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En un battement d'aile

22. L'écoféminisme, c'est quoi ?

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42min |11/12/2024
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Description

🌿 Ce nouvel épisode de En un battement d’aile explore un courant qui suscite autant de fascination que de débats : l’écoféminisme. Né dans les années 1970, ce mouvement lie écologie et féminisme, en dénonçant des mécanismes de domination communs entre l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes.


À l’occasion du festival lyonnais Écofémina, découvrez ce qu'est l’écoféminisme. Entre critique des systèmes dominants et utopie radicale, que peut-il nous apprendre sur les transitions écologiques et sociales ?


👩‍🌾 Terre de Milpa : l’agroécologie au féminin


Pour découvrir comment l'écoféminisme peut se vivre, je vous emmène à Terre de Milpa, une ferme agroécologique écoféministe située près de Lyon. Olivia de Roubin, sa fondatrice, nous partage son ambition : faire du maraîchage, de l’arboriculture et de la boulangerie artisanale des leviers d’insertion socio-professionnelle, dans une approche écoféministe concrète et inspirante.


💬 À découvrir dans cet épisode :


  • Qu’est-ce que l’écoféminisme et quelles sont ses origines ?

  • Quels sont les débats et critiques qui entourent ce courant ?

  • Immersion au festival Écofémina et reportage à Terre de Milpa.

  • Le témoignage d’Olivia de Roubin sur son engagement agroécologique.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


Pour aller plus loin :



Livres

  • "Ecoféminisme, Théories et pratiques" de Jeanne Burgart Goutal

  • "ReSisters" de Jeanne Burgart Goutal & Aurore Chapon

  • "Reclaim, anthologie des textes écoféministes" de Emilie Hache

  • "Le féminisme ou la mort" de Françoise d’Eaubonne

Podcasts

  • Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, Binge Radio (dont un épisode avec Jeanne Burgart Goutal sur l’écoféminisme)

  • Les 2 épisodes sur l’écoféminisme de Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé, Arte Radio

  • L'épisode 18 de la saison 2 de Baleine sous gravillon avec Pascale d'Erm



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Transcription

  • Florence Gault

    C'est un mot que l'on a vu apparaître depuis quelques années dans le débat public, l'écoféminisme. La préoccupation environnementale croissante a coïncidé avec un retour du féminisme sur le devant de la scène, en tout cas en France. Né de la contraction entre écologie et féminisme, ce courant pourtant né dans les années 70, considère que les mécanismes de domination qui permettent la destruction de la nature et l'oppression des femmes sont du même ordre. L'écoféminisme ne fait pas l'unanimité. Pour certains, il est perçu comme un mouvement marginal ou caricatural, voire essentialiste, en associant les femmes à une supposée connexion naturelle avec la nature. D'autres estiment qu'il s'agit d'une utopie trop radicale ou idéalisée, éloignée des réalités concrètes, des critiques qui révèlent en tout cas les tensions qui peuvent entourer la remise en question des systèmes dominants. Mais qu'est-ce que véritablement l'écoféminisme ? À l'occasion de l'Ecofémina, un festival écoféministe lyonnais, j'ai voulu y voir plus clair. Reportage. Dimanche 17 novembre, nous sommes à l'autre soie, le tiers lieu de la rayonne située à Villeurbanne. C'est ici que se tient donc la troisième édition de l'Ecofilina, le premier festival. écoféministes de Lyon, beaucoup de femmes y participent. Bonjour, qu'est-ce que vous faites de beau ? Nous, pour une campagne d'antipub, on est allées récupérer des affiches dans les paroles publicitaires de la ville. Le but, c'est de les customiser. On est en train de faire de la peinture, du découpage, changer le message. Ça va être diffusé à l'occasion de la prochaine manifestation féministe. Donc voilà, le but ça va être de redécorer la ville avec du coup de la contre-publicité. Donc là par exemple, c'était quoi l'affiche ?

  • Speaker #1

    C'était Boygues Télécom, la fibre, rien que la fibre, donc on penche pour la lutte, rien que la lutte. Un grand moment de créativité.

  • Florence Gault

    Je vois ça, je vois ça. Si vous deviez me définir ce que c'est que l'écoféminisme, vous diriez quoi ?

  • Speaker #1

    Pour moi l'écoféminisme, déjà comme son nom l'entend, c'est l'intersectionnalité entre les luttes écologistes et féministes, de se rendre compte que c'est des luttes qui sont liées. Déjà parce qu'elles proviennent d'un même système qui a plein de liens entre les deux. Mais pour moi c'est d'abord et avant tout aussi se dire que le futur qu'on veut dans le féminisme, c'est un futur écologiste et le futur écologique qu'on veut, c'est un futur féministe et qu'on ne veut pas l'un sans l'autre. Je crois que j'aurais dit après la même chose. Moi, l'écoféminisme, c'est les écolos qui se sont rendus compte que l'écologie n'allait pas seule et donc ce serait une lutte commune pour un futur souhaitable. Et effectivement, du coup, ce futur souhaitable, ne sera jamais que écolo ou que féministe. Le futur dont on rêve, il est à l'intersection de ces deux luttes. Notre lutte aussi, et on parle beaucoup d'écoféminisme, mais c'est important aussi de parler d'écologie décoloniale, de féminisme décolonial, de l'intersection de toutes ces luttes-là. L'écoféminisme, ça reste un mouvement qui est très blanc et c'est important aussi de prendre conscience de ça et de ne pas oublier que c'est bien l'écologie, c'est bien le féminisme, mais il y a plein d'autres luttes antiracistes, queer, contre la précarité qui sont très importantes et qui sont aussi dans ce lien-là. 'est marrant parce que je crois que dans l'écoféminisme, pour moi, on pourrait mettre 3000 mots derrière. C'est un écoféminisme décolonial, antiraciste, antivalidiste, qui est aussi inclusif pour les personnes queer, donc c'est aussi un écoqueer-féécologisme. C'est très très large, mais effectivement, pour moi, le mot-clé, ce serait intersectionnalité.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup ! Visiblement, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes au pluriel. Mais j'ai encore un peu de mal à saisir le concept, je me plonge dans son origine. L'écoféminisme, terme issu de la contraction des mots écologie et féminisme, a été introduit en 1972 par Françoise Daubonne. Selon elle, aucune révolution écologique n'est possible sans révolution féministe. Elle dénonçait la double domination masculine sur les femmes et sur la nature, comme elle l'expliquait le 3 mai 1972 dans l'émission télévisée Aujourd'hui Madame.

  • Speaker #1

    La société va mal. Nous en avons pour 30 ans d'existence si cette société mâle et industrielle continue. Il est temps que la planète redevienne verte. Et ne serait-ce que pour cela, et j'ai bien d'autres raisons de le penser, mais ne serait-ce que pour cela, je suis à fond pour que les hommes perdent le pouvoir. Ce mouvement pense l'exploitation des femmes, de la nature, mais aussi des minorités, comme conséquence d'un système. patriarcale, capitaliste et coloniale, dominée par les hommes, dans lequel on cherche à exploiter plus pour produire plus. Se dire écoféministe aujourd'hui, c'est donc lutter contre toutes les formes d'inégalité et de discrimination, comme on l'entendait d'ailleurs dans les deux témoignages au début. En 2019, Jeanne Burgard-Goutal publie Écoféminisme, théorie et pratique un essai retraçant l'histoire et la diversité de ce courant qu'elle définit comme profondément politique et multiple. Dans le contexte actuel d'urgence écologique, l'écoféminisme revient au premier plan, mais la pluralité des idées et des pratiques qui le composent peut rendre ce mouvement complexe à appréhender. Profitant d'un moment d'accalmie dans l'organisation de la journée, je retrouve Eloïse Bouilloud, la cofondatrice de l'Ecofemina. La jeune femme de 31 ans s'est passionnée en 2019 pour le cycle menstruel au point de créer Moon Week 4 qui accompagne les entreprises vers le bien-être menstruel au travail.

  • Eloise Bouilloud

    Pendant longtemps, je pense que j'ai toujours été féministe depuis très jeune. Et depuis 2016, je m'intéresse à l'écologie et j'ai rapidement aussi fait beaucoup de liens entre, alors pas autant intellectuels avec la domination et tout ça, mais en tout cas, il y a beaucoup de choses. Et que ça me semblait illogique de juste être dans les mouvements féministes ou être dans les mouvements écologistes. Et ça ne me semblait pas assez complet pour moi, d'où la création du festival. Mais il y a aussi la ville et ma famille aussi qui n'est pas trop dans ce milieu-là. Et que du coup, c'était d'avoir un espace pour pouvoir... parler, débattre et faire des liens entre toutes ces choses. Donc c'est intéressant d'avoir un lieu ou en tout cas un mot, un mouvement pour commencer à réfléchir sur tous ces sujets qui sont intersectionnels et qui sont liés.

  • Florence Gault

    Puisque vous grandissez dans une famille aux convictions très opposées avec ce que vous défendez aujourd'hui au travers de ce festival, vous grandissez en fait dans une famille d'extrême droite. Comment ? se fait justement cette prise de conscience. Vous le disiez, il y a toujours eu quand même cette fibre féministe qui était là présente dès le départ, dès l'enfance.

  • Eloise Bouilloud

    Oui, féministe, mais même spéciste et tout ça. Depuis toujours, je pense que je me posais des questions sur plein de choses qui, pour moi, ce n'était pas logique en fait. Mais on me disait, si c'est comme ça, ou avoir peur de l'autre, ou la différence, et en fait, et voilà.

  • Florence Gault

    Il y a des souvenirs, justement, peut-être de réflexions féministes ?

  • Eloise Bouilloud

    Alors, féministe ? pas forcément, je m'en rappelle juste que j'étais choquée pour la chasse, mais mon grand-père quand mon grand-père allait à la chasse, et mon grand-père est décédé quand j'avais 4 ans, donc déjà ça me choquait du coup avant 4 ans, du coup ça me posait déjà des questions de tuer des animaux comme ça mais après vers 20 ans je pense, il y avait un Noël où du coup on avait offert aux garçons un jeu de super-héros trop cool. Et à la fille, on lui avait offert un kit de ménagère avec les balayettes et que j'avais vrillé pendant le repas de Noël. Et du coup, après, tout le monde me disait, les Noëls d'après, ça va, c'est bien. Et en fait, je leur ai dit, à quel moment tu éduques une fille à faire des... Tu lui offres un cadeau, un balai et une balayette. C'est pas un cadeau de Noël. C'est genre... leur donner leur rôle de ménagère plus tard.

  • Florence Gault

    Donc, comment on grandit, justement, dans une famille ? Comment se permet cette prise de conscience ? On sait assez naturellement qu'on embrasse souvent les idées politiques, au moins au démarrage, en grandissant, de nos parents, voire de la famille dans laquelle on grandit. Donc, comment on arrive petit à petit à s'écarter de l'éducation qu'on reçoit ?

  • Eloise Bouilloud

    En fait, je pense, j'en parlais récemment avec des proches, c'est qu'ils sont pas profondément d'extrême droite. On va dire qu'ils votent pour des personnes d'extrême droite. Mais dans leur manière de faire au quotidien, ils ne sont pas d'extrême droite. C'est juste qu'ils ne s'informent pas et qu'ils écoutent les médias qui orientent vers ce genre de sujet. Et après, je pense que j'ai toujours été un peu le mouton noir, mais ma mère aussi est le mouton noir. J'ai fait des études d'art et tout ça. Et du coup, ça m'a énormément ouvert l'esprit, je pense, mes études d'art, parce qu'on devait aussi beaucoup analyser les images, avoir un esprit critique. Et après, j'ai... commencer à fréquenter des mouvements aussi quand je suis arrivée à Lyon, des mouvements un peu militants et tout ça. Et j'ai fait un stage dans un centre social et là, je me suis pris claque sur claque sur comment fonctionnait vraiment le monde. Et là, je me suis dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas et je ne veux plus faire partie de ce système, en tout cas pas comme ça. Et donc, je pense que c'est tout ça. Mais je pense que c'est une accumulation de plein de choses depuis toujours. Et 2016 a été la grosse claque. Il y a vraiment une Héloïse avant, une Héloïse après.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui crée la claque, justement ?

  • Eloise Bouilloud

    Ça va être comment sont traités ces personnes qui habitent justement dans les cités, dans les banlieues et tout ça. Et à la fois le côté muselé de la presse. Du coup, ils avaient un petit média indépendant et que du coup, ils se sont fait museler sur plein de choses et attaquer sur plein de choses. Alors qu'en fait, ils disaient juste les choses sans avoir trouvé...

  • Florence Gault

    Muselé par qui ?

  • Eloise Bouilloud

    Je ne veux pas forcément dire autant du sujet, mais en tout cas autour des... des plus hauts qui pouvaient être autour de ce projet et que c'était juste dire la vérité de ce qui se passait réellement dans le quartier. Et après, il y a eu plein d'autres situations d'injustice et de désir que le monde n'est pas comme on le voit et qu'on veut nous faire croire et qu'il y a plein de sombres, même dans ce côté... bienveillant on va dire dans ces sujets là et après j'ai eu la chance d'être dans un centre social qui était déjà très politisé et très engagé avec justement des maîtres de sages qui étaient très très engagés sur ces causes et du coup ça m'a pas mal éduqué sur ces sujets là.

  • Florence Gault

    Et comment réagit la famille à ce moment-là, 2016, en voyant votre prise de conscience se faire, vos engagements au quotidien que vous prenez en devenant végétarienne ?

  • Eloise Bouilloud

    Ils ont cru que c'était une nouvelle lubie et que j'arrêterais au bout de quelques mois le végétarisme, et que c'était juste une nouvelle lubie. Après, ils ne savent pas autant, parce que j'essaye de ne pas trop dire non plus mes engagements auprès de ma famille, parce que sinon ça va partir en scandale et en grand débat, et que je n'ai pas envie d'être en repas de famille pour être dans le militantisme. Je le fais déjà à toutes les années. le reste de ma vie donc quand je suis en famille j'essaye de me taire mais après voilà de toute façon j'ai eu plein de critiques sur mes engagements et qui préféraient que du coup j'étais en service civique après j'ai fait un service civique justement pour une exposition d'art internationale qui développe le lien social du coup c'est un service civique donc c'était pas bien payé et du coup il disait bah en fait c'est mieux que tu restes caissière à Leclerc au moins tu es bien payé que faire ce job où tu n'es pas payé quoi et je me dis mais en fait ce... C'était une opportunité incroyable. Il y a un événement d'art international, c'était avec la ville de Lyon, c'était avec des élus, c'était avec plein d'autres choses. Et j'ai dit, mais en fait, non, c'est plein d'opportunités. Et si vous n'avez que cette ambition pour moi, ben en fait, merci, mais non, merci quoi.

  • Florence Gault

    Héloïse décide donc, en 2021, de lancer avec Déborah Glor ce festival. Leur constat, la majorité des événements auxquels elle participe ont soit une approche écologique, soit une approche féministe. Elles ont donc voulu créer un festival mêlant les deux, avec pour ambition de montrer comment l'écoféminisme peut se vivre au quotidien. Au programme des ateliers, des stands et des conférences.

  • Speaker #1

    On va démarrer cette table ronde qui porte le sujet agriculture et souveraineté alimentaire. A mon sens, c'est important qu'on se questionne sur la crise alimentaire et écologique qu'on connaît. Aujourd'hui, ce qu'on produit, ce qu'on consomme et la façon dont on distribue ce qu'on mange, ça a quand même un impact assez direct sur notre santé, l'environnement et sur des questions de justice sociale. C'est important de pouvoir discuter de tout ça. Une fois qu'on a dit ça, concrètement, qu'est-ce qu'on fait pour répondre aux enjeux liés à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire ?

  • Florence Gault

    Autour de la table, trois invités. Gauthier Chapuis adjoint la ville de Lyon en charge notamment de l'alimentation, Damien de l'association Vrac France qui défend l'accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous et Olivia de Roubin fondatrice de la ferme écoféministe Terre de Milpa installée à Saint-Didier au Mont-d'Or dans le Rhône. Tous trois reviennent sur la définition de souveraineté alimentaire

  • Speaker #1

    Alors Olivia, désolée, mais j'ai pensé à vous en premier pour lancer le sujet. Et tout en partant par souveraineté alimentaire. Il me semble qu'à l'origine, le terme a été créé par Via Campesina, plutôt dans une dimension systémique de la production, la distribution et l'alimentation. L'idée, c'est justement de se réapproprier ces enjeux d'alimentation, depuis la production jusqu'à l'assiette. Du coup, pour moi, c'est vraiment de ce... Aujourd'hui, l'agriculture et l'alimentation sont principalement accaparées au niveau mondial par l'agro-industrie et par une petite partie d'humains, alors qu'elles concernent l'ensemble des humains. Et c'est comment on se rapproprie ces enjeux-là. C'est un terme à la fois très chapeau et qui représente plein de choses, mais pour moi, ça représente avant tout une rappropriation de notre alimentation depuis la production jusqu'à... jusqu'à ce qu'ils nous arrêtent et nous assiedent.

  • Florence Gault

    Aujourd'hui, 70% de l'alimentation mondiale provient des petites exploitations, souvent gérées par des femmes. Des femmes qui sont en première ligne du dérèglement climatique, car ils exacerbent les inégalités, en touchant particulièrement les populations les plus vulnérables. Et selon Oxfam France, les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté. Cette surreprésentation s'explique par plusieurs facteurs. Les femmes possèdent, gagnent et épargnent moins que les hommes. Elles sont concentrées dans les emplois et secteurs moins valorisés socialement et financièrement et assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré. Alors une fois que l'on a dit tout ça, comment devenir écoféministe ? Comment l'intégrer ? Je retrouve Olivia de Roubiin à Terre de Milpa, la ferme agroécologique qu'elle a installée à Saint-Didier-aux-Monts-d'Or à quelques kilomètres de Lyon. L'objectif est de favoriser l'insertion socio-professionnelle en développant des activités de maraîchage, d'arboriculture et de boulangerie artisanale, le tout dans une démarche écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    C'est une ferme du XVIIIe siècle qui appartient à deux collectivités locales, la ville de Saint-Didier-aux-Monts-d'Or et le syndicat Mix Pleine-Monts-d'Or. Et ici, on s'était réunis, à l'époque il n'y avait que des bénévoles à Terre de Mille-Bains, et on s'est réunis autour de la table pour se dire, quand on est arrivé ici, il n'y avait que des prairies fauchées ou pâturées par un éleveur. Et on s'est dit, ben... Comment on se projette ? Donc c'était assez chouette, ça a été vraiment un travail collectif. Et notre ancienne présidente, qui est toujours administratrice, Inahit Barka, est paysagiste, et donc c'est elle qui a dessiné ce plan-là. Donc là, on a commencé ce qu'on appelle le mandala, c'est plus un petit terrain expérimental où on essaye de... C'est plus les bénévoles qui ont essayé de se mettre moins la pression sur la production. Ici aujourd'hui on cultive cette partie, on va aller la voir. C'est notre zone plein champ. Et comme on s'est installé en mai 2022 mais qu'on n'avait pas de parcelles, les parcelles nous ont été accessibles à partir de juillet, même septembre 2023. Ce qu'on va voir tout à l'heure, ça a moins d'un an parce que du coup on a fait un forage, on a créé une citerne. Ici il n'est pas complètement à jour ce plan parce qu'on a une serre de 200 m², deux autres. On en a deux autres qui vont arriver avant la fin de l'année et une petite pépinière. On a commencé à planter des arbres fruitiers ici, on va continuer cet hiver. Et cette partie-là, il y a une autre parcelle qui appartient à notre voisine. Et cette parcelle-là, elle est encore uniquement fauchée et on ne sait pas encore comment on va l'organiser.

