undefined cover
undefined cover
Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé cover
Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé cover
Entretien avec un dentiste

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé

50min |19/06/2024|

673

Play
undefined cover
undefined cover
Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé cover
Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé cover
Entretien avec un dentiste

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 2 Les racines de notre système de santé

50min |19/06/2024|

673

Play

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 2 : Les racines de notre système de santé

Dans cet épisode, nous explorons les origines et les évolutions de notre système de santé avec l'expertise de la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie à Rouen et économiste en santé.


Pour interagir et soutenir ce podcast :

  • Soutenez le podcast via Tipeee : Votre soutien financier est crucial pour la continuation du podcast, son indépendance et sa liberté de ton. Visitez la page Tipeee, pour contribuer à la qualité et la pérennité de ce contenu. Votre participation, ponctuelle ou régulière, m'aidera à améliorer et diversifier les sujets traités.

  • Vous avez des pensées ou des questions ? Envoyez-les à entretienavecundentiste@gmail.com. Je suis toujours là pour notre communauté.


N'oubliez pas de vous abonner à la newsletter, un rendez-vous un jeudi par mois (quand j'y arrive) où je vous partage les actualités du podcast, une rencontre avec un·e invité·e en lien avec la thématique du mois et mes découvertes de podcasts, film, livres, médias.


Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Anne-Charlotte Bas pour sa participation.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


Si vous aimez ce podcast et pour me soutenir : vous pouvez… 

• Vous abonner à la chaîne d'entretien avec un dentiste sur l’application de podcasts que vous préférez (Apple Podcast, Spotify, Deezer, Podcast Addict…), et la partager en cliquant sur les 3 points.

• Mettre 5 étoiles et un commentaire (sympas) sur l’application Podcasts d’Apple.

• En parler autour de vous ! (vive le bouche-à-oreille)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon voyage à travers l'argent en dentisterie, une série où nous allons plonger dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé. Quand j'ai commencé à me pencