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En un battement d'aile

27. Métabief, une station de ski en transition

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46min |26/02/2025
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Description

⛷️Nous en parlions dans l'épisode de la semaine dernière : les stations de ski sont à un tournant. Face au dérèglement climatique, il devient nécessaire de se réinventer. C’est le pari qu’a fait la station Métabief, dans le Jura.


Plutôt que d’investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d’Or, qui gère la station a pris en 2020, au terme d’une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France : acter l’arrêt du ski alpin à l’horizon 2030-2035. La question n’était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s’y prendre.


Comment transforme-t-on une station de ski en une destination quatre saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation, qui redessine toute l’économie locale ? Direction Métabief, où l’on tente d’écrire une nouvelle histoire de la montagne.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Florence Gault

    Nous en parlions la semaine dernière, les stations de ski sont à un tournant. Avec la hausse des températures, l'enneigement se fait plus aléatoire et les périodes de froid deviennent trop courtes pour garantir une production de neige artificielle suffisante qui n'est pas sans poser d'autres problèmes par ailleurs. A l'horizon 2050, une grande partie des stations de haute et moyenne montagne pourraient ne plus être viables économiquement. Il faut donc disparaître ou se réinventer. C'est le pari qu'a fait Métabief dans le Doubs. Plutôt que d'investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d'Or qui gère la station, a pris en 2020, au terme d'une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France. Acter la fin du ski alpin à l'horizon 2030-2035. La question n'était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s'y prendre. Dans l'épisode précédent, Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, nous racontait comment cette prise de conscience avait mené à organiser, dès maintenant, la transition vers un autre modèle économique. Mais concrètement, comment transforme-t-on une station de ski en une destination 4 saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation qui redessine toute l'économie locale ? Pour le savoir, je suis allée sur place, direction donc Métabier, où l'on tente d'écrire une nouvelle histoire de la montagne. Bienvenue dans la deuxième partie de cet épisode d'En un battement d'ailes. Le temps est couvert ce matin et il souffle une brise glaçante. Nous sommes donc à Métabief, dans le Haut-Doubs, à quelques kilomètres seulement de la Suisse. À quelques jours du début des vacances d'hiver, la neige n'est pas très abondante. En revanche, la qualité est au rendez-vous et visiblement, les skieurs semblent heureux malgré le vent. Dans cette station de moyenne montagne, les 40 kilomètres de piste s'étirent de 900 à 1400 mètres de haut.

  • Julien Vrignon

    Bienvenue à Métabief Florence, moi je suis Julien Vrignon, je suis chargé de projet transition et projet européen au sein du syndicat mixte du Mont d'Or qui est l'exploitant des remontées mécaniques de Métabief.

  • Florence Gault

    On peut peut-être présenter un peu ce territoire dans lequel est implantée la station de Métabief. On n'est pas très loin de Mouthes. où le record de froid officiel a été battu dans les années 60. Le Jura, terre de ski, terre de neige. Ici, le rapport à la montagne et à la neige est profondément ancré.

  • Julien Vrignon

    C'est juste, c'est bien de le rappeler. Effectivement, on est sur un territoire de montagne. Alors, je côtoie des collègues des Alpes françaises ou suisses qui me disent « c'est pas trop la montagne le Jura » . Mais bon, il faut savoir que le Jura a été créé grâce aux Alpes déjà. C'est un pli, ce sont plus une succession de plis en fait avec ce qu'on appelle des combes. Donc en fait des creux de vallées où il fait très froid. C'est pour ça qu'on parlait de moutes record de froid. C'est aussi un territoire de montagne parce que il faut savoir que la montagne c'est pas l'Alpin en fait le Jura, c'est massif du Jura, c'est nordique. Si on parle de loisirs, c'est aussi un territoire de montagne qui vit grâce à ces montagnes par la forêt depuis très très longtemps. Ce territoire il a aussi une ADN très ancrée sur la montagne. Pour plusieurs raisons, à partir de la révolution industrielle jusqu'à à peu près la première guerre mondiale, presque la seconde guerre mondiale, on avait de l'exploitation de minerais beaucoup ici à Métabier, autour de Métabier. Donc le chemin de fer s'est développé aussi un peu grâce à ça, il s'est aussi développé grâce au tourisme de villégiature qui a commencé à se développer dans les années 30-40 autour du lac Saint-Point, qui n'est pas très loin d'ici de Métabier. Et puis ce tourisme de l'évélégiatur, comme ça a été le cas à Chamonix surtout au début du 20e siècle, le ski, la neige, etc. ça s'est développé en termes de loisirs, mais pour les locaux au départ. Et puis voyant que ce ski ramenait quand même pas mal de monde et de business au niveau local, dans les années 60-70, le ski, comme dans pas mal d'endroits dans la montagne française, s'est structuré à travers divers plans. Et autour d'ici de nous, finalement, parce que là on voit effectivement le télésiège, quelques téléskis, de la pente avec de la neige, mais aussi de notre côté, on a des résidences qui ont été créées dans les années 70-80 et qui sont des résidences finalement... qui ont participé à l'essor du tourisme à Métabier, comme dans beaucoup de stations de ski. Il faut savoir que la création de la station de ski, c'est grâce à deux personnes, M. Autier et M. Lagier, qui étaient finalement deux comparses qui ont favorisé l'implantation, la création de résidences, de création de la station, etc. Et ce qui s'est passé, c'est que début 80, il y a eu un switch, en fait. C'est la collectivité qui est venue un petit peu à la rescousse de ces sociétés. Et on a eu un développement encore plus fort du ski alpin ici à Metabit en années 80. Développement des résidences, on se retrouvait finalement à 90% de logements. On était pour la résidence secondaire ou pour du tourisme, et le 10% était pour des habitants. Aujourd'hui, on est plus près des 50-50.

  • Florence Gault

    Et qu'est-ce que représente le tourisme et peut-être les activités autour du ski dans l'économie locale ?

  • Julien Vrignon

    À proprement parler, pour Métabief, le ski alpin représente 90% de l'économie du village. Alors ça a tendance à s'amoindrir parce que nos hivers sont de moins en moins enneigés. Mais on a toujours d'autres filières qui participent au maintien économique du village.

  • Florence Gault

    Mais la vie de Métabief est tournée vers le tourisme. Quand on a une économie qui est tournée vers le ski alpin, quand on annonce que le ski alpin... devrait disparaître à l'horizon 2030-2035, j'imagine que l'annonce dans le village secoue.

  • Julien Vrignon

    C'est rien de le dire. Ça secoue fort, même. Ça secoue fort parce que finalement, on est face à deux situations qui sont, comment dire, oui, c'est un peu paradoxal parfois au niveau de la compréhension. C'est qu'effectivement, nous, ce qu'on a fait, en tout cas, nous, au syndicat mixte du Mont d'Or, exploitant des remontées mécaniques, c'est de faire un choix à un moment donné qui n'est pas d'investir pour l'avenir du ski. Ensuite, c'est aussi, face à ce renoncement, c'est de l'expliquer. Donc on a fait constater les raisons pour lesquelles on ne s'engageait pas là-dedans. On n'a pas suffisamment de temps pour amortir des nouveaux équipements. L'histoire récente nous fait aussi confirmer qu'on a fait le bon choix. Parce que nos hivers ne sont pas suffisamment économiquement viables pour pouvoir garantir l'amortissement d'équipements.

  • Florence Gault

    Là, par exemple, vous me disiez tout à l'heure qu'on est au troisième, quatrième hiver d'affilée, où le taux d'enneigement n'est pas incroyable.

  • Julien Vrignon

    Oui, je vous le confirme, effectivement, on est sur le troisième, quatrième hiver, où c'est effectivement difficile. Maintenant, on a la dixième année du choix amorcé. Il y a toujours de la contestation, il y a toujours de la colère. Il y a, oui, du déni par rapport Ausha, c'est normal et c'est logique, c'est compréhensible. Mais pour autant... Nous, en tout cas, ce qu'on observe, c'est qu'il n'y a plus de déni du changement climatique. C'est factuellement rien de tel que malheureusement des hivers comme on a vécu pour le constater. Aujourd'hui, on a un recul suffisant de presque 20 ans pour dire, ici à Métabier, en massif du Jura, endroit froid, connu pour son froid, avec effectivement moutes à 20 km d'ici, il ne fait plus, en moyenne, moins de 0°C en hiver.

  • Florence Gault

    Je confirme que chez les habitants, tout est loin d'être encore pleinement accepté. En allant acheter un sandwich à l'heure du déjeuner, j'entends des clients et le vendeur discuter de la fermeture de pique-miettes. On en parlait dans l'épisode de la semaine dernière avec Olivier Erard, 30% du domaine skiable ont été mis à l'arrêt en septembre 2024 pour des raisons économiques et climatiques. Un symbole fort du début de la fin du ski qui a suscité beaucoup de colère dans le village. Alors quand je leur dis que je suis journaliste et que je réalise un reportage sur l'avenir des stations de ski, ils me demandent d'arrêter de propager l'idée qu'il n'y aura plus de ski à Métabier car cela fait fuir les touristes. Ils me font part de leur colère vis-à-vis du syndicat mixte du Mont-d'Or, dénonçant notamment sa mauvaise communication. Aucun d'eux n'accepte de parler à mon micro. La pilule a du mal à passer et pourtant la transition est en marche. Visite guidée avec Julien Vrignon.

  • Julien Vrignon

    Ici on est à l'atelier de la station de métabief, remontée mécanique. Une dameuse qui est en dessous de nous, parce qu'on est un peu en hauteur. Et il y a à peu près 5-6 dameuses qui sont ici en stock. Ici dans ce bâtiment, on a aussi au sous-sol tout un bâtiment avec les véhicules d'exploitation. On a après ici là-bas le bâtiment des niveaux culteurs. Ici ce bâtiment technique a été créé dans les mi-années 2010, à 2015 à peu près, 2016. Et justement il est l'incarnation en partie de cette transition. Parce que nous, collaborateurs de l'exploitation, avons d'une part besoin d'un bâtiment digne de ce nom pour pouvoir continuer à exploiter le domaine skiable et le domaine... En été, on n'en a pas parlé, mais en été notamment aussi pour le VTT. Ils avaient aussi besoin de continuer à se qualifier, à monter en compétences. Donc d'avoir des outils qui sont adaptés pour qu'ils puissent garantir l'exercice de leur métier. Donc on a en dessous Kevin qui est un mécanicien. Donc il peut aussi bien réparer des camions, des voitures que des dameuses. On a Max qui est là-bas, qui est un niveau culteur. Donc lui, tout ce qui est hydraulique, il connaît sur le bout des doigts. On a d'autres collègues qui sont menuisiers. On a Féfé et Félix qui sont menuisiers chez nous. Et... Clairement, cet enjeu de la RH fait partie de notre transition. Quand en 2015, on a décidé de potentiellement arrêter la fin du ski, on s'est orienté à deux problématiques. C'est nos agents, qu'est-ce qui va se passer pour eux ? Et ensuite, comment on assure la pérennité de nos équipements ?

  • Florence Gault

    Au niveau personnel, combien de personnes dépendent de la station de ski ?

  • Julien Vrignon

    Dans le syndicat mixte du Mont d'Or, on est à peu près 50 équivalents temps plein en 2015, aujourd'hui on est plutôt à 40. Donc on a baissé en effectif après pour des questions de rationalisation, des questions aussi de baisse d'activité notamment sur certains secteurs, et puis il y a des enjeux de recrutement, on est aussi confronté à ces problématiques-là. Ceci étant, aujourd'hui nos collègues qu'on voit en œuvre aujourd'hui sont des collègues qui sont spécialisés, formés, et donc cet enjeu de l'ARH était important pour nous, c'est que nos collaborateurs, si toutefois on est à... amené à baisser, et on sera amené à baisser notre activité, doivent pouvoir retrouver un travail avec un niveau de compétence qualifié. Donc, il y a un enjeu de formation, il y a un enjeu de reconnaissance de leur formation, il y a un enjeu aussi, effectivement, de mise à niveau. Aujourd'hui, ces compétences-là sont très utiles, aussi bien l'hiver que l'été. Et enfin, il y a un autre sujet, ce qui est celui de la prise en compte de nos salariés. dans Ausha d'avenir, dans Ausha de transition. Et quand on a des gars qui ont des compétences comme celle-ci, ils sont capables de dire ça c'est possible, ça c'est pas possible. Et on les intègre dans nos processus décisionnels, notamment sur un sujet qui est important, qui est celui de la diversification. L'autre sujet qui nous intéresse et qui nous passionne dans le cadre de la transition, c'est la maintenance de nos équipements. On part du principe que sur la décade 2030-2040, on sera amené à potentiellement stopper le ski alpin, mais dans l'intervalle, on veut garantir en tout cas un produit ski. Mais au-delà de ça, la maintenance, c'est aussi parce qu'on veut proposer un produit ski jusqu'à 10-20 ans et qu'on ne veut pas être dans une logique toujours de renouvellement d'équipement, mais plutôt d'être dans une logique d'amortissement raisonné et donc de pouvoir proposer... Toujours des remontées mécaniques, que ce soit des téléportées, donc des télésièges ou des téléskis, qui sont à un niveau de maintenance toujours garanti, de sécurité garantie, avec un niveau d'investissement pour cette maintenance qui est toujours garanti aussi.

  • Florence Gault

    C'est ce que nous a expliqué Olivier Erard, c'est qu'effectivement le choix qui a été fait, c'est de se dire « Ok, on ne renouvelle pas tout notre équipement, mais par contre, il y avait des enjeux de sécurité, de remise à niveau qui étaient nécessaires, et donc… » il faut réussir à pouvoir entretenir jusqu'à ce que...

  • Julien Vrignon

    Jusqu'à ce que soit on ne puisse plus les utiliser, soit jusqu'à ce que ça coûte trop cher de continuer à les utiliser, ou jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de neige.

  • Florence Gault

    Ça fait partie des scénarios.

  • Julien Vrignon

    C'est un scénario de toute façon qui est sur la table et qui va se présenter, qui se présente déjà sur un secteur qu'on a suspendu à l'exploitation, on va dire fermé même, qui est le secteur de Pique-Miette, pour des raisons clairement... économique, même si c'est un crève-cœur pour nous de le fermer. Mais pour des raisons économiques, on a fermé ce secteur parce qu'il représentait 40% de nos dépenses de fonctionnement et que malheureusement, 20% de nos recettes. Donc ici, on est sur le site de la Luche-sur-Rail. La gare est sous nos pieds. On a vu sur la station.

  • Florence Gault

    Et enfin, vue dégagée, je vois donc ce qui se passe de l'autre côté. Depuis ce matin, on ne voyait pas !!!

  • Julien Vrignon

    Et à côté de chez Zaza, qui est une institution chez nous, qui est un bar festif dansant cabaret, qui lui est en pleine diversification, adaptation à la transition. Aujourd'hui, Zaza, il est complet tous les week-ends et il n'a pas besoin qu'il y ait de la neige ou pas. Il a juste besoin de faire de la pub sur ses activités. Cette luge sur rail permet de faire une descente sur à peu près 750 mètres. C'est un équipement qui a été livré en 2022. et c'est sur l'ancien site de l'ancienne luge qui existait auparavant depuis les années 80 qui était une luge dans les godets un peu en plastique comme ça et on descendait donc on l'a remplacé sur approximativement le même tracé c'était une volonté de réutiliser tout l'itinéraire qui était déjà exploité ici pour la luge et puis c'était aussi important pour nous de ne pas déforester considérant ensuite que On utilise l'ancien tracé de la luge aussi pour une nouvelle piste de VTT qui est ici. On voit une bosse, c'est la bosse de la fin. Et cette piste, en fait, elle commence au même endroit que le haut de la luge. Et elle vient, en fait, cette piste de VTT, ou la piste de luge, si on veut, comme on veut, vient un petit peu entrecroiser à certains endroits l'une et l'autre. Et donc, là, pour moi, dans les blocs de la transition, Il y a le bloc de la diversification. Et la diversification n'est pas une fin en soi. On ne compensera jamais le ski. Ce n'est pas possible. Mais pour autant, proposer des activités qui peuvent être réalisées toute l'année. Et aussi, la diversification, c'est de travailler sur des nouvelles sources de revenus pour nous, pour les acteurs locaux. Pour certains d'entre eux qui sont loueurs de ski, mais qui sont aussi loueurs de VTT. Ou d'autres demain qui pourraient proposer d'autres types d'activités sur notre secteur. Donc voilà.

  • Florence Gault

    Rien ne remplace le ski, le constat est sans appel. Il faut donc à la fois repenser le modèle économique de la station, mais aussi imaginer l'attractivité du territoire autrement. Mais comment ? C'est tout l'enjeu du travail mené par Claire Leboisselier, chef de projet Transition pour le programme Avenir Montagne. au sein du SMMO. Depuis trois ans, elle accompagne les cinq communautés de communes du Haut-Doubs à travailler sur la transition du tourisme et des loisirs. Son rôle, stimuler la coopération et imaginer avec eux les alternatives de demain.

  • Claire Leboisselier

    L'ensemble du territoire est aussi touché par ces problématiques, qu'ils soient climatiques, pas seulement liées à la neige, ça peut être aussi des problématiques liées à l'eau, liées aux fortes températures, et puis liées aussi à des sujets et facteurs qui sont économiques et qui ne sont pas forcément en lien. Justement avec ces changements climatiques comme une problématique sur les métiers, le fait d'avoir des problématiques à recruter du personnel sur place. Donc c'est tous ces champs finalement de réflexion qui ont animé l'envie d'avoir une réflexion à l'échelle de ce territoire avec d'autres acteurs. Et c'est dans ce cadre-là que la station de Métabier a porté le programme Avenir Montagne pour finalement, à partir de ses connaissances d'ingénierie sur la transition, puisse mettre à profit. l'ensemble de ce territoire sur des compétences d'ingénierie. Et on parle plutôt ici d'ingénierie relationnelle.

  • Florence Gault

    Il faut réussir en fait à créer une autre dynamique et donc engager au-delà effectivement de la station une démarche de transition. J'imagine que ce n'est pas simple de se dire qu'en fait, il y a tout à réinventer.

  • Claire Leboisselier

    Alors, ce n'est pas simple d'envisager la transition. Et effectivement, il faut le faire de façon collective et collaborative. Et c'est vraiment le travail que nous, on a souhaité faire avec cette ingénierie relationnelle qu'on a mis en place depuis 2022. C'était de faire travailler ces différents acteurs ensemble pour déjà s'approprier les enjeux actuels, climatiques, environnementaux, économiques et sociétaux également, pour qu'en fait, ces gens-là partent d'un constat commun. Et sur cet constat, si finalement ces acteurs sont conscients, on va être en capacité après à proposer des nouvelles actions. C'est vraiment la réflexion qu'on a faite avec des ateliers, des comités techniques très précis. Après, on a créé des communautés d'acteurs pour que ces acteurs-là puissent travailler sur des thématiques en particulier. Et puis, réfléchir à une stratégie commune que nous, on a appelée Masterplan, qui est à la fois une démarche, cette démarche collaborative de faire en sorte qu'on ait plus de 150 acteurs sur le territoire, aussi bien acteurs du tourisme et des loisirs, mais aussi des habitants, des lycéens qui se sont investis dans la démarche. qu'un livrable final, qui est finalement une stratégie sur 15 années, qui nous permet de planifier un peu les grands investissements à faire ou les grandes ingénieries à mettre en place sur des thématiques qui sont aussi au-delà du tourisme et des loisirs.

  • Florence Gault

    Et donc, quand on va travailler comme ça avec différents acteurs, est-ce que cette concertation, elle est simple à mettre en place ? Parce qu'il y a effectivement des acteurs privés, il y a des acteurs publics, il y a des acteurs associatifs, il y a des acteurs politiques. Mettre tout ça en place, tout ce petit monde autour de la table en arrivant avec une démarche de transition ? Est-ce que c'est si simple ?

  • Claire Leboisselier

    Le challenge, c'est un peu de faire en sorte que ces gens-là, ils aient un consensus déjà sur la réalité, certes, et sur le chemin là où on va aller. Imaginons, on est sur un bateau, on a plein de gens qui ont envie de nider, et il faut se dire, quelle voie on va prendre, etc. Donc c'est cette Ausha qui est un peu complexe. Et derrière le fait qu'il y en a certains qui soient privés, d'autres... publics, etc., en fait, la question, c'est qu'ils n'ont pas le même intérêt, ils n'ont pas la même temporalité. Donc déjà, ça crée des décalages, d'une certaine manière. Et ce n'est pas toujours évident de les aligner, parce que là, on va avoir l'impression que nous, on a réussi à avancer le projet en deux ans, un privé en une année, s'il ne fait pas son chiffre, à la fin de l'année, il met la clé sous la porte. Donc ce qu'on a mis en place, c'est des communautés d'acteurs. On a essayé de créer des groupes qui travaillaient sur des sujets concrets, donc on a deux sujets qui sont travaillés dans ces groupes-là. Un sujet sur les activités nordiques, donc le ski fond, le biathlon, la raquette, la luge, la marche, etc. Et un autre sujet, c'est les métiers, les compétences. Parce que sur notre territoire, on a vraiment une perte de nos compétences. On a des gens qui vont travailler peut-être plus en Suisse. On a des gens qu'on n'arrive pas à conserver ici et pas que pour une question de salaire. Et donc dans ces deux groupes... On a mixé finalement la population sur place d'intervenants, des publics, des privés, des élus. Et on a fait en sorte que ces groupes soient en capacité de prendre des décisions. C'est-à-dire que ce n'est pas juste un groupe et ensuite on remonte et puis le supérieur décidera. C'est un groupe et il faut lui donner une place pour que ce groupe-là... décident de faire quelque chose. C'est un peu comme dans les immeubles où il y a une co-gestion où dans l'immeuble Intel va être en charge d'organiser une année les événements et puis ils vont s'organiser eux-mêmes etc. Et si on arrive sur un sujet qui est un peu plus stratégique, là ce sera décidé à l'étape du dessus. Donc c'est un peu le même principe. Donc sur les métiers et les compétences, ils ont réalisé eux-mêmes un diagnostic. Donc ils sont allés faire des entretiens, ensuite ils sont allés faire des vidéos, ce qui a amené à ok, on veut un plan d'action sur trois thématiques. La marque employeur, on veut aussi travailler pour être une entreprise apprenante et permettre de monter en compétence nos équipes, à la fois sur des sujets de management, mais aussi sur des sujets de formation. Et là, on va pouvoir répondre à un appel d'offres pour pouvoir travailler avec une assistance à maîtrise ouvrage qui va pouvoir avancer. Donc tout ce travail-là qui permet d'y retrouver un petit peu son compte, justement entre ces différents acteurs publics, privés, associatifs et partenaires.