  • Florence Gault

    C'est un choix de s'installer ici ou c'est l'occasion pour monter le projet qui vous a permis ?

  • Olivia de Roubin

    Les deux. L'idée, c'était de trouver une ferme à peu près idéalement sur le territoire de la métropole de Lyon. Mais on s'était fixé un rayon, on va dire, de 50 kilomètres autour de Lyon.

  • Florence Gault

    Parce qu'il y avait déjà l'envie d'être sur une ferme périurbaine ?

  • Olivia de Roubin

    Il y avait l'envie d'avoir une ferme idéalement accessible en transport en commun. Le problème avec les fermes, c'est que souvent, elles sont très peu accessibles, sans voiture. Et que nous, on a souvent aussi un public qui est quand même connecté. sur la ville de Lyon, pour plein de raisons. Et donc, on a exploré quatre pistes de fermes, de manière assez avancée, à des endroits complètement différents. Une dans les monts du Lyonnais, une dans le Beaujolais Vert, qui était assez loin, une du côté de Bourgoin-Jalgueux, et celle-là. Et finalement, on a atterri ici. Ce qui nous intéressait beaucoup sur cette ferme, c'est la proximité de Lyon. On est à 8 km à vol d'oiseau de la presqu'île de Lyon. On est accessible en transport en commun. Une grande partie des personnes qui travaillent ici viennent soit en vélo électrique, soit en transport en commun. Un petit peu aussi en voiture, mais la majeure partie vient en transport en commun. Ici, c'était une ferme qui appartenait à deux frères, qu'on nomme ici les frères Vincent. Et donc, deux hommes qui ne se sont jamais mariés, qui n'ont pas eu d'enfants. Et donc, à la mort du deuxième frère, la ferme a été vendue par le billet de la SAFER et a été achetée par le syndicat Mixte et la ville. Ok. Donc, c'est dans la cuisine. cuisine salon on a fait pas mal de travaux chantier participatif pour remettre un peu un coup de on a tout repensé pour sortir de son jus si ça vous intéresse exactement vous n'osiez pas le dire je l'ai senti du coup c'est là que mange l'équipe à midi C'est un peu rigolo que ça soit une ferme écoféministe parce que c'était deux hommes. Et il y a un cousin qui est un des bénévoles de Terre de Milpa qui vient sur les chantiers participatifs et qui nous raconte que ses sœurs restaient dans la cour, qu'ils n'avaient pas le droit de monter. C'était vraiment un lieu d'hommes ici. Ça, c'était un des frères. C'est le cousin qui m'a amené la photo. Ils faisaient de tout ici. Il y avait le maraîchage, il y avait le vin, le lait. Donc ici, on est sur la partie qu'on occupe. On a notre stockage de courbes, principalement.

  • Florence Gault

    Le stock pour l'hiver.

  • Olivia de Roubin

    Pas sûre de tenir entièrement l'hiver elles tiendront moins bien que l'année dernière parce que et c'est pour ça qu'on les vend plus rapidement que l'année dernière parce que là la récolte s'est fait quasiment sous la pluie et les légumes de conservation se conservent moins bien ça c'est l'atelier donc là on peut voir un café la pépite curry et la zone neuve le pourbet, l'ancienne écurie et maintenant c'est les nouveaux moyens de créer le pot à vélo. Ici il y avait le pubage avec le pressoir, l'écuve c'est là qu'ils faisaient le vin. Là maintenant c'est notre matériel, notre bazar maraîchage, stockage.

  • Florence Gault

    Bonjour Lucie ! Qu'est-ce qu'on prépare de bon ?

  • Speaker #1

    Du pain !

  • Florence Gault

    Quel genre ? Parce qu'il y en a plein de pain ! Du pain complet, pain crème, ça sent bon en tout cas ! Ça fait quoi de travailler dans une ferme avec un four en extérieur ?

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est ludique.

  • Florence Gault

    Et agréable, malgré la température un peu basse.

  • Speaker #1

    oui. C'est un choix, le four à bois, du coup. Et en fait, dehors, c'est plutôt mieux, parce qu'on régule mieux la température à l'intérieur que l'été avec le four à l'intérieur, où il est trop chaud. Eh bien,

  • Florence Gault

    bonne fournée.

  • Olivia de Roubin

    Donc ça, là, avanr les habitants venaient chercher le lait, c'était le local à lait. Et nous, on l'a transformé en petit fournil. L'année dernière, on avait lancé un atelier avec des salariés en parcours sur la boulangerie. Et puis, on l'a mis en pause. Et là, du coup, c'est chouette que Lucie prenne le relais et fasse continuer à faire vivre ce fournil. Là, c'était les câbles. Bazar aussi ! Voilà. Mais donc, il faut imaginer, il y avait le foin et il y a des trappes. Et donc, le foin arrivait là, il devait avoir une dizaine de vaches à peu près. Oui,

  • Florence Gault

    parce que ce n'est pas si grand comme ça, comme ferme.

  • Olivia de Roubin

    Ce n'est pas si grand. Ce n'est pas si grand.

  • Florence Gault

    Mais il y a plein d'espaces différents. Il y avait beaucoup d'activités différentes.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. Là, on est en pleine activité préparation des paniers. On vend principalement sous forme d'abonnement à des paniers, comme les AMAP. On les prépare les lundis et les vendredis. On a deux journées de panier.

  • Florence Gault

    Bonjour. Qu'est-ce qu'il y a de beau cette semaine au menu dans les paniers ? Épinards,

  • Olivia de Roubin

    roquettes,

  • Florence Gault

    poireaux bien sûr, pommes de terre, carottes, un peu de céleri,

  • Olivia de Roubin

    du chou kalé !

  • Florence Gault

    Vous produisez aussi ici ?

  • Olivia de Roubin

    Oui.

  • Florence Gault

    Tout ce qui est proposé est produit ici ?

  • Olivia de Roubin

    Tous les légumes, on va dire, verts, frais, sont récoltés le jour même et se retrouvent dans les paniers le jour même. Et sinon, tout ce qui est légumes de conservation. Il y en a une partie qu'on ne fait pas. Et là, par exemple, carottes et pommes de terre. Patates d'outes aussi, on les a ratées cette année, donc on n'en a pas. C'est de l'achat revente. Voilà, vous avez combien de paniers aujourd'hui ? 52 ? Ouais. Waouh !

  • Florence Gault

    Le plus que vous ayez jamais eu !

  • Olivia de Roubin

    C'est une période où on peut augmenter le nombre de paniers. Et donc, au fur et à mesure, on augmente la production, on augmente le nombre de paniers. Et puis après, en fin d'année, on va aller vers une période où on a moins de légumes. Ce n'est pas le moment où on augmente. Au début, on a commencé,il y avait 25 paniers. On n'avait même pas 20 paniers. Voilà, on avait 25 paniers. Forcément, là, si on a plus de place, on a plus de production, du coup. Donc ici, il faut s'imaginer qu'on n'avait que des prairies. Et tout ce qu'on voit ici, c'est à moins d'un an, parce qu'on a eu accès aux parcelles quasiment après l'été 2023. Donc la première chose qu'on a faite, c'est faire un forage. Il y a un ruisseau qui coule tout le long de la parcelle, mais on ne peut pas prendre de l'eau dans le ruisseau pour irriguer. Donc on a fait un forage, on a trouvé de l'eau pas trop loin, à 20 mètres. On a créé une citerne. pour avoir une réserve d'eau l'été. Et là on voit toutes les cultures d'automne en fait. Des blettes, de la mâche, des épinards, des salades. Ici c'est notre pépinière. Il y a une partie qu'on achète en plant et une partie dont on fait nous-mêmes les semis. Peut-être c'était de se dire, on s'adapte aussi à la ferme qu'on va trouver. Donc nous, on avait ciblé vraiment le maraîchage et la boulangerie. Et là, il y a des pentes qui sont assez fortes. Alors certes, quand je vais dans les monts du Lyonnais, je me dis, bon, on arrive à faire... Oui, c'est ça. Ça va. Mais donc, sur la partie vraiment pentue, on est plutôt parti pour planter des arbres fruitiers. Donc là, il y a une première série qui a été faite. L'hiver dernier, on a eu des étudiants qui sont venus filmer la ferme, qui ont fait un très joli court-métrage, 13 minutes,

  • Florence Gault

    qu'on peut découvrir sur le site internet et qui est super bien fait.

  • Olivia de Roubin

    Il est très beau. Et ils sont arrivés, le film est beau, je trouve, et sensible, parce qu'ils ont passé du temps aussi. Ils sont venus à plusieurs reprises et puis bon, il y a aussi le regard de Nils Carbonell, l'étudiant qui a réalisé le film avec les autres étudiants. Et chaque fois que je vois ces arbres fruitiers, je pense à eux, parce qu'ils étaient là quand on les a plantés. C'est la LPO qui nous a aidé à faire cette mare. On avait envie d'apporter notre petite contribution à la biodiversité.

  • Florence Gault

    Pour objectif, j'imagine de permettre à la biodiversité de pouvoir s'étendre, d'avoir un point d'eau accessible.

  • Olivia de Roubin

    C'est bien pour les oiseaux, c'est bien pour les grenouilles, c'est bien pour tout le petit monde vivant qui nous entoure. Et là, vraiment, c'est consacré que pour la biodiversité. On a séparé la fonction mare de la fonction citerne pour pouvoir arroser nos cerfs. On a planté pas mal aussi de haies qui favorisent la biodiversité, cette fois-ci avec Arthropologia et des financements de la métropole qui sont assez chouettes. pour favoriser la biodiversité.

  • Florence Gault

    J'ai fait un épisode, c'était le premier épisode de la saison 2, début septembre. Ils sont trop chouettes. Nous, c'est vraiment avec ces deux associations-là qu'il y a des liens aussi qui se sont tissés. La LPO, je le disais tout à l'heure, va nous accompagner pour une nouvelle mare, plus modeste que celle-là, dans le mandala. C'est chouette. Ils nous ont permis aussi, il y a une jeune femme en service civique qui est venue faire un diagnostic biodiversité l'année dernière. Et grâce à la LPO, on a eu un diagnostic. Donc voilà, c'est... Et qu'est-ce qu'il en ressort ?

  • Olivia de Roubin

    Plein de choses, c'est hyper intéressant. Ça se lit vraiment. Après, ici, on a la particularité d'avoir pas mal de nids d'hirondelles. Donc on a des hirondelles rustiques ici et puis après elle a pas mal étudié les libellules et l'idée c'était d'avoir un peu un point de repère au moment où on s'est installé et voir un peu comment ça évolue. J'aimerais bien en faire au moins tous les deux ans ça serait chouette.

  • Florence Gault

    Oui, pour voir un peu comment ça évolue avec les différents aménagements que vous allez faire, aussi l'impact des marques.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. La Milpa, chez les Amérindiens, c'est l'association de trois plantes qui s'entraident mutuellement. Le maïs, le haricot et la courge, on les appelle aussi les trois sœurs. Un nom qui évoque à la fois la démarche agroécologique dans laquelle se trouve Terre de Milpa, mais aussi l'approche écoféministe qui est portée par la ferme.

  • Speaker #1

    Alors déjà, c'est marrant parce que... beaucoup de gens, ça leur parle pas vraiment ce que c'est l'écoféminisme.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, vous le définiriez comment, l'écoféminisme ?

  • Olivia de Roubin

    Moi, quand j'ai découvert ce mot, il m'a semblé évident. Donc effectivement, il n'est pas évident pour tout le monde. Donc comment je le définirais ? Pour moi, c'est de dire que dans tous les systèmes de domination, quels qu'ils soient, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a un accaparement des richesses par quelques-uns. Je crois que la moitié de la richesse de cette planète est entre les mains de, je ne sais plus ce que c'est les chiffres, mais 200 personnes. C'est incroyable. D'ailleurs, sur les terres, 70% des terres agricoles sont aux mains de 1% de propriétaires dans le monde. En fait, tous les sujets qui nous tiennent à cœur à Terre de Mille Pas, il me semble qu'il y a une domination qui est... qui est à la source de toutes les autres, qui est la domination masculine, on va dire un peu de la moitié d'une population sur la moitié des humains. Et l'écoféminisme est souvent à une vocation d'intersectionnalité, parce que justement, on peut tirer plein de fils. Par exemple, si on tire le fil de l'agriculture. Aujourd'hui, on est dans une agriculture principalement dans nos pays industriels. L'agriculture industrielle, force est de constater, quand même, qu'elle n'a pas rempli sa mission. Sa mission, c'était de nourrir le monde. Dans le monde, on a encore 800 000 personnes qui souffrent de la faim. On a 2 milliards de personnes qui sont en insécurité alimentaire. Donc, il y a des problèmes aussi d'obésité. Donc, déjà, rien que la base qui était de nourrir les êtres humains, ça ne remplit pas le contrat. Et ensuite, on a... plein d'effets collato-héros, notamment sur le climat, sur la perte de biodiversité, sur notre santé, nous les humains et les autres êtres vivants. Donc, tout ça, c'est lié. Et quand même, d'où vient l'agriculture industrielle ? Elle vient... principalement de l'après-deuxième guerre mondiale qui était de recycler les chars. Les usines à chars sont devenues des usines pour vendre des tracteurs. On a poussé les agriculteurs à toujours plus investir et s'industrialiser et perdre le sens aussi de la terre. L'industrie de guerre, tout ce qui était agents chimiques meurtriers se sont retrouvés dans nos pesticides. C'est les mêmes entreprises qui ont créé ça. C'est des entreprises de guerre qui sont principalement des entreprises masculines. Donc il ne s'agit pas de dire ce que font les femmes, ce que font les hommes. Non, il s'agit de se dire que l'humanité, si elle veut progresser, il faut qu'elle travaille sur ses systèmes de domination.

  • Florence Gault

    Et donc l'idée, c'était de créer un endroit, finalement, où on sortait de ce système d'oppression en laissant la place aux minorités.

  • Olivia de Roubin

    En fait... Pour moi, l'écoféminisme, c'est un peu comme la permaculture, c'est plus une philosophie, une pensée chapeau. Et à l'intérieur, effectivement, comment on mène des actions au prisme de cette pensée-là ? Oui,

  • Florence Gault

    vous ne vous êtes pas dit, je vais faire un projet écoféministe, et donc qu'est-ce que je vais mettre dedans ? Alors, ma thématique, ce sera l'agriculture, et je construis là-dessus. Je pense que c'est bien aussi de pouvoir se le redire. Il n'y a pas un mode d'emploi écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    Exactement. En fait, il n'y a pas de mode d'emploi. On est dans des sociétés très complexes, dans des sociétés sur cette planète. On est, je crois, maintenant pas loin de 8 milliards qui prennent beaucoup de place sur la planète. Et donc, oui, il n'y a pas de solution miracle et de solution facile. Nous, ce qui nous anime, c'est en effet de penser. par exemple la place des femmes dans le travail. Le travail a été pensé principalement avec un schéma de l'homme qui travaille à l'extérieur, la femme qui est à la maison, qui gère toute la logistique domestique, gratuitement. Et on est encore sur ce schéma-là, avec des horaires qui ne sont souvent pas forcément adaptés à une mère de famille qui est en situation de monoparentalité, qui doit amener ses enfants à l'école, comment elle fait ? Donc ça, c'est des questions qu'on se pose. Comment on essaye à notre modeste échelle de penser le travail au féminin, de penser le travail en dehors d'un système d'oppression, et plus en termes d'encapacité de l'être humain. De la même manière qu'on dit parfois dans nos documents qu'on s'inspire de la permaculture, on ne peut pas dire qu'on est une ferme en permaculture, ce n'est pas vrai. Parce qu'on est aussi dans un monde où nous, on doit produire, on est certifié en agriculture biologique, on va bien plus loin, mais on n'est pas au niveau où on voudrait être. On est dans un monde quand même assez capitaliste, polluant, qui ne valorise pas toutes les externalités positives d'une association comme la nôtre, en termes de soins de la terre, de soins de l'eau, de soins des êtres humains et vivants en général. Et... c'est aussi des questions d'équilibre et c'est aussi des questions d'ajustement. Et on ne peut jamais dire, là, on est tout bon, on coche toutes les cases écoféministes. On n'est plus sur un chemin. C'est pour ça aussi que Milpa me parle bien, ce mot que j'ai choisi pour l'association. C'est qu'en fait, on est tous sur un chemin.

  • Florence Gault

    Alors, ça va faire quatre ans que l'association existe. Un an où vous avez vraiment les mains dans la terre pleinement. Mais en termes de retour d'expérience, est-ce que ça fonctionne ? Quel est le retour aussi peut-être des femmes que vous accompagnez au sein de Milpa ?

  • Olivia de Roubin

    Alors ça fait deux ans qu'on a les mains dans la terre. En fait, un an ici sur cette ferme et un an avant sur le plateau de Charzieux à Colonge. Nous, on voit des chouettes choses qui se passent. Ce qui nous intéresse aussi, c'est de mixer des publics très différents. On a des bénévoles qui viennent aussi sur la ferme. C'est un petit microcosme qui existe et qui avance à son niveau avec des hauts, des bas.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qu'on pourrait mieux faire ?

  • Olivia de Roubin

    Ce qui est compliqué, clairement, c'est de monter une association. Les ateliers chantiers d'insertion sont moins soutenus qu'avant, notamment par les collectivités locales. Elles ont moins de financement qu'avant. Et... Et aujourd'hui, on est beaucoup sur un recul des aides qu'il faut aller chercher. Et moi, concrètement, une grosse partie de mon temps, de mes soirées, de mes week-ends, c'est d'aller chercher des financements, notamment privés.

  • Florence Gault

    Donc, c'est l'instabilité financière.

  • Olivia de Roubin

    C'est énorme. Et aujourd'hui, la plupart des associations... sont dans ce cadre-là. Je crois que c'était les Restos du Coeur qui avaient écrit... Donc même des grosses associations ne sont pas à l'abri, voient de plus en plus de précarité s'installer. Donc s'il n'y a pas une réflexion globale de notre société, comment on répartit mieux la richesse ? Comment... Et seulement de laisser ça aux associations en se disant qu'elles vont se débrouiller avec des personnes de plus en plus exclues, de plus en plus pauvres, Sans les financer, il y a un truc qui ne va pas. Et forcément, ça crée de la tension dans toutes les associations et en particulier une jeune association comme la nôtre qui s'installe.

  • Florence Gault

    Les personnes accompagnées bénéficient de contrats de 26 heures par semaine et d'un suivi personnalisé visant à lever les freins à l'emploi qu'il s'agisse par exemple de difficultés linguistiques ou de problématiques liées au logement. Depuis sa création, Terre de Mille Pas a accueilli 21 participants. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer les retombées en termes d'accès à l'emploi, le chantier d'insertion étant dans sa deuxième année d'existence. Vous l'aurez compris ? Il n'y a pas de mode d'emploi pour l'écoféminisme, il s'agit plutôt d'une démarche globale qui permet de sortir de logiques de domination. Et puis surtout, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes. Si vous avez envie d'aller plus loin sur le sujet, je vous mets dans la fiche de l'épisode toute une liste de ressources. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Clémence, Ronan et Pascal.

Description

🌿 Ce nouvel épisode de En un battement d’aile explore un courant qui suscite autant de fascination que de débats : l’écoféminisme. Né dans les années 1970, ce mouvement lie écologie et féminisme, en dénonçant des mécanismes de domination communs entre l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes.


À l’occasion du festival lyonnais Écofémina, découvrez ce qu'est l’écoféminisme. Entre critique des systèmes dominants et utopie radicale, que peut-il nous apprendre sur les transitions écologiques et sociales ?


👩‍🌾 Terre de Milpa : l’agroécologie au féminin


Pour découvrir comment l'écoféminisme peut se vivre, je vous emmène à Terre de Milpa, une ferme agroécologique écoféministe située près de Lyon. Olivia de Roubin, sa fondatrice, nous partage son ambition : faire du maraîchage, de l’arboriculture et de la boulangerie artisanale des leviers d’insertion socio-professionnelle, dans une approche écoféministe concrète et inspirante.


💬 À découvrir dans cet épisode :


  • Qu’est-ce que l’écoféminisme et quelles sont ses origines ?

  • Quels sont les débats et critiques qui entourent ce courant ?

  • Immersion au festival Écofémina et reportage à Terre de Milpa.

  • Le témoignage d’Olivia de Roubin sur son engagement agroécologique.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


Pour aller plus loin :



Livres

  • "Ecoféminisme, Théories et pratiques" de Jeanne Burgart Goutal

  • "ReSisters" de Jeanne Burgart Goutal & Aurore Chapon

  • "Reclaim, anthologie des textes écoféministes" de Emilie Hache

  • "Le féminisme ou la mort" de Françoise d’Eaubonne

Podcasts

  • Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, Binge Radio (dont un épisode avec Jeanne Burgart Goutal sur l’écoféminisme)

  • Les 2 épisodes sur l’écoféminisme de Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé, Arte Radio

  • L'épisode 18 de la saison 2 de Baleine sous gravillon avec Pascale d'Erm



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Transcription

  • Florence Gault

    C'est un mot que l'on a vu apparaître depuis quelques années dans le débat public, l'écoféminisme. La préoccupation environnementale croissante a coïncidé avec un retour du féminisme sur le devant de la scène, en tout cas en France. Né de la contraction entre écologie et féminisme, ce courant pourtant né dans les années 70, considère que les mécanismes de domination qui permettent la destruction de la nature et l'oppression des femmes sont du même ordre. L'écoféminisme ne fait pas l'unanimité. Pour certains, il est perçu comme un mouvement marginal ou caricatural, voire essentialiste, en associant les femmes à une supposée connexion naturelle avec la nature. D'autres estiment qu'il s'agit d'une utopie trop radicale ou idéalisée, éloignée des réalités concrètes, des critiques qui révèlent en tout cas les tensions qui peuvent entourer la remise en question des systèmes dominants. Mais qu'est-ce que véritablement l'écoféminisme ? À l'occasion de l'Ecofémina, un festival écoféministe lyonnais, j'ai voulu y voir plus clair. Reportage. Dimanche 17 novembre, nous sommes à l'autre soie, le tiers lieu de la rayonne située à Villeurbanne. C'est ici que se tient donc la troisième édition de l'Ecofilina, le premier festival. écoféministes de Lyon, beaucoup de femmes y participent. Bonjour, qu'est-ce que vous faites de beau ? Nous, pour une campagne d'antipub, on est allées récupérer des affiches dans les paroles publicitaires de la ville. Le but, c'est de les customiser. On est en train de faire de la peinture, du découpage, changer le message. Ça va être diffusé à l'occasion de la prochaine manifestation féministe. Donc voilà, le but ça va être de redécorer la ville avec du coup de la contre-publicité. Donc là par exemple, c'était quoi l'affiche ?

  • Speaker #1

    C'était Boygues Télécom, la fibre, rien que la fibre, donc on penche pour la lutte, rien que la lutte. Un grand moment de créativité.

  • Florence Gault

    Je vois ça, je vois ça. Si vous deviez me définir ce que c'est que l'écoféminisme, vous diriez quoi ?

  • Speaker #1

    Pour moi l'écoféminisme, déjà comme son nom l'entend, c'est l'intersectionnalité entre les luttes écologistes et féministes, de se rendre compte que c'est des luttes qui sont liées. Déjà parce qu'elles proviennent d'un même système qui a plein de liens entre les deux. Mais pour moi c'est d'abord et avant tout aussi se dire que le futur qu'on veut dans le féminisme, c'est un futur écologiste et le futur écologique qu'on veut, c'est un futur féministe et qu'on ne veut pas l'un sans l'autre. Je crois que j'aurais dit après la même chose. Moi, l'écoféminisme, c'est les écolos qui se sont rendus compte que l'écologie n'allait pas seule et donc ce serait une lutte commune pour un futur souhaitable. Et effectivement, du coup, ce futur souhaitable, ne sera jamais que écolo ou que féministe. Le futur dont on rêve, il est à l'intersection de ces deux luttes. Notre lutte aussi, et on parle beaucoup d'écoféminisme, mais c'est important aussi de parler d'écologie décoloniale, de féminisme décolonial, de l'intersection de toutes ces luttes-là. L'écoféminisme, ça reste un mouvement qui est très blanc et c'est important aussi de prendre conscience de ça et de ne pas oublier que c'est bien l'écologie, c'est bien le féminisme, mais il y a plein d'autres luttes antiracistes, queer, contre la précarité qui sont très importantes et qui sont aussi dans ce lien-là. 'est marrant parce que je crois que dans l'écoféminisme, pour moi, on pourrait mettre 3000 mots derrière. C'est un écoféminisme décolonial, antiraciste, antivalidiste, qui est aussi inclusif pour les personnes queer, donc c'est aussi un écoqueer-féécologisme. C'est très très large, mais effectivement, pour moi, le mot-clé, ce serait intersectionnalité.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup ! Visiblement, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes au pluriel. Mais j'ai encore un peu de mal à saisir le concept, je me plonge dans son origine. L'écoféminisme, terme issu de la contraction des mots écologie et féminisme, a été introduit en 1972 par Françoise Daubonne. Selon elle, aucune révolution écologique n'est possible sans révolution féministe. Elle dénonçait la double domination masculine sur les femmes et sur la nature, comme elle l'expliquait le 3 mai 1972 dans l'émission télévisée Aujourd'hui Madame.

  • Speaker #1

    La société va mal. Nous en avons pour 30 ans d'existence si cette société mâle et industrielle continue. Il est temps que la planète redevienne verte. Et ne serait-ce que pour cela, et j'ai bien d'autres raisons de le penser, mais ne serait-ce que pour cela, je suis à fond pour que les hommes perdent le pouvoir. Ce mouvement pense l'exploitation des femmes, de la nature, mais aussi des minorités, comme conséquence d'un système. patriarcale, capitaliste et coloniale, dominée par les hommes, dans lequel on cherche à exploiter plus pour produire plus. Se dire écoféministe aujourd'hui, c'est donc lutter contre toutes les formes d'inégalité et de discrimination, comme on l'entendait d'ailleurs dans les deux témoignages au début. En 2019, Jeanne Burgard-Goutal publie Écoféminisme, théorie et pratique un essai retraçant l'histoire et la diversité de ce courant qu'elle définit comme profondément politique et multiple. Dans le contexte actuel d'urgence écologique, l'écoféminisme revient au premier plan, mais la pluralité des idées et des pratiques qui le composent peut rendre ce mouvement complexe à appréhender. Profitant d'un moment d'accalmie dans l'organisation de la journée, je retrouve Eloïse Bouilloud, la cofondatrice de l'Ecofemina. La jeune femme de 31 ans s'est passionnée en 2019 pour le cycle menstruel au point de créer Moon Week 4 qui accompagne les entreprises vers le bien-être menstruel au travail.

  • Eloise Bouilloud

    Pendant longtemps, je pense que j'ai toujours été féministe depuis très jeune. Et depuis 2016, je m'intéresse à l'écologie et j'ai rapidement aussi fait beaucoup de liens entre, alors pas autant intellectuels avec la domination et tout ça, mais en tout cas, il y a beaucoup de choses. Et que ça me semblait illogique de juste être dans les mouvements féministes ou être dans les mouvements écologistes. Et ça ne me semblait pas assez complet pour moi, d'où la création du festival. Mais il y a aussi la ville et ma famille aussi qui n'est pas trop dans ce milieu-là. Et que du coup, c'était d'avoir un espace pour pouvoir... parler, débattre et faire des liens entre toutes ces choses. Donc c'est intéressant d'avoir un lieu ou en tout cas un mot, un mouvement pour commencer à réfléchir sur tous ces sujets qui sont intersectionnels et qui sont liés.

  • Florence Gault

    Puisque vous grandissez dans une famille aux convictions très opposées avec ce que vous défendez aujourd'hui au travers de ce festival, vous grandissez en fait dans une famille d'extrême droite. Comment ? se fait justement cette prise de conscience. Vous le disiez, il y a toujours eu quand même cette fibre féministe qui était là présente dès le départ, dès l'enfance.

  • Eloise Bouilloud

    Oui, féministe, mais même spéciste et tout ça. Depuis toujours, je pense que je me posais des questions sur plein de choses qui, pour moi, ce n'était pas logique en fait. Mais on me disait, si c'est comme ça, ou avoir peur de l'autre, ou la différence, et en fait, et voilà.

  • Florence Gault

    Il y a des souvenirs, justement, peut-être de réflexions féministes ?

  • Eloise Bouilloud

    Alors, féministe ? pas forcément, je m'en rappelle juste que j'étais choquée pour la chasse, mais mon grand-père quand mon grand-père allait à la chasse, et mon grand-père est décédé quand j'avais 4 ans, donc déjà ça me choquait du coup avant 4 ans, du coup ça me posait déjà des questions de tuer des animaux comme ça mais après vers 20 ans je pense, il y avait un Noël où du coup on avait offert aux garçons un jeu de super-héros trop cool. Et à la fille, on lui avait offert un kit de ménagère avec les balayettes et que j'avais vrillé pendant le repas de Noël. Et du coup, après, tout le monde me disait, les Noëls d'après, ça va, c'est bien. Et en fait, je leur ai dit, à quel moment tu éduques une fille à faire des... Tu lui offres un cadeau, un balai et une balayette. C'est pas un cadeau de Noël. C'est genre... leur donner leur rôle de ménagère plus tard.

  • Florence Gault

    Donc, comment on grandit, justement, dans une famille ? Comment se permet cette prise de conscience ? On sait assez naturellement qu'on embrasse souvent les idées politiques, au moins au démarrage, en grandissant, de nos parents, voire de la famille dans laquelle on grandit. Donc, comment on arrive petit à petit à s'écarter de l'éducation qu'on reçoit ?

  • Eloise Bouilloud

    En fait, je pense, j'en parlais récemment avec des proches, c'est qu'ils sont pas profondément d'extrême droite. On va dire qu'ils votent pour des personnes d'extrême droite. Mais dans leur manière de faire au quotidien, ils ne sont pas d'extrême droite. C'est juste qu'ils ne s'informent pas et qu'ils écoutent les médias qui orientent vers ce genre de sujet. Et après, je pense que j'ai toujours été un peu le mouton noir, mais ma mère aussi est le mouton noir. J'ai fait des études d'art et tout ça. Et du coup, ça m'a énormément ouvert l'esprit, je pense, mes études d'art, parce qu'on devait aussi beaucoup analyser les images, avoir un esprit critique. Et après, j'ai... commencer à fréquenter des mouvements aussi quand je suis arrivée à Lyon, des mouvements un peu militants et tout ça. Et j'ai fait un stage dans un centre social et là, je me suis pris claque sur claque sur comment fonctionnait vraiment le monde. Et là, je me suis dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas et je ne veux plus faire partie de ce système, en tout cas pas comme ça. Et donc, je pense que c'est tout ça. Mais je pense que c'est une accumulation de plein de choses depuis toujours. Et 2016 a été la grosse claque. Il y a vraiment une Héloïse avant, une Héloïse après.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui crée la claque, justement ?

  • Eloise Bouilloud

    Ça va être comment sont traités ces personnes qui habitent justement dans les cités, dans les banlieues et tout ça. Et à la fois le côté muselé de la presse. Du coup, ils avaient un petit média indépendant et que du coup, ils se sont fait museler sur plein de choses et attaquer sur plein de choses. Alors qu'en fait, ils disaient juste les choses sans avoir trouvé...

  • Florence Gault

    Muselé par qui ?

  • Eloise Bouilloud

    Je ne veux pas forcément dire autant du sujet, mais en tout cas autour des... des plus hauts qui pouvaient être autour de ce projet et que c'était juste dire la vérité de ce qui se passait réellement dans le quartier. Et après, il y a eu plein d'autres situations d'injustice et de désir que le monde n'est pas comme on le voit et qu'on veut nous faire croire et qu'il y a plein de sombres, même dans ce côté... bienveillant on va dire dans ces sujets là et après j'ai eu la chance d'être dans un centre social qui était déjà très politisé et très engagé avec justement des maîtres de sages qui étaient très très engagés sur ces causes et du coup ça m'a pas mal éduqué sur ces sujets là.

  • Florence Gault

    Et comment réagit la famille à ce moment-là, 2016, en voyant votre prise de conscience se faire, vos engagements au quotidien que vous prenez en devenant végétarienne ?

  • Eloise Bouilloud

    Ils ont cru que c'était une nouvelle lubie et que j'arrêterais au bout de quelques mois le végétarisme, et que c'était juste une nouvelle lubie. Après, ils ne savent pas autant, parce que j'essaye de ne pas trop dire non plus mes engagements auprès de ma famille, parce que sinon ça va partir en scandale et en grand débat, et que je n'ai pas envie d'être en repas de famille pour être dans le militantisme. Je le fais déjà à toutes les années. le reste de ma vie donc quand je suis en famille j'essaye de me taire mais après voilà de toute façon j'ai eu plein de critiques sur mes engagements et qui préféraient que du coup j'étais en service civique après j'ai fait un service civique justement pour une exposition d'art internationale qui développe le lien social du coup c'est un service civique donc c'était pas bien payé et du coup il disait bah en fait c'est mieux que tu restes caissière à Leclerc au moins tu es bien payé que faire ce job où tu n'es pas payé quoi et je me dis mais en fait ce... C'était une opportunité incroyable. Il y a un événement d'art international, c'était avec la ville de Lyon, c'était avec des élus, c'était avec plein d'autres choses. Et j'ai dit, mais en fait, non, c'est plein d'opportunités. Et si vous n'avez que cette ambition pour moi, ben en fait, merci, mais non, merci quoi.

  • Florence Gault

    Héloïse décide donc, en 2021, de lancer avec Déborah Glor ce festival. Leur constat, la majorité des événements auxquels elle participe ont soit une approche écologique, soit une approche féministe. Elles ont donc voulu créer un festival mêlant les deux, avec pour ambition de montrer comment l'écoféminisme peut se vivre au quotidien. Au programme des ateliers, des stands et des conférences.

  • Speaker #1

    On va démarrer cette table ronde qui porte le sujet agriculture et souveraineté alimentaire. A mon sens, c'est important qu'on se questionne sur la crise alimentaire et écologique qu'on connaît. Aujourd'hui, ce qu'on produit, ce qu'on consomme et la façon dont on distribue ce qu'on mange, ça a quand même un impact assez direct sur notre santé, l'environnement et sur des questions de justice sociale. C'est important de pouvoir discuter de tout ça. Une fois qu'on a dit ça, concrètement, qu'est-ce qu'on fait pour répondre aux enjeux liés à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire ?

  • Florence Gault

    Autour de la table, trois invités. Gauthier Chapuis adjoint la ville de Lyon en charge notamment de l'alimentation, Damien de l'association Vrac France qui défend l'accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous et Olivia de Roubin fondatrice de la ferme écoféministe Terre de Milpa installée à Saint-Didier au Mont-d'Or dans le Rhône. Tous trois reviennent sur la définition de souveraineté alimentaire

  • Speaker #1

    Alors Olivia, désolée, mais j'ai pensé à vous en premier pour lancer le sujet. Et tout en partant par souveraineté alimentaire. Il me semble qu'à l'origine, le terme a été créé par Via Campesina, plutôt dans une dimension systémique de la production, la distribution et l'alimentation. L'idée, c'est justement de se réapproprier ces enjeux d'alimentation, depuis la production jusqu'à l'assiette. Du coup, pour moi, c'est vraiment de ce... Aujourd'hui, l'agriculture et l'alimentation sont principalement accaparées au niveau mondial par l'agro-industrie et par une petite partie d'humains, alors qu'elles concernent l'ensemble des humains. Et c'est comment on se rapproprie ces enjeux-là. C'est un terme à la fois très chapeau et qui représente plein de choses, mais pour moi, ça représente avant tout une rappropriation de notre alimentation depuis la production jusqu'à... jusqu'à ce qu'ils nous arrêtent et nous assiedent.

  • Florence Gault

    Aujourd'hui, 70% de l'alimentation mondiale provient des petites exploitations, souvent gérées par des femmes. Des femmes qui sont en première ligne du dérèglement climatique, car ils exacerbent les inégalités, en touchant particulièrement les populations les plus vulnérables. Et selon Oxfam France, les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté. Cette surreprésentation s'explique par plusieurs facteurs. Les femmes possèdent, gagnent et épargnent moins que les hommes. Elles sont concentrées dans les emplois et secteurs moins valorisés socialement et financièrement et assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré. Alors une fois que l'on a dit tout ça, comment devenir écoféministe ? Comment l'intégrer ? Je retrouve Olivia de Roubiin à Terre de Milpa, la ferme agroécologique qu'elle a installée à Saint-Didier-aux-Monts-d'Or à quelques kilomètres de Lyon. L'objectif est de favoriser l'insertion socio-professionnelle en développant des activités de maraîchage, d'arboriculture et de boulangerie artisanale, le tout dans une démarche écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    C'est une ferme du XVIIIe siècle qui appartient à deux collectivités locales, la ville de Saint-Didier-aux-Monts-d'Or et le syndicat Mix Pleine-Monts-d'Or. Et ici, on s'était réunis, à l'époque il n'y avait que des bénévoles à Terre de Mille-Bains, et on s'est réunis autour de la table pour se dire, quand on est arrivé ici, il n'y avait que des prairies fauchées ou pâturées par un éleveur. Et on s'est dit, ben... Comment on se projette ? Donc c'était assez chouette, ça a été vraiment un travail collectif. Et notre ancienne présidente, qui est toujours administratrice, Inahit Barka, est paysagiste, et donc c'est elle qui a dessiné ce plan-là. Donc là, on a commencé ce qu'on appelle le mandala, c'est plus un petit terrain expérimental où on essaye de... C'est plus les bénévoles qui ont essayé de se mettre moins la pression sur la production. Ici aujourd'hui on cultive cette partie, on va aller la voir. C'est notre zone plein champ. Et comme on s'est installé en mai 2022 mais qu'on n'avait pas de parcelles, les parcelles nous ont été accessibles à partir de juillet, même septembre 2023. Ce qu'on va voir tout à l'heure, ça a moins d'un an parce que du coup on a fait un forage, on a créé une citerne. Ici il n'est pas complètement à jour ce plan parce qu'on a une serre de 200 m², deux autres. On en a deux autres qui vont arriver avant la fin de l'année et une petite pépinière. On a commencé à planter des arbres fruitiers ici, on va continuer cet hiver. Et cette partie-là, il y a une autre parcelle qui appartient à notre voisine. Et cette parcelle-là, elle est encore uniquement fauchée et on ne sait pas encore comment on va l'organiser.

  • Florence Gault

    C'est un choix de s'installer ici ou c'est l'occasion pour monter le projet qui vous a permis ?

  • Olivia de Roubin

    Les deux. L'idée, c'était de trouver une ferme à peu près idéalement sur le territoire de la métropole de Lyon. Mais on s'était fixé un rayon, on va dire, de 50 kilomètres autour de Lyon.

  • Florence Gault

    Parce qu'il y avait déjà l'envie d'être sur une ferme périurbaine ?

  • Olivia de Roubin

    Il y avait l'envie d'avoir une ferme idéalement accessible en transport en commun. Le problème avec les fermes, c'est que souvent, elles sont très peu accessibles, sans voiture. Et que nous, on a souvent aussi un public qui est quand même connecté. sur la ville de Lyon, pour plein de raisons. Et donc, on a exploré quatre pistes de fermes, de manière assez avancée, à des endroits complètement différents. Une dans les monts du Lyonnais, une dans le Beaujolais Vert, qui était assez loin, une du côté de Bourgoin-Jalgueux, et celle-là. Et finalement, on a atterri ici. Ce qui nous intéressait beaucoup sur cette ferme, c'est la proximité de Lyon. On est à 8 km à vol d'oiseau de la presqu'île de Lyon. On est accessible en transport en commun. Une grande partie des personnes qui travaillent ici viennent soit en vélo électrique, soit en transport en commun. Un petit peu aussi en voiture, mais la majeure partie vient en transport en commun. Ici, c'était une ferme qui appartenait à deux frères, qu'on nomme ici les frères Vincent. Et donc, deux hommes qui ne se sont jamais mariés, qui n'ont pas eu d'enfants. Et donc, à la mort du deuxième frère, la ferme a été vendue par le billet de la SAFER et a été achetée par le syndicat Mixte et la ville. Ok. Donc, c'est dans la cuisine. cuisine salon on a fait pas mal de travaux chantier participatif pour remettre un peu un coup de on a tout repensé pour sortir de son jus si ça vous intéresse exactement vous n'osiez pas le dire je l'ai senti du coup c'est là que mange l'équipe à midi C'est un peu rigolo que ça soit une ferme écoféministe parce que c'était deux hommes. Et il y a un cousin qui est un des bénévoles de Terre de Milpa qui vient sur les chantiers participatifs et qui nous raconte que ses sœurs restaient dans la cour, qu'ils n'avaient pas le droit de monter. C'était vraiment un lieu d'hommes ici. Ça, c'était un des frères. C'est le cousin qui m'a amené la photo. Ils faisaient de tout ici. Il y avait le maraîchage, il y avait le vin, le lait. Donc ici, on est sur la partie qu'on occupe. On a notre stockage de courbes, principalement.

  • Florence Gault

    Le stock pour l'hiver.

  • Olivia de Roubin

    Pas sûre de tenir entièrement l'hiver elles tiendront moins bien que l'année dernière parce que et c'est pour ça qu'on les vend plus rapidement que l'année dernière parce que là la récolte s'est fait quasiment sous la pluie et les légumes de conservation se conservent moins bien ça c'est l'atelier donc là on peut voir un café la pépite curry et la zone neuve le pourbet, l'ancienne écurie et maintenant c'est les nouveaux moyens de créer le pot à vélo. Ici il y avait le pubage avec le pressoir, l'écuve c'est là qu'ils faisaient le vin. Là maintenant c'est notre matériel, notre bazar maraîchage, stockage.

  • Florence Gault

    Bonjour Lucie ! Qu'est-ce qu'on prépare de bon ?

  • Speaker #1

    Du pain !

  • Florence Gault

    Quel genre ? Parce qu'il y en a plein de pain ! Du pain complet, pain crème, ça sent bon en tout cas ! Ça fait quoi de travailler dans une ferme avec un four en extérieur ?

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est ludique.

  • Florence Gault

    Et agréable, malgré la température un peu basse.

  • Speaker #1

    oui. C'est un choix, le four à bois, du coup. Et en fait, dehors, c'est plutôt mieux, parce qu'on régule mieux la température à l'intérieur que l'été avec le four à l'intérieur, où il est trop chaud. Eh bien,

  • Florence Gault

    bonne fournée.

  • Olivia de Roubin

    Donc ça, là, avanr les habitants venaient chercher le lait, c'était le local à lait. Et nous, on l'a transformé en petit fournil. L'année dernière, on avait lancé un atelier avec des salariés en parcours sur la boulangerie. Et puis, on l'a mis en pause. Et là, du coup, c'est chouette que Lucie prenne le relais et fasse continuer à faire vivre ce fournil. Là, c'était les câbles. Bazar aussi ! Voilà. Mais donc, il faut imaginer, il y avait le foin et il y a des trappes. Et donc, le foin arrivait là, il devait avoir une dizaine de vaches à peu près. Oui,

  • Florence Gault

    parce que ce n'est pas si grand comme ça, comme ferme.

  • Olivia de Roubin

    Ce n'est pas si grand. Ce n'est pas si grand.

  • Florence Gault

    Mais il y a plein d'espaces différents. Il y avait beaucoup d'activités différentes.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. Là, on est en pleine activité préparation des paniers. On vend principalement sous forme d'abonnement à des paniers, comme les AMAP. On les prépare les lundis et les vendredis. On a deux journées de panier.

  • Florence Gault

    Bonjour. Qu'est-ce qu'il y a de beau cette semaine au menu dans les paniers ? Épinards,

  • Olivia de Roubin

    roquettes,

  • Florence Gault

    poireaux bien sûr, pommes de terre, carottes, un peu de céleri,

  • Olivia de Roubin

    du chou kalé !

  • Florence Gault

    Vous produisez aussi ici ?

  • Olivia de Roubin

    Oui.

  • Florence Gault

    Tout ce qui est proposé est produit ici ?

  • Olivia de Roubin

    Tous les légumes, on va dire, verts, frais, sont récoltés le jour même et se retrouvent dans les paniers le jour même. Et sinon, tout ce qui est légumes de conservation. Il y en a une partie qu'on ne fait pas. Et là, par exemple, carottes et pommes de terre. Patates d'outes aussi, on les a ratées cette année, donc on n'en a pas. C'est de l'achat revente. Voilà, vous avez combien de paniers aujourd'hui ? 52 ? Ouais. Waouh !

  • Florence Gault

    Le plus que vous ayez jamais eu !

  • Olivia de Roubin

    C'est une période où on peut augmenter le nombre de paniers. Et donc, au fur et à mesure, on augmente la production, on augmente le nombre de paniers. Et puis après, en fin d'année, on va aller vers une période où on a moins de légumes. Ce n'est pas le moment où on augmente. Au début, on a commencé,il y avait 25 paniers. On n'avait même pas 20 paniers. Voilà, on avait 25 paniers. Forcément, là, si on a plus de place, on a plus de production, du coup. Donc ici, il faut s'imaginer qu'on n'avait que des prairies. Et tout ce qu'on voit ici, c'est à moins d'un an, parce qu'on a eu accès aux parcelles quasiment après l'été 2023. Donc la première chose qu'on a faite, c'est faire un forage. Il y a un ruisseau qui coule tout le long de la parcelle, mais on ne peut pas prendre de l'eau dans le ruisseau pour irriguer. Donc on a fait un forage, on a trouvé de l'eau pas trop loin, à 20 mètres. On a créé une citerne. pour avoir une réserve d'eau l'été. Et là on voit toutes les cultures d'automne en fait. Des blettes, de la mâche, des épinards, des salades. Ici c'est notre pépinière. Il y a une partie qu'on achète en plant et une partie dont on fait nous-mêmes les semis. Peut-être c'était de se dire, on s'adapte aussi à la ferme qu'on va trouver. Donc nous, on avait ciblé vraiment le maraîchage et la boulangerie. Et là, il y a des pentes qui sont assez fortes. Alors certes, quand je vais dans les monts du Lyonnais, je me dis, bon, on arrive à faire... Oui, c'est ça. Ça va. Mais donc, sur la partie vraiment pentue, on est plutôt parti pour planter des arbres fruitiers. Donc là, il y a une première série qui a été faite. L'hiver dernier, on a eu des étudiants qui sont venus filmer la ferme, qui ont fait un très joli court-métrage, 13 minutes,

  • Florence Gault

    qu'on peut découvrir sur le site internet et qui est super bien fait.

  • Olivia de Roubin

    Il est très beau. Et ils sont arrivés, le film est beau, je trouve, et sensible, parce qu'ils ont passé du temps aussi. Ils sont venus à plusieurs reprises et puis bon, il y a aussi le regard de Nils Carbonell, l'étudiant qui a réalisé le film avec les autres étudiants. Et chaque fois que je vois ces arbres fruitiers, je pense à eux, parce qu'ils étaient là quand on les a plantés. C'est la LPO qui nous a aidé à faire cette mare. On avait envie d'apporter notre petite contribution à la biodiversité.

  • Florence Gault

    Pour objectif, j'imagine de permettre à la biodiversité de pouvoir s'étendre, d'avoir un point d'eau accessible.

  • Olivia de Roubin

    C'est bien pour les oiseaux, c'est bien pour les grenouilles, c'est bien pour tout le petit monde vivant qui nous entoure. Et là, vraiment, c'est consacré que pour la biodiversité. On a séparé la fonction mare de la fonction citerne pour pouvoir arroser nos cerfs. On a planté pas mal aussi de haies qui favorisent la biodiversité, cette fois-ci avec Arthropologia et des financements de la métropole qui sont assez chouettes. pour favoriser la biodiversité.

  • Florence Gault

    J'ai fait un épisode, c'était le premier épisode de la saison 2, début septembre. Ils sont trop chouettes. Nous, c'est vraiment avec ces deux associations-là qu'il y a des liens aussi qui se sont tissés. La LPO, je le disais tout à l'heure, va nous accompagner pour une nouvelle mare, plus modeste que celle-là, dans le mandala. C'est chouette. Ils nous ont permis aussi, il y a une jeune femme en service civique qui est venue faire un diagnostic biodiversité l'année dernière. Et grâce à la LPO, on a eu un diagnostic. Donc voilà, c'est... Et qu'est-ce qu'il en ressort ?

  • Olivia de Roubin

    Plein de choses, c'est hyper intéressant. Ça se lit vraiment. Après, ici, on a la particularité d'avoir pas mal de nids d'hirondelles. Donc on a des hirondelles rustiques ici et puis après elle a pas mal étudié les libellules et l'idée c'était d'avoir un peu un point de repère au moment où on s'est installé et voir un peu comment ça évolue. J'aimerais bien en faire au moins tous les deux ans ça serait chouette.

  • Florence Gault

    Oui, pour voir un peu comment ça évolue avec les différents aménagements que vous allez faire, aussi l'impact des marques.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. La Milpa, chez les Amérindiens, c'est l'association de trois plantes qui s'entraident mutuellement. Le maïs, le haricot et la courge, on les appelle aussi les trois sœurs. Un nom qui évoque à la fois la démarche agroécologique dans laquelle se trouve Terre de Milpa, mais aussi l'approche écoféministe qui est portée par la ferme.

  • Speaker #1

    Alors déjà, c'est marrant parce que... beaucoup de gens, ça leur parle pas vraiment ce que c'est l'écoféminisme.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, vous le définiriez comment, l'écoféminisme ?

  • Olivia de Roubin

    Moi, quand j'ai découvert ce mot, il m'a semblé évident. Donc effectivement, il n'est pas évident pour tout le monde. Donc comment je le définirais ? Pour moi, c'est de dire que dans tous les systèmes de domination, quels qu'ils soient, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a un accaparement des richesses par quelques-uns. Je crois que la moitié de la richesse de cette planète est entre les mains de, je ne sais plus ce que c'est les chiffres, mais 200 personnes. C'est incroyable. D'ailleurs, sur les terres, 70% des terres agricoles sont aux mains de 1% de propriétaires dans le monde. En fait, tous les sujets qui nous tiennent à cœur à Terre de Mille Pas, il me semble qu'il y a une domination qui est... qui est à la source de toutes les autres, qui est la domination masculine, on va dire un peu de la moitié d'une population sur la moitié des humains. Et l'écoféminisme est souvent à une vocation d'intersectionnalité, parce que justement, on peut tirer plein de fils. Par exemple, si on tire le fil de l'agriculture. Aujourd'hui, on est dans une agriculture principalement dans nos pays industriels. L'agriculture industrielle, force est de constater, quand même, qu'elle n'a pas rempli sa mission. Sa mission, c'était de nourrir le monde. Dans le monde, on a encore 800 000 personnes qui souffrent de la faim. On a 2 milliards de personnes qui sont en insécurité alimentaire. Donc, il y a des problèmes aussi d'obésité. Donc, déjà, rien que la base qui était de nourrir les êtres humains, ça ne remplit pas le contrat. Et ensuite, on a... plein d'effets collato-héros, notamment sur le climat, sur la perte de biodiversité, sur notre santé, nous les humains et les autres êtres vivants. Donc, tout ça, c'est lié. Et quand même, d'où vient l'agriculture industrielle ? Elle vient... principalement de l'après-deuxième guerre mondiale qui était de recycler les chars. Les usines à chars sont devenues des usines pour vendre des tracteurs. On a poussé les agriculteurs à toujours plus investir et s'industrialiser et perdre le sens aussi de la terre. L'industrie de guerre, tout ce qui était agents chimiques meurtriers se sont retrouvés dans nos pesticides. C'est les mêmes entreprises qui ont créé ça. C'est des entreprises de guerre qui sont principalement des entreprises masculines. Donc il ne s'agit pas de dire ce que font les femmes, ce que font les hommes. Non, il s'agit de se dire que l'humanité, si elle veut progresser, il faut qu'elle travaille sur ses systèmes de domination.

  • Florence Gault

    Et donc l'idée, c'était de créer un endroit, finalement, où on sortait de ce système d'oppression en laissant la place aux minorités.

  • Olivia de Roubin

    En fait... Pour moi, l'écoféminisme, c'est un peu comme la permaculture, c'est plus une philosophie, une pensée chapeau. Et à l'intérieur, effectivement, comment on mène des actions au prisme de cette pensée-là ? Oui,

  • Florence Gault

    vous ne vous êtes pas dit, je vais faire un projet écoféministe, et donc qu'est-ce que je vais mettre dedans ? Alors, ma thématique, ce sera l'agriculture, et je construis là-dessus. Je pense que c'est bien aussi de pouvoir se le redire. Il n'y a pas un mode d'emploi écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    Exactement. En fait, il n'y a pas de mode d'emploi. On est dans des sociétés très complexes, dans des sociétés sur cette planète. On est, je crois, maintenant pas loin de 8 milliards qui prennent beaucoup de place sur la planète. Et donc, oui, il n'y a pas de solution miracle et de solution facile. Nous, ce qui nous anime, c'est en effet de penser. par exemple la place des femmes dans le travail. Le travail a été pensé principalement avec un schéma de l'homme qui travaille à l'extérieur, la femme qui est à la maison, qui gère toute la logistique domestique, gratuitement. Et on est encore sur ce schéma-là, avec des horaires qui ne sont souvent pas forcément adaptés à une mère de famille qui est en situation de monoparentalité, qui doit amener ses enfants à l'école, comment elle fait ? Donc ça, c'est des questions qu'on se pose. Comment on essaye à notre modeste échelle de penser le travail au féminin, de penser le travail en dehors d'un système d'oppression, et plus en termes d'encapacité de l'être humain. De la même manière qu'on dit parfois dans nos documents qu'on s'inspire de la permaculture, on ne peut pas dire qu'on est une ferme en permaculture, ce n'est pas vrai. Parce qu'on est aussi dans un monde où nous, on doit produire, on est certifié en agriculture biologique, on va bien plus loin, mais on n'est pas au niveau où on voudrait être. On est dans un monde quand même assez capitaliste, polluant, qui ne valorise pas toutes les externalités positives d'une association comme la nôtre, en termes de soins de la terre, de soins de l'eau, de soins des êtres humains et vivants en général. Et... c'est aussi des questions d'équilibre et c'est aussi des questions d'ajustement. Et on ne peut jamais dire, là, on est tout bon, on coche toutes les cases écoféministes. On n'est plus sur un chemin. C'est pour ça aussi que Milpa me parle bien, ce mot que j'ai choisi pour l'association. C'est qu'en fait, on est tous sur un chemin.

  • Florence Gault

    Alors, ça va faire quatre ans que l'association existe. Un an où vous avez vraiment les mains dans la terre pleinement. Mais en termes de retour d'expérience, est-ce que ça fonctionne ? Quel est le retour aussi peut-être des femmes que vous accompagnez au sein de Milpa ?

  • Olivia de Roubin

    Alors ça fait deux ans qu'on a les mains dans la terre. En fait, un an ici sur cette ferme et un an avant sur le plateau de Charzieux à Colonge. Nous, on voit des chouettes choses qui se passent. Ce qui nous intéresse aussi, c'est de mixer des publics très différents. On a des bénévoles qui viennent aussi sur la ferme. C'est un petit microcosme qui existe et qui avance à son niveau avec des hauts, des bas.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qu'on pourrait mieux faire ?

  • Olivia de Roubin

    Ce qui est compliqué, clairement, c'est de monter une association. Les ateliers chantiers d'insertion sont moins soutenus qu'avant, notamment par les collectivités locales. Elles ont moins de financement qu'avant. Et... Et aujourd'hui, on est beaucoup sur un recul des aides qu'il faut aller chercher. Et moi, concrètement, une grosse partie de mon temps, de mes soirées, de mes week-ends, c'est d'aller chercher des financements, notamment privés.

  • Florence Gault

    Donc, c'est l'instabilité financière.

  • Olivia de Roubin

    C'est énorme. Et aujourd'hui, la plupart des associations... sont dans ce cadre-là. Je crois que c'était les Restos du Coeur qui avaient écrit... Donc même des grosses associations ne sont pas à l'abri, voient de plus en plus de précarité s'installer. Donc s'il n'y a pas une réflexion globale de notre société, comment on répartit mieux la richesse ? Comment... Et seulement de laisser ça aux associations en se disant qu'elles vont se débrouiller avec des personnes de plus en plus exclues, de plus en plus pauvres, Sans les financer, il y a un truc qui ne va pas. Et forcément, ça crée de la tension dans toutes les associations et en particulier une jeune association comme la nôtre qui s'installe.

  • Florence Gault

    Les personnes accompagnées bénéficient de contrats de 26 heures par semaine et d'un suivi personnalisé visant à lever les freins à l'emploi qu'il s'agisse par exemple de difficultés linguistiques ou de problématiques liées au logement. Depuis sa création, Terre de Mille Pas a accueilli 21 participants. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer les retombées en termes d'accès à l'emploi, le chantier d'insertion étant dans sa deuxième année d'existence. Vous l'aurez compris ? Il n'y a pas de mode d'emploi pour l'écoféminisme, il s'agit plutôt d'une démarche globale qui permet de sortir de logiques de domination. Et puis surtout, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes. Si vous avez envie d'aller plus loin sur le sujet, je vous mets dans la fiche de l'épisode toute une liste de ressources. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Clémence, Ronan et Pascal.

