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#78 Maxime Rovère  Écrivain et philosophe "La liberté, c'est suivre le chemin du devenir" cover
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Elles Agissent

#78 Maxime Rovère Écrivain et philosophe "La liberté, c'est suivre le chemin du devenir"

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35min |14/11/2024
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#78 Maxime Rovère Écrivain et philosophe "La liberté, c'est suivre le chemin du devenir"

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35min |14/11/2024
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Description

Dans cet épisode d'Elles Agissent, je reçois Maxime Rovere, philosophe et auteur.


Maxime partage avec nous son parcours marqué par des expériences audacieuses et des rencontres déterminantes qui l'ont mené à explorer des approches non conventionnelles de la pensée et de l'écriture.


Depuis ses débuts tumultueux à l'école, où il oscillait entre un comportement problématique et des résultats académiques brillants, jusqu'à sa découverte passionnée de la philosophie à travers des figures emblématiques, Maxime nous raconte comment il a forgé son identité en dehors des normes et des institutions.


Enregistré dans l'enceinte symbolique de l'École Normale Supérieure, lieu de savoir et de liberté intellectuelle, cet épisode explore comment Maxime a su rester fidèle à sa quête de liberté intérieure tout en repoussant les frontières de la pensée.


Il nous invite à réfléchir sur le rôle de l'environnement dans notre épanouissement personnel et sur l'importance de trouver sa place, même lorsqu'elle semble être en dehors des sentiers battus.


Enfin, il aborde des thèmes universels tels que l'écologie, la famille, et la liberté, en mettant en lumière l'importance des petits pas et de la patience dans la construction de soi.


Une conversation inspirante qui résonne comme un appel à agir, à transformer notre quotidien et à accepter la lenteur du processus de croissance.


Philosophe, auteur et traducteur, Maxime Rovere s’est imposé dans le monde intellectuel grâce à sa vision novatrice et accessible de la philosophie. Titulaire de diplômes prestigieux et ancien élève de l’École Normale Supérieure, il a enrichi sa réflexion à travers des expériences académiques et personnelles variées. Maxime a traduit des œuvres majeures, notamment celles de Virginia Woolf et Spinoza, et a enseigné dans divers contextes, en France comme à l'étranger, ce qui lui a permis de tisser un lien unique entre la théorie et la pratique philosophique.


En tant qu'auteur, il est connu pour des ouvrages tels que Le Clan Spinoza, un roman historique qui retrace la vie du célèbre philosophe avec précision et créativité, et Que faire des cons ?, un essai provocateur qui interroge nos relations sociales et le vivre-ensemble. Ses publications s’étendent également à des essais philosophiques comme Se vouloir du bien et se faire du mal, où il explore la dynamique des relations humaines à travers la notion de dispute. Son prochain livre, Parler avec sa mère, attendu en janvier 2025, s'annonce comme une réflexion novatrice sur l'écologie, entremêlant des concepts personnels et universels autour de la famille et des systèmes relationnels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Maxime.

  • Speaker #1

    Bonjour Minnie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie. Pour commencer, est-ce que tu veux bien te présenter de la manière dont tu souhaites ? Nous dire qui tu es personnellement, professionnellement ? Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur toi ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle Maxime Rover, je suis philosophe. Ça veut dire que je fais plusieurs choses. D'abord, je réfléchis tout seul dans mon coin. Surtout, je parle à toutes sortes de publics. Je fais des ateliers avec des tout-petits. Ça veut dire collège, mais aussi plus grand lycée, mais aussi des interventions dans les universités et aussi auprès d'autres publics privés ou d'État. Donc ça signifie que pour moi, la philosophie, ce n'est pas seulement le fait d'être un écrivain ou un traducteur. J'ai traduit beaucoup de livres de Virginia Woolf, d'Edith Wharton, de Spinoza principalement, et j'en ai encore plein. réserve mais mon métier c'est de faire de la philosophie quelle que soit la forme qu'elle peut prendre et justement en allant explorer les formes qu'elle peut prendre.

  • Speaker #0

    Et la philosophie a toujours fait partie de ta vie ou elle arrivait à un moment donné ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu avec l'école quand j'étais jeune homme un rapport très conflictuel donc j'ai été viré de mon lycée il y avait des profs que j'adorais il y a des profs que je détestais j'avais des notes exceptionnellement élevées et un comportement exceptionnellement problématiques. Donc, en fait, ça s'est passé par coup de cœur. Ça veut dire, en terminale, j'ai eu un coup de cœur pour un prof de latin et j'ai pensé, je vais faire des lettres classiques. En hippocampe, j'ai eu un coup de cœur pour mon prof de lettres modernes. Je me suis dit, non, je vais faire des lettres modernes. Et ensuite, je suis tombé sur André Pessel, qui était un prof de philo absolument mythique. Et à partir de cette rencontre-là, j'ai décidé que j'allais consacrer ma vie à la philo.

  • Speaker #0

    Et l'école, ça marchait mieux ? Le cadre école ? te convenait mieux une fois que tu avais trouvé ce qui te plaisait ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. En revanche, en intégrant l'école normale supérieure, j'ai rencontré des gens qui avaient la même conception de ce que c'est que passer du savoir et fabriquer du savoir que celle que j'avais depuis que j'étais tout petit. C'est-à-dire quelque chose de très libre, quelque chose où il faut inventer, quelque chose où il ne faut surtout pas écouter ce qu'on te dit, mais trouver d'autres manières d'arriver à un point qui t'intéresse. Et quand j'ai été dans ce contexte-là avec des profs de cette qualité-là, à la fois j'étais très soulagé d'avoir enfin trouvé des gens à qui parler et aussi très désespéré de me dire j'aurais voulu que ça, on me le dise plus tôt et surtout qu'on le dise à tout le monde.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est ce que j'étais en train de penser parce que je me dis toi, tu t'es accroché ou en tout cas tu as trouvé une fibre pour te motiver et continuer quelque part à étudier et à t'épanouir justement dans ces apprentissages. Du coup, ça montre aussi que, bon, déjà, l'école n'est pas faite pour tout le monde, on le sait, mais voilà, qu'il peut y avoir des pertes, en fait.

  • Speaker #1

    Énormément. En fait, par le haut, par le bas, par le côté, c'est-à-dire quand vous êtes trop bon à l'école, vous en souffrez. Quand vous avez des difficultés, vous en souffrez. Quand vous êtes hors normes, vous en souffrez. Donc, c'est une vraie question que je me suis posée dans un essai que j'ai écrit qui s'appelle l'école de la vie, de savoir comment repenser l'enseignement et l'apprentissage pour changer ces normes-là.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Tu as choisi ce lieu, enfin en tout cas, est-ce que tu peux nous dire où on est en train d'enregistrer cet épisode et quelle est l'importance de ce lieu pour toi ?

  • Speaker #1

    Ouais, du coup je t'ai donné rendez-vous ici donc à l'ENS, à Normalsup rue d'Ulm, parce que c'est un endroit qui est considéré comme ça, comme un lieu d'élite et tout, mais en vérité ça ne devrait pas avoir cette image. Normalsup c'est un endroit où on fabrique du savoir, comme j'ai dit tout à l'heure, d'une manière finalement assez libre. Il y a plein de conférences ici qui sont ouvertes au public. Pour moi, ce lieu a eu une importance capitale puisque, comme je l'ai dit, j'ai beaucoup souffert à l'école jusqu'à rentrer ici et du coup avoir des gens qui me disaient « Travaillez moins, voyagez. Allez vous ouvrir l'esprit. Maintenant, il va falloir penser autrement. Maintenant, il va falloir inventer votre propre chemin. » Et quand je revenais et que j'avais des doutes, on me renvoyait à mes doutes en disant « Ah, vous ne savez toujours pas ? Eh bien, repartez en voyage et ne revenez me voir que lorsque vous saurez. » Cet endroit est devenu pour moi une sorte de point de repère dans ma vie. J'ai habité à l'étranger, j'ai enseigné au Brésil, j'ai appris puis j'ai oublié des langues. Et toujours je suis revenu ici dans cette cour qui est un endroit tout calme avec des arbres, avec un petit bassin, où en fait il y a quelque chose qui est végétal en fait, c'est-à-dire qui pousse en moi grâce à ce petit jardin, parce qu'autour il y a un environnement favorable. Et je crois que quand on cherche à s'épanouir, et qu'on sent qu'on n'est pas dans l'environnement favorable, c'est la première chose à faire. Pas de se culpabiliser, pas de faire des efforts, mais plutôt de chercher l'environnement, de chercher la terre dans laquelle votre végétal va pouvoir pousser.

  • Speaker #0

    C'est joli.

  • Speaker #1

    C'est important. Surtout, c'est lent. C'est peut-être joli, mais dans le vécu d'un humain, ça prend un tout petit peu plus de temps que ce qu'on imagine. Ça veut dire qu'il va falloir que vous alliez trouver un contexte et que vous attendiez que ce contexte fasse des effets et que progressivement, ça vous transforme. C'est lent.

  • Speaker #0

    Est-ce que là, maintenant, tu te sens à ta place, à la fois dans ton rôle de philosophe et dans le lieu ? dans lesquelles tu es ?

  • Speaker #1

    Alors, le truc, c'est que je suis un philosophe qui ait trouvé une place hors de l'institution. Ça veut dire, j'aurais pu devenir, d'ailleurs, certains de mes amis ont eu ce parcours, j'aurais pu faire un parcours de prof, et ensuite essayer d'intégrer l'ENS comme prof, et puis ensuite devenir directeur du département de philo. Mais moi, mon implication dans ce lieu, elle n'est pas du tout du côté de l'institution. Je ne voulais pas faire carrière. Je voulais être philosophe. Et en fait, on s'est aperçu assez rapidement que personne ne sait ce que ça veut dire. Et c'est là où ça devient intéressant, c'est-à-dire, ah bon, si personne ne sait, je vais contribuer à le définir. Et ça, c'est très fascinant de se dire, bon, en fait, on est totalement dans l'inconnu et on peut faire ce qu'on veut. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un philosophe qui, moi, m'intéresse ? Et quel est le philosophe que j'aimerais devenir ? Et ça, ça m'oriente. Et là aussi, être ici... C'est une sorte de point de repère, parce que, bon, voilà, ici, c'est quand même du savoir assez institutionnalisé. J'y suis accueilli. Pour moi, c'est un point de repère. Et puis, j'invente des formes qui, peut-être, ne sont pas exactement celles de l'institution. J'ai écrit des livres de philo qui étaient sous forme de romans. J'ai écrit des essais où il n'y avait pas de bibliographie, pas de notes de bas de page. J'ai fait des choses qui ne se font pas ici. Les gens qui travaillent ici ne font pas ça, en général. Et en même temps... C'est comme une famille pour moi, c'est ma famille. Je viens d'une famille, alors ma famille, ma famille réelle de 100, n'est pas du tout universitaire. J'ai grandi à Nice, c'est une famille petite bourgeoise, relativement modeste, qui n'a pas des formations, qui n'a pas un background universitaire du tout. En revanche, ici j'ai trouvé une famille intellectuelle, et même si je suis un peu le vilain petit canard, celui qui a un peu quitté le bateau, qui est plus institutionnalisé, etc. je ne les ai pas reniés. Eux, ils ne me renient pas. Et je suis comme un cousin éloigné de la famille qui fait autre chose.

  • Speaker #0

    Et donc, tu parlais de ta famille personnelle. Est-ce que justement, la philosophie est rentrée aussi dans ta famille par ton biais, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que mes parents et ma sœur font l'effort de lire mes livres. Et c'est un vrai effort parce qu'ils ne sont pas tous faciles. Mais je pense qu'on est un peu toujours en dialogue avec sa propre famille, même à distance. J'en parle d'autant plus volontiers que mon prochain essai, qui sort en janvier 2025, va s'appeler « Parler avec sa mère » . Et j'ai trouvé que c'était un point d'entrée très intéressant pour parler d'écologie. Parce que s'il y a un système dont tout le monde est familier, c'est le système familial. Donc quand on parle d'écologie, on parle de systèmes biologiques très compliqués, qu'on ne maîtrise pas tous, le cycle de l'eau, etc. Il y a des choses très complexes. Si vous voulez comprendre l'écologie, repartons de votre maman. Et à partir de là, on redéploie les choses. Donc ça m'intéresse en fait la famille comme une expérience qu'on a tous plus ou moins, qui est plus ou moins heureuse, plus ou moins malheureuse, qui peut être tragique, mais qui dans tous les cas est ce à partir de quoi on va prendre notre départ. En fait la famille c'est un point de départ auquel on revient régulièrement, on est en dialogue régulièrement, qu'on le veuille ou non, avec ces entités-là, qu'on a appelées... Un père, une mère, quand on a eu les deux, on peut avoir eu deux papas, etc. Mais quoi qu'il en soit, il y a des fonctions maternelles ou des fonctions paternelles qui se sont exercées sur nous, avec lesquelles on est en permanence en dialogue. Donc, dans mon travail philosophique, ça a un rôle parce que peut-être que le fait que j'ai envie de parler à un plus grand nombre vient du fait que je ne viens pas d'une famille universitaire. Et donc, d'une certaine manière, j'ai envie de ne pas perdre le lien avec ma famille biologique, ma famille de mon enfance. Et en même temps, je pense que c'est le cas de tout le monde. C'est-à-dire même quand on a rejeté sa famille, même quand on en a souffert, de toute façon, le dialogue va continuer avec, comme je le disais, les fonctions maternelles ou les fonctions paternelles. Et donc ça aussi, ça anime une vie.

  • Speaker #0

    Tu parles de l'écologie, justement, c'est un sujet aussi qui te tient à cœur.

  • Speaker #1

    C'est un sujet qui me tient à cœur, que j'ai tardé à aborder parce que...

  • Speaker #0

    Qu'arrive ma...

  • Speaker #1

    En fait, moi, je viens de l'éthique. Ça veut dire que ce qui m'a d'abord intéressé... Mon parcours, c'est le suivant. En tant que jeune étudiant, je me suis intéressé de manière très académique à un philosophe pour l'étudier. Ce philosophe, c'était Spinoza. À partir de Spinoza, j'ai commencé à travailler différemment. J'ai écrit un roman pour raconter sa vie, mais c'est un roman vrai où tout est sourcé. Ça s'appelle Le clan Spinoza. Et à partir de ce livre, j'ai commencé à développer ma propre théorie des interactions, justement parce que j'avais étudié comment Spinoza et ses copains réfléchissaient ensemble. Et donc, à partir de là... je suis vraiment entré dans mon éthique à moi, ça veut dire comment je théorise les comportements humains. Et à partir de cette notion d'éthique, je suis en train d'arriver à une autre échelle qui est, bon, alors les comportements humains, on ne peut pas les isoler d'un contexte beaucoup plus vaste, notamment des non-humains. Et tout à l'heure, je parlais de la famille. Quand je dis ma famille, toi, tu as peut-être entendu mon papa, ma maman, ma sœur. Ouais, ouais, mais ma famille, ce n'est pas comme ça. Ma famille, j'ai grandi à Nice, ça veut dire ma famille, c'est la Méditerranée. Nous on allait régulièrement en montagne, ça veut dire ma famille c'est les Alpes, ça veut dire que les vautours c'est ma famille, ça veut dire que la réintroduction des loups, ça touche à ma famille, etc. Donc quand on commence à comprendre que justement même des questions qu'on se posait strictement entre humains, aujourd'hui doivent être étendues et on doit se dire par exemple mon rapport à ma mère c'est pas seulement ma petite maman humaine. C'est peut-être beaucoup plus, en fait, parce qu'il y a beaucoup plus qui ont eu des fonctions maternelles. Et si je parle de la Méditerranée, par exemple, dans quelle mesure est-ce que la Méditerranée, elle remplit des fonctions maternelles ? Là, j'y étais il n'y a pas longtemps. Elle me porte. Quand vous êtes dans l'eau, l'eau vous porte. Il faut y réfléchir parce que ce n'est pas rien, ça. Parce que votre corps, il s'en souvient de ce que c'est qu'être porté. Et Donald Winnicott, qui est un des grands pédiatres et psychanalystes du XXe siècle, il a fait la théorie de ces gestes-là parce qu'en fait, quand le nourrisson est tout petit, Ces gestes, ils ont un impact sur son psychisme. S'il y a des gestes qui sont très mal faits et que le nourrisson est trop secoué, il va y avoir des séquelles psychiques. Donc, quand on dit l'écologie, on pense tout de suite les animaux, voire des animaux lointains, etc. Attendez, l'écologie, c'est la pensée d'un système. C'est se penser à l'intérieur d'un système. Et donc, il y a plein d'entrées dedans. Et donc, moi, je suis rentré dans l'écologie à partir de ces... problèmes humains très pratiques comme vous comme tu sais je j'ai écrit des bouquins qui partent de problèmes simples y en a un qui s'appelle que faire des cons il y en a un autre qui s'appelle se vouloir du bien et se faire du mal philosophie de la dispute c'est des sujets qui ont l'air petit et qui ensuite s'ouvre à mesure que je réfléchis dessus et donc on part dans une théorie de la liberté dans la dispute on part sur des trucs des théories de l'état la théorie politique dans que faire des cons Et j'aime bien faire ça, donc parler avec sa mère c'est la même chose, ça veut dire on part de la maman et puis progressivement on arrive à ce que ça peut vouloir dire, une terre-mère, etc. Et voilà, c'est cet état d'esprit-là que... En étant partie de cette famille niçoise relativement modeste, puis en arrivant dans cette institution relativement prestigieuse, et puis en ayant envie... de faire de la philosophie qui serve, c'est-à-dire qui transforme, et qui transforme ce à qui je m'adresse, que j'en suis arrivé là où j'en suis.

  • Speaker #0

    Dans ton parcours, on sent toujours cette notion de liberté d'être toi, en tout cas, quoi qu'il en soit, tu étais resté toujours celui que tu étais au fond, avec ce que tu avais envie de faire, de ce que tu avais envie d'être, quitte à ce que justement dans les institutions ou dans la philosophie, tu apportes une nouveauté, un souffle. Être fidèle à celui que tu es.

  • Speaker #1

    C'est vrai, mais je voudrais dire une chose importante. C'est que la liberté, c'est l'ignorance. Ça veut dire qu'il faut accepter de ne pas savoir qui on est. Et il faut aller trouver, il faut chercher, il faut se mettre en quête, mais pas en se disant « je veux découvrir qui je suis » , plutôt en se disant « bon, je suis conscient ou consciente que je ne sais pas qui je suis » . Par contre, j'aimerais peut-être être ceci ou cela. Et ce que je vais chercher, c'est le chemin pour le devenir. Et je crois que c'est important parce que ça redynamise un peu notre rapport à nous-mêmes. Ça veut dire, au lieu de chercher une identité fixe, chercher des chemins du devenir. Ça, je pense que c'est, à mon avis, la chose la plus importante. Ce n'est pas très agréable parce qu'on est toujours dans le doute, on se trompe, on fait demi-tour, on pleure. On quitte, on est quitté, parce que là on a parlé d'un parcours professionnel, mais aujourd'hui nos parcours professionnels, on ne peut pas non plus les définir quand même tout seul, parce que sans ça on se retrouve tout seul, ou toute seule. Donc, c'est difficile aussi de partir à l'étranger et puis vous êtes en couple et le couple, il explose parce que ce n'était pas forcément le projet de l'autre. Il y a plein de choses qui remettront en question la personne que vous croyez être. Et ce que j'essaie de dire quand on réfléchit sur la liberté, c'est que être libre, pratiquer la liberté, c'est justement accepter. de lâcher l'identité qu'on s'était donnée au profit du chemin du devenir. La question, ce n'est pas qui vous êtes. La question, c'est à partir de maintenant, au point où on en est, qu'est-ce que vous voulez devenir et quel est le chemin pour y arriver ? Parce que maintenant, c'est là qu'il faut aller.

