- Speaker #0
Tout est agir. Je pense que j'ai tous sur la matière et sur le monde de faire mes brosses.
- Speaker #1
Agir, c'est aimer. Être soi, c'est agir. C'est pour ça qu'il ne faut jamais faire de concessions sur ce qu'on est. Jamais, jamais, jamais, jamais. Agir,
- Speaker #0
c'est mettre en œuvre une réflexion qui répond à un besoin sociétal.
- Speaker #1
Il faut y aller. On s'en fout, on casse tout, on y va, on rêve grand. En 15 ans, nous nous sommes vues deux fois avec Romina. La première, lorsqu'on était toutes les deux au... test dans l'événementiel. On revenait d'une mission commune et lors de nos trajets plutôt longs, durs retours, on avait parlé de nos études sociologie pour moi et anthropologie pour elle. J'ai remarqué tout de suite son engagement, sa détermination, son art, sa force. Et cette conversation m'a marquée car elle suivait une journée où on nous avait rien demandé d'autre que de nous taire et aussi de sourire. C'était marrant ce contraste entre le silence de notre journée et ce dialogue intense, fort. Entre le rien et les théories sous-so-anthropologiques dans le bus. Et puis j'ai continué de suivre Romina sur les réseaux, de contempler son art, son savoir, ses mises à nu, ses scénographies pleines de silence qui reflètent en réalité une vraie réflexion anthropologique. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas interviewé Romina avant. Pourquoi elle arrive après trois ans du lancement d'Els Agis, après près de 100 interviews ? Je sais juste que nous nous sommes revus. La deuxième fois de notre vie donc, et que nous avons reparlé de son art, de son engagement, de son travail, de sa détermination. Mais cette fois, je lui ai tendu mon micro. Ça aurait été bien trop égoïste de ma part de garder cette conversation pour moi. Bonjour Romina.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Je suis ravie de t'accueillir dans Elles Agissent. Et surtout là, aujourd'hui, de m'accueillir toi dans ton atelier. Je suis vraiment très contente. Donc Romina, tu es anthropologue, artiste. performeuse. Son travail interroge de différentes manières notre rapport au corps, notamment parce que tu parles aussi, tu travailles aussi sur des sujets comme l'agroalimentaire, la biopolitique, on en parlera aussi dans cette interview. Tes performances sont souvent intenses, à la fois émotionnellement, physiquement et immersives. On est tout de suite pris dans tes performances. Elles nous confrontent aussi à des thèmes concrets, d'actualité, sociétaux. Tu permets de nous questionner aussi avec tes performances et tes créations. Donc dans cet épisode, j'aimerais qu'on retrace ensemble à la fois ton parcours, ton travail et qu'on plonge avec toi dans tout ce que tu lis, à la fois l'anthropologie, l'art, la performance et comment tout ça s'articule à la fois dans ta vie personnelle et dans ton travail. Et donc, pour commencer cet échange, j'avais envie qu'on parle de tes performances qui mettent en avant le corps. Et donc ton corps, qui est au centre d'une scène. parfois, au centre d'un mouvement, au centre d'un paysage ou d'un lieu aussi. Ton parcours est aussi unique, toi, avec ton propre corps, à la fois quand tu as commencé comme danseuse, quand tu as eu ton accident de scooter, et que, je pense, tu vas nous le dire, tu vas me le confirmer ou pas, redéfinir ton rapport avec ton propre corps, jusqu'à finir par l'intégrer pleinement dans ton art, finalement. Et même... L'intégrer complètement dans ton art et parfois même à nu. On voit là aussi une image de toi dans ton atelier où tu es nu et qu'on pourrait considérer comme vulnérable et je n'en ai pas forcément l'impression. Donc on va voir comment tu arrives à décliner tout ce rapport au corps. Donc comment, ma première question est la suivante, comment ce cheminement personnel à la fois entre la danse, l'accident, l'évolution en tant que femme aussi, mère, tu es mère aussi, puis jusqu'à l'expression artistique, à façonner. la manière dont tu utilises et tu vois le corps dans tes performances, notamment aujourd'hui.
