- Florence Gault
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Minute Papillon. Aujourd'hui, nous partons à la rencontre de Mathieu Gautier, enseignant-chercheur à l'INSA Lyon et co-responsable du module ÊTRE sur les enjeux de la transition écologique. Dans Minute Papillon, Mathieu Gautier se confie sur ses déclics écologiques, les rencontres qui l'ont marqué et ses sources d'inspiration. Qu'est-ce qui vous indigne ?
- Mathieu Gautier
Qu'est-ce qui m'indigne dans la vie ? L'injustice à la base. Sur les questions écologiques, je dirais en ce moment l'incivilité, de retrouver des déchets partout alors qu'on essaye de prendre conscience de tout ça, d'aller dans les milieux reculés, de retrouver des paquets de fast-food, des choses comme ça. Donc en ce moment, c'est le fait que certains ne font pas d'efforts du tout et je trouve que c'est un point assez négatif.
- Florence Gault
Un événement ou une expérience qui a créé un déclic écologique ?
- Mathieu Gautier
Alors, on va remonter loin dans l'enfance, parce que le déclic écologique, je crois que je l'ai depuis très très longtemps. En fait, c'est plus l'environnement dans lequel je vivais petit. En face de mon école maternelle et primaire, il y avait une blanchisserie, donc je traversais, je voyais un peu des émulsions. Je me suis déjà posé la question, est-ce que c'est pas dangereux pour le milieu ? En tout cas, voilà. Je me suis tout de suite interrogé sur l'impact de l'homme sur l'environnement. Il y avait juste à côté une grande carrière. On allait à l'époque regarder des choses pour les disciplines un peu scientifiques et du coup ça interroge sur l'aspect ressources. On va dans la vallée, on retrouve beaucoup de bouteilles de bière en verre puisque longtemps avant il y avait eu des événements. Et du coup voilà, c'est des petites choses de l'enfance qui... qui m'interroge en fait sur comment on fait en sorte de vivre dans un environnement pour le préserver, pour l'impacter au minimum. Donc on remonte sur les années primaires.
- Florence Gault
Une rencontre qui vous a marqué ?
- Mathieu Gautier
J'ai plein de rencontres qui m'ont marqué. Déjà, si j'en suis là aujourd'hui, je pense que c'est par des rencontres avec des enseignants, c'est aussi toutes les personnes qui m'ont accueilli en stage. en Côte d'Ivoire, au Canada, etc. et qui m'ont construit un petit peu en me faisant travailler sur des problématiques environnementales souvent. Et donc voilà. Après, si j'en avais une à citer peut-être plus qui m'avait assez marqué, c'est il y a une petite dizaine d'années en congrès en Pologne, à Dansk, sur un congrès sur l'eau, dans le cadre de ma recherche scientifique. J'avais pu rencontrer Lech Valéza, qui avait fait l'ouverture du congrès. Donc ancien prix Nobel de la paix, ancien président. Et il avait livré un discours très fort avec des échos à Solidarnosc et tout le mouvement social qu'il avait créé. Et voilà, je pense que ça avait été un moment assez fort de prendre une photo. On était 150-200 à ce congrès avec cette personne de l'histoire et de se rendre compte qu'à notre niveau, on essayait d'avancer sur des choses.
- Florence Gault
Qu'est-ce qui vous anime dans votre métier ?
- Mathieu Gautier
Ah c'est compliqué, qu'est-ce qui m'anime ? Moi ce qui m'anime vraiment c'est de vraiment, et notamment par la recherche scientifique aussi que je développe, de comprendre comment l'être humain peut continuer à s'épanouir sur cette planète en essayant de limiter son impact, en essayant de comprendre en tout cas ce qui se passe. Et donc ce qui m'anime c'est vraiment, je vais parler de zones critiques urbaines, je vais parler de milieux urbains, de milieux anthropisés. Essayer de comprendre comment justement la dynamique qu'on influe dans les polluants qu'on rejette, dans les polluants qu'on fabrique, va impacter ou non le milieu naturel et comment on va pouvoir essayer de limiter tout ça et puis essayer de construire un avenir meilleur. Donc ça c'est des choses qui m'animent, de la compréhension des milieux et aller vers une démarche de remédiation.