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Description

🌿 Ce nouvel épisode de En un battement d’aile explore un courant qui suscite autant de fascination que de débats : l’écoféminisme. Né dans les années 1970, ce mouvement lie écologie et féminisme, en dénonçant des mécanismes de domination communs entre l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes.


À l’occasion du festival lyonnais Écofémina, découvrez ce qu'est l’écoféminisme. Entre critique des systèmes dominants et utopie radicale, que peut-il nous apprendre sur les transitions écologiques et sociales ?


👩‍🌾 Terre de Milpa : l’agroécologie au féminin


Pour découvrir comment l'écoféminisme peut se vivre, je vous emmène à Terre de Milpa, une ferme agroécologique écoféministe située près de Lyon. Olivia de Roubin, sa fondatrice, nous partage son ambition : faire du maraîchage, de l’arboriculture et de la boulangerie artisanale des leviers d’insertion socio-professionnelle, dans une approche écoféministe concrète et inspirante.


💬 À découvrir dans cet épisode :


  • Qu’est-ce que l’écoféminisme et quelles sont ses origines ?

  • Quels sont les débats et critiques qui entourent ce courant ?

  • Immersion au festival Écofémina et reportage à Terre de Milpa.

  • Le témoignage d’Olivia de Roubin sur son engagement agroécologique.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


Pour aller plus loin :



Livres

  • "Ecoféminisme, Théories et pratiques" de Jeanne Burgart Goutal

  • "ReSisters" de Jeanne Burgart Goutal & Aurore Chapon

  • "Reclaim, anthologie des textes écoféministes" de Emilie Hache

  • "Le féminisme ou la mort" de Françoise d’Eaubonne

Podcasts

  • Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, Binge Radio (dont un épisode avec Jeanne Burgart Goutal sur l’écoféminisme)

  • Les 2 épisodes sur l’écoféminisme de Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé, Arte Radio

  • L'épisode 18 de la saison 2 de Baleine sous gravillon avec Pascale d'Erm



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Transcription

  • Florence Gault

    C'est un mot que l'on a vu apparaître depuis quelques années dans le débat public, l'écoféminisme. La préoccupation environnementale croissante a coïncidé avec un retour du féminisme sur le devant de la scène, en tout cas en France. Né de la contraction entre écologie et féminisme, ce courant pourtant né dans les années 70, considère que les mécanismes de domination qui permettent la destruction de la nature et l'oppression des femmes sont du même ordre. L'écoféminisme ne fait pas l'unanimité. Pour certains, il est perçu comme un mouvement marginal ou caricatural, voire essentialiste, en associant les femmes à une supposée connexion naturelle avec la nature. D'autres estiment qu'il s'agit d'une utopie trop radicale ou idéalisée, éloignée des réalités concrètes, des critiques qui révèlent en tout cas les tensions qui peuvent entourer la remise en question des systèmes dominants. Mais qu'est-ce que véritablement l'écoféminisme ? À l'occasion de l'Ecofémina, un festival écoféministe lyonnais, j'ai voulu y voir plus clair. Reportage. Dimanche 17 novembre, nous sommes à l'autre soie, le tiers lieu de la rayonne située à Villeurbanne. C'est ici que se tient donc la troisième édition de l'Ecofilina, le premier festival. écoféministes de Lyon, beaucoup de femmes y participent. Bonjour, qu'est-ce que vous faites de beau ? Nous, pour une campagne d'antipub, on est allées récupérer des affiches dans les paroles publicitaires de la ville. Le but, c'est de les customiser. On est en train de faire de la peinture, du découpage, changer le message. Ça va être diffusé à l'occasion de la prochaine manifestation féministe. Donc voilà, le but ça va être de redécorer la ville avec du coup de la contre-publicité. Donc là par exemple, c'était quoi l'affiche ?

  • Speaker #1

    C'était Boygues Télécom, la fibre, rien que la fibre, donc on penche pour la lutte, rien que la lutte. Un grand moment de créativité.

  • Florence Gault

    Je vois ça, je vois ça. Si vous deviez me définir ce que c'est que l'écoféminisme, vous diriez quoi ?

  • Speaker #1

    Pour moi l'écoféminisme, déjà comme son nom l'entend, c'est l'intersectionnalité entre les luttes écologistes et féministes, de se rendre compte que c'est des luttes qui sont liées. Déjà parce qu'elles proviennent d'un même système qui a plein de liens entre les deux. Mais pour moi c'est d'abord et avant tout aussi se dire que le futur qu'on veut dans le féminisme, c'est un futur écologiste et le futur écologique qu'on veut, c'est un futur féministe et qu'on ne veut pas l'un sans l'autre. Je crois que j'aurais dit après la même chose. Moi, l'écoféminisme, c'est les écolos qui se sont rendus compte que l'écologie n'allait pas seule et donc ce serait une lutte commune pour un futur souhaitable. Et effectivement, du coup, ce futur souhaitable, ne sera jamais que écolo ou que féministe. Le futur dont on rêve, il est à l'intersection de ces deux luttes. Notre lutte aussi, et on parle beaucoup d'écoféminisme, mais c'est important aussi de parler d'écologie décoloniale, de féminisme décolonial, de l'intersection de toutes ces luttes-là. L'écoféminisme, ça reste un mouvement qui est très blanc et c'est important aussi de prendre conscience de ça et de ne pas oublier que c'est bien l'écologie, c'est bien le féminisme, mais il y a plein d'autres luttes antiracistes, queer, contre la précarité qui sont très importantes et qui sont aussi dans ce lien-là. 'est marrant parce que je crois que dans l'écoféminisme, pour moi, on pourrait mettre 3000 mots derrière. C'est un écoféminisme décolonial, antiraciste, antivalidiste, qui est aussi inclusif pour les personnes queer, donc c'est aussi un écoqueer-féécologisme. C'est très très large, mais effectivement, pour moi, le mot-clé, ce serait intersectionnalité.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup ! Visiblement, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes au pluriel. Mais j'ai encore un peu de mal à saisir le concept, je me plonge dans son origine. L'écoféminisme, terme issu de la contraction des mots écologie et féminisme, a été introduit en 1972 par Françoise Daubonne. Selon elle, aucune révolution écologique n'est possible sans révolution féministe. Elle dénonçait la double domination masculine sur les femmes et sur la nature, comme elle l'expliquait le 3 mai 1972 dans l'émission télévisée Aujourd'hui Madame.

  • Speaker #1

    La société va mal. Nous en avons pour 30 ans d'existence si cette société mâle et industrielle continue. Il est temps que la planète redevienne verte. Et ne serait-ce que pour cela, et j'ai bien d'autres raisons de le penser, mais ne serait-ce que pour cela, je suis à fond pour que les hommes perdent le pouvoir. Ce mouvement pense l'exploitation des femmes, de la nature, mais aussi des minorités, comme conséquence d'un système. patriarcale, capitaliste et coloniale, dominée par les hommes, dans lequel on cherche à exploiter plus pour produire plus. Se dire écoféministe aujourd'hui, c'est donc lutter contre toutes les formes d'inégalité et de discrimination, comme on l'entendait d'ailleurs dans les deux témoignages au début. En 2019, Jeanne Burgard-Goutal publie Écoféminisme, théorie et pratique un essai retraçant l'histoire et la diversité de ce courant qu'elle définit comme profondément politique et multiple. Dans le contexte actuel d'urgence écologique, l'écoféminisme revient au premier plan, mais la pluralité des idées et des pratiques qui le composent peut rendre ce mouvement complexe à appréhender. Profitant d'un moment d'accalmie dans l'organisation de la journée, je retrouve Eloïse Bouilloud, la cofondatrice de l'Ecofemina. La jeune femme de 31 ans s'est passionnée en 2019 pour le cycle menstruel au point de créer Moon Week 4 qui accompagne les entreprises vers le bien-être menstruel au travail.

  • Eloise Bouilloud

    Pendant longtemps, je pense que j'ai toujours été féministe depuis très jeune. Et depuis 2016, je m'intéresse à l'écologie et j'ai rapidement aussi fait beaucoup de liens entre, alors pas autant intellectuels avec la domination et tout ça, mais en tout cas, il y a beaucoup de choses. Et que ça me semblait illogique de juste être dans les mouvements féministes ou être dans les mouvements écologistes. Et ça ne me semblait pas assez complet pour moi, d'où la création du festival. Mais il y a aussi la ville et ma famille aussi qui n'est pas trop dans ce milieu-là. Et que du coup, c'était d'avoir un espace pour pouvoir... parler, débattre et faire des liens entre toutes ces choses. Donc c'est intéressant d'avoir un lieu ou en tout cas un mot, un mouvement pour commencer à réfléchir sur tous ces sujets qui sont intersectionnels et qui sont liés.

  • Florence Gault

    Puisque vous grandissez dans une famille aux convictions très opposées avec ce que vous défendez aujourd'hui au travers de ce festival, vous grandissez en fait dans une famille d'extrême droite. Comment ? se fait justement cette prise de conscience. Vous le disiez, il y a toujours eu quand même cette fibre féministe qui était là présente dès le départ, dès l'enfance.

  • Eloise Bouilloud

    Oui, féministe, mais même spéciste et tout ça. Depuis toujours, je pense que je me posais des questions sur plein de choses qui, pour moi, ce n'était pas logique en fait. Mais on me disait, si c'est comme ça, ou avoir peur de l'autre, ou la différence, et en fait, et voilà.

  • Florence Gault

    Il y a des souvenirs, justement, peut-être de réflexions féministes ?

  • Eloise Bouilloud

    Alors, féministe ? pas forcément, je m'en rappelle juste que j'étais choquée pour la chasse, mais mon grand-père quand mon grand-père allait à la chasse, et mon grand-père est décédé quand j'avais 4 ans, donc déjà ça me choquait du coup avant 4 ans, du coup ça me posait déjà des questions de tuer des animaux comme ça mais après vers 20 ans je pense, il y avait un Noël où du coup on avait offert aux garçons un jeu de super-héros trop cool. Et à la fille, on lui avait offert un kit de ménagère avec les balayettes et que j'avais vrillé pendant le repas de Noël. Et du coup, après, tout le monde me disait, les Noëls d'après, ça va, c'est bien. Et en fait, je leur ai dit, à quel moment tu éduques une fille à faire des... Tu lui offres un cadeau, un balai et une balayette. C'est pas un cadeau de Noël. C'est genre... leur donner leur rôle de ménagère plus tard.

  • Florence Gault

    Donc, comment on grandit, justement, dans une famille ? Comment se permet cette prise de conscience ? On sait assez naturellement qu'on embrasse souvent les idées politiques, au moins au démarrage, en grandissant, de nos parents, voire de la famille dans laquelle on grandit. Donc, comment on arrive petit à petit à s'écarter de l'éducation qu'on reçoit ?

  • Eloise Bouilloud

    En fait, je pense, j'en parlais récemment avec des proches, c'est qu'ils sont pas profondément d'extrême droite. On va dire qu'ils votent pour des personnes d'extrême droite. Mais dans leur manière de faire au quotidien, ils ne sont pas d'extrême droite. C'est juste qu'ils ne s'informent pas et qu'ils écoutent les médias qui orientent vers ce genre de sujet. Et après, je pense que j'ai toujours été un peu le mouton noir, mais ma mère aussi est le mouton noir. J'ai fait des études d'art et tout ça. Et du coup, ça m'a énormément ouvert l'esprit, je pense, mes études d'art, parce qu'on devait aussi beaucoup analyser les images, avoir un esprit critique. Et après, j'ai... commencer à fréquenter des mouvements aussi quand je suis arrivée à Lyon, des mouvements un peu militants et tout ça. Et j'ai fait un stage dans un centre social et là, je me suis pris claque sur claque sur comment fonctionnait vraiment le monde. Et là, je me suis dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas et je ne veux plus faire partie de ce système, en tout cas pas comme ça. Et donc, je pense que c'est tout ça. Mais je pense que c'est une accumulation de plein de choses depuis toujours. Et 2016 a été la grosse claque. Il y a vraiment une Héloïse avant, une Héloïse après.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui crée la claque, justement ?

  • Eloise Bouilloud

    Ça va être comment sont traités ces personnes qui habitent justement dans les cités, dans les banlieues et tout ça. Et à la fois le côté muselé de la presse. Du coup, ils avaient un petit média indépendant et que du coup, ils se sont fait museler sur plein de choses et attaquer sur plein de choses. Alors qu'en fait, ils disaient juste les choses sans avoir trouvé...

  • Florence Gault

    Muselé par qui ?

  • Eloise Bouilloud

    Je ne veux pas forcément dire autant du sujet, mais en tout cas autour des... des plus hauts qui pouvaient être autour de ce projet et que c'était juste dire la vérité de ce qui se passait réellement dans le quartier. Et après, il y a eu plein d'autres situations d'injustice et de désir que le monde n'est pas comme on le voit et qu'on veut nous faire croire et qu'il y a plein de sombres, même dans ce côté... bienveillant on va dire dans ces sujets là et après j'ai eu la chance d'être dans un centre social qui était déjà très politisé et très engagé avec justement des maîtres de sages qui étaient très très engagés sur ces causes et du coup ça m'a pas mal éduqué sur ces sujets là.

  • Florence Gault

    Et comment réagit la famille à ce moment-là, 2016, en voyant votre prise de conscience se faire, vos engagements au quotidien que vous prenez en devenant végétarienne ?

  • Eloise Bouilloud

    Ils ont cru que c'était une nouvelle lubie et que j'arrêterais au bout de quelques mois le végétarisme, et que c'était juste une nouvelle lubie. Après, ils ne savent pas autant, parce que j'essaye de ne pas trop dire non plus mes engagements auprès de ma famille, parce que sinon ça va partir en scandale et en grand débat, et que je n'ai pas envie d'être en repas de famille pour être dans le militantisme. Je le fais déjà à toutes les années. le reste de ma vie donc quand je suis en famille j'essaye de me taire mais après voilà de toute façon j'ai eu plein de critiques sur mes engagements et qui préféraient que du coup j'étais en service civique après j'ai fait un service civique justement pour une exposition d'art internationale qui développe le lien social du coup c'est un service civique donc c'était pas bien payé et du coup il disait bah en fait c'est mieux que tu restes caissière à Leclerc au moins tu es bien payé que faire ce job où tu n'es pas payé quoi et je me dis mais en fait ce... C'était une opportunité incroyable. Il y a un événement d'art international, c'était avec la ville de Lyon, c'était avec des élus, c'était avec plein d'autres choses. Et j'ai dit, mais en fait, non, c'est plein d'opportunités. Et si vous n'avez que cette ambition pour moi, ben en fait, merci, mais non, merci quoi.

  • Florence Gault

    Héloïse décide donc, en 2021, de lancer avec Déborah Glor ce festival. Leur constat, la majorité des événements auxquels elle participe ont soit une approche écologique, soit une approche féministe. Elles ont donc voulu créer un festival mêlant les deux, avec pour ambition de montrer comment l'écoféminisme peut se vivre au quotidien. Au programme des ateliers, des stands et des conférences.

  • Speaker #1

    On va démarrer cette table ronde qui porte le sujet agriculture et souveraineté alimentaire. A mon sens, c'est important qu'on se questionne sur la crise alimentaire et écologique qu'on connaît. Aujourd'hui, ce qu'on produit, ce qu'on consomme et la façon dont on distribue ce qu'on mange, ça a quand même un impact assez direct sur notre santé, l'environnement et sur des questions de justice sociale. C'est important de pouvoir discuter de tout ça. Une fois qu'on a dit ça, concrètement, qu'est-ce qu'on fait pour répondre aux enjeux liés à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire ?

  • Florence Gault

    Autour de la table, trois invités. Gauthier Chapuis adjoint la ville de Lyon en charge notamment de l'alimentation, Damien de l'association Vrac France qui défend l'accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous et Olivia de Roubin fondatrice de la ferme écoféministe Terre de Milpa installée à Saint-Didier au Mont-d'Or dans le Rhône. Tous trois reviennent sur la définition de souveraineté alimentaire

  • Speaker #1

    Alors Olivia, désolée, mais j'ai pensé à vous en premier pour lancer le sujet. Et tout en partant par souveraineté alimentaire. Il me semble qu'à l'origine, le terme a été créé par Via Campesina, plutôt dans une dimension systémique de la production, la distribution et l'alimentation. L'idée, c'est justement de se réapproprier ces enjeux d'alimentation, depuis la production jusqu'à l'assiette. Du coup, pour moi, c'est vraiment de ce... Aujourd'hui, l'agriculture et l'alimentation sont principalement accaparées au niveau mondial par l'agro-industrie et par une petite partie d'humains, alors qu'elles concernent l'ensemble des humains. Et c'est comment on se rapproprie ces enjeux-là. C'est un terme à la fois très chapeau et qui représente plein de choses, mais pour moi, ça représente avant tout une rappropriation de notre alimentation depuis la production jusqu'à... jusqu'à ce qu'ils nous arrêtent et nous assiedent.

  • Florence Gault

    Aujourd'hui, 70% de l'alimentation mondiale provient des petites exploitations, souvent gérées par des femmes. Des femmes qui sont en première ligne du dérèglement climatique, car ils exacerbent les inégalités, en touchant particulièrement les populations les plus vulnérables. Et selon Oxfam France, les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté. Cette surreprésentation s'explique par plusieurs facteurs. Les femmes possèdent, gagnent et épargnent moins que les hommes. Elles sont concentrées dans les emplois et secteurs moins valorisés socialement et financièrement et assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré. Alors une fois que l'on a dit tout ça, comment devenir écoféministe ? Comment l'intégrer ? Je retrouve Olivia de Roubiin à Terre de Milpa, la ferme agroécologique qu'elle a installée à Saint-Didier-aux-Monts-d'Or à quelques kilomètres de Lyon. L'objectif est de favoriser l'insertion socio-professionnelle en développant des activités de maraîchage, d'arboriculture et de boulangerie artisanale, le tout dans une démarche écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    C'est une ferme du XVIIIe siècle qui appartient à deux collectivités locales, la ville de Saint-Didier-aux-Monts-d'Or et le syndicat Mix Pleine-Monts-d'Or. Et ici, on s'était réunis, à l'époque il n'y avait que des bénévoles à Terre de Mille-Bains, et on s'est réunis autour de la table pour se dire, quand on est arrivé ici, il n'y avait que des prairies fauchées ou pâturées par un éleveur. Et on s'est dit, ben... Comment on se projette ? Donc c'était assez chouette, ça a été vraiment un travail collectif. Et notre ancienne présidente, qui est toujours administratrice, Inahit Barka, est paysagiste, et donc c'est elle qui a dessiné ce plan-là. Donc là, on a commencé ce qu'on appelle le mandala, c'est plus un petit terrain expérimental où on essaye de... C'est plus les bénévoles qui ont essayé de se mettre moins la pression sur la production. Ici aujourd'hui on cultive cette partie, on va aller la voir. C'est notre zone plein champ. Et comme on s'est installé en mai 2022 mais qu'on n'avait pas de parcelles, les parcelles nous ont été accessibles à partir de juillet, même septembre 2023. Ce qu'on va voir tout à l'heure, ça a moins d'un an parce que du coup on a fait un forage, on a créé une citerne. Ici il n'est pas complètement à jour ce plan parce qu'on a une serre de 200 m², deux autres. On en a deux autres qui vont arriver avant la fin de l'année et une petite pépinière. On a commencé à planter des arbres fruitiers ici, on va continuer cet hiver. Et cette partie-là, il y a une autre parcelle qui appartient à notre voisine. Et cette parcelle-là, elle est encore uniquement fauchée et on ne sait pas encore comment on va l'organiser.