  • Florence Gault

    Quels sont les plus gros freins que vous rencontrez aujourd'hui à la transition sur ce territoire ?

  • Claire Leboisselier

    Ce n'est pas évident, cette question. Je pense qu'il y a un frein politique, parce qu'il y a des choix qui sont à faire et finalement qui doivent être pris par des élus. Et des élus qui, du coup, ça repose sur leurs épaules et c'est des décisions qui ne sont pas évidentes. Des fois, l'envie, elle est là, mais peut-être qu'elle n'est pas suivie. Donc ça, c'est un... à un frein, je dirais. L'autre sujet, c'est l'intérêt, il manque un commun. Le commun aujourd'hui, je dirais que c'est la neige, mais tout le monde a un intérêt personnel et une individualité par rapport à ce commun et cette neige. On va avoir un loueur qui, lui, a mis toutes ses billes dans sa boutique et se retrouve vraiment embêté alors qu'il a essayé de se diversifier et ça devient extrêmement compliqué, alors qu'on va avoir une autre boutique où peut-être que c'est une boutique de famille, donc il n'y a déjà pas le même revenu. Et finalement, on ne joue pas la même chose. En fait, c'est quoi la chose qui relie tous ces gens ? Hormis, certes, la neige, mais en fait, ce n'est pas le même intérêt. Et donc, on n'a pas la même rapidité, le même besoin à se transformer qu'un autre. Donc, il y a un peu cette problématique qui est vraiment de différents profils et d'intérêts qu'on peut avoir par rapport à la neige. Puis après, il y a vraiment cet aspect politique qui est plutôt lié à comment est pris vraiment le sujet et est-ce qu'elle fait partie de la stratégie ? Et qu'est-ce qu'elle veut dire derrière ? Parce que derrière la neige, ce n'est pas juste ces politiques parce qu'on ne fait plus de ski alpin. C'est politique parce que la neige, c'est quelque chose qui transforme les gens. C'est l'ADN. Vous seriez venu ici cet hiver, avant la neige, les gens étaient en dépression, on avait tiré la grimace. La neige est tombée, c'était la banane. En fait, c'est un effet d'un coup, un moyen d'oublier. C'est un peu, on recouvre de blanc et ça y est, c'est terminé. Et puis, il y a cet aspect auquel l'activité reprend. Mais ça crée vraiment un ADN très très fort sur le territoire. C'est comme si vous disiez qu'un territoire qui a un fleuve, demain il n'y a plus de fleuve, qu'est-ce que tu fais ? Ça fait partie de mon territoire. Ou une forêt, demain on se dit à Bretagne, tiens la forêt de Brosséliande, c'est terminé. C'est quoi ? C'est émotionnel, c'est affectif.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup Claire.

  • Claire Leboisselier

    Merci.

  • Florence Gault

    Pour les socioprofessionnels, s'adapter est un véritable défi. Parmi eux, les loueurs de ski. Créé en 1966 par Gabi Mère, Gabi Sport est un magasin emblématique de métabillés, repris en 2009 par Jérôme Gresset. En hiver, la location de ski bat son plein, tandis qu'en été, le vélo prend le relais avec des services de remise en état et de location. Je retrouve Mizou, comme on surnomme Jérôme Gresset, dans son magasin.

  • Jérôme Gresset

    Alors bonjour, Jérôme Gressel, magasin Sport 2000, Gabi Sport à Métabief.

  • Florence Gault

    Métabief qui a pris la décision d'arrêter le ski alpin. Le jour où vous apprenez cette nouvelle et qu'on vous fait part de ce qui va se passer dans les prochaines années, quelle a été votre réaction ?

  • Jérôme Gresset

    Alors, arrêter, on n'a pas de date, c'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est plutôt, on va dire, aller le plus longtemps qu'on peut. Mais qu'on ne peut plus vivre uniquement de ça aujourd'hui face aux incertitudes climatiques.

  • Florence Gault

    Donc quelles émotions rentrent en jeu à ce moment-là ? Est-ce qu'il y a de la colère, de l'incompréhension ?

  • Jérôme Gresset

    En fait, à ce moment-là, effectivement, quand on a toujours été, en plus, enfant d'ici, et qu'on a toujours connu le ski alpin comme ça, Eh bien, forcément, ça nous affecte. Aujourd'hui, on est obligé de s'adapter, c'est-à-dire qu'on se rend bien compte qu'il y a un changement climatique et que les hivers sont de plus en plus incertains. Donc, il fallait aussi repenser le modèle économique.

  • Florence Gault

    Donc, une fois cette phase d'annonce et donc de réussir à se projeter, comment on envisage l'avenir pour vous dans ce magasin-là ?

  • Jérôme Gresset

    Aujourd'hui, nous, au niveau du magasin, ce qu'on fait, c'est qu'on est déjà un commerce qui est ouvert à l'année, mais qu'on a fait ça déjà depuis 2009. On ne pouvait pas déjà à l'époque se permettre de vivre que de l'hiver et du produit neige. Donc il fallait qu'on trouve une activité complémentaire et cette activité complémentaire, on l'a amenée avec le vélo. Mais aujourd'hui, on a un modèle économique qui a encore aussi besoin de l'hiver. Et comme je dis souvent, c'est que sur 12 mois de l'année, il y a 3 ou 4 mois d'hiver. Donc il faut quand même bien qu'on ait une activité. C'est pour ça qu'on a encore besoin aujourd'hui du ski alpin. Mais on essaie progressivement de, on ne va pas dire réduire la voilure, mais plutôt penser à, comme c'est de plus en plus incertain, à orienter un petit peu plus sur l'activité cycle.

  • Florence Gault

    Là, ça fait quand même trois hivers que c'est plutôt compliqué, qu'il y a un certain manque de neige. Est-ce que ça vous impacte déjà aujourd'hui ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, clairement, oui, ça nous impacte.

  • Florence Gault

    Il y a des difficultés déjà économiques ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, c'est pas facile.

  • Florence Gault

    Merci.

  • Jérôme Gresset

    A votre service.

  • Florence Gault

    Mizou essaie de rester confiant face à cet avenir pourtant bien incertain. S'il est prêt à diversifier ses activités... Il s'inquiète de la répétition d'hiver sans neige suffisante, alors que son modèle économique repose encore sur l'activité du ski. La montagne, certains des habitants de Métabier l'ont dans la peau. C'est le cas de Sylvain Authier, responsable des pistes, un passionné de montagne et de ski. Malgré le froid et le vent, nous décidons de nous rendre au sommet Moron, à 1420 mètres d'altitude, en télésiège. Et comment dire, je suis un peu sensible au vertige.

  • Sylvain Authier

    T'as pas l'air trop stressé. Il y en a, ils crient.

  • Florence Gault

    Non, je ne crie pas, mais je ne suis pas sereine...

  • Sylvain Authier

    Moi, c'est Sylvain Authier. Je suis le responsable du service des pistes de la station de Métabier. alors moi mon job c'est de veiller à la sécurité des skieurs et des pratiquants de notre domaine skiable je parle de skieurs mais aussi des snowboardeurs des gens qui font du snowscoot il ya des personnes handicapées aussi enfin tout ce genre de glisse qui sont autorisés sur le sur les pistes de ski Donc mon rôle c'est de veiller à ce que la sécurité soit assurée. Pour ça je manage une équipe de pisteurs, secouristes, qui eux s'occupent de mettre des dispositifs de protection, que ce soit les filets, les matelas, le balisage des pistes, avec les jalons, les balises, pour faire en sorte que... que les gens ne se perdent pas d'une part et puis restent sur les bons endroits. Donc nous, notre rôle principal, c'est vraiment ce rôle de prévention. Et puis après, on vient leur porter secours quand malgré tout, ils se font mal. Donc là, on est aussi secouriste pour pouvoir prendre en charge les blessés. Et là, il y a pas mal de vent et je ne sais pas si le micro...

  • Florence Gault

    Et non, le micro n'accepte pas. On n'entendra pas Sylvain nous dire qu'il s'occupe également de la neige de culture sur le domaine skiable et du damage. On va donc poursuivre l'interview au sommet, mais au chaud dans le poste de secours. D'une part, on n'y voit absolument rien avec le brouillard, et d'autre part, il fait tellement froid qu'il est impossible pour moi d'enregistrer en extérieur sans gants. Alors vous êtes un passionné de montagne ? depuis toujours. Je crois que vous étiez à Tignes avant d'arriver à Métabier. C'était il y a une dizaine d'années. Là, quand vous regardez, quand on a une vue dégagée normalement ici au sommet, mais quand vous regardez autour de vous cette montagne, qu'est-ce qu'elle vous inspire ?

  • Sylvain Authier

    Qu'est-ce qu'elle m'inspire ? C'est vrai que j'ai grandi ici, je suis natif de Métabief, donc j'ai fait mes débuts dans le métier ici. Après, c'est vrai que je suis parti à Tignes parce que... Mine de rien, il y avait déjà des fois des anomalies d'enneigement sur mes tabiers à l'époque. Donc je suis parti à Thymie faire un remplacement, mais qui a duré 11 ans. Et puis après, je suis revenu à mes origines, retour aux sources, comme on dit. Depuis 2012, avec entre autres le projet de neige de culture. un gros programme qui a permis de maintenir Metabier en vie parce que je pense que sans ça, il n'y aurait plus de ski à Metabief. Et oui, donc des changements. C'est vrai qu'à l'époque, il y avait quelques jours, voire quelques semaines dans l'hiver où les champs étaient verts. Maintenant, c'est un peu l'inverse en fait. Il n'y a que quelques jours ou quelques semaines où il y a de la neige dans les champs. Donc ça, c'est quand même assez parlant. Pour en revenir sur les changements, j'ai bossé 11 ans à Thigne. Et je peux vous dire que le glacier, en 20 ans, c'est incroyable comme ça a pu changer. Donc oui, les effets, on les voit. Personne ne peut le nier, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Là, si on regarde autour de nous, les effets du dérèglement climatique, on les voit à quoi ?

  • Sylvain Authier

    Comme je disais, les champs sont verts, donc on skie vraiment sur les pistes qui sont équipées en neige de culture, qui sont très bonnes à skier d'ailleurs. On arrive quand même à avoir des périodes de froid qui nous permettent de fabriquer en volume de la neige pour assurer quand même une longévité dans la saison, malgré les épisodes météo qui peuvent changer. Ça permet quand même de pallier à ça.

  • Florence Gault

    Est-ce que vous vous souvenez du jour où on vous a annoncé qu'à Metabief, la décision avait été prise d'arrêter, d'ici quelques années, c'est horizon 2030-2035, d'arrêter le ski alpin ?

  • Sylvain Authier

    Oui, je m'en souviens bien, oui. Après, arrêter, ce n'était pas vraiment l'objectif. On savait que l'enégement, ça n'allait pas durer. Oui. Un bon jour, certainement, ça allait s'arrêter. On n'allait plus pouvoir vivre économiquement de cette activité.

  • Florence Gault

    Et ce jour-là, il y a quoi comme émotion qui se met ? Quand la montagne, c'est votre métier, c'est votre passion, qu'est-ce qui y prime ?

  • Sylvain Authier

    C'est surtout de la tristesse, oui. C'est triste de se dire que dans nos belles montagnes, peut-être qu'un jour, on ne pourra plus faire de ski du tout. Ça fait mal, ouais, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Alors, comment on envisage son métier dans les années à venir ?

  • Sylvain Authier

    Alors, ça, c'est une question qui est...

  • Florence Gault

    Il n'y a pas trop de réponses encore ?

  • Sylvain Authier

    Il n'y a pas trop de réponses. Moi, j'espère quand même qu'on puisse profiter de la neige quand elle sera là, même en 2040. On sait qu'il y a le réchauffement, mais il y aura quand même des épisodes où il y aura de la neige. J'espère qu'on pourra tout de même profiter de ces petits moments enneigés et pouvoir proposer de pouvoir faire du ski sur ces petites périodes. Il n'y aura peut-être plus qu'une remontée, mais celle-ci, il faut qu'elle puisse rester et qu'on puisse monter des skieurs quand il y a de la neige.

  • Florence Gault

    Comment vous avez vécu la fermeture de Piquemiette ? 30% du domaine skiable ? qui aujourd'hui n'est plus accessible. Quelque part, c'est un peu le début de la fin qui s'est enclenché.

  • Sylvain Authier

    Alors oui, c'est sûr que c'est une étape majeure dans la vie de la station. Ça nous fait mal. Tout le monde a l'empathie de cette décision, mais je pense que cette décision, elle était inévitable justement pour pouvoir continuer l'activité, c'est-à-dire que... Les moyens qu'on mettait là-bas sont concentrés sur le versant de métabier. Et du coup, on optimise les conditions d'enneigement d'une part et de frais de fonctionnement aussi. Donc, ça nous permet d'aller plus loin dans la vie de Metabief.

  • Florence Gault

    Cette transition n'aurait pas été possible sans une volonté politique forte. On l'a vu la semaine dernière avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, poser un diagnostic ne suffit pas. Il faut aussi avoir le courage d'agir, d'assumer des choix difficiles et d'entraîner tout un territoire dans une nouvelle direction. Cette décision politique a été portée par Philippe Alpy, président du syndicat mixte du Mont d'Or et vice-président horizon du conseil départemental du Doubs. Je le retrouve au village. Alors quand vous arrivez à la présidence du syndicat en 2015, c'est 24 millions d'euros qui sont annoncés d'investissement, donc 15 millions pour deux remontées mécaniques. Dix ans plus tard, est-ce que vous vous dites que vous avez fait le bon choix en refusant d'investir dans ces remontées ?

  • Philippe Alpy

    Bien évidemment, dix ans plus tard, je confirme plus que notre intuition, parce qu'à l'époque, ce n'est pas parce que le papier se laisse écrire. et qu'une décision avait été prise d'une orientation avec des investissements lourds, programmés, qu'on était même en capacité de les réaliser rien que sur le volet environnemental où on avait déjà des signaux très forts pour faire passer ces lignes nouvelles. Donc ça, c'est déjà le premier point qu'il faut poser en termes d'aménageurs du territoire. Et le deuxième point, c'était la capacité à amortir de tels investissements sur la durée de façon raisonnable. On gère de l'argent public et en plus, on avait par notre culture scientifique, Olivier Rahr. Et moi-même, moi-même qui suis aussi agriculteur, les sécheresses ça me parle, les temps compliqués de ce qu'on vit en termes professionnels, fait qu'on a une sensibilité particulière et déjà en... 2015, on était très sensibles au phénomène de manque de neige ou d'excès qu'on peut avoir à gérer. On a pris acte.

  • Florence Gault

    Dès le départ, vous n'étiez pas dans une démarche de conviction qu'il fallait absolument arrêter le ski alpin.

  • Philippe Alpy

    On va dire qu'il y a quand même un sentiment premier de dire qu'on travaille avec l'or blanc, qui est un produit caprice des temps, qui se fait depuis plus en plus rare et qui sur cette montagne du jura au travers d'expériences du nordique mais aussi de l'alpin on voit bien que d'une année à l'autre ça se ressemble pas et que les pour véritablement vivre de façon sereine une gestion d'une station de ski il faut 100 jours d'ouverture donc on voit bien que ces objectifs là sont de plus en plus difficiles à atteindre donc objectivement les choses sont posées et après Toute la difficulté, c'est de convaincre la gouvernance.

  • Florence Gault

    Effectivement, pour les élus autour de vous, il y a eu un temps de deuil. Olivier Erard me disait d'ailleurs que le passage à l'échelle passe nécessairement par le chaos. Olivier disait même qu'il a fallu parfois filouter.

  • Philippe Alpy

    C'est vrai qu'on a adopté une méthode, on va dire qu'entre Olivier et moi-même, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette dans l'écriture du scénario. C'est triste à dire, mais le challenge... Aujourd'hui, on est quand même en responsabilité de 140 salariés en pleine saison. On a une responsabilité sociétale, il y a des familles derrière, il y a tout un écosystème. Il y a aussi tous les commerçants, les hébergeurs, les restaurateurs. Donc on n'a pas le droit d'être irresponsable quand vous avez des élus autour de table, qui sont dans une culture de « c'est au département de payer » . Et de toute façon, cet investissement, il le faut parce que les équipements sont vieillissants et puis de toute façon, il faut faire l'investissement. Convaincre ces élus qui ne sont pas forcément au même niveau d'information, d'acculturation avec ces aspects de changement, ça a été un travail de fond. Et comme on le dit avec Olivier, comme on l'a souvent dit, il a fallu cranter les étapes, c'est-à-dire apporter l'information. Distiller l'information ? Alors moi je dirais pas filouter, ça c'est ses propos à Olivier, parce que quelque part, c'est un peu Machiavel, certes. Mais il faut servir des hommes de leur caractère pour arriver à un moment, à leur faire comprendre qu'on a atteint le point de non-retour. Alors c'est sûr, c'est un deuil. C'était pénible pour certains élus. Mais ils étaient autour de table. Ils ont assumé leur responsabilité. Je les remercie.

  • Florence Gault

    Et vous, comment vous le vivez à titre humain ? Comment on décide d'y aller en tant qu'élu ? Certains m'ont dit quand j'ai préparé ce reportage que vous étiez un peu dans une position sacrificielle alors de toute façon quand on est président d'abord on est souvent seul quand tout va bien il ya beaucoup de monde quand ça va moins bien on est franchement seul quand on nous donne une lettre admission quand on est élu et qu'on est digne de ce nom si on occupe la place fois les jusqu'au bout Effectivement, il y a un côté sacrifice. Parce qu'il y a des politiques qui font de la politique politicienne, qui sont dans la démagogie permanente. C'est jamais le bon moment. On ne prend pas la responsabilité, mais on reporte. Ça me fait penser à la dette climatique, vous savez, on reporte. Mais un jour, il y a un langage de vérité. La jeunesse va se révolter et on en prendra plein la gueule. Alors la décision a été actée, mais on est encore bien loin de l'adhésion totale. de tous les acteurs socioprofessionnels autour de cette fin du ski alpin. Il y a évidemment la question de l'émotion qui est très présente, du deuil aussi. Comment on gère justement ces réactions ?

  • Philippe Alpy

    Je vais vous dire honnêtement, l'élu, quand le 20 août, il sort du SMMO ou face à ses salariés qui ont contribué, ou... à l'écriture des scénarii du possible je pense que tout le monde vit un malaise terrible vous imaginez Les membres du Codire, qui aiment plus que tout la montagne, qui en ont fait le choix de vie, leur métier, disent au président, accompagné du cabinet d'audit, « Écoutez, président, on n'a pas le choix. Si on veut répondre au cas des charges que le département a posé, si on veut éviter le pire... » C'est ça. Et ça, c'est pas les huit suspensions d'activité de téléski qu'on avait envisagé. C'est Pic Miette et son cortège d'équipement et bien sûr le côté emblématique de Pic Miette. Croyez-vous que je suis sans sentiments, sans émotions ? Les gens, ils n'ont pas d'état d'âme à cet égard-là. Je suis un voyou, j'ai le sang froid. Non, je pense que je rentre chez moi, je... J'imagine la lettre d'admission qui est la mienne.

  • Florence Gault

    Vous avez douté à des moments ?

  • Philippe Alpy

    Je n'ai jamais douté. Que des hommes et des femmes aient des émotions. Les émotions ne justifient pas les insultes, les émotions ne justifient pas les bousculades, les émotions ne justifient pas les menaces et tout le cortège, je ne vais pas dire diffamant autour, c'est juste la faiblesse, les gens se révèlent au travers de leur faiblesse, parce que la réalité elle est celle-ci.

  • Florence Gault

    Metabief est aujourd'hui un modèle pour les autres stations ?

  • Philippe Alpy

    Alors, Métabief n'a pas la prétention d'être un modèle, parce qu'il faut faire preuve d'humilité. Il n'y a pas une station qui se ressemble. Une station Fontevallée ne gérerait pas de la même façon. Le département ne serait peut-être pas dans la même démarche. Ici, on est en milieu ouvert. S'il n'y a plus de ski, le territoire vit. C'est quand même une des réalités. C'est un milieu très ouvert avec le volet frontalier et la Suisse, qui fait que l'immobilier, ce n'est pas un problème. Vous avez d'autres stations. Aller prétendre que c'est un modèle, non, je ne le ferai pas. Parce que vous avez des stations, je suis confronté à des élus qui n'ont que cette activité-là dans leur vallée, et la station est le moteur de la vallée. Le moteur pour l'économie pastorale, le moteur touristique, le moteur pour l'économie immobilière, et le moteur pour le tourisme sur la vallée. Donc c'est complexe. C'est complexe. Nous, on l'a abordé avec Olivier et puis l'ensemble des personnes qui ont participé à nos travaux. On l'a abordé, après on l'a habillé, de méthodes systémiques complexes et compagnie. C'est facile à dire. Mais avec Olivier, on a plutôt été, en se disant, l'objectif à atteindre, c'est celui-ci, pérenniser l'activité, ce qui est le plus longtemps possible, modestement, avec les moyens dont on dispose. en limitant les investissements lourds.

  • Florence Gault

    Il y aurait encore tant à dire. Si la transition est engagée, la route... reste longue pour m'établier, toutes les réponses ne sont pas encore trouvées, mais la station fait le pari du collectif, de la coopération et de l'ouverture. Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l'intégralité de mon entretien avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, qui sera diffusé dans 15 jours. Dans son livre « Le Passeur » , paru aux éditions Inverse, il revient sur cette transformation qu'il a pilotée. Un retour d'expérience dont les enseignements pourrait bien inspirer d'autres démarches, et ce, bien au-delà des stations de ski. Rendez-vous donc prochainement dans En un battement d'aile.

