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ENFANT DE LA SHOAH

SIMON - 6 ANS - partie 1 - DE L'EXODE A LA RAFLE DU VELD'HIV

SIMON - 6 ANS - partie 1 - DE L'EXODE A LA RAFLE DU VELD'HIV

20min |27/01/2025
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20min |27/01/2025
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Description

En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté.

Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection.

Un an plus tard, sa mère le rejoint. Ensemble, ils s’installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d’Europe centrale, puis se marient.

C’est à l’hôpital Rothschild, comme beaucoup d’enfants juifs à cette période, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d’une famille modeste avec Robert, son frere de 13 ans son ainé et Edmond, qui naitra lui 6 ans tard, en 1940 au moment ou   la guerre bouleversera leur quotidien.

Simon n’a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part, à l’exode. La famille quitter Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l’arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps.

Nous sommes en 1940. Simon a 6 ans..

Alors que les derniers témoins de cette période tragique de notre histoire s’éteignent, il devient plus crucial que jamais de préserver et de transmettre leurs récits. Ces témoignages sont des trésors inestimables, des fragments de mémoire qui éclairent le présent et construisent l’avenir. Je vous invite à partager ces histoires avec vos proches : envoyez-leur les liens du podcast, encouragez-les à s’abonner pour ne manquer aucun épisode. Chaque écoute, chaque partage est une pierre supplémentaire à l’édifice de la mémoire collective.


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire de la Shoah en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie

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Transcription

  • Simon

    Mon nom c'était Pessah et comme mon père est arrivé en France, il ne parlait pas. Et l'officier d'état civil a dû écrire Peissak avec un K pour franciser son nom. Mon père a dit qu'il était réfugié russe, qu'il était né à Grenoble. Ce n'est pas vrai. Il était né à Varsovie. Mais à cette époque-là, la France accueillait les réfugiés russes alors que les Polonais avaient un peu plus de mal. Donc sur tous les papiers, il y a marqué Moïse Peissac né à Grenoble

  • intro

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents, cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs. Jamais. Se taire. Affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout, ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi. Ils ont 80, 90 ans et plus. Ils sont la mémoire de la guerre. Ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté. Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection. Un an plus tard, la maman de Simon le rejoint. Ils s'installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d'Europe centrale, puis se marient. C'est à l'hôpital Rothschild, comme beaucoup d'enfants juifs à cette époque, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d'une famille modeste, avec Robert, son frère de 13 ans son aîné, et Edmond, qui naîtra lui six ans plus tard, en 1940, au moment où la guerre bouleversera leur quotidien. Simon n'a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part à l'Exode. La famille quitte Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l'arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps. Nous sommes en 1940, Simon, enfant de la Shoah, a 6 ans.

  • Simon

    Ce que je sais, c'est qu'on est vite revenus à Paris. Parce que j'ai vu l'entrée des troupes allemandes à Paris. Je l'ai vu au coin de la rue Belleville et de la rue Jouye-Rouve. Et je sais que je regardais ça comme, dans le fond, comme on regarde un film d'aventure. J'en voyais pas le danger. Mais c'était un spectacle, c'était pas mal. Et là, je me suis retrouvé dans une maison. pour enfants atteints de tuberculose à Montigny-sur-Loing. Je n'avais pas de tuberculose, le moins que je puisse dire. Pendant très longtemps, je ne savais pas ce que je faisais là. Et Colette a fait des recherches. Et l'école de la rue Ramponneau, pour protéger les enfants juifs, les a envoyés dans cette maison en disant qu'ils étaient malades. Et après, on m'a ramené à Paris. Et là, je crois que j'ai vécu un des plus grands traumatismes. Je m'en souviens très bien. Je suis rentré, il y avait tout le monde, il y avait ma tante, la cousine, et puis j'étais content de retrouver, je m'en souviens. Et ma mère a dit, mais tu ne demandes pas après ton père, il n'est pas là. Il avait été raflé dans une rue et il était à Drancy. Et je ne m'étais pas aperçu, qu'il n'était pas là. Je ne peux pas me pardonner ça. On lui a écrit. De temps en temps, on écrivait des lettres à Drancy. Et à un moment, plus rien. Donc ma mère a décidé de partir. Mais pourquoi ? Parce qu'il y a eu la rafle du Veld'Hiv. Un matin, alors là, je le vois. Par la fenêtre, rue Lesage. Il y avait plein d'autobus de la RATP, des voitures de police. Et ils sont rentrés dans la maison. J'ai entendu des bruits. On a cassé des portes. J'ai appris il n'y a pas longtemps que... les gouvernements de Vichy avaient donné l'ordre de rafler les juifs. Il appartenait au commissaire de quartier et de frapper aux portes ou de casser les portes et de rentrer quand même. Et notre commissaire, qui était sûrement un homme très bien, un grand humaniste, lui, il donnait l'ordre. Donc j'ai vu cette police française. On peut me raconter ce qu'on veut, mais moi j'ai vu la police française. On était au premier étage. Au fond du couloir, l'escalier, j'ai vu la police, ma tante blanche, ma cousine Huguette, 13 ans, les parents de ma tante, quel âge ils avaient, j'en sais rien, pour moi, à ce moment-là, avec mes yeux d'enfant, c'était des vieux, des vieilles personnes, ils ne sont pas venus chez nous. Peut-être mon nom Peissac peut avoir une résonance française, il y a une ville de Pessac. C'est la seule hypothèse que je peux faire, j'en ai pas d'autre. Et on est sortis avec ma mère, on comprenait pas ce qu'il... Enfin, moi je comprenais pas, ma mère peut-être. Et le policier français, en passant devant nous, a dit, vous connaissez cette petite ? Ma mère a dit, ben oui, c'est ma nièce. Il a dit, prenez-la avec vous. ma tante blanche a dit non je ne me séparerai pas de ma fille. On ne l'a jamais revue. elle est inscrite sur le mur de la choix paris. Il y a marqué "Huguette, 13 ans". En face de chez nous il y avait la famille finkelstein avec deux enfants lilly et jano, je me souviens très bien C'était des petits comme moi, 6-7 ans, on ne les a jamais revus non plus. Donc j'ai vu la rafle du Veld'Hiv, mais vraiment, pourquoi je suis encore là ? Alors ça, après d'autres événements, moi ça m'a développé une sorte de culpabilité, et pourquoi moi je suis encore là, je ne sais pas. j'ai pas d'explication. Très rapidement je crois, ça a pas duré longtemps, ma mère a décidé de partir avec mon frère et puis Edmond qui était en bas âge. Et moi pourquoi elle a dit que j'irais chez ma tante à Montfermeil ? Et pourquoi eux ils sont partis tous à grenoble ? Ma mère était à Grenoble. Je l'ai appris après, elle était femme de ménage dans une ferme qui en même temps la cachait. C'était des gens bien. Elle leur a appris à faire du strudel et tout ça. Mais mon frère Edmond a été placé dans une maison d'enfants, genre les enfants d'Isieux. Et ce n'était pas Isieux. Et ce qu'on sait, c'est qu'après l'histoire d'Isieux, la directrice a envoyé tous les enfants dans des familles. Edmond, il a été envoyé dans une famille "Mounier" à Pont-en-Royans, famille qui n'avait pas d'enfant et ils ont voulu l'adopter. ce qui fait qu'Edmond ne s'appelait plus Edmond Pessac, il s'appelait Jean-Claude Mounier. J'arrive à Montfermeil, chez ma tante, ma tante Sabine, c'était une des sœurs de ma mère. Au début, on m'a emmené à l'école. Je sais que la rentrée était déjà faite. Tout le monde savait où aller. Et moi, j'étais dans cette cour d'école. Et j'étais là, je ne comprenais rien. Je ne savais pas où aller. Je me suis fait un petit copain dans la cour. Et puis, au moment où on a sifflé, j'ai été avec lui, me mettre dans une file. Je crois qu'on ne m'avait pas fixé. Je me suis mis dans une file qui rentre en une classe. Et finalement... Il semble que cette classe n'était pas celle qui était pour moi, c'était celle qui était au-dessus. Mais pour une raison que je ne sais pas, on m'a laissé dans la classe dans laquelle je me débrouillais très bien. Je me rappelle que j'avais été deuxième à la fin du mois, ça avait été bien. Il faisait froid l'hiver et la voisine m'avait offert des chaussons fourrés en peau de lapin. C'est l'une des plus belles choses que j'ai eues de ma vie parce que j'avais froid aux pieds mais pas froid comme ça, parce que les hivers 42-43 étaient très très rudes. Il y avait beaucoup de neige et il faisait horriblement froid. Il faut dire aussi qu'on n'avait pas de bois. J'allaisq en voler quand je pouvais. Mais donc on avait horriblement froid. Donc ces chaussons fourrés en peau de lapin, c'est une des plus belles choses qu'on puisse avoir dans la vie. Maintenant ça ferait rire. Mais quand même, ça c'était important. Ma cousine Germaine vivait avec nous. Elle partait le matin à 5 heures du matin. Elle faisait 4 kilomètres à pied pour aller à la gare de Gagny. Elle prenait le train, elle allait à Paris. Elle travaillait dans une entreprise de vêtements dont la patronne savait qu'elle était juive et la protégeait. Elle rentrait le soir et elle refaisait les 4 kilomètres à pied. Il était 11 heures du soir quand elle arrivait. Comment on peut imaginer le courage de ces femmes qui faisaient des choses hors du commun quand même ? Elle a fait ça tous les jours. Et l'hiver, dans la neige, elle faisait…

