Speaker #1À Montfermé, on écoutait Radio Londres. Pas chez nous, chez la voisine. On se réunissait le soir et on écoutait Radio Londres. Je me rappelle très bien. J'ai entendu la phrase qu'il annonçait le débarquement. Les sanglots l'ont. Le plan des violences de l'automne. Je ne savais pas ce que ça voulait dire. Je l'ai su après. Et après, quelques temps après, un jour, un mois, un mois et demi, les Américains sont arrivés à Montfermeil. Ils sont arrivés en ship. Je regardais. Et tout d'un coup... attention les allemands reviennent et on s'est tous on s'est sauvés je me suis caché dans une porte cochère c'était pas vrai mais on a eu tous très peur en tout cas les américains étaient là ils ont monté des tentes dans un dans le petit bois à côté et avec ma cousine on a été les voir et il a fait cuire du cornet de bif Franchement, c'est la meilleure nourriture que j'ai jamais mangée de ma vie. Je n'avais pas mangé de viande. Ce n'est pas vrai. J'en ai mangé une fois. Mais c'était tellement bon. Ils étaient là. Ils avaient cuir sur un petit réchaud. Et on a mangé du cornet de bif avec ma cousine. Et après, on s'est promenés avec des soldats américains. Ils m'avaient mis sa carabine de 30-30. Je ne sais pas ce que c'est une 30-30. Je l'ai fait l'armée. C'était des carabines légères et moi je me promenais. Et croyez-moi, j'étais John Owen au Far West. C'était le Nirvana à Coimbatore. On m'a dit on va être libre, on va avoir à manger. C'était ça. Parce que la faim m'a tonnoyé pendant quatre ans. une fin jamais rassasiée jamais on a mangé pour survivre mais pas pour calmer la faim donc tous les soirs je me couchais avec la faim au ventre et je me levais avec la faim je vivais toute la journée avec la faim alors voilà pourquoi j'ai mangé une fois de la viande la voisine m'a donné un petit lapin Et j'élevais ce petit lapin que j'appelais Mimi. Et c'était vraiment une merveille. Et le lapin est devenu grand. Et un jour, on m'a servi de la viande. Et c'était du lapin. Ça, je ne peux pas me guérir non plus. En même temps, le bonheur absolu de manger, et le malheur absolu de manger cet animal que j'aimais énormément. De sa option, on se guérit. Je ne mange jamais de lapin. Plus jamais. Et à la fin de la guerre, quelqu'un nous a invités, je ne sais pas trop qui, et j'ai mangé des pâtes à la sauce tomate. et des œufs à la neige. Alors, si le bonheur a un sens, tout d'un coup, un repas de luxe, de riche, manger des pâtes et des œufs à la neige, des œufs à la neige, t'en rends compte ? C'était inouï. j'avais 11 ans en 45 donc je suis revenu à paris rue Ausha ma mère est revenue malade de la guerre très malade edmond n'était plus là il avait disparu robert mon grand frère sortait d'une blessure du poumon donc je lui ai dit enfin il était fait un terrain à train je crois il était blessé le poumon traversé Il a réussi à marcher dans les rues. Une concierge l'a récupéré, l'a abrité alors que dans les rues, on fouillait partout. Et des mouvements de résistance ont réussi à le placer dans un hôpital en disant qu'il a été blessé dans une fusillade dans la rue. Il a été sauvé. En 1945, la Croix-Rouge nous prévient qu'on a retrouvé Edmond. la maison d'enfants l'avait placée et avait détruit tous les papiers pour pas qu'on retrouve les enfants juifs parce que l'on les recherchait la police française c'était pas la donc il était perdu on nous a dit il est à pont-en-royant est-ce que vous pouvez venir le récupérer robert était quand même très très heureux ma mère était malade il n'y avait que moi onze ans C'est moi qui suis parti avec une valise, pratiquement sans argent. J'avais un billet de train pour Lyon. À Lyon, on avait une adresse. J'ai pu faire une escale. Après, j'ai repris le train pour Grenoble, un bus pour Pont-en-Royant. J'ai dû mettre à peu près quatre-cinq jours. Et je suis arrivé à Pont-en-Royant, dans une famille de braves gens, mais dont j'étais le messager du mal. le mauvais messager parce que ce que je venais c'était pour reprendre Edmond. Donc en même temps on a fait le malheur de cette famille parce que quand on est reparti, il s'est remis à boire et puis la famille était détruite. Ce monsieur était, M. Mounier était maçon. Il avait arrêté de boire et c'était un brave homme. Mme Mounier était gentille aussi. puis après je suis rentré avec edmond on est revenu rue Ausha l'appartement était occupé par une dame et nous en attendant de pouvoir le récupérer ma mère avait fait un truc en justice, je me rappelle l'avocat s'appelait Maître Kakoyanis ça c'est drôle que ça m'ait resté et on avait une chambre au quatrième étage, avec l'eau les WC