  • Speaker #0

    Et justement, sur ton chemin, tu en es où là actuellement ?

  • Speaker #1

    Sur mon chemin, j'ai l'impression que je suis dans une posture... excitante parce que je commence à pouvoir faire ce que j'ai envie de faire. Ça veut dire, il passe un truc par la tête. Tu le fais. Je le fais, je vais voir mon éditrice, je lui dis j'aurais envie de faire un livre comme ça. D'ailleurs, Que Faire des Coins l'avait dit, bah non. On vient de t'installer comme un philosophe sérieux, mais en même temps capable d'écrire Le Clan Spinoza, qui est un livre très accessible et tout. Là, tu me parles d'un mot d'argot dans un titre, non. Et je lui dis, mais si, tu vas voir ... J'écris la première partie du livre, je lui renvoie et elle me dit peut-être qu'on peut le faire. C'est là aussi où la liberté, ce n'est pas qu'individuel. La liberté, c'est d'avoir autour de soi des partenaires. J'ai commencé en parlant du contexte, du terreau dans lequel on se développe, mais ce n'est pas un terreau comme ça, neutre. C'est des gens en fait. Et donc avoir des alliés. Là, j'ai parlé de mon éditrice parce que pour un écrivain, c'est vraiment très important d'avoir un rapport avec. un éditeur ou une éditrice qui est fort. Donc moi, j'ai cette chance-là d'avoir Maxime Catroux avec moi. Et puis, on s'appelle tous les deux Maxime. Donc, il y a un truc. Voilà, c'est sûr qu'on était fait l'un pour l'autre. Et dans quelle que soit la profession qu'on a, quels que soient les projets qu'on a, je crois que cette idée de faire équipe, en fait. Alors, parfois, c'est ponctuel. C'est-à-dire, on fait équipe sur un projet. Puis après, c'est fini. Et puis, parfois, on fait équipe sur une vie. C'est le cas surtout des amis, en fait. Aujourd'hui, c'est moins nos aimés, nos amours qui nous accompagnent toute une vie que nos amis. Voilà, je crois que là, il y a un truc. Pour moi, c'est vraiment important. J'ai des copains qui sont justement qui sont restés à Nice, qui vivent toujours à Nice, mais qui me suivent, qui ne sont pas impressionnés par la notoriété ou par quoi que ce soit d'autre. Ils sont on se connaît depuis toujours. Donc on se parle, on se parle cœur à cœur. Et donc moi, j'en suis là. J'en suis à un point où je continue d'exercer ma liberté. mais avec de plus en plus de monde qui se sentent libres avec moi. Et ça, c'est très excitant parce que du coup, on peut inventer des choses folles. Ça, c'est très chouette.

  • Speaker #0

    Dans ce chemin et dans ta vie, il y a eu, alors tu l'as un petit peu évoqué tout à l'heure, un prof qui avait été important. Est-ce qu'il y a des personnes justement qui sont, ou des événements qui sont clés comme ça et qui reviennent à toi en te disant, ok, ça m'a permis de construire la personne que je suis maintenant ? d'être tout ce qu'on vient d'expliquer sur ce chemin et sur qui tu es. Est-ce que là, spontanément, il y a des personnes ou des événements qui te reviennent et que tu aurais envie de nous partager ?

  • Speaker #1

    Plein. Je vais juste, avant de rentrer dans le détail, je voudrais insister sur le fait qu'on peut raconter sa vie de mille manières et qu'on le fait, nous tous, régulièrement en changeant le mode de récit. En gros, tu peux soit raconter ta vie en rapportant tout à toi et en disant c'est mon mérite personnel. On dirait que ça, c'est le modèle Macron. Ça veut dire tout est grâce à moi, c'est mes qualités, je suis un génie, j'ai un destin, etc. Et je crois en moi. En réalité, on fait tous un peu ça de temps en temps.

  • Speaker #0

    De temps en temps, il y a un côté.

  • Speaker #1

    Il y a un côté, on s'attribue à soi, ses propres réussites. Et après tout, de temps en temps, ça fait du bien. Bon, il y a un autre modèle qui est, je dirais, le côté que du hasard. Ça veut dire non, mais moi, j'ai eu de la chance. Voilà, j'ai rencontré un tel, j'ai rencontré une telle. Et puis finalement, c'est grâce à eux que je suis devenu ce que ça n'aurait pas été possible sans eux. Ce modèle un peu, je dirais, désarticulé, désorganisé, qui fait la part belle au hasard, il a sa légitimité aussi. C'est vrai. En fait, c'est vrai que par exemple... Ici à l'école, j'ai rencontré... J'étais là à une époque où il y avait des gens incroyables, d'une grande audace. Je vais y revenir tout à l'heure. Donc si je ne les avais pas rencontrés, ça n'aurait pas été possible. Et puis après, on peut dire au fond, c'était un destin. Et puis voilà, par exemple, moi tout petit, j'aimais écrire. On me l'a toujours prédit. Au lycée, on savait que j'étais hors normes. Après je suis arrivé en prépa, il y avait un prof qui disait « Je sais toujours qui deviendra écrivain. » Et dans votre promotion, c'est Maxime Robert. Et je veux dire, moi, j'avais 17 ans. Qu'est-ce qu'il me raconte ? Ouais, enfin, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    En plus ou moins, parce que tu avais quand même ce truc. Ouais,

  • Speaker #1

    mais donc, voilà. Et là, tu peux le surinvestir en disant, c'était écrit du départ. C'est ce que fait Sartre dans les mots. Voilà, le mec, il raconte que, bah oui, depuis toujours, c'était écrit. Il allait devenir écrivain. Et ce récit, je pourrais faire le même. J'y crois pas trop. Moi, ce que je voudrais te proposer et te partager, c'est plutôt... quelque chose de dépersonnalisé. Parce que toutes ces manières de raconter, c'est beaucoup centré sur les personnes humaines. Et moi, je crois que la vie humaine, elle n'est pas faite par des personnes, elle est faite par des entités beaucoup plus petites, que j'appelle des interactions. Mais tu pourrais les appeler des faits, tu peux les appeler comme tu veux en fait. Mais techniquement, ce sont des interactions dans lesquelles ce n'est pas seulement les individus qui agissent, mais il y a des échanges qui ont un sens particulier. Et je vais t'en raconter deux qui sont vraiment très étranges. Au moment de ma scolarité, moi j'ai fait une pause et je suis parti en voyage. Quand je suis revenu de voyage, je suis allé voir ma tutrice, parce qu'ici on a des tuteurs, il y a un prof qui va s'occuper particulièrement d'un élève ou d'une étudiante. Et donc moi j'avais une tutrice. Et je rentre et je lui dis, je ne sais plus où j'en suis, est-ce que je vais faire de la philo, est-ce que je vais faire de l'histoire de l'art, est-ce que je vais faire... Je revenais d'Amazonie et j'avais été troublé par mes rencontres avec les Indiens. C'était passionnant. Elle me regarde et elle me dit ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est-à-dire, vous savez, Maxime, il faut que vous repartiez en voyage et ne revenez dans mon bureau que lorsque vous saurez. Au revoir. Merci. Donc, ça, c'est un truc incroyable.

  • Speaker #0

    C'est incroyable.

  • Speaker #1

    Incroyable. Donc, moi, j'étais étudiant. Je me dis, ah bon, c'est bizarre. Et donc, je vais voir la directrice des études. En me disant, c'est pas possible, ma tutrice est folle, j'ai besoin d'avoir quelqu'un qui a les pieds sur terre. Donc je vais voir la directrice des études en lui disant, je reviens de voyage, je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus si je veux faire de la philosophie ou faire autre chose, de l'anthropologie.

  • Speaker #0

    Je pense à l'anthropo-médiat.

  • Speaker #1

    Elle me dit, ça vous tombez bien parce que j'ai une amie en Sibérie qui vend une yourte. Et alors là, ça pourrait vraiment vous intéresser. Je vais vous noter son numéro. Et ben voilà. N'hésitez pas à l'appeler. Elle a une yourte à vendre. Merci Maxime, au revoir. Alors là, ces deux échanges ont été cruciaux dans ma vie parce que réellement, j'ai repris un avion. À l'époque, on voyageait en avion sans trop se poser de questions aussi parce que le trafic aérien n'était pas aussi important qu'aujourd'hui. Et j'ai repris mon voyage poussé par ces deux voix qui m'avaient dit, t'es venu nous demander conseil. on n'a pas d'autre conseil à te donner que de continuer ta quête avec le courage qui est le tien c'est à dire tu te jettes dans le vide mais n'attend pas qu'on te rattrape ou qu'on te récupère et ça évidemment ça a été déterminant comme tu comprends c'est bien sûr il fallait qu'il y ait des personnes qui aient ces audaces là surtout quand tu es formateur c'est à dire dire à quelqu'un oui il faut oser dire et oser dire ça c'était formidable et après il fallait suivre c'est à dire il fallait oser embrasser cette liberté qu'on m'offrait. Enfin, on m'offrait... Encore une fois, il faut avoir les moyens. Se gérer, en tout cas. Tout ça, c'est compliqué. Je ne dis pas que c'est facile et que la liberté, il n'y a qu'à la saisir. Mais si tu n'as pas les moyens de le faire parce que tu n'as pas de sous, alors trouve-toi les moyens de gagner des sous et après, tu auras surmonté ce premier obstacle. Et ainsi de suite. Encore une fois, je ne dis pas que c'est facile. Je dis que... La difficulté, c'est le chemin. Et que c'est dans le chemin que se définit ta liberté à toi. Donc, si moi j'ai eu une chance dans ma vie, c'est pas d'avoir eu une vocation depuis que je suis tout petit, c'est pas seulement d'avoir rencontré des personnes qui m'ont aidé, c'est pas seulement un destin qui... C'est pas mes qualités personnelles non plus, c'est le fait d'avoir été emporté dans des mouvements... que j'ai accepté de suivre en fait. Tout en les dirigeant, c'est pour ça que j'aime bien l'image de la navigation. C'est-à-dire, on ne décide pas du temps qu'il fait. quand on est en mer, s'il y a une tempête, il y a une tempête, s'il fait beau, il fait beau, s'il n'y a pas de vent et qu'on ne peut pas avancer, il n'y a pas de vent. En revanche, c'est quand même toi qui as un truc à naviguer. Tu as un bateau, tu as un corps et tu as un bateau qui est sous ta responsabilité, donc il faut que tu avances. Donc c'est dans ce dialogue entre, disons, le monde extérieur, les circonstances, les hasards, les rencontres et tout, est-ce que toi, tu peux faire de ta liberté ? que se joue vraiment ton devenir, ton destin. En tout cas, c'est le sentiment que j'ai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu peux nous donner ta définition d'agir ? Pour toi, ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Agir, c'est transformer quelque chose à l'extérieur de soi. Et j'ajoute autre chose, pour que ce soit gratifiant, il faut que ça transforme en retour quelque chose à l'intérieur. Une action qui est réussie, c'est une action qui a peut-être de l'effet à l'extérieur, mais qui a surtout une rétroaction vers l'intérieur. Moi j'attends de tout ce que je fais que ça me transforme vers le mieux. Alors ça veut dire quoi le mieux ? Ça dépend. Quand j'ai faim, ça veut dire que je n'aurai plus faim. Quand j'ai soif, ça veut dire que j'éteins ma toile.

  • Speaker #0

    Basique, mais nécessaire.

  • Speaker #1

    Voilà. Et il y a des moments où c'est beaucoup plus compliqué. Par exemple, notre besoin de reconnaissance, notre besoin d'amour, ce sont des demandes beaucoup plus compliquées à satisfaire. Mais la question de l'action, c'est, disons, modifier des choses, favoriser des transformations, pour que ces transformations nous transforment à leur tour.

  • Speaker #0

    Et justement, ça regroupe un peu ma question, enfin, qu'elle est venue, mais c'est effectivement des gens, des personnes qui peuvent nous écouter là et qui se disent justement qu'elles arrivent, elles se posent encore des questions sur cette action, de devenir acteur plus de sa vie ou d'agir. Et qu'est-ce que toi, tu aurais un conseil ou est-ce que tu aurais des choses à dire pour essayer justement de trouver ce chemin, essayer de trouver ce recul aussi, d'essayer de voir l'ensemble ?

  • Speaker #1

    Moi, je dirais Baby Steps. Ça veut dire, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, qu'on soit vraiment paumé, perdu, exclu, comme certains élèves avec lesquels j'ai travaillé. Il est indispensable de trouver la petite ouverture vers le mieux. Ce n'est pas un mieux qui va tout de suite... transformer votre vie et ça y est c'est la grande réussite et tout à l'américaine parce que c'est pas comme ça que ça fonctionne dans la réalité dans la réalité c'est pas c'est pas quand on vous parle de rêve réaliser vos rêves et tout vous laissez pas avoir par des charlatans souvenez vous de pinocchio pinocchio il se fait emporter par un cirque qui va l'exploiter ça c'est vraiment les marchands de rêve vous êtes presque sûr que en fait c'est à vous qu'ils en ont après vous donc moi ce que je dirais c'est Qu'on soit dans la merde ou qu'on soit déjà dans une bonne position, qu'on ait des envies modestes ou qu'on ait de grandes ambitions, le principe est le même. Il s'agit de toujours envisager la première étape qui doit être toute petite. Et puis ensuite, la deuxième étape, elle va être aussi petite. Et la troisième étape, progressivement, elles vont vous rapprocher du but, exactement comme en montagne, au lieu de regarder les sommets et de vous dire « Mais on n'arrivera jamais là ! » Juste vous suivez le chemin, un pas après l'autre. Et cette notion d'un pas après l'autre, je pense que c'est ce qui m'a orienté, qui m'a donné de la patience, parce que justement, parti un peu comme une comète, très vite, à sauter des classes, à rentrer à l'ENS, etc. Il y avait un côté prestige dans lequel j'ai vu d'ailleurs d'autres, soit de mes camarades, soit de mes élèves quand j'ai été prof. se brûler les ailes parce qu'après on se dit ah ouais je suis quelqu'un et puis on publie son premier roman à 25 ans et vous êtes dans tous les journaux parce que... et puis en fait progressivement la courbe redescend. Et je trouve que dans une vie c'est pas très agréable ou très confortable d'avoir une montée et ensuite une redescente. Pourquoi ne pas organiser sa vie plutôt en pente lente et ascendante où vous vous dites bon je voudrais... Peut-être ça, mais on va y aller petit à petit, parce que comme ça, vous faites les choses à votre rythme. C'est-à-dire que vous évitez de vous livrer au hasard de l'extérieur. Et progressivement, si vous êtes dans, par exemple, si vous êtes dans une profession qui ne vous plaît pas. Petit à petit, vous allez pouvoir vous reconvertir en faisant les pas adéquats. C'est très important parce que quand vous êtes dans la banque ou dans l'assurance ou dans des métiers dans les télécoms et que vous vous dites « bon, la planète est en train de brûler, je ne peux pas continuer à bosser dans ces métiers-là, il faut que j'agisse » , vous ne le ferez pas du jour au lendemain. Par contre, progressivement, il y a des leviers, des étapes qui, comme je disais tout à l'heure, vont vous transformer. Il faut toujours vous dire que lorsque vous avez un projet, à chaque étape, vous ne vous rapprocherez pas indemne de votre but. À chaque étape, c'est vous qui vous transformez. C'est là où l'adaptation du conte de Montecristo est ratée, parce que ce qu'ils ont raté, c'est la transformation du héros. Le héros est transformé au cours de son apprentissage. Et donc cette lenteur, qui est celle de lire un livre, entre parenthèses, de plusieurs centaines de pages, C'est la même que dans la vie. Donc, vous n'avez pas le temps de lire et vous allez voir le film, vous n'apprendrez pas autant. Et donc, encore une fois...

  • Speaker #0

    Réapprendre la lenteur, de ne pas être trop impatient, parce que souvent, on vise tout de suite.

  • Speaker #1

    Alors, c'est trop marrant que moi, je me retrouve à donner des leçons de patience, alors que vraiment, je suis quelqu'un qui est connu pour son impatience.

  • Speaker #0

    On apprend de ça. Oui,

  • Speaker #1

    justement. Peut-être que c'est parce que moi, je ne l'avais pas au départ que je peux en témoigner et que je peux te dire...

  • Speaker #0

    Que c'est une clé,

  • Speaker #1

    quoi. Que c'est une clé, parce que sans ça, tu t'enrages ou tu désespères ou tu passes par plein d'émotions qui ne sont pas utiles, qui te font souffrir. Alors qu'en fait, si tu sais que le déploiement d'une vie humaine, c'est végétal, qu'un végétal, ça ne pousse pas en tirant dessus. Ça pousse parce qu'on lui apporte de la lumière et de l'eau et qu'il trouvera tout seul dans la terre de quoi pousser. En fait, il faut avoir cette confiance-là en soi. Quand on dit confiance en soi, on s'imagine à nouveau un truc. Moi, j'ai des qualités. Moi, je suis fort. Je suis forte. Je suis génial. Et donc, je vais y arriver. Non, mais non, mais ce n'est pas ça du tout, la confiance en soi. La confiance en soi, c'est avoir confiance dans le caractère végétal de l'humain. Donc, laissez pousser. C'est votre désir. Ça va pousser. Ça va y arriver. Vous allez être comme un arbre qui... S'il est embarrassé par le béton, il pète le béton. S'il est embarrassé par des pierres, il pousse les pierres. S'il est embarrassé par un poteau, il bouffe le poteau, il grandit autour. Mais pas du jour au lendemain. Et je crois, aujourd'hui, j'ajoute autre chose, c'est qu'aujourd'hui, pour moi, cette confiance en soi, comme vous comprenez, c'est pas que soi. Ça veut dire que j'ai confiance pas en moi, Maxime, parce que je suis génial et tout. J'ai confiance dans la capacité de l'homme que je suis devenu à trouver un contexte où d'autres gens, des femmes, des hommes, des animaux, des contextes, des climats, vont me permettre de m'épanouir et de vivre la vie que je désire et de faire les choses que je désire. Cette confiance-là, elle n'a pas vraiment d'objet. C'est une confiance en soi, en les autres, en le monde, en la vie. Encore une fois, on ne peut l'avoir que si on est un... petit peu patient et que cette patience s'articule a quand même une certaine détermination, ça veut dire il ne faut pas lâcher non plus j'ai confiance, je ferme les yeux, je me laisse porter parce que ça ne marchera pas non plus mais j'ai confiance, je pousse c'est ça le truc, je pousse mon arbre

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Maxime, on va rester sur ces derniers mots c'était très sympa,

  • Speaker #1

    merci beaucoup Merci à toi Émilie

Description

Dans cet épisode d'Elles Agissent, je reçois Maxime Rovere, philosophe et auteur.