Description

⛷️Nous en parlions dans l'épisode de la semaine dernière : les stations de ski sont à un tournant. Face au dérèglement climatique, il devient nécessaire de se réinventer. C’est le pari qu’a fait la station Métabief, dans le Jura.


Plutôt que d’investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d’Or, qui gère la station a pris en 2020, au terme d’une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France : acter l’arrêt du ski alpin à l’horizon 2030-2035. La question n’était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s’y prendre.


Comment transforme-t-on une station de ski en une destination quatre saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation, qui redessine toute l’économie locale ? Direction Métabief, où l’on tente d’écrire une nouvelle histoire de la montagne.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Florence Gault

    Nous en parlions la semaine dernière, les stations de ski sont à un tournant. Avec la hausse des températures, l'enneigement se fait plus aléatoire et les périodes de froid deviennent trop courtes pour garantir une production de neige artificielle suffisante qui n'est pas sans poser d'autres problèmes par ailleurs. A l'horizon 2050, une grande partie des stations de haute et moyenne montagne pourraient ne plus être viables économiquement. Il faut donc disparaître ou se réinventer. C'est le pari qu'a fait Métabief dans le Doubs. Plutôt que d'investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d'Or qui gère la station, a pris en 2020, au terme d'une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France. Acter la fin du ski alpin à l'horizon 2030-2035. La question n'était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s'y prendre. Dans l'épisode précédent, Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, nous racontait comment cette prise de conscience avait mené à organiser, dès maintenant, la transition vers un autre modèle économique. Mais concrètement, comment transforme-t-on une station de ski en une destination 4 saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation qui redessine toute l'économie locale ? Pour le savoir, je suis allée sur place, direction donc Métabier, où l'on tente d'écrire une nouvelle histoire de la montagne. Bienvenue dans la deuxième partie de cet épisode d'En un battement d'ailes. Le temps est couvert ce matin et il souffle une brise glaçante. Nous sommes donc à Métabief, dans le Haut-Doubs, à quelques kilomètres seulement de la Suisse. À quelques jours du début des vacances d'hiver, la neige n'est pas très abondante. En revanche, la qualité est au rendez-vous et visiblement, les skieurs semblent heureux malgré le vent. Dans cette station de moyenne montagne, les 40 kilomètres de piste s'étirent de 900 à 1400 mètres de haut.

  • Julien Vrignon

    Bienvenue à Métabief Florence, moi je suis Julien Vrignon, je suis chargé de projet transition et projet européen au sein du syndicat mixte du Mont d'Or qui est l'exploitant des remontées mécaniques de Métabief.

  • Florence Gault

    On peut peut-être présenter un peu ce territoire dans lequel est implantée la station de Métabief. On n'est pas très loin de Mouthes. où le record de froid officiel a été battu dans les années 60. Le Jura, terre de ski, terre de neige. Ici, le rapport à la montagne et à la neige est profondément ancré.

  • Julien Vrignon

    C'est juste, c'est bien de le rappeler. Effectivement, on est sur un territoire de montagne. Alors, je côtoie des collègues des Alpes françaises ou suisses qui me disent « c'est pas trop la montagne le Jura » . Mais bon, il faut savoir que le Jura a été créé grâce aux Alpes déjà. C'est un pli, ce sont plus une succession de plis en fait avec ce qu'on appelle des combes. Donc en fait des creux de vallées où il fait très froid. C'est pour ça qu'on parlait de moutes record de froid. C'est aussi un territoire de montagne parce que il faut savoir que la montagne c'est pas l'Alpin en fait le Jura, c'est massif du Jura, c'est nordique. Si on parle de loisirs, c'est aussi un territoire de montagne qui vit grâce à ces montagnes par la forêt depuis très très longtemps. Ce territoire il a aussi une ADN très ancrée sur la montagne. Pour plusieurs raisons, à partir de la révolution industrielle jusqu'à à peu près la première guerre mondiale, presque la seconde guerre mondiale, on avait de l'exploitation de minerais beaucoup ici à Métabier, autour de Métabier. Donc le chemin de fer s'est développé aussi un peu grâce à ça, il s'est aussi développé grâce au tourisme de villégiature qui a commencé à se développer dans les années 30-40 autour du lac Saint-Point, qui n'est pas très loin d'ici de Métabier. Et puis ce tourisme de l'évélégiatur, comme ça a été le cas à Chamonix surtout au début du 20e siècle, le ski, la neige, etc. ça s'est développé en termes de loisirs, mais pour les locaux au départ. Et puis voyant que ce ski ramenait quand même pas mal de monde et de business au niveau local, dans les années 60-70, le ski, comme dans pas mal d'endroits dans la montagne française, s'est structuré à travers divers plans. Et autour d'ici de nous, finalement, parce que là on voit effectivement le télésiège, quelques téléskis, de la pente avec de la neige, mais aussi de notre côté, on a des résidences qui ont été créées dans les années 70-80 et qui sont des résidences finalement... qui ont participé à l'essor du tourisme à Métabier, comme dans beaucoup de stations de ski. Il faut savoir que la création de la station de ski, c'est grâce à deux personnes, M. Autier et M. Lagier, qui étaient finalement deux comparses qui ont favorisé l'implantation, la création de résidences, de création de la station, etc. Et ce qui s'est passé, c'est que début 80, il y a eu un switch, en fait. C'est la collectivité qui est venue un petit peu à la rescousse de ces sociétés. Et on a eu un développement encore plus fort du ski alpin ici à Metabit en années 80. Développement des résidences, on se retrouvait finalement à 90% de logements. On était pour la résidence secondaire ou pour du tourisme, et le 10% était pour des habitants. Aujourd'hui, on est plus près des 50-50.

  • Florence Gault

    Et qu'est-ce que représente le tourisme et peut-être les activités autour du ski dans l'économie locale ?

  • Julien Vrignon

    À proprement parler, pour Métabief, le ski alpin représente 90% de l'économie du village. Alors ça a tendance à s'amoindrir parce que nos hivers sont de moins en moins enneigés. Mais on a toujours d'autres filières qui participent au maintien économique du village.

  • Florence Gault

    Mais la vie de Métabief est tournée vers le tourisme. Quand on a une économie qui est tournée vers le ski alpin, quand on annonce que le ski alpin... devrait disparaître à l'horizon 2030-2035, j'imagine que l'annonce dans le village secoue.

  • Julien Vrignon

    C'est rien de le dire. Ça secoue fort, même. Ça secoue fort parce que finalement, on est face à deux situations qui sont, comment dire, oui, c'est un peu paradoxal parfois au niveau de la compréhension. C'est qu'effectivement, nous, ce qu'on a fait, en tout cas, nous, au syndicat mixte du Mont d'Or, exploitant des remontées mécaniques, c'est de faire un choix à un moment donné qui n'est pas d'investir pour l'avenir du ski. Ensuite, c'est aussi, face à ce renoncement, c'est de l'expliquer. Donc on a fait constater les raisons pour lesquelles on ne s'engageait pas là-dedans. On n'a pas suffisamment de temps pour amortir des nouveaux équipements. L'histoire récente nous fait aussi confirmer qu'on a fait le bon choix. Parce que nos hivers ne sont pas suffisamment économiquement viables pour pouvoir garantir l'amortissement d'équipements.

  • Florence Gault

    Là, par exemple, vous me disiez tout à l'heure qu'on est au troisième, quatrième hiver d'affilée, où le taux d'enneigement n'est pas incroyable.

  • Julien Vrignon

    Oui, je vous le confirme, effectivement, on est sur le troisième, quatrième hiver, où c'est effectivement difficile. Maintenant, on a la dixième année du choix amorcé. Il y a toujours de la contestation, il y a toujours de la colère. Il y a, oui, du déni par rapport Ausha, c'est normal et c'est logique, c'est compréhensible. Mais pour autant... Nous, en tout cas, ce qu'on observe, c'est qu'il n'y a plus de déni du changement climatique. C'est factuellement rien de tel que malheureusement des hivers comme on a vécu pour le constater. Aujourd'hui, on a un recul suffisant de presque 20 ans pour dire, ici à Métabier, en massif du Jura, endroit froid, connu pour son froid, avec effectivement moutes à 20 km d'ici, il ne fait plus, en moyenne, moins de 0°C en hiver.

  • Florence Gault

    Je confirme que chez les habitants, tout est loin d'être encore pleinement accepté. En allant acheter un sandwich à l'heure du déjeuner, j'entends des clients et le vendeur discuter de la fermeture de pique-miettes. On en parlait dans l'épisode de la semaine dernière avec Olivier Erard, 30% du domaine skiable ont été mis à l'arrêt en septembre 2024 pour des raisons économiques et climatiques. Un symbole fort du début de la fin du ski qui a suscité beaucoup de colère dans le village. Alors quand je leur dis que je suis journaliste et que je réalise un reportage sur l'avenir des stations de ski, ils me demandent d'arrêter de propager l'idée qu'il n'y aura plus de ski à Métabier car cela fait fuir les touristes. Ils me font part de leur colère vis-à-vis du syndicat mixte du Mont-d'Or, dénonçant notamment sa mauvaise communication. Aucun d'eux n'accepte de parler à mon micro. La pilule a du mal à passer et pourtant la transition est en marche. Visite guidée avec Julien Vrignon.

  • Julien Vrignon

    Ici on est à l'atelier de la station de métabief, remontée mécanique. Une dameuse qui est en dessous de nous, parce qu'on est un peu en hauteur. Et il y a à peu près 5-6 dameuses qui sont ici en stock. Ici dans ce bâtiment, on a aussi au sous-sol tout un bâtiment avec les véhicules d'exploitation. On a après ici là-bas le bâtiment des niveaux culteurs. Ici ce bâtiment technique a été créé dans les mi-années 2010, à 2015 à peu près, 2016. Et justement il est l'incarnation en partie de cette transition. Parce que nous, collaborateurs de l'exploitation, avons d'une part besoin d'un bâtiment digne de ce nom pour pouvoir continuer à exploiter le domaine skiable et le domaine... En été, on n'en a pas parlé, mais en été notamment aussi pour le VTT. Ils avaient aussi besoin de continuer à se qualifier, à monter en compétences. Donc d'avoir des outils qui sont adaptés pour qu'ils puissent garantir l'exercice de leur métier. Donc on a en dessous Kevin qui est un mécanicien. Donc il peut aussi bien réparer des camions, des voitures que des dameuses. On a Max qui est là-bas, qui est un niveau culteur. Donc lui, tout ce qui est hydraulique, il connaît sur le bout des doigts. On a d'autres collègues qui sont menuisiers. On a Féfé et Félix qui sont menuisiers chez nous. Et... Clairement, cet enjeu de la RH fait partie de notre transition. Quand en 2015, on a décidé de potentiellement arrêter la fin du ski, on s'est orienté à deux problématiques. C'est nos agents, qu'est-ce qui va se passer pour eux ? Et ensuite, comment on assure la pérennité de nos équipements ?

  • Florence Gault

    Au niveau personnel, combien de personnes dépendent de la station de ski ?

  • Julien Vrignon

    Dans le syndicat mixte du Mont d'Or, on est à peu près 50 équivalents temps plein en 2015, aujourd'hui on est plutôt à 40. Donc on a baissé en effectif après pour des questions de rationalisation, des questions aussi de baisse d'activité notamment sur certains secteurs, et puis il y a des enjeux de recrutement, on est aussi confronté à ces problématiques-là. Ceci étant, aujourd'hui nos collègues qu'on voit en œuvre aujourd'hui sont des collègues qui sont spécialisés, formés, et donc cet enjeu de l'ARH était important pour nous, c'est que nos collaborateurs, si toutefois on est à... amené à baisser, et on sera amené à baisser notre activité, doivent pouvoir retrouver un travail avec un niveau de compétence qualifié. Donc, il y a un enjeu de formation, il y a un enjeu de reconnaissance de leur formation, il y a un enjeu aussi, effectivement, de mise à niveau. Aujourd'hui, ces compétences-là sont très utiles, aussi bien l'hiver que l'été. Et enfin, il y a un autre sujet, ce qui est celui de la prise en compte de nos salariés. dans Ausha d'avenir, dans Ausha de transition. Et quand on a des gars qui ont des compétences comme celle-ci, ils sont capables de dire ça c'est possible, ça c'est pas possible. Et on les intègre dans nos processus décisionnels, notamment sur un sujet qui est important, qui est celui de la diversification. L'autre sujet qui nous intéresse et qui nous passionne dans le cadre de la transition, c'est la maintenance de nos équipements. On part du principe que sur la décade 2030-2040, on sera amené à potentiellement stopper le ski alpin, mais dans l'intervalle, on veut garantir en tout cas un produit ski. Mais au-delà de ça, la maintenance, c'est aussi parce qu'on veut proposer un produit ski jusqu'à 10-20 ans et qu'on ne veut pas être dans une logique toujours de renouvellement d'équipement, mais plutôt d'être dans une logique d'amortissement raisonné et donc de pouvoir proposer... Toujours des remontées mécaniques, que ce soit des téléportées, donc des télésièges ou des téléskis, qui sont à un niveau de maintenance toujours garanti, de sécurité garantie, avec un niveau d'investissement pour cette maintenance qui est toujours garanti aussi.

  • Florence Gault

    C'est ce que nous a expliqué Olivier Erard, c'est qu'effectivement le choix qui a été fait, c'est de se dire « Ok, on ne renouvelle pas tout notre équipement, mais par contre, il y avait des enjeux de sécurité, de remise à niveau qui étaient nécessaires, et donc… » il faut réussir à pouvoir entretenir jusqu'à ce que...

  • Julien Vrignon

    Jusqu'à ce que soit on ne puisse plus les utiliser, soit jusqu'à ce que ça coûte trop cher de continuer à les utiliser, ou jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de neige.

  • Florence Gault

    Ça fait partie des scénarios.

  • Julien Vrignon

    C'est un scénario de toute façon qui est sur la table et qui va se présenter, qui se présente déjà sur un secteur qu'on a suspendu à l'exploitation, on va dire fermé même, qui est le secteur de Pique-Miette, pour des raisons clairement... économique, même si c'est un crève-cœur pour nous de le fermer. Mais pour des raisons économiques, on a fermé ce secteur parce qu'il représentait 40% de nos dépenses de fonctionnement et que malheureusement, 20% de nos recettes. Donc ici, on est sur le site de la Luche-sur-Rail. La gare est sous nos pieds. On a vu sur la station.

  • Florence Gault

    Et enfin, vue dégagée, je vois donc ce qui se passe de l'autre côté. Depuis ce matin, on ne voyait pas !!!

  • Julien Vrignon

    Et à côté de chez Zaza, qui est une institution chez nous, qui est un bar festif dansant cabaret, qui lui est en pleine diversification, adaptation à la transition. Aujourd'hui, Zaza, il est complet tous les week-ends et il n'a pas besoin qu'il y ait de la neige ou pas. Il a juste besoin de faire de la pub sur ses activités. Cette luge sur rail permet de faire une descente sur à peu près 750 mètres. C'est un équipement qui a été livré en 2022. et c'est sur l'ancien site de l'ancienne luge qui existait auparavant depuis les années 80 qui était une luge dans les godets un peu en plastique comme ça et on descendait donc on l'a remplacé sur approximativement le même tracé c'était une volonté de réutiliser tout l'itinéraire qui était déjà exploité ici pour la luge et puis c'était aussi important pour nous de ne pas déforester considérant ensuite que On utilise l'ancien tracé de la luge aussi pour une nouvelle piste de VTT qui est ici. On voit une bosse, c'est la bosse de la fin. Et cette piste, en fait, elle commence au même endroit que le haut de la luge. Et elle vient, en fait, cette piste de VTT, ou la piste de luge, si on veut, comme on veut, vient un petit peu entrecroiser à certains endroits l'une et l'autre. Et donc, là, pour moi, dans les blocs de la transition, Il y a le bloc de la diversification. Et la diversification n'est pas une fin en soi. On ne compensera jamais le ski. Ce n'est pas possible. Mais pour autant, proposer des activités qui peuvent être réalisées toute l'année. Et aussi, la diversification, c'est de travailler sur des nouvelles sources de revenus pour nous, pour les acteurs locaux. Pour certains d'entre eux qui sont loueurs de ski, mais qui sont aussi loueurs de VTT. Ou d'autres demain qui pourraient proposer d'autres types d'activités sur notre secteur. Donc voilà.

  • Florence Gault

    Rien ne remplace le ski, le constat est sans appel. Il faut donc à la fois repenser le modèle économique de la station, mais aussi imaginer l'attractivité du territoire autrement. Mais comment ? C'est tout l'enjeu du travail mené par Claire Leboisselier, chef de projet Transition pour le programme Avenir Montagne. au sein du SMMO. Depuis trois ans, elle accompagne les cinq communautés de communes du Haut-Doubs à travailler sur la transition du tourisme et des loisirs. Son rôle, stimuler la coopération et imaginer avec eux les alternatives de demain.

  • Claire Leboisselier

    L'ensemble du territoire est aussi touché par ces problématiques, qu'ils soient climatiques, pas seulement liées à la neige, ça peut être aussi des problématiques liées à l'eau, liées aux fortes températures, et puis liées aussi à des sujets et facteurs qui sont économiques et qui ne sont pas forcément en lien. Justement avec ces changements climatiques comme une problématique sur les métiers, le fait d'avoir des problématiques à recruter du personnel sur place. Donc c'est tous ces champs finalement de réflexion qui ont animé l'envie d'avoir une réflexion à l'échelle de ce territoire avec d'autres acteurs. Et c'est dans ce cadre-là que la station de Métabier a porté le programme Avenir Montagne pour finalement, à partir de ses connaissances d'ingénierie sur la transition, puisse mettre à profit. l'ensemble de ce territoire sur des compétences d'ingénierie. Et on parle plutôt ici d'ingénierie relationnelle.

  • Florence Gault

    Il faut réussir en fait à créer une autre dynamique et donc engager au-delà effectivement de la station une démarche de transition. J'imagine que ce n'est pas simple de se dire qu'en fait, il y a tout à réinventer.

  • Claire Leboisselier

    Alors, ce n'est pas simple d'envisager la transition. Et effectivement, il faut le faire de façon collective et collaborative. Et c'est vraiment le travail que nous, on a souhaité faire avec cette ingénierie relationnelle qu'on a mis en place depuis 2022. C'était de faire travailler ces différents acteurs ensemble pour déjà s'approprier les enjeux actuels, climatiques, environnementaux, économiques et sociétaux également, pour qu'en fait, ces gens-là partent d'un constat commun. Et sur cet constat, si finalement ces acteurs sont conscients, on va être en capacité après à proposer des nouvelles actions. C'est vraiment la réflexion qu'on a faite avec des ateliers, des comités techniques très précis. Après, on a créé des communautés d'acteurs pour que ces acteurs-là puissent travailler sur des thématiques en particulier. Et puis, réfléchir à une stratégie commune que nous, on a appelée Masterplan, qui est à la fois une démarche, cette démarche collaborative de faire en sorte qu'on ait plus de 150 acteurs sur le territoire, aussi bien acteurs du tourisme et des loisirs, mais aussi des habitants, des lycéens qui se sont investis dans la démarche. qu'un livrable final, qui est finalement une stratégie sur 15 années, qui nous permet de planifier un peu les grands investissements à faire ou les grandes ingénieries à mettre en place sur des thématiques qui sont aussi au-delà du tourisme et des loisirs.

  • Florence Gault

    Et donc, quand on va travailler comme ça avec différents acteurs, est-ce que cette concertation, elle est simple à mettre en place ? Parce qu'il y a effectivement des acteurs privés, il y a des acteurs publics, il y a des acteurs associatifs, il y a des acteurs politiques. Mettre tout ça en place, tout ce petit monde autour de la table en arrivant avec une démarche de transition ? Est-ce que c'est si simple ?

  • Claire Leboisselier

    Le challenge, c'est un peu de faire en sorte que ces gens-là, ils aient un consensus déjà sur la réalité, certes, et sur le chemin là où on va aller. Imaginons, on est sur un bateau, on a plein de gens qui ont envie de nider, et il faut se dire, quelle voie on va prendre, etc. Donc c'est cette Ausha qui est un peu complexe. Et derrière le fait qu'il y en a certains qui soient privés, d'autres... publics, etc., en fait, la question, c'est qu'ils n'ont pas le même intérêt, ils n'ont pas la même temporalité. Donc déjà, ça crée des décalages, d'une certaine manière. Et ce n'est pas toujours évident de les aligner, parce que là, on va avoir l'impression que nous, on a réussi à avancer le projet en deux ans, un privé en une année, s'il ne fait pas son chiffre, à la fin de l'année, il met la clé sous la porte. Donc ce qu'on a mis en place, c'est des communautés d'acteurs. On a essayé de créer des groupes qui travaillaient sur des sujets concrets, donc on a deux sujets qui sont travaillés dans ces groupes-là. Un sujet sur les activités nordiques, donc le ski fond, le biathlon, la raquette, la luge, la marche, etc. Et un autre sujet, c'est les métiers, les compétences. Parce que sur notre territoire, on a vraiment une perte de nos compétences. On a des gens qui vont travailler peut-être plus en Suisse. On a des gens qu'on n'arrive pas à conserver ici et pas que pour une question de salaire. Et donc dans ces deux groupes... On a mixé finalement la population sur place d'intervenants, des publics, des privés, des élus. Et on a fait en sorte que ces groupes soient en capacité de prendre des décisions. C'est-à-dire que ce n'est pas juste un groupe et ensuite on remonte et puis le supérieur décidera. C'est un groupe et il faut lui donner une place pour que ce groupe-là... décident de faire quelque chose. C'est un peu comme dans les immeubles où il y a une co-gestion où dans l'immeuble Intel va être en charge d'organiser une année les événements et puis ils vont s'organiser eux-mêmes etc. Et si on arrive sur un sujet qui est un peu plus stratégique, là ce sera décidé à l'étape du dessus. Donc c'est un peu le même principe. Donc sur les métiers et les compétences, ils ont réalisé eux-mêmes un diagnostic. Donc ils sont allés faire des entretiens, ensuite ils sont allés faire des vidéos, ce qui a amené à ok, on veut un plan d'action sur trois thématiques. La marque employeur, on veut aussi travailler pour être une entreprise apprenante et permettre de monter en compétence nos équipes, à la fois sur des sujets de management, mais aussi sur des sujets de formation. Et là, on va pouvoir répondre à un appel d'offres pour pouvoir travailler avec une assistance à maîtrise ouvrage qui va pouvoir avancer. Donc tout ce travail-là qui permet d'y retrouver un petit peu son compte, justement entre ces différents acteurs publics, privés, associatifs et partenaires.

