-dits ? Quel est l'héritage culturel qu'il y a dans tout ça ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est un fardeau. Un fardeau immense que l'on fait porter sur les petites filles, sur les femmes. dans nos cultures et pourtant je suis pas restée longtemps en Haïti mais du fait d'avoir été élevée par des femmes qui ont très certainement vécu ce que j'ai vécu, parce qu'on n'en a jamais parlé, du fait d'être dans une... C'est très drôle parce qu'en fait, en Haïti, on a ce que l'on appelle le vaudou. Et dans la culture, qui est une religion, dans le vaudou, les femmes sont à égalité entre les hommes. C'est très drôle, elles ont autant de pouvoir que les hommes, si ce n'est plus. elles sont très fortes et tout ça etc mais ça ne se reproduit pas forcément dans la réalité après il y a eu c'est très simple bien sûr donc après il y a eu une évangélisation donc il y a eu la religion catholique protestante etc qui là pour le coup inverse les rôles puisque la La femme est née d'une côte de l'homme, donc la femme est un peu en dessous. Et de ce fait, je pense qu'on l'a intégrée et puis on le fait très bien comprendre aux petites filles que c'est très drôle parce qu'en fait, on dit aux petites filles, attention, aux garçons, etc. Mais on ne nous explique pas pourquoi. Et on blâme les petites filles. Les petites filles, elles n'ont pas le droit de sortir, elles n'ont pas le droit de côtoyer les garçons, etc. Mais les garçons, pas de souci. Et je pense que... Ça c'est quelque chose que l'on a intégré tout petit. On le sait, on sait que les garçons ça peut être dangereux, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. Et on ne parle pas de ces sujets-là. Il n'y a pas de sensibilisation sur le fait que ton corps est ton corps. Et puis il y a aussi ce truc en Haïti où les portes sont ouvertes tout le temps. On est très accueillants. Enfin je veux dire, même si on n'a pas à manger, il y a quelqu'un qui vient à la maison. Cette personne aura à manger. Et donc le fait aussi d'être... On nous apprend aussi qu'il faut être hyper poli.

  • Speaker #0

    Mais même, pardon, à l'extrême, parce que c'est ce que tu dis dans ton livre, c'est que c'est cette ouverture poussée même à tout le monde qui a fait rentrer un peu le diable ici.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est que oui, c'est poussé à l'extrême. C'est qu'il faut être très sage. Il faut toujours obéir à l'adulte. C'est très important. Oui, bonjour, monsieur. Au revoir, monsieur. Merci. Si un adulte te dit, viens, ma petite fille, viens t'asseoir sur mes jambes, ben, t'y vas, parce qu'il faut respecter, etc. Et finalement, comme les portes sont tout le temps ouvertes, il n'y a pas... Mais en même temps, on te dit, fais attention. Donc, c'est paradoxal. C'est paradoxal. Tu ne sais plus sur qui elle peut danser. Et finalement, le fait de faire entrer tout, n'importe qui, chez soi, ça... Ça ouvre la porte à du n'importe quoi aussi.

  • Speaker #0

    Ça fait endosser toutes les responsabilités, à la fois d'ouvrir, d'être très le cœur sur la main, et en même temps, c'est ta responsabilité de ne pas être agressée, presque.

  • Speaker #1

    Totalement. Mais c'est totalement ta responsabilité, c'est ta faute. Et puis de toute façon, je le raconte dans le livre, à un moment donné, je crois qu'une fois, je... On nous a surpris avec mon agresseur, qui était plus âgé que moi, un garçon. Et en fait, la personne qui a été blâmée, ce n'est pas le garçon, c'était moi. Parce que je n'avais pas à être à cet endroit à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Et c'est ta tante, justement, qui te blâme.

  • Speaker #1

    Exactement. Et finalement, moi, je pensais qu'elle allait me sauver. Je pensais qu'elle allait me dire Oh mon Dieu ! C'est très drôle parce qu'en fait j'étais contente qu'elle nous découvre et en même temps je me suis dit oulala je vais peut-être en prendre une mais je savais pas pourquoi. Et le fait de dire mais c'est ta faute, donc finalement s'il se reproduit la même chose, tu te tais parce que tu sais que tu vas te prendre une braille.

  • Speaker #0

    Ça instaure le silence que tu brises là avec ton discours et ton livre.