Maxime partage avec nous son parcours marqué par des expériences audacieuses et des rencontres déterminantes qui l'ont mené à explorer des approches non conventionnelles de la pensée et de l'écriture.


Depuis ses débuts tumultueux à l'école, où il oscillait entre un comportement problématique et des résultats académiques brillants, jusqu'à sa découverte passionnée de la philosophie à travers des figures emblématiques, Maxime nous raconte comment il a forgé son identité en dehors des normes et des institutions.


Enregistré dans l'enceinte symbolique de l'École Normale Supérieure, lieu de savoir et de liberté intellectuelle, cet épisode explore comment Maxime a su rester fidèle à sa quête de liberté intérieure tout en repoussant les frontières de la pensée.


Il nous invite à réfléchir sur le rôle de l'environnement dans notre épanouissement personnel et sur l'importance de trouver sa place, même lorsqu'elle semble être en dehors des sentiers battus.


Enfin, il aborde des thèmes universels tels que l'écologie, la famille, et la liberté, en mettant en lumière l'importance des petits pas et de la patience dans la construction de soi.


Une conversation inspirante qui résonne comme un appel à agir, à transformer notre quotidien et à accepter la lenteur du processus de croissance.


Philosophe, auteur et traducteur, Maxime Rovere s’est imposé dans le monde intellectuel grâce à sa vision novatrice et accessible de la philosophie. Titulaire de diplômes prestigieux et ancien élève de l’École Normale Supérieure, il a enrichi sa réflexion à travers des expériences académiques et personnelles variées. Maxime a traduit des œuvres majeures, notamment celles de Virginia Woolf et Spinoza, et a enseigné dans divers contextes, en France comme à l'étranger, ce qui lui a permis de tisser un lien unique entre la théorie et la pratique philosophique.


En tant qu'auteur, il est connu pour des ouvrages tels que Le Clan Spinoza, un roman historique qui retrace la vie du célèbre philosophe avec précision et créativité, et Que faire des cons ?, un essai provocateur qui interroge nos relations sociales et le vivre-ensemble. Ses publications s’étendent également à des essais philosophiques comme Se vouloir du bien et se faire du mal, où il explore la dynamique des relations humaines à travers la notion de dispute. Son prochain livre, Parler avec sa mère, attendu en janvier 2025, s'annonce comme une réflexion novatrice sur l'écologie, entremêlant des concepts personnels et universels autour de la famille et des systèmes relationnels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Maxime.

  • Speaker #1

    Bonjour Minnie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie. Pour commencer, est-ce que tu veux bien te présenter de la manière dont tu souhaites ? Nous dire qui tu es personnellement, professionnellement ? Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur toi ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle Maxime Rover, je suis philosophe. Ça veut dire que je fais plusieurs choses. D'abord, je réfléchis tout seul dans mon coin. Surtout, je parle à toutes sortes de publics. Je fais des ateliers avec des tout-petits. Ça veut dire collège, mais aussi plus grand lycée, mais aussi des interventions dans les universités et aussi auprès d'autres publics privés ou d'État. Donc ça signifie que pour moi, la philosophie, ce n'est pas seulement le fait d'être un écrivain ou un traducteur. J'ai traduit beaucoup de livres de Virginia Woolf, d'Edith Wharton, de Spinoza principalement, et j'en ai encore plein. réserve mais mon métier c'est de faire de la philosophie quelle que soit la forme qu'elle peut prendre et justement en allant explorer les formes qu'elle peut prendre.

  • Speaker #0

    Et la philosophie a toujours fait partie de ta vie ou elle arrivait à un moment donné ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu avec l'école quand j'étais jeune homme un rapport très conflictuel donc j'ai été viré de mon lycée il y avait des profs que j'adorais il y a des profs que je détestais j'avais des notes exceptionnellement élevées et un comportement exceptionnellement problématiques. Donc, en fait, ça s'est passé par coup de cœur. Ça veut dire, en terminale, j'ai eu un coup de cœur pour un prof de latin et j'ai pensé, je vais faire des lettres classiques. En hippocampe, j'ai eu un coup de cœur pour mon prof de lettres modernes. Je me suis dit, non, je vais faire des lettres modernes. Et ensuite, je suis tombé sur André Pessel, qui était un prof de philo absolument mythique. Et à partir de cette rencontre-là, j'ai décidé que j'allais consacrer ma vie à la philo.

  • Speaker #0

    Et l'école, ça marchait mieux ? Le cadre école ? te convenait mieux une fois que tu avais trouvé ce qui te plaisait ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. En revanche, en intégrant l'école normale supérieure, j'ai rencontré des gens qui avaient la même conception de ce que c'est que passer du savoir et fabriquer du savoir que celle que j'avais depuis que j'étais tout petit. C'est-à-dire quelque chose de très libre, quelque chose où il faut inventer, quelque chose où il ne faut surtout pas écouter ce qu'on te dit, mais trouver d'autres manières d'arriver à un point qui t'intéresse. Et quand j'ai été dans ce contexte-là avec des profs de cette qualité-là, à la fois j'étais très soulagé d'avoir enfin trouvé des gens à qui parler et aussi très désespéré de me dire j'aurais voulu que ça, on me le dise plus tôt et surtout qu'on le dise à tout le monde.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est ce que j'étais en train de penser parce que je me dis toi, tu t'es accroché ou en tout cas tu as trouvé une fibre pour te motiver et continuer quelque part à étudier et à t'épanouir justement dans ces apprentissages. Du coup, ça montre aussi que, bon, déjà, l'école n'est pas faite pour tout le monde, on le sait, mais voilà, qu'il peut y avoir des pertes, en fait.

  • Speaker #1

    Énormément. En fait, par le haut, par le bas, par le côté, c'est-à-dire quand vous êtes trop bon à l'école, vous en souffrez. Quand vous avez des difficultés, vous en souffrez. Quand vous êtes hors normes, vous en souffrez. Donc, c'est une vraie question que je me suis posée dans un essai que j'ai écrit qui s'appelle l'école de la vie, de savoir comment repenser l'enseignement et l'apprentissage pour changer ces normes-là.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Tu as choisi ce lieu, enfin en tout cas, est-ce que tu peux nous dire où on est en train d'enregistrer cet épisode et quelle est l'importance de ce lieu pour toi ?

  • Speaker #1

    Ouais, du coup je t'ai donné rendez-vous ici donc à l'ENS, à Normalsup rue d'Ulm, parce que c'est un endroit qui est considéré comme ça, comme un lieu d'élite et tout, mais en vérité ça ne devrait pas avoir cette image. Normalsup c'est un endroit où on fabrique du savoir, comme j'ai dit tout à l'heure, d'une manière finalement assez libre. Il y a plein de conférences ici qui sont ouvertes au public. Pour moi, ce lieu a eu une importance capitale puisque, comme je l'ai dit, j'ai beaucoup souffert à l'école jusqu'à rentrer ici et du coup avoir des gens qui me disaient « Travaillez moins, voyagez. Allez vous ouvrir l'esprit. Maintenant, il va falloir penser autrement. Maintenant, il va falloir inventer votre propre chemin. » Et quand je revenais et que j'avais des doutes, on me renvoyait à mes doutes en disant « Ah, vous ne savez toujours pas ? Eh bien, repartez en voyage et ne revenez me voir que lorsque vous saurez. » Cet endroit est devenu pour moi une sorte de point de repère dans ma vie. J'ai habité à l'étranger, j'ai enseigné au Brésil, j'ai appris puis j'ai oublié des langues. Et toujours je suis revenu ici dans cette cour qui est un endroit tout calme avec des arbres, avec un petit bassin, où en fait il y a quelque chose qui est végétal en fait, c'est-à-dire qui pousse en moi grâce à ce petit jardin, parce qu'autour il y a un environnement favorable. Et je crois que quand on cherche à s'épanouir, et qu'on sent qu'on n'est pas dans l'environnement favorable, c'est la première chose à faire. Pas de se culpabiliser, pas de faire des efforts, mais plutôt de chercher l'environnement, de chercher la terre dans laquelle votre végétal va pouvoir pousser.

  • Speaker #0

    C'est joli.

  • Speaker #1

    C'est important. Surtout, c'est lent. C'est peut-être joli, mais dans le vécu d'un humain, ça prend un tout petit peu plus de temps que ce qu'on imagine. Ça veut dire qu'il va falloir que vous alliez trouver un contexte et que vous attendiez que ce contexte fasse des effets et que progressivement, ça vous transforme. C'est lent.

  • Speaker #0

    Est-ce que là, maintenant, tu te sens à ta place, à la fois dans ton rôle de philosophe et dans le lieu ? dans lesquelles tu es ?

  • Speaker #1

    Alors, le truc, c'est que je suis un philosophe qui ait trouvé une place hors de l'institution. Ça veut dire, j'aurais pu devenir, d'ailleurs, certains de mes amis ont eu ce parcours, j'aurais pu faire un parcours de prof, et ensuite essayer d'intégrer l'ENS comme prof, et puis ensuite devenir directeur du département de philo. Mais moi, mon implication dans ce lieu, elle n'est pas du tout du côté de l'institution. Je ne voulais pas faire carrière. Je voulais être philosophe. Et en fait, on s'est aperçu assez rapidement que personne ne sait ce que ça veut dire. Et c'est là où ça devient intéressant, c'est-à-dire, ah bon, si personne ne sait, je vais contribuer à le définir. Et ça, c'est très fascinant de se dire, bon, en fait, on est totalement dans l'inconnu et on peut faire ce qu'on veut. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un philosophe qui, moi, m'intéresse ? Et quel est le philosophe que j'aimerais devenir ? Et ça, ça m'oriente. Et là aussi, être ici... C'est une sorte de point de repère, parce que, bon, voilà, ici, c'est quand même du savoir assez institutionnalisé. J'y suis accueilli. Pour moi, c'est un point de repère. Et puis, j'invente des formes qui, peut-être, ne sont pas exactement celles de l'institution. J'ai écrit des livres de philo qui étaient sous forme de romans. J'ai écrit des essais où il n'y avait pas de bibliographie, pas de notes de bas de page. J'ai fait des choses qui ne se font pas ici. Les gens qui travaillent ici ne font pas ça, en général. Et en même temps... C'est comme une famille pour moi, c'est ma famille. Je viens d'une famille, alors ma famille, ma famille réelle de 100, n'est pas du tout universitaire. J'ai grandi à Nice, c'est une famille petite bourgeoise, relativement modeste, qui n'a pas des formations, qui n'a pas un background universitaire du tout. En revanche, ici j'ai trouvé une famille intellectuelle, et même si je suis un peu le vilain petit canard, celui qui a un peu quitté le bateau, qui est plus institutionnalisé, etc. je ne les ai pas reniés. Eux, ils ne me renient pas. Et je suis comme un cousin éloigné de la famille qui fait autre chose.

  • Speaker #0

    Et donc, tu parlais de ta famille personnelle. Est-ce que justement, la philosophie est rentrée aussi dans ta famille par ton biais, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que mes parents et ma sœur font l'effort de lire mes livres. Et c'est un vrai effort parce qu'ils ne sont pas tous faciles. Mais je pense qu'on est un peu toujours en dialogue avec sa propre famille, même à distance. J'en parle d'autant plus volontiers que mon prochain essai, qui sort en janvier 2025, va s'appeler « Parler avec sa mère » . Et j'ai trouvé que c'était un point d'entrée très intéressant pour parler d'écologie. Parce que s'il y a un système dont tout le monde est familier, c'est le système familial. Donc quand on parle d'écologie, on parle de systèmes biologiques très compliqués, qu'on ne maîtrise pas tous, le cycle de l'eau, etc. Il y a des choses très complexes. Si vous voulez comprendre l'écologie, repartons de votre maman. Et à partir de là, on redéploie les choses. Donc ça m'intéresse en fait la famille comme une expérience qu'on a tous plus ou moins, qui est plus ou moins heureuse, plus ou moins malheureuse, qui peut être tragique, mais qui dans tous les cas est ce à partir de quoi on va prendre notre départ. En fait la famille c'est un point de départ auquel on revient régulièrement, on est en dialogue régulièrement, qu'on le veuille ou non, avec ces entités-là, qu'on a appelées... Un père, une mère, quand on a eu les deux, on peut avoir eu deux papas, etc. Mais quoi qu'il en soit, il y a des fonctions maternelles ou des fonctions paternelles qui se sont exercées sur nous, avec lesquelles on est en permanence en dialogue. Donc, dans mon travail philosophique, ça a un rôle parce que peut-être que le fait que j'ai envie de parler à un plus grand nombre vient du fait que je ne viens pas d'une famille universitaire. Et donc, d'une certaine manière, j'ai envie de ne pas perdre le lien avec ma famille biologique, ma famille de mon enfance. Et en même temps, je pense que c'est le cas de tout le monde. C'est-à-dire même quand on a rejeté sa famille, même quand on en a souffert, de toute façon, le dialogue va continuer avec, comme je le disais, les fonctions maternelles ou les fonctions paternelles. Et donc ça aussi, ça anime une vie.

  • Speaker #0

    Tu parles de l'écologie, justement, c'est un sujet aussi qui te tient à cœur.

  • Speaker #1

    C'est un sujet qui me tient à cœur, que j'ai tardé à aborder parce que...

  • Speaker #0

    Qu'arrive ma...

  • Speaker #1

    En fait, moi, je viens de l'éthique. Ça veut dire que ce qui m'a d'abord intéressé... Mon parcours, c'est le suivant. En tant que jeune étudiant, je me suis intéressé de manière très académique à un philosophe pour l'étudier. Ce philosophe, c'était Spinoza. À partir de Spinoza, j'ai commencé à travailler différemment. J'ai écrit un roman pour raconter sa vie, mais c'est un roman vrai où tout est sourcé. Ça s'appelle Le clan Spinoza. Et à partir de ce livre, j'ai commencé à développer ma propre théorie des interactions, justement parce que j'avais étudié comment Spinoza et ses copains réfléchissaient ensemble. Et donc, à partir de là... je suis vraiment entré dans mon éthique à moi, ça veut dire comment je théorise les comportements humains. Et à partir de cette notion d'éthique, je suis en train d'arriver à une autre échelle qui est, bon, alors les comportements humains, on ne peut pas les isoler d'un contexte beaucoup plus vaste, notamment des non-humains. Et tout à l'heure, je parlais de la famille. Quand je dis ma famille, toi, tu as peut-être entendu mon papa, ma maman, ma sœur. Ouais, ouais, mais ma famille, ce n'est pas comme ça. Ma famille, j'ai grandi à Nice, ça veut dire ma famille, c'est la Méditerranée. Nous on allait régulièrement en montagne, ça veut dire ma famille c'est les Alpes, ça veut dire que les vautours c'est ma famille, ça veut dire que la réintroduction des loups, ça touche à ma famille, etc. Donc quand on commence à comprendre que justement même des questions qu'on se posait strictement entre humains, aujourd'hui doivent être étendues et on doit se dire par exemple mon rapport à ma mère c'est pas seulement ma petite maman humaine. C'est peut-être beaucoup plus, en fait, parce qu'il y a beaucoup plus qui ont eu des fonctions maternelles. Et si je parle de la Méditerranée, par exemple, dans quelle mesure est-ce que la Méditerranée, elle remplit des fonctions maternelles ? Là, j'y étais il n'y a pas longtemps. Elle me porte. Quand vous êtes dans l'eau, l'eau vous porte. Il faut y réfléchir parce que ce n'est pas rien, ça. Parce que votre corps, il s'en souvient de ce que c'est qu'être porté. Et Donald Winnicott, qui est un des grands pédiatres et psychanalystes du XXe siècle, il a fait la théorie de ces gestes-là parce qu'en fait, quand le nourrisson est tout petit, Ces gestes, ils ont un impact sur son psychisme. S'il y a des gestes qui sont très mal faits et que le nourrisson est trop secoué, il va y avoir des séquelles psychiques. Donc, quand on dit l'écologie, on pense tout de suite les animaux, voire des animaux lointains, etc. Attendez, l'écologie, c'est la pensée d'un système. C'est se penser à l'intérieur d'un système. Et donc, il y a plein d'entrées dedans. Et donc, moi, je suis rentré dans l'écologie à partir de ces... problèmes humains très pratiques comme vous comme tu sais je j'ai écrit des bouquins qui partent de problèmes simples y en a un qui s'appelle que faire des cons il y en a un autre qui s'appelle se vouloir du bien et se faire du mal philosophie de la dispute c'est des sujets qui ont l'air petit et qui ensuite s'ouvre à mesure que je réfléchis dessus et donc on part dans une théorie de la liberté dans la dispute on part sur des trucs des théories de l'état la théorie politique dans que faire des cons Et j'aime bien faire ça, donc parler avec sa mère c'est la même chose, ça veut dire on part de la maman et puis progressivement on arrive à ce que ça peut vouloir dire, une terre-mère, etc. Et voilà, c'est cet état d'esprit-là que... En étant partie de cette famille niçoise relativement modeste, puis en arrivant dans cette institution relativement prestigieuse, et puis en ayant envie... de faire de la philosophie qui serve, c'est-à-dire qui transforme, et qui transforme ce à qui je m'adresse, que j'en suis arrivé là où j'en suis.

  • Speaker #0

    Dans ton parcours, on sent toujours cette notion de liberté d'être toi, en tout cas, quoi qu'il en soit, tu étais resté toujours celui que tu étais au fond, avec ce que tu avais envie de faire, de ce que tu avais envie d'être, quitte à ce que justement dans les institutions ou dans la philosophie, tu apportes une nouveauté, un souffle. Être fidèle à celui que tu es.

  • Speaker #1

    C'est vrai, mais je voudrais dire une chose importante. C'est que la liberté, c'est l'ignorance. Ça veut dire qu'il faut accepter de ne pas savoir qui on est. Et il faut aller trouver, il faut chercher, il faut se mettre en quête, mais pas en se disant « je veux découvrir qui je suis » , plutôt en se disant « bon, je suis conscient ou consciente que je ne sais pas qui je suis » . Par contre, j'aimerais peut-être être ceci ou cela. Et ce que je vais chercher, c'est le chemin pour le devenir. Et je crois que c'est important parce que ça redynamise un peu notre rapport à nous-mêmes. Ça veut dire, au lieu de chercher une identité fixe, chercher des chemins du devenir. Ça, je pense que c'est, à mon avis, la chose la plus importante. Ce n'est pas très agréable parce qu'on est toujours dans le doute, on se trompe, on fait demi-tour, on pleure. On quitte, on est quitté, parce que là on a parlé d'un parcours professionnel, mais aujourd'hui nos parcours professionnels, on ne peut pas non plus les définir quand même tout seul, parce que sans ça on se retrouve tout seul, ou toute seule. Donc, c'est difficile aussi de partir à l'étranger et puis vous êtes en couple et le couple, il explose parce que ce n'était pas forcément le projet de l'autre. Il y a plein de choses qui remettront en question la personne que vous croyez être. Et ce que j'essaie de dire quand on réfléchit sur la liberté, c'est que être libre, pratiquer la liberté, c'est justement accepter. de lâcher l'identité qu'on s'était donnée au profit du chemin du devenir. La question, ce n'est pas qui vous êtes. La question, c'est à partir de maintenant, au point où on en est, qu'est-ce que vous voulez devenir et quel est le chemin pour y arriver ? Parce que maintenant, c'est là qu'il faut aller.

  • Speaker #0

    Et justement, sur ton chemin, tu en es où là actuellement ?

  • Speaker #1

    Sur mon chemin, j'ai l'impression que je suis dans une posture... excitante parce que je commence à pouvoir faire ce que j'ai envie de faire. Ça veut dire, il passe un truc par la tête. Tu le fais. Je le fais, je vais voir mon éditrice, je lui dis j'aurais envie de faire un livre comme ça. D'ailleurs, Que Faire des Coins l'avait dit, bah non. On vient de t'installer comme un philosophe sérieux, mais en même temps capable d'écrire Le Clan Spinoza, qui est un livre très accessible et tout. Là, tu me parles d'un mot d'argot dans un titre, non. Et je lui dis, mais si, tu vas voir ... J'écris la première partie du livre, je lui renvoie et elle me dit peut-être qu'on peut le faire. C'est là aussi où la liberté, ce n'est pas qu'individuel. La liberté, c'est d'avoir autour de soi des partenaires. J'ai commencé en parlant du contexte, du terreau dans lequel on se développe, mais ce n'est pas un terreau comme ça, neutre. C'est des gens en fait. Et donc avoir des alliés. Là, j'ai parlé de mon éditrice parce que pour un écrivain, c'est vraiment très important d'avoir un rapport avec. un éditeur ou une éditrice qui est fort. Donc moi, j'ai cette chance-là d'avoir Maxime Catroux avec moi. Et puis, on s'appelle tous les deux Maxime. Donc, il y a un truc. Voilà, c'est sûr qu'on était fait l'un pour l'autre. Et dans quelle que soit la profession qu'on a, quels que soient les projets qu'on a, je crois que cette idée de faire équipe, en fait. Alors, parfois, c'est ponctuel. C'est-à-dire, on fait équipe sur un projet. Puis après, c'est fini. Et puis, parfois, on fait équipe sur une vie. C'est le cas surtout des amis, en fait. Aujourd'hui, c'est moins nos aimés, nos amours qui nous accompagnent toute une vie que nos amis. Voilà, je crois que là, il y a un truc. Pour moi, c'est vraiment important. J'ai des copains qui sont justement qui sont restés à Nice, qui vivent toujours à Nice, mais qui me suivent, qui ne sont pas impressionnés par la notoriété ou par quoi que ce soit d'autre. Ils sont on se connaît depuis toujours. Donc on se parle, on se parle cœur à cœur. Et donc moi, j'en suis là. J'en suis à un point où je continue d'exercer ma liberté. mais avec de plus en plus de monde qui se sentent libres avec moi. Et ça, c'est très excitant parce que du coup, on peut inventer des choses folles. Ça, c'est très chouette.

  • Speaker #0

    Dans ce chemin et dans ta vie, il y a eu, alors tu l'as un petit peu évoqué tout à l'heure, un prof qui avait été important. Est-ce qu'il y a des personnes justement qui sont, ou des événements qui sont clés comme ça et qui reviennent à toi en te disant, ok, ça m'a permis de construire la personne que je suis maintenant ? d'être tout ce qu'on vient d'expliquer sur ce chemin et sur qui tu es. Est-ce que là, spontanément, il y a des personnes ou des événements qui te reviennent et que tu aurais envie de nous partager ?

  • Speaker #1

    Plein. Je vais juste, avant de rentrer dans le détail, je voudrais insister sur le fait qu'on peut raconter sa vie de mille manières et qu'on le fait, nous tous, régulièrement en changeant le mode de récit. En gros, tu peux soit raconter ta vie en rapportant tout à toi et en disant c'est mon mérite personnel. On dirait que ça, c'est le modèle Macron. Ça veut dire tout est grâce à moi, c'est mes qualités, je suis un génie, j'ai un destin, etc. Et je crois en moi. En réalité, on fait tous un peu ça de temps en temps.

  • Speaker #0

    De temps en temps, il y a un côté.

  • Speaker #1

    Il y a un côté, on s'attribue à soi, ses propres réussites. Et après tout, de temps en temps, ça fait du bien. Bon, il y a un autre modèle qui est, je dirais, le côté que du hasard. Ça veut dire non, mais moi, j'ai eu de la chance. Voilà, j'ai rencontré un tel, j'ai rencontré une telle. Et puis finalement, c'est grâce à eux que je suis devenu ce que ça n'aurait pas été possible sans eux. Ce modèle un peu, je dirais, désarticulé, désorganisé, qui fait la part belle au hasard, il a sa légitimité aussi. C'est vrai. En fait, c'est vrai que par exemple... Ici à l'école, j'ai rencontré... J'étais là à une époque où il y avait des gens incroyables, d'une grande audace. Je vais y revenir tout à l'heure. Donc si je ne les avais pas rencontrés, ça n'aurait pas été possible. Et puis après, on peut dire au fond, c'était un destin. Et puis voilà, par exemple, moi tout petit, j'aimais écrire. On me l'a toujours prédit. Au lycée, on savait que j'étais hors normes. Après je suis arrivé en prépa, il y avait un prof qui disait « Je sais toujours qui deviendra écrivain. » Et dans votre promotion, c'est Maxime Robert. Et je veux dire, moi, j'avais 17 ans. Qu'est-ce qu'il me raconte ? Ouais, enfin, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    En plus ou moins, parce que tu avais quand même ce truc. Ouais,

  • Speaker #1

    mais donc, voilà. Et là, tu peux le surinvestir en disant, c'était écrit du départ. C'est ce que fait Sartre dans les mots. Voilà, le mec, il raconte que, bah oui, depuis toujours, c'était écrit. Il allait devenir écrivain. Et ce récit, je pourrais faire le même. J'y crois pas trop. Moi, ce que je voudrais te proposer et te partager, c'est plutôt... quelque chose de dépersonnalisé. Parce que toutes ces manières de raconter, c'est beaucoup centré sur les personnes humaines. Et moi, je crois que la vie humaine, elle n'est pas faite par des personnes, elle est faite par des entités beaucoup plus petites, que j'appelle des interactions. Mais tu pourrais les appeler des faits, tu peux les appeler comme tu veux en fait. Mais techniquement, ce sont des interactions dans lesquelles ce n'est pas seulement les individus qui agissent, mais il y a des échanges qui ont un sens particulier. Et je vais t'en raconter deux qui sont vraiment très étranges. Au moment de ma scolarité, moi j'ai fait une pause et je suis parti en voyage. Quand je suis revenu de voyage, je suis allé voir ma tutrice, parce qu'ici on a des tuteurs, il y a un prof qui va s'occuper particulièrement d'un élève ou d'une étudiante. Et donc moi j'avais une tutrice. Et je rentre et je lui dis, je ne sais plus où j'en suis, est-ce que je vais faire de la philo, est-ce que je vais faire de l'histoire de l'art, est-ce que je vais faire... Je revenais d'Amazonie et j'avais été troublé par mes rencontres avec les Indiens. C'était passionnant. Elle me regarde et elle me dit ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est-à-dire, vous savez, Maxime, il faut que vous repartiez en voyage et ne revenez dans mon bureau que lorsque vous saurez. Au revoir. Merci. Donc, ça, c'est un truc incroyable.

  • Speaker #0

    C'est incroyable.

  • Speaker #1

    Incroyable. Donc, moi, j'étais étudiant. Je me dis, ah bon, c'est bizarre. Et donc, je vais voir la directrice des études. En me disant, c'est pas possible, ma tutrice est folle, j'ai besoin d'avoir quelqu'un qui a les pieds sur terre. Donc je vais voir la directrice des études en lui disant, je reviens de voyage, je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus si je veux faire de la philosophie ou faire autre chose, de l'anthropologie.

  • Speaker #0

    Je pense à l'anthropo-médiat.

  • Speaker #1

    Elle me dit, ça vous tombez bien parce que j'ai une amie en Sibérie qui vend une yourte. Et alors là, ça pourrait vraiment vous intéresser. Je vais vous noter son numéro. Et ben voilà. N'hésitez pas à l'appeler. Elle a une yourte à vendre. Merci Maxime, au revoir. Alors là, ces deux échanges ont été cruciaux dans ma vie parce que réellement, j'ai repris un avion. À l'époque, on voyageait en avion sans trop se poser de questions aussi parce que le trafic aérien n'était pas aussi important qu'aujourd'hui. Et j'ai repris mon voyage poussé par ces deux voix qui m'avaient dit, t'es venu nous demander conseil. on n'a pas d'autre conseil à te donner que de continuer ta quête avec le courage qui est le tien c'est à dire tu te jettes dans le vide mais n'attend pas qu'on te rattrape ou qu'on te récupère et ça évidemment ça a été déterminant comme tu comprends c'est bien sûr il fallait qu'il y ait des personnes qui aient ces audaces là surtout quand tu es formateur c'est à dire dire à quelqu'un oui il faut oser dire et oser dire ça c'était formidable et après il fallait suivre c'est à dire il fallait oser embrasser cette liberté qu'on m'offrait. Enfin, on m'offrait... Encore une fois, il faut avoir les moyens. Se gérer, en tout cas. Tout ça, c'est compliqué. Je ne dis pas que c'est facile et que la liberté, il n'y a qu'à la saisir. Mais si tu n'as pas les moyens de le faire parce que tu n'as pas de sous, alors trouve-toi les moyens de gagner des sous et après, tu auras surmonté ce premier obstacle. Et ainsi de suite. Encore une fois, je ne dis pas que c'est facile. Je dis que... La difficulté, c'est le chemin. Et que c'est dans le chemin que se définit ta liberté à toi. Donc, si moi j'ai eu une chance dans ma vie, c'est pas d'avoir eu une vocation depuis que je suis tout petit, c'est pas seulement d'avoir rencontré des personnes qui m'ont aidé, c'est pas seulement un destin qui... C'est pas mes qualités personnelles non plus, c'est le fait d'avoir été emporté dans des mouvements... que j'ai accepté de suivre en fait. Tout en les dirigeant, c'est pour ça que j'aime bien l'image de la navigation. C'est-à-dire, on ne décide pas du temps qu'il fait. quand on est en mer, s'il y a une tempête, il y a une tempête, s'il fait beau, il fait beau, s'il n'y a pas de vent et qu'on ne peut pas avancer, il n'y a pas de vent. En revanche, c'est quand même toi qui as un truc à naviguer. Tu as un bateau, tu as un corps et tu as un bateau qui est sous ta responsabilité, donc il faut que tu avances. Donc c'est dans ce dialogue entre, disons, le monde extérieur, les circonstances, les hasards, les rencontres et tout, est-ce que toi, tu peux faire de ta liberté ? que se joue vraiment ton devenir, ton destin. En tout cas, c'est le sentiment que j'ai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu peux nous donner ta définition d'agir ? Pour toi, ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Agir, c'est transformer quelque chose à l'extérieur de soi. Et j'ajoute autre chose, pour que ce soit gratifiant, il faut que ça transforme en retour quelque chose à l'intérieur. Une action qui est réussie, c'est une action qui a peut-être de l'effet à l'extérieur, mais qui a surtout une rétroaction vers l'intérieur. Moi j'attends de tout ce que je fais que ça me transforme vers le mieux. Alors ça veut dire quoi le mieux ? Ça dépend. Quand j'ai faim, ça veut dire que je n'aurai plus faim. Quand j'ai soif, ça veut dire que j'éteins ma toile.

  • Speaker #0

    Basique, mais nécessaire.

  • Speaker #1

    Voilà. Et il y a des moments où c'est beaucoup plus compliqué. Par exemple, notre besoin de reconnaissance, notre besoin d'amour, ce sont des demandes beaucoup plus compliquées à satisfaire. Mais la question de l'action, c'est, disons, modifier des choses, favoriser des transformations, pour que ces transformations nous transforment à leur tour.

  • Speaker #0

    Et justement, ça regroupe un peu ma question, enfin, qu'elle est venue, mais c'est effectivement des gens, des personnes qui peuvent nous écouter là et qui se disent justement qu'elles arrivent, elles se posent encore des questions sur cette action, de devenir acteur plus de sa vie ou d'agir. Et qu'est-ce que toi, tu aurais un conseil ou est-ce que tu aurais des choses à dire pour essayer justement de trouver ce chemin, essayer de trouver ce recul aussi, d'essayer de voir l'ensemble ?

  • Speaker #1

    Moi, je dirais Baby Steps. Ça veut dire, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, qu'on soit vraiment paumé, perdu, exclu, comme certains élèves avec lesquels j'ai travaillé. Il est indispensable de trouver la petite ouverture vers le mieux. Ce n'est pas un mieux qui va tout de suite... transformer votre vie et ça y est c'est la grande réussite et tout à l'américaine parce que c'est pas comme ça que ça fonctionne dans la réalité dans la réalité c'est pas c'est pas quand on vous parle de rêve réaliser vos rêves et tout vous laissez pas avoir par des charlatans souvenez vous de pinocchio pinocchio il se fait emporter par un cirque qui va l'exploiter ça c'est vraiment les marchands de rêve vous êtes presque sûr que en fait c'est à vous qu'ils en ont après vous donc moi ce que je dirais c'est Qu'on soit dans la merde ou qu'on soit déjà dans une bonne position, qu'on ait des envies modestes ou qu'on ait de grandes ambitions, le principe est le même. Il s'agit de toujours envisager la première étape qui doit être toute petite. Et puis ensuite, la deuxième étape, elle va être aussi petite. Et la troisième étape, progressivement, elles vont vous rapprocher du but, exactement comme en montagne, au lieu de regarder les sommets et de vous dire « Mais on n'arrivera jamais là ! » Juste vous suivez le chemin, un pas après l'autre. Et cette notion d'un pas après l'autre, je pense que c'est ce qui m'a orienté, qui m'a donné de la patience, parce que justement, parti un peu comme une comète, très vite, à sauter des classes, à rentrer à l'ENS, etc. Il y avait un côté prestige dans lequel j'ai vu d'ailleurs d'autres, soit de mes camarades, soit de mes élèves quand j'ai été prof. se brûler les ailes parce qu'après on se dit ah ouais je suis quelqu'un et puis on publie son premier roman à 25 ans et vous êtes dans tous les journaux parce que... et puis en fait progressivement la courbe redescend. Et je trouve que dans une vie c'est pas très agréable ou très confortable d'avoir une montée et ensuite une redescente. Pourquoi ne pas organiser sa vie plutôt en pente lente et ascendante où vous vous dites bon je voudrais... Peut-être ça, mais on va y aller petit à petit, parce que comme ça, vous faites les choses à votre rythme. C'est-à-dire que vous évitez de vous livrer au hasard de l'extérieur. Et progressivement, si vous êtes dans, par exemple, si vous êtes dans une profession qui ne vous plaît pas. Petit à petit, vous allez pouvoir vous reconvertir en faisant les pas adéquats. C'est très important parce que quand vous êtes dans la banque ou dans l'assurance ou dans des métiers dans les télécoms et que vous vous dites « bon, la planète est en train de brûler, je ne peux pas continuer à bosser dans ces métiers-là, il faut que j'agisse » , vous ne le ferez pas du jour au lendemain. Par contre, progressivement, il y a des leviers, des étapes qui, comme je disais tout à l'heure, vont vous transformer. Il faut toujours vous dire que lorsque vous avez un projet, à chaque étape, vous ne vous rapprocherez pas indemne de votre but. À chaque étape, c'est vous qui vous transformez. C'est là où l'adaptation du conte de Montecristo est ratée, parce que ce qu'ils ont raté, c'est la transformation du héros. Le héros est transformé au cours de son apprentissage. Et donc cette lenteur, qui est celle de lire un livre, entre parenthèses, de plusieurs centaines de pages, C'est la même que dans la vie. Donc, vous n'avez pas le temps de lire et vous allez voir le film, vous n'apprendrez pas autant. Et donc, encore une fois...

  • Speaker #0

    Réapprendre la lenteur, de ne pas être trop impatient, parce que souvent, on vise tout de suite.

  • Speaker #1

    Alors, c'est trop marrant que moi, je me retrouve à donner des leçons de patience, alors que vraiment, je suis quelqu'un qui est connu pour son impatience.

  • Speaker #0

    On apprend de ça. Oui,

  • Speaker #1

    justement. Peut-être que c'est parce que moi, je ne l'avais pas au départ que je peux en témoigner et que je peux te dire...

  • Speaker #0

    Que c'est une clé,

  • Speaker #1

    quoi. Que c'est une clé, parce que sans ça, tu t'enrages ou tu désespères ou tu passes par plein d'émotions qui ne sont pas utiles, qui te font souffrir. Alors qu'en fait, si tu sais que le déploiement d'une vie humaine, c'est végétal, qu'un végétal, ça ne pousse pas en tirant dessus. Ça pousse parce qu'on lui apporte de la lumière et de l'eau et qu'il trouvera tout seul dans la terre de quoi pousser. En fait, il faut avoir cette confiance-là en soi. Quand on dit confiance en soi, on s'imagine à nouveau un truc. Moi, j'ai des qualités. Moi, je suis fort. Je suis forte. Je suis génial. Et donc, je vais y arriver. Non, mais non, mais ce n'est pas ça du tout, la confiance en soi. La confiance en soi, c'est avoir confiance dans le caractère végétal de l'humain. Donc, laissez pousser. C'est votre désir. Ça va pousser. Ça va y arriver. Vous allez être comme un arbre qui... S'il est embarrassé par le béton, il pète le béton. S'il est embarrassé par des pierres, il pousse les pierres. S'il est embarrassé par un poteau, il bouffe le poteau, il grandit autour. Mais pas du jour au lendemain. Et je crois, aujourd'hui, j'ajoute autre chose, c'est qu'aujourd'hui, pour moi, cette confiance en soi, comme vous comprenez, c'est pas que soi. Ça veut dire que j'ai confiance pas en moi, Maxime, parce que je suis génial et tout. J'ai confiance dans la capacité de l'homme que je suis devenu à trouver un contexte où d'autres gens, des femmes, des hommes, des animaux, des contextes, des climats, vont me permettre de m'épanouir et de vivre la vie que je désire et de faire les choses que je désire. Cette confiance-là, elle n'a pas vraiment d'objet. C'est une confiance en soi, en les autres, en le monde, en la vie. Encore une fois, on ne peut l'avoir que si on est un... petit peu patient et que cette patience s'articule a quand même une certaine détermination, ça veut dire il ne faut pas lâcher non plus j'ai confiance, je ferme les yeux, je me laisse porter parce que ça ne marchera pas non plus mais j'ai confiance, je pousse c'est ça le truc, je pousse mon arbre

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Maxime, on va rester sur ces derniers mots c'était très sympa,

  • Speaker #1

    merci beaucoup Merci à toi Émilie

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Description

Dans cet épisode d'Elles Agissent, je reçois Maxime Rovere, philosophe et auteur.