  • Florence Gault

    Quels sont les plus gros freins que vous rencontrez aujourd'hui à la transition sur ce territoire ?

  • Claire Leboisselier

    Ce n'est pas évident, cette question. Je pense qu'il y a un frein politique, parce qu'il y a des choix qui sont à faire et finalement qui doivent être pris par des élus. Et des élus qui, du coup, ça repose sur leurs épaules et c'est des décisions qui ne sont pas évidentes. Des fois, l'envie, elle est là, mais peut-être qu'elle n'est pas suivie. Donc ça, c'est un... à un frein, je dirais. L'autre sujet, c'est l'intérêt, il manque un commun. Le commun aujourd'hui, je dirais que c'est la neige, mais tout le monde a un intérêt personnel et une individualité par rapport à ce commun et cette neige. On va avoir un loueur qui, lui, a mis toutes ses billes dans sa boutique et se retrouve vraiment embêté alors qu'il a essayé de se diversifier et ça devient extrêmement compliqué, alors qu'on va avoir une autre boutique où peut-être que c'est une boutique de famille, donc il n'y a déjà pas le même revenu. Et finalement, on ne joue pas la même chose. En fait, c'est quoi la chose qui relie tous ces gens ? Hormis, certes, la neige, mais en fait, ce n'est pas le même intérêt. Et donc, on n'a pas la même rapidité, le même besoin à se transformer qu'un autre. Donc, il y a un peu cette problématique qui est vraiment de différents profils et d'intérêts qu'on peut avoir par rapport à la neige. Puis après, il y a vraiment cet aspect politique qui est plutôt lié à comment est pris vraiment le sujet et est-ce qu'elle fait partie de la stratégie ? Et qu'est-ce qu'elle veut dire derrière ? Parce que derrière la neige, ce n'est pas juste ces politiques parce qu'on ne fait plus de ski alpin. C'est politique parce que la neige, c'est quelque chose qui transforme les gens. C'est l'ADN. Vous seriez venu ici cet hiver, avant la neige, les gens étaient en dépression, on avait tiré la grimace. La neige est tombée, c'était la banane. En fait, c'est un effet d'un coup, un moyen d'oublier. C'est un peu, on recouvre de blanc et ça y est, c'est terminé. Et puis, il y a cet aspect auquel l'activité reprend. Mais ça crée vraiment un ADN très très fort sur le territoire. C'est comme si vous disiez qu'un territoire qui a un fleuve, demain il n'y a plus de fleuve, qu'est-ce que tu fais ? Ça fait partie de mon territoire. Ou une forêt, demain on se dit à Bretagne, tiens la forêt de Brosséliande, c'est terminé. C'est quoi ? C'est émotionnel, c'est affectif.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup Claire.

  • Claire Leboisselier

    Merci.

  • Florence Gault

    Pour les socioprofessionnels, s'adapter est un véritable défi. Parmi eux, les loueurs de ski. Créé en 1966 par Gabi Mère, Gabi Sport est un magasin emblématique de métabillés, repris en 2009 par Jérôme Gresset. En hiver, la location de ski bat son plein, tandis qu'en été, le vélo prend le relais avec des services de remise en état et de location. Je retrouve Mizou, comme on surnomme Jérôme Gresset, dans son magasin.

  • Jérôme Gresset

    Alors bonjour, Jérôme Gressel, magasin Sport 2000, Gabi Sport à Métabief.

  • Florence Gault

    Métabief qui a pris la décision d'arrêter le ski alpin. Le jour où vous apprenez cette nouvelle et qu'on vous fait part de ce qui va se passer dans les prochaines années, quelle a été votre réaction ?

  • Jérôme Gresset

    Alors, arrêter, on n'a pas de date, c'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est plutôt, on va dire, aller le plus longtemps qu'on peut. Mais qu'on ne peut plus vivre uniquement de ça aujourd'hui face aux incertitudes climatiques.

  • Florence Gault

    Donc quelles émotions rentrent en jeu à ce moment-là ? Est-ce qu'il y a de la colère, de l'incompréhension ?

  • Jérôme Gresset

    En fait, à ce moment-là, effectivement, quand on a toujours été, en plus, enfant d'ici, et qu'on a toujours connu le ski alpin comme ça, Eh bien, forcément, ça nous affecte. Aujourd'hui, on est obligé de s'adapter, c'est-à-dire qu'on se rend bien compte qu'il y a un changement climatique et que les hivers sont de plus en plus incertains. Donc, il fallait aussi repenser le modèle économique.

  • Florence Gault

    Donc, une fois cette phase d'annonce et donc de réussir à se projeter, comment on envisage l'avenir pour vous dans ce magasin-là ?

  • Jérôme Gresset

    Aujourd'hui, nous, au niveau du magasin, ce qu'on fait, c'est qu'on est déjà un commerce qui est ouvert à l'année, mais qu'on a fait ça déjà depuis 2009. On ne pouvait pas déjà à l'époque se permettre de vivre que de l'hiver et du produit neige. Donc il fallait qu'on trouve une activité complémentaire et cette activité complémentaire, on l'a amenée avec le vélo. Mais aujourd'hui, on a un modèle économique qui a encore aussi besoin de l'hiver. Et comme je dis souvent, c'est que sur 12 mois de l'année, il y a 3 ou 4 mois d'hiver. Donc il faut quand même bien qu'on ait une activité. C'est pour ça qu'on a encore besoin aujourd'hui du ski alpin. Mais on essaie progressivement de, on ne va pas dire réduire la voilure, mais plutôt penser à, comme c'est de plus en plus incertain, à orienter un petit peu plus sur l'activité cycle.

  • Florence Gault

    Là, ça fait quand même trois hivers que c'est plutôt compliqué, qu'il y a un certain manque de neige. Est-ce que ça vous impacte déjà aujourd'hui ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, clairement, oui, ça nous impacte.

  • Florence Gault

    Il y a des difficultés déjà économiques ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, c'est pas facile.

  • Florence Gault

    Merci.

  • Jérôme Gresset

    A votre service.

  • Florence Gault

    Mizou essaie de rester confiant face à cet avenir pourtant bien incertain. S'il est prêt à diversifier ses activités... Il s'inquiète de la répétition d'hiver sans neige suffisante, alors que son modèle économique repose encore sur l'activité du ski. La montagne, certains des habitants de Métabier l'ont dans la peau. C'est le cas de Sylvain Authier, responsable des pistes, un passionné de montagne et de ski. Malgré le froid et le vent, nous décidons de nous rendre au sommet Moron, à 1420 mètres d'altitude, en télésiège. Et comment dire, je suis un peu sensible au vertige.

  • Sylvain Authier

    T'as pas l'air trop stressé. Il y en a, ils crient.

  • Florence Gault

    Non, je ne crie pas, mais je ne suis pas sereine...

  • Sylvain Authier

    Moi, c'est Sylvain Authier. Je suis le responsable du service des pistes de la station de Métabier. alors moi mon job c'est de veiller à la sécurité des skieurs et des pratiquants de notre domaine skiable je parle de skieurs mais aussi des snowboardeurs des gens qui font du snowscoot il ya des personnes handicapées aussi enfin tout ce genre de glisse qui sont autorisés sur le sur les pistes de ski Donc mon rôle c'est de veiller à ce que la sécurité soit assurée. Pour ça je manage une équipe de pisteurs, secouristes, qui eux s'occupent de mettre des dispositifs de protection, que ce soit les filets, les matelas, le balisage des pistes, avec les jalons, les balises, pour faire en sorte que... que les gens ne se perdent pas d'une part et puis restent sur les bons endroits. Donc nous, notre rôle principal, c'est vraiment ce rôle de prévention. Et puis après, on vient leur porter secours quand malgré tout, ils se font mal. Donc là, on est aussi secouriste pour pouvoir prendre en charge les blessés. Et là, il y a pas mal de vent et je ne sais pas si le micro...

  • Florence Gault

    Et non, le micro n'accepte pas. On n'entendra pas Sylvain nous dire qu'il s'occupe également de la neige de culture sur le domaine skiable et du damage. On va donc poursuivre l'interview au sommet, mais au chaud dans le poste de secours. D'une part, on n'y voit absolument rien avec le brouillard, et d'autre part, il fait tellement froid qu'il est impossible pour moi d'enregistrer en extérieur sans gants. Alors vous êtes un passionné de montagne ? depuis toujours. Je crois que vous étiez à Tignes avant d'arriver à Métabier. C'était il y a une dizaine d'années. Là, quand vous regardez, quand on a une vue dégagée normalement ici au sommet, mais quand vous regardez autour de vous cette montagne, qu'est-ce qu'elle vous inspire ?

  • Sylvain Authier

    Qu'est-ce qu'elle m'inspire ? C'est vrai que j'ai grandi ici, je suis natif de Métabief, donc j'ai fait mes débuts dans le métier ici. Après, c'est vrai que je suis parti à Tignes parce que... Mine de rien, il y avait déjà des fois des anomalies d'enneigement sur mes tabiers à l'époque. Donc je suis parti à Thymie faire un remplacement, mais qui a duré 11 ans. Et puis après, je suis revenu à mes origines, retour aux sources, comme on dit. Depuis 2012, avec entre autres le projet de neige de culture. un gros programme qui a permis de maintenir Metabier en vie parce que je pense que sans ça, il n'y aurait plus de ski à Metabief. Et oui, donc des changements. C'est vrai qu'à l'époque, il y avait quelques jours, voire quelques semaines dans l'hiver où les champs étaient verts. Maintenant, c'est un peu l'inverse en fait. Il n'y a que quelques jours ou quelques semaines où il y a de la neige dans les champs. Donc ça, c'est quand même assez parlant. Pour en revenir sur les changements, j'ai bossé 11 ans à Thigne. Et je peux vous dire que le glacier, en 20 ans, c'est incroyable comme ça a pu changer. Donc oui, les effets, on les voit. Personne ne peut le nier, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Là, si on regarde autour de nous, les effets du dérèglement climatique, on les voit à quoi ?

  • Sylvain Authier

    Comme je disais, les champs sont verts, donc on skie vraiment sur les pistes qui sont équipées en neige de culture, qui sont très bonnes à skier d'ailleurs. On arrive quand même à avoir des périodes de froid qui nous permettent de fabriquer en volume de la neige pour assurer quand même une longévité dans la saison, malgré les épisodes météo qui peuvent changer. Ça permet quand même de pallier à ça.

  • Florence Gault

    Est-ce que vous vous souvenez du jour où on vous a annoncé qu'à Metabief, la décision avait été prise d'arrêter, d'ici quelques années, c'est horizon 2030-2035, d'arrêter le ski alpin ?

  • Sylvain Authier

    Oui, je m'en souviens bien, oui. Après, arrêter, ce n'était pas vraiment l'objectif. On savait que l'enégement, ça n'allait pas durer. Oui. Un bon jour, certainement, ça allait s'arrêter. On n'allait plus pouvoir vivre économiquement de cette activité.

  • Florence Gault

    Et ce jour-là, il y a quoi comme émotion qui se met ? Quand la montagne, c'est votre métier, c'est votre passion, qu'est-ce qui y prime ?

  • Sylvain Authier

    C'est surtout de la tristesse, oui. C'est triste de se dire que dans nos belles montagnes, peut-être qu'un jour, on ne pourra plus faire de ski du tout. Ça fait mal, ouais, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Alors, comment on envisage son métier dans les années à venir ?

  • Sylvain Authier

    Alors, ça, c'est une question qui est...

  • Florence Gault

    Il n'y a pas trop de réponses encore ?

  • Sylvain Authier

    Il n'y a pas trop de réponses. Moi, j'espère quand même qu'on puisse profiter de la neige quand elle sera là, même en 2040. On sait qu'il y a le réchauffement, mais il y aura quand même des épisodes où il y aura de la neige. J'espère qu'on pourra tout de même profiter de ces petits moments enneigés et pouvoir proposer de pouvoir faire du ski sur ces petites périodes. Il n'y aura peut-être plus qu'une remontée, mais celle-ci, il faut qu'elle puisse rester et qu'on puisse monter des skieurs quand il y a de la neige.

  • Florence Gault

    Comment vous avez vécu la fermeture de Piquemiette ? 30% du domaine skiable ? qui aujourd'hui n'est plus accessible. Quelque part, c'est un peu le début de la fin qui s'est enclenché.

  • Sylvain Authier

    Alors oui, c'est sûr que c'est une étape majeure dans la vie de la station. Ça nous fait mal. Tout le monde a l'empathie de cette décision, mais je pense que cette décision, elle était inévitable justement pour pouvoir continuer l'activité, c'est-à-dire que... Les moyens qu'on mettait là-bas sont concentrés sur le versant de métabier. Et du coup, on optimise les conditions d'enneigement d'une part et de frais de fonctionnement aussi. Donc, ça nous permet d'aller plus loin dans la vie de Metabief.

  • Florence Gault

    Cette transition n'aurait pas été possible sans une volonté politique forte. On l'a vu la semaine dernière avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, poser un diagnostic ne suffit pas. Il faut aussi avoir le courage d'agir, d'assumer des choix difficiles et d'entraîner tout un territoire dans une nouvelle direction. Cette décision politique a été portée par Philippe Alpy, président du syndicat mixte du Mont d'Or et vice-président horizon du conseil départemental du Doubs. Je le retrouve au village. Alors quand vous arrivez à la présidence du syndicat en 2015, c'est 24 millions d'euros qui sont annoncés d'investissement, donc 15 millions pour deux remontées mécaniques. Dix ans plus tard, est-ce que vous vous dites que vous avez fait le bon choix en refusant d'investir dans ces remontées ?

  • Philippe Alpy

    Bien évidemment, dix ans plus tard, je confirme plus que notre intuition, parce qu'à l'époque, ce n'est pas parce que le papier se laisse écrire. et qu'une décision avait été prise d'une orientation avec des investissements lourds, programmés, qu'on était même en capacité de les réaliser rien que sur le volet environnemental où on avait déjà des signaux très forts pour faire passer ces lignes nouvelles. Donc ça, c'est déjà le premier point qu'il faut poser en termes d'aménageurs du territoire. Et le deuxième point, c'était la capacité à amortir de tels investissements sur la durée de façon raisonnable. On gère de l'argent public et en plus, on avait par notre culture scientifique, Olivier Rahr. Et moi-même, moi-même qui suis aussi agriculteur, les sécheresses ça me parle, les temps compliqués de ce qu'on vit en termes professionnels, fait qu'on a une sensibilité particulière et déjà en... 2015, on était très sensibles au phénomène de manque de neige ou d'excès qu'on peut avoir à gérer. On a pris acte.

  • Florence Gault

    Dès le départ, vous n'étiez pas dans une démarche de conviction qu'il fallait absolument arrêter le ski alpin.

  • Philippe Alpy

    On va dire qu'il y a quand même un sentiment premier de dire qu'on travaille avec l'or blanc, qui est un produit caprice des temps, qui se fait depuis plus en plus rare et qui sur cette montagne du jura au travers d'expériences du nordique mais aussi de l'alpin on voit bien que d'une année à l'autre ça se ressemble pas et que les pour véritablement vivre de façon sereine une gestion d'une station de ski il faut 100 jours d'ouverture donc on voit bien que ces objectifs là sont de plus en plus difficiles à atteindre donc objectivement les choses sont posées et après Toute la difficulté, c'est de convaincre la gouvernance.

  • Florence Gault

    Effectivement, pour les élus autour de vous, il y a eu un temps de deuil. Olivier Erard me disait d'ailleurs que le passage à l'échelle passe nécessairement par le chaos. Olivier disait même qu'il a fallu parfois filouter.

  • Philippe Alpy

    C'est vrai qu'on a adopté une méthode, on va dire qu'entre Olivier et moi-même, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette dans l'écriture du scénario. C'est triste à dire, mais le challenge... Aujourd'hui, on est quand même en responsabilité de 140 salariés en pleine saison. On a une responsabilité sociétale, il y a des familles derrière, il y a tout un écosystème. Il y a aussi tous les commerçants, les hébergeurs, les restaurateurs. Donc on n'a pas le droit d'être irresponsable quand vous avez des élus autour de table, qui sont dans une culture de « c'est au département de payer » . Et de toute façon, cet investissement, il le faut parce que les équipements sont vieillissants et puis de toute façon, il faut faire l'investissement. Convaincre ces élus qui ne sont pas forcément au même niveau d'information, d'acculturation avec ces aspects de changement, ça a été un travail de fond. Et comme on le dit avec Olivier, comme on l'a souvent dit, il a fallu cranter les étapes, c'est-à-dire apporter l'information. Distiller l'information ? Alors moi je dirais pas filouter, ça c'est ses propos à Olivier, parce que quelque part, c'est un peu Machiavel, certes. Mais il faut servir des hommes de leur caractère pour arriver à un moment, à leur faire comprendre qu'on a atteint le point de non-retour. Alors c'est sûr, c'est un deuil. C'était pénible pour certains élus. Mais ils étaient autour de table. Ils ont assumé leur responsabilité. Je les remercie.

  • Florence Gault

    Et vous, comment vous le vivez à titre humain ? Comment on décide d'y aller en tant qu'élu ? Certains m'ont dit quand j'ai préparé ce reportage que vous étiez un peu dans une position sacrificielle alors de toute façon quand on est président d'abord on est souvent seul quand tout va bien il ya beaucoup de monde quand ça va moins bien on est franchement seul quand on nous donne une lettre admission quand on est élu et qu'on est digne de ce nom si on occupe la place fois les jusqu'au bout Effectivement, il y a un côté sacrifice. Parce qu'il y a des politiques qui font de la politique politicienne, qui sont dans la démagogie permanente. C'est jamais le bon moment. On ne prend pas la responsabilité, mais on reporte. Ça me fait penser à la dette climatique, vous savez, on reporte. Mais un jour, il y a un langage de vérité. La jeunesse va se révolter et on en prendra plein la gueule. Alors la décision a été actée, mais on est encore bien loin de l'adhésion totale. de tous les acteurs socioprofessionnels autour de cette fin du ski alpin. Il y a évidemment la question de l'émotion qui est très présente, du deuil aussi. Comment on gère justement ces réactions ?

  • Philippe Alpy

    Je vais vous dire honnêtement, l'élu, quand le 20 août, il sort du SMMO ou face à ses salariés qui ont contribué, ou... à l'écriture des scénarii du possible je pense que tout le monde vit un malaise terrible vous imaginez Les membres du Codire, qui aiment plus que tout la montagne, qui en ont fait le choix de vie, leur métier, disent au président, accompagné du cabinet d'audit, « Écoutez, président, on n'a pas le choix. Si on veut répondre au cas des charges que le département a posé, si on veut éviter le pire... » C'est ça. Et ça, c'est pas les huit suspensions d'activité de téléski qu'on avait envisagé. C'est Pic Miette et son cortège d'équipement et bien sûr le côté emblématique de Pic Miette. Croyez-vous que je suis sans sentiments, sans émotions ? Les gens, ils n'ont pas d'état d'âme à cet égard-là. Je suis un voyou, j'ai le sang froid. Non, je pense que je rentre chez moi, je... J'imagine la lettre d'admission qui est la mienne.

  • Florence Gault

    Vous avez douté à des moments ?

  • Philippe Alpy

    Je n'ai jamais douté. Que des hommes et des femmes aient des émotions. Les émotions ne justifient pas les insultes, les émotions ne justifient pas les bousculades, les émotions ne justifient pas les menaces et tout le cortège, je ne vais pas dire diffamant autour, c'est juste la faiblesse, les gens se révèlent au travers de leur faiblesse, parce que la réalité elle est celle-ci.

  • Florence Gault

    Metabief est aujourd'hui un modèle pour les autres stations ?

  • Philippe Alpy

    Alors, Métabief n'a pas la prétention d'être un modèle, parce qu'il faut faire preuve d'humilité. Il n'y a pas une station qui se ressemble. Une station Fontevallée ne gérerait pas de la même façon. Le département ne serait peut-être pas dans la même démarche. Ici, on est en milieu ouvert. S'il n'y a plus de ski, le territoire vit. C'est quand même une des réalités. C'est un milieu très ouvert avec le volet frontalier et la Suisse, qui fait que l'immobilier, ce n'est pas un problème. Vous avez d'autres stations. Aller prétendre que c'est un modèle, non, je ne le ferai pas. Parce que vous avez des stations, je suis confronté à des élus qui n'ont que cette activité-là dans leur vallée, et la station est le moteur de la vallée. Le moteur pour l'économie pastorale, le moteur touristique, le moteur pour l'économie immobilière, et le moteur pour le tourisme sur la vallée. Donc c'est complexe. C'est complexe. Nous, on l'a abordé avec Olivier et puis l'ensemble des personnes qui ont participé à nos travaux. On l'a abordé, après on l'a habillé, de méthodes systémiques complexes et compagnie. C'est facile à dire. Mais avec Olivier, on a plutôt été, en se disant, l'objectif à atteindre, c'est celui-ci, pérenniser l'activité, ce qui est le plus longtemps possible, modestement, avec les moyens dont on dispose. en limitant les investissements lourds.

  • Florence Gault

    Il y aurait encore tant à dire. Si la transition est engagée, la route... reste longue pour m'établier, toutes les réponses ne sont pas encore trouvées, mais la station fait le pari du collectif, de la coopération et de l'ouverture. Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l'intégralité de mon entretien avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, qui sera diffusé dans 15 jours. Dans son livre « Le Passeur » , paru aux éditions Inverse, il revient sur cette transformation qu'il a pilotée. Un retour d'expérience dont les enseignements pourrait bien inspirer d'autres démarches, et ce, bien au-delà des stations de ski. Rendez-vous donc prochainement dans En un battement d'aile.

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Description

⛷️Nous en parlions dans l'épisode de la semaine dernière : les stations de ski sont à un tournant. Face au dérèglement climatique, il devient nécessaire de se réinventer. C’est le pari qu’a fait la station Métabief, dans le Jura.