  • Speaker #1

    Et le silence, en fait, c'est pas que dans la culture haïtienne, c'est partout. Dans les viols, les agressions, c'est partout. C'est ce qui fait que ça perdure, en fait. S'il n'y a pas de silence, je suis convaincue qu'il n'y a pas de viol. Et le fait de continuer à avoir honte, mais déjà, c'est une humiliation pour quiconque. Donc, tu as honte de fait, t'évites d'en parler. Et de deux... ton agresseur te fait comprendre que tu évites d'en parler et puis ton entourage aussi. Et puis quand tu lis certaines choses de la littérature scientifique, tu apprends que l'inceste, les agressions, les viols, il y a une mécanique qui se met en place. C'est ce que Dorothée Bussy appelle, qui est anthropologue, la grammaire du silence. Donc on le comprend sans se parler, on sait qu'on ne doit pas parler. Dans la manière d'être, dans sa façon de se comporter, dans ses gestes, toute la famille sait que tu ne dois pas en parler. silence signifie agression.

  • Speaker #0

    Oui, et ce silence, il est aussi très lié aux femmes de ta vie, qui sont à la fois, j'ai l'impression, ta force et ton poison, quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, oui. En fait, c'est très drôle parce qu'en fait, quelque part, moi, je n'ai pas connu directement le patriarcat. C'est-à-dire que je ne sais pas ce que ça veut dire qu'un mec... t'interdisent de mettre une jupe ou te disent t'as pas le droit d'aller là, j'ai pas connu ça mais j'ai connu le poids des interdits par ces femmes là parce que je pense que c'était entendu, c'était quelque chose qu'il fallait maintenir et en même temps moi je les ai trouvées hyper fortes parce que elles s'en sont toujours sorties et puis il y a ma tante aussi qui est une figure à part... qui est quelqu'un qui n'a jamais fait fi des normes sociales, mais qui, limite je me demandais si elle se rendait compte qu'elle était en marge quelque part de la société, parce qu'en fait c'est quelqu'un qui n'a jamais travaillé, ça ne l'a jamais intéressé. C'est quelqu'un qui buvait, qui fumait, qui sortait énormément, qui adorait s'amuser, et... je pense qu'elle a eu beaucoup d'hommes dans sa vie donc elle était complète donc ça c'est une figure qui finalement m'a marquée parce que quand je y repense je me dis j'ai dû prendre d'elle parce que je la voyais, elle se maquillait, elle sortait des fois elle rentrait pas et elle était, c'était la vie d'Aloca je pense qu'elle a vécu la vie de manière forte tout était déraisonné et ça j'ai dû récupérer ça parce que moi ma vie je la vis comme je l'entends en fait, c'est-à-dire que je vais me sortir, faire la fête, boire du champagne, m'amuser, j'inculque ça à mes filles et en même temps j'avais l'inverse aussi, j'avais ma grand-mère qui se sacrifiait.

  • Speaker #0

    Tu en parles beaucoup dans le livre.

  • Speaker #1

    Et je l'adorais, c'était quelqu'un qui était je la trouvais douce alors qu'elle n'était pas douce.

  • Speaker #0

    Elle est complexe.

  • Speaker #1

    C'est des figures très complexes parce qu'elle lutte en permanence en fait, elle lutte avec tout ce qui les...... composent et moi je crois que j'ai tiré j'ai essayé de tirer le meilleur de chacune d'entre elles et tu transmets ce meilleur à tes filles ? J'essaie de transmettre ça à mes filles, j'essaie de leur faire comprendre que que ce sont des filles et que plus tard elles auront le droit de faire ce dont elles ont envie mais véritablement qu'elles ne se mettent pas de barrière... Et surtout, j'essaie de leur faire comprendre que dans la vie, le plus important, c'est d'être heureux. C'est compliqué à le faire comprendre. C'est-à-dire que des fois, en même temps, j'ai une fille, la plus grande, à l'école, elle est vraiment dilettante. Elle n'est pas du tout stressée, mais en même temps, elle est stressée pour autre chose. Je leur ai souvent dit, dans la vie, rien n'est grave. J'essaie de faire en sorte qu'elles soient apaisées à ce niveau-là. Mais en même temps, il y a des choses que je dois transmettre malgré moi. Et puis maintenant, on sait qu'on transmet des choses aussi.