- Florence Gault
Un livre, un documentaire, un film, un podcast qui vous a influencé ?
- Mathieu Gautier
Alors je vais faire écho à le premier point. J'ai plusieurs trucs à citer, mais je pense que le premier livre que je cite, après ça serait Copain des bois, qui était un peu un livre que j'adorais emmener partout en vacances, et que je savais à peine lire, je pense que je ne savais même pas lire quand je l'ai lu, et qui m'a beaucoup accompagné. pour comprendre le vivant autour, les arbres, les plantes, faire des cabanes, voilà. Et donc c'est quelque chose qui m'a vraiment marqué et que j'avais envie de citer. Après, il y a plusieurs choses au fur et à mesure du moment où j'ai grandi, évidemment. J'ai envie de citer un film, par exemple, Erin Brokovitch, Sol contre tous, puisque aujourd'hui je regarde la dynamique des contaminants. Et déjà à l'époque, j'étais déjà embarqué dans des études de chimie, mais j'avais trouvé le sujet très fort. Comment on essaye de se rendre compte de l'impact de l'homme sur l'environnement, comment aussi on intègre des luttes sociales, des luttes juridiques dans tout ça. Il y avait eu un livre qui s'appelle Stop, qui est sorti je crois dans les années 2000, au début des années 2000, vous pouvez le regarder encore 25 ans après, il pose déjà toutes les bases de ce qui nous entoure. Voilà, récemment, peut-être le podcast des hauteurs, les baladeurs, que j'ai beaucoup écouté, surtout les premières saisons. Pendant le confinement, je trouve qu'il raconte bien quelque chose de l'époque et qui est assez intéressant, j'ai trouvé.
- Florence Gault
Si vous étiez un animal en voie de disparition, lequel seriez-vous et pourquoi ?
- Mathieu Gautier
Alors, je serais peut-être le gorille, parce que je suis de ceux qui ont été... Bercé par gorille dans la brume et toute cette lutte de Diane Fosset pour le gorille, et peut-être que c'est une des premières espèces dont j'ai entendu parler qu'elle était menacée, que des personnes essayaient de la défendre et de l'impact de l'homme. Alors ici en plus, puisque la fin de Diane Fosset est malheureusement un assassinat pour défendre une biodiversité. Plus récemment, et parce qu'avec mes enfants, on a adoré faire du snorkeling, j'ai vu que l'hippocampe, que j'ai pu voir sur le bassin des fois, d'arcachon, est en voie d'extinction, au moins pour certaines espèces. Donc c'est peut-être une autre espèce pour la diversité sous-marine qui est magnifique, mais qui malheureusement est fortement impactée par plein de choses.
- Florence Gault
Imaginez que vous avez le pouvoir de donner la parole à une plante, laquelle choisiriez-vous et quel serait son message à l'humanité ?
- Mathieu Gautier
C'est une question difficile. Peut-être que je prendrais une plante carnivore, notamment les drosera, que je trouve assez fascinante, qui est justement dans une interaction avec leur écosystème, qui sont en plus des jolies plantes et en plus qui se développent dans des milieux assez particuliers, et notamment dans les zones humides. C'est une partie du travail que j'effectue en recherche, essayer de comprendre un peu le rôle des zones humides plutôt en milieu urbain pour gérer les eaux pluviales ou les eaux domestiques. Donc la droséra et son message, en plus on peut l'imaginer qui parle à cette droséra, peut-être parlez-vous, comprenez-vous et essayez de mieux écouter l'autre. Aujourd'hui on est plutôt sur des gens qui vont rester un petit peu dans leur grande famille ou dans leur... sur leurs acquis et je pense que la bienveillance collective serait de mise.