Plutôt que d’investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d’Or, qui gère la station a pris en 2020, au terme d’une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France : acter l’arrêt du ski alpin à l’horizon 2030-2035. La question n’était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s’y prendre.


Comment transforme-t-on une station de ski en une destination quatre saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation, qui redessine toute l’économie locale ? Direction Métabief, où l’on tente d’écrire une nouvelle histoire de la montagne.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Florence Gault

    Nous en parlions la semaine dernière, les stations de ski sont à un tournant. Avec la hausse des températures, l'enneigement se fait plus aléatoire et les périodes de froid deviennent trop courtes pour garantir une production de neige artificielle suffisante qui n'est pas sans poser d'autres problèmes par ailleurs. A l'horizon 2050, une grande partie des stations de haute et moyenne montagne pourraient ne plus être viables économiquement. Il faut donc disparaître ou se réinventer. C'est le pari qu'a fait Métabief dans le Doubs. Plutôt que d'investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d'Or qui gère la station, a pris en 2020, au terme d'une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France. Acter la fin du ski alpin à l'horizon 2030-2035. La question n'était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s'y prendre. Dans l'épisode précédent, Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, nous racontait comment cette prise de conscience avait mené à organiser, dès maintenant, la transition vers un autre modèle économique. Mais concrètement, comment transforme-t-on une station de ski en une destination 4 saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation qui redessine toute l'économie locale ? Pour le savoir, je suis allée sur place, direction donc Métabier, où l'on tente d'écrire une nouvelle histoire de la montagne. Bienvenue dans la deuxième partie de cet épisode d'En un battement d'ailes. Le temps est couvert ce matin et il souffle une brise glaçante. Nous sommes donc à Métabief, dans le Haut-Doubs, à quelques kilomètres seulement de la Suisse. À quelques jours du début des vacances d'hiver, la neige n'est pas très abondante. En revanche, la qualité est au rendez-vous et visiblement, les skieurs semblent heureux malgré le vent. Dans cette station de moyenne montagne, les 40 kilomètres de piste s'étirent de 900 à 1400 mètres de haut.

  • Julien Vrignon

    Bienvenue à Métabief Florence, moi je suis Julien Vrignon, je suis chargé de projet transition et projet européen au sein du syndicat mixte du Mont d'Or qui est l'exploitant des remontées mécaniques de Métabief.

  • Florence Gault

    On peut peut-être présenter un peu ce territoire dans lequel est implantée la station de Métabief. On n'est pas très loin de Mouthes. où le record de froid officiel a été battu dans les années 60. Le Jura, terre de ski, terre de neige. Ici, le rapport à la montagne et à la neige est profondément ancré.

  • Julien Vrignon

    C'est juste, c'est bien de le rappeler. Effectivement, on est sur un territoire de montagne. Alors, je côtoie des collègues des Alpes françaises ou suisses qui me disent « c'est pas trop la montagne le Jura » . Mais bon, il faut savoir que le Jura a été créé grâce aux Alpes déjà. C'est un pli, ce sont plus une succession de plis en fait avec ce qu'on appelle des combes. Donc en fait des creux de vallées où il fait très froid. C'est pour ça qu'on parlait de moutes record de froid. C'est aussi un territoire de montagne parce que il faut savoir que la montagne c'est pas l'Alpin en fait le Jura, c'est massif du Jura, c'est nordique. Si on parle de loisirs, c'est aussi un territoire de montagne qui vit grâce à ces montagnes par la forêt depuis très très longtemps. Ce territoire il a aussi une ADN très ancrée sur la montagne. Pour plusieurs raisons, à partir de la révolution industrielle jusqu'à à peu près la première guerre mondiale, presque la seconde guerre mondiale, on avait de l'exploitation de minerais beaucoup ici à Métabier, autour de Métabier. Donc le chemin de fer s'est développé aussi un peu grâce à ça, il s'est aussi développé grâce au tourisme de villégiature qui a commencé à se développer dans les années 30-40 autour du lac Saint-Point, qui n'est pas très loin d'ici de Métabier. Et puis ce tourisme de l'évélégiatur, comme ça a été le cas à Chamonix surtout au début du 20e siècle, le ski, la neige, etc. ça s'est développé en termes de loisirs, mais pour les locaux au départ. Et puis voyant que ce ski ramenait quand même pas mal de monde et de business au niveau local, dans les années 60-70, le ski, comme dans pas mal d'endroits dans la montagne française, s'est structuré à travers divers plans. Et autour d'ici de nous, finalement, parce que là on voit effectivement le télésiège, quelques téléskis, de la pente avec de la neige, mais aussi de notre côté, on a des résidences qui ont été créées dans les années 70-80 et qui sont des résidences finalement... qui ont participé à l'essor du tourisme à Métabier, comme dans beaucoup de stations de ski. Il faut savoir que la création de la station de ski, c'est grâce à deux personnes, M. Autier et M. Lagier, qui étaient finalement deux comparses qui ont favorisé l'implantation, la création de résidences, de création de la station, etc. Et ce qui s'est passé, c'est que début 80, il y a eu un switch, en fait. C'est la collectivité qui est venue un petit peu à la rescousse de ces sociétés. Et on a eu un développement encore plus fort du ski alpin ici à Metabit en années 80. Développement des résidences, on se retrouvait finalement à 90% de logements. On était pour la résidence secondaire ou pour du tourisme, et le 10% était pour des habitants. Aujourd'hui, on est plus près des 50-50.

  • Florence Gault

    Et qu'est-ce que représente le tourisme et peut-être les activités autour du ski dans l'économie locale ?

  • Julien Vrignon

    À proprement parler, pour Métabief, le ski alpin représente 90% de l'économie du village. Alors ça a tendance à s'amoindrir parce que nos hivers sont de moins en moins enneigés. Mais on a toujours d'autres filières qui participent au maintien économique du village.

  • Florence Gault

    Mais la vie de Métabief est tournée vers le tourisme. Quand on a une économie qui est tournée vers le ski alpin, quand on annonce que le ski alpin... devrait disparaître à l'horizon 2030-2035, j'imagine que l'annonce dans le village secoue.

  • Julien Vrignon

    C'est rien de le dire. Ça secoue fort, même. Ça secoue fort parce que finalement, on est face à deux situations qui sont, comment dire, oui, c'est un peu paradoxal parfois au niveau de la compréhension. C'est qu'effectivement, nous, ce qu'on a fait, en tout cas, nous, au syndicat mixte du Mont d'Or, exploitant des remontées mécaniques, c'est de faire un choix à un moment donné qui n'est pas d'investir pour l'avenir du ski. Ensuite, c'est aussi, face à ce renoncement, c'est de l'expliquer. Donc on a fait constater les raisons pour lesquelles on ne s'engageait pas là-dedans. On n'a pas suffisamment de temps pour amortir des nouveaux équipements. L'histoire récente nous fait aussi confirmer qu'on a fait le bon choix. Parce que nos hivers ne sont pas suffisamment économiquement viables pour pouvoir garantir l'amortissement d'équipements.

  • Florence Gault

    Là, par exemple, vous me disiez tout à l'heure qu'on est au troisième, quatrième hiver d'affilée, où le taux d'enneigement n'est pas incroyable.

  • Julien Vrignon

    Oui, je vous le confirme, effectivement, on est sur le troisième, quatrième hiver, où c'est effectivement difficile. Maintenant, on a la dixième année du choix amorcé. Il y a toujours de la contestation, il y a toujours de la colère. Il y a, oui, du déni par rapport Ausha, c'est normal et c'est logique, c'est compréhensible. Mais pour autant... Nous, en tout cas, ce qu'on observe, c'est qu'il n'y a plus de déni du changement climatique. C'est factuellement rien de tel que malheureusement des hivers comme on a vécu pour le constater. Aujourd'hui, on a un recul suffisant de presque 20 ans pour dire, ici à Métabier, en massif du Jura, endroit froid, connu pour son froid, avec effectivement moutes à 20 km d'ici, il ne fait plus, en moyenne, moins de 0°C en hiver.

  • Florence Gault

    Je confirme que chez les habitants, tout est loin d'être encore pleinement accepté. En allant acheter un sandwich à l'heure du déjeuner, j'entends des clients et le vendeur discuter de la fermeture de pique-miettes. On en parlait dans l'épisode de la semaine dernière avec Olivier Erard, 30% du domaine skiable ont été mis à l'arrêt en septembre 2024 pour des raisons économiques et climatiques. Un symbole fort du début de la fin du ski qui a suscité beaucoup de colère dans le village. Alors quand je leur dis que je suis journaliste et que je réalise un reportage sur l'avenir des stations de ski, ils me demandent d'arrêter de propager l'idée qu'il n'y aura plus de ski à Métabier car cela fait fuir les touristes. Ils me font part de leur colère vis-à-vis du syndicat mixte du Mont-d'Or, dénonçant notamment sa mauvaise communication. Aucun d'eux n'accepte de parler à mon micro. La pilule a du mal à passer et pourtant la transition est en marche. Visite guidée avec Julien Vrignon.

  • Julien Vrignon

    Ici on est à l'atelier de la station de métabief, remontée mécanique. Une dameuse qui est en dessous de nous, parce qu'on est un peu en hauteur. Et il y a à peu près 5-6 dameuses qui sont ici en stock. Ici dans ce bâtiment, on a aussi au sous-sol tout un bâtiment avec les véhicules d'exploitation. On a après ici là-bas le bâtiment des niveaux culteurs. Ici ce bâtiment technique a été créé dans les mi-années 2010, à 2015 à peu près, 2016. Et justement il est l'incarnation en partie de cette transition. Parce que nous, collaborateurs de l'exploitation, avons d'une part besoin d'un bâtiment digne de ce nom pour pouvoir continuer à exploiter le domaine skiable et le domaine... En été, on n'en a pas parlé, mais en été notamment aussi pour le VTT. Ils avaient aussi besoin de continuer à se qualifier, à monter en compétences. Donc d'avoir des outils qui sont adaptés pour qu'ils puissent garantir l'exercice de leur métier. Donc on a en dessous Kevin qui est un mécanicien. Donc il peut aussi bien réparer des camions, des voitures que des dameuses. On a Max qui est là-bas, qui est un niveau culteur. Donc lui, tout ce qui est hydraulique, il connaît sur le bout des doigts. On a d'autres collègues qui sont menuisiers. On a Féfé et Félix qui sont menuisiers chez nous. Et... Clairement, cet enjeu de la RH fait partie de notre transition. Quand en 2015, on a décidé de potentiellement arrêter la fin du ski, on s'est orienté à deux problématiques. C'est nos agents, qu'est-ce qui va se passer pour eux ? Et ensuite, comment on assure la pérennité de nos équipements ?

  • Florence Gault

    Au niveau personnel, combien de personnes dépendent de la station de ski ?

  • Julien Vrignon

    Dans le syndicat mixte du Mont d'Or, on est à peu près 50 équivalents temps plein en 2015, aujourd'hui on est plutôt à 40. Donc on a baissé en effectif après pour des questions de rationalisation, des questions aussi de baisse d'activité notamment sur certains secteurs, et puis il y a des enjeux de recrutement, on est aussi confronté à ces problématiques-là. Ceci étant, aujourd'hui nos collègues qu'on voit en œuvre aujourd'hui sont des collègues qui sont spécialisés, formés, et donc cet enjeu de l'ARH était important pour nous, c'est que nos collaborateurs, si toutefois on est à... amené à baisser, et on sera amené à baisser notre activité, doivent pouvoir retrouver un travail avec un niveau de compétence qualifié. Donc, il y a un enjeu de formation, il y a un enjeu de reconnaissance de leur formation, il y a un enjeu aussi, effectivement, de mise à niveau. Aujourd'hui, ces compétences-là sont très utiles, aussi bien l'hiver que l'été. Et enfin, il y a un autre sujet, ce qui est celui de la prise en compte de nos salariés. dans Ausha d'avenir, dans Ausha de transition. Et quand on a des gars qui ont des compétences comme celle-ci, ils sont capables de dire ça c'est possible, ça c'est pas possible. Et on les intègre dans nos processus décisionnels, notamment sur un sujet qui est important, qui est celui de la diversification. L'autre sujet qui nous intéresse et qui nous passionne dans le cadre de la transition, c'est la maintenance de nos équipements. On part du principe que sur la décade 2030-2040, on sera amené à potentiellement stopper le ski alpin, mais dans l'intervalle, on veut garantir en tout cas un produit ski. Mais au-delà de ça, la maintenance, c'est aussi parce qu'on veut proposer un produit ski jusqu'à 10-20 ans et qu'on ne veut pas être dans une logique toujours de renouvellement d'équipement, mais plutôt d'être dans une logique d'amortissement raisonné et donc de pouvoir proposer... Toujours des remontées mécaniques, que ce soit des téléportées, donc des télésièges ou des téléskis, qui sont à un niveau de maintenance toujours garanti, de sécurité garantie, avec un niveau d'investissement pour cette maintenance qui est toujours garanti aussi.

  • Florence Gault

    C'est ce que nous a expliqué Olivier Erard, c'est qu'effectivement le choix qui a été fait, c'est de se dire « Ok, on ne renouvelle pas tout notre équipement, mais par contre, il y avait des enjeux de sécurité, de remise à niveau qui étaient nécessaires, et donc… » il faut réussir à pouvoir entretenir jusqu'à ce que...

  • Julien Vrignon

    Jusqu'à ce que soit on ne puisse plus les utiliser, soit jusqu'à ce que ça coûte trop cher de continuer à les utiliser, ou jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de neige.

  • Florence Gault

    Ça fait partie des scénarios.

  • Julien Vrignon

    C'est un scénario de toute façon qui est sur la table et qui va se présenter, qui se présente déjà sur un secteur qu'on a suspendu à l'exploitation, on va dire fermé même, qui est le secteur de Pique-Miette, pour des raisons clairement... économique, même si c'est un crève-cœur pour nous de le fermer. Mais pour des raisons économiques, on a fermé ce secteur parce qu'il représentait 40% de nos dépenses de fonctionnement et que malheureusement, 20% de nos recettes. Donc ici, on est sur le site de la Luche-sur-Rail. La gare est sous nos pieds. On a vu sur la station.

  • Florence Gault

    Et enfin, vue dégagée, je vois donc ce qui se passe de l'autre côté. Depuis ce matin, on ne voyait pas !!!

  • Julien Vrignon

    Et à côté de chez Zaza, qui est une institution chez nous, qui est un bar festif dansant cabaret, qui lui est en pleine diversification, adaptation à la transition. Aujourd'hui, Zaza, il est complet tous les week-ends et il n'a pas besoin qu'il y ait de la neige ou pas. Il a juste besoin de faire de la pub sur ses activités. Cette luge sur rail permet de faire une descente sur à peu près 750 mètres. C'est un équipement qui a été livré en 2022. et c'est sur l'ancien site de l'ancienne luge qui existait auparavant depuis les années 80 qui était une luge dans les godets un peu en plastique comme ça et on descendait donc on l'a remplacé sur approximativement le même tracé c'était une volonté de réutiliser tout l'itinéraire qui était déjà exploité ici pour la luge et puis c'était aussi important pour nous de ne pas déforester considérant ensuite que On utilise l'ancien tracé de la luge aussi pour une nouvelle piste de VTT qui est ici. On voit une bosse, c'est la bosse de la fin. Et cette piste, en fait, elle commence au même endroit que le haut de la luge. Et elle vient, en fait, cette piste de VTT, ou la piste de luge, si on veut, comme on veut, vient un petit peu entrecroiser à certains endroits l'une et l'autre. Et donc, là, pour moi, dans les blocs de la transition, Il y a le bloc de la diversification. Et la diversification n'est pas une fin en soi. On ne compensera jamais le ski. Ce n'est pas possible. Mais pour autant, proposer des activités qui peuvent être réalisées toute l'année. Et aussi, la diversification, c'est de travailler sur des nouvelles sources de revenus pour nous, pour les acteurs locaux. Pour certains d'entre eux qui sont loueurs de ski, mais qui sont aussi loueurs de VTT. Ou d'autres demain qui pourraient proposer d'autres types d'activités sur notre secteur. Donc voilà.

  • Florence Gault

    Rien ne remplace le ski, le constat est sans appel. Il faut donc à la fois repenser le modèle économique de la station, mais aussi imaginer l'attractivité du territoire autrement. Mais comment ? C'est tout l'enjeu du travail mené par Claire Leboisselier, chef de projet Transition pour le programme Avenir Montagne. au sein du SMMO. Depuis trois ans, elle accompagne les cinq communautés de communes du Haut-Doubs à travailler sur la transition du tourisme et des loisirs. Son rôle, stimuler la coopération et imaginer avec eux les alternatives de demain.

  • Claire Leboisselier

    L'ensemble du territoire est aussi touché par ces problématiques, qu'ils soient climatiques, pas seulement liées à la neige, ça peut être aussi des problématiques liées à l'eau, liées aux fortes températures, et puis liées aussi à des sujets et facteurs qui sont économiques et qui ne sont pas forcément en lien. Justement avec ces changements climatiques comme une problématique sur les métiers, le fait d'avoir des problématiques à recruter du personnel sur place. Donc c'est tous ces champs finalement de réflexion qui ont animé l'envie d'avoir une réflexion à l'échelle de ce territoire avec d'autres acteurs. Et c'est dans ce cadre-là que la station de Métabier a porté le programme Avenir Montagne pour finalement, à partir de ses connaissances d'ingénierie sur la transition, puisse mettre à profit. l'ensemble de ce territoire sur des compétences d'ingénierie. Et on parle plutôt ici d'ingénierie relationnelle.

  • Florence Gault

    Il faut réussir en fait à créer une autre dynamique et donc engager au-delà effectivement de la station une démarche de transition. J'imagine que ce n'est pas simple de se dire qu'en fait, il y a tout à réinventer.

  • Claire Leboisselier

    Alors, ce n'est pas simple d'envisager la transition. Et effectivement, il faut le faire de façon collective et collaborative. Et c'est vraiment le travail que nous, on a souhaité faire avec cette ingénierie relationnelle qu'on a mis en place depuis 2022. C'était de faire travailler ces différents acteurs ensemble pour déjà s'approprier les enjeux actuels, climatiques, environnementaux, économiques et sociétaux également, pour qu'en fait, ces gens-là partent d'un constat commun. Et sur cet constat, si finalement ces acteurs sont conscients, on va être en capacité après à proposer des nouvelles actions. C'est vraiment la réflexion qu'on a faite avec des ateliers, des comités techniques très précis. Après, on a créé des communautés d'acteurs pour que ces acteurs-là puissent travailler sur des thématiques en particulier. Et puis, réfléchir à une stratégie commune que nous, on a appelée Masterplan, qui est à la fois une démarche, cette démarche collaborative de faire en sorte qu'on ait plus de 150 acteurs sur le territoire, aussi bien acteurs du tourisme et des loisirs, mais aussi des habitants, des lycéens qui se sont investis dans la démarche. qu'un livrable final, qui est finalement une stratégie sur 15 années, qui nous permet de planifier un peu les grands investissements à faire ou les grandes ingénieries à mettre en place sur des thématiques qui sont aussi au-delà du tourisme et des loisirs.

  • Florence Gault

    Et donc, quand on va travailler comme ça avec différents acteurs, est-ce que cette concertation, elle est simple à mettre en place ? Parce qu'il y a effectivement des acteurs privés, il y a des acteurs publics, il y a des acteurs associatifs, il y a des acteurs politiques. Mettre tout ça en place, tout ce petit monde autour de la table en arrivant avec une démarche de transition ? Est-ce que c'est si simple ?

  • Claire Leboisselier

    Le challenge, c'est un peu de faire en sorte que ces gens-là, ils aient un consensus déjà sur la réalité, certes, et sur le chemin là où on va aller. Imaginons, on est sur un bateau, on a plein de gens qui ont envie de nider, et il faut se dire, quelle voie on va prendre, etc. Donc c'est cette Ausha qui est un peu complexe. Et derrière le fait qu'il y en a certains qui soient privés, d'autres... publics, etc., en fait, la question, c'est qu'ils n'ont pas le même intérêt, ils n'ont pas la même temporalité. Donc déjà, ça crée des décalages, d'une certaine manière. Et ce n'est pas toujours évident de les aligner, parce que là, on va avoir l'impression que nous, on a réussi à avancer le projet en deux ans, un privé en une année, s'il ne fait pas son chiffre, à la fin de l'année, il met la clé sous la porte. Donc ce qu'on a mis en place, c'est des communautés d'acteurs. On a essayé de créer des groupes qui travaillaient sur des sujets concrets, donc on a deux sujets qui sont travaillés dans ces groupes-là. Un sujet sur les activités nordiques, donc le ski fond, le biathlon, la raquette, la luge, la marche, etc. Et un autre sujet, c'est les métiers, les compétences. Parce que sur notre territoire, on a vraiment une perte de nos compétences. On a des gens qui vont travailler peut-être plus en Suisse. On a des gens qu'on n'arrive pas à conserver ici et pas que pour une question de salaire. Et donc dans ces deux groupes... On a mixé finalement la population sur place d'intervenants, des publics, des privés, des élus. Et on a fait en sorte que ces groupes soient en capacité de prendre des décisions. C'est-à-dire que ce n'est pas juste un groupe et ensuite on remonte et puis le supérieur décidera. C'est un groupe et il faut lui donner une place pour que ce groupe-là... décident de faire quelque chose. C'est un peu comme dans les immeubles où il y a une co-gestion où dans l'immeuble Intel va être en charge d'organiser une année les événements et puis ils vont s'organiser eux-mêmes etc. Et si on arrive sur un sujet qui est un peu plus stratégique, là ce sera décidé à l'étape du dessus. Donc c'est un peu le même principe. Donc sur les métiers et les compétences, ils ont réalisé eux-mêmes un diagnostic. Donc ils sont allés faire des entretiens, ensuite ils sont allés faire des vidéos, ce qui a amené à ok, on veut un plan d'action sur trois thématiques. La marque employeur, on veut aussi travailler pour être une entreprise apprenante et permettre de monter en compétence nos équipes, à la fois sur des sujets de management, mais aussi sur des sujets de formation. Et là, on va pouvoir répondre à un appel d'offres pour pouvoir travailler avec une assistance à maîtrise ouvrage qui va pouvoir avancer. Donc tout ce travail-là qui permet d'y retrouver un petit peu son compte, justement entre ces différents acteurs publics, privés, associatifs et partenaires.