  • Speaker #0

    Autour du transgénérationnel. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Je crois que ce qu'on appelle l'épigénétisme, ça saute des générations. Moi, je pense que je dois porter des choses qui ne m'appartiennent pas. Mais ce n'est pas grave. dès lors que l'on en parle oui c'est ce que j'allais dire,

  • Speaker #0

    tu le formalises je le verbalise et cette notion de transmission elle est très forte pour toi et chez toi c'est peut-être ce que tu n'as pas vécu que tu as envie de justement de te casser, transgénérationnel c'est ça aussi,

  • Speaker #1

    on casse des choses pour arrêter de les transmettre c'est tout à fait ça et en fait moi j'ai pas connu, je sais pas ce que c'est que de discuter avec ma mère, ma tante ma grand-mère, ma famille, je sais pas je sais pas ce que ça veut dire... on ne discute pas de toute façon l'enfant n'a pas le droit à la parole je sais que on nous dit quand il y avait des conversations on essayait de prendre la conversation c'était non mais C'est-à-dire, on ne t'a rien demandé, et c'était hyper mal vu de prendre la parole. Et en fait, je m'aperçois que c'est quelque chose d'incroyable. On a tous ça, c'est gratuit. Ça pourrait tellement sauver des gens, parler juste. Mes filles, quand elles reviennent de l'école, on les force. Alors, qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui à l'école ? Qu'est-ce qui s'est passé ? On essaie de verbaliser, mais c'est tellement important. La parole, c'est ce qui est... Juste le verbaliser, c'est déjà se décharger de poids.

  • Speaker #0

    Elle libère aussi la parole.

  • Speaker #1

    La parole libère totalement.

  • Speaker #0

    Dans ce qu'on est victime de violences, de viols, de violences sexuelles, il y a tout un processus de guérison qui peut ne pas se mettre en place, mais qui peut se mettre en place aussi. J'avais en tête le processus qui avait... On a proposé Judith Hermon, qui passait par la sécurité, la remémoration, puis la reconnexion à soi. J'avais envie de savoir quelles étaient tes propres étapes à toi dans ton parcours de réguérison, et où est-ce que tu en es maintenant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on ne finit jamais de guérir, déjà. Ensuite, j'ai eu de la chance, parce qu'en fait, je ne sais pas si c'est de la chance, non, je retire ce que j'aime bien. Je suis... En fait, je suis tombée sur mon mari. Ça a été le premier point de départ de ma guérison. Qui a tout de suite vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez moi. Je me souviens qu'il me disait, les débuts quand je t'ai rencontré, j'avais l'impression d'avoir en face de moi un petit animal blessé qui était à vif sur pas mal de sujets, qui s'emportait très vite mais qui était très faible et très fragile sur d'autres choses. Donc j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et puis ensuite, quand je suis tombée enceinte de ma première fille, je ne sais plus comment on est arrivé à une discussion. J'ai dû parler, j'ai dû dire, oui, il m'est arrivé ça. Et en fait, ça a été merveilleux parce qu'il m'a dit, wow, OK, alors il faut que tu me racontes. Non, je n'ai pas envie. OK, mais tu prendras le temps qu'il faut, mais il faut qu'on en parle. Et puis, le processus de guérison a commencé comme ça. C'est-à-dire que... Il y a quelqu'un qui m'a cru. Il y a quelqu'un qui ne m'a pas dénigré. Et il y a quelqu'un qui m'a fait... J'étais en sécurité. Je savais que je pouvais parler en toute sécurité. Et il m'a dit, tu ne dois pas avoir honte. Ce n'est pas à toi d'avoir honte. Donc ça, ça a été le premier choc. Et ensuite, je pense... qu'après il y a des choses qui reviennent de manière subite. Et quand ça arrive, j'ai dû être entourée. Et moi, c'est mon médecin qui s'en est aperçu. Et mon médecin m'a fait parler, encore une fois, la parole. J'ai beaucoup parlé avec lui. Et ensuite, il m'a dit, il faut absolument que vous soyez suivi. Moi, je lui ai dit, mais non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en dépression. Oui, bien sûr. Donc, il m'a obligée à aller voir quelqu'un. J'ai vu cette personne à raison d'une fois par semaine. Et ensuite, j'ai écrit. Et après avoir écrit, j'en ai parlé à mes enfants. Très important aussi pour moi. Et après en avoir parlé à mes enfants, je me suis sentie totalement libérée. C'est-à-dire que voilà, maintenant, j'en ai parlé à mon médecin, à mon mec, mes enfants sont au courant. Wouah, plus rien ne peut m'atteindre. Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à en parler en public. Et le fait d'en parler en public, ça m'a totalement, totalement, totalement libérée. Parce que je n'ai pas fait une rencontre où il n'y avait pas une personne qui venait me voir en disant Waouh, j'ai vécu ça. Alors j'ai lu ton livre. Il m'est arrivé ça. Je veux en parler. Je comprends qu'il faut en parler. J'ai parlé à l'Assemblée nationale, j'ai parlé au Sénat, j'ai parlé dans des petites assos, j'ai parlé devant trois personnes, j'ai parlé devant 50 personnes, j'ai parlé devant 200 personnes. Il n'y a pas une fois, une personne n'est pas venue me voir et juste ça, ça fait... je me sens utile en fait.