Maxime partage avec nous son parcours marqué par des expériences audacieuses et des rencontres déterminantes qui l'ont mené à explorer des approches non conventionnelles de la pensée et de l'écriture.


Depuis ses débuts tumultueux à l'école, où il oscillait entre un comportement problématique et des résultats académiques brillants, jusqu'à sa découverte passionnée de la philosophie à travers des figures emblématiques, Maxime nous raconte comment il a forgé son identité en dehors des normes et des institutions.


Enregistré dans l'enceinte symbolique de l'École Normale Supérieure, lieu de savoir et de liberté intellectuelle, cet épisode explore comment Maxime a su rester fidèle à sa quête de liberté intérieure tout en repoussant les frontières de la pensée.


Il nous invite à réfléchir sur le rôle de l'environnement dans notre épanouissement personnel et sur l'importance de trouver sa place, même lorsqu'elle semble être en dehors des sentiers battus.


Enfin, il aborde des thèmes universels tels que l'écologie, la famille, et la liberté, en mettant en lumière l'importance des petits pas et de la patience dans la construction de soi.


Une conversation inspirante qui résonne comme un appel à agir, à transformer notre quotidien et à accepter la lenteur du processus de croissance.


Philosophe, auteur et traducteur, Maxime Rovere s’est imposé dans le monde intellectuel grâce à sa vision novatrice et accessible de la philosophie. Titulaire de diplômes prestigieux et ancien élève de l’École Normale Supérieure, il a enrichi sa réflexion à travers des expériences académiques et personnelles variées. Maxime a traduit des œuvres majeures, notamment celles de Virginia Woolf et Spinoza, et a enseigné dans divers contextes, en France comme à l'étranger, ce qui lui a permis de tisser un lien unique entre la théorie et la pratique philosophique.


En tant qu'auteur, il est connu pour des ouvrages tels que Le Clan Spinoza, un roman historique qui retrace la vie du célèbre philosophe avec précision et créativité, et Que faire des cons ?, un essai provocateur qui interroge nos relations sociales et le vivre-ensemble. Ses publications s’étendent également à des essais philosophiques comme Se vouloir du bien et se faire du mal, où il explore la dynamique des relations humaines à travers la notion de dispute. Son prochain livre, Parler avec sa mère, attendu en janvier 2025, s'annonce comme une réflexion novatrice sur l'écologie, entremêlant des concepts personnels et universels autour de la famille et des systèmes relationnels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Maxime.

  • Speaker #1

    Bonjour Minnie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie. Pour commencer, est-ce que tu veux bien te présenter de la manière dont tu souhaites ? Nous dire qui tu es personnellement, professionnellement ? Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur toi ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle Maxime Rover, je suis philosophe. Ça veut dire que je fais plusieurs choses. D'abord, je réfléchis tout seul dans mon coin. Surtout, je parle à toutes sortes de publics. Je fais des ateliers avec des tout-petits. Ça veut dire collège, mais aussi plus grand lycée, mais aussi des interventions dans les universités et aussi auprès d'autres publics privés ou d'État. Donc ça signifie que pour moi, la philosophie, ce n'est pas seulement le fait d'être un écrivain ou un traducteur. J'ai traduit beaucoup de livres de Virginia Woolf, d'Edith Wharton, de Spinoza principalement, et j'en ai encore plein. réserve mais mon métier c'est de faire de la philosophie quelle que soit la forme qu'elle peut prendre et justement en allant explorer les formes qu'elle peut prendre.

  • Speaker #0

    Et la philosophie a toujours fait partie de ta vie ou elle arrivait à un moment donné ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu avec l'école quand j'étais jeune homme un rapport très conflictuel donc j'ai été viré de mon lycée il y avait des profs que j'adorais il y a des profs que je détestais j'avais des notes exceptionnellement élevées et un comportement exceptionnellement problématiques. Donc, en fait, ça s'est passé par coup de cœur. Ça veut dire, en terminale, j'ai eu un coup de cœur pour un prof de latin et j'ai pensé, je vais faire des lettres classiques. En hippocampe, j'ai eu un coup de cœur pour mon prof de lettres modernes. Je me suis dit, non, je vais faire des lettres modernes. Et ensuite, je suis tombé sur André Pessel, qui était un prof de philo absolument mythique. Et à partir de cette rencontre-là, j'ai décidé que j'allais consacrer ma vie à la philo.

  • Speaker #0

    Et l'école, ça marchait mieux ? Le cadre école ? te convenait mieux une fois que tu avais trouvé ce qui te plaisait ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. En revanche, en intégrant l'école normale supérieure, j'ai rencontré des gens qui avaient la même conception de ce que c'est que passer du savoir et fabriquer du savoir que celle que j'avais depuis que j'étais tout petit. C'est-à-dire quelque chose de très libre, quelque chose où il faut inventer, quelque chose où il ne faut surtout pas écouter ce qu'on te dit, mais trouver d'autres manières d'arriver à un point qui t'intéresse. Et quand j'ai été dans ce contexte-là avec des profs de cette qualité-là, à la fois j'étais très soulagé d'avoir enfin trouvé des gens à qui parler et aussi très désespéré de me dire j'aurais voulu que ça, on me le dise plus tôt et surtout qu'on le dise à tout le monde.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est ce que j'étais en train de penser parce que je me dis toi, tu t'es accroché ou en tout cas tu as trouvé une fibre pour te motiver et continuer quelque part à étudier et à t'épanouir justement dans ces apprentissages. Du coup, ça montre aussi que, bon, déjà, l'école n'est pas faite pour tout le monde, on le sait, mais voilà, qu'il peut y avoir des pertes, en fait.

  • Speaker #1

    Énormément. En fait, par le haut, par le bas, par le côté, c'est-à-dire quand vous êtes trop bon à l'école, vous en souffrez. Quand vous avez des difficultés, vous en souffrez. Quand vous êtes hors normes, vous en souffrez. Donc, c'est une vraie question que je me suis posée dans un essai que j'ai écrit qui s'appelle l'école de la vie, de savoir comment repenser l'enseignement et l'apprentissage pour changer ces normes-là.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Tu as choisi ce lieu, enfin en tout cas, est-ce que tu peux nous dire où on est en train d'enregistrer cet épisode et quelle est l'importance de ce lieu pour toi ?

  • Speaker #1

    Ouais, du coup je t'ai donné rendez-vous ici donc à l'ENS, à Normalsup rue d'Ulm, parce que c'est un endroit qui est considéré comme ça, comme un lieu d'élite et tout, mais en vérité ça ne devrait pas avoir cette image. Normalsup c'est un endroit où on fabrique du savoir, comme j'ai dit tout à l'heure, d'une manière finalement assez libre. Il y a plein de conférences ici qui sont ouvertes au public. Pour moi, ce lieu a eu une importance capitale puisque, comme je l'ai dit, j'ai beaucoup souffert à l'école jusqu'à rentrer ici et du coup avoir des gens qui me disaient « Travaillez moins, voyagez. Allez vous ouvrir l'esprit. Maintenant, il va falloir penser autrement. Maintenant, il va falloir inventer votre propre chemin. » Et quand je revenais et que j'avais des doutes, on me renvoyait à mes doutes en disant « Ah, vous ne savez toujours pas ? Eh bien, repartez en voyage et ne revenez me voir que lorsque vous saurez. » Cet endroit est devenu pour moi une sorte de point de repère dans ma vie. J'ai habité à l'étranger, j'ai enseigné au Brésil, j'ai appris puis j'ai oublié des langues. Et toujours je suis revenu ici dans cette cour qui est un endroit tout calme avec des arbres, avec un petit bassin, où en fait il y a quelque chose qui est végétal en fait, c'est-à-dire qui pousse en moi grâce à ce petit jardin, parce qu'autour il y a un environnement favorable. Et je crois que quand on cherche à s'épanouir, et qu'on sent qu'on n'est pas dans l'environnement favorable, c'est la première chose à faire. Pas de se culpabiliser, pas de faire des efforts, mais plutôt de chercher l'environnement, de chercher la terre dans laquelle votre végétal va pouvoir pousser.

  • Speaker #0

    C'est joli.

  • Speaker #1

    C'est important. Surtout, c'est lent. C'est peut-être joli, mais dans le vécu d'un humain, ça prend un tout petit peu plus de temps que ce qu'on imagine. Ça veut dire qu'il va falloir que vous alliez trouver un contexte et que vous attendiez que ce contexte fasse des effets et que progressivement, ça vous transforme. C'est lent.

  • Speaker #0

    Est-ce que là, maintenant, tu te sens à ta place, à la fois dans ton rôle de philosophe et dans le lieu ? dans lesquelles tu es ?

  • Speaker #1

    Alors, le truc, c'est que je suis un philosophe qui ait trouvé une place hors de l'institution. Ça veut dire, j'aurais pu devenir, d'ailleurs, certains de mes amis ont eu ce parcours, j'aurais pu faire un parcours de prof, et ensuite essayer d'intégrer l'ENS comme prof, et puis ensuite devenir directeur du département de philo. Mais moi, mon implication dans ce lieu, elle n'est pas du tout du côté de l'institution. Je ne voulais pas faire carrière. Je voulais être philosophe. Et en fait, on s'est aperçu assez rapidement que personne ne sait ce que ça veut dire. Et c'est là où ça devient intéressant, c'est-à-dire, ah bon, si personne ne sait, je vais contribuer à le définir. Et ça, c'est très fascinant de se dire, bon, en fait, on est totalement dans l'inconnu et on peut faire ce qu'on veut. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un philosophe qui, moi, m'intéresse ? Et quel est le philosophe que j'aimerais devenir ? Et ça, ça m'oriente. Et là aussi, être ici... C'est une sorte de point de repère, parce que, bon, voilà, ici, c'est quand même du savoir assez institutionnalisé. J'y suis accueilli. Pour moi, c'est un point de repère. Et puis, j'invente des formes qui, peut-être, ne sont pas exactement celles de l'institution. J'ai écrit des livres de philo qui étaient sous forme de romans. J'ai écrit des essais où il n'y avait pas de bibliographie, pas de notes de bas de page. J'ai fait des choses qui ne se font pas ici. Les gens qui travaillent ici ne font pas ça, en général. Et en même temps... C'est comme une famille pour moi, c'est ma famille. Je viens d'une famille, alors ma famille, ma famille réelle de 100, n'est pas du tout universitaire. J'ai grandi à Nice, c'est une famille petite bourgeoise, relativement modeste, qui n'a pas des formations, qui n'a pas un background universitaire du tout. En revanche, ici j'ai trouvé une famille intellectuelle, et même si je suis un peu le vilain petit canard, celui qui a un peu quitté le bateau, qui est plus institutionnalisé, etc. je ne les ai pas reniés. Eux, ils ne me renient pas. Et je suis comme un cousin éloigné de la famille qui fait autre chose.

  • Speaker #0

    Et donc, tu parlais de ta famille personnelle. Est-ce que justement, la philosophie est rentrée aussi dans ta famille par ton biais, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que mes parents et ma sœur font l'effort de lire mes livres. Et c'est un vrai effort parce qu'ils ne sont pas tous faciles. Mais je pense qu'on est un peu toujours en dialogue avec sa propre famille, même à distance. J'en parle d'autant plus volontiers que mon prochain essai, qui sort en janvier 2025, va s'appeler « Parler avec sa mère » . Et j'ai trouvé que c'était un point d'entrée très intéressant pour parler d'écologie. Parce que s'il y a un système dont tout le monde est familier, c'est le système familial. Donc quand on parle d'écologie, on parle de systèmes biologiques très compliqués, qu'on ne maîtrise pas tous, le cycle de l'eau, etc. Il y a des choses très complexes. Si vous voulez comprendre l'écologie, repartons de votre maman. Et à partir de là, on redéploie les choses. Donc ça m'intéresse en fait la famille comme une expérience qu'on a tous plus ou moins, qui est plus ou moins heureuse, plus ou moins malheureuse, qui peut être tragique, mais qui dans tous les cas est ce à partir de quoi on va prendre notre départ. En fait la famille c'est un point de départ auquel on revient régulièrement, on est en dialogue régulièrement, qu'on le veuille ou non, avec ces entités-là, qu'on a appelées... Un père, une mère, quand on a eu les deux, on peut avoir eu deux papas, etc. Mais quoi qu'il en soit, il y a des fonctions maternelles ou des fonctions paternelles qui se sont exercées sur nous, avec lesquelles on est en permanence en dialogue. Donc, dans mon travail philosophique, ça a un rôle parce que peut-être que le fait que j'ai envie de parler à un plus grand nombre vient du fait que je ne viens pas d'une famille universitaire. Et donc, d'une certaine manière, j'ai envie de ne pas perdre le lien avec ma famille biologique, ma famille de mon enfance. Et en même temps, je pense que c'est le cas de tout le monde. C'est-à-dire même quand on a rejeté sa famille, même quand on en a souffert, de toute façon, le dialogue va continuer avec, comme je le disais, les fonctions maternelles ou les fonctions paternelles. Et donc ça aussi, ça anime une vie.

  • Speaker #0

    Tu parles de l'écologie, justement, c'est un sujet aussi qui te tient à cœur.

  • Speaker #1

    C'est un sujet qui me tient à cœur, que j'ai tardé à aborder parce que...

  • Speaker #0

    Qu'arrive ma...

  • Speaker #1

    En fait, moi, je viens de l'éthique. Ça veut dire que ce qui m'a d'abord intéressé... Mon parcours, c'est le suivant. En tant que jeune étudiant, je me suis intéressé de manière très académique à un philosophe pour l'étudier. Ce philosophe, c'était Spinoza. À partir de Spinoza, j'ai commencé à travailler différemment. J'ai écrit un roman pour raconter sa vie, mais c'est un roman vrai où tout est sourcé. Ça s'appelle Le clan Spinoza. Et à partir de ce livre, j'ai commencé à développer ma propre théorie des interactions, justement parce que j'avais étudié comment Spinoza et ses copains réfléchissaient ensemble. Et donc, à partir de là... je suis vraiment entré dans mon éthique à moi, ça veut dire comment je théorise les comportements humains. Et à partir de cette notion d'éthique, je suis en train d'arriver à une autre échelle qui est, bon, alors les comportements humains, on ne peut pas les isoler d'un contexte beaucoup plus vaste, notamment des non-humains. Et tout à l'heure, je parlais de la famille. Quand je dis ma famille, toi, tu as peut-être entendu mon papa, ma maman, ma sœur. Ouais, ouais, mais ma famille, ce n'est pas comme ça. Ma famille, j'ai grandi à Nice, ça veut dire ma famille, c'est la Méditerranée. Nous on allait régulièrement en montagne, ça veut dire ma famille c'est les Alpes, ça veut dire que les vautours c'est ma famille, ça veut dire que la réintroduction des loups, ça touche à ma famille, etc. Donc quand on commence à comprendre que justement même des questions qu'on se posait strictement entre humains, aujourd'hui doivent être étendues et on doit se dire par exemple mon rapport à ma mère c'est pas seulement ma petite maman humaine. C'est peut-être beaucoup plus, en fait, parce qu'il y a beaucoup plus qui ont eu des fonctions maternelles. Et si je parle de la Méditerranée, par exemple, dans quelle mesure est-ce que la Méditerranée, elle remplit des fonctions maternelles ? Là, j'y étais il n'y a pas longtemps. Elle me porte. Quand vous êtes dans l'eau, l'eau vous porte. Il faut y réfléchir parce que ce n'est pas rien, ça. Parce que votre corps, il s'en souvient de ce que c'est qu'être porté. Et Donald Winnicott, qui est un des grands pédiatres et psychanalystes du XXe siècle, il a fait la théorie de ces gestes-là parce qu'en fait, quand le nourrisson est tout petit, Ces gestes, ils ont un impact sur son psychisme. S'il y a des gestes qui sont très mal faits et que le nourrisson est trop secoué, il va y avoir des séquelles psychiques. Donc, quand on dit l'écologie, on pense tout de suite les animaux, voire des animaux lointains, etc. Attendez, l'écologie, c'est la pensée d'un système. C'est se penser à l'intérieur d'un système. Et donc, il y a plein d'entrées dedans. Et donc, moi, je suis rentré dans l'écologie à partir de ces... problèmes humains très pratiques comme vous comme tu sais je j'ai écrit des bouquins qui partent de problèmes simples y en a un qui s'appelle que faire des cons il y en a un autre qui s'appelle se vouloir du bien et se faire du mal philosophie de la dispute c'est des sujets qui ont l'air petit et qui ensuite s'ouvre à mesure que je réfléchis dessus et donc on part dans une théorie de la liberté dans la dispute on part sur des trucs des théories de l'état la théorie politique dans que faire des cons Et j'aime bien faire ça, donc parler avec sa mère c'est la même chose, ça veut dire on part de la maman et puis progressivement on arrive à ce que ça peut vouloir dire, une terre-mère, etc. Et voilà, c'est cet état d'esprit-là que... En étant partie de cette famille niçoise relativement modeste, puis en arrivant dans cette institution relativement prestigieuse, et puis en ayant envie... de faire de la philosophie qui serve, c'est-à-dire qui transforme, et qui transforme ce à qui je m'adresse, que j'en suis arrivé là où j'en suis.

  • Speaker #0

    Dans ton parcours, on sent toujours cette notion de liberté d'être toi, en tout cas, quoi qu'il en soit, tu étais resté toujours celui que tu étais au fond, avec ce que tu avais envie de faire, de ce que tu avais envie d'être, quitte à ce que justement dans les institutions ou dans la philosophie, tu apportes une nouveauté, un souffle. Être fidèle à celui que tu es.

  • Speaker #1

    C'est vrai, mais je voudrais dire une chose importante. C'est que la liberté, c'est l'ignorance. Ça veut dire qu'il faut accepter de ne pas savoir qui on est. Et il faut aller trouver, il faut chercher, il faut se mettre en quête, mais pas en se disant « je veux découvrir qui je suis » , plutôt en se disant « bon, je suis conscient ou consciente que je ne sais pas qui je suis » . Par contre, j'aimerais peut-être être ceci ou cela. Et ce que je vais chercher, c'est le chemin pour le devenir. Et je crois que c'est important parce que ça redynamise un peu notre rapport à nous-mêmes. Ça veut dire, au lieu de chercher une identité fixe, chercher des chemins du devenir. Ça, je pense que c'est, à mon avis, la chose la plus importante. Ce n'est pas très agréable parce qu'on est toujours dans le doute, on se trompe, on fait demi-tour, on pleure. On quitte, on est quitté, parce que là on a parlé d'un parcours professionnel, mais aujourd'hui nos parcours professionnels, on ne peut pas non plus les définir quand même tout seul, parce que sans ça on se retrouve tout seul, ou toute seule. Donc, c'est difficile aussi de partir à l'étranger et puis vous êtes en couple et le couple, il explose parce que ce n'était pas forcément le projet de l'autre. Il y a plein de choses qui remettront en question la personne que vous croyez être. Et ce que j'essaie de dire quand on réfléchit sur la liberté, c'est que être libre, pratiquer la liberté, c'est justement accepter. de lâcher l'identité qu'on s'était donnée au profit du chemin du devenir. La question, ce n'est pas qui vous êtes. La question, c'est à partir de maintenant, au point où on en est, qu'est-ce que vous voulez devenir et quel est le chemin pour y arriver ? Parce que maintenant, c'est là qu'il faut aller.