  • Florence Gault

    Quels sont les plus gros freins que vous rencontrez aujourd'hui à la transition sur ce territoire ?

  • Claire Leboisselier

    Ce n'est pas évident, cette question. Je pense qu'il y a un frein politique, parce qu'il y a des choix qui sont à faire et finalement qui doivent être pris par des élus. Et des élus qui, du coup, ça repose sur leurs épaules et c'est des décisions qui ne sont pas évidentes. Des fois, l'envie, elle est là, mais peut-être qu'elle n'est pas suivie. Donc ça, c'est un... à un frein, je dirais. L'autre sujet, c'est l'intérêt, il manque un commun. Le commun aujourd'hui, je dirais que c'est la neige, mais tout le monde a un intérêt personnel et une individualité par rapport à ce commun et cette neige. On va avoir un loueur qui, lui, a mis toutes ses billes dans sa boutique et se retrouve vraiment embêté alors qu'il a essayé de se diversifier et ça devient extrêmement compliqué, alors qu'on va avoir une autre boutique où peut-être que c'est une boutique de famille, donc il n'y a déjà pas le même revenu. Et finalement, on ne joue pas la même chose. En fait, c'est quoi la chose qui relie tous ces gens ? Hormis, certes, la neige, mais en fait, ce n'est pas le même intérêt. Et donc, on n'a pas la même rapidité, le même besoin à se transformer qu'un autre. Donc, il y a un peu cette problématique qui est vraiment de différents profils et d'intérêts qu'on peut avoir par rapport à la neige. Puis après, il y a vraiment cet aspect politique qui est plutôt lié à comment est pris vraiment le sujet et est-ce qu'elle fait partie de la stratégie ? Et qu'est-ce qu'elle veut dire derrière ? Parce que derrière la neige, ce n'est pas juste ces politiques parce qu'on ne fait plus de ski alpin. C'est politique parce que la neige, c'est quelque chose qui transforme les gens. C'est l'ADN. Vous seriez venu ici cet hiver, avant la neige, les gens étaient en dépression, on avait tiré la grimace. La neige est tombée, c'était la banane. En fait, c'est un effet d'un coup, un moyen d'oublier. C'est un peu, on recouvre de blanc et ça y est, c'est terminé. Et puis, il y a cet aspect auquel l'activité reprend. Mais ça crée vraiment un ADN très très fort sur le territoire. C'est comme si vous disiez qu'un territoire qui a un fleuve, demain il n'y a plus de fleuve, qu'est-ce que tu fais ? Ça fait partie de mon territoire. Ou une forêt, demain on se dit à Bretagne, tiens la forêt de Brosséliande, c'est terminé. C'est quoi ? C'est émotionnel, c'est affectif.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup Claire.

  • Claire Leboisselier

    Merci.

  • Florence Gault

    Pour les socioprofessionnels, s'adapter est un véritable défi. Parmi eux, les loueurs de ski. Créé en 1966 par Gabi Mère, Gabi Sport est un magasin emblématique de métabillés, repris en 2009 par Jérôme Gresset. En hiver, la location de ski bat son plein, tandis qu'en été, le vélo prend le relais avec des services de remise en état et de location. Je retrouve Mizou, comme on surnomme Jérôme Gresset, dans son magasin.

  • Jérôme Gresset

    Alors bonjour, Jérôme Gressel, magasin Sport 2000, Gabi Sport à Métabief.

  • Florence Gault

    Métabief qui a pris la décision d'arrêter le ski alpin. Le jour où vous apprenez cette nouvelle et qu'on vous fait part de ce qui va se passer dans les prochaines années, quelle a été votre réaction ?

  • Jérôme Gresset

    Alors, arrêter, on n'a pas de date, c'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est plutôt, on va dire, aller le plus longtemps qu'on peut. Mais qu'on ne peut plus vivre uniquement de ça aujourd'hui face aux incertitudes climatiques.

  • Florence Gault

    Donc quelles émotions rentrent en jeu à ce moment-là ? Est-ce qu'il y a de la colère, de l'incompréhension ?

  • Jérôme Gresset

    En fait, à ce moment-là, effectivement, quand on a toujours été, en plus, enfant d'ici, et qu'on a toujours connu le ski alpin comme ça, Eh bien, forcément, ça nous affecte. Aujourd'hui, on est obligé de s'adapter, c'est-à-dire qu'on se rend bien compte qu'il y a un changement climatique et que les hivers sont de plus en plus incertains. Donc, il fallait aussi repenser le modèle économique.

  • Florence Gault

    Donc, une fois cette phase d'annonce et donc de réussir à se projeter, comment on envisage l'avenir pour vous dans ce magasin-là ?

  • Jérôme Gresset

    Aujourd'hui, nous, au niveau du magasin, ce qu'on fait, c'est qu'on est déjà un commerce qui est ouvert à l'année, mais qu'on a fait ça déjà depuis 2009. On ne pouvait pas déjà à l'époque se permettre de vivre que de l'hiver et du produit neige. Donc il fallait qu'on trouve une activité complémentaire et cette activité complémentaire, on l'a amenée avec le vélo. Mais aujourd'hui, on a un modèle économique qui a encore aussi besoin de l'hiver. Et comme je dis souvent, c'est que sur 12 mois de l'année, il y a 3 ou 4 mois d'hiver. Donc il faut quand même bien qu'on ait une activité. C'est pour ça qu'on a encore besoin aujourd'hui du ski alpin. Mais on essaie progressivement de, on ne va pas dire réduire la voilure, mais plutôt penser à, comme c'est de plus en plus incertain, à orienter un petit peu plus sur l'activité cycle.

  • Florence Gault

    Là, ça fait quand même trois hivers que c'est plutôt compliqué, qu'il y a un certain manque de neige. Est-ce que ça vous impacte déjà aujourd'hui ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, clairement, oui, ça nous impacte.

  • Florence Gault

    Il y a des difficultés déjà économiques ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, c'est pas facile.

  • Florence Gault

    Merci.

  • Jérôme Gresset

    A votre service.

  • Florence Gault

    Mizou essaie de rester confiant face à cet avenir pourtant bien incertain. S'il est prêt à diversifier ses activités... Il s'inquiète de la répétition d'hiver sans neige suffisante, alors que son modèle économique repose encore sur l'activité du ski. La montagne, certains des habitants de Métabier l'ont dans la peau. C'est le cas de Sylvain Authier, responsable des pistes, un passionné de montagne et de ski. Malgré le froid et le vent, nous décidons de nous rendre au sommet Moron, à 1420 mètres d'altitude, en télésiège. Et comment dire, je suis un peu sensible au vertige.

  • Sylvain Authier

    T'as pas l'air trop stressé. Il y en a, ils crient.

  • Florence Gault

    Non, je ne crie pas, mais je ne suis pas sereine...

  • Sylvain Authier

    Moi, c'est Sylvain Authier. Je suis le responsable du service des pistes de la station de Métabier. alors moi mon job c'est de veiller à la sécurité des skieurs et des pratiquants de notre domaine skiable je parle de skieurs mais aussi des snowboardeurs des gens qui font du snowscoot il ya des personnes handicapées aussi enfin tout ce genre de glisse qui sont autorisés sur le sur les pistes de ski Donc mon rôle c'est de veiller à ce que la sécurité soit assurée. Pour ça je manage une équipe de pisteurs, secouristes, qui eux s'occupent de mettre des dispositifs de protection, que ce soit les filets, les matelas, le balisage des pistes, avec les jalons, les balises, pour faire en sorte que... que les gens ne se perdent pas d'une part et puis restent sur les bons endroits. Donc nous, notre rôle principal, c'est vraiment ce rôle de prévention. Et puis après, on vient leur porter secours quand malgré tout, ils se font mal. Donc là, on est aussi secouriste pour pouvoir prendre en charge les blessés. Et là, il y a pas mal de vent et je ne sais pas si le micro...

  • Florence Gault

    Et non, le micro n'accepte pas. On n'entendra pas Sylvain nous dire qu'il s'occupe également de la neige de culture sur le domaine skiable et du damage. On va donc poursuivre l'interview au sommet, mais au chaud dans le poste de secours. D'une part, on n'y voit absolument rien avec le brouillard, et d'autre part, il fait tellement froid qu'il est impossible pour moi d'enregistrer en extérieur sans gants. Alors vous êtes un passionné de montagne ? depuis toujours. Je crois que vous étiez à Tignes avant d'arriver à Métabier. C'était il y a une dizaine d'années. Là, quand vous regardez, quand on a une vue dégagée normalement ici au sommet, mais quand vous regardez autour de vous cette montagne, qu'est-ce qu'elle vous inspire ?

  • Sylvain Authier

    Qu'est-ce qu'elle m'inspire ? C'est vrai que j'ai grandi ici, je suis natif de Métabief, donc j'ai fait mes débuts dans le métier ici. Après, c'est vrai que je suis parti à Tignes parce que... Mine de rien, il y avait déjà des fois des anomalies d'enneigement sur mes tabiers à l'époque. Donc je suis parti à Thymie faire un remplacement, mais qui a duré 11 ans. Et puis après, je suis revenu à mes origines, retour aux sources, comme on dit. Depuis 2012, avec entre autres le projet de neige de culture. un gros programme qui a permis de maintenir Metabier en vie parce que je pense que sans ça, il n'y aurait plus de ski à Metabief. Et oui, donc des changements. C'est vrai qu'à l'époque, il y avait quelques jours, voire quelques semaines dans l'hiver où les champs étaient verts. Maintenant, c'est un peu l'inverse en fait. Il n'y a que quelques jours ou quelques semaines où il y a de la neige dans les champs. Donc ça, c'est quand même assez parlant. Pour en revenir sur les changements, j'ai bossé 11 ans à Thigne. Et je peux vous dire que le glacier, en 20 ans, c'est incroyable comme ça a pu changer. Donc oui, les effets, on les voit. Personne ne peut le nier, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Là, si on regarde autour de nous, les effets du dérèglement climatique, on les voit à quoi ?

  • Sylvain Authier

    Comme je disais, les champs sont verts, donc on skie vraiment sur les pistes qui sont équipées en neige de culture, qui sont très bonnes à skier d'ailleurs. On arrive quand même à avoir des périodes de froid qui nous permettent de fabriquer en volume de la neige pour assurer quand même une longévité dans la saison, malgré les épisodes météo qui peuvent changer. Ça permet quand même de pallier à ça.

  • Florence Gault

    Est-ce que vous vous souvenez du jour où on vous a annoncé qu'à Metabief, la décision avait été prise d'arrêter, d'ici quelques années, c'est horizon 2030-2035, d'arrêter le ski alpin ?

  • Sylvain Authier

    Oui, je m'en souviens bien, oui. Après, arrêter, ce n'était pas vraiment l'objectif. On savait que l'enégement, ça n'allait pas durer. Oui. Un bon jour, certainement, ça allait s'arrêter. On n'allait plus pouvoir vivre économiquement de cette activité.

  • Florence Gault

    Et ce jour-là, il y a quoi comme émotion qui se met ? Quand la montagne, c'est votre métier, c'est votre passion, qu'est-ce qui y prime ?

  • Sylvain Authier

    C'est surtout de la tristesse, oui. C'est triste de se dire que dans nos belles montagnes, peut-être qu'un jour, on ne pourra plus faire de ski du tout. Ça fait mal, ouais, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Alors, comment on envisage son métier dans les années à venir ?

  • Sylvain Authier

    Alors, ça, c'est une question qui est...

  • Florence Gault

    Il n'y a pas trop de réponses encore ?

  • Sylvain Authier

    Il n'y a pas trop de réponses. Moi, j'espère quand même qu'on puisse profiter de la neige quand elle sera là, même en 2040. On sait qu'il y a le réchauffement, mais il y aura quand même des épisodes où il y aura de la neige. J'espère qu'on pourra tout de même profiter de ces petits moments enneigés et pouvoir proposer de pouvoir faire du ski sur ces petites périodes. Il n'y aura peut-être plus qu'une remontée, mais celle-ci, il faut qu'elle puisse rester et qu'on puisse monter des skieurs quand il y a de la neige.

  • Florence Gault

    Comment vous avez vécu la fermeture de Piquemiette ? 30% du domaine skiable ? qui aujourd'hui n'est plus accessible. Quelque part, c'est un peu le début de la fin qui s'est enclenché.

  • Sylvain Authier

    Alors oui, c'est sûr que c'est une étape majeure dans la vie de la station. Ça nous fait mal. Tout le monde a l'empathie de cette décision, mais je pense que cette décision, elle était inévitable justement pour pouvoir continuer l'activité, c'est-à-dire que... Les moyens qu'on mettait là-bas sont concentrés sur le versant de métabier. Et du coup, on optimise les conditions d'enneigement d'une part et de frais de fonctionnement aussi. Donc, ça nous permet d'aller plus loin dans la vie de Metabief.

  • Florence Gault

    Cette transition n'aurait pas été possible sans une volonté politique forte. On l'a vu la semaine dernière avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, poser un diagnostic ne suffit pas. Il faut aussi avoir le courage d'agir, d'assumer des choix difficiles et d'entraîner tout un territoire dans une nouvelle direction. Cette décision politique a été portée par Philippe Alpy, président du syndicat mixte du Mont d'Or et vice-président horizon du conseil départemental du Doubs. Je le retrouve au village. Alors quand vous arrivez à la présidence du syndicat en 2015, c'est 24 millions d'euros qui sont annoncés d'investissement, donc 15 millions pour deux remontées mécaniques. Dix ans plus tard, est-ce que vous vous dites que vous avez fait le bon choix en refusant d'investir dans ces remontées ?

  • Philippe Alpy

    Bien évidemment, dix ans plus tard, je confirme plus que notre intuition, parce qu'à l'époque, ce n'est pas parce que le papier se laisse écrire. et qu'une décision avait été prise d'une orientation avec des investissements lourds, programmés, qu'on était même en capacité de les réaliser rien que sur le volet environnemental où on avait déjà des signaux très forts pour faire passer ces lignes nouvelles. Donc ça, c'est déjà le premier point qu'il faut poser en termes d'aménageurs du territoire. Et le deuxième point, c'était la capacité à amortir de tels investissements sur la durée de façon raisonnable. On gère de l'argent public et en plus, on avait par notre culture scientifique, Olivier Rahr. Et moi-même, moi-même qui suis aussi agriculteur, les sécheresses ça me parle, les temps compliqués de ce qu'on vit en termes professionnels, fait qu'on a une sensibilité particulière et déjà en... 2015, on était très sensibles au phénomène de manque de neige ou d'excès qu'on peut avoir à gérer. On a pris acte.

  • Florence Gault

    Dès le départ, vous n'étiez pas dans une démarche de conviction qu'il fallait absolument arrêter le ski alpin.

  • Philippe Alpy

    On va dire qu'il y a quand même un sentiment premier de dire qu'on travaille avec l'or blanc, qui est un produit caprice des temps, qui se fait depuis plus en plus rare et qui sur cette montagne du jura au travers d'expériences du nordique mais aussi de l'alpin on voit bien que d'une année à l'autre ça se ressemble pas et que les pour véritablement vivre de façon sereine une gestion d'une station de ski il faut 100 jours d'ouverture donc on voit bien que ces objectifs là sont de plus en plus difficiles à atteindre donc objectivement les choses sont posées et après Toute la difficulté, c'est de convaincre la gouvernance.

  • Florence Gault

    Effectivement, pour les élus autour de vous, il y a eu un temps de deuil. Olivier Erard me disait d'ailleurs que le passage à l'échelle passe nécessairement par le chaos. Olivier disait même qu'il a fallu parfois filouter.

  • Philippe Alpy

    C'est vrai qu'on a adopté une méthode, on va dire qu'entre Olivier et moi-même, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette dans l'écriture du scénario. C'est triste à dire, mais le challenge... Aujourd'hui, on est quand même en responsabilité de 140 salariés en pleine saison. On a une responsabilité sociétale, il y a des familles derrière, il y a tout un écosystème. Il y a aussi tous les commerçants, les hébergeurs, les restaurateurs. Donc on n'a pas le droit d'être irresponsable quand vous avez des élus autour de table, qui sont dans une culture de « c'est au département de payer » . Et de toute façon, cet investissement, il le faut parce que les équipements sont vieillissants et puis de toute façon, il faut faire l'investissement. Convaincre ces élus qui ne sont pas forcément au même niveau d'information, d'acculturation avec ces aspects de changement, ça a été un travail de fond. Et comme on le dit avec Olivier, comme on l'a souvent dit, il a fallu cranter les étapes, c'est-à-dire apporter l'information. Distiller l'information ? Alors moi je dirais pas filouter, ça c'est ses propos à Olivier, parce que quelque part, c'est un peu Machiavel, certes. Mais il faut servir des hommes de leur caractère pour arriver à un moment, à leur faire comprendre qu'on a atteint le point de non-retour. Alors c'est sûr, c'est un deuil. C'était pénible pour certains élus. Mais ils étaient autour de table. Ils ont assumé leur responsabilité. Je les remercie.

  • Florence Gault

    Et vous, comment vous le vivez à titre humain ? Comment on décide d'y aller en tant qu'élu ? Certains m'ont dit quand j'ai préparé ce reportage que vous étiez un peu dans une position sacrificielle alors de toute façon quand on est président d'abord on est souvent seul quand tout va bien il ya beaucoup de monde quand ça va moins bien on est franchement seul quand on nous donne une lettre admission quand on est élu et qu'on est digne de ce nom si on occupe la place fois les jusqu'au bout Effectivement, il y a un côté sacrifice. Parce qu'il y a des politiques qui font de la politique politicienne, qui sont dans la démagogie permanente. C'est jamais le bon moment. On ne prend pas la responsabilité, mais on reporte. Ça me fait penser à la dette climatique, vous savez, on reporte. Mais un jour, il y a un langage de vérité. La jeunesse va se révolter et on en prendra plein la gueule. Alors la décision a été actée, mais on est encore bien loin de l'adhésion totale. de tous les acteurs socioprofessionnels autour de cette fin du ski alpin. Il y a évidemment la question de l'émotion qui est très présente, du deuil aussi. Comment on gère justement ces réactions ?

  • Philippe Alpy

    Je vais vous dire honnêtement, l'élu, quand le 20 août, il sort du SMMO ou face à ses salariés qui ont contribué, ou... à l'écriture des scénarii du possible je pense que tout le monde vit un malaise terrible vous imaginez Les membres du Codire, qui aiment plus que tout la montagne, qui en ont fait le choix de vie, leur métier, disent au président, accompagné du cabinet d'audit, « Écoutez, président, on n'a pas le choix. Si on veut répondre au cas des charges que le département a posé, si on veut éviter le pire... » C'est ça. Et ça, c'est pas les huit suspensions d'activité de téléski qu'on avait envisagé. C'est Pic Miette et son cortège d'équipement et bien sûr le côté emblématique de Pic Miette. Croyez-vous que je suis sans sentiments, sans émotions ? Les gens, ils n'ont pas d'état d'âme à cet égard-là. Je suis un voyou, j'ai le sang froid. Non, je pense que je rentre chez moi, je... J'imagine la lettre d'admission qui est la mienne.

  • Florence Gault

    Vous avez douté à des moments ?

  • Philippe Alpy

    Je n'ai jamais douté. Que des hommes et des femmes aient des émotions. Les émotions ne justifient pas les insultes, les émotions ne justifient pas les bousculades, les émotions ne justifient pas les menaces et tout le cortège, je ne vais pas dire diffamant autour, c'est juste la faiblesse, les gens se révèlent au travers de leur faiblesse, parce que la réalité elle est celle-ci.

  • Florence Gault

    Metabief est aujourd'hui un modèle pour les autres stations ?

  • Philippe Alpy

    Alors, Métabief n'a pas la prétention d'être un modèle, parce qu'il faut faire preuve d'humilité. Il n'y a pas une station qui se ressemble. Une station Fontevallée ne gérerait pas de la même façon. Le département ne serait peut-être pas dans la même démarche. Ici, on est en milieu ouvert. S'il n'y a plus de ski, le territoire vit. C'est quand même une des réalités. C'est un milieu très ouvert avec le volet frontalier et la Suisse, qui fait que l'immobilier, ce n'est pas un problème. Vous avez d'autres stations. Aller prétendre que c'est un modèle, non, je ne le ferai pas. Parce que vous avez des stations, je suis confronté à des élus qui n'ont que cette activité-là dans leur vallée, et la station est le moteur de la vallée. Le moteur pour l'économie pastorale, le moteur touristique, le moteur pour l'économie immobilière, et le moteur pour le tourisme sur la vallée. Donc c'est complexe. C'est complexe. Nous, on l'a abordé avec Olivier et puis l'ensemble des personnes qui ont participé à nos travaux. On l'a abordé, après on l'a habillé, de méthodes systémiques complexes et compagnie. C'est facile à dire. Mais avec Olivier, on a plutôt été, en se disant, l'objectif à atteindre, c'est celui-ci, pérenniser l'activité, ce qui est le plus longtemps possible, modestement, avec les moyens dont on dispose. en limitant les investissements lourds.

  • Florence Gault

    Il y aurait encore tant à dire. Si la transition est engagée, la route... reste longue pour m'établier, toutes les réponses ne sont pas encore trouvées, mais la station fait le pari du collectif, de la coopération et de l'ouverture. Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l'intégralité de mon entretien avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, qui sera diffusé dans 15 jours. Dans son livre « Le Passeur » , paru aux éditions Inverse, il revient sur cette transformation qu'il a pilotée. Un retour d'expérience dont les enseignements pourrait bien inspirer d'autres démarches, et ce, bien au-delà des stations de ski. Rendez-vous donc prochainement dans En un battement d'aile.

Description

⛷️Nous en parlions dans l'épisode de la semaine dernière : les stations de ski sont à un tournant. Face au dérèglement climatique, il devient nécessaire de se réinventer. C’est le pari qu’a fait la station Métabief, dans le Jura.