  • Speaker #0

    Ça permet de guérir aussi.

  • Speaker #1

    Ça permet totalement... Des fois c'est dur parce qu'en fait, il y a aussi ce truc où... comme tu parles et que tu racontes ce que t'as vécu les gens ont aussi envie de te parler de ce qu'ils ont vécu. Et des fois, je me prends des histoires en pleine figure, et là, ça me ramène à des choses. Je suis hypersensible aussi. C'est-à-dire que dès qu'on va me parler de ces sujets, je ne vais pas être bien. Et ensuite, je sens aussi qu'il y a des personnes qui sont hyper fragiles, qui vont me poser des questions que je n'arrivais plus à gérer. J'en ai demandé, j'ai dit à mon médecin, je n'y arrive plus. C'est compliqué pour moi parce que j'ai une charge... émotionnelles trop fortes, importantes. Je faisais des cauchemars. En fait, il m'a dit qu'il faudrait les renvoyer vers des spécialistes, etc. Donc, c'est ce que j'ai fait. Mais je t'avoue qu'il y a un épisode, d'ailleurs, qui me trotte encore dans la tête. Je ne sais pas trop ce qui est devenu cette fille. Une fille m'a contactée sur Insta et qui m'a dit, oui, j'ai lu ton livre, il faut que je te parle, etc. On en a parlé, on a beaucoup échangé sur Insta. Je ne sais plus. La conversation s'est arrêtée. Un jour, elle est revenue. Elle m'a dit, je ne sais pas comment tu fais, Rose. Comment tu fais pour vivre ? Comment tu fais pour avoir la vie que tu as ? Je vois comment tu es avec tes enfants, etc. Comment est-ce possible ? Moi, je n'y arrive pas. Je me dégoûte. Je n'arrive pas à être une bonne mère, etc. Elle m'a envoyé ça. J'étais en vacances.

  • Speaker #0

    Elle t'a envoyé quelque chose ?

  • Speaker #1

    Elle m'a envoyé quelque chose. Je ne sais pas. C'est violent après. Très violent. Et là, j'ai dit, écoute, attends. je vais prendre le temps de te répondre j'ai pris le temps et je lui ai fait un très long texte où je lui ai expliqué en disant écoute tu sais déjà d'une Instagram c'est pas la réalité je montre ce que j'ai envie de montrer déjà c'est mon métier donc je sais comment parler et comment rendre du rêve et ensuite je lui ai tout dit je lui ai dit je suis suivie elle m'avait dit j'arrive pas à aimer mes enfants. Moi, c'est tout l'inverse. J'ai un amour incommensurable pour mes enfants. Je peux comprendre que ça bousille. Parce qu'elle a des garçons, elle dit que je n'arrive pas à les aimer. Donc, j'ai essayé de lui faire... Je lui ai dit, ben voilà, tu peux contacter tel assaut, tu peux passer... Je n'ai plus de nouvelles, je ne la vois plus. Je ne sais pas trop ce qu'elle est devenue.

  • Speaker #0

    Ça te reste ?

  • Speaker #1

    Ça me reste, ça. J'ai peur. J'ai peur qu'elle ait fait une bêtise, je ne sais pas. Mais après je me dis, c'est pas mon histoire, faut pas que je prenne.

  • Speaker #0

    Et c'est sûr, ce que tu disais, la charge émotionnelle est très forte quand on partage, on reçoit aussi du coup les autres histoires. Et en termes d'émotion, tu parles justement de cette tristesse qui te caractérise depuis que tu as été agressée pour la première fois à l'âge de 6 ans, qui n'existait pas avant et qui est là, qui est présente. On dit souvent que le corps n'oublie pas, n'oublie rien même. et je voulais savoir comment va ton corps maintenant, moralement et le corps physique aussi et est-ce qu'il reste encore des poids de ce traumatisme et de cette tristesse en toi ?