  • intro

    Et là, j'ai vécu un énorme traumatisme dont je ne me guérirai jamais. On avait faim. Et pour une raison, on avait eu des pâtes. Et ma tante avait fait cuire des pâtes. et elle est partie au devant de ma cousine avec la lampe électrique parce qu'il y avait de la neige et moi j'étais devant les pates et j'ai goûté; j'ai goûté une fois trois fois cinq fois et quand ma cousine est arrivée il n'y avait plus de pates. Elle n'avait rien à manger. On ne peut pas guérir de ça c'est imprimé à jamais dans mon histoire. Elle est partie se coucher sans rien manger et repartie le lendemain matin. J'ai échappé à la rafle du veldiv et j'ai réchappé une deuxième fois par quelque chose absolument inouï. A vec ma tante on a cousu nos étoiles jaunes et on est partis à paris pour aller faire quoi je sais pas. A la gare de l'est on monte l'escalier et là des miliciens avec les brassards miliciens je les vois hein, c'était des jeunes. Ils nous arrêtent et j'avais l'étoile jaune et avec nous y avait mme Vermelaine, quatre-vingts ans. C'était une dame luxembourgeoise qui venait avec nous à Paris et mme Vermeline, pour le peu que je me souvienne, pas par conviction religieuse, idéologique, rien… elle a sorti son parapluie, elle leur a donné des coups, elle a dit "Vous n'avez pas honte, vous êtes des Français, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Non mais c'est honteux". Mme Vermelaine, 80 ans, elle a simplement dit "Non, là, il y a des choses qu'on ne peut pas faire dans la vie". Et ils nous ont laissé partir. Mme Vermelaine, c'est quelqu'un d'inoui. Et bien, il est arrivé un truc. Le directeur d'école, M. Maury, a dit à ma tante "Simon ne doit plus revenir à l'école. On m'a demandé de signaler s'il y a des enfants juifs. Donc, je ne le connais pas. Il ne vient pas à l'école". Et je n'allais plus à l'école. Je ne comprenais pas pourquoi. Très honnêtement, je ne comprenais pas. Des fois, j'allais jouer avec des enfants. Ils me disaient "Mais pourquoi tu ne viens plus à l'école ?" Je ne savais pas quoi répondre. Je me rappelle avoir dit "Oh, ma tante est malade, il faut que je reste à la maison" ce qui était une imbécilité, mais c'était incompréhensible. Ce gouvernement de Vichy privait les enfants d'aller à l'école, c'est quand même la pire des choses qu'on puisse faire. Et puis, le maire, par une espèce d'artifice dont je ne m'explique pas, on a été rayé des listes, on n'existait plus. on n'avait plus de carte d'alimentation, on n'avait plus rien, mais on existait pas on était sauvés ! J'ai vu une fois une patrouille allemande à Montfermeil, c'est tout mais on avait rien à bouffer, en tout cas on mangeait plus. On avait un bout de jardin donc je me rappelle que on avait eu des pommes de terre, je les coupais en quatre pour Planter quatre morceaux en terre pour en avoir plus, ça marchait, hein ! On ne mangeait pas grand chose et puis très honnêtement j'allais voler dans les jardins. j'étais un petit voleur, je volais des légumes l'été tout ça, des pommes de terre, des fruits. les voisins, madame Perrot madame Varagne, des fois ils me donnaient quelque chose à manger Dans la maison à Montfermeil, il n'y avait pas d'eau. Il y avait les WC au fond du jardin, mais il n'y avait pas l'eau courante. Donc mon premier travail, le matin et le soir, avec deux brocs, j'allais chercher de l'eau à la fontaine. Et moi j'étais plutôt chétif, en plus pas très bien nourri. A chaque fois, ces deux brocs d'eau, ça faisait deux fois dix litres, vingt kilos,je les ai en mémoire. Des fois, comme tout enfant, ma tante m'engueulait, je faisais des bêtises. Et je rêvais… ma mère va venir me chercher. C'était des rêves d'enfant. Et puis, je me battais pour avoir du bois. Avec un gars, on est parti avec la brouette. Une scie à main, on a abattu un petit arbre, il ne devait pas être bien gros. On l'a coupé en morceaux, on l'a mis dans la brouette. C'était loin. Et lui, il y a son grand-père qui est venu au-devant de lui. Et il a pris la brouette. Mais moi, je me suis retrouvé tout seul avec cette brouette pleine de bois que je n'arrivais pas à traîner. Et puis, je ne sais pas comment je suis rentré dans un état… Je n'aurais pas abandonné ce bois pour rien au monde. C'était une mine d'or. Et j'ai fait un truc inouï. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. J'ai donné la moitié à Mme Varagne en face. Ma tante m'a dit "ça ne va pas, on n'a rien, et toi tu en donnes la moitié" Elle m'a engueulé, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mme Varagne, ce n'était pas rien. Mme Varagne, elle avait une bibliothèque. Et moi, j'allais chez elle, et elle me donnait libre accès à sa bibliothèque. J'avais 6 ans, 7 ans. Il n'y avait pas de livre d'enfant. La littérature enfantine, il n'y en avait pas à cette époque-là. C'était la Comtesse de Ségur ou Jules Verne. C'était ça la littérature enfantine. Il y avait ça. Mais il y avait d'autres livres. Je prenais n'importe quoi, n'importe comment. Je me rappelle avoir lu "Le Train bleu" d'Agatha Christie. Je me suis filé une frousse de tous les diables parce que j'avoue que je ne comprenais pas très bien. Mais j'ai lu. J'ai lu le "Comte de Monte Cristo", un pavé de comme ça. J'avais 7 ans. J'ai lu Maupassant, j'ai lu Flaubert, j'ai lu "le Rouge et le Noir". Je ne comprenais pas grand-chose, mais je lisais. Parce que je n'avais rien d'autre à faire, je n'allais pas à l'école. Donc Mme Varagne, elle m'a donné les livres. Et ça, c'était un cadeau absolument extraordinaire. Ce qui fait qu'à la fin de la guerre, quand je suis revenu à Paris, sur le plan littéraire, j'avais ce qu'il fallait. Par contre, sur le plan des maths, je fais un petit aparté. M. Grappin, professeur de mathématiques, en 1945, il m'a dit "Eh toi, le petit juif, tu dois savoir compter !". Eh bien, c'était fini pour les maths pour moi, je n'en ai plus jamais fait. M. Grappin, je le revois. Il avait des cheveux blancs filasses, des yeux bleus, pendant de longues années, chaque fois que je voyais quelqu'un de blond ou des yeux bleus, j'avais un mouvement de recul.

  • Speaker #1

    C'est la fin de la première partie du récit de Simon, petit enfant de la Shoah. Dans le second épisode, Simon nous racontera les messages du général de Gaulle sur Radio Londres, la fin de la guerre, son retour à Paris, puis son expédition pour tenter de récupérer son petit frère. Merci infiniment, cher Simon, pour ces premières confidences et pour votre générosité. Merci à vous, chers auditeurs qui me suivez, qui avez écouté cet épisode. Aujourd'hui plus que jamais, alors que les derniers témoins directs de cette époque terrible disparaissent, je suis convaincue qu'il est urgent de recueillir ces récits précieux et surtout de les partager. Alors partagez à votre tour ces souvenirs avec vos proches, transférez-leur les liens du podcast disponibles sur toutes les plateformes d'écoute afin qu'ils puissent s'abonner pour ne rater aucun épisode. Votre soutien est essentiel pour faire vivre ces histoires et garder une trace de notre passé. Merci. Allez, salut !