  • Florence Gault

    C'est un choix de s'installer ici ou c'est l'occasion pour monter le projet qui vous a permis ?

  • Olivia de Roubin

    Les deux. L'idée, c'était de trouver une ferme à peu près idéalement sur le territoire de la métropole de Lyon. Mais on s'était fixé un rayon, on va dire, de 50 kilomètres autour de Lyon.

  • Florence Gault

    Parce qu'il y avait déjà l'envie d'être sur une ferme périurbaine ?

  • Olivia de Roubin

    Il y avait l'envie d'avoir une ferme idéalement accessible en transport en commun. Le problème avec les fermes, c'est que souvent, elles sont très peu accessibles, sans voiture. Et que nous, on a souvent aussi un public qui est quand même connecté. sur la ville de Lyon, pour plein de raisons. Et donc, on a exploré quatre pistes de fermes, de manière assez avancée, à des endroits complètement différents. Une dans les monts du Lyonnais, une dans le Beaujolais Vert, qui était assez loin, une du côté de Bourgoin-Jalgueux, et celle-là. Et finalement, on a atterri ici. Ce qui nous intéressait beaucoup sur cette ferme, c'est la proximité de Lyon. On est à 8 km à vol d'oiseau de la presqu'île de Lyon. On est accessible en transport en commun. Une grande partie des personnes qui travaillent ici viennent soit en vélo électrique, soit en transport en commun. Un petit peu aussi en voiture, mais la majeure partie vient en transport en commun. Ici, c'était une ferme qui appartenait à deux frères, qu'on nomme ici les frères Vincent. Et donc, deux hommes qui ne se sont jamais mariés, qui n'ont pas eu d'enfants. Et donc, à la mort du deuxième frère, la ferme a été vendue par le billet de la SAFER et a été achetée par le syndicat Mixte et la ville. Ok. Donc, c'est dans la cuisine. cuisine salon on a fait pas mal de travaux chantier participatif pour remettre un peu un coup de on a tout repensé pour sortir de son jus si ça vous intéresse exactement vous n'osiez pas le dire je l'ai senti du coup c'est là que mange l'équipe à midi C'est un peu rigolo que ça soit une ferme écoféministe parce que c'était deux hommes. Et il y a un cousin qui est un des bénévoles de Terre de Milpa qui vient sur les chantiers participatifs et qui nous raconte que ses sœurs restaient dans la cour, qu'ils n'avaient pas le droit de monter. C'était vraiment un lieu d'hommes ici. Ça, c'était un des frères. C'est le cousin qui m'a amené la photo. Ils faisaient de tout ici. Il y avait le maraîchage, il y avait le vin, le lait. Donc ici, on est sur la partie qu'on occupe. On a notre stockage de courbes, principalement.

  • Florence Gault

    Le stock pour l'hiver.

  • Olivia de Roubin

    Pas sûre de tenir entièrement l'hiver elles tiendront moins bien que l'année dernière parce que et c'est pour ça qu'on les vend plus rapidement que l'année dernière parce que là la récolte s'est fait quasiment sous la pluie et les légumes de conservation se conservent moins bien ça c'est l'atelier donc là on peut voir un café la pépite curry et la zone neuve le pourbet, l'ancienne écurie et maintenant c'est les nouveaux moyens de créer le pot à vélo. Ici il y avait le pubage avec le pressoir, l'écuve c'est là qu'ils faisaient le vin. Là maintenant c'est notre matériel, notre bazar maraîchage, stockage.

  • Florence Gault

    Bonjour Lucie ! Qu'est-ce qu'on prépare de bon ?

  • Speaker #1

    Du pain !

  • Florence Gault

    Quel genre ? Parce qu'il y en a plein de pain ! Du pain complet, pain crème, ça sent bon en tout cas ! Ça fait quoi de travailler dans une ferme avec un four en extérieur ?

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est ludique.

  • Florence Gault

    Et agréable, malgré la température un peu basse.

  • Speaker #1

    oui. C'est un choix, le four à bois, du coup. Et en fait, dehors, c'est plutôt mieux, parce qu'on régule mieux la température à l'intérieur que l'été avec le four à l'intérieur, où il est trop chaud. Eh bien,

  • Florence Gault

    bonne fournée.

  • Olivia de Roubin

    Donc ça, là, avanr les habitants venaient chercher le lait, c'était le local à lait. Et nous, on l'a transformé en petit fournil. L'année dernière, on avait lancé un atelier avec des salariés en parcours sur la boulangerie. Et puis, on l'a mis en pause. Et là, du coup, c'est chouette que Lucie prenne le relais et fasse continuer à faire vivre ce fournil. Là, c'était les câbles. Bazar aussi ! Voilà. Mais donc, il faut imaginer, il y avait le foin et il y a des trappes. Et donc, le foin arrivait là, il devait avoir une dizaine de vaches à peu près. Oui,

  • Florence Gault

    parce que ce n'est pas si grand comme ça, comme ferme.

  • Olivia de Roubin

    Ce n'est pas si grand. Ce n'est pas si grand.

  • Florence Gault

    Mais il y a plein d'espaces différents. Il y avait beaucoup d'activités différentes.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. Là, on est en pleine activité préparation des paniers. On vend principalement sous forme d'abonnement à des paniers, comme les AMAP. On les prépare les lundis et les vendredis. On a deux journées de panier.

  • Florence Gault

    Bonjour. Qu'est-ce qu'il y a de beau cette semaine au menu dans les paniers ? Épinards,

  • Olivia de Roubin

    roquettes,

  • Florence Gault

    poireaux bien sûr, pommes de terre, carottes, un peu de céleri,

  • Olivia de Roubin

    du chou kalé !

  • Florence Gault

    Vous produisez aussi ici ?

  • Olivia de Roubin

    Oui.

  • Florence Gault

    Tout ce qui est proposé est produit ici ?

  • Olivia de Roubin

    Tous les légumes, on va dire, verts, frais, sont récoltés le jour même et se retrouvent dans les paniers le jour même. Et sinon, tout ce qui est légumes de conservation. Il y en a une partie qu'on ne fait pas. Et là, par exemple, carottes et pommes de terre. Patates d'outes aussi, on les a ratées cette année, donc on n'en a pas. C'est de l'achat revente. Voilà, vous avez combien de paniers aujourd'hui ? 52 ? Ouais. Waouh !

  • Florence Gault

    Le plus que vous ayez jamais eu !

  • Olivia de Roubin

    C'est une période où on peut augmenter le nombre de paniers. Et donc, au fur et à mesure, on augmente la production, on augmente le nombre de paniers. Et puis après, en fin d'année, on va aller vers une période où on a moins de légumes. Ce n'est pas le moment où on augmente. Au début, on a commencé,il y avait 25 paniers. On n'avait même pas 20 paniers. Voilà, on avait 25 paniers. Forcément, là, si on a plus de place, on a plus de production, du coup. Donc ici, il faut s'imaginer qu'on n'avait que des prairies. Et tout ce qu'on voit ici, c'est à moins d'un an, parce qu'on a eu accès aux parcelles quasiment après l'été 2023. Donc la première chose qu'on a faite, c'est faire un forage. Il y a un ruisseau qui coule tout le long de la parcelle, mais on ne peut pas prendre de l'eau dans le ruisseau pour irriguer. Donc on a fait un forage, on a trouvé de l'eau pas trop loin, à 20 mètres. On a créé une citerne. pour avoir une réserve d'eau l'été. Et là on voit toutes les cultures d'automne en fait. Des blettes, de la mâche, des épinards, des salades. Ici c'est notre pépinière. Il y a une partie qu'on achète en plant et une partie dont on fait nous-mêmes les semis. Peut-être c'était de se dire, on s'adapte aussi à la ferme qu'on va trouver. Donc nous, on avait ciblé vraiment le maraîchage et la boulangerie. Et là, il y a des pentes qui sont assez fortes. Alors certes, quand je vais dans les monts du Lyonnais, je me dis, bon, on arrive à faire... Oui, c'est ça. Ça va. Mais donc, sur la partie vraiment pentue, on est plutôt parti pour planter des arbres fruitiers. Donc là, il y a une première série qui a été faite. L'hiver dernier, on a eu des étudiants qui sont venus filmer la ferme, qui ont fait un très joli court-métrage, 13 minutes,

  • Florence Gault

    qu'on peut découvrir sur le site internet et qui est super bien fait.

  • Olivia de Roubin

    Il est très beau. Et ils sont arrivés, le film est beau, je trouve, et sensible, parce qu'ils ont passé du temps aussi. Ils sont venus à plusieurs reprises et puis bon, il y a aussi le regard de Nils Carbonell, l'étudiant qui a réalisé le film avec les autres étudiants. Et chaque fois que je vois ces arbres fruitiers, je pense à eux, parce qu'ils étaient là quand on les a plantés. C'est la LPO qui nous a aidé à faire cette mare. On avait envie d'apporter notre petite contribution à la biodiversité.

  • Florence Gault

    Pour objectif, j'imagine de permettre à la biodiversité de pouvoir s'étendre, d'avoir un point d'eau accessible.

  • Olivia de Roubin

    C'est bien pour les oiseaux, c'est bien pour les grenouilles, c'est bien pour tout le petit monde vivant qui nous entoure. Et là, vraiment, c'est consacré que pour la biodiversité. On a séparé la fonction mare de la fonction citerne pour pouvoir arroser nos cerfs. On a planté pas mal aussi de haies qui favorisent la biodiversité, cette fois-ci avec Arthropologia et des financements de la métropole qui sont assez chouettes. pour favoriser la biodiversité.

  • Florence Gault

    J'ai fait un épisode, c'était le premier épisode de la saison 2, début septembre. Ils sont trop chouettes. Nous, c'est vraiment avec ces deux associations-là qu'il y a des liens aussi qui se sont tissés. La LPO, je le disais tout à l'heure, va nous accompagner pour une nouvelle mare, plus modeste que celle-là, dans le mandala. C'est chouette. Ils nous ont permis aussi, il y a une jeune femme en service civique qui est venue faire un diagnostic biodiversité l'année dernière. Et grâce à la LPO, on a eu un diagnostic. Donc voilà, c'est... Et qu'est-ce qu'il en ressort ?

  • Olivia de Roubin

    Plein de choses, c'est hyper intéressant. Ça se lit vraiment. Après, ici, on a la particularité d'avoir pas mal de nids d'hirondelles. Donc on a des hirondelles rustiques ici et puis après elle a pas mal étudié les libellules et l'idée c'était d'avoir un peu un point de repère au moment où on s'est installé et voir un peu comment ça évolue. J'aimerais bien en faire au moins tous les deux ans ça serait chouette.

  • Florence Gault

    Oui, pour voir un peu comment ça évolue avec les différents aménagements que vous allez faire, aussi l'impact des marques.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. La Milpa, chez les Amérindiens, c'est l'association de trois plantes qui s'entraident mutuellement. Le maïs, le haricot et la courge, on les appelle aussi les trois sœurs. Un nom qui évoque à la fois la démarche agroécologique dans laquelle se trouve Terre de Milpa, mais aussi l'approche écoféministe qui est portée par la ferme.

  • Speaker #1

    Alors déjà, c'est marrant parce que... beaucoup de gens, ça leur parle pas vraiment ce que c'est l'écoféminisme.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, vous le définiriez comment, l'écoféminisme ?

  • Olivia de Roubin

    Moi, quand j'ai découvert ce mot, il m'a semblé évident. Donc effectivement, il n'est pas évident pour tout le monde. Donc comment je le définirais ? Pour moi, c'est de dire que dans tous les systèmes de domination, quels qu'ils soient, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a un accaparement des richesses par quelques-uns. Je crois que la moitié de la richesse de cette planète est entre les mains de, je ne sais plus ce que c'est les chiffres, mais 200 personnes. C'est incroyable. D'ailleurs, sur les terres, 70% des terres agricoles sont aux mains de 1% de propriétaires dans le monde. En fait, tous les sujets qui nous tiennent à cœur à Terre de Mille Pas, il me semble qu'il y a une domination qui est... qui est à la source de toutes les autres, qui est la domination masculine, on va dire un peu de la moitié d'une population sur la moitié des humains. Et l'écoféminisme est souvent à une vocation d'intersectionnalité, parce que justement, on peut tirer plein de fils. Par exemple, si on tire le fil de l'agriculture. Aujourd'hui, on est dans une agriculture principalement dans nos pays industriels. L'agriculture industrielle, force est de constater, quand même, qu'elle n'a pas rempli sa mission. Sa mission, c'était de nourrir le monde. Dans le monde, on a encore 800 000 personnes qui souffrent de la faim. On a 2 milliards de personnes qui sont en insécurité alimentaire. Donc, il y a des problèmes aussi d'obésité. Donc, déjà, rien que la base qui était de nourrir les êtres humains, ça ne remplit pas le contrat. Et ensuite, on a... plein d'effets collato-héros, notamment sur le climat, sur la perte de biodiversité, sur notre santé, nous les humains et les autres êtres vivants. Donc, tout ça, c'est lié. Et quand même, d'où vient l'agriculture industrielle ? Elle vient... principalement de l'après-deuxième guerre mondiale qui était de recycler les chars. Les usines à chars sont devenues des usines pour vendre des tracteurs. On a poussé les agriculteurs à toujours plus investir et s'industrialiser et perdre le sens aussi de la terre. L'industrie de guerre, tout ce qui était agents chimiques meurtriers se sont retrouvés dans nos pesticides. C'est les mêmes entreprises qui ont créé ça. C'est des entreprises de guerre qui sont principalement des entreprises masculines. Donc il ne s'agit pas de dire ce que font les femmes, ce que font les hommes. Non, il s'agit de se dire que l'humanité, si elle veut progresser, il faut qu'elle travaille sur ses systèmes de domination.

  • Florence Gault

    Et donc l'idée, c'était de créer un endroit, finalement, où on sortait de ce système d'oppression en laissant la place aux minorités.

  • Olivia de Roubin

    En fait... Pour moi, l'écoféminisme, c'est un peu comme la permaculture, c'est plus une philosophie, une pensée chapeau. Et à l'intérieur, effectivement, comment on mène des actions au prisme de cette pensée-là ? Oui,

  • Florence Gault

    vous ne vous êtes pas dit, je vais faire un projet écoféministe, et donc qu'est-ce que je vais mettre dedans ? Alors, ma thématique, ce sera l'agriculture, et je construis là-dessus. Je pense que c'est bien aussi de pouvoir se le redire. Il n'y a pas un mode d'emploi écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    Exactement. En fait, il n'y a pas de mode d'emploi. On est dans des sociétés très complexes, dans des sociétés sur cette planète. On est, je crois, maintenant pas loin de 8 milliards qui prennent beaucoup de place sur la planète. Et donc, oui, il n'y a pas de solution miracle et de solution facile. Nous, ce qui nous anime, c'est en effet de penser. par exemple la place des femmes dans le travail. Le travail a été pensé principalement avec un schéma de l'homme qui travaille à l'extérieur, la femme qui est à la maison, qui gère toute la logistique domestique, gratuitement. Et on est encore sur ce schéma-là, avec des horaires qui ne sont souvent pas forcément adaptés à une mère de famille qui est en situation de monoparentalité, qui doit amener ses enfants à l'école, comment elle fait ? Donc ça, c'est des questions qu'on se pose. Comment on essaye à notre modeste échelle de penser le travail au féminin, de penser le travail en dehors d'un système d'oppression, et plus en termes d'encapacité de l'être humain. De la même manière qu'on dit parfois dans nos documents qu'on s'inspire de la permaculture, on ne peut pas dire qu'on est une ferme en permaculture, ce n'est pas vrai. Parce qu'on est aussi dans un monde où nous, on doit produire, on est certifié en agriculture biologique, on va bien plus loin, mais on n'est pas au niveau où on voudrait être. On est dans un monde quand même assez capitaliste, polluant, qui ne valorise pas toutes les externalités positives d'une association comme la nôtre, en termes de soins de la terre, de soins de l'eau, de soins des êtres humains et vivants en général. Et... c'est aussi des questions d'équilibre et c'est aussi des questions d'ajustement. Et on ne peut jamais dire, là, on est tout bon, on coche toutes les cases écoféministes. On n'est plus sur un chemin. C'est pour ça aussi que Milpa me parle bien, ce mot que j'ai choisi pour l'association. C'est qu'en fait, on est tous sur un chemin.

  • Florence Gault

    Alors, ça va faire quatre ans que l'association existe. Un an où vous avez vraiment les mains dans la terre pleinement. Mais en termes de retour d'expérience, est-ce que ça fonctionne ? Quel est le retour aussi peut-être des femmes que vous accompagnez au sein de Milpa ?

  • Olivia de Roubin

    Alors ça fait deux ans qu'on a les mains dans la terre. En fait, un an ici sur cette ferme et un an avant sur le plateau de Charzieux à Colonge. Nous, on voit des chouettes choses qui se passent. Ce qui nous intéresse aussi, c'est de mixer des publics très différents. On a des bénévoles qui viennent aussi sur la ferme. C'est un petit microcosme qui existe et qui avance à son niveau avec des hauts, des bas.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qu'on pourrait mieux faire ?

  • Olivia de Roubin

    Ce qui est compliqué, clairement, c'est de monter une association. Les ateliers chantiers d'insertion sont moins soutenus qu'avant, notamment par les collectivités locales. Elles ont moins de financement qu'avant. Et... Et aujourd'hui, on est beaucoup sur un recul des aides qu'il faut aller chercher. Et moi, concrètement, une grosse partie de mon temps, de mes soirées, de mes week-ends, c'est d'aller chercher des financements, notamment privés.

  • Florence Gault

    Donc, c'est l'instabilité financière.

  • Olivia de Roubin

    C'est énorme. Et aujourd'hui, la plupart des associations... sont dans ce cadre-là. Je crois que c'était les Restos du Coeur qui avaient écrit... Donc même des grosses associations ne sont pas à l'abri, voient de plus en plus de précarité s'installer. Donc s'il n'y a pas une réflexion globale de notre société, comment on répartit mieux la richesse ? Comment... Et seulement de laisser ça aux associations en se disant qu'elles vont se débrouiller avec des personnes de plus en plus exclues, de plus en plus pauvres, Sans les financer, il y a un truc qui ne va pas. Et forcément, ça crée de la tension dans toutes les associations et en particulier une jeune association comme la nôtre qui s'installe.

  • Florence Gault

    Les personnes accompagnées bénéficient de contrats de 26 heures par semaine et d'un suivi personnalisé visant à lever les freins à l'emploi qu'il s'agisse par exemple de difficultés linguistiques ou de problématiques liées au logement. Depuis sa création, Terre de Mille Pas a accueilli 21 participants. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer les retombées en termes d'accès à l'emploi, le chantier d'insertion étant dans sa deuxième année d'existence. Vous l'aurez compris ? Il n'y a pas de mode d'emploi pour l'écoféminisme, il s'agit plutôt d'une démarche globale qui permet de sortir de logiques de domination. Et puis surtout, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes. Si vous avez envie d'aller plus loin sur le sujet, je vous mets dans la fiche de l'épisode toute une liste de ressources. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Clémence, Ronan et Pascal.