  • Speaker #1

    je pense que je serai toujours triste j'ai toujours été depuis j'ai toujours été mélancolique et ça se traduit j'ai des phases des fois comme ça où j'ai besoin d'être seule, de m'isoler et Des fois, ça peut m'arriver de pleurer sans rien, juste comme ça. En revanche, mon corps, je fais très attention à mon corps parce que c'est un peu une carapace, tu sais. Quand j'étais dans une phase de très grosse dépression, je soignais mon corps. Je suis hyper coquette, je ne laisse rien transparaître. C'est un peu une manière aussi de ne pas me laisser ronger par ça. Du coup, je fais beaucoup de sport. Mais après, le corps, c'est aussi la tête. Et la tête, là, c'est autre chose. Là, c'est vraiment autre chose. Je pense que si je n'avais pas des médicaments pour m'aider, c'est un peu une béquille chimique. Ce serait plus compliqué. Mais voilà, après, tu vois, je fais beaucoup de sport. J'essaie de me faire masser, de faire pas mal de choses, des exercices de respiration.

  • Speaker #0

    C'est important. En tout cas, la tristesse n'est plus l'unique émotion qui te caractérise.

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Elle est toujours là, en fond, en fil et graines. Mais paradoxalement, tu vois, je suis une fille très... Enfin, moi, je pense que je suis une nana qui aime bien s'amuser. Enfin, tu vois, j'ai... C'est bizarre, je dois pouvoir, je ne sais pas, je dois switcher entre... Limite, des fois, je me demande si je ne suis pas un peu border, parce que des fois... Mais après, ça, c'est aussi, j'avais lu ça quelque part, c'est aussi caractéristique des personnes qui ont été agressées. Tu peux être dans des moments très euphoriques et d'autres moments très down. Moi j'ai ce truc dans le boulot.

  • Speaker #0

    où je peux être dans une phase hyper créa, très très créative, où j'ai envie de faire plein de choses. Tu vois, mon livre, je l'ai écrit, j'étais hyper créa, c'était incroyable. Et d'autres moments où je me sens nulle, c'est très compliqué pour moi. Je pense que ça doit s'expliquer, je n'ai pas encore trop cherché.

  • Speaker #1

    Et désormais, tu fais un ton de ta voix. Notamment, tu te bats pour que le retrait du délai de prescription... des actes de viol sur mineurs s'arrêtent, tout simplement. Qu'est-ce qui a déclenché cet engagement, cette prise de parole publique sur ce sujet et ton engagement autour de ce combat ?

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses. Il y a notamment une chose, je ne veux pas en parler parce qu'en fait, c'est encore un peu trop douloureux, mais c'est surtout le fait que lorsque j'en parle, autour de moi, je m'aperçois... Les enfants, c'est trop vulnérable. Depuis que j'ai des enfants, c'est juste impossible. Juste le fait de me dire si jamais il arrive ça à mes enfants, je ne sais pas ce que je fais. Et ensuite, je l'ai vu sur moi, en fait. C'est-à-dire que j'ai occulté mon cerveau à oublier ce qui m'était arrivé. Il savait. Il l'a rangé quelque part. Ce n'était pas très bien rangé. Et quand c'est sorti, c'est sorti longtemps après. Et surtout, j'ai vu autour de moi qu'il y avait beaucoup de personnes, beaucoup de femmes et d'hommes qui se souviennent de choses très longtemps après. Donc, sur quelle base les politiques, les personnes qui décident de faire la loi se sont dit 18 ans, 30 ans après la majorité, c'est une... C'est le bon nombre. Sur quelle base ils se sont basés pour se dire, ouais bon, on va leur laisser 30 ans après la majorité pour pouvoir parler, et si jamais ils parlent 30 ans après la majorité, eh ben c'est trop tard. On va partir du principe qu'il y a prescription. Sur quelle base ? Déjà d'une. Et de deux, on s'aperçoit qu'il y a des gens, ça sort, il y a des personnes qui m'ont écrit en me disant, Je me suis souvenu, j'avais 60 ans, je suis une vieille dame maintenant. Ça m'est arrivé, j'avais 7, 8 ans. Et puis surtout, il y a des personnes qui savent que ça leur est arrivé, mais qui se disent, mais je ne suis pas sûre. Je ne suis pas sûre parce que, oh là là, je ne sais pas, mon cerveau me joue des toits. Donc pour toutes ces raisons, il ne devrait pas y avoir prescription, parce qu'en fait, il faudrait laisser le temps aux gens. Personne ne doit décider de quand. Tu as le droit de parler quand tu te sens libre, quand tu te sens bien, tu parles. C'est que personne n'a le droit de dire, tu as juste 4 ans pour parler, personne, si ce n'est toi. Et ensuite, on me reproche aussi le fait de dire, excuse-moi mais pour qu'une société puisse avancer, il faut que la société puisse oublier. C'est très drôle parce qu'on... Des fois, j'en parle à des personnes qui sont très lettrées, etc. et qui me disent, tu vois, on ferait. Il dit que lui, il a vécu des choses très compliquées dans sa vie et pour avancer, il a oublié. Fine, très bien. Et en plus, moi, je suis d'accord. Pour avancer, il faut oublier. Mais avant d'oublier, il faut comprendre ce qui nous est arrivé. Il faut digérer. Et ça, ce laps de temps, il n'est pas négociable. Et il n'est pas négociable par rapport à des personnes qui font soi-disant... Sur quelle base on se... Il n'est pas négociable. Il n'est pas négociable avec ta souffrance, en fait. Donc, moi, je suis partisane qu'il faut oublier pour avancer. De toute façon, ton cerveau le fait tout seul. Oui. Parce que le cerveau, quand il y a des choses qui sont trop compliquées, il ne peut pas vivre. C'est ce qui arrive dans tous les traumas. La guerre, les attentats. Ton cerveau fait quelque chose d'incroyable. Il est étrange. Il est étrange. Mais ça ressort.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est ça, c'est l'impact psychologique, je me disais. Même l'impact positif psychologique pour une victime qui sait qu'il n'y a pas de limite de temps, en fait, pour poursuivre son agresseur, en fait, c'est ça, pour réclamer justice.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y aurait un impact en se disant, ok, je peux, et en fait, je peux être reconnue victime. C'est ça, là.