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En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté.

Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection.

Un an plus tard, sa mère le rejoint. Ensemble, ils s’installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d’Europe centrale, puis se marient.

C’est à l’hôpital Rothschild, comme beaucoup d’enfants juifs à cette période, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d’une famille modeste avec Robert, son frere de 13 ans son ainé et Edmond, qui naitra lui 6 ans tard, en 1940 au moment ou   la guerre bouleversera leur quotidien.

Simon n’a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part, à l’exode. La famille quitter Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l’arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps.

Nous sommes en 1940. Simon a 6 ans..

Alors que les derniers témoins de cette période tragique de notre histoire s’éteignent, il devient plus crucial que jamais de préserver et de transmettre leurs récits. Ces témoignages sont des trésors inestimables, des fragments de mémoire qui éclairent le présent et construisent l’avenir. Je vous invite à partager ces histoires avec vos proches : envoyez-leur les liens du podcast, encouragez-les à s’abonner pour ne manquer aucun épisode. Chaque écoute, chaque partage est une pierre supplémentaire à l’édifice de la mémoire collective.


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire de la Shoah en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

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Transcription

  • Simon

    Mon nom c'était Pessah et comme mon père est arrivé en France, il ne parlait pas. Et l'officier d'état civil a dû écrire Peissak avec un K pour franciser son nom. Mon père a dit qu'il était réfugié russe, qu'il était né à Grenoble. Ce n'est pas vrai. Il était né à Varsovie. Mais à cette époque-là, la France accueillait les réfugiés russes alors que les Polonais avaient un peu plus de mal. Donc sur tous les papiers, il y a marqué Moïse Peissac né à Grenoble

  • intro

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents, cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs. Jamais. Se taire. Affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout, ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi. Ils ont 80, 90 ans et plus. Ils sont la mémoire de la guerre. Ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté. Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection. Un an plus tard, la maman de Simon le rejoint. Ils s'installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d'Europe centrale, puis se marient. C'est à l'hôpital Rothschild, comme beaucoup d'enfants juifs à cette époque, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d'une famille modeste, avec Robert, son frère de 13 ans son aîné, et Edmond, qui naîtra lui six ans plus tard, en 1940, au moment où la guerre bouleversera leur quotidien. Simon n'a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part à l'Exode. La famille quitte Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l'arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps. Nous sommes en 1940, Simon, enfant de la Shoah, a 6 ans.

  • Simon

    Ce que je sais, c'est qu'on est vite revenus à Paris. Parce que j'ai vu l'entrée des troupes allemandes à Paris. Je l'ai vu au coin de la rue Belleville et de la rue Jouye-Rouve. Et je sais que je regardais ça comme, dans le fond, comme on regarde un film d'aventure. J'en voyais pas le danger. Mais c'était un spectacle, c'était pas mal. Et là, je me suis retrouvé dans une maison. pour enfants atteints de tuberculose à Montigny-sur-Loing. Je n'avais pas de tuberculose, le moins que je puisse dire. Pendant très longtemps, je ne savais pas ce que je faisais là. Et Colette a fait des recherches. Et l'école de la rue Ramponneau, pour protéger les enfants juifs, les a envoyés dans cette maison en disant qu'ils étaient malades. Et après, on m'a ramené à Paris. Et là, je crois que j'ai vécu un des plus grands traumatismes. Je m'en souviens très bien. Je suis rentré, il y avait tout le monde, il y avait ma tante, la cousine, et puis j'étais content de retrouver, je m'en souviens. Et ma mère a dit, mais tu ne demandes pas après ton père, il n'est pas là. Il avait été raflé dans une rue et il était à Drancy. Et je ne m'étais pas aperçu, qu'il n'était pas là. Je ne peux pas me pardonner ça. On lui a écrit. De temps en temps, on écrivait des lettres à Drancy. Et à un moment, plus rien. Donc ma mère a décidé de partir. Mais pourquoi ? Parce qu'il y a eu la rafle du Veld'Hiv. Un matin, alors là, je le vois. Par la fenêtre, rue Lesage. Il y avait plein d'autobus de la RATP, des voitures de police. Et ils sont rentrés dans la maison. J'ai entendu des bruits. On a cassé des portes. J'ai appris il n'y a pas longtemps que... les gouvernements de Vichy avaient donné l'ordre de rafler les juifs. Il appartenait au commissaire de quartier et de frapper aux portes ou de casser les portes et de rentrer quand même. Et notre commissaire, qui était sûrement un homme très bien, un grand humaniste, lui, il donnait l'ordre. Donc j'ai vu cette police française. On peut me raconter ce qu'on veut, mais moi j'ai vu la police française. On était au premier étage. Au fond du couloir, l'escalier, j'ai vu la police, ma tante blanche, ma cousine Huguette, 13 ans, les parents de ma tante, quel âge ils avaient, j'en sais rien, pour moi, à ce moment-là, avec mes yeux d'enfant, c'était des vieux, des vieilles personnes, ils ne sont pas venus chez nous. Peut-être mon nom Peissac peut avoir une résonance française, il y a une ville de Pessac. C'est la seule hypothèse que je peux faire, j'en ai pas d'autre. Et on est sortis avec ma mère, on comprenait pas ce qu'il... Enfin, moi je comprenais pas, ma mère peut-être. Et le policier français, en passant devant nous, a dit, vous connaissez cette petite ? Ma mère a dit, ben oui, c'est ma nièce. Il a dit, prenez-la avec vous. ma tante blanche a dit non je ne me séparerai pas de ma fille. On ne l'a jamais revue. elle est inscrite sur le mur de la choix paris. Il y a marqué "Huguette, 13 ans". En face de chez nous il y avait la famille finkelstein avec deux enfants lilly et jano, je me souviens très bien C'était des petits comme moi, 6-7 ans, on ne les a jamais revus non plus. Donc j'ai vu la rafle du Veld'Hiv, mais vraiment, pourquoi je suis encore là ? Alors ça, après d'autres événements, moi ça m'a développé une sorte de culpabilité, et pourquoi moi je suis encore là, je ne sais pas. j'ai pas d'explication. Très rapidement je crois, ça a pas duré longtemps, ma mère a décidé de partir avec mon frère et puis Edmond qui était en bas âge. Et moi pourquoi elle a dit que j'irais chez ma tante à Montfermeil ? Et pourquoi eux ils sont partis tous à grenoble ? Ma mère était à Grenoble. Je l'ai appris après, elle était femme de ménage dans une ferme qui en même temps la cachait. C'était des gens bien. Elle leur a appris à faire du strudel et tout ça. Mais mon frère Edmond a été placé dans une maison d'enfants, genre les enfants d'Isieux. Et ce n'était pas Isieux. Et ce qu'on sait, c'est qu'après l'histoire d'Isieux, la directrice a envoyé tous les enfants dans des familles. Edmond, il a été envoyé dans une famille "Mounier" à Pont-en-Royans, famille qui n'avait pas d'enfant et ils ont voulu l'adopter. ce qui fait qu'Edmond ne s'appelait plus Edmond Pessac, il s'appelait Jean-Claude Mounier. J'arrive à Montfermeil, chez ma tante, ma tante Sabine, c'était une des sœurs de ma mère. Au début, on m'a emmené à l'école. Je sais que la rentrée était déjà faite. Tout le monde savait où aller. Et moi, j'étais dans cette cour d'école. Et j'étais là, je ne comprenais rien. Je ne savais pas où aller. Je me suis fait un petit copain dans la cour. Et puis, au moment où on a sifflé, j'ai été avec lui, me mettre dans une file. Je crois qu'on ne m'avait pas fixé. Je me suis mis dans une file qui rentre en une classe. Et finalement... Il semble que cette classe n'était pas celle qui était pour moi, c'était celle qui était au-dessus. Mais pour une raison que je ne sais pas, on m'a laissé dans la classe dans laquelle je me débrouillais très bien. Je me rappelle que j'avais été deuxième à la fin du mois, ça avait été bien. Il faisait froid l'hiver et la voisine m'avait offert des chaussons fourrés en peau de lapin. C'est l'une des plus belles choses que j'ai eues de ma vie parce que j'avais froid aux pieds mais pas froid comme ça, parce que les hivers 42-43 étaient très très rudes. Il y avait beaucoup de neige et il faisait horriblement froid. Il faut dire aussi qu'on n'avait pas de bois. J'allaisq en voler quand je pouvais. Mais donc on avait horriblement froid. Donc ces chaussons fourrés en peau de lapin, c'est une des plus belles choses qu'on puisse avoir dans la vie. Maintenant ça ferait rire. Mais quand même, ça c'était important. Ma cousine Germaine vivait avec nous. Elle partait le matin à 5 heures du matin. Elle faisait 4 kilomètres à pied pour aller à la gare de Gagny. Elle prenait le train, elle allait à Paris. Elle travaillait dans une entreprise de vêtements dont la patronne savait qu'elle était juive et la protégeait. Elle rentrait le soir et elle refaisait les 4 kilomètres à pied. Il était 11 heures du soir quand elle arrivait. Comment on peut imaginer le courage de ces femmes qui faisaient des choses hors du commun quand même ? Elle a fait ça tous les jours. Et l'hiver, dans la neige, elle faisait…