- Speaker #0
Tout d'abord, merci de m'avoir invitée pour ce podcast. C'est un plaisir de te retrouver. Voilà, et de faire partie de ces femmes que tu sélectionnes pour ces belles rencontres et ces dialogues. Comme tu as bien résumé, mon travail se développe sous différentes formes. Mais c'est vrai que l'outil CORE est toujours au centre de mes recherches. Cet outil-là, c'est un instrument que j'ai dû réapprendre à faire fonctionner à plusieurs niveaux. et qui a été aussi la raison de plusieurs années, voire des décennies d'autocensure que je me suis imposée. La danse, j'ai pratiqué la danse et je suis diplômée comme danseuse d'opéra. Dans une période de ma vie où j'étais parallèlement victime de violences domestiques. Ces victimes-là étaient produites dans mon foyer, le foyer familial. Donc, en même temps que j'ai appris à avoir une confiance dans mon corps, parallèlement, je subissais une situation, je vivais dans un contexte familial très vulnérable et très violent. L'accident qui est arrivé plus tard, donc quand je m'étais déjà libérée au moins de la condition familiale, donc je m'étais isolée de ce contexte-là et je vivais toute seule, est arrivé de manière assez violente aussi, inattendue, parce que je n'étais pas responsable de cet accident. Et ça m'a permis, moi je vois tout. toutes ces expériences autour de mon corps comme des occasions. En fait, d'abord, l'expérience de la violence m'a permis de me connecter avec mon intimité, mon identité. J'ai dû refaire la paix à un âge encore très jeune. Voilà, j'avais 18 ans quand j'ai quitté le foyer, donc encore beaucoup d'immaturité sur plein de... plein de niveaux et en plus avec une expérience traumatique qui peut empêcher d'avoir une lucidité et une objectivité des faits. Donc j'ai dû trouver cette objectivité, j'ai dû travailler beaucoup sur moi. Il n'existait pas dans ces années-là des pratiques comme la sophrologie, des pratiques alternatives. Il n'y avait que la psychanalyse. Donc j'ai dû d'abord me reconnecter avec la personne que j'étais. L'accident m'a obligée à me reconnecter aussi au corps, un corps que je cachais aussi en quelque manière. Donc la performance arrive suite à cet accident, suite à cet autre soin que j'ai dû pratiquer sur mon corps, que c'était la marche, la déambulation, le fait de pouvoir remarcher correctement. Et donc ces décheminements qui ont été deux parcours. cours de marche, une marche antérieure, une marche de la mobilité, m'ont amené ensuite à quitter la danse et venir arriver à la performance où le corps devenait mon outil comme un pinceau pour l'artiste, le peintre ou voilà, tout l'appareil photographique pour un photographe devenait mon instrument. Un instrument que j'avais dû soigner, rééduquer.
- Speaker #1
Le réapproprier aussi, quelque part.
- Speaker #0
ou même découvrir, vraiment. C'était même pas une réappropriation. Si,
- Speaker #1
on t'a volé une partie.
- Speaker #0
Oui, voilà, donc à plusieurs niveaux. Du coup, ça a été la performance, pas… ça n'a pas été la performance, l'instrument de soin. La performance m'a permis d'intellectualiser tout ce que ce corps, cet objet, donc objet entendu comme outil. m'avait exposé à vivre en fait. Donc la performance a permis de transformer cet outil, de catharsiser en quelque manière cet outil à langage. C'est ça qui m'a permis ce travail-là. Ensuite, l'anthropologie arrive après parce que à la fois à travers mon accident qui était à Rome, et dont les dynamiques étaient assez, même celles du tribunal, étaient assez injustes et assez corrompues en quelque manière, je ne vais pas rentrer dans les détails, et aussi bien que l'éducation reçue d'une famille dysfonctionnelle mais aussi violente, je voulais comprendre tout ça dans un contexte culturel. pour sortir de l'autobiographie et pour comprendre ces troubles du comportement, pas seulement familial, en fait, familial, mais aussi sociétal, en fait, en contexte sociétal, vu que mon accident s'intégrait dans l'espace urbain et dans un espace sociétal. Comprendre pourquoi, dans certains territoires, dans certaines... Vu l'occurrence, moi je partais de ma réalité qui était celle romaine et napolitaine d'origine, familiale. Donc ce sud s'imposait aussi lourdement à la fois à l'éducation reçue. Et donc mon expérience corporelle était liée à ça et aussi l'accident subissait en quelque manière le moment de l'accident et le moment du jugement, une mentalité qui était liée à un contexte patriarcal du Sud où aussi le jugement a été porté de cette manière-là. Donc l'anthropologie m'a aidée à expliquer, voir plus clair là-dedans.