  • Speaker #0

    Après, il y a deux écoles. Il y a aussi des personnes qui disent, je préfère qu'il y ait une... Une date, parce que ça me motive plus ou moins à aller porter plainte. Ça s'entend. Mais en même temps, je me dis... qu'on ne devrait pas imposer. Oui,

  • Speaker #1

    sans date, tu as le choix aussi.

  • Speaker #0

    Tu as le choix aussi. Et puis, il y a des gens aussi qui disent Ah, comme je sais que la date est passée, maintenant c'est bon, je ne pourrai plus porter plainte. Donc, c'est plus de ma faute si je ne porte plus plainte. Et j'ai aussi l'impression qu'il y a des personnes qui ont peur de se dire Non, mais s'il y a un prescription, à n'importe quel moment, je peux me retrouver en prison. Mais déjà... de mettre les gens en prison. Moi, je ne suis pas... Je comprends aussi, en fait. J'ai été victime, mais je comprends aussi l'agresseur. C'est paradoxal. C'est-à-dire que moi, je suis prête à discuter avec mon agresseur. Je suis prête à échanger. Et je pense que, encore une fois, la parole libère. Et si, en face, sauf dans des très rares cas où il y a des personnes, des agresseurs qui ne veulent vraiment pas comprendre, on s'assoit, on discute. la personne aussi peut comprendre que il y a plein de raisons qui font que tu agresses il y a plein de je vais pas revenir là dessus peut-être qu'on va en parler il y a plein de raisons qui font que tu agresses et que tu deviens agresseur mais l'idée c'est pas non plus de dire ben voilà comme il y a un prescription vous allez tous aller en prison, c'est pas du tout ça l'idée c'est de comprendre ce qui arrive et d'essayer d'avoir un dialogue mutuel et de faire société en fait oui c'est ça et justement je me disais qu'une telle réforme

  • Speaker #1

    serait un peu un pas vers une transformation de la place des victimes dans la société et justement une reconnaissance de leurs souffrances qui peuvent réapparaître, comme tu nous l'as expliqué, des années et des années après. Mais c'est vraiment une réappropriation de la notion de victime en se disant qu'il n'y a pas de délai pour être victime, pour avoir les souvenirs qui ressurgissent. Et ce statut-là, en fait, il doit avoir le droit à la justice.

  • Speaker #0

    Peu importe le délai.

  • Speaker #1

    Cette notion de victime.

  • Speaker #0

    Exactement, tout à fait.

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'une fois qu'il y a prescription, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    T'es victime, mais tu peux pas être entendue par la loi. Puis après, chaque personne agressée vive les choses de manière totalement différente. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux personnes de parler ? Juste le fait de parler, d'aller... de s'asseoir devant... Parce que tu parles à la police, au magistrat, à la justice. Donc tu parles à la société. C'est en fait une sorte de reconnaissance. Je veux dire, justement, le fait de dire après 30 ans la majorité, ça veut dire qu'après, même si on finit par te dire oui, t'as été victime, mais t'es pas reconnue par la société en tant que victime. Et c'est ça qui me tue, en fait. C'est ça qu'il me dit, mais c'est rajouter de la souffrance à la souffrance. Et ça, c'est vraiment intolérable.