  • intro

    Et là, j'ai vécu un énorme traumatisme dont je ne me guérirai jamais. On avait faim. Et pour une raison, on avait eu des pâtes. Et ma tante avait fait cuire des pâtes. et elle est partie au devant de ma cousine avec la lampe électrique parce qu'il y avait de la neige et moi j'étais devant les pates et j'ai goûté; j'ai goûté une fois trois fois cinq fois et quand ma cousine est arrivée il n'y avait plus de pates. Elle n'avait rien à manger. On ne peut pas guérir de ça c'est imprimé à jamais dans mon histoire. Elle est partie se coucher sans rien manger et repartie le lendemain matin. J'ai échappé à la rafle du veldiv et j'ai réchappé une deuxième fois par quelque chose absolument inouï. A vec ma tante on a cousu nos étoiles jaunes et on est partis à paris pour aller faire quoi je sais pas. A la gare de l'est on monte l'escalier et là des miliciens avec les brassards miliciens je les vois hein, c'était des jeunes. Ils nous arrêtent et j'avais l'étoile jaune et avec nous y avait mme Vermelaine, quatre-vingts ans. C'était une dame luxembourgeoise qui venait avec nous à Paris et mme Vermeline, pour le peu que je me souvienne, pas par conviction religieuse, idéologique, rien… elle a sorti son parapluie, elle leur a donné des coups, elle a dit "Vous n'avez pas honte, vous êtes des Français, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Non mais c'est honteux". Mme Vermelaine, 80 ans, elle a simplement dit "Non, là, il y a des choses qu'on ne peut pas faire dans la vie". Et ils nous ont laissé partir. Mme Vermelaine, c'est quelqu'un d'inoui. Et bien, il est arrivé un truc. Le directeur d'école, M. Maury, a dit à ma tante "Simon ne doit plus revenir à l'école. On m'a demandé de signaler s'il y a des enfants juifs. Donc, je ne le connais pas. Il ne vient pas à l'école". Et je n'allais plus à l'école. Je ne comprenais pas pourquoi. Très honnêtement, je ne comprenais pas. Des fois, j'allais jouer avec des enfants. Ils me disaient "Mais pourquoi tu ne viens plus à l'école ?" Je ne savais pas quoi répondre. Je me rappelle avoir dit "Oh, ma tante est malade, il faut que je reste à la maison" ce qui était une imbécilité, mais c'était incompréhensible. Ce gouvernement de Vichy privait les enfants d'aller à l'école, c'est quand même la pire des choses qu'on puisse faire. Et puis, le maire, par une espèce d'artifice dont je ne m'explique pas, on a été rayé des listes, on n'existait plus. on n'avait plus de carte d'alimentation, on n'avait plus rien, mais on existait pas on était sauvés ! J'ai vu une fois une patrouille allemande à Montfermeil, c'est tout mais on avait rien à bouffer, en tout cas on mangeait plus. On avait un bout de jardin donc je me rappelle que on avait eu des pommes de terre, je les coupais en quatre pour Planter quatre morceaux en terre pour en avoir plus, ça marchait, hein ! On ne mangeait pas grand chose et puis très honnêtement j'allais voler dans les jardins. j'étais un petit voleur, je volais des légumes l'été tout ça, des pommes de terre, des fruits. les voisins, madame Perrot madame Varagne, des fois ils me donnaient quelque chose à manger Dans la maison à Montfermeil, il n'y avait pas d'eau. Il y avait les WC au fond du jardin, mais il n'y avait pas l'eau courante. Donc mon premier travail, le matin et le soir, avec deux brocs, j'allais chercher de l'eau à la fontaine. Et moi j'étais plutôt chétif, en plus pas très bien nourri. A chaque fois, ces deux brocs d'eau, ça faisait deux fois dix litres, vingt kilos,je les ai en mémoire. Des fois, comme tout enfant, ma tante m'engueulait, je faisais des bêtises. Et je rêvais… ma mère va venir me chercher. C'était des rêves d'enfant. Et puis, je me battais pour avoir du bois. Avec un gars, on est parti avec la brouette. Une scie à main, on a abattu un petit arbre, il ne devait pas être bien gros. On l'a coupé en morceaux, on l'a mis dans la brouette. C'était loin. Et lui, il y a son grand-père qui est venu au-devant de lui. Et il a pris la brouette. Mais moi, je me suis retrouvé tout seul avec cette brouette pleine de bois que je n'arrivais pas à traîner. Et puis, je ne sais pas comment je suis rentré dans un état… Je n'aurais pas abandonné ce bois pour rien au monde. C'était une mine d'or. Et j'ai fait un truc inouï. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. J'ai donné la moitié à Mme Varagne en face. Ma tante m'a dit "ça ne va pas, on n'a rien, et toi tu en donnes la moitié" Elle m'a engueulé, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mme Varagne, ce n'était pas rien. Mme Varagne, elle avait une bibliothèque. Et moi, j'allais chez elle, et elle me donnait libre accès à sa bibliothèque. J'avais 6 ans, 7 ans. Il n'y avait pas de livre d'enfant. La littérature enfantine, il n'y en avait pas à cette époque-là. C'était la Comtesse de Ségur ou Jules Verne. C'était ça la littérature enfantine. Il y avait ça. Mais il y avait d'autres livres. Je prenais n'importe quoi, n'importe comment. Je me rappelle avoir lu "Le Train bleu" d'Agatha Christie. Je me suis filé une frousse de tous les diables parce que j'avoue que je ne comprenais pas très bien. Mais j'ai lu. J'ai lu le "Comte de Monte Cristo", un pavé de comme ça. J'avais 7 ans. J'ai lu Maupassant, j'ai lu Flaubert, j'ai lu "le Rouge et le Noir". Je ne comprenais pas grand-chose, mais je lisais. Parce que je n'avais rien d'autre à faire, je n'allais pas à l'école. Donc Mme Varagne, elle m'a donné les livres. Et ça, c'était un cadeau absolument extraordinaire. Ce qui fait qu'à la fin de la guerre, quand je suis revenu à Paris, sur le plan littéraire, j'avais ce qu'il fallait. Par contre, sur le plan des maths, je fais un petit aparté. M. Grappin, professeur de mathématiques, en 1945, il m'a dit "Eh toi, le petit juif, tu dois savoir compter !". Eh bien, c'était fini pour les maths pour moi, je n'en ai plus jamais fait. M. Grappin, je le revois. Il avait des cheveux blancs filasses, des yeux bleus, pendant de longues années, chaque fois que je voyais quelqu'un de blond ou des yeux bleus, j'avais un mouvement de recul.

  • Speaker #1

    C'est la fin de la première partie du récit de Simon, petit enfant de la Shoah. Dans le second épisode, Simon nous racontera les messages du général de Gaulle sur Radio Londres, la fin de la guerre, son retour à Paris, puis son expédition pour tenter de récupérer son petit frère. Merci infiniment, cher Simon, pour ces premières confidences et pour votre générosité. Merci à vous, chers auditeurs qui me suivez, qui avez écouté cet épisode. Aujourd'hui plus que jamais, alors que les derniers témoins directs de cette époque terrible disparaissent, je suis convaincue qu'il est urgent de recueillir ces récits précieux et surtout de les partager. Alors partagez à votre tour ces souvenirs avec vos proches, transférez-leur les liens du podcast disponibles sur toutes les plateformes d'écoute afin qu'ils puissent s'abonner pour ne rater aucun épisode. Votre soutien est essentiel pour faire vivre ces histoires et garder une trace de notre passé. Merci. Allez, salut !

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Description

En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté.

Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection.