  • Speaker #0

    Et justement, sur ton chemin, tu en es où là actuellement ?

  • Speaker #1

    Sur mon chemin, j'ai l'impression que je suis dans une posture... excitante parce que je commence à pouvoir faire ce que j'ai envie de faire. Ça veut dire, il passe un truc par la tête. Tu le fais. Je le fais, je vais voir mon éditrice, je lui dis j'aurais envie de faire un livre comme ça. D'ailleurs, Que Faire des Coins l'avait dit, bah non. On vient de t'installer comme un philosophe sérieux, mais en même temps capable d'écrire Le Clan Spinoza, qui est un livre très accessible et tout. Là, tu me parles d'un mot d'argot dans un titre, non. Et je lui dis, mais si, tu vas voir ... J'écris la première partie du livre, je lui renvoie et elle me dit peut-être qu'on peut le faire. C'est là aussi où la liberté, ce n'est pas qu'individuel. La liberté, c'est d'avoir autour de soi des partenaires. J'ai commencé en parlant du contexte, du terreau dans lequel on se développe, mais ce n'est pas un terreau comme ça, neutre. C'est des gens en fait. Et donc avoir des alliés. Là, j'ai parlé de mon éditrice parce que pour un écrivain, c'est vraiment très important d'avoir un rapport avec. un éditeur ou une éditrice qui est fort. Donc moi, j'ai cette chance-là d'avoir Maxime Catroux avec moi. Et puis, on s'appelle tous les deux Maxime. Donc, il y a un truc. Voilà, c'est sûr qu'on était fait l'un pour l'autre. Et dans quelle que soit la profession qu'on a, quels que soient les projets qu'on a, je crois que cette idée de faire équipe, en fait. Alors, parfois, c'est ponctuel. C'est-à-dire, on fait équipe sur un projet. Puis après, c'est fini. Et puis, parfois, on fait équipe sur une vie. C'est le cas surtout des amis, en fait. Aujourd'hui, c'est moins nos aimés, nos amours qui nous accompagnent toute une vie que nos amis. Voilà, je crois que là, il y a un truc. Pour moi, c'est vraiment important. J'ai des copains qui sont justement qui sont restés à Nice, qui vivent toujours à Nice, mais qui me suivent, qui ne sont pas impressionnés par la notoriété ou par quoi que ce soit d'autre. Ils sont on se connaît depuis toujours. Donc on se parle, on se parle cœur à cœur. Et donc moi, j'en suis là. J'en suis à un point où je continue d'exercer ma liberté. mais avec de plus en plus de monde qui se sentent libres avec moi. Et ça, c'est très excitant parce que du coup, on peut inventer des choses folles. Ça, c'est très chouette.

  • Speaker #0

    Dans ce chemin et dans ta vie, il y a eu, alors tu l'as un petit peu évoqué tout à l'heure, un prof qui avait été important. Est-ce qu'il y a des personnes justement qui sont, ou des événements qui sont clés comme ça et qui reviennent à toi en te disant, ok, ça m'a permis de construire la personne que je suis maintenant ? d'être tout ce qu'on vient d'expliquer sur ce chemin et sur qui tu es. Est-ce que là, spontanément, il y a des personnes ou des événements qui te reviennent et que tu aurais envie de nous partager ?

  • Speaker #1

    Plein. Je vais juste, avant de rentrer dans le détail, je voudrais insister sur le fait qu'on peut raconter sa vie de mille manières et qu'on le fait, nous tous, régulièrement en changeant le mode de récit. En gros, tu peux soit raconter ta vie en rapportant tout à toi et en disant c'est mon mérite personnel. On dirait que ça, c'est le modèle Macron. Ça veut dire tout est grâce à moi, c'est mes qualités, je suis un génie, j'ai un destin, etc. Et je crois en moi. En réalité, on fait tous un peu ça de temps en temps.

  • Speaker #0

    De temps en temps, il y a un côté.

  • Speaker #1

    Il y a un côté, on s'attribue à soi, ses propres réussites. Et après tout, de temps en temps, ça fait du bien. Bon, il y a un autre modèle qui est, je dirais, le côté que du hasard. Ça veut dire non, mais moi, j'ai eu de la chance. Voilà, j'ai rencontré un tel, j'ai rencontré une telle. Et puis finalement, c'est grâce à eux que je suis devenu ce que ça n'aurait pas été possible sans eux. Ce modèle un peu, je dirais, désarticulé, désorganisé, qui fait la part belle au hasard, il a sa légitimité aussi. C'est vrai. En fait, c'est vrai que par exemple... Ici à l'école, j'ai rencontré... J'étais là à une époque où il y avait des gens incroyables, d'une grande audace. Je vais y revenir tout à l'heure. Donc si je ne les avais pas rencontrés, ça n'aurait pas été possible. Et puis après, on peut dire au fond, c'était un destin. Et puis voilà, par exemple, moi tout petit, j'aimais écrire. On me l'a toujours prédit. Au lycée, on savait que j'étais hors normes. Après je suis arrivé en prépa, il y avait un prof qui disait « Je sais toujours qui deviendra écrivain. » Et dans votre promotion, c'est Maxime Robert. Et je veux dire, moi, j'avais 17 ans. Qu'est-ce qu'il me raconte ? Ouais, enfin, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    En plus ou moins, parce que tu avais quand même ce truc. Ouais,

  • Speaker #1

    mais donc, voilà. Et là, tu peux le surinvestir en disant, c'était écrit du départ. C'est ce que fait Sartre dans les mots. Voilà, le mec, il raconte que, bah oui, depuis toujours, c'était écrit. Il allait devenir écrivain. Et ce récit, je pourrais faire le même. J'y crois pas trop. Moi, ce que je voudrais te proposer et te partager, c'est plutôt... quelque chose de dépersonnalisé. Parce que toutes ces manières de raconter, c'est beaucoup centré sur les personnes humaines. Et moi, je crois que la vie humaine, elle n'est pas faite par des personnes, elle est faite par des entités beaucoup plus petites, que j'appelle des interactions. Mais tu pourrais les appeler des faits, tu peux les appeler comme tu veux en fait. Mais techniquement, ce sont des interactions dans lesquelles ce n'est pas seulement les individus qui agissent, mais il y a des échanges qui ont un sens particulier. Et je vais t'en raconter deux qui sont vraiment très étranges. Au moment de ma scolarité, moi j'ai fait une pause et je suis parti en voyage. Quand je suis revenu de voyage, je suis allé voir ma tutrice, parce qu'ici on a des tuteurs, il y a un prof qui va s'occuper particulièrement d'un élève ou d'une étudiante. Et donc moi j'avais une tutrice. Et je rentre et je lui dis, je ne sais plus où j'en suis, est-ce que je vais faire de la philo, est-ce que je vais faire de l'histoire de l'art, est-ce que je vais faire... Je revenais d'Amazonie et j'avais été troublé par mes rencontres avec les Indiens. C'était passionnant. Elle me regarde et elle me dit ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est-à-dire, vous savez, Maxime, il faut que vous repartiez en voyage et ne revenez dans mon bureau que lorsque vous saurez. Au revoir. Merci. Donc, ça, c'est un truc incroyable.

  • Speaker #0

    C'est incroyable.

  • Speaker #1

    Incroyable. Donc, moi, j'étais étudiant. Je me dis, ah bon, c'est bizarre. Et donc, je vais voir la directrice des études. En me disant, c'est pas possible, ma tutrice est folle, j'ai besoin d'avoir quelqu'un qui a les pieds sur terre. Donc je vais voir la directrice des études en lui disant, je reviens de voyage, je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus si je veux faire de la philosophie ou faire autre chose, de l'anthropologie.

  • Speaker #0

    Je pense à l'anthropo-médiat.

  • Speaker #1

    Elle me dit, ça vous tombez bien parce que j'ai une amie en Sibérie qui vend une yourte. Et alors là, ça pourrait vraiment vous intéresser. Je vais vous noter son numéro. Et ben voilà. N'hésitez pas à l'appeler. Elle a une yourte à vendre. Merci Maxime, au revoir. Alors là, ces deux échanges ont été cruciaux dans ma vie parce que réellement, j'ai repris un avion. À l'époque, on voyageait en avion sans trop se poser de questions aussi parce que le trafic aérien n'était pas aussi important qu'aujourd'hui. Et j'ai repris mon voyage poussé par ces deux voix qui m'avaient dit, t'es venu nous demander conseil. on n'a pas d'autre conseil à te donner que de continuer ta quête avec le courage qui est le tien c'est à dire tu te jettes dans le vide mais n'attend pas qu'on te rattrape ou qu'on te récupère et ça évidemment ça a été déterminant comme tu comprends c'est bien sûr il fallait qu'il y ait des personnes qui aient ces audaces là surtout quand tu es formateur c'est à dire dire à quelqu'un oui il faut oser dire et oser dire ça c'était formidable et après il fallait suivre c'est à dire il fallait oser embrasser cette liberté qu'on m'offrait. Enfin, on m'offrait... Encore une fois, il faut avoir les moyens. Se gérer, en tout cas. Tout ça, c'est compliqué. Je ne dis pas que c'est facile et que la liberté, il n'y a qu'à la saisir. Mais si tu n'as pas les moyens de le faire parce que tu n'as pas de sous, alors trouve-toi les moyens de gagner des sous et après, tu auras surmonté ce premier obstacle. Et ainsi de suite. Encore une fois, je ne dis pas que c'est facile. Je dis que... La difficulté, c'est le chemin. Et que c'est dans le chemin que se définit ta liberté à toi. Donc, si moi j'ai eu une chance dans ma vie, c'est pas d'avoir eu une vocation depuis que je suis tout petit, c'est pas seulement d'avoir rencontré des personnes qui m'ont aidé, c'est pas seulement un destin qui... C'est pas mes qualités personnelles non plus, c'est le fait d'avoir été emporté dans des mouvements... que j'ai accepté de suivre en fait. Tout en les dirigeant, c'est pour ça que j'aime bien l'image de la navigation. C'est-à-dire, on ne décide pas du temps qu'il fait. quand on est en mer, s'il y a une tempête, il y a une tempête, s'il fait beau, il fait beau, s'il n'y a pas de vent et qu'on ne peut pas avancer, il n'y a pas de vent. En revanche, c'est quand même toi qui as un truc à naviguer. Tu as un bateau, tu as un corps et tu as un bateau qui est sous ta responsabilité, donc il faut que tu avances. Donc c'est dans ce dialogue entre, disons, le monde extérieur, les circonstances, les hasards, les rencontres et tout, est-ce que toi, tu peux faire de ta liberté ? que se joue vraiment ton devenir, ton destin. En tout cas, c'est le sentiment que j'ai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu peux nous donner ta définition d'agir ? Pour toi, ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Agir, c'est transformer quelque chose à l'extérieur de soi. Et j'ajoute autre chose, pour que ce soit gratifiant, il faut que ça transforme en retour quelque chose à l'intérieur. Une action qui est réussie, c'est une action qui a peut-être de l'effet à l'extérieur, mais qui a surtout une rétroaction vers l'intérieur. Moi j'attends de tout ce que je fais que ça me transforme vers le mieux. Alors ça veut dire quoi le mieux ? Ça dépend. Quand j'ai faim, ça veut dire que je n'aurai plus faim. Quand j'ai soif, ça veut dire que j'éteins ma toile.

  • Speaker #0

    Basique, mais nécessaire.

  • Speaker #1

    Voilà. Et il y a des moments où c'est beaucoup plus compliqué. Par exemple, notre besoin de reconnaissance, notre besoin d'amour, ce sont des demandes beaucoup plus compliquées à satisfaire. Mais la question de l'action, c'est, disons, modifier des choses, favoriser des transformations, pour que ces transformations nous transforment à leur tour.

  • Speaker #0

    Et justement, ça regroupe un peu ma question, enfin, qu'elle est venue, mais c'est effectivement des gens, des personnes qui peuvent nous écouter là et qui se disent justement qu'elles arrivent, elles se posent encore des questions sur cette action, de devenir acteur plus de sa vie ou d'agir. Et qu'est-ce que toi, tu aurais un conseil ou est-ce que tu aurais des choses à dire pour essayer justement de trouver ce chemin, essayer de trouver ce recul aussi, d'essayer de voir l'ensemble ?

  • Speaker #1

    Moi, je dirais Baby Steps. Ça veut dire, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, qu'on soit vraiment paumé, perdu, exclu, comme certains élèves avec lesquels j'ai travaillé. Il est indispensable de trouver la petite ouverture vers le mieux. Ce n'est pas un mieux qui va tout de suite... transformer votre vie et ça y est c'est la grande réussite et tout à l'américaine parce que c'est pas comme ça que ça fonctionne dans la réalité dans la réalité c'est pas c'est pas quand on vous parle de rêve réaliser vos rêves et tout vous laissez pas avoir par des charlatans souvenez vous de pinocchio pinocchio il se fait emporter par un cirque qui va l'exploiter ça c'est vraiment les marchands de rêve vous êtes presque sûr que en fait c'est à vous qu'ils en ont après vous donc moi ce que je dirais c'est Qu'on soit dans la merde ou qu'on soit déjà dans une bonne position, qu'on ait des envies modestes ou qu'on ait de grandes ambitions, le principe est le même. Il s'agit de toujours envisager la première étape qui doit être toute petite. Et puis ensuite, la deuxième étape, elle va être aussi petite. Et la troisième étape, progressivement, elles vont vous rapprocher du but, exactement comme en montagne, au lieu de regarder les sommets et de vous dire « Mais on n'arrivera jamais là ! » Juste vous suivez le chemin, un pas après l'autre. Et cette notion d'un pas après l'autre, je pense que c'est ce qui m'a orienté, qui m'a donné de la patience, parce que justement, parti un peu comme une comète, très vite, à sauter des classes, à rentrer à l'ENS, etc. Il y avait un côté prestige dans lequel j'ai vu d'ailleurs d'autres, soit de mes camarades, soit de mes élèves quand j'ai été prof. se brûler les ailes parce qu'après on se dit ah ouais je suis quelqu'un et puis on publie son premier roman à 25 ans et vous êtes dans tous les journaux parce que... et puis en fait progressivement la courbe redescend. Et je trouve que dans une vie c'est pas très agréable ou très confortable d'avoir une montée et ensuite une redescente. Pourquoi ne pas organiser sa vie plutôt en pente lente et ascendante où vous vous dites bon je voudrais... Peut-être ça, mais on va y aller petit à petit, parce que comme ça, vous faites les choses à votre rythme. C'est-à-dire que vous évitez de vous livrer au hasard de l'extérieur. Et progressivement, si vous êtes dans, par exemple, si vous êtes dans une profession qui ne vous plaît pas. Petit à petit, vous allez pouvoir vous reconvertir en faisant les pas adéquats. C'est très important parce que quand vous êtes dans la banque ou dans l'assurance ou dans des métiers dans les télécoms et que vous vous dites « bon, la planète est en train de brûler, je ne peux pas continuer à bosser dans ces métiers-là, il faut que j'agisse » , vous ne le ferez pas du jour au lendemain. Par contre, progressivement, il y a des leviers, des étapes qui, comme je disais tout à l'heure, vont vous transformer. Il faut toujours vous dire que lorsque vous avez un projet, à chaque étape, vous ne vous rapprocherez pas indemne de votre but. À chaque étape, c'est vous qui vous transformez. C'est là où l'adaptation du conte de Montecristo est ratée, parce que ce qu'ils ont raté, c'est la transformation du héros. Le héros est transformé au cours de son apprentissage. Et donc cette lenteur, qui est celle de lire un livre, entre parenthèses, de plusieurs centaines de pages, C'est la même que dans la vie. Donc, vous n'avez pas le temps de lire et vous allez voir le film, vous n'apprendrez pas autant. Et donc, encore une fois...

  • Speaker #0

    Réapprendre la lenteur, de ne pas être trop impatient, parce que souvent, on vise tout de suite.

  • Speaker #1

    Alors, c'est trop marrant que moi, je me retrouve à donner des leçons de patience, alors que vraiment, je suis quelqu'un qui est connu pour son impatience.

  • Speaker #0

    On apprend de ça. Oui,

  • Speaker #1

    justement. Peut-être que c'est parce que moi, je ne l'avais pas au départ que je peux en témoigner et que je peux te dire...

  • Speaker #0

    Que c'est une clé,

  • Speaker #1

    quoi. Que c'est une clé, parce que sans ça, tu t'enrages ou tu désespères ou tu passes par plein d'émotions qui ne sont pas utiles, qui te font souffrir. Alors qu'en fait, si tu sais que le déploiement d'une vie humaine, c'est végétal, qu'un végétal, ça ne pousse pas en tirant dessus. Ça pousse parce qu'on lui apporte de la lumière et de l'eau et qu'il trouvera tout seul dans la terre de quoi pousser. En fait, il faut avoir cette confiance-là en soi. Quand on dit confiance en soi, on s'imagine à nouveau un truc. Moi, j'ai des qualités. Moi, je suis fort. Je suis forte. Je suis génial. Et donc, je vais y arriver. Non, mais non, mais ce n'est pas ça du tout, la confiance en soi. La confiance en soi, c'est avoir confiance dans le caractère végétal de l'humain. Donc, laissez pousser. C'est votre désir. Ça va pousser. Ça va y arriver. Vous allez être comme un arbre qui... S'il est embarrassé par le béton, il pète le béton. S'il est embarrassé par des pierres, il pousse les pierres. S'il est embarrassé par un poteau, il bouffe le poteau, il grandit autour. Mais pas du jour au lendemain. Et je crois, aujourd'hui, j'ajoute autre chose, c'est qu'aujourd'hui, pour moi, cette confiance en soi, comme vous comprenez, c'est pas que soi. Ça veut dire que j'ai confiance pas en moi, Maxime, parce que je suis génial et tout. J'ai confiance dans la capacité de l'homme que je suis devenu à trouver un contexte où d'autres gens, des femmes, des hommes, des animaux, des contextes, des climats, vont me permettre de m'épanouir et de vivre la vie que je désire et de faire les choses que je désire. Cette confiance-là, elle n'a pas vraiment d'objet. C'est une confiance en soi, en les autres, en le monde, en la vie. Encore une fois, on ne peut l'avoir que si on est un... petit peu patient et que cette patience s'articule a quand même une certaine détermination, ça veut dire il ne faut pas lâcher non plus j'ai confiance, je ferme les yeux, je me laisse porter parce que ça ne marchera pas non plus mais j'ai confiance, je pousse c'est ça le truc, je pousse mon arbre

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Maxime, on va rester sur ces derniers mots c'était très sympa,

  • Speaker #1

    merci beaucoup Merci à toi Émilie

Description

Dans cet épisode d'Elles Agissent, je reçois Maxime Rovere, philosophe et auteur.