  • Speaker #1

    Dans Elles agissent, on parle d'action. Quel message tu aurais envie de passer peut-être aux auditeurs, auditrices qui nous écoutent, qui justement ne laissent pas place à cette action que tu as mise toi en place, que tu fais pour oser peut-être aussi ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué parce qu'en fait, d'un côté, il y a des gens qui nous disent c'est courageux Je ne trouve pas ça du tout courageux. Je fais, c'est tout. Et j'aurais aimé ne pas le faire. J'aurais aimé ne pas avoir vécu tout ça. Et de l'autre côté, il y a certaines personnes aussi qui me disent non mais franchement, on n'a pas marre de parler de tous ces sujets, c'est pas agréable

  • Speaker #1

    On te dit ça, que c'est pas agréable ?

  • Speaker #0

    Oui, on m'a même déjà reproché des fois. Sur mon compte Instagram, c'est bon. Pas ça autre chose. Pas ça autre chose. Il y a des gens qui me disent, moi, dès que tu commences à parler de ces trucs, je swipe. Je comprends. Je comprends, ce n'est pas un sujet agréable, franchement. Et puis, ce n'est pas quelque chose qui me réjouit aussi. Des fois, je vais sur des plateaux, je dors mal. Je dors mal. Ce n'est pas agréable, ce n'est vraiment pas agréable. Mais justement, c'est parce que ce n'est pas agréable qu'il faut en parler. que ça s'arrête. Non, c'est pas agréable, c'est pas cool, c'est pas un sujet facile. Par exemple, je repense souvent à cet exemple de Dorothée Ducy, qui a écrit un livre incroyable sur l'inceste, l'anthropologie de l'inceste, qui explique que pendant des années, elle a mené ses enquêtes et elle dit, franchement... C'était vraiment pas agréable. Tout le temps, parler de ces sujets, elle dit, moi, quand je suis... On m'invitait plus dans les repas, parce qu'en fait, ça plombe bien l'ambiance. Elle dit, bien sûr que ça plombe l'ambiance. Et elle dit, et puis moi, elle rencontre des personnes qui ont agressé des agresseurs tout le temps, elle dit, mais c'est vraiment pas agréable, c'est horrible, c'est... Mais bien sûr, je veux dire, on est humain, c'est normal que c'est pas agréable. Enfin, je veux dire... Moi ça me plaît pas, c'est pas ma tasse de thé de parler d'agressions sexuelles. Mais en même temps, si on n'en parle pas, c'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'a pas eu lieu. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne qui est en face de toi n'a pas été agressée. C'est pas parce qu'on n'en parle pas que la personne ne souffre pas. C'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il n'y a pas d'agresseur. Donc je préfère passer ça le moment et me dire que finalement... Peut-être que ça va aider une petite fille à dire... Moi,

  • Speaker #1

    tu préfères agir.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je préfère agir, en fait. Et moi, si je devais dire quelque chose, c'est qu'il faut écouter les enfants. Il faut les écouter et les croire. Je ne supporte plus les personnes qui parlent de nuances. Foutez-nous la paix en fait. Arrêtez de rajouter de la violence à la violence comme si c'était une partie de plaisir pour un enfant de dire par exemple, papa m'a touché le sexe, bien sûr. C'est pas agréable, c'est pas une partie de plaisir et les enfants n'inventent pas. Tu ne peux pas inventer, tu n'as pas la maturité. la maturité sexuelle pour savoir ce genre de choses, tu peux pas inventer, c'est impossible mais c'est vraiment impossible, soit l'enfant a vu, soit l'enfant l'a vécu, soit on lui a montré, c'est impossible donc les questions de nuances etc, please vraiment fuck you, je suis désolée, je suis hyper violente dans mes paroles parce qu'il faut arrêter Et donc, il faut écouter les enfants, il faut les croire. Et en fait, même lorsque les enfants ne parlent pas, leur corps dit des choses, leur manière de dormir, de vivre les choses, d'être en colère, tout parle. Donc il faut toujours essayer de déceler ce qui ne va pas. Et c'est la meilleure des choses que l'on puisse faire en tant que parent. Les croire, les mettre en sécurité. Franchement, c'est le plus beau des cadeaux que l'on puisse faire à nos enfants. Et

  • Speaker #1

    Rose, quelle est ta définition d'agir ? Ça veut dire quoi pour toi ?