Un an plus tard, sa mère le rejoint. Ensemble, ils s’installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d’Europe centrale, puis se marient.

C’est à l’hôpital Rothschild, comme beaucoup d’enfants juifs à cette période, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d’une famille modeste avec Robert, son frere de 13 ans son ainé et Edmond, qui naitra lui 6 ans tard, en 1940 au moment ou   la guerre bouleversera leur quotidien.

Simon n’a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part, à l’exode. La famille quitter Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l’arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps.

Nous sommes en 1940. Simon a 6 ans..

Alors que les derniers témoins de cette période tragique de notre histoire s’éteignent, il devient plus crucial que jamais de préserver et de transmettre leurs récits. Ces témoignages sont des trésors inestimables, des fragments de mémoire qui éclairent le présent et construisent l’avenir. Je vous invite à partager ces histoires avec vos proches : envoyez-leur les liens du podcast, encouragez-les à s’abonner pour ne manquer aucun épisode. Chaque écoute, chaque partage est une pierre supplémentaire à l’édifice de la mémoire collective.


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Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

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Transcription

  • Simon

    Mon nom c'était Pessah et comme mon père est arrivé en France, il ne parlait pas. Et l'officier d'état civil a dû écrire Peissak avec un K pour franciser son nom. Mon père a dit qu'il était réfugié russe, qu'il était né à Grenoble. Ce n'est pas vrai. Il était né à Varsovie. Mais à cette époque-là, la France accueillait les réfugiés russes alors que les Polonais avaient un peu plus de mal. Donc sur tous les papiers, il y a marqué Moïse Peissac né à Grenoble

  • intro

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents, cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs. Jamais. Se taire. Affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout, ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi. Ils ont 80, 90 ans et plus. Ils sont la mémoire de la guerre. Ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté. Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection. Un an plus tard, la maman de Simon le rejoint. Ils s'installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d'Europe centrale, puis se marient. C'est à l'hôpital Rothschild, comme beaucoup d'enfants juifs à cette époque, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d'une famille modeste, avec Robert, son frère de 13 ans son aîné, et Edmond, qui naîtra lui six ans plus tard, en 1940, au moment où la guerre bouleversera leur quotidien. Simon n'a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part à l'Exode. La famille quitte Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l'arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps. Nous sommes en 1940, Simon, enfant de la Shoah, a 6 ans.

  • Simon

    Ce que je sais, c'est qu'on est vite revenus à Paris. Parce que j'ai vu l'entrée des troupes allemandes à Paris. Je l'ai vu au coin de la rue Belleville et de la rue Jouye-Rouve. Et je sais que je regardais ça comme, dans le fond, comme on regarde un film d'aventure. J'en voyais pas le danger. Mais c'était un spectacle, c'était pas mal. Et là, je me suis retrouvé dans une maison. pour enfants atteints de tuberculose à Montigny-sur-Loing. Je n'avais pas de tuberculose, le moins que je puisse dire. Pendant très longtemps, je ne savais pas ce que je faisais là. Et Colette a fait des recherches. Et l'école de la rue Ramponneau, pour protéger les enfants juifs, les a envoyés dans cette maison en disant qu'ils étaient malades. Et après, on m'a ramené à Paris. Et là, je crois que j'ai vécu un des plus grands traumatismes. Je m'en souviens très bien. Je suis rentré, il y avait tout le monde, il y avait ma tante, la cousine, et puis j'étais content de retrouver, je m'en souviens. Et ma mère a dit, mais tu ne demandes pas après ton père, il n'est pas là. Il avait été raflé dans une rue et il était à Drancy. Et je ne m'étais pas aperçu, qu'il n'était pas là. Je ne peux pas me pardonner ça. On lui a écrit. De temps en temps, on écrivait des lettres à Drancy. Et à un moment, plus rien. Donc ma mère a décidé de partir. Mais pourquoi ? Parce qu'il y a eu la rafle du Veld'Hiv. Un matin, alors là, je le vois. Par la fenêtre, rue Lesage. Il y avait plein d'autobus de la RATP, des voitures de police. Et ils sont rentrés dans la maison. J'ai entendu des bruits. On a cassé des portes. J'ai appris il n'y a pas longtemps que... les gouvernements de Vichy avaient donné l'ordre de rafler les juifs. Il appartenait au commissaire de quartier et de frapper aux portes ou de casser les portes et de rentrer quand même. Et notre commissaire, qui était sûrement un homme très bien, un grand humaniste, lui, il donnait l'ordre. Donc j'ai vu cette police française. On peut me raconter ce qu'on veut, mais moi j'ai vu la police française. On était au premier étage. Au fond du couloir, l'escalier, j'ai vu la police, ma tante blanche, ma cousine Huguette, 13 ans, les parents de ma tante, quel âge ils avaient, j'en sais rien, pour moi, à ce moment-là, avec mes yeux d'enfant, c'était des vieux, des vieilles personnes, ils ne sont pas venus chez nous. Peut-être mon nom Peissac peut avoir une résonance française, il y a une ville de Pessac. C'est la seule hypothèse que je peux faire, j'en ai pas d'autre. Et on est sortis avec ma mère, on comprenait pas ce qu'il... Enfin, moi je comprenais pas, ma mère peut-être. Et le policier français, en passant devant nous, a dit, vous connaissez cette petite ? Ma mère a dit, ben oui, c'est ma nièce. Il a dit, prenez-la avec vous. ma tante blanche a dit non je ne me séparerai pas de ma fille. On ne l'a jamais revue. elle est inscrite sur le mur de la choix paris. Il y a marqué "Huguette, 13 ans". En face de chez nous il y avait la famille finkelstein avec deux enfants lilly et jano, je me souviens très bien C'était des petits comme moi, 6-7 ans, on ne les a jamais revus non plus. Donc j'ai vu la rafle du Veld'Hiv, mais vraiment, pourquoi je suis encore là ? Alors ça, après d'autres événements, moi ça m'a développé une sorte de culpabilité, et pourquoi moi je suis encore là, je ne sais pas. j'ai pas d'explication. Très rapidement je crois, ça a pas duré longtemps, ma mère a décidé de partir avec mon frère et puis Edmond qui était en bas âge. Et moi pourquoi elle a dit que j'irais chez ma tante à Montfermeil ? Et pourquoi eux ils sont partis tous à grenoble ? Ma mère était à Grenoble. Je l'ai appris après, elle était femme de ménage dans une ferme qui en même temps la cachait. C'était des gens bien. Elle leur a appris à faire du strudel et tout ça. Mais mon frère Edmond a été placé dans une maison d'enfants, genre les enfants d'Isieux. Et ce n'était pas Isieux. Et ce qu'on sait, c'est qu'après l'histoire d'Isieux, la directrice a envoyé tous les enfants dans des familles. Edmond, il a été envoyé dans une famille "Mounier" à Pont-en-Royans, famille qui n'avait pas d'enfant et ils ont voulu l'adopter. ce qui fait qu'Edmond ne s'appelait plus Edmond Pessac, il s'appelait Jean-Claude Mounier. J'arrive à Montfermeil, chez ma tante, ma tante Sabine, c'était une des sœurs de ma mère. Au début, on m'a emmené à l'école. Je sais que la rentrée était déjà faite. Tout le monde savait où aller. Et moi, j'étais dans cette cour d'école. Et j'étais là, je ne comprenais rien. Je ne savais pas où aller. Je me suis fait un petit copain dans la cour. Et puis, au moment où on a sifflé, j'ai été avec lui, me mettre dans une file. Je crois qu'on ne m'avait pas fixé. Je me suis mis dans une file qui rentre en une classe. Et finalement... Il semble que cette classe n'était pas celle qui était pour moi, c'était celle qui était au-dessus. Mais pour une raison que je ne sais pas, on m'a laissé dans la classe dans laquelle je me débrouillais très bien. Je me rappelle que j'avais été deuxième à la fin du mois, ça avait été bien. Il faisait froid l'hiver et la voisine m'avait offert des chaussons fourrés en peau de lapin. C'est l'une des plus belles choses que j'ai eues de ma vie parce que j'avais froid aux pieds mais pas froid comme ça, parce que les hivers 42-43 étaient très très rudes. Il y avait beaucoup de neige et il faisait horriblement froid. Il faut dire aussi qu'on n'avait pas de bois. J'allaisq en voler quand je pouvais. Mais donc on avait horriblement froid. Donc ces chaussons fourrés en peau de lapin, c'est une des plus belles choses qu'on puisse avoir dans la vie. Maintenant ça ferait rire. Mais quand même, ça c'était important. Ma cousine Germaine vivait avec nous. Elle partait le matin à 5 heures du matin. Elle faisait 4 kilomètres à pied pour aller à la gare de Gagny. Elle prenait le train, elle allait à Paris. Elle travaillait dans une entreprise de vêtements dont la patronne savait qu'elle était juive et la protégeait. Elle rentrait le soir et elle refaisait les 4 kilomètres à pied. Il était 11 heures du soir quand elle arrivait. Comment on peut imaginer le courage de ces femmes qui faisaient des choses hors du commun quand même ? Elle a fait ça tous les jours. Et l'hiver, dans la neige, elle faisait…