Maxime partage avec nous son parcours marqué par des expériences audacieuses et des rencontres déterminantes qui l'ont mené à explorer des approches non conventionnelles de la pensée et de l'écriture.


Depuis ses débuts tumultueux à l'école, où il oscillait entre un comportement problématique et des résultats académiques brillants, jusqu'à sa découverte passionnée de la philosophie à travers des figures emblématiques, Maxime nous raconte comment il a forgé son identité en dehors des normes et des institutions.


Enregistré dans l'enceinte symbolique de l'École Normale Supérieure, lieu de savoir et de liberté intellectuelle, cet épisode explore comment Maxime a su rester fidèle à sa quête de liberté intérieure tout en repoussant les frontières de la pensée.


Il nous invite à réfléchir sur le rôle de l'environnement dans notre épanouissement personnel et sur l'importance de trouver sa place, même lorsqu'elle semble être en dehors des sentiers battus.


Enfin, il aborde des thèmes universels tels que l'écologie, la famille, et la liberté, en mettant en lumière l'importance des petits pas et de la patience dans la construction de soi.


Une conversation inspirante qui résonne comme un appel à agir, à transformer notre quotidien et à accepter la lenteur du processus de croissance.


Philosophe, auteur et traducteur, Maxime Rovere s’est imposé dans le monde intellectuel grâce à sa vision novatrice et accessible de la philosophie. Titulaire de diplômes prestigieux et ancien élève de l’École Normale Supérieure, il a enrichi sa réflexion à travers des expériences académiques et personnelles variées. Maxime a traduit des œuvres majeures, notamment celles de Virginia Woolf et Spinoza, et a enseigné dans divers contextes, en France comme à l'étranger, ce qui lui a permis de tisser un lien unique entre la théorie et la pratique philosophique.


En tant qu'auteur, il est connu pour des ouvrages tels que Le Clan Spinoza, un roman historique qui retrace la vie du célèbre philosophe avec précision et créativité, et Que faire des cons ?, un essai provocateur qui interroge nos relations sociales et le vivre-ensemble. Ses publications s’étendent également à des essais philosophiques comme Se vouloir du bien et se faire du mal, où il explore la dynamique des relations humaines à travers la notion de dispute. Son prochain livre, Parler avec sa mère, attendu en janvier 2025, s'annonce comme une réflexion novatrice sur l'écologie, entremêlant des concepts personnels et universels autour de la famille et des systèmes relationnels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Maxime.

  • Speaker #1

    Bonjour Minnie.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elles Agissent. Je suis ravie. Pour commencer, est-ce que tu veux bien te présenter de la manière dont tu souhaites ? Nous dire qui tu es personnellement, professionnellement ? Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur toi ?

  • Speaker #1

    Alors, je m'appelle Maxime Rover, je suis philosophe. Ça veut dire que je fais plusieurs choses. D'abord, je réfléchis tout seul dans mon coin. Surtout, je parle à toutes sortes de publics. Je fais des ateliers avec des tout-petits. Ça veut dire collège, mais aussi plus grand lycée, mais aussi des interventions dans les universités et aussi auprès d'autres publics privés ou d'État. Donc ça signifie que pour moi, la philosophie, ce n'est pas seulement le fait d'être un écrivain ou un traducteur. J'ai traduit beaucoup de livres de Virginia Woolf, d'Edith Wharton, de Spinoza principalement, et j'en ai encore plein. réserve mais mon métier c'est de faire de la philosophie quelle que soit la forme qu'elle peut prendre et justement en allant explorer les formes qu'elle peut prendre.

  • Speaker #0

    Et la philosophie a toujours fait partie de ta vie ou elle arrivait à un moment donné ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu avec l'école quand j'étais jeune homme un rapport très conflictuel donc j'ai été viré de mon lycée il y avait des profs que j'adorais il y a des profs que je détestais j'avais des notes exceptionnellement élevées et un comportement exceptionnellement problématiques. Donc, en fait, ça s'est passé par coup de cœur. Ça veut dire, en terminale, j'ai eu un coup de cœur pour un prof de latin et j'ai pensé, je vais faire des lettres classiques. En hippocampe, j'ai eu un coup de cœur pour mon prof de lettres modernes. Je me suis dit, non, je vais faire des lettres modernes. Et ensuite, je suis tombé sur André Pessel, qui était un prof de philo absolument mythique. Et à partir de cette rencontre-là, j'ai décidé que j'allais consacrer ma vie à la philo.

  • Speaker #0

    Et l'école, ça marchait mieux ? Le cadre école ? te convenait mieux une fois que tu avais trouvé ce qui te plaisait ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. En revanche, en intégrant l'école normale supérieure, j'ai rencontré des gens qui avaient la même conception de ce que c'est que passer du savoir et fabriquer du savoir que celle que j'avais depuis que j'étais tout petit. C'est-à-dire quelque chose de très libre, quelque chose où il faut inventer, quelque chose où il ne faut surtout pas écouter ce qu'on te dit, mais trouver d'autres manières d'arriver à un point qui t'intéresse. Et quand j'ai été dans ce contexte-là avec des profs de cette qualité-là, à la fois j'étais très soulagé d'avoir enfin trouvé des gens à qui parler et aussi très désespéré de me dire j'aurais voulu que ça, on me le dise plus tôt et surtout qu'on le dise à tout le monde.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est ce que j'étais en train de penser parce que je me dis toi, tu t'es accroché ou en tout cas tu as trouvé une fibre pour te motiver et continuer quelque part à étudier et à t'épanouir justement dans ces apprentissages. Du coup, ça montre aussi que, bon, déjà, l'école n'est pas faite pour tout le monde, on le sait, mais voilà, qu'il peut y avoir des pertes, en fait.

  • Speaker #1

    Énormément. En fait, par le haut, par le bas, par le côté, c'est-à-dire quand vous êtes trop bon à l'école, vous en souffrez. Quand vous avez des difficultés, vous en souffrez. Quand vous êtes hors normes, vous en souffrez. Donc, c'est une vraie question que je me suis posée dans un essai que j'ai écrit qui s'appelle l'école de la vie, de savoir comment repenser l'enseignement et l'apprentissage pour changer ces normes-là.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Tu as choisi ce lieu, enfin en tout cas, est-ce que tu peux nous dire où on est en train d'enregistrer cet épisode et quelle est l'importance de ce lieu pour toi ?

  • Speaker #1

    Ouais, du coup je t'ai donné rendez-vous ici donc à l'ENS, à Normalsup rue d'Ulm, parce que c'est un endroit qui est considéré comme ça, comme un lieu d'élite et tout, mais en vérité ça ne devrait pas avoir cette image. Normalsup c'est un endroit où on fabrique du savoir, comme j'ai dit tout à l'heure, d'une manière finalement assez libre. Il y a plein de conférences ici qui sont ouvertes au public. Pour moi, ce lieu a eu une importance capitale puisque, comme je l'ai dit, j'ai beaucoup souffert à l'école jusqu'à rentrer ici et du coup avoir des gens qui me disaient « Travaillez moins, voyagez. Allez vous ouvrir l'esprit. Maintenant, il va falloir penser autrement. Maintenant, il va falloir inventer votre propre chemin. » Et quand je revenais et que j'avais des doutes, on me renvoyait à mes doutes en disant « Ah, vous ne savez toujours pas ? Eh bien, repartez en voyage et ne revenez me voir que lorsque vous saurez. » Cet endroit est devenu pour moi une sorte de point de repère dans ma vie. J'ai habité à l'étranger, j'ai enseigné au Brésil, j'ai appris puis j'ai oublié des langues. Et toujours je suis revenu ici dans cette cour qui est un endroit tout calme avec des arbres, avec un petit bassin, où en fait il y a quelque chose qui est végétal en fait, c'est-à-dire qui pousse en moi grâce à ce petit jardin, parce qu'autour il y a un environnement favorable. Et je crois que quand on cherche à s'épanouir, et qu'on sent qu'on n'est pas dans l'environnement favorable, c'est la première chose à faire. Pas de se culpabiliser, pas de faire des efforts, mais plutôt de chercher l'environnement, de chercher la terre dans laquelle votre végétal va pouvoir pousser.

  • Speaker #0

    C'est joli.

  • Speaker #1

    C'est important. Surtout, c'est lent. C'est peut-être joli, mais dans le vécu d'un humain, ça prend un tout petit peu plus de temps que ce qu'on imagine. Ça veut dire qu'il va falloir que vous alliez trouver un contexte et que vous attendiez que ce contexte fasse des effets et que progressivement, ça vous transforme. C'est lent.

  • Speaker #0

    Est-ce que là, maintenant, tu te sens à ta place, à la fois dans ton rôle de philosophe et dans le lieu ? dans lesquelles tu es ?

  • Speaker #1

    Alors, le truc, c'est que je suis un philosophe qui ait trouvé une place hors de l'institution. Ça veut dire, j'aurais pu devenir, d'ailleurs, certains de mes amis ont eu ce parcours, j'aurais pu faire un parcours de prof, et ensuite essayer d'intégrer l'ENS comme prof, et puis ensuite devenir directeur du département de philo. Mais moi, mon implication dans ce lieu, elle n'est pas du tout du côté de l'institution. Je ne voulais pas faire carrière. Je voulais être philosophe. Et en fait, on s'est aperçu assez rapidement que personne ne sait ce que ça veut dire. Et c'est là où ça devient intéressant, c'est-à-dire, ah bon, si personne ne sait, je vais contribuer à le définir. Et ça, c'est très fascinant de se dire, bon, en fait, on est totalement dans l'inconnu et on peut faire ce qu'on veut. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un philosophe qui, moi, m'intéresse ? Et quel est le philosophe que j'aimerais devenir ? Et ça, ça m'oriente. Et là aussi, être ici... C'est une sorte de point de repère, parce que, bon, voilà, ici, c'est quand même du savoir assez institutionnalisé. J'y suis accueilli. Pour moi, c'est un point de repère. Et puis, j'invente des formes qui, peut-être, ne sont pas exactement celles de l'institution. J'ai écrit des livres de philo qui étaient sous forme de romans. J'ai écrit des essais où il n'y avait pas de bibliographie, pas de notes de bas de page. J'ai fait des choses qui ne se font pas ici. Les gens qui travaillent ici ne font pas ça, en général. Et en même temps... C'est comme une famille pour moi, c'est ma famille. Je viens d'une famille, alors ma famille, ma famille réelle de 100, n'est pas du tout universitaire. J'ai grandi à Nice, c'est une famille petite bourgeoise, relativement modeste, qui n'a pas des formations, qui n'a pas un background universitaire du tout. En revanche, ici j'ai trouvé une famille intellectuelle, et même si je suis un peu le vilain petit canard, celui qui a un peu quitté le bateau, qui est plus institutionnalisé, etc. je ne les ai pas reniés. Eux, ils ne me renient pas. Et je suis comme un cousin éloigné de la famille qui fait autre chose.

  • Speaker #0

    Et donc, tu parlais de ta famille personnelle. Est-ce que justement, la philosophie est rentrée aussi dans ta famille par ton biais, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que mes parents et ma sœur font l'effort de lire mes livres. Et c'est un vrai effort parce qu'ils ne sont pas tous faciles. Mais je pense qu'on est un peu toujours en dialogue avec sa propre famille, même à distance. J'en parle d'autant plus volontiers que mon prochain essai, qui sort en janvier 2025, va s'appeler « Parler avec sa mère » . Et j'ai trouvé que c'était un point d'entrée très intéressant pour parler d'écologie. Parce que s'il y a un système dont tout le monde est familier, c'est le système familial. Donc quand on parle d'écologie, on parle de systèmes biologiques très compliqués, qu'on ne maîtrise pas tous, le cycle de l'eau, etc. Il y a des choses très complexes. Si vous voulez comprendre l'écologie, repartons de votre maman. Et à partir de là, on redéploie les choses. Donc ça m'intéresse en fait la famille comme une expérience qu'on a tous plus ou moins, qui est plus ou moins heureuse, plus ou moins malheureuse, qui peut être tragique, mais qui dans tous les cas est ce à partir de quoi on va prendre notre départ. En fait la famille c'est un point de départ auquel on revient régulièrement, on est en dialogue régulièrement, qu'on le veuille ou non, avec ces entités-là, qu'on a appelées... Un père, une mère, quand on a eu les deux, on peut avoir eu deux papas, etc. Mais quoi qu'il en soit, il y a des fonctions maternelles ou des fonctions paternelles qui se sont exercées sur nous, avec lesquelles on est en permanence en dialogue. Donc, dans mon travail philosophique, ça a un rôle parce que peut-être que le fait que j'ai envie de parler à un plus grand nombre vient du fait que je ne viens pas d'une famille universitaire. Et donc, d'une certaine manière, j'ai envie de ne pas perdre le lien avec ma famille biologique, ma famille de mon enfance. Et en même temps, je pense que c'est le cas de tout le monde. C'est-à-dire même quand on a rejeté sa famille, même quand on en a souffert, de toute façon, le dialogue va continuer avec, comme je le disais, les fonctions maternelles ou les fonctions paternelles. Et donc ça aussi, ça anime une vie.

  • Speaker #0

    Tu parles de l'écologie, justement, c'est un sujet aussi qui te tient à cœur.

  • Speaker #1

    C'est un sujet qui me tient à cœur, que j'ai tardé à aborder parce que...

  • Speaker #0

    Qu'arrive ma...

  • Speaker #1

    En fait, moi, je viens de l'éthique. Ça veut dire que ce qui m'a d'abord intéressé... Mon parcours, c'est le suivant. En tant que jeune étudiant, je me suis intéressé de manière très académique à un philosophe pour l'étudier. Ce philosophe, c'était Spinoza. À partir de Spinoza, j'ai commencé à travailler différemment. J'ai écrit un roman pour raconter sa vie, mais c'est un roman vrai où tout est sourcé. Ça s'appelle Le clan Spinoza. Et à partir de ce livre, j'ai commencé à développer ma propre théorie des interactions, justement parce que j'avais étudié comment Spinoza et ses copains réfléchissaient ensemble. Et donc, à partir de là... je suis vraiment entré dans mon éthique à moi, ça veut dire comment je théorise les comportements humains. Et à partir de cette notion d'éthique, je suis en train d'arriver à une autre échelle qui est, bon, alors les comportements humains, on ne peut pas les isoler d'un contexte beaucoup plus vaste, notamment des non-humains. Et tout à l'heure, je parlais de la famille. Quand je dis ma famille, toi, tu as peut-être entendu mon papa, ma maman, ma sœur. Ouais, ouais, mais ma famille, ce n'est pas comme ça. Ma famille, j'ai grandi à Nice, ça veut dire ma famille, c'est la Méditerranée. Nous on allait régulièrement en montagne, ça veut dire ma famille c'est les Alpes, ça veut dire que les vautours c'est ma famille, ça veut dire que la réintroduction des loups, ça touche à ma famille, etc. Donc quand on commence à comprendre que justement même des questions qu'on se posait strictement entre humains, aujourd'hui doivent être étendues et on doit se dire par exemple mon rapport à ma mère c'est pas seulement ma petite maman humaine. C'est peut-être beaucoup plus, en fait, parce qu'il y a beaucoup plus qui ont eu des fonctions maternelles. Et si je parle de la Méditerranée, par exemple, dans quelle mesure est-ce que la Méditerranée, elle remplit des fonctions maternelles ? Là, j'y étais il n'y a pas longtemps. Elle me porte. Quand vous êtes dans l'eau, l'eau vous porte. Il faut y réfléchir parce que ce n'est pas rien, ça. Parce que votre corps, il s'en souvient de ce que c'est qu'être porté. Et Donald Winnicott, qui est un des grands pédiatres et psychanalystes du XXe siècle, il a fait la théorie de ces gestes-là parce qu'en fait, quand le nourrisson est tout petit, Ces gestes, ils ont un impact sur son psychisme. S'il y a des gestes qui sont très mal faits et que le nourrisson est trop secoué, il va y avoir des séquelles psychiques. Donc, quand on dit l'écologie, on pense tout de suite les animaux, voire des animaux lointains, etc. Attendez, l'écologie, c'est la pensée d'un système. C'est se penser à l'intérieur d'un système. Et donc, il y a plein d'entrées dedans. Et donc, moi, je suis rentré dans l'écologie à partir de ces... problèmes humains très pratiques comme vous comme tu sais je j'ai écrit des bouquins qui partent de problèmes simples y en a un qui s'appelle que faire des cons il y en a un autre qui s'appelle se vouloir du bien et se faire du mal philosophie de la dispute c'est des sujets qui ont l'air petit et qui ensuite s'ouvre à mesure que je réfléchis dessus et donc on part dans une théorie de la liberté dans la dispute on part sur des trucs des théories de l'état la théorie politique dans que faire des cons Et j'aime bien faire ça, donc parler avec sa mère c'est la même chose, ça veut dire on part de la maman et puis progressivement on arrive à ce que ça peut vouloir dire, une terre-mère, etc. Et voilà, c'est cet état d'esprit-là que... En étant partie de cette famille niçoise relativement modeste, puis en arrivant dans cette institution relativement prestigieuse, et puis en ayant envie... de faire de la philosophie qui serve, c'est-à-dire qui transforme, et qui transforme ce à qui je m'adresse, que j'en suis arrivé là où j'en suis.

  • Speaker #0

    Dans ton parcours, on sent toujours cette notion de liberté d'être toi, en tout cas, quoi qu'il en soit, tu étais resté toujours celui que tu étais au fond, avec ce que tu avais envie de faire, de ce que tu avais envie d'être, quitte à ce que justement dans les institutions ou dans la philosophie, tu apportes une nouveauté, un souffle. Être fidèle à celui que tu es.

  • Speaker #1

    C'est vrai, mais je voudrais dire une chose importante. C'est que la liberté, c'est l'ignorance. Ça veut dire qu'il faut accepter de ne pas savoir qui on est. Et il faut aller trouver, il faut chercher, il faut se mettre en quête, mais pas en se disant « je veux découvrir qui je suis » , plutôt en se disant « bon, je suis conscient ou consciente que je ne sais pas qui je suis » . Par contre, j'aimerais peut-être être ceci ou cela. Et ce que je vais chercher, c'est le chemin pour le devenir. Et je crois que c'est important parce que ça redynamise un peu notre rapport à nous-mêmes. Ça veut dire, au lieu de chercher une identité fixe, chercher des chemins du devenir. Ça, je pense que c'est, à mon avis, la chose la plus importante. Ce n'est pas très agréable parce qu'on est toujours dans le doute, on se trompe, on fait demi-tour, on pleure. On quitte, on est quitté, parce que là on a parlé d'un parcours professionnel, mais aujourd'hui nos parcours professionnels, on ne peut pas non plus les définir quand même tout seul, parce que sans ça on se retrouve tout seul, ou toute seule. Donc, c'est difficile aussi de partir à l'étranger et puis vous êtes en couple et le couple, il explose parce que ce n'était pas forcément le projet de l'autre. Il y a plein de choses qui remettront en question la personne que vous croyez être. Et ce que j'essaie de dire quand on réfléchit sur la liberté, c'est que être libre, pratiquer la liberté, c'est justement accepter. de lâcher l'identité qu'on s'était donnée au profit du chemin du devenir. La question, ce n'est pas qui vous êtes. La question, c'est à partir de maintenant, au point où on en est, qu'est-ce que vous voulez devenir et quel est le chemin pour y arriver ? Parce que maintenant, c'est là qu'il faut aller.