- Florence Gault
Si vous pouviez organiser un dîner avec trois figures emblématiques de l'écologie, vivantes ou décédées, qui inviteriez-vous et quel serait le menu ?
- Mathieu Gautier
Question difficile également. Il y aurait plein de gens, plein de collègues que j'aurais envie d'inviter. Je dis collègues, des gens du CNRS, de l'INRAE. de l'ifremer, plein de philosophes de l'environnement donc il y aurait plein de gens mais au final c'est peut-être des gens à qui j'ai plus accès ou en tout cas dont on a pu avoir des conférences ici à l'INSA dans le cadre de conférences scientifiques donc je convierais plutôt à Rachel Carson parce que je trouve qu'elle a mis en avant une vraie problématique qui m'intéresse aujourd'hui d'impact de l'homme sur son environnement et notamment de lier une problématique de pollution à une problématique de biodiversité et je pense que c'est quelque chose qui est extrêmement important donc j'aimerais bien échanger avec elle après moi j'aime bien le sport et je crois que j'inviterais Kylian Jornet par exemple ou un aventurier moderne qui s'interroge sur sa pratique et d'avoir une pratique peut-être plus respectueuse pour l'environnement Et donc voilà, peut-être quelqu'un pour essayer d'évoquer ces enjeux-là, essayer justement en toute bienveillance de voir comment on peut aller vers du mieux à l'échelle collective. Et ensuite, troisième personne, peut-être ma grand-mère pour faire à manger, notamment retrouver le plaisir des pommes de terre qu'elle me faisait, si j'ai le droit de ressusciter quelqu'un.
- Florence Gault
Quel est votre péché mignon non écolo dont vous avez du mal à vous passer ?
- Mathieu Gautier
Alors j'en ai beaucoup des pêchés mignons parce que malheureusement même si j'ai le vélo tous les jours j'utilise encore une voiture parfois, je vais encore manger de la viande donc évidemment dans l'environnement on peut mieux faire par contre je dirais que le vrai pêché écolo que certains peuvent voir comme non écolo et que moi au final je vois encore un peu comme quelque chose d'écolo c'est... c'est la pratique de la moto trial que j'ai beaucoup pratiqué enfant et qui reste un plaisir puisque en fait c'est une manière d'arpenter des vallées que j'ai connaît par coeur notamment et d'être en pleine nature c'est aussi une moto qui est peu impactante et qui est utilisée notamment par des bergers et donc je crois que voilà ce plaisir de l'enfance restera à jamais et j'aurais du mal à en passer même si aujourd'hui évidemment Les motorisations évoluent et qu'il y a l'électrique qui arrive également dans le milieu.
- Florence Gault
Depuis novembre 2002, avec Audrey Ranchin, nous menons une expérience intitulée « Au creux de mon arbre, l'écho du vivant » . Nous avons fabriqué un arbre cabane dans lequel nous invitons les gens à venir raconter leurs souvenirs de nature. Alors je vais vous demander, à votre tour, un souvenir de nature. qui a laissé une trace importante dans votre vie ?
- Mathieu Gautier
Le souvenir de nature, c'est tout simplement le paysage qui est en face de la maison familiale depuis la plus tendre enfance, depuis mes deux ans. Puisque c'est une vallée, la vallée du Touai, j'ai également beaucoup arpenté la vallée de l'Argenton et plus particulièrement la vallée du Pressoir que j'ai arpentée toute mon enfance, à pied, en vélo, parfois en moto, en balade le week-end avec les parents. Je connais tous les recoins, tous les rochers, tous les arbres, tous les chemins. et que je prends un plaisir immense à arpenter encore en courant dès que je reviens dans le domicile familial. Et voilà, je pense que tout ce que je suis aujourd'hui, c'est beaucoup en raison de cet endroit qui a bercé avec son ruisseau, avec sa cascade en hiver qui coule à flot, qui a un petit flot en été, ses poissons, sa biodiversité locale. C'est mon plaisir qui, par chance, j'arrive encore à... à arpenter et à y revisiter. Donc c'est clairement ça.