  • intro

    Et là, j'ai vécu un énorme traumatisme dont je ne me guérirai jamais. On avait faim. Et pour une raison, on avait eu des pâtes. Et ma tante avait fait cuire des pâtes. et elle est partie au devant de ma cousine avec la lampe électrique parce qu'il y avait de la neige et moi j'étais devant les pates et j'ai goûté; j'ai goûté une fois trois fois cinq fois et quand ma cousine est arrivée il n'y avait plus de pates. Elle n'avait rien à manger. On ne peut pas guérir de ça c'est imprimé à jamais dans mon histoire. Elle est partie se coucher sans rien manger et repartie le lendemain matin. J'ai échappé à la rafle du veldiv et j'ai réchappé une deuxième fois par quelque chose absolument inouï. A vec ma tante on a cousu nos étoiles jaunes et on est partis à paris pour aller faire quoi je sais pas. A la gare de l'est on monte l'escalier et là des miliciens avec les brassards miliciens je les vois hein, c'était des jeunes. Ils nous arrêtent et j'avais l'étoile jaune et avec nous y avait mme Vermelaine, quatre-vingts ans. C'était une dame luxembourgeoise qui venait avec nous à Paris et mme Vermeline, pour le peu que je me souvienne, pas par conviction religieuse, idéologique, rien… elle a sorti son parapluie, elle leur a donné des coups, elle a dit "Vous n'avez pas honte, vous êtes des Français, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Non mais c'est honteux". Mme Vermelaine, 80 ans, elle a simplement dit "Non, là, il y a des choses qu'on ne peut pas faire dans la vie". Et ils nous ont laissé partir. Mme Vermelaine, c'est quelqu'un d'inoui. Et bien, il est arrivé un truc. Le directeur d'école, M. Maury, a dit à ma tante "Simon ne doit plus revenir à l'école. On m'a demandé de signaler s'il y a des enfants juifs. Donc, je ne le connais pas. Il ne vient pas à l'école". Et je n'allais plus à l'école. Je ne comprenais pas pourquoi. Très honnêtement, je ne comprenais pas. Des fois, j'allais jouer avec des enfants. Ils me disaient "Mais pourquoi tu ne viens plus à l'école ?" Je ne savais pas quoi répondre. Je me rappelle avoir dit "Oh, ma tante est malade, il faut que je reste à la maison" ce qui était une imbécilité, mais c'était incompréhensible. Ce gouvernement de Vichy privait les enfants d'aller à l'école, c'est quand même la pire des choses qu'on puisse faire. Et puis, le maire, par une espèce d'artifice dont je ne m'explique pas, on a été rayé des listes, on n'existait plus. on n'avait plus de carte d'alimentation, on n'avait plus rien, mais on existait pas on était sauvés ! J'ai vu une fois une patrouille allemande à Montfermeil, c'est tout mais on avait rien à bouffer, en tout cas on mangeait plus. On avait un bout de jardin donc je me rappelle que on avait eu des pommes de terre, je les coupais en quatre pour Planter quatre morceaux en terre pour en avoir plus, ça marchait, hein ! On ne mangeait pas grand chose et puis très honnêtement j'allais voler dans les jardins. j'étais un petit voleur, je volais des légumes l'été tout ça, des pommes de terre, des fruits. les voisins, madame Perrot madame Varagne, des fois ils me donnaient quelque chose à manger Dans la maison à Montfermeil, il n'y avait pas d'eau. Il y avait les WC au fond du jardin, mais il n'y avait pas l'eau courante. Donc mon premier travail, le matin et le soir, avec deux brocs, j'allais chercher de l'eau à la fontaine. Et moi j'étais plutôt chétif, en plus pas très bien nourri. A chaque fois, ces deux brocs d'eau, ça faisait deux fois dix litres, vingt kilos,je les ai en mémoire. Des fois, comme tout enfant, ma tante m'engueulait, je faisais des bêtises. Et je rêvais… ma mère va venir me chercher. C'était des rêves d'enfant. Et puis, je me battais pour avoir du bois. Avec un gars, on est parti avec la brouette. Une scie à main, on a abattu un petit arbre, il ne devait pas être bien gros. On l'a coupé en morceaux, on l'a mis dans la brouette. C'était loin. Et lui, il y a son grand-père qui est venu au-devant de lui. Et il a pris la brouette. Mais moi, je me suis retrouvé tout seul avec cette brouette pleine de bois que je n'arrivais pas à traîner. Et puis, je ne sais pas comment je suis rentré dans un état… Je n'aurais pas abandonné ce bois pour rien au monde. C'était une mine d'or. Et j'ai fait un truc inouï. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. J'ai donné la moitié à Mme Varagne en face. Ma tante m'a dit "ça ne va pas, on n'a rien, et toi tu en donnes la moitié" Elle m'a engueulé, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mme Varagne, ce n'était pas rien. Mme Varagne, elle avait une bibliothèque. Et moi, j'allais chez elle, et elle me donnait libre accès à sa bibliothèque. J'avais 6 ans, 7 ans. Il n'y avait pas de livre d'enfant. La littérature enfantine, il n'y en avait pas à cette époque-là. C'était la Comtesse de Ségur ou Jules Verne. C'était ça la littérature enfantine. Il y avait ça. Mais il y avait d'autres livres. Je prenais n'importe quoi, n'importe comment. Je me rappelle avoir lu "Le Train bleu" d'Agatha Christie. Je me suis filé une frousse de tous les diables parce que j'avoue que je ne comprenais pas très bien. Mais j'ai lu. J'ai lu le "Comte de Monte Cristo", un pavé de comme ça. J'avais 7 ans. J'ai lu Maupassant, j'ai lu Flaubert, j'ai lu "le Rouge et le Noir". Je ne comprenais pas grand-chose, mais je lisais. Parce que je n'avais rien d'autre à faire, je n'allais pas à l'école. Donc Mme Varagne, elle m'a donné les livres. Et ça, c'était un cadeau absolument extraordinaire. Ce qui fait qu'à la fin de la guerre, quand je suis revenu à Paris, sur le plan littéraire, j'avais ce qu'il fallait. Par contre, sur le plan des maths, je fais un petit aparté. M. Grappin, professeur de mathématiques, en 1945, il m'a dit "Eh toi, le petit juif, tu dois savoir compter !". Eh bien, c'était fini pour les maths pour moi, je n'en ai plus jamais fait. M. Grappin, je le revois. Il avait des cheveux blancs filasses, des yeux bleus, pendant de longues années, chaque fois que je voyais quelqu'un de blond ou des yeux bleus, j'avais un mouvement de recul.

  • Speaker #1

    C'est la fin de la première partie du récit de Simon, petit enfant de la Shoah. Dans le second épisode, Simon nous racontera les messages du général de Gaulle sur Radio Londres, la fin de la guerre, son retour à Paris, puis son expédition pour tenter de récupérer son petit frère. Merci infiniment, cher Simon, pour ces premières confidences et pour votre générosité. Merci à vous, chers auditeurs qui me suivez, qui avez écouté cet épisode. Aujourd'hui plus que jamais, alors que les derniers témoins directs de cette époque terrible disparaissent, je suis convaincue qu'il est urgent de recueillir ces récits précieux et surtout de les partager. Alors partagez à votre tour ces souvenirs avec vos proches, transférez-leur les liens du podcast disponibles sur toutes les plateformes d'écoute afin qu'ils puissent s'abonner pour ne rater aucun épisode. Votre soutien est essentiel pour faire vivre ces histoires et garder une trace de notre passé. Merci. Allez, salut !

Description

En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté.

Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection.

Un an plus tard, sa mère le rejoint. Ensemble, ils s’installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d’Europe centrale, puis se marient.