- Speaker #1
Et comment justement maintenant l'art et l'anthropologie s'entremêlent ? Et justement comment tu utilises l'anthropologie dans tes performances ?
- Speaker #0
L'anthropologie, je ne sais pas si j'utilise l'un ou l'autre.
- Speaker #1
C'est ça que je me demandais.
- Speaker #0
Tu nourrisses peut-être les deux. Surtout je suis la plus mauvaise des performeuses et la plus mauvaise des anthropologues, j'ai envie de dire, parce que je ne suis fidèle à rien en fait. Dans tout ce que je fais, je fais tout. Je mélange tellement que je suis peut-être la pire, j'ai voulu dire la plus mauvaise, parce que c'était aussi à travers le langage utiliser une forme vraiment mauvaise aussi au niveau du langage, c'est-à-dire que dans ma démarche il n'y a aucune règle finalement. J'ai appris des méthodologies de recherche, des méthodologies d'enquête bien évidemment, de l'ethnologie.
- Speaker #1
voilà je me positionne il y a de la légèreté j'ai l'impression aussi de la légèreté ? oui dans ta pratique comme tu dis je suis fidèle à rien je vois un peu voler entre les deux entre liberté de la liberté je dirais pas de la légèreté c'est pas malheureusement
- Speaker #0
quelque chose qui me caractérise je suis quelqu'un parfois plutôt lourde dans mes pensées et dans Et aussi dans les choses qui m'intéressent, c'est souvent... Et aussi la manière de les observer. Parfois, je ressens sortir de manière très naturelle un côté très moraliste dans mon observation, mais qui vient du patriarcat, qui vient de l'éducation subie et dont j'ai conscience. Et donc je n'adapte pas, je n'adopère pas, je ne m'en sers pas de ce moralisme, mais je le sens qui est là, qui est profond, qui est ce moralisme patriarcal, misogyne, qui est ce moralisme catholique, ce moralisme des cultures du Sud, qui fait partie de moi. Et j'essaie de m'éloigner tout le temps de ça, mais bien évidemment, je sens qu'il y a tout ça dans... Ce que j'ai appris comme valeur. Et c'est à tout ça que je m'oppose, bien évidemment. Donc la liberté m'aide à me sentir libre, justement, de sortir d'un moralisme. Donc je ne vis pas ça comme un abandon, mais je vis ça comme une transformation.
- Speaker #1
Et effectivement, tout ce que tu viens de dire, ça m'a vraiment fait penser à ce que Marcel Mauss... Parler des techniques du corps, où effectivement le corps est aussi le reflet de la culture, le résultat d'un façonnage, c'est exactement ce que tu expliques là et ce que tu envies dans ton émancipation. J'avais aussi entendu que tu parlais de ton travail comme une cause qui concerne la condition de la femme. C'est ce que tu reparles là pour toi, mais d'une manière générale, la condition des femmes. Et je me demandais justement en quelle mesure toi, comme tu viens de l'énoncer, femme napolitaine, avec tout ce qui a subi des maltraitances, des violences, etc. Qu'est-ce qui reste quelque part là maintenant de ce façonnage ? Et qu'est-ce qui reste encore, un peu comme l'expression de ton corps, de ce qui reste de ta culture en fait, de tout ce que tu viens de nous dire que tu avais travaillé pour cette émancipation, qu'est-ce qui reste ?