Description

🌿 Ce nouvel épisode de En un battement d’aile explore un courant qui suscite autant de fascination que de débats : l’écoféminisme. Né dans les années 1970, ce mouvement lie écologie et féminisme, en dénonçant des mécanismes de domination communs entre l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes.


À l’occasion du festival lyonnais Écofémina, découvrez ce qu'est l’écoféminisme. Entre critique des systèmes dominants et utopie radicale, que peut-il nous apprendre sur les transitions écologiques et sociales ?


👩‍🌾 Terre de Milpa : l’agroécologie au féminin


Pour découvrir comment l'écoféminisme peut se vivre, je vous emmène à Terre de Milpa, une ferme agroécologique écoféministe située près de Lyon. Olivia de Roubin, sa fondatrice, nous partage son ambition : faire du maraîchage, de l’arboriculture et de la boulangerie artisanale des leviers d’insertion socio-professionnelle, dans une approche écoféministe concrète et inspirante.


💬 À découvrir dans cet épisode :


  • Qu’est-ce que l’écoféminisme et quelles sont ses origines ?

  • Quels sont les débats et critiques qui entourent ce courant ?

  • Immersion au festival Écofémina et reportage à Terre de Milpa.

  • Le témoignage d’Olivia de Roubin sur son engagement agroécologique.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


Pour aller plus loin :



Livres

  • "Ecoféminisme, Théories et pratiques" de Jeanne Burgart Goutal

  • "ReSisters" de Jeanne Burgart Goutal & Aurore Chapon

  • "Reclaim, anthologie des textes écoféministes" de Emilie Hache

  • "Le féminisme ou la mort" de Françoise d’Eaubonne

Podcasts

  • Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, Binge Radio (dont un épisode avec Jeanne Burgart Goutal sur l’écoféminisme)

  • Les 2 épisodes sur l’écoféminisme de Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé, Arte Radio

  • L'épisode 18 de la saison 2 de Baleine sous gravillon avec Pascale d'Erm



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Transcription

  • Florence Gault

    C'est un mot que l'on a vu apparaître depuis quelques années dans le débat public, l'écoféminisme. La préoccupation environnementale croissante a coïncidé avec un retour du féminisme sur le devant de la scène, en tout cas en France. Né de la contraction entre écologie et féminisme, ce courant pourtant né dans les années 70, considère que les mécanismes de domination qui permettent la destruction de la nature et l'oppression des femmes sont du même ordre. L'écoféminisme ne fait pas l'unanimité. Pour certains, il est perçu comme un mouvement marginal ou caricatural, voire essentialiste, en associant les femmes à une supposée connexion naturelle avec la nature. D'autres estiment qu'il s'agit d'une utopie trop radicale ou idéalisée, éloignée des réalités concrètes, des critiques qui révèlent en tout cas les tensions qui peuvent entourer la remise en question des systèmes dominants. Mais qu'est-ce que véritablement l'écoféminisme ? À l'occasion de l'Ecofémina, un festival écoféministe lyonnais, j'ai voulu y voir plus clair. Reportage. Dimanche 17 novembre, nous sommes à l'autre soie, le tiers lieu de la rayonne située à Villeurbanne. C'est ici que se tient donc la troisième édition de l'Ecofilina, le premier festival. écoféministes de Lyon, beaucoup de femmes y participent. Bonjour, qu'est-ce que vous faites de beau ? Nous, pour une campagne d'antipub, on est allées récupérer des affiches dans les paroles publicitaires de la ville. Le but, c'est de les customiser. On est en train de faire de la peinture, du découpage, changer le message. Ça va être diffusé à l'occasion de la prochaine manifestation féministe. Donc voilà, le but ça va être de redécorer la ville avec du coup de la contre-publicité. Donc là par exemple, c'était quoi l'affiche ?

  • Speaker #1

    C'était Boygues Télécom, la fibre, rien que la fibre, donc on penche pour la lutte, rien que la lutte. Un grand moment de créativité.

  • Florence Gault

    Je vois ça, je vois ça. Si vous deviez me définir ce que c'est que l'écoféminisme, vous diriez quoi ?

  • Speaker #1

    Pour moi l'écoféminisme, déjà comme son nom l'entend, c'est l'intersectionnalité entre les luttes écologistes et féministes, de se rendre compte que c'est des luttes qui sont liées. Déjà parce qu'elles proviennent d'un même système qui a plein de liens entre les deux. Mais pour moi c'est d'abord et avant tout aussi se dire que le futur qu'on veut dans le féminisme, c'est un futur écologiste et le futur écologique qu'on veut, c'est un futur féministe et qu'on ne veut pas l'un sans l'autre. Je crois que j'aurais dit après la même chose. Moi, l'écoféminisme, c'est les écolos qui se sont rendus compte que l'écologie n'allait pas seule et donc ce serait une lutte commune pour un futur souhaitable. Et effectivement, du coup, ce futur souhaitable, ne sera jamais que écolo ou que féministe. Le futur dont on rêve, il est à l'intersection de ces deux luttes. Notre lutte aussi, et on parle beaucoup d'écoféminisme, mais c'est important aussi de parler d'écologie décoloniale, de féminisme décolonial, de l'intersection de toutes ces luttes-là. L'écoféminisme, ça reste un mouvement qui est très blanc et c'est important aussi de prendre conscience de ça et de ne pas oublier que c'est bien l'écologie, c'est bien le féminisme, mais il y a plein d'autres luttes antiracistes, queer, contre la précarité qui sont très importantes et qui sont aussi dans ce lien-là. 'est marrant parce que je crois que dans l'écoféminisme, pour moi, on pourrait mettre 3000 mots derrière. C'est un écoféminisme décolonial, antiraciste, antivalidiste, qui est aussi inclusif pour les personnes queer, donc c'est aussi un écoqueer-féécologisme. C'est très très large, mais effectivement, pour moi, le mot-clé, ce serait intersectionnalité.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup ! Visiblement, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes au pluriel. Mais j'ai encore un peu de mal à saisir le concept, je me plonge dans son origine. L'écoféminisme, terme issu de la contraction des mots écologie et féminisme, a été introduit en 1972 par Françoise Daubonne. Selon elle, aucune révolution écologique n'est possible sans révolution féministe. Elle dénonçait la double domination masculine sur les femmes et sur la nature, comme elle l'expliquait le 3 mai 1972 dans l'émission télévisée Aujourd'hui Madame.

  • Speaker #1

    La société va mal. Nous en avons pour 30 ans d'existence si cette société mâle et industrielle continue. Il est temps que la planète redevienne verte. Et ne serait-ce que pour cela, et j'ai bien d'autres raisons de le penser, mais ne serait-ce que pour cela, je suis à fond pour que les hommes perdent le pouvoir. Ce mouvement pense l'exploitation des femmes, de la nature, mais aussi des minorités, comme conséquence d'un système. patriarcale, capitaliste et coloniale, dominée par les hommes, dans lequel on cherche à exploiter plus pour produire plus. Se dire écoféministe aujourd'hui, c'est donc lutter contre toutes les formes d'inégalité et de discrimination, comme on l'entendait d'ailleurs dans les deux témoignages au début. En 2019, Jeanne Burgard-Goutal publie Écoféminisme, théorie et pratique un essai retraçant l'histoire et la diversité de ce courant qu'elle définit comme profondément politique et multiple. Dans le contexte actuel d'urgence écologique, l'écoféminisme revient au premier plan, mais la pluralité des idées et des pratiques qui le composent peut rendre ce mouvement complexe à appréhender. Profitant d'un moment d'accalmie dans l'organisation de la journée, je retrouve Eloïse Bouilloud, la cofondatrice de l'Ecofemina. La jeune femme de 31 ans s'est passionnée en 2019 pour le cycle menstruel au point de créer Moon Week 4 qui accompagne les entreprises vers le bien-être menstruel au travail.

  • Eloise Bouilloud

    Pendant longtemps, je pense que j'ai toujours été féministe depuis très jeune. Et depuis 2016, je m'intéresse à l'écologie et j'ai rapidement aussi fait beaucoup de liens entre, alors pas autant intellectuels avec la domination et tout ça, mais en tout cas, il y a beaucoup de choses. Et que ça me semblait illogique de juste être dans les mouvements féministes ou être dans les mouvements écologistes. Et ça ne me semblait pas assez complet pour moi, d'où la création du festival. Mais il y a aussi la ville et ma famille aussi qui n'est pas trop dans ce milieu-là. Et que du coup, c'était d'avoir un espace pour pouvoir... parler, débattre et faire des liens entre toutes ces choses. Donc c'est intéressant d'avoir un lieu ou en tout cas un mot, un mouvement pour commencer à réfléchir sur tous ces sujets qui sont intersectionnels et qui sont liés.

  • Florence Gault

    Puisque vous grandissez dans une famille aux convictions très opposées avec ce que vous défendez aujourd'hui au travers de ce festival, vous grandissez en fait dans une famille d'extrême droite. Comment ? se fait justement cette prise de conscience. Vous le disiez, il y a toujours eu quand même cette fibre féministe qui était là présente dès le départ, dès l'enfance.

  • Eloise Bouilloud

    Oui, féministe, mais même spéciste et tout ça. Depuis toujours, je pense que je me posais des questions sur plein de choses qui, pour moi, ce n'était pas logique en fait. Mais on me disait, si c'est comme ça, ou avoir peur de l'autre, ou la différence, et en fait, et voilà.

  • Florence Gault

    Il y a des souvenirs, justement, peut-être de réflexions féministes ?

  • Eloise Bouilloud

    Alors, féministe ? pas forcément, je m'en rappelle juste que j'étais choquée pour la chasse, mais mon grand-père quand mon grand-père allait à la chasse, et mon grand-père est décédé quand j'avais 4 ans, donc déjà ça me choquait du coup avant 4 ans, du coup ça me posait déjà des questions de tuer des animaux comme ça mais après vers 20 ans je pense, il y avait un Noël où du coup on avait offert aux garçons un jeu de super-héros trop cool. Et à la fille, on lui avait offert un kit de ménagère avec les balayettes et que j'avais vrillé pendant le repas de Noël. Et du coup, après, tout le monde me disait, les Noëls d'après, ça va, c'est bien. Et en fait, je leur ai dit, à quel moment tu éduques une fille à faire des... Tu lui offres un cadeau, un balai et une balayette. C'est pas un cadeau de Noël. C'est genre... leur donner leur rôle de ménagère plus tard.

  • Florence Gault

    Donc, comment on grandit, justement, dans une famille ? Comment se permet cette prise de conscience ? On sait assez naturellement qu'on embrasse souvent les idées politiques, au moins au démarrage, en grandissant, de nos parents, voire de la famille dans laquelle on grandit. Donc, comment on arrive petit à petit à s'écarter de l'éducation qu'on reçoit ?

  • Eloise Bouilloud

    En fait, je pense, j'en parlais récemment avec des proches, c'est qu'ils sont pas profondément d'extrême droite. On va dire qu'ils votent pour des personnes d'extrême droite. Mais dans leur manière de faire au quotidien, ils ne sont pas d'extrême droite. C'est juste qu'ils ne s'informent pas et qu'ils écoutent les médias qui orientent vers ce genre de sujet. Et après, je pense que j'ai toujours été un peu le mouton noir, mais ma mère aussi est le mouton noir. J'ai fait des études d'art et tout ça. Et du coup, ça m'a énormément ouvert l'esprit, je pense, mes études d'art, parce qu'on devait aussi beaucoup analyser les images, avoir un esprit critique. Et après, j'ai... commencer à fréquenter des mouvements aussi quand je suis arrivée à Lyon, des mouvements un peu militants et tout ça. Et j'ai fait un stage dans un centre social et là, je me suis pris claque sur claque sur comment fonctionnait vraiment le monde. Et là, je me suis dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas et je ne veux plus faire partie de ce système, en tout cas pas comme ça. Et donc, je pense que c'est tout ça. Mais je pense que c'est une accumulation de plein de choses depuis toujours. Et 2016 a été la grosse claque. Il y a vraiment une Héloïse avant, une Héloïse après.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui crée la claque, justement ?

  • Eloise Bouilloud

    Ça va être comment sont traités ces personnes qui habitent justement dans les cités, dans les banlieues et tout ça. Et à la fois le côté muselé de la presse. Du coup, ils avaient un petit média indépendant et que du coup, ils se sont fait museler sur plein de choses et attaquer sur plein de choses. Alors qu'en fait, ils disaient juste les choses sans avoir trouvé...

  • Florence Gault

    Muselé par qui ?

  • Eloise Bouilloud

    Je ne veux pas forcément dire autant du sujet, mais en tout cas autour des... des plus hauts qui pouvaient être autour de ce projet et que c'était juste dire la vérité de ce qui se passait réellement dans le quartier. Et après, il y a eu plein d'autres situations d'injustice et de désir que le monde n'est pas comme on le voit et qu'on veut nous faire croire et qu'il y a plein de sombres, même dans ce côté... bienveillant on va dire dans ces sujets là et après j'ai eu la chance d'être dans un centre social qui était déjà très politisé et très engagé avec justement des maîtres de sages qui étaient très très engagés sur ces causes et du coup ça m'a pas mal éduqué sur ces sujets là.

  • Florence Gault

    Et comment réagit la famille à ce moment-là, 2016, en voyant votre prise de conscience se faire, vos engagements au quotidien que vous prenez en devenant végétarienne ?

  • Eloise Bouilloud

    Ils ont cru que c'était une nouvelle lubie et que j'arrêterais au bout de quelques mois le végétarisme, et que c'était juste une nouvelle lubie. Après, ils ne savent pas autant, parce que j'essaye de ne pas trop dire non plus mes engagements auprès de ma famille, parce que sinon ça va partir en scandale et en grand débat, et que je n'ai pas envie d'être en repas de famille pour être dans le militantisme. Je le fais déjà à toutes les années. le reste de ma vie donc quand je suis en famille j'essaye de me taire mais après voilà de toute façon j'ai eu plein de critiques sur mes engagements et qui préféraient que du coup j'étais en service civique après j'ai fait un service civique justement pour une exposition d'art internationale qui développe le lien social du coup c'est un service civique donc c'était pas bien payé et du coup il disait bah en fait c'est mieux que tu restes caissière à Leclerc au moins tu es bien payé que faire ce job où tu n'es pas payé quoi et je me dis mais en fait ce... C'était une opportunité incroyable. Il y a un événement d'art international, c'était avec la ville de Lyon, c'était avec des élus, c'était avec plein d'autres choses. Et j'ai dit, mais en fait, non, c'est plein d'opportunités. Et si vous n'avez que cette ambition pour moi, ben en fait, merci, mais non, merci quoi.

  • Florence Gault

    Héloïse décide donc, en 2021, de lancer avec Déborah Glor ce festival. Leur constat, la majorité des événements auxquels elle participe ont soit une approche écologique, soit une approche féministe. Elles ont donc voulu créer un festival mêlant les deux, avec pour ambition de montrer comment l'écoféminisme peut se vivre au quotidien. Au programme des ateliers, des stands et des conférences.

  • Speaker #1

    On va démarrer cette table ronde qui porte le sujet agriculture et souveraineté alimentaire. A mon sens, c'est important qu'on se questionne sur la crise alimentaire et écologique qu'on connaît. Aujourd'hui, ce qu'on produit, ce qu'on consomme et la façon dont on distribue ce qu'on mange, ça a quand même un impact assez direct sur notre santé, l'environnement et sur des questions de justice sociale. C'est important de pouvoir discuter de tout ça. Une fois qu'on a dit ça, concrètement, qu'est-ce qu'on fait pour répondre aux enjeux liés à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire ?

  • Florence Gault

    Autour de la table, trois invités. Gauthier Chapuis adjoint la ville de Lyon en charge notamment de l'alimentation, Damien de l'association Vrac France qui défend l'accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous et Olivia de Roubin fondatrice de la ferme écoféministe Terre de Milpa installée à Saint-Didier au Mont-d'Or dans le Rhône. Tous trois reviennent sur la définition de souveraineté alimentaire

  • Speaker #1

    Alors Olivia, désolée, mais j'ai pensé à vous en premier pour lancer le sujet. Et tout en partant par souveraineté alimentaire. Il me semble qu'à l'origine, le terme a été créé par Via Campesina, plutôt dans une dimension systémique de la production, la distribution et l'alimentation. L'idée, c'est justement de se réapproprier ces enjeux d'alimentation, depuis la production jusqu'à l'assiette. Du coup, pour moi, c'est vraiment de ce... Aujourd'hui, l'agriculture et l'alimentation sont principalement accaparées au niveau mondial par l'agro-industrie et par une petite partie d'humains, alors qu'elles concernent l'ensemble des humains. Et c'est comment on se rapproprie ces enjeux-là. C'est un terme à la fois très chapeau et qui représente plein de choses, mais pour moi, ça représente avant tout une rappropriation de notre alimentation depuis la production jusqu'à... jusqu'à ce qu'ils nous arrêtent et nous assiedent.

  • Florence Gault

    Aujourd'hui, 70% de l'alimentation mondiale provient des petites exploitations, souvent gérées par des femmes. Des femmes qui sont en première ligne du dérèglement climatique, car ils exacerbent les inégalités, en touchant particulièrement les populations les plus vulnérables. Et selon Oxfam France, les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté. Cette surreprésentation s'explique par plusieurs facteurs. Les femmes possèdent, gagnent et épargnent moins que les hommes. Elles sont concentrées dans les emplois et secteurs moins valorisés socialement et financièrement et assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré. Alors une fois que l'on a dit tout ça, comment devenir écoféministe ? Comment l'intégrer ? Je retrouve Olivia de Roubiin à Terre de Milpa, la ferme agroécologique qu'elle a installée à Saint-Didier-aux-Monts-d'Or à quelques kilomètres de Lyon. L'objectif est de favoriser l'insertion socio-professionnelle en développant des activités de maraîchage, d'arboriculture et de boulangerie artisanale, le tout dans une démarche écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    C'est une ferme du XVIIIe siècle qui appartient à deux collectivités locales, la ville de Saint-Didier-aux-Monts-d'Or et le syndicat Mix Pleine-Monts-d'Or. Et ici, on s'était réunis, à l'époque il n'y avait que des bénévoles à Terre de Mille-Bains, et on s'est réunis autour de la table pour se dire, quand on est arrivé ici, il n'y avait que des prairies fauchées ou pâturées par un éleveur. Et on s'est dit, ben... Comment on se projette ? Donc c'était assez chouette, ça a été vraiment un travail collectif. Et notre ancienne présidente, qui est toujours administratrice, Inahit Barka, est paysagiste, et donc c'est elle qui a dessiné ce plan-là. Donc là, on a commencé ce qu'on appelle le mandala, c'est plus un petit terrain expérimental où on essaye de... C'est plus les bénévoles qui ont essayé de se mettre moins la pression sur la production. Ici aujourd'hui on cultive cette partie, on va aller la voir. C'est notre zone plein champ. Et comme on s'est installé en mai 2022 mais qu'on n'avait pas de parcelles, les parcelles nous ont été accessibles à partir de juillet, même septembre 2023. Ce qu'on va voir tout à l'heure, ça a moins d'un an parce que du coup on a fait un forage, on a créé une citerne. Ici il n'est pas complètement à jour ce plan parce qu'on a une serre de 200 m², deux autres. On en a deux autres qui vont arriver avant la fin de l'année et une petite pépinière. On a commencé à planter des arbres fruitiers ici, on va continuer cet hiver. Et cette partie-là, il y a une autre parcelle qui appartient à notre voisine. Et cette parcelle-là, elle est encore uniquement fauchée et on ne sait pas encore comment on va l'organiser.