C’est à l’hôpital Rothschild, comme beaucoup d’enfants juifs à cette période, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d’une famille modeste avec Robert, son frere de 13 ans son ainé et Edmond, qui naitra lui 6 ans tard, en 1940 au moment ou   la guerre bouleversera leur quotidien.

Simon n’a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part, à l’exode. La famille quitter Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l’arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps.

Nous sommes en 1940. Simon a 6 ans..

Alors que les derniers témoins de cette période tragique de notre histoire s’éteignent, il devient plus crucial que jamais de préserver et de transmettre leurs récits. Ces témoignages sont des trésors inestimables, des fragments de mémoire qui éclairent le présent et construisent l’avenir. Je vous invite à partager ces histoires avec vos proches : envoyez-leur les liens du podcast, encouragez-les à s’abonner pour ne manquer aucun épisode. Chaque écoute, chaque partage est une pierre supplémentaire à l’édifice de la mémoire collective.


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Transcription

  • Simon

    Mon nom c'était Pessah et comme mon père est arrivé en France, il ne parlait pas. Et l'officier d'état civil a dû écrire Peissak avec un K pour franciser son nom. Mon père a dit qu'il était réfugié russe, qu'il était né à Grenoble. Ce n'est pas vrai. Il était né à Varsovie. Mais à cette époque-là, la France accueillait les réfugiés russes alors que les Polonais avaient un peu plus de mal. Donc sur tous les papiers, il y a marqué Moïse Peissac né à Grenoble

  • intro

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents, cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs. Jamais. Se taire. Affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout, ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi. Ils ont 80, 90 ans et plus. Ils sont la mémoire de la guerre. Ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. En 1925, pour fuir les pogroms et la misère qui rongent Varsovie, le père de Simon trouve refuge en France, terre de liberté. Il décroche un emploi de presseur dans un atelier de confection. Un an plus tard, la maman de Simon le rejoint. Ils s'installent dans un petit appartement de Belleville, fief de nombreux immigrés juifs d'Europe centrale, puis se marient. C'est à l'hôpital Rothschild, comme beaucoup d'enfants juifs à cette époque, que Simon voit le jour en 1934. Il grandit au sein d'une famille modeste, avec Robert, son frère de 13 ans son aîné, et Edmond, qui naîtra lui six ans plus tard, en 1940, au moment où la guerre bouleversera leur quotidien. Simon n'a que 6 ans lorsque, comme des millions de Français, il prend part à l'Exode. La famille quitte Paris pour la Normandie, dans une tentative désespérée de fuir l'arrivée des troupes nazies. Cet exil ne durera que très peu de temps. Nous sommes en 1940, Simon, enfant de la Shoah, a 6 ans.

  • Simon

    Ce que je sais, c'est qu'on est vite revenus à Paris. Parce que j'ai vu l'entrée des troupes allemandes à Paris. Je l'ai vu au coin de la rue Belleville et de la rue Jouye-Rouve. Et je sais que je regardais ça comme, dans le fond, comme on regarde un film d'aventure. J'en voyais pas le danger. Mais c'était un spectacle, c'était pas mal. Et là, je me suis retrouvé dans une maison. pour enfants atteints de tuberculose à Montigny-sur-Loing. Je n'avais pas de tuberculose, le moins que je puisse dire. Pendant très longtemps, je ne savais pas ce que je faisais là. Et Colette a fait des recherches. Et l'école de la rue Ramponneau, pour protéger les enfants juifs, les a envoyés dans cette maison en disant qu'ils étaient malades. Et après, on m'a ramené à Paris. Et là, je crois que j'ai vécu un des plus grands traumatismes. Je m'en souviens très bien. Je suis rentré, il y avait tout le monde, il y avait ma tante, la cousine, et puis j'étais content de retrouver, je m'en souviens. Et ma mère a dit, mais tu ne demandes pas après ton père, il n'est pas là. Il avait été raflé dans une rue et il était à Drancy. Et je ne m'étais pas aperçu, qu'il n'était pas là. Je ne peux pas me pardonner ça. On lui a écrit. De temps en temps, on écrivait des lettres à Drancy. Et à un moment, plus rien. Donc ma mère a décidé de partir. Mais pourquoi ? Parce qu'il y a eu la rafle du Veld'Hiv. Un matin, alors là, je le vois. Par la fenêtre, rue Lesage. Il y avait plein d'autobus de la RATP, des voitures de police. Et ils sont rentrés dans la maison. J'ai entendu des bruits. On a cassé des portes. J'ai appris il n'y a pas longtemps que... les gouvernements de Vichy avaient donné l'ordre de rafler les juifs. Il appartenait au commissaire de quartier et de frapper aux portes ou de casser les portes et de rentrer quand même. Et notre commissaire, qui était sûrement un homme très bien, un grand humaniste, lui, il donnait l'ordre. Donc j'ai vu cette police française. On peut me raconter ce qu'on veut, mais moi j'ai vu la police française. On était au premier étage. Au fond du couloir, l'escalier, j'ai vu la police, ma tante blanche, ma cousine Huguette, 13 ans, les parents de ma tante, quel âge ils avaient, j'en sais rien, pour moi, à ce moment-là, avec mes yeux d'enfant, c'était des vieux, des vieilles personnes, ils ne sont pas venus chez nous. Peut-être mon nom Peissac peut avoir une résonance française, il y a une ville de Pessac. C'est la seule hypothèse que je peux faire, j'en ai pas d'autre. Et on est sortis avec ma mère, on comprenait pas ce qu'il... Enfin, moi je comprenais pas, ma mère peut-être. Et le policier français, en passant devant nous, a dit, vous connaissez cette petite ? Ma mère a dit, ben oui, c'est ma nièce. Il a dit, prenez-la avec vous. ma tante blanche a dit non je ne me séparerai pas de ma fille. On ne l'a jamais revue. elle est inscrite sur le mur de la choix paris. Il y a marqué "Huguette, 13 ans". En face de chez nous il y avait la famille finkelstein avec deux enfants lilly et jano, je me souviens très bien C'était des petits comme moi, 6-7 ans, on ne les a jamais revus non plus. Donc j'ai vu la rafle du Veld'Hiv, mais vraiment, pourquoi je suis encore là ? Alors ça, après d'autres événements, moi ça m'a développé une sorte de culpabilité, et pourquoi moi je suis encore là, je ne sais pas. j'ai pas d'explication. Très rapidement je crois, ça a pas duré longtemps, ma mère a décidé de partir avec mon frère et puis Edmond qui était en bas âge. Et moi pourquoi elle a dit que j'irais chez ma tante à Montfermeil ? Et pourquoi eux ils sont partis tous à grenoble ? Ma mère était à Grenoble. Je l'ai appris après, elle était femme de ménage dans une ferme qui en même temps la cachait. C'était des gens bien. Elle leur a appris à faire du strudel et tout ça. Mais mon frère Edmond a été placé dans une maison d'enfants, genre les enfants d'Isieux. Et ce n'était pas Isieux. Et ce qu'on sait, c'est qu'après l'histoire d'Isieux, la directrice a envoyé tous les enfants dans des familles. Edmond, il a été envoyé dans une famille "Mounier" à Pont-en-Royans, famille qui n'avait pas d'enfant et ils ont voulu l'adopter. ce qui fait qu'Edmond ne s'appelait plus Edmond Pessac, il s'appelait Jean-Claude Mounier. J'arrive à Montfermeil, chez ma tante, ma tante Sabine, c'était une des sœurs de ma mère. Au début, on m'a emmené à l'école. Je sais que la rentrée était déjà faite. Tout le monde savait où aller. Et moi, j'étais dans cette cour d'école. Et j'étais là, je ne comprenais rien. Je ne savais pas où aller. Je me suis fait un petit copain dans la cour. Et puis, au moment où on a sifflé, j'ai été avec lui, me mettre dans une file. Je crois qu'on ne m'avait pas fixé. Je me suis mis dans une file qui rentre en une classe. Et finalement... Il semble que cette classe n'était pas celle qui était pour moi, c'était celle qui était au-dessus. Mais pour une raison que je ne sais pas, on m'a laissé dans la classe dans laquelle je me débrouillais très bien. Je me rappelle que j'avais été deuxième à la fin du mois, ça avait été bien. Il faisait froid l'hiver et la voisine m'avait offert des chaussons fourrés en peau de lapin. C'est l'une des plus belles choses que j'ai eues de ma vie parce que j'avais froid aux pieds mais pas froid comme ça, parce que les hivers 42-43 étaient très très rudes. Il y avait beaucoup de neige et il faisait horriblement froid. Il faut dire aussi qu'on n'avait pas de bois. J'allaisq en voler quand je pouvais. Mais donc on avait horriblement froid. Donc ces chaussons fourrés en peau de lapin, c'est une des plus belles choses qu'on puisse avoir dans la vie. Maintenant ça ferait rire. Mais quand même, ça c'était important. Ma cousine Germaine vivait avec nous. Elle partait le matin à 5 heures du matin. Elle faisait 4 kilomètres à pied pour aller à la gare de Gagny. Elle prenait le train, elle allait à Paris. Elle travaillait dans une entreprise de vêtements dont la patronne savait qu'elle était juive et la protégeait. Elle rentrait le soir et elle refaisait les 4 kilomètres à pied. Il était 11 heures du soir quand elle arrivait. Comment on peut imaginer le courage de ces femmes qui faisaient des choses hors du commun quand même ? Elle a fait ça tous les jours. Et l'hiver, dans la neige, elle faisait…