- Speaker #0
Alors, je disais tout à l'heure que ce n'est pas un abandon, mais c'est une transformation. Oui, c'est ça. Voilà, tout reste. Tout reste. Malheureusement, le traumatisme, la peur, les inquiétudes, tout, tout reste. Je ne vais pas changer de question, mais j'essaie de répondre différemment. Qu'est-ce qu'on en fait, c'est ça, de tout ce qui reste ? C'est sûr que tout reste. Moi j'ai des troubles de la mémoire, ça c'est sûr. Donc il y a des bouts de mon histoire que j'ai oublié complètement. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon enfance, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon adolescence. Et probablement ça m'a sauvée de ne pas avoir ces souvenirs-là. Mais il y a des séquelles. Mais si, bien sûr. Et puis ma famille est là, ma famille existe, elle est réelle. Les incompréhensions sont toujours là, le manque de dialogue. Donc même si j'ai oublié certains moments, même si mon scooter n'est plus là de mon accident, le jugement est là, les cicatrices sont là. Donc il y a des choses qui restent, bien évidemment, malgré... J'ai essayé de faire, voilà, de nettoyer, de balayer un peu dans ma mémoire, mais... Alors qu'est-ce que j'en fais de tout ça ? J'essaye aujourd'hui à la fois de l'analyser d'abord, à la fois de le colloquer dans un espace géopolitique précis. J'essaye de le transformer en œuvre, donc en geste, souvent poétique dans mon travail, malgré l'endurance, malgré des performances qui s'expriment dans un temps impossible à l'envisager. toujours des performances non violentes. Je ne pratique pas de l'automotilation, je ne parle jamais du corps de la femme comme quelque chose de... Je ne raconte jamais la violence subie à travers une performance qui est violente. Pour moi, il y a toujours cette relation avec le spectateur, avec le temps qui peut faire comprendre au spectateur qu'il y a de la violence là-dedans. Tout d'abord, la manière de me regarder, de regarder une femme qui se met en scène, qui se met à disposition du regard des spectateurs. Et puis, les thématiques choisies. Donc, j'essaie toujours de ne pas rester dans des thématiques qui touchent de très très près mon autobiographie. Ça ne m'intéresse pas de rester dans mon histoire parce que je ne veux pas alimenter ni une cause de victime que j'étais, bien évidemment. Mais ça ne m'intéresse pas aujourd'hui ce rôle-là. Et ça ne m'intéresse pas de transmettre ce message-là à d'autres femmes qui auraient vécu des choses similaires ou très différentes, mais violentes, pareilles que la mienne ou similaires à la mienne, ou d'autres histoires de violences que d'autres femmes et d'autres personnes, genres, etc., peuvent aussi subir. Il n'y a pas de comparaison à faire entre les violences, mais je n'ai pas envie de transmettre un message de victimisation, mais j'ai envie de transmettre un message de réussite, d'émancipation, d'une histoire qui reste, face à laquelle je me suis censurée pendant des années. Si aujourd'hui je parle français, c'est parce que j'avais besoin de changer de langue aussi pour parler librement de tout ça. Quand on s'est rencontrés, je ne pense pas t'avoir dit tout ça. Il y a 17 ans... Je n'osais pas parler de ça, ni de la violence, ni de l'accident. C'était quelque chose qui me faisait assez peur.
- Speaker #1
Il faut laisser le temps aussi.
- Speaker #0
J'ai dû changer de culture. Ça a été une autre culture. Et là aussi, l'anthropologie m'a aidée à comprendre que sortir de ma culture m'a aidée à l'analyser à travers aussi le prisme et le regard d'une culture proche, celle française, mais très différente quand même. Ça m'a beaucoup... pédé et voilà et puis l'ironie le cynisme surtout ça aujourd'hui mes performances deviennent de plus en plus cynique il ya toujours un regard du coup j'ai envie de dire pas supérieure mais du nord au sud je regarde mon histoire depuis paris depuis donc j'ai un regard colonisateur sur mon histoire en quelque manière j'ai un regard je porte un regard sur moi même c'est là Voilà, j'ai récolonisé en quelque manière mon histoire, mon vécu, mon corps. Et aujourd'hui, j'essaie de transmettre ce message-là à travers un mot que je viens de dire, de coloniser, que c'est absolument nocif. Mais que pour moi, sur mon histoire et sur mon corps, en étant moi-même actrice de cet espace de colonisation de mon corps, ça m'a aidée en fait. Donc c'est aussi... Les contre-rituels, je m'en sers de certains concepts, certaines urgences philosophiques, sociologiques et sociétales pour utiliser mon corps comme un territoire à transformer, à reconquérir. Et voilà, cette reconquête me permet aujourd'hui de me sentir, je dirais, palible. Ça, c'est impossible, mais en tout cas fière, en tout cas sûre de ce parcours d'émancipation.
- Speaker #1
Et la nudité, elle arrivait quand dans ton art ?