sur le palier et on a vécu là-dedans pendant très longtemps et je croisais cette dame qui occupait l'appartement, qui m'en jetait un regard noir, elle me détestait je ne comprenais pas trop pourquoi mais elle a récupéré l'appartement... mais elle avait pas envie de le rendre quoi c'est tout on était que des intrus dans la chambre de bonne on a bien vécu une année entière je m'en souviens très bien c'est pas drôle d'être dans une pièce et ça c'était pas le pire et nous on arrive dans une famille donc ils ne connaissèrent rien j'suis ta mère j'suis ton frère moi déjà ils n'avaient appris à me connaître mais l'autre j'suis ton frère j'suis ta mère ça n'avait pas de sens pour lui il a fallu l'apprivoiser j'm'en rappelle encore mais qu'est-ce que c'est dans la tête des cinq ans on t'enlève d'une famille pour te mettre dans une autre edmond il en a gardé un traumatisme toute sa vie Il n'en a été jamais guéri. Je suis arrivé à 14 ans, mais ma mère ne pouvait pas travailler. Mon frère, on essayait de travailler, on n'avait pas d'argent. Donc il a fallu que j'aille travailler. J'étais chez des cousins à moi qui avaient un atelier de confection, la machine à coudre. 14 ans. Et donc j'étais travailler à la machine à coudre. Ça a été le début de 22 ans de machine à coudre. Et il n'y a pas un jour où je n'ai pas détesté ça. Je ne sais pas, j'avais l'impression que je ne valais rien. D'abord, je n'ai pas été à l'école, donc je ne vaux rien. Dans ma tête, c'est comme ça. C'est une espèce de culpabilité. Il n'y a que l'école qui peut le sortir. C'est très juif. Je me rappelle, j'ai regardé, en l'an 1000, les juifs vivaient à Leipzig. Ils étaient très bien intégrés. À un moment, il y a eu l'antisémitisme et le rabbin leur a dit qu'il ne pouvait rien emmener, pas de valise, mais la chose que vous emmenez, c'est votre culture. Ça ne pèse rien, mais ça pèse très très lourd. J'ai fait l'armée, moi. C'était pendant la guerre d'Algérie. J'ai fait valoir que j'étais publié de la nation, donc je n'ai pas été en Algérie. Franchement, je savais que l'Algérie, ce n'était pas ma guerre. Je n'avais rien à faire là-bas et qu'on n'avait rien à défendre là-bas. Ce n'était pas patriote d'aller faire la guerre en Algérie. Ce n'était rien du tout. Et je suis revenu avec... dans ma carte de pupille de la nation, parce que j'étais sur la liste pour partir là, et l'adjudant qui était là, il s'est dit, moi je suis pupille de la nation, mon père est mort en Auschwitz, alors quand on est parents morts pour la France, on n'allait pas en Algérie. Il m'a dit, mais mort en Auschwitz ça ne veut rien dire, il n'est pas mort pour la France, il était peut-être en vacances là-bas, il m'a dit. Longtemps après la guerre, j'étais avec des copains hongrois, avec les Bognars. On était au musée de la Shoah à Paris. Et là, j'ai vu le nom de mon père, de ma tante, de ma cousine. J'ai été submergé. Si l'homocidération veut dire quelque chose, alors là, je l'ai ressenti. Là, j'étais ravagé. Et ça m'a duré un petit moment. Bon, là, je crois qu'a germé l'idée qu'il fallait que je me débarrasse de ça. Pas seulement pour transmettre, mais pour sortir tout ça. Je le traînais trop même depuis trop longtemps. C'était un peu dur.
Speaker #0Pendant longtemps, Simon n'a rien dit, rien raconté, par pudeur, pour tenter d'oublier, mais aussi, comme il dit, pour ne pas embêter les autres avec ses problèmes, pour que ses proches vivent loin de cette guerre. Et puis cette visite devant le mur des noms, un déclic. Aujourd'hui, Simon, petit enfant privé de son innocence, raconte. Il raconte pour transmettre, mais aussi pour tenter de se libérer. d'exorciser cette douleur devenue trop lourde à porter. Mais 80 ans plus tard, cette douleur ne le quitte pas. C'est malheureusement le sort de milliers d'enfants cachés. Le papa de Simon a fait partie du Convoi 42. Merci très cher Simon pour ce témoignage extraordinaire, pour cette confiance que vous m'avez accordée, mais aussi pour cette belle rencontre. Je vous embrasse très fort Colette et vous, et je vous souhaite de pouvoir vivre. un peu plus en paix. Aujourd'hui plus que jamais, alors que les derniers témoins directs de cette époque terrible disparaissent, il est urgent de recueillir ces récits précieux et de les partager. Alors partagez à votre tour ces souvenirs avec vos proches. Transférez-leur les liens du podcast afin qu'ils puissent s'abonner pour ne rater aucun épisode. Votre soutien est essentiel pour faire vivre ces histoires et garder une trace du passé. On se retrouve très vite avec un nouveau témoignage. Merci pour votre confiance. Allez, salut.