  • Florence Gault

    C'est un choix de s'installer ici ou c'est l'occasion pour monter le projet qui vous a permis ?

  • Olivia de Roubin

    Les deux. L'idée, c'était de trouver une ferme à peu près idéalement sur le territoire de la métropole de Lyon. Mais on s'était fixé un rayon, on va dire, de 50 kilomètres autour de Lyon.

  • Florence Gault

    Parce qu'il y avait déjà l'envie d'être sur une ferme périurbaine ?

  • Olivia de Roubin

    Il y avait l'envie d'avoir une ferme idéalement accessible en transport en commun. Le problème avec les fermes, c'est que souvent, elles sont très peu accessibles, sans voiture. Et que nous, on a souvent aussi un public qui est quand même connecté. sur la ville de Lyon, pour plein de raisons. Et donc, on a exploré quatre pistes de fermes, de manière assez avancée, à des endroits complètement différents. Une dans les monts du Lyonnais, une dans le Beaujolais Vert, qui était assez loin, une du côté de Bourgoin-Jalgueux, et celle-là. Et finalement, on a atterri ici. Ce qui nous intéressait beaucoup sur cette ferme, c'est la proximité de Lyon. On est à 8 km à vol d'oiseau de la presqu'île de Lyon. On est accessible en transport en commun. Une grande partie des personnes qui travaillent ici viennent soit en vélo électrique, soit en transport en commun. Un petit peu aussi en voiture, mais la majeure partie vient en transport en commun. Ici, c'était une ferme qui appartenait à deux frères, qu'on nomme ici les frères Vincent. Et donc, deux hommes qui ne se sont jamais mariés, qui n'ont pas eu d'enfants. Et donc, à la mort du deuxième frère, la ferme a été vendue par le billet de la SAFER et a été achetée par le syndicat Mixte et la ville. Ok. Donc, c'est dans la cuisine. cuisine salon on a fait pas mal de travaux chantier participatif pour remettre un peu un coup de on a tout repensé pour sortir de son jus si ça vous intéresse exactement vous n'osiez pas le dire je l'ai senti du coup c'est là que mange l'équipe à midi C'est un peu rigolo que ça soit une ferme écoféministe parce que c'était deux hommes. Et il y a un cousin qui est un des bénévoles de Terre de Milpa qui vient sur les chantiers participatifs et qui nous raconte que ses sœurs restaient dans la cour, qu'ils n'avaient pas le droit de monter. C'était vraiment un lieu d'hommes ici. Ça, c'était un des frères. C'est le cousin qui m'a amené la photo. Ils faisaient de tout ici. Il y avait le maraîchage, il y avait le vin, le lait. Donc ici, on est sur la partie qu'on occupe. On a notre stockage de courbes, principalement.

  • Florence Gault

    Le stock pour l'hiver.

  • Olivia de Roubin

    Pas sûre de tenir entièrement l'hiver elles tiendront moins bien que l'année dernière parce que et c'est pour ça qu'on les vend plus rapidement que l'année dernière parce que là la récolte s'est fait quasiment sous la pluie et les légumes de conservation se conservent moins bien ça c'est l'atelier donc là on peut voir un café la pépite curry et la zone neuve le pourbet, l'ancienne écurie et maintenant c'est les nouveaux moyens de créer le pot à vélo. Ici il y avait le pubage avec le pressoir, l'écuve c'est là qu'ils faisaient le vin. Là maintenant c'est notre matériel, notre bazar maraîchage, stockage.

  • Florence Gault

    Bonjour Lucie ! Qu'est-ce qu'on prépare de bon ?

  • Speaker #1

    Du pain !

  • Florence Gault

    Quel genre ? Parce qu'il y en a plein de pain ! Du pain complet, pain crème, ça sent bon en tout cas ! Ça fait quoi de travailler dans une ferme avec un four en extérieur ?

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est ludique.

  • Florence Gault

    Et agréable, malgré la température un peu basse.

  • Speaker #1

    oui. C'est un choix, le four à bois, du coup. Et en fait, dehors, c'est plutôt mieux, parce qu'on régule mieux la température à l'intérieur que l'été avec le four à l'intérieur, où il est trop chaud. Eh bien,

  • Florence Gault

    bonne fournée.

  • Olivia de Roubin

    Donc ça, là, avanr les habitants venaient chercher le lait, c'était le local à lait. Et nous, on l'a transformé en petit fournil. L'année dernière, on avait lancé un atelier avec des salariés en parcours sur la boulangerie. Et puis, on l'a mis en pause. Et là, du coup, c'est chouette que Lucie prenne le relais et fasse continuer à faire vivre ce fournil. Là, c'était les câbles. Bazar aussi ! Voilà. Mais donc, il faut imaginer, il y avait le foin et il y a des trappes. Et donc, le foin arrivait là, il devait avoir une dizaine de vaches à peu près. Oui,

  • Florence Gault

    parce que ce n'est pas si grand comme ça, comme ferme.

  • Olivia de Roubin

    Ce n'est pas si grand. Ce n'est pas si grand.

  • Florence Gault

    Mais il y a plein d'espaces différents. Il y avait beaucoup d'activités différentes.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. Là, on est en pleine activité préparation des paniers. On vend principalement sous forme d'abonnement à des paniers, comme les AMAP. On les prépare les lundis et les vendredis. On a deux journées de panier.

  • Florence Gault

    Bonjour. Qu'est-ce qu'il y a de beau cette semaine au menu dans les paniers ? Épinards,

  • Olivia de Roubin

    roquettes,

  • Florence Gault

    poireaux bien sûr, pommes de terre, carottes, un peu de céleri,

  • Olivia de Roubin

    du chou kalé !

  • Florence Gault

    Vous produisez aussi ici ?

  • Olivia de Roubin

    Oui.

  • Florence Gault

    Tout ce qui est proposé est produit ici ?

  • Olivia de Roubin

    Tous les légumes, on va dire, verts, frais, sont récoltés le jour même et se retrouvent dans les paniers le jour même. Et sinon, tout ce qui est légumes de conservation. Il y en a une partie qu'on ne fait pas. Et là, par exemple, carottes et pommes de terre. Patates d'outes aussi, on les a ratées cette année, donc on n'en a pas. C'est de l'achat revente. Voilà, vous avez combien de paniers aujourd'hui ? 52 ? Ouais. Waouh !

  • Florence Gault

    Le plus que vous ayez jamais eu !

  • Olivia de Roubin

    C'est une période où on peut augmenter le nombre de paniers. Et donc, au fur et à mesure, on augmente la production, on augmente le nombre de paniers. Et puis après, en fin d'année, on va aller vers une période où on a moins de légumes. Ce n'est pas le moment où on augmente. Au début, on a commencé,il y avait 25 paniers. On n'avait même pas 20 paniers. Voilà, on avait 25 paniers. Forcément, là, si on a plus de place, on a plus de production, du coup. Donc ici, il faut s'imaginer qu'on n'avait que des prairies. Et tout ce qu'on voit ici, c'est à moins d'un an, parce qu'on a eu accès aux parcelles quasiment après l'été 2023. Donc la première chose qu'on a faite, c'est faire un forage. Il y a un ruisseau qui coule tout le long de la parcelle, mais on ne peut pas prendre de l'eau dans le ruisseau pour irriguer. Donc on a fait un forage, on a trouvé de l'eau pas trop loin, à 20 mètres. On a créé une citerne. pour avoir une réserve d'eau l'été. Et là on voit toutes les cultures d'automne en fait. Des blettes, de la mâche, des épinards, des salades. Ici c'est notre pépinière. Il y a une partie qu'on achète en plant et une partie dont on fait nous-mêmes les semis. Peut-être c'était de se dire, on s'adapte aussi à la ferme qu'on va trouver. Donc nous, on avait ciblé vraiment le maraîchage et la boulangerie. Et là, il y a des pentes qui sont assez fortes. Alors certes, quand je vais dans les monts du Lyonnais, je me dis, bon, on arrive à faire... Oui, c'est ça. Ça va. Mais donc, sur la partie vraiment pentue, on est plutôt parti pour planter des arbres fruitiers. Donc là, il y a une première série qui a été faite. L'hiver dernier, on a eu des étudiants qui sont venus filmer la ferme, qui ont fait un très joli court-métrage, 13 minutes,

  • Florence Gault

    qu'on peut découvrir sur le site internet et qui est super bien fait.

  • Olivia de Roubin

    Il est très beau. Et ils sont arrivés, le film est beau, je trouve, et sensible, parce qu'ils ont passé du temps aussi. Ils sont venus à plusieurs reprises et puis bon, il y a aussi le regard de Nils Carbonell, l'étudiant qui a réalisé le film avec les autres étudiants. Et chaque fois que je vois ces arbres fruitiers, je pense à eux, parce qu'ils étaient là quand on les a plantés. C'est la LPO qui nous a aidé à faire cette mare. On avait envie d'apporter notre petite contribution à la biodiversité.

  • Florence Gault

    Pour objectif, j'imagine de permettre à la biodiversité de pouvoir s'étendre, d'avoir un point d'eau accessible.

  • Olivia de Roubin

    C'est bien pour les oiseaux, c'est bien pour les grenouilles, c'est bien pour tout le petit monde vivant qui nous entoure. Et là, vraiment, c'est consacré que pour la biodiversité. On a séparé la fonction mare de la fonction citerne pour pouvoir arroser nos cerfs. On a planté pas mal aussi de haies qui favorisent la biodiversité, cette fois-ci avec Arthropologia et des financements de la métropole qui sont assez chouettes. pour favoriser la biodiversité.

  • Florence Gault

    J'ai fait un épisode, c'était le premier épisode de la saison 2, début septembre. Ils sont trop chouettes. Nous, c'est vraiment avec ces deux associations-là qu'il y a des liens aussi qui se sont tissés. La LPO, je le disais tout à l'heure, va nous accompagner pour une nouvelle mare, plus modeste que celle-là, dans le mandala. C'est chouette. Ils nous ont permis aussi, il y a une jeune femme en service civique qui est venue faire un diagnostic biodiversité l'année dernière. Et grâce à la LPO, on a eu un diagnostic. Donc voilà, c'est... Et qu'est-ce qu'il en ressort ?

  • Olivia de Roubin

    Plein de choses, c'est hyper intéressant. Ça se lit vraiment. Après, ici, on a la particularité d'avoir pas mal de nids d'hirondelles. Donc on a des hirondelles rustiques ici et puis après elle a pas mal étudié les libellules et l'idée c'était d'avoir un peu un point de repère au moment où on s'est installé et voir un peu comment ça évolue. J'aimerais bien en faire au moins tous les deux ans ça serait chouette.

  • Florence Gault

    Oui, pour voir un peu comment ça évolue avec les différents aménagements que vous allez faire, aussi l'impact des marques.

  • Olivia de Roubin

    C'est ça. La Milpa, chez les Amérindiens, c'est l'association de trois plantes qui s'entraident mutuellement. Le maïs, le haricot et la courge, on les appelle aussi les trois sœurs. Un nom qui évoque à la fois la démarche agroécologique dans laquelle se trouve Terre de Milpa, mais aussi l'approche écoféministe qui est portée par la ferme.

  • Speaker #1

    Alors déjà, c'est marrant parce que... beaucoup de gens, ça leur parle pas vraiment ce que c'est l'écoféminisme.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, vous le définiriez comment, l'écoféminisme ?

  • Olivia de Roubin

    Moi, quand j'ai découvert ce mot, il m'a semblé évident. Donc effectivement, il n'est pas évident pour tout le monde. Donc comment je le définirais ? Pour moi, c'est de dire que dans tous les systèmes de domination, quels qu'ils soient, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a un accaparement des richesses par quelques-uns. Je crois que la moitié de la richesse de cette planète est entre les mains de, je ne sais plus ce que c'est les chiffres, mais 200 personnes. C'est incroyable. D'ailleurs, sur les terres, 70% des terres agricoles sont aux mains de 1% de propriétaires dans le monde. En fait, tous les sujets qui nous tiennent à cœur à Terre de Mille Pas, il me semble qu'il y a une domination qui est... qui est à la source de toutes les autres, qui est la domination masculine, on va dire un peu de la moitié d'une population sur la moitié des humains. Et l'écoféminisme est souvent à une vocation d'intersectionnalité, parce que justement, on peut tirer plein de fils. Par exemple, si on tire le fil de l'agriculture. Aujourd'hui, on est dans une agriculture principalement dans nos pays industriels. L'agriculture industrielle, force est de constater, quand même, qu'elle n'a pas rempli sa mission. Sa mission, c'était de nourrir le monde. Dans le monde, on a encore 800 000 personnes qui souffrent de la faim. On a 2 milliards de personnes qui sont en insécurité alimentaire. Donc, il y a des problèmes aussi d'obésité. Donc, déjà, rien que la base qui était de nourrir les êtres humains, ça ne remplit pas le contrat. Et ensuite, on a... plein d'effets collato-héros, notamment sur le climat, sur la perte de biodiversité, sur notre santé, nous les humains et les autres êtres vivants. Donc, tout ça, c'est lié. Et quand même, d'où vient l'agriculture industrielle ? Elle vient... principalement de l'après-deuxième guerre mondiale qui était de recycler les chars. Les usines à chars sont devenues des usines pour vendre des tracteurs. On a poussé les agriculteurs à toujours plus investir et s'industrialiser et perdre le sens aussi de la terre. L'industrie de guerre, tout ce qui était agents chimiques meurtriers se sont retrouvés dans nos pesticides. C'est les mêmes entreprises qui ont créé ça. C'est des entreprises de guerre qui sont principalement des entreprises masculines. Donc il ne s'agit pas de dire ce que font les femmes, ce que font les hommes. Non, il s'agit de se dire que l'humanité, si elle veut progresser, il faut qu'elle travaille sur ses systèmes de domination.

  • Florence Gault

    Et donc l'idée, c'était de créer un endroit, finalement, où on sortait de ce système d'oppression en laissant la place aux minorités.

  • Olivia de Roubin

    En fait... Pour moi, l'écoféminisme, c'est un peu comme la permaculture, c'est plus une philosophie, une pensée chapeau. Et à l'intérieur, effectivement, comment on mène des actions au prisme de cette pensée-là ? Oui,

  • Florence Gault

    vous ne vous êtes pas dit, je vais faire un projet écoféministe, et donc qu'est-ce que je vais mettre dedans ? Alors, ma thématique, ce sera l'agriculture, et je construis là-dessus. Je pense que c'est bien aussi de pouvoir se le redire. Il n'y a pas un mode d'emploi écoféministe.

  • Olivia de Roubin

    Exactement. En fait, il n'y a pas de mode d'emploi. On est dans des sociétés très complexes, dans des sociétés sur cette planète. On est, je crois, maintenant pas loin de 8 milliards qui prennent beaucoup de place sur la planète. Et donc, oui, il n'y a pas de solution miracle et de solution facile. Nous, ce qui nous anime, c'est en effet de penser. par exemple la place des femmes dans le travail. Le travail a été pensé principalement avec un schéma de l'homme qui travaille à l'extérieur, la femme qui est à la maison, qui gère toute la logistique domestique, gratuitement. Et on est encore sur ce schéma-là, avec des horaires qui ne sont souvent pas forcément adaptés à une mère de famille qui est en situation de monoparentalité, qui doit amener ses enfants à l'école, comment elle fait ? Donc ça, c'est des questions qu'on se pose. Comment on essaye à notre modeste échelle de penser le travail au féminin, de penser le travail en dehors d'un système d'oppression, et plus en termes d'encapacité de l'être humain. De la même manière qu'on dit parfois dans nos documents qu'on s'inspire de la permaculture, on ne peut pas dire qu'on est une ferme en permaculture, ce n'est pas vrai. Parce qu'on est aussi dans un monde où nous, on doit produire, on est certifié en agriculture biologique, on va bien plus loin, mais on n'est pas au niveau où on voudrait être. On est dans un monde quand même assez capitaliste, polluant, qui ne valorise pas toutes les externalités positives d'une association comme la nôtre, en termes de soins de la terre, de soins de l'eau, de soins des êtres humains et vivants en général. Et... c'est aussi des questions d'équilibre et c'est aussi des questions d'ajustement. Et on ne peut jamais dire, là, on est tout bon, on coche toutes les cases écoféministes. On n'est plus sur un chemin. C'est pour ça aussi que Milpa me parle bien, ce mot que j'ai choisi pour l'association. C'est qu'en fait, on est tous sur un chemin.

  • Florence Gault

    Alors, ça va faire quatre ans que l'association existe. Un an où vous avez vraiment les mains dans la terre pleinement. Mais en termes de retour d'expérience, est-ce que ça fonctionne ? Quel est le retour aussi peut-être des femmes que vous accompagnez au sein de Milpa ?

  • Olivia de Roubin

    Alors ça fait deux ans qu'on a les mains dans la terre. En fait, un an ici sur cette ferme et un an avant sur le plateau de Charzieux à Colonge. Nous, on voit des chouettes choses qui se passent. Ce qui nous intéresse aussi, c'est de mixer des publics très différents. On a des bénévoles qui viennent aussi sur la ferme. C'est un petit microcosme qui existe et qui avance à son niveau avec des hauts, des bas.

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qu'on pourrait mieux faire ?

  • Olivia de Roubin

    Ce qui est compliqué, clairement, c'est de monter une association. Les ateliers chantiers d'insertion sont moins soutenus qu'avant, notamment par les collectivités locales. Elles ont moins de financement qu'avant. Et... Et aujourd'hui, on est beaucoup sur un recul des aides qu'il faut aller chercher. Et moi, concrètement, une grosse partie de mon temps, de mes soirées, de mes week-ends, c'est d'aller chercher des financements, notamment privés.

  • Florence Gault

    Donc, c'est l'instabilité financière.

  • Olivia de Roubin

    C'est énorme. Et aujourd'hui, la plupart des associations... sont dans ce cadre-là. Je crois que c'était les Restos du Coeur qui avaient écrit... Donc même des grosses associations ne sont pas à l'abri, voient de plus en plus de précarité s'installer. Donc s'il n'y a pas une réflexion globale de notre société, comment on répartit mieux la richesse ? Comment... Et seulement de laisser ça aux associations en se disant qu'elles vont se débrouiller avec des personnes de plus en plus exclues, de plus en plus pauvres, Sans les financer, il y a un truc qui ne va pas. Et forcément, ça crée de la tension dans toutes les associations et en particulier une jeune association comme la nôtre qui s'installe.

  • Florence Gault

    Les personnes accompagnées bénéficient de contrats de 26 heures par semaine et d'un suivi personnalisé visant à lever les freins à l'emploi qu'il s'agisse par exemple de difficultés linguistiques ou de problématiques liées au logement. Depuis sa création, Terre de Mille Pas a accueilli 21 participants. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer les retombées en termes d'accès à l'emploi, le chantier d'insertion étant dans sa deuxième année d'existence. Vous l'aurez compris ? Il n'y a pas de mode d'emploi pour l'écoféminisme, il s'agit plutôt d'une démarche globale qui permet de sortir de logiques de domination. Et puis surtout, il n'y a pas un écoféminisme, mais des écoféminismes. Si vous avez envie d'aller plus loin sur le sujet, je vous mets dans la fiche de l'épisode toute une liste de ressources. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Clémence, Ronan et Pascal.

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