  • intro

    Et là, j'ai vécu un énorme traumatisme dont je ne me guérirai jamais. On avait faim. Et pour une raison, on avait eu des pâtes. Et ma tante avait fait cuire des pâtes. et elle est partie au devant de ma cousine avec la lampe électrique parce qu'il y avait de la neige et moi j'étais devant les pates et j'ai goûté; j'ai goûté une fois trois fois cinq fois et quand ma cousine est arrivée il n'y avait plus de pates. Elle n'avait rien à manger. On ne peut pas guérir de ça c'est imprimé à jamais dans mon histoire. Elle est partie se coucher sans rien manger et repartie le lendemain matin. J'ai échappé à la rafle du veldiv et j'ai réchappé une deuxième fois par quelque chose absolument inouï. A vec ma tante on a cousu nos étoiles jaunes et on est partis à paris pour aller faire quoi je sais pas. A la gare de l'est on monte l'escalier et là des miliciens avec les brassards miliciens je les vois hein, c'était des jeunes. Ils nous arrêtent et j'avais l'étoile jaune et avec nous y avait mme Vermelaine, quatre-vingts ans. C'était une dame luxembourgeoise qui venait avec nous à Paris et mme Vermeline, pour le peu que je me souvienne, pas par conviction religieuse, idéologique, rien… elle a sorti son parapluie, elle leur a donné des coups, elle a dit "Vous n'avez pas honte, vous êtes des Français, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Non mais c'est honteux". Mme Vermelaine, 80 ans, elle a simplement dit "Non, là, il y a des choses qu'on ne peut pas faire dans la vie". Et ils nous ont laissé partir. Mme Vermelaine, c'est quelqu'un d'inoui. Et bien, il est arrivé un truc. Le directeur d'école, M. Maury, a dit à ma tante "Simon ne doit plus revenir à l'école. On m'a demandé de signaler s'il y a des enfants juifs. Donc, je ne le connais pas. Il ne vient pas à l'école". Et je n'allais plus à l'école. Je ne comprenais pas pourquoi. Très honnêtement, je ne comprenais pas. Des fois, j'allais jouer avec des enfants. Ils me disaient "Mais pourquoi tu ne viens plus à l'école ?" Je ne savais pas quoi répondre. Je me rappelle avoir dit "Oh, ma tante est malade, il faut que je reste à la maison" ce qui était une imbécilité, mais c'était incompréhensible. Ce gouvernement de Vichy privait les enfants d'aller à l'école, c'est quand même la pire des choses qu'on puisse faire. Et puis, le maire, par une espèce d'artifice dont je ne m'explique pas, on a été rayé des listes, on n'existait plus. on n'avait plus de carte d'alimentation, on n'avait plus rien, mais on existait pas on était sauvés ! J'ai vu une fois une patrouille allemande à Montfermeil, c'est tout mais on avait rien à bouffer, en tout cas on mangeait plus. On avait un bout de jardin donc je me rappelle que on avait eu des pommes de terre, je les coupais en quatre pour Planter quatre morceaux en terre pour en avoir plus, ça marchait, hein ! On ne mangeait pas grand chose et puis très honnêtement j'allais voler dans les jardins. j'étais un petit voleur, je volais des légumes l'été tout ça, des pommes de terre, des fruits. les voisins, madame Perrot madame Varagne, des fois ils me donnaient quelque chose à manger Dans la maison à Montfermeil, il n'y avait pas d'eau. Il y avait les WC au fond du jardin, mais il n'y avait pas l'eau courante. Donc mon premier travail, le matin et le soir, avec deux brocs, j'allais chercher de l'eau à la fontaine. Et moi j'étais plutôt chétif, en plus pas très bien nourri. A chaque fois, ces deux brocs d'eau, ça faisait deux fois dix litres, vingt kilos,je les ai en mémoire. Des fois, comme tout enfant, ma tante m'engueulait, je faisais des bêtises. Et je rêvais… ma mère va venir me chercher. C'était des rêves d'enfant. Et puis, je me battais pour avoir du bois. Avec un gars, on est parti avec la brouette. Une scie à main, on a abattu un petit arbre, il ne devait pas être bien gros. On l'a coupé en morceaux, on l'a mis dans la brouette. C'était loin. Et lui, il y a son grand-père qui est venu au-devant de lui. Et il a pris la brouette. Mais moi, je me suis retrouvé tout seul avec cette brouette pleine de bois que je n'arrivais pas à traîner. Et puis, je ne sais pas comment je suis rentré dans un état… Je n'aurais pas abandonné ce bois pour rien au monde. C'était une mine d'or. Et j'ai fait un truc inouï. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. J'ai donné la moitié à Mme Varagne en face. Ma tante m'a dit "ça ne va pas, on n'a rien, et toi tu en donnes la moitié" Elle m'a engueulé, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mme Varagne, ce n'était pas rien. Mme Varagne, elle avait une bibliothèque. Et moi, j'allais chez elle, et elle me donnait libre accès à sa bibliothèque. J'avais 6 ans, 7 ans. Il n'y avait pas de livre d'enfant. La littérature enfantine, il n'y en avait pas à cette époque-là. C'était la Comtesse de Ségur ou Jules Verne. C'était ça la littérature enfantine. Il y avait ça. Mais il y avait d'autres livres. Je prenais n'importe quoi, n'importe comment. Je me rappelle avoir lu "Le Train bleu" d'Agatha Christie. Je me suis filé une frousse de tous les diables parce que j'avoue que je ne comprenais pas très bien. Mais j'ai lu. J'ai lu le "Comte de Monte Cristo", un pavé de comme ça. J'avais 7 ans. J'ai lu Maupassant, j'ai lu Flaubert, j'ai lu "le Rouge et le Noir". Je ne comprenais pas grand-chose, mais je lisais. Parce que je n'avais rien d'autre à faire, je n'allais pas à l'école. Donc Mme Varagne, elle m'a donné les livres. Et ça, c'était un cadeau absolument extraordinaire. Ce qui fait qu'à la fin de la guerre, quand je suis revenu à Paris, sur le plan littéraire, j'avais ce qu'il fallait. Par contre, sur le plan des maths, je fais un petit aparté. M. Grappin, professeur de mathématiques, en 1945, il m'a dit "Eh toi, le petit juif, tu dois savoir compter !". Eh bien, c'était fini pour les maths pour moi, je n'en ai plus jamais fait. M. Grappin, je le revois. Il avait des cheveux blancs filasses, des yeux bleus, pendant de longues années, chaque fois que je voyais quelqu'un de blond ou des yeux bleus, j'avais un mouvement de recul.

  • Speaker #1

    C'est la fin de la première partie du récit de Simon, petit enfant de la Shoah. Dans le second épisode, Simon nous racontera les messages du général de Gaulle sur Radio Londres, la fin de la guerre, son retour à Paris, puis son expédition pour tenter de récupérer son petit frère. Merci infiniment, cher Simon, pour ces premières confidences et pour votre générosité. Merci à vous, chers auditeurs qui me suivez, qui avez écouté cet épisode. Aujourd'hui plus que jamais, alors que les derniers témoins directs de cette époque terrible disparaissent, je suis convaincue qu'il est urgent de recueillir ces récits précieux et surtout de les partager. Alors partagez à votre tour ces souvenirs avec vos proches, transférez-leur les liens du podcast disponibles sur toutes les plateformes d'écoute afin qu'ils puissent s'abonner pour ne rater aucun épisode. Votre soutien est essentiel pour faire vivre ces histoires et garder une trace de notre passé. Merci. Allez, salut !

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