- Speaker #0
Elle arrivait après mon accident. Voilà, pas avant. Avant, justement, entre un corps qui avait des cicatrices parfois, des moments durs, qui subissait dans des moments de violence, ou alors des traces plutôt que des cicatrices, des marques. Donc, c'était honteux pour moi. J'ai couvré, j'ai utilisé du maquillage pour couvrir ça. Et en plus le fait d'avoir des cicatrices, j'ai dû réopérer à plusieurs niveaux pour reconstruire la peau. Bref, j'ai des cicatrices sur des cicatrices.
- Speaker #1
C'est lourd, un parcours lourd.
- Speaker #0
Voilà. En tout cas, c'était après cet accident, avec ma première performance qui a été produite plus ou moins en 2006, donc deux ans plus tard, et que j'ai présenté face au public entre 2006 et 2007. Voilà, donc ça m'a pris quand même deux ans. pour pouvoir me sentir libre de faire ça. Et ça a été pour moi une mise à nu, c'était pas la nudité, mais c'était déjà... ça servait à l'histoire. La première performance, c'est une histoire dont le corps était au centre. Voilà, donc c'était logique d'utiliser le corps dans sa nudité. Et surtout, c'était une mise à nu pour moi, une redécouverte aussi pour moi-même. d'un corps qui s'est senti libre, enfin, de s'exprimer. Donc, c'est important de le dire 20 ans plus tard, parce que quand j'ai fait ça la première fois, ce moralisme dont on parlait tout à l'heure était très profond et très présent. Et le fait de le faire, de le faire vraiment, de me mettre à nu, voilà, ça a été pour moi quelque chose qui, même pendant que j'ai réalisé ma performance, je me sentais, j'ai coupabilisé de le faire. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
- Speaker #1
C'est un vrai message, une réappropriation du corps, quand on voit à quel point le corps est actuellement un champ de bataille, d'idéologie et de ce que les femmes peuvent ou ne peuvent pas faire. Je pense rien qu'aux élections américaines qu'il y a eu récemment, l'instauration du droit d'avortement dans la Constitution, etc. Est-ce que... Peut-être que tes œuvres contribuent aussi à ça, contribuent à permettre à ce que les femmes se réapproprient leur corps dans toutes les dimensions qu'elles le souhaitent, en fait. Avec une amitié ou autre chose.
- Speaker #0
Ce n'est pas mon objectif d'être une influenceuse contemporaine ou une star.
- Speaker #1
Ça questionne. Le questionnement peut amener.
- Speaker #0
J'ai fait mon travail... De manière très sincère, donc avant de me sentir un modèle pour d'autres femmes, j'ai envie surtout de travailler avec d'autres femmes. Et pas d'être au service d'autres femmes, mais de m'inspirer d'autres femmes. Je regarde toujours à des femmes plus fortes que moi, avec une réussite plus importante que la mienne. Je regarde mes modèles, ce sont toujours des femmes qui ont beaucoup travaillé sur elles-mêmes. et qui porte un message encourageant, pas de pouvoir, mais encourageant d'une réussite d'abord personnelle. Donc ça, c'est des femmes qui m'inspirent.
- Speaker #1
Tes figures inspirantes ?
- Speaker #0
Oui, pas de figures, mais parcours. Ce n'est pas des icônes, c'est plutôt des parcours, c'est des cheminements, c'est une marche, c'est une promenade, c'est un déplacement. Ces femmes... qui m'inspire, ou en tout cas celle que moi j'essaie de vivre au quotidien avec moi-même, c'est une femme qui a encore beaucoup de chemin à faire. C'est pas, voilà, je me sens pas arriver quelque part et par ailleurs je n'ai pas d'objectif. Voilà, c'est un parcours, c'est quelque chose qui modifie la personne que je suis et le corps que je vis. se modifie aussi déjà dans le temps et aussi dans ses fonctionnalités, aussi dans sa manière de bouger. Donc tout change et c'est dans cette temporalité-là que... Oui, ce travail existe en fait. Je ne me suis jamais imaginée comme étant une icône pour d'autres femmes. Non, je n'ai pas cette envie-là en fait.
- Speaker #1
Oui, oui. Et tes performances peuvent durer des heures. Là, je parle d'un point de vue presque physique, mental. Il faut aussi avoir une certaine endurance. Tu parlais, j'avais entendu dire que tu disais que parfois c'est plus dur même après. où tu pouvais mettre jusqu'à 9 heures à t'en remettre physiquement. Comment on se prépare à ça aussi ?