Plutôt que d’investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d’Or, qui gère la station a pris en 2020, au terme d’une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France : acter l’arrêt du ski alpin à l’horizon 2030-2035. La question n’était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s’y prendre.


Comment transforme-t-on une station de ski en une destination quatre saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation, qui redessine toute l’économie locale ? Direction Métabief, où l’on tente d’écrire une nouvelle histoire de la montagne.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Florence Gault

    Nous en parlions la semaine dernière, les stations de ski sont à un tournant. Avec la hausse des températures, l'enneigement se fait plus aléatoire et les périodes de froid deviennent trop courtes pour garantir une production de neige artificielle suffisante qui n'est pas sans poser d'autres problèmes par ailleurs. A l'horizon 2050, une grande partie des stations de haute et moyenne montagne pourraient ne plus être viables économiquement. Il faut donc disparaître ou se réinventer. C'est le pari qu'a fait Métabief dans le Doubs. Plutôt que d'investir à perte dans le renouvellement des remontées mécaniques, le SMMO, le syndicat mixte du Mont d'Or qui gère la station, a pris en 2020, au terme d'une réflexion de 5 ans, une décision inédite en France. Acter la fin du ski alpin à l'horizon 2030-2035. La question n'était plus de savoir si la station devait changer, mais comment elle allait s'y prendre. Dans l'épisode précédent, Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, nous racontait comment cette prise de conscience avait mené à organiser, dès maintenant, la transition vers un autre modèle économique. Mais concrètement, comment transforme-t-on une station de ski en une destination 4 saisons ? Quelles alternatives ont été mises en place ? Et comment les habitants et les professionnels vivent-ils cette mutation qui redessine toute l'économie locale ? Pour le savoir, je suis allée sur place, direction donc Métabier, où l'on tente d'écrire une nouvelle histoire de la montagne. Bienvenue dans la deuxième partie de cet épisode d'En un battement d'ailes. Le temps est couvert ce matin et il souffle une brise glaçante. Nous sommes donc à Métabief, dans le Haut-Doubs, à quelques kilomètres seulement de la Suisse. À quelques jours du début des vacances d'hiver, la neige n'est pas très abondante. En revanche, la qualité est au rendez-vous et visiblement, les skieurs semblent heureux malgré le vent. Dans cette station de moyenne montagne, les 40 kilomètres de piste s'étirent de 900 à 1400 mètres de haut.

  • Julien Vrignon

    Bienvenue à Métabief Florence, moi je suis Julien Vrignon, je suis chargé de projet transition et projet européen au sein du syndicat mixte du Mont d'Or qui est l'exploitant des remontées mécaniques de Métabief.

  • Florence Gault

    On peut peut-être présenter un peu ce territoire dans lequel est implantée la station de Métabief. On n'est pas très loin de Mouthes. où le record de froid officiel a été battu dans les années 60. Le Jura, terre de ski, terre de neige. Ici, le rapport à la montagne et à la neige est profondément ancré.

  • Julien Vrignon

    C'est juste, c'est bien de le rappeler. Effectivement, on est sur un territoire de montagne. Alors, je côtoie des collègues des Alpes françaises ou suisses qui me disent « c'est pas trop la montagne le Jura » . Mais bon, il faut savoir que le Jura a été créé grâce aux Alpes déjà. C'est un pli, ce sont plus une succession de plis en fait avec ce qu'on appelle des combes. Donc en fait des creux de vallées où il fait très froid. C'est pour ça qu'on parlait de moutes record de froid. C'est aussi un territoire de montagne parce que il faut savoir que la montagne c'est pas l'Alpin en fait le Jura, c'est massif du Jura, c'est nordique. Si on parle de loisirs, c'est aussi un territoire de montagne qui vit grâce à ces montagnes par la forêt depuis très très longtemps. Ce territoire il a aussi une ADN très ancrée sur la montagne. Pour plusieurs raisons, à partir de la révolution industrielle jusqu'à à peu près la première guerre mondiale, presque la seconde guerre mondiale, on avait de l'exploitation de minerais beaucoup ici à Métabier, autour de Métabier. Donc le chemin de fer s'est développé aussi un peu grâce à ça, il s'est aussi développé grâce au tourisme de villégiature qui a commencé à se développer dans les années 30-40 autour du lac Saint-Point, qui n'est pas très loin d'ici de Métabier. Et puis ce tourisme de l'évélégiatur, comme ça a été le cas à Chamonix surtout au début du 20e siècle, le ski, la neige, etc. ça s'est développé en termes de loisirs, mais pour les locaux au départ. Et puis voyant que ce ski ramenait quand même pas mal de monde et de business au niveau local, dans les années 60-70, le ski, comme dans pas mal d'endroits dans la montagne française, s'est structuré à travers divers plans. Et autour d'ici de nous, finalement, parce que là on voit effectivement le télésiège, quelques téléskis, de la pente avec de la neige, mais aussi de notre côté, on a des résidences qui ont été créées dans les années 70-80 et qui sont des résidences finalement... qui ont participé à l'essor du tourisme à Métabier, comme dans beaucoup de stations de ski. Il faut savoir que la création de la station de ski, c'est grâce à deux personnes, M. Autier et M. Lagier, qui étaient finalement deux comparses qui ont favorisé l'implantation, la création de résidences, de création de la station, etc. Et ce qui s'est passé, c'est que début 80, il y a eu un switch, en fait. C'est la collectivité qui est venue un petit peu à la rescousse de ces sociétés. Et on a eu un développement encore plus fort du ski alpin ici à Metabit en années 80. Développement des résidences, on se retrouvait finalement à 90% de logements. On était pour la résidence secondaire ou pour du tourisme, et le 10% était pour des habitants. Aujourd'hui, on est plus près des 50-50.

  • Florence Gault

    Et qu'est-ce que représente le tourisme et peut-être les activités autour du ski dans l'économie locale ?

  • Julien Vrignon

    À proprement parler, pour Métabief, le ski alpin représente 90% de l'économie du village. Alors ça a tendance à s'amoindrir parce que nos hivers sont de moins en moins enneigés. Mais on a toujours d'autres filières qui participent au maintien économique du village.

  • Florence Gault

    Mais la vie de Métabief est tournée vers le tourisme. Quand on a une économie qui est tournée vers le ski alpin, quand on annonce que le ski alpin... devrait disparaître à l'horizon 2030-2035, j'imagine que l'annonce dans le village secoue.

  • Julien Vrignon

    C'est rien de le dire. Ça secoue fort, même. Ça secoue fort parce que finalement, on est face à deux situations qui sont, comment dire, oui, c'est un peu paradoxal parfois au niveau de la compréhension. C'est qu'effectivement, nous, ce qu'on a fait, en tout cas, nous, au syndicat mixte du Mont d'Or, exploitant des remontées mécaniques, c'est de faire un choix à un moment donné qui n'est pas d'investir pour l'avenir du ski. Ensuite, c'est aussi, face à ce renoncement, c'est de l'expliquer. Donc on a fait constater les raisons pour lesquelles on ne s'engageait pas là-dedans. On n'a pas suffisamment de temps pour amortir des nouveaux équipements. L'histoire récente nous fait aussi confirmer qu'on a fait le bon choix. Parce que nos hivers ne sont pas suffisamment économiquement viables pour pouvoir garantir l'amortissement d'équipements.

  • Florence Gault

    Là, par exemple, vous me disiez tout à l'heure qu'on est au troisième, quatrième hiver d'affilée, où le taux d'enneigement n'est pas incroyable.

  • Julien Vrignon

    Oui, je vous le confirme, effectivement, on est sur le troisième, quatrième hiver, où c'est effectivement difficile. Maintenant, on a la dixième année du choix amorcé. Il y a toujours de la contestation, il y a toujours de la colère. Il y a, oui, du déni par rapport Ausha, c'est normal et c'est logique, c'est compréhensible. Mais pour autant... Nous, en tout cas, ce qu'on observe, c'est qu'il n'y a plus de déni du changement climatique. C'est factuellement rien de tel que malheureusement des hivers comme on a vécu pour le constater. Aujourd'hui, on a un recul suffisant de presque 20 ans pour dire, ici à Métabier, en massif du Jura, endroit froid, connu pour son froid, avec effectivement moutes à 20 km d'ici, il ne fait plus, en moyenne, moins de 0°C en hiver.

  • Florence Gault

    Je confirme que chez les habitants, tout est loin d'être encore pleinement accepté. En allant acheter un sandwich à l'heure du déjeuner, j'entends des clients et le vendeur discuter de la fermeture de pique-miettes. On en parlait dans l'épisode de la semaine dernière avec Olivier Erard, 30% du domaine skiable ont été mis à l'arrêt en septembre 2024 pour des raisons économiques et climatiques. Un symbole fort du début de la fin du ski qui a suscité beaucoup de colère dans le village. Alors quand je leur dis que je suis journaliste et que je réalise un reportage sur l'avenir des stations de ski, ils me demandent d'arrêter de propager l'idée qu'il n'y aura plus de ski à Métabier car cela fait fuir les touristes. Ils me font part de leur colère vis-à-vis du syndicat mixte du Mont-d'Or, dénonçant notamment sa mauvaise communication. Aucun d'eux n'accepte de parler à mon micro. La pilule a du mal à passer et pourtant la transition est en marche. Visite guidée avec Julien Vrignon.

  • Julien Vrignon

    Ici on est à l'atelier de la station de métabief, remontée mécanique. Une dameuse qui est en dessous de nous, parce qu'on est un peu en hauteur. Et il y a à peu près 5-6 dameuses qui sont ici en stock. Ici dans ce bâtiment, on a aussi au sous-sol tout un bâtiment avec les véhicules d'exploitation. On a après ici là-bas le bâtiment des niveaux culteurs. Ici ce bâtiment technique a été créé dans les mi-années 2010, à 2015 à peu près, 2016. Et justement il est l'incarnation en partie de cette transition. Parce que nous, collaborateurs de l'exploitation, avons d'une part besoin d'un bâtiment digne de ce nom pour pouvoir continuer à exploiter le domaine skiable et le domaine... En été, on n'en a pas parlé, mais en été notamment aussi pour le VTT. Ils avaient aussi besoin de continuer à se qualifier, à monter en compétences. Donc d'avoir des outils qui sont adaptés pour qu'ils puissent garantir l'exercice de leur métier. Donc on a en dessous Kevin qui est un mécanicien. Donc il peut aussi bien réparer des camions, des voitures que des dameuses. On a Max qui est là-bas, qui est un niveau culteur. Donc lui, tout ce qui est hydraulique, il connaît sur le bout des doigts. On a d'autres collègues qui sont menuisiers. On a Féfé et Félix qui sont menuisiers chez nous. Et... Clairement, cet enjeu de la RH fait partie de notre transition. Quand en 2015, on a décidé de potentiellement arrêter la fin du ski, on s'est orienté à deux problématiques. C'est nos agents, qu'est-ce qui va se passer pour eux ? Et ensuite, comment on assure la pérennité de nos équipements ?

  • Florence Gault

    Au niveau personnel, combien de personnes dépendent de la station de ski ?

  • Julien Vrignon

    Dans le syndicat mixte du Mont d'Or, on est à peu près 50 équivalents temps plein en 2015, aujourd'hui on est plutôt à 40. Donc on a baissé en effectif après pour des questions de rationalisation, des questions aussi de baisse d'activité notamment sur certains secteurs, et puis il y a des enjeux de recrutement, on est aussi confronté à ces problématiques-là. Ceci étant, aujourd'hui nos collègues qu'on voit en œuvre aujourd'hui sont des collègues qui sont spécialisés, formés, et donc cet enjeu de l'ARH était important pour nous, c'est que nos collaborateurs, si toutefois on est à... amené à baisser, et on sera amené à baisser notre activité, doivent pouvoir retrouver un travail avec un niveau de compétence qualifié. Donc, il y a un enjeu de formation, il y a un enjeu de reconnaissance de leur formation, il y a un enjeu aussi, effectivement, de mise à niveau. Aujourd'hui, ces compétences-là sont très utiles, aussi bien l'hiver que l'été. Et enfin, il y a un autre sujet, ce qui est celui de la prise en compte de nos salariés. dans Ausha d'avenir, dans Ausha de transition. Et quand on a des gars qui ont des compétences comme celle-ci, ils sont capables de dire ça c'est possible, ça c'est pas possible. Et on les intègre dans nos processus décisionnels, notamment sur un sujet qui est important, qui est celui de la diversification. L'autre sujet qui nous intéresse et qui nous passionne dans le cadre de la transition, c'est la maintenance de nos équipements. On part du principe que sur la décade 2030-2040, on sera amené à potentiellement stopper le ski alpin, mais dans l'intervalle, on veut garantir en tout cas un produit ski. Mais au-delà de ça, la maintenance, c'est aussi parce qu'on veut proposer un produit ski jusqu'à 10-20 ans et qu'on ne veut pas être dans une logique toujours de renouvellement d'équipement, mais plutôt d'être dans une logique d'amortissement raisonné et donc de pouvoir proposer... Toujours des remontées mécaniques, que ce soit des téléportées, donc des télésièges ou des téléskis, qui sont à un niveau de maintenance toujours garanti, de sécurité garantie, avec un niveau d'investissement pour cette maintenance qui est toujours garanti aussi.

  • Florence Gault

    C'est ce que nous a expliqué Olivier Erard, c'est qu'effectivement le choix qui a été fait, c'est de se dire « Ok, on ne renouvelle pas tout notre équipement, mais par contre, il y avait des enjeux de sécurité, de remise à niveau qui étaient nécessaires, et donc… » il faut réussir à pouvoir entretenir jusqu'à ce que...

  • Julien Vrignon

    Jusqu'à ce que soit on ne puisse plus les utiliser, soit jusqu'à ce que ça coûte trop cher de continuer à les utiliser, ou jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de neige.

  • Florence Gault

    Ça fait partie des scénarios.

  • Julien Vrignon

    C'est un scénario de toute façon qui est sur la table et qui va se présenter, qui se présente déjà sur un secteur qu'on a suspendu à l'exploitation, on va dire fermé même, qui est le secteur de Pique-Miette, pour des raisons clairement... économique, même si c'est un crève-cœur pour nous de le fermer. Mais pour des raisons économiques, on a fermé ce secteur parce qu'il représentait 40% de nos dépenses de fonctionnement et que malheureusement, 20% de nos recettes. Donc ici, on est sur le site de la Luche-sur-Rail. La gare est sous nos pieds. On a vu sur la station.

  • Florence Gault

    Et enfin, vue dégagée, je vois donc ce qui se passe de l'autre côté. Depuis ce matin, on ne voyait pas !!!

  • Julien Vrignon

    Et à côté de chez Zaza, qui est une institution chez nous, qui est un bar festif dansant cabaret, qui lui est en pleine diversification, adaptation à la transition. Aujourd'hui, Zaza, il est complet tous les week-ends et il n'a pas besoin qu'il y ait de la neige ou pas. Il a juste besoin de faire de la pub sur ses activités. Cette luge sur rail permet de faire une descente sur à peu près 750 mètres. C'est un équipement qui a été livré en 2022. et c'est sur l'ancien site de l'ancienne luge qui existait auparavant depuis les années 80 qui était une luge dans les godets un peu en plastique comme ça et on descendait donc on l'a remplacé sur approximativement le même tracé c'était une volonté de réutiliser tout l'itinéraire qui était déjà exploité ici pour la luge et puis c'était aussi important pour nous de ne pas déforester considérant ensuite que On utilise l'ancien tracé de la luge aussi pour une nouvelle piste de VTT qui est ici. On voit une bosse, c'est la bosse de la fin. Et cette piste, en fait, elle commence au même endroit que le haut de la luge. Et elle vient, en fait, cette piste de VTT, ou la piste de luge, si on veut, comme on veut, vient un petit peu entrecroiser à certains endroits l'une et l'autre. Et donc, là, pour moi, dans les blocs de la transition, Il y a le bloc de la diversification. Et la diversification n'est pas une fin en soi. On ne compensera jamais le ski. Ce n'est pas possible. Mais pour autant, proposer des activités qui peuvent être réalisées toute l'année. Et aussi, la diversification, c'est de travailler sur des nouvelles sources de revenus pour nous, pour les acteurs locaux. Pour certains d'entre eux qui sont loueurs de ski, mais qui sont aussi loueurs de VTT. Ou d'autres demain qui pourraient proposer d'autres types d'activités sur notre secteur. Donc voilà.

  • Florence Gault

    Rien ne remplace le ski, le constat est sans appel. Il faut donc à la fois repenser le modèle économique de la station, mais aussi imaginer l'attractivité du territoire autrement. Mais comment ? C'est tout l'enjeu du travail mené par Claire Leboisselier, chef de projet Transition pour le programme Avenir Montagne. au sein du SMMO. Depuis trois ans, elle accompagne les cinq communautés de communes du Haut-Doubs à travailler sur la transition du tourisme et des loisirs. Son rôle, stimuler la coopération et imaginer avec eux les alternatives de demain.

  • Claire Leboisselier

    L'ensemble du territoire est aussi touché par ces problématiques, qu'ils soient climatiques, pas seulement liées à la neige, ça peut être aussi des problématiques liées à l'eau, liées aux fortes températures, et puis liées aussi à des sujets et facteurs qui sont économiques et qui ne sont pas forcément en lien. Justement avec ces changements climatiques comme une problématique sur les métiers, le fait d'avoir des problématiques à recruter du personnel sur place. Donc c'est tous ces champs finalement de réflexion qui ont animé l'envie d'avoir une réflexion à l'échelle de ce territoire avec d'autres acteurs. Et c'est dans ce cadre-là que la station de Métabier a porté le programme Avenir Montagne pour finalement, à partir de ses connaissances d'ingénierie sur la transition, puisse mettre à profit. l'ensemble de ce territoire sur des compétences d'ingénierie. Et on parle plutôt ici d'ingénierie relationnelle.

  • Florence Gault

    Il faut réussir en fait à créer une autre dynamique et donc engager au-delà effectivement de la station une démarche de transition. J'imagine que ce n'est pas simple de se dire qu'en fait, il y a tout à réinventer.

  • Claire Leboisselier

    Alors, ce n'est pas simple d'envisager la transition. Et effectivement, il faut le faire de façon collective et collaborative. Et c'est vraiment le travail que nous, on a souhaité faire avec cette ingénierie relationnelle qu'on a mis en place depuis 2022. C'était de faire travailler ces différents acteurs ensemble pour déjà s'approprier les enjeux actuels, climatiques, environnementaux, économiques et sociétaux également, pour qu'en fait, ces gens-là partent d'un constat commun. Et sur cet constat, si finalement ces acteurs sont conscients, on va être en capacité après à proposer des nouvelles actions. C'est vraiment la réflexion qu'on a faite avec des ateliers, des comités techniques très précis. Après, on a créé des communautés d'acteurs pour que ces acteurs-là puissent travailler sur des thématiques en particulier. Et puis, réfléchir à une stratégie commune que nous, on a appelée Masterplan, qui est à la fois une démarche, cette démarche collaborative de faire en sorte qu'on ait plus de 150 acteurs sur le territoire, aussi bien acteurs du tourisme et des loisirs, mais aussi des habitants, des lycéens qui se sont investis dans la démarche. qu'un livrable final, qui est finalement une stratégie sur 15 années, qui nous permet de planifier un peu les grands investissements à faire ou les grandes ingénieries à mettre en place sur des thématiques qui sont aussi au-delà du tourisme et des loisirs.

  • Florence Gault

    Et donc, quand on va travailler comme ça avec différents acteurs, est-ce que cette concertation, elle est simple à mettre en place ? Parce qu'il y a effectivement des acteurs privés, il y a des acteurs publics, il y a des acteurs associatifs, il y a des acteurs politiques. Mettre tout ça en place, tout ce petit monde autour de la table en arrivant avec une démarche de transition ? Est-ce que c'est si simple ?

  • Claire Leboisselier

    Le challenge, c'est un peu de faire en sorte que ces gens-là, ils aient un consensus déjà sur la réalité, certes, et sur le chemin là où on va aller. Imaginons, on est sur un bateau, on a plein de gens qui ont envie de nider, et il faut se dire, quelle voie on va prendre, etc. Donc c'est cette Ausha qui est un peu complexe. Et derrière le fait qu'il y en a certains qui soient privés, d'autres... publics, etc., en fait, la question, c'est qu'ils n'ont pas le même intérêt, ils n'ont pas la même temporalité. Donc déjà, ça crée des décalages, d'une certaine manière. Et ce n'est pas toujours évident de les aligner, parce que là, on va avoir l'impression que nous, on a réussi à avancer le projet en deux ans, un privé en une année, s'il ne fait pas son chiffre, à la fin de l'année, il met la clé sous la porte. Donc ce qu'on a mis en place, c'est des communautés d'acteurs. On a essayé de créer des groupes qui travaillaient sur des sujets concrets, donc on a deux sujets qui sont travaillés dans ces groupes-là. Un sujet sur les activités nordiques, donc le ski fond, le biathlon, la raquette, la luge, la marche, etc. Et un autre sujet, c'est les métiers, les compétences. Parce que sur notre territoire, on a vraiment une perte de nos compétences. On a des gens qui vont travailler peut-être plus en Suisse. On a des gens qu'on n'arrive pas à conserver ici et pas que pour une question de salaire. Et donc dans ces deux groupes... On a mixé finalement la population sur place d'intervenants, des publics, des privés, des élus. Et on a fait en sorte que ces groupes soient en capacité de prendre des décisions. C'est-à-dire que ce n'est pas juste un groupe et ensuite on remonte et puis le supérieur décidera. C'est un groupe et il faut lui donner une place pour que ce groupe-là... décident de faire quelque chose. C'est un peu comme dans les immeubles où il y a une co-gestion où dans l'immeuble Intel va être en charge d'organiser une année les événements et puis ils vont s'organiser eux-mêmes etc. Et si on arrive sur un sujet qui est un peu plus stratégique, là ce sera décidé à l'étape du dessus. Donc c'est un peu le même principe. Donc sur les métiers et les compétences, ils ont réalisé eux-mêmes un diagnostic. Donc ils sont allés faire des entretiens, ensuite ils sont allés faire des vidéos, ce qui a amené à ok, on veut un plan d'action sur trois thématiques. La marque employeur, on veut aussi travailler pour être une entreprise apprenante et permettre de monter en compétence nos équipes, à la fois sur des sujets de management, mais aussi sur des sujets de formation. Et là, on va pouvoir répondre à un appel d'offres pour pouvoir travailler avec une assistance à maîtrise ouvrage qui va pouvoir avancer. Donc tout ce travail-là qui permet d'y retrouver un petit peu son compte, justement entre ces différents acteurs publics, privés, associatifs et partenaires.