  • Speaker #0

    Agir, pour moi, c'est... On peut agir de n'importe quelle manière, en fait. Ça peut être déjà souffrir à la question, écouter des podcasts comme le tien. Ça peut être juste lire ces sujets-là. Ça peut être mettre un like sur Instagram, sur un post. qui parle de ces sujets-là. Ça peut être une copine qui n'est pas bien et de lui, de la prendre dans ses bras. Ça peut être là, en fait, pour quelqu'un. Ça peut, si quelqu'un te dit je ne suis pas bien te dire bon, écoute, le jour où tu te sentiras prêt, peut-être que tu as besoin de parler, je suis là Après, agir, ça peut aussi... Après, il y a agir de manière politique. de s'engager. Mais là, ça demande quand même beaucoup de... ça demande beaucoup de soi. Moi, je suis fan du fait que des personnes comme toi, Émilie, s'intéressent à la parole des femmes, de donner la parole à des personnes qui n'ont pas l'habitude de parler. Agir, c'est tout ça. C'est vraiment... Tu peux agir à n'importe quel niveau. C'est-à-dire... Par exemple, dans la rue, il y a une petite fille qui est dans l'école de mes enfants, qui d'un coup d'un seul a reçu une claque de son grand frère. Ils ont peut-être trois ans d'écart. Mes enfants étaient là et ce petit garçon était avec sa nounou et avec sa petite soeur. Et il lui a mis une claque, mais j'ai jamais vu ça. Et c'était tout à fait naturel et normal, tu vois. C'est-à-dire que la petite, elle, a rien dit. La nounou, qui ne devait pas être sa nounou, en fait, ça devait être la grand-mère. Bon, elle a dit, allez, on avance. Mais waouh, j'étais tellement choquée. Mes filles étaient hyper choquées. En fait, j'étais dans une espèce de sidération. Ça m'a travaillé. Je suis rentrée à la maison. J'en ai parlé à mon mec. Et lui, il me dit, mais toi, t'as rien fait. T'as rien dit. T'as pas été voir. Je fais, ben non, j'ai pas réussi. Et ça, c'est à gérer, en fait. J'ai pas réussi. Et après, je dis, mais qu'est-ce que je peux faire ? Il dit, ben, je sais pas, moi, maintenant. Je me suis sentie mal. Et en fait, ouais, agir, c'est déjà ça. C'est juste de dire, ben, attends. Tu ne mets pas une claque. C'est dur, mais tu peux agir à n'importe quel niveau. Après, il y a des signalements, tu sais très bien qu'il y a des choses qui se passent. Mais là, pour moi, c'est compliqué parce que tu ne sais pas jusqu'où ça peut aller. Mais mon médecin m'encourage. Après, mon médecin est très fier de moi. Il me dit C'est incroyable, Madame Pierre-Louis. Vous vous rendez compte ? Vous êtes venu la première fois, vous n'arrivez pas à parler. Et là, maintenant, vous ne faites que de parler. C'est génial. Continuez, continuez. Donc, c'est ça. Par n'importe quel biais. Et surtout, tu sais, maintenant, on est tous sur les réseaux sociaux. Tous, tous, tous, tous. Ça me tue, ça me flingue de voir qu'il n'y a pas plus de personnes connues qui prennent la parole sur ces sujets-là, qui encouragent à parler. à appeler tel numéro, tout ça, etc. qui ont une telle puissance auprès de leur audience. Mais bon, on va, je veux dire, continuer, enfin parler. Agir, c'est parler, oui.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci pour cet échange.

  • Speaker #0

    Merci,

  • Speaker #1

    Amélie. Merci pour ce moment.

  • Speaker #0

    C'était intense. Et surtout, je voulais... Dire quelque chose à toi, parce qu'en fait on s'est rencontré par l'intermédiaire d'une amie et surtout on a vécu, enfin on vit dans la même ville et on s'était jamais croisés, on a jamais discuté. Et donc finalement quelque part je me dis on traverse tous, on a tous nos secrets, on vit tous certaines choses. On devrait prêter plus attention à ceux qui nous entourent et faire plus attention, tout simplement. Ça, c'est agir à faire plus attention aux personnes qui sont autour de nous, proches de nous, dans les écoles, les mamans qui, des fois, peuvent être un petit peu soit véhémentes ou alors un peu plus tristes. On devrait faire plus attention, moins regarder nos téléphones parce que dans la rue... On regarde beaucoup les téléphones, on est par terre, on a la tête baissée, on regarde nos téléphones. On devrait plus se regarder en fait.

  • Speaker #1

    Et discuter, on aura des belles rencontres.

  • Speaker #0

    Et ça, pour moi, ça a été vraiment une très très belle rencontre.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Donc merci. Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci.

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