  • Speaker #0

    Et justement, sur ton chemin, tu en es où là actuellement ?

  • Speaker #1

    Sur mon chemin, j'ai l'impression que je suis dans une posture... excitante parce que je commence à pouvoir faire ce que j'ai envie de faire. Ça veut dire, il passe un truc par la tête. Tu le fais. Je le fais, je vais voir mon éditrice, je lui dis j'aurais envie de faire un livre comme ça. D'ailleurs, Que Faire des Coins l'avait dit, bah non. On vient de t'installer comme un philosophe sérieux, mais en même temps capable d'écrire Le Clan Spinoza, qui est un livre très accessible et tout. Là, tu me parles d'un mot d'argot dans un titre, non. Et je lui dis, mais si, tu vas voir ... J'écris la première partie du livre, je lui renvoie et elle me dit peut-être qu'on peut le faire. C'est là aussi où la liberté, ce n'est pas qu'individuel. La liberté, c'est d'avoir autour de soi des partenaires. J'ai commencé en parlant du contexte, du terreau dans lequel on se développe, mais ce n'est pas un terreau comme ça, neutre. C'est des gens en fait. Et donc avoir des alliés. Là, j'ai parlé de mon éditrice parce que pour un écrivain, c'est vraiment très important d'avoir un rapport avec. un éditeur ou une éditrice qui est fort. Donc moi, j'ai cette chance-là d'avoir Maxime Catroux avec moi. Et puis, on s'appelle tous les deux Maxime. Donc, il y a un truc. Voilà, c'est sûr qu'on était fait l'un pour l'autre. Et dans quelle que soit la profession qu'on a, quels que soient les projets qu'on a, je crois que cette idée de faire équipe, en fait. Alors, parfois, c'est ponctuel. C'est-à-dire, on fait équipe sur un projet. Puis après, c'est fini. Et puis, parfois, on fait équipe sur une vie. C'est le cas surtout des amis, en fait. Aujourd'hui, c'est moins nos aimés, nos amours qui nous accompagnent toute une vie que nos amis. Voilà, je crois que là, il y a un truc. Pour moi, c'est vraiment important. J'ai des copains qui sont justement qui sont restés à Nice, qui vivent toujours à Nice, mais qui me suivent, qui ne sont pas impressionnés par la notoriété ou par quoi que ce soit d'autre. Ils sont on se connaît depuis toujours. Donc on se parle, on se parle cœur à cœur. Et donc moi, j'en suis là. J'en suis à un point où je continue d'exercer ma liberté. mais avec de plus en plus de monde qui se sentent libres avec moi. Et ça, c'est très excitant parce que du coup, on peut inventer des choses folles. Ça, c'est très chouette.

  • Speaker #0

    Dans ce chemin et dans ta vie, il y a eu, alors tu l'as un petit peu évoqué tout à l'heure, un prof qui avait été important. Est-ce qu'il y a des personnes justement qui sont, ou des événements qui sont clés comme ça et qui reviennent à toi en te disant, ok, ça m'a permis de construire la personne que je suis maintenant ? d'être tout ce qu'on vient d'expliquer sur ce chemin et sur qui tu es. Est-ce que là, spontanément, il y a des personnes ou des événements qui te reviennent et que tu aurais envie de nous partager ?

  • Speaker #1

    Plein. Je vais juste, avant de rentrer dans le détail, je voudrais insister sur le fait qu'on peut raconter sa vie de mille manières et qu'on le fait, nous tous, régulièrement en changeant le mode de récit. En gros, tu peux soit raconter ta vie en rapportant tout à toi et en disant c'est mon mérite personnel. On dirait que ça, c'est le modèle Macron. Ça veut dire tout est grâce à moi, c'est mes qualités, je suis un génie, j'ai un destin, etc. Et je crois en moi. En réalité, on fait tous un peu ça de temps en temps.

  • Speaker #0

    De temps en temps, il y a un côté.

  • Speaker #1

    Il y a un côté, on s'attribue à soi, ses propres réussites. Et après tout, de temps en temps, ça fait du bien. Bon, il y a un autre modèle qui est, je dirais, le côté que du hasard. Ça veut dire non, mais moi, j'ai eu de la chance. Voilà, j'ai rencontré un tel, j'ai rencontré une telle. Et puis finalement, c'est grâce à eux que je suis devenu ce que ça n'aurait pas été possible sans eux. Ce modèle un peu, je dirais, désarticulé, désorganisé, qui fait la part belle au hasard, il a sa légitimité aussi. C'est vrai. En fait, c'est vrai que par exemple... Ici à l'école, j'ai rencontré... J'étais là à une époque où il y avait des gens incroyables, d'une grande audace. Je vais y revenir tout à l'heure. Donc si je ne les avais pas rencontrés, ça n'aurait pas été possible. Et puis après, on peut dire au fond, c'était un destin. Et puis voilà, par exemple, moi tout petit, j'aimais écrire. On me l'a toujours prédit. Au lycée, on savait que j'étais hors normes. Après je suis arrivé en prépa, il y avait un prof qui disait « Je sais toujours qui deviendra écrivain. » Et dans votre promotion, c'est Maxime Robert. Et je veux dire, moi, j'avais 17 ans. Qu'est-ce qu'il me raconte ? Ouais, enfin, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    En plus ou moins, parce que tu avais quand même ce truc. Ouais,

  • Speaker #1

    mais donc, voilà. Et là, tu peux le surinvestir en disant, c'était écrit du départ. C'est ce que fait Sartre dans les mots. Voilà, le mec, il raconte que, bah oui, depuis toujours, c'était écrit. Il allait devenir écrivain. Et ce récit, je pourrais faire le même. J'y crois pas trop. Moi, ce que je voudrais te proposer et te partager, c'est plutôt... quelque chose de dépersonnalisé. Parce que toutes ces manières de raconter, c'est beaucoup centré sur les personnes humaines. Et moi, je crois que la vie humaine, elle n'est pas faite par des personnes, elle est faite par des entités beaucoup plus petites, que j'appelle des interactions. Mais tu pourrais les appeler des faits, tu peux les appeler comme tu veux en fait. Mais techniquement, ce sont des interactions dans lesquelles ce n'est pas seulement les individus qui agissent, mais il y a des échanges qui ont un sens particulier. Et je vais t'en raconter deux qui sont vraiment très étranges. Au moment de ma scolarité, moi j'ai fait une pause et je suis parti en voyage. Quand je suis revenu de voyage, je suis allé voir ma tutrice, parce qu'ici on a des tuteurs, il y a un prof qui va s'occuper particulièrement d'un élève ou d'une étudiante. Et donc moi j'avais une tutrice. Et je rentre et je lui dis, je ne sais plus où j'en suis, est-ce que je vais faire de la philo, est-ce que je vais faire de l'histoire de l'art, est-ce que je vais faire... Je revenais d'Amazonie et j'avais été troublé par mes rencontres avec les Indiens. C'était passionnant. Elle me regarde et elle me dit ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est-à-dire, vous savez, Maxime, il faut que vous repartiez en voyage et ne revenez dans mon bureau que lorsque vous saurez. Au revoir. Merci. Donc, ça, c'est un truc incroyable.

  • Speaker #0

    C'est incroyable.

  • Speaker #1

    Incroyable. Donc, moi, j'étais étudiant. Je me dis, ah bon, c'est bizarre. Et donc, je vais voir la directrice des études. En me disant, c'est pas possible, ma tutrice est folle, j'ai besoin d'avoir quelqu'un qui a les pieds sur terre. Donc je vais voir la directrice des études en lui disant, je reviens de voyage, je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus si je veux faire de la philosophie ou faire autre chose, de l'anthropologie.

  • Speaker #0

    Je pense à l'anthropo-médiat.

  • Speaker #1

    Elle me dit, ça vous tombez bien parce que j'ai une amie en Sibérie qui vend une yourte. Et alors là, ça pourrait vraiment vous intéresser. Je vais vous noter son numéro. Et ben voilà. N'hésitez pas à l'appeler. Elle a une yourte à vendre. Merci Maxime, au revoir. Alors là, ces deux échanges ont été cruciaux dans ma vie parce que réellement, j'ai repris un avion. À l'époque, on voyageait en avion sans trop se poser de questions aussi parce que le trafic aérien n'était pas aussi important qu'aujourd'hui. Et j'ai repris mon voyage poussé par ces deux voix qui m'avaient dit, t'es venu nous demander conseil. on n'a pas d'autre conseil à te donner que de continuer ta quête avec le courage qui est le tien c'est à dire tu te jettes dans le vide mais n'attend pas qu'on te rattrape ou qu'on te récupère et ça évidemment ça a été déterminant comme tu comprends c'est bien sûr il fallait qu'il y ait des personnes qui aient ces audaces là surtout quand tu es formateur c'est à dire dire à quelqu'un oui il faut oser dire et oser dire ça c'était formidable et après il fallait suivre c'est à dire il fallait oser embrasser cette liberté qu'on m'offrait. Enfin, on m'offrait... Encore une fois, il faut avoir les moyens. Se gérer, en tout cas. Tout ça, c'est compliqué. Je ne dis pas que c'est facile et que la liberté, il n'y a qu'à la saisir. Mais si tu n'as pas les moyens de le faire parce que tu n'as pas de sous, alors trouve-toi les moyens de gagner des sous et après, tu auras surmonté ce premier obstacle. Et ainsi de suite. Encore une fois, je ne dis pas que c'est facile. Je dis que... La difficulté, c'est le chemin. Et que c'est dans le chemin que se définit ta liberté à toi. Donc, si moi j'ai eu une chance dans ma vie, c'est pas d'avoir eu une vocation depuis que je suis tout petit, c'est pas seulement d'avoir rencontré des personnes qui m'ont aidé, c'est pas seulement un destin qui... C'est pas mes qualités personnelles non plus, c'est le fait d'avoir été emporté dans des mouvements... que j'ai accepté de suivre en fait. Tout en les dirigeant, c'est pour ça que j'aime bien l'image de la navigation. C'est-à-dire, on ne décide pas du temps qu'il fait. quand on est en mer, s'il y a une tempête, il y a une tempête, s'il fait beau, il fait beau, s'il n'y a pas de vent et qu'on ne peut pas avancer, il n'y a pas de vent. En revanche, c'est quand même toi qui as un truc à naviguer. Tu as un bateau, tu as un corps et tu as un bateau qui est sous ta responsabilité, donc il faut que tu avances. Donc c'est dans ce dialogue entre, disons, le monde extérieur, les circonstances, les hasards, les rencontres et tout, est-ce que toi, tu peux faire de ta liberté ? que se joue vraiment ton devenir, ton destin. En tout cas, c'est le sentiment que j'ai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu peux nous donner ta définition d'agir ? Pour toi, ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Agir, c'est transformer quelque chose à l'extérieur de soi. Et j'ajoute autre chose, pour que ce soit gratifiant, il faut que ça transforme en retour quelque chose à l'intérieur. Une action qui est réussie, c'est une action qui a peut-être de l'effet à l'extérieur, mais qui a surtout une rétroaction vers l'intérieur. Moi j'attends de tout ce que je fais que ça me transforme vers le mieux. Alors ça veut dire quoi le mieux ? Ça dépend. Quand j'ai faim, ça veut dire que je n'aurai plus faim. Quand j'ai soif, ça veut dire que j'éteins ma toile.

  • Speaker #0

    Basique, mais nécessaire.

  • Speaker #1

    Voilà. Et il y a des moments où c'est beaucoup plus compliqué. Par exemple, notre besoin de reconnaissance, notre besoin d'amour, ce sont des demandes beaucoup plus compliquées à satisfaire. Mais la question de l'action, c'est, disons, modifier des choses, favoriser des transformations, pour que ces transformations nous transforment à leur tour.

  • Speaker #0

    Et justement, ça regroupe un peu ma question, enfin, qu'elle est venue, mais c'est effectivement des gens, des personnes qui peuvent nous écouter là et qui se disent justement qu'elles arrivent, elles se posent encore des questions sur cette action, de devenir acteur plus de sa vie ou d'agir. Et qu'est-ce que toi, tu aurais un conseil ou est-ce que tu aurais des choses à dire pour essayer justement de trouver ce chemin, essayer de trouver ce recul aussi, d'essayer de voir l'ensemble ?

  • Speaker #1

    Moi, je dirais Baby Steps. Ça veut dire, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, qu'on soit vraiment paumé, perdu, exclu, comme certains élèves avec lesquels j'ai travaillé. Il est indispensable de trouver la petite ouverture vers le mieux. Ce n'est pas un mieux qui va tout de suite... transformer votre vie et ça y est c'est la grande réussite et tout à l'américaine parce que c'est pas comme ça que ça fonctionne dans la réalité dans la réalité c'est pas c'est pas quand on vous parle de rêve réaliser vos rêves et tout vous laissez pas avoir par des charlatans souvenez vous de pinocchio pinocchio il se fait emporter par un cirque qui va l'exploiter ça c'est vraiment les marchands de rêve vous êtes presque sûr que en fait c'est à vous qu'ils en ont après vous donc moi ce que je dirais c'est Qu'on soit dans la merde ou qu'on soit déjà dans une bonne position, qu'on ait des envies modestes ou qu'on ait de grandes ambitions, le principe est le même. Il s'agit de toujours envisager la première étape qui doit être toute petite. Et puis ensuite, la deuxième étape, elle va être aussi petite. Et la troisième étape, progressivement, elles vont vous rapprocher du but, exactement comme en montagne, au lieu de regarder les sommets et de vous dire « Mais on n'arrivera jamais là ! » Juste vous suivez le chemin, un pas après l'autre. Et cette notion d'un pas après l'autre, je pense que c'est ce qui m'a orienté, qui m'a donné de la patience, parce que justement, parti un peu comme une comète, très vite, à sauter des classes, à rentrer à l'ENS, etc. Il y avait un côté prestige dans lequel j'ai vu d'ailleurs d'autres, soit de mes camarades, soit de mes élèves quand j'ai été prof. se brûler les ailes parce qu'après on se dit ah ouais je suis quelqu'un et puis on publie son premier roman à 25 ans et vous êtes dans tous les journaux parce que... et puis en fait progressivement la courbe redescend. Et je trouve que dans une vie c'est pas très agréable ou très confortable d'avoir une montée et ensuite une redescente. Pourquoi ne pas organiser sa vie plutôt en pente lente et ascendante où vous vous dites bon je voudrais... Peut-être ça, mais on va y aller petit à petit, parce que comme ça, vous faites les choses à votre rythme. C'est-à-dire que vous évitez de vous livrer au hasard de l'extérieur. Et progressivement, si vous êtes dans, par exemple, si vous êtes dans une profession qui ne vous plaît pas. Petit à petit, vous allez pouvoir vous reconvertir en faisant les pas adéquats. C'est très important parce que quand vous êtes dans la banque ou dans l'assurance ou dans des métiers dans les télécoms et que vous vous dites « bon, la planète est en train de brûler, je ne peux pas continuer à bosser dans ces métiers-là, il faut que j'agisse » , vous ne le ferez pas du jour au lendemain. Par contre, progressivement, il y a des leviers, des étapes qui, comme je disais tout à l'heure, vont vous transformer. Il faut toujours vous dire que lorsque vous avez un projet, à chaque étape, vous ne vous rapprocherez pas indemne de votre but. À chaque étape, c'est vous qui vous transformez. C'est là où l'adaptation du conte de Montecristo est ratée, parce que ce qu'ils ont raté, c'est la transformation du héros. Le héros est transformé au cours de son apprentissage. Et donc cette lenteur, qui est celle de lire un livre, entre parenthèses, de plusieurs centaines de pages, C'est la même que dans la vie. Donc, vous n'avez pas le temps de lire et vous allez voir le film, vous n'apprendrez pas autant. Et donc, encore une fois...

  • Speaker #0

    Réapprendre la lenteur, de ne pas être trop impatient, parce que souvent, on vise tout de suite.

  • Speaker #1

    Alors, c'est trop marrant que moi, je me retrouve à donner des leçons de patience, alors que vraiment, je suis quelqu'un qui est connu pour son impatience.

  • Speaker #0

    On apprend de ça. Oui,

  • Speaker #1

    justement. Peut-être que c'est parce que moi, je ne l'avais pas au départ que je peux en témoigner et que je peux te dire...

  • Speaker #0

    Que c'est une clé,

  • Speaker #1

    quoi. Que c'est une clé, parce que sans ça, tu t'enrages ou tu désespères ou tu passes par plein d'émotions qui ne sont pas utiles, qui te font souffrir. Alors qu'en fait, si tu sais que le déploiement d'une vie humaine, c'est végétal, qu'un végétal, ça ne pousse pas en tirant dessus. Ça pousse parce qu'on lui apporte de la lumière et de l'eau et qu'il trouvera tout seul dans la terre de quoi pousser. En fait, il faut avoir cette confiance-là en soi. Quand on dit confiance en soi, on s'imagine à nouveau un truc. Moi, j'ai des qualités. Moi, je suis fort. Je suis forte. Je suis génial. Et donc, je vais y arriver. Non, mais non, mais ce n'est pas ça du tout, la confiance en soi. La confiance en soi, c'est avoir confiance dans le caractère végétal de l'humain. Donc, laissez pousser. C'est votre désir. Ça va pousser. Ça va y arriver. Vous allez être comme un arbre qui... S'il est embarrassé par le béton, il pète le béton. S'il est embarrassé par des pierres, il pousse les pierres. S'il est embarrassé par un poteau, il bouffe le poteau, il grandit autour. Mais pas du jour au lendemain. Et je crois, aujourd'hui, j'ajoute autre chose, c'est qu'aujourd'hui, pour moi, cette confiance en soi, comme vous comprenez, c'est pas que soi. Ça veut dire que j'ai confiance pas en moi, Maxime, parce que je suis génial et tout. J'ai confiance dans la capacité de l'homme que je suis devenu à trouver un contexte où d'autres gens, des femmes, des hommes, des animaux, des contextes, des climats, vont me permettre de m'épanouir et de vivre la vie que je désire et de faire les choses que je désire. Cette confiance-là, elle n'a pas vraiment d'objet. C'est une confiance en soi, en les autres, en le monde, en la vie. Encore une fois, on ne peut l'avoir que si on est un... petit peu patient et que cette patience s'articule a quand même une certaine détermination, ça veut dire il ne faut pas lâcher non plus j'ai confiance, je ferme les yeux, je me laisse porter parce que ça ne marchera pas non plus mais j'ai confiance, je pousse c'est ça le truc, je pousse mon arbre

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Maxime, on va rester sur ces derniers mots c'était très sympa,

  • Speaker #1

    merci beaucoup Merci à toi Émilie

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