- Speaker #0
Déjà, avant une performance, j'ai vu une des périodes les plus dépressives de ma vie à chaque fois. Et à chaque fois, c'est la période la plus dépressive de ma vie. C'est de plus en plus difficile pour moi de me dire… Ça travaille des choses ? Oui, ça travaille toujours des choses. Oui, donc je suis parfois, avant une performance, très triste. J'ai un sentiment de tristesse et de malinconie très présent. Après, j'explose dans ce moment d'endurance et de présence. C'est surtout ça, de concentration. Ce n'est même pas que physique, mais c'est une concentration. C'est ça,
- Speaker #1
le mental aussi. Oui,
- Speaker #0
je suis très présente. Je ne rentre pas en trance. Je n'aime même pas parler de ce sujet-là parce qu'il y a... trop de... Il y a une tendance trop présente aujourd'hui de raconter, théoriser la trans, l'interpréter. Moi, je suis une artiste très présente. Je ne suis pas en trans. Je ne suis pas dans un état autre. Je ne suis pas ni dans un état autre, ni dans un état d'abandon. Je suis... consciente, présente et actrice de ce que je suis en train de produire. Donc je suis la seule responsable de ce que je fais, de ce que je choisis de faire, et je le mène jusqu'au bout, je le maîtrise jusqu'au bout. Rien ne peut m'échapper de ce moment-là, ni les gens qui passent, que je les observe tous, ni ce qui se passe à moi-même. Et le lendemain, bien évidemment, Je suis de plus en plus fatiguée, parce que les années passent, et que le lendemain, je me sens très vidée, assez vidée. Je retrouve cette sensation de tristesse, un peu de dépression aussi, de déprime un peu, parce que c'est quand même un vidage total, et une fatigue aussi. osseuse, musculaire, voilà, qui va avec un effort, voilà, comme aussi des sportifs de haut niveau, des danseurs qui dansent sur scène, c'est bien récent tout ça.
- Speaker #1
Dans une de tes interviews, tu disais que la vie était ta source d'inspiration. Du coup, je me demandais si c'était une ode à la vie, une critique, une prise de hauteur que tu nous proposais.
- Speaker #0
C'est surtout une critique. Comme on a dit, je pars d'un moralisme qui m'a persécutée pendant des décennies. Et je viens d'une culture absolument moraliste, de plus en plus. En plus, les Italiens deviennent populistes aussi. Donc, on ne peut pas s'échapper de ça, malgré l'éducation reçue et l'éducation reçue aussi par les études, je vais dire, quand on vient d'un pays. Comme l'Italie, forcément, ces approches-là sont là, ces ressentis-là sont là. Donc la vie pour moi est toujours un terrain à améliorer, bien évidemment. Après, encore une fois, comment ? Alors voilà, moi je ne suis pas là pour... d'où le fait que je dis que je suis neuve. une anthropologue, une mauvaise anthropologue. Je me définis par ailleurs une anthropologue crip. Crip, c'est cripple, c'est les études. C'est les études de crip, c'est disons une sorte d'évolution, on va dire comme ça, des études sur la disabilité, sur le handicap. Et au croisement avec les études queer. Moi, je m'inspire beaucoup des études de crip. Je suis une anthropologue creep, une anthropologue handicapée en quelque sorte. Et donc j'observe cette vie-là avec ce regard-là, un regard différent, un regard tordu. Et je ne souhaite surtout pas le redresser, mais comprendre la direction du corps, du mouvement et de la vie et suivre cette tendance, cette direction, cette perspective et la meilleurer dans son éthique et sa relation à l'autre et à l'environnement. L'environnement pour moi aussi fait... partie des processus de création, l'espace autour, donc l'environnement pas seulement comme nature, mais aussi comme espace culturel en fait.
- Speaker #1
On est à quelques jours d'une performance et d'une exposition, la performance au Centre Pompidou. Comment tu te sens et est-ce que tu peux nous la présenter aussi, cette performance ?