  • Florence Gault

    Quels sont les plus gros freins que vous rencontrez aujourd'hui à la transition sur ce territoire ?

  • Claire Leboisselier

    Ce n'est pas évident, cette question. Je pense qu'il y a un frein politique, parce qu'il y a des choix qui sont à faire et finalement qui doivent être pris par des élus. Et des élus qui, du coup, ça repose sur leurs épaules et c'est des décisions qui ne sont pas évidentes. Des fois, l'envie, elle est là, mais peut-être qu'elle n'est pas suivie. Donc ça, c'est un... à un frein, je dirais. L'autre sujet, c'est l'intérêt, il manque un commun. Le commun aujourd'hui, je dirais que c'est la neige, mais tout le monde a un intérêt personnel et une individualité par rapport à ce commun et cette neige. On va avoir un loueur qui, lui, a mis toutes ses billes dans sa boutique et se retrouve vraiment embêté alors qu'il a essayé de se diversifier et ça devient extrêmement compliqué, alors qu'on va avoir une autre boutique où peut-être que c'est une boutique de famille, donc il n'y a déjà pas le même revenu. Et finalement, on ne joue pas la même chose. En fait, c'est quoi la chose qui relie tous ces gens ? Hormis, certes, la neige, mais en fait, ce n'est pas le même intérêt. Et donc, on n'a pas la même rapidité, le même besoin à se transformer qu'un autre. Donc, il y a un peu cette problématique qui est vraiment de différents profils et d'intérêts qu'on peut avoir par rapport à la neige. Puis après, il y a vraiment cet aspect politique qui est plutôt lié à comment est pris vraiment le sujet et est-ce qu'elle fait partie de la stratégie ? Et qu'est-ce qu'elle veut dire derrière ? Parce que derrière la neige, ce n'est pas juste ces politiques parce qu'on ne fait plus de ski alpin. C'est politique parce que la neige, c'est quelque chose qui transforme les gens. C'est l'ADN. Vous seriez venu ici cet hiver, avant la neige, les gens étaient en dépression, on avait tiré la grimace. La neige est tombée, c'était la banane. En fait, c'est un effet d'un coup, un moyen d'oublier. C'est un peu, on recouvre de blanc et ça y est, c'est terminé. Et puis, il y a cet aspect auquel l'activité reprend. Mais ça crée vraiment un ADN très très fort sur le territoire. C'est comme si vous disiez qu'un territoire qui a un fleuve, demain il n'y a plus de fleuve, qu'est-ce que tu fais ? Ça fait partie de mon territoire. Ou une forêt, demain on se dit à Bretagne, tiens la forêt de Brosséliande, c'est terminé. C'est quoi ? C'est émotionnel, c'est affectif.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup Claire.

  • Claire Leboisselier

    Merci.

  • Florence Gault

    Pour les socioprofessionnels, s'adapter est un véritable défi. Parmi eux, les loueurs de ski. Créé en 1966 par Gabi Mère, Gabi Sport est un magasin emblématique de métabillés, repris en 2009 par Jérôme Gresset. En hiver, la location de ski bat son plein, tandis qu'en été, le vélo prend le relais avec des services de remise en état et de location. Je retrouve Mizou, comme on surnomme Jérôme Gresset, dans son magasin.

  • Jérôme Gresset

    Alors bonjour, Jérôme Gressel, magasin Sport 2000, Gabi Sport à Métabief.

  • Florence Gault

    Métabief qui a pris la décision d'arrêter le ski alpin. Le jour où vous apprenez cette nouvelle et qu'on vous fait part de ce qui va se passer dans les prochaines années, quelle a été votre réaction ?

  • Jérôme Gresset

    Alors, arrêter, on n'a pas de date, c'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est plutôt, on va dire, aller le plus longtemps qu'on peut. Mais qu'on ne peut plus vivre uniquement de ça aujourd'hui face aux incertitudes climatiques.

  • Florence Gault

    Donc quelles émotions rentrent en jeu à ce moment-là ? Est-ce qu'il y a de la colère, de l'incompréhension ?

  • Jérôme Gresset

    En fait, à ce moment-là, effectivement, quand on a toujours été, en plus, enfant d'ici, et qu'on a toujours connu le ski alpin comme ça, Eh bien, forcément, ça nous affecte. Aujourd'hui, on est obligé de s'adapter, c'est-à-dire qu'on se rend bien compte qu'il y a un changement climatique et que les hivers sont de plus en plus incertains. Donc, il fallait aussi repenser le modèle économique.

  • Florence Gault

    Donc, une fois cette phase d'annonce et donc de réussir à se projeter, comment on envisage l'avenir pour vous dans ce magasin-là ?

  • Jérôme Gresset

    Aujourd'hui, nous, au niveau du magasin, ce qu'on fait, c'est qu'on est déjà un commerce qui est ouvert à l'année, mais qu'on a fait ça déjà depuis 2009. On ne pouvait pas déjà à l'époque se permettre de vivre que de l'hiver et du produit neige. Donc il fallait qu'on trouve une activité complémentaire et cette activité complémentaire, on l'a amenée avec le vélo. Mais aujourd'hui, on a un modèle économique qui a encore aussi besoin de l'hiver. Et comme je dis souvent, c'est que sur 12 mois de l'année, il y a 3 ou 4 mois d'hiver. Donc il faut quand même bien qu'on ait une activité. C'est pour ça qu'on a encore besoin aujourd'hui du ski alpin. Mais on essaie progressivement de, on ne va pas dire réduire la voilure, mais plutôt penser à, comme c'est de plus en plus incertain, à orienter un petit peu plus sur l'activité cycle.

  • Florence Gault

    Là, ça fait quand même trois hivers que c'est plutôt compliqué, qu'il y a un certain manque de neige. Est-ce que ça vous impacte déjà aujourd'hui ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, clairement, oui, ça nous impacte.

  • Florence Gault

    Il y a des difficultés déjà économiques ?

  • Jérôme Gresset

    Oui, c'est pas facile.

  • Florence Gault

    Merci.

  • Jérôme Gresset

    A votre service.

  • Florence Gault

    Mizou essaie de rester confiant face à cet avenir pourtant bien incertain. S'il est prêt à diversifier ses activités... Il s'inquiète de la répétition d'hiver sans neige suffisante, alors que son modèle économique repose encore sur l'activité du ski. La montagne, certains des habitants de Métabier l'ont dans la peau. C'est le cas de Sylvain Authier, responsable des pistes, un passionné de montagne et de ski. Malgré le froid et le vent, nous décidons de nous rendre au sommet Moron, à 1420 mètres d'altitude, en télésiège. Et comment dire, je suis un peu sensible au vertige.

  • Sylvain Authier

    T'as pas l'air trop stressé. Il y en a, ils crient.

  • Florence Gault

    Non, je ne crie pas, mais je ne suis pas sereine...

  • Sylvain Authier

    Moi, c'est Sylvain Authier. Je suis le responsable du service des pistes de la station de Métabier. alors moi mon job c'est de veiller à la sécurité des skieurs et des pratiquants de notre domaine skiable je parle de skieurs mais aussi des snowboardeurs des gens qui font du snowscoot il ya des personnes handicapées aussi enfin tout ce genre de glisse qui sont autorisés sur le sur les pistes de ski Donc mon rôle c'est de veiller à ce que la sécurité soit assurée. Pour ça je manage une équipe de pisteurs, secouristes, qui eux s'occupent de mettre des dispositifs de protection, que ce soit les filets, les matelas, le balisage des pistes, avec les jalons, les balises, pour faire en sorte que... que les gens ne se perdent pas d'une part et puis restent sur les bons endroits. Donc nous, notre rôle principal, c'est vraiment ce rôle de prévention. Et puis après, on vient leur porter secours quand malgré tout, ils se font mal. Donc là, on est aussi secouriste pour pouvoir prendre en charge les blessés. Et là, il y a pas mal de vent et je ne sais pas si le micro...

  • Florence Gault

    Et non, le micro n'accepte pas. On n'entendra pas Sylvain nous dire qu'il s'occupe également de la neige de culture sur le domaine skiable et du damage. On va donc poursuivre l'interview au sommet, mais au chaud dans le poste de secours. D'une part, on n'y voit absolument rien avec le brouillard, et d'autre part, il fait tellement froid qu'il est impossible pour moi d'enregistrer en extérieur sans gants. Alors vous êtes un passionné de montagne ? depuis toujours. Je crois que vous étiez à Tignes avant d'arriver à Métabier. C'était il y a une dizaine d'années. Là, quand vous regardez, quand on a une vue dégagée normalement ici au sommet, mais quand vous regardez autour de vous cette montagne, qu'est-ce qu'elle vous inspire ?

  • Sylvain Authier

    Qu'est-ce qu'elle m'inspire ? C'est vrai que j'ai grandi ici, je suis natif de Métabief, donc j'ai fait mes débuts dans le métier ici. Après, c'est vrai que je suis parti à Tignes parce que... Mine de rien, il y avait déjà des fois des anomalies d'enneigement sur mes tabiers à l'époque. Donc je suis parti à Thymie faire un remplacement, mais qui a duré 11 ans. Et puis après, je suis revenu à mes origines, retour aux sources, comme on dit. Depuis 2012, avec entre autres le projet de neige de culture. un gros programme qui a permis de maintenir Metabier en vie parce que je pense que sans ça, il n'y aurait plus de ski à Metabief. Et oui, donc des changements. C'est vrai qu'à l'époque, il y avait quelques jours, voire quelques semaines dans l'hiver où les champs étaient verts. Maintenant, c'est un peu l'inverse en fait. Il n'y a que quelques jours ou quelques semaines où il y a de la neige dans les champs. Donc ça, c'est quand même assez parlant. Pour en revenir sur les changements, j'ai bossé 11 ans à Thigne. Et je peux vous dire que le glacier, en 20 ans, c'est incroyable comme ça a pu changer. Donc oui, les effets, on les voit. Personne ne peut le nier, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Là, si on regarde autour de nous, les effets du dérèglement climatique, on les voit à quoi ?

  • Sylvain Authier

    Comme je disais, les champs sont verts, donc on skie vraiment sur les pistes qui sont équipées en neige de culture, qui sont très bonnes à skier d'ailleurs. On arrive quand même à avoir des périodes de froid qui nous permettent de fabriquer en volume de la neige pour assurer quand même une longévité dans la saison, malgré les épisodes météo qui peuvent changer. Ça permet quand même de pallier à ça.

  • Florence Gault

    Est-ce que vous vous souvenez du jour où on vous a annoncé qu'à Metabief, la décision avait été prise d'arrêter, d'ici quelques années, c'est horizon 2030-2035, d'arrêter le ski alpin ?

  • Sylvain Authier

    Oui, je m'en souviens bien, oui. Après, arrêter, ce n'était pas vraiment l'objectif. On savait que l'enégement, ça n'allait pas durer. Oui. Un bon jour, certainement, ça allait s'arrêter. On n'allait plus pouvoir vivre économiquement de cette activité.

  • Florence Gault

    Et ce jour-là, il y a quoi comme émotion qui se met ? Quand la montagne, c'est votre métier, c'est votre passion, qu'est-ce qui y prime ?

  • Sylvain Authier

    C'est surtout de la tristesse, oui. C'est triste de se dire que dans nos belles montagnes, peut-être qu'un jour, on ne pourra plus faire de ski du tout. Ça fait mal, ouais, c'est sûr.

  • Florence Gault

    Alors, comment on envisage son métier dans les années à venir ?

  • Sylvain Authier

    Alors, ça, c'est une question qui est...

  • Florence Gault

    Il n'y a pas trop de réponses encore ?

  • Sylvain Authier

    Il n'y a pas trop de réponses. Moi, j'espère quand même qu'on puisse profiter de la neige quand elle sera là, même en 2040. On sait qu'il y a le réchauffement, mais il y aura quand même des épisodes où il y aura de la neige. J'espère qu'on pourra tout de même profiter de ces petits moments enneigés et pouvoir proposer de pouvoir faire du ski sur ces petites périodes. Il n'y aura peut-être plus qu'une remontée, mais celle-ci, il faut qu'elle puisse rester et qu'on puisse monter des skieurs quand il y a de la neige.

  • Florence Gault

    Comment vous avez vécu la fermeture de Piquemiette ? 30% du domaine skiable ? qui aujourd'hui n'est plus accessible. Quelque part, c'est un peu le début de la fin qui s'est enclenché.

  • Sylvain Authier

    Alors oui, c'est sûr que c'est une étape majeure dans la vie de la station. Ça nous fait mal. Tout le monde a l'empathie de cette décision, mais je pense que cette décision, elle était inévitable justement pour pouvoir continuer l'activité, c'est-à-dire que... Les moyens qu'on mettait là-bas sont concentrés sur le versant de métabier. Et du coup, on optimise les conditions d'enneigement d'une part et de frais de fonctionnement aussi. Donc, ça nous permet d'aller plus loin dans la vie de Metabief.

  • Florence Gault

    Cette transition n'aurait pas été possible sans une volonté politique forte. On l'a vu la semaine dernière avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, poser un diagnostic ne suffit pas. Il faut aussi avoir le courage d'agir, d'assumer des choix difficiles et d'entraîner tout un territoire dans une nouvelle direction. Cette décision politique a été portée par Philippe Alpy, président du syndicat mixte du Mont d'Or et vice-président horizon du conseil départemental du Doubs. Je le retrouve au village. Alors quand vous arrivez à la présidence du syndicat en 2015, c'est 24 millions d'euros qui sont annoncés d'investissement, donc 15 millions pour deux remontées mécaniques. Dix ans plus tard, est-ce que vous vous dites que vous avez fait le bon choix en refusant d'investir dans ces remontées ?

  • Philippe Alpy

    Bien évidemment, dix ans plus tard, je confirme plus que notre intuition, parce qu'à l'époque, ce n'est pas parce que le papier se laisse écrire. et qu'une décision avait été prise d'une orientation avec des investissements lourds, programmés, qu'on était même en capacité de les réaliser rien que sur le volet environnemental où on avait déjà des signaux très forts pour faire passer ces lignes nouvelles. Donc ça, c'est déjà le premier point qu'il faut poser en termes d'aménageurs du territoire. Et le deuxième point, c'était la capacité à amortir de tels investissements sur la durée de façon raisonnable. On gère de l'argent public et en plus, on avait par notre culture scientifique, Olivier Rahr. Et moi-même, moi-même qui suis aussi agriculteur, les sécheresses ça me parle, les temps compliqués de ce qu'on vit en termes professionnels, fait qu'on a une sensibilité particulière et déjà en... 2015, on était très sensibles au phénomène de manque de neige ou d'excès qu'on peut avoir à gérer. On a pris acte.

  • Florence Gault

    Dès le départ, vous n'étiez pas dans une démarche de conviction qu'il fallait absolument arrêter le ski alpin.

  • Philippe Alpy

    On va dire qu'il y a quand même un sentiment premier de dire qu'on travaille avec l'or blanc, qui est un produit caprice des temps, qui se fait depuis plus en plus rare et qui sur cette montagne du jura au travers d'expériences du nordique mais aussi de l'alpin on voit bien que d'une année à l'autre ça se ressemble pas et que les pour véritablement vivre de façon sereine une gestion d'une station de ski il faut 100 jours d'ouverture donc on voit bien que ces objectifs là sont de plus en plus difficiles à atteindre donc objectivement les choses sont posées et après Toute la difficulté, c'est de convaincre la gouvernance.

  • Florence Gault

    Effectivement, pour les élus autour de vous, il y a eu un temps de deuil. Olivier Erard me disait d'ailleurs que le passage à l'échelle passe nécessairement par le chaos. Olivier disait même qu'il a fallu parfois filouter.

  • Philippe Alpy

    C'est vrai qu'on a adopté une méthode, on va dire qu'entre Olivier et moi-même, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette dans l'écriture du scénario. C'est triste à dire, mais le challenge... Aujourd'hui, on est quand même en responsabilité de 140 salariés en pleine saison. On a une responsabilité sociétale, il y a des familles derrière, il y a tout un écosystème. Il y a aussi tous les commerçants, les hébergeurs, les restaurateurs. Donc on n'a pas le droit d'être irresponsable quand vous avez des élus autour de table, qui sont dans une culture de « c'est au département de payer » . Et de toute façon, cet investissement, il le faut parce que les équipements sont vieillissants et puis de toute façon, il faut faire l'investissement. Convaincre ces élus qui ne sont pas forcément au même niveau d'information, d'acculturation avec ces aspects de changement, ça a été un travail de fond. Et comme on le dit avec Olivier, comme on l'a souvent dit, il a fallu cranter les étapes, c'est-à-dire apporter l'information. Distiller l'information ? Alors moi je dirais pas filouter, ça c'est ses propos à Olivier, parce que quelque part, c'est un peu Machiavel, certes. Mais il faut servir des hommes de leur caractère pour arriver à un moment, à leur faire comprendre qu'on a atteint le point de non-retour. Alors c'est sûr, c'est un deuil. C'était pénible pour certains élus. Mais ils étaient autour de table. Ils ont assumé leur responsabilité. Je les remercie.

  • Florence Gault

    Et vous, comment vous le vivez à titre humain ? Comment on décide d'y aller en tant qu'élu ? Certains m'ont dit quand j'ai préparé ce reportage que vous étiez un peu dans une position sacrificielle alors de toute façon quand on est président d'abord on est souvent seul quand tout va bien il ya beaucoup de monde quand ça va moins bien on est franchement seul quand on nous donne une lettre admission quand on est élu et qu'on est digne de ce nom si on occupe la place fois les jusqu'au bout Effectivement, il y a un côté sacrifice. Parce qu'il y a des politiques qui font de la politique politicienne, qui sont dans la démagogie permanente. C'est jamais le bon moment. On ne prend pas la responsabilité, mais on reporte. Ça me fait penser à la dette climatique, vous savez, on reporte. Mais un jour, il y a un langage de vérité. La jeunesse va se révolter et on en prendra plein la gueule. Alors la décision a été actée, mais on est encore bien loin de l'adhésion totale. de tous les acteurs socioprofessionnels autour de cette fin du ski alpin. Il y a évidemment la question de l'émotion qui est très présente, du deuil aussi. Comment on gère justement ces réactions ?

  • Philippe Alpy

    Je vais vous dire honnêtement, l'élu, quand le 20 août, il sort du SMMO ou face à ses salariés qui ont contribué, ou... à l'écriture des scénarii du possible je pense que tout le monde vit un malaise terrible vous imaginez Les membres du Codire, qui aiment plus que tout la montagne, qui en ont fait le choix de vie, leur métier, disent au président, accompagné du cabinet d'audit, « Écoutez, président, on n'a pas le choix. Si on veut répondre au cas des charges que le département a posé, si on veut éviter le pire... » C'est ça. Et ça, c'est pas les huit suspensions d'activité de téléski qu'on avait envisagé. C'est Pic Miette et son cortège d'équipement et bien sûr le côté emblématique de Pic Miette. Croyez-vous que je suis sans sentiments, sans émotions ? Les gens, ils n'ont pas d'état d'âme à cet égard-là. Je suis un voyou, j'ai le sang froid. Non, je pense que je rentre chez moi, je... J'imagine la lettre d'admission qui est la mienne.

  • Florence Gault

    Vous avez douté à des moments ?

  • Philippe Alpy

    Je n'ai jamais douté. Que des hommes et des femmes aient des émotions. Les émotions ne justifient pas les insultes, les émotions ne justifient pas les bousculades, les émotions ne justifient pas les menaces et tout le cortège, je ne vais pas dire diffamant autour, c'est juste la faiblesse, les gens se révèlent au travers de leur faiblesse, parce que la réalité elle est celle-ci.

  • Florence Gault

    Metabief est aujourd'hui un modèle pour les autres stations ?

  • Philippe Alpy

    Alors, Métabief n'a pas la prétention d'être un modèle, parce qu'il faut faire preuve d'humilité. Il n'y a pas une station qui se ressemble. Une station Fontevallée ne gérerait pas de la même façon. Le département ne serait peut-être pas dans la même démarche. Ici, on est en milieu ouvert. S'il n'y a plus de ski, le territoire vit. C'est quand même une des réalités. C'est un milieu très ouvert avec le volet frontalier et la Suisse, qui fait que l'immobilier, ce n'est pas un problème. Vous avez d'autres stations. Aller prétendre que c'est un modèle, non, je ne le ferai pas. Parce que vous avez des stations, je suis confronté à des élus qui n'ont que cette activité-là dans leur vallée, et la station est le moteur de la vallée. Le moteur pour l'économie pastorale, le moteur touristique, le moteur pour l'économie immobilière, et le moteur pour le tourisme sur la vallée. Donc c'est complexe. C'est complexe. Nous, on l'a abordé avec Olivier et puis l'ensemble des personnes qui ont participé à nos travaux. On l'a abordé, après on l'a habillé, de méthodes systémiques complexes et compagnie. C'est facile à dire. Mais avec Olivier, on a plutôt été, en se disant, l'objectif à atteindre, c'est celui-ci, pérenniser l'activité, ce qui est le plus longtemps possible, modestement, avec les moyens dont on dispose. en limitant les investissements lourds.

  • Florence Gault

    Il y aurait encore tant à dire. Si la transition est engagée, la route... reste longue pour m'établier, toutes les réponses ne sont pas encore trouvées, mais la station fait le pari du collectif, de la coopération et de l'ouverture. Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l'intégralité de mon entretien avec Olivier Erard, l'ancien directeur de la station, qui sera diffusé dans 15 jours. Dans son livre « Le Passeur » , paru aux éditions Inverse, il revient sur cette transformation qu'il a pilotée. Un retour d'expérience dont les enseignements pourrait bien inspirer d'autres démarches, et ce, bien au-delà des stations de ski. Rendez-vous donc prochainement dans En un battement d'aile.

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