- Speaker #0
La performance s'inscrit tout d'abord dans un forum que le Pompidou organise dédié à la biodiversité. Et la question posée est quelle culture pour quel futur ? Donc en quelque manière la culture, j'entends en tout cas moi de ce titre, aussi celle que nous produisons en tant qu'artiste. Donc j'ai voulu me positionner sur un aspect que je questionne depuis deux ans maintenant avec mon équipe et mes collègues de cet espace que j'ai créé de résidence dans l'épouille d'Homus. où nous observons des complications à l'état actuel et local, donc localisées là-bas, dans les puits du sud de l'Essalento, et dont on essaie de traiter ces problématiques-là, toujours à échelle d'abord méditerranéenne, mais aussi occidentale, bien évidemment. Et l'année dernière, donc l'été dernier plutôt, pas l'année dernière, mais la dernière édition, était dédiée à la tomate. La tomate qui voit en Italie une récolte qui s'est faite justement dans les Pouilles notamment, et en général dans le Sud, et qui voit en ce moment une organisation très violente. Donc on parle de violence encore une fois, de violence faite au corps et à la nature, parce que la pratique de la récolte est faite. par les personnes migrantes qui arrivent au quotidien dans mon pays. L'Italie est au cœur depuis des décennies de ce phénomène et cette monstruosité dont l'Occident est responsable, et l'Europe aussi, de ce déplacement de peuples et ce génocide qui se fait en pleine mer. Donc l'Italie est le pont entre ces cultures venant d'Afrique et Moyen-Orient et les pays maghrébins. Et c'est la porte de l'Occident, l'Italie, en quelque manière c'est la porte de l'Europe. Et ces personnes-là servent à faire des métiers très simples que bien évidemment les Italiens ne font plus. Et ce système-là est géré. par des mafias locales. Donc, il y a tout un processus géré par la mafia locale qui s'appelle Caporalato et qui gère les groupes, en fait, et les camps où ces personnes migrantes habitent pour pouvoir permettre une récolte de tomates à échelle industrielle, mais aussi à échelle internationale, globalisée, globale. Donc, c'est l'Italie du Sud. Elle est au centre d'un quête qu'aujourd'hui on mène de manière très pointue autour de ce qu'on appelle, et par ailleurs il y a un ouvrage incroyable en France, cet empire de l'or rouge, qui est la distribution, la vente et la récolte des tomates. Donc, ma performance s'inspire de ces dernières recherches faites à travers Domus, et en tant qu'artiste, je ne vais pas raconter tout ce qu'on vient de dire. mais plutôt le produit final. Parce que c'est celui-là dont on est tous acteurs et responsables. Et qu'en fait, en quelque manière, quand on achète ce produit-là, sans le savoir, on alimente tout ce système mafieux, tout ce système à échelle industrielle qu'il y a derrière. Ce produit-là, il est souvent sexy, il est souvent beau à voir, il est séduisant. Et c'est cette sexitude-là qui m'intéresse dans cette performance de raconter, ce regard que nous portons sur le food en général, cette séduction qu'on s'attend de la nourriture, cette manière dont on l'observe, on la regarde, on s'en sert, on la produit, et aujourd'hui devient aussi astingramable cette nourriture-là. Et en fait, derrière... Tout ce produit sexy, il y a malheureusement, tout ce qu'on vient de dire, l'Italie est au cœur de ce scandale. Donc voilà, cette performance au Pompidou dénonce à travers le produit final, l'image du produit final, le mauvais choix des consommateurs, infidèles à des causes à la fois agroalimentaires et écologiques aussi. même pas en avoir conscience.
- Speaker #1
Merci beaucoup Romina pour cet échange et une dernière question. Tu es dans Elles Agissent, j'aimerais avoir ta définition, connaître ta perception d'agir. Pour toi ça veut dire quoi, ça signifie quoi ?
- Speaker #0
Agir c'est mon travail pratiquement, j'agis je réagis, je sous-réagis parfois au niveau personnel donc oui je suis tout le temps en action et la La performance est une action en soi, donc j'ai choisi d'agir sans arrêt. En fait, je suis toujours dans l'action et mes performances, malgré parfois qu'elles soient statiques, c'est toujours en réalité une action prolongée dans le temps. Pour moi, agir aujourd'hui, c'est un geste qui se relationne à la notion de temps et à la relation d'espace autour. et de communauté.
- Speaker #1
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #2
J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. Et n'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté El Zagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue. et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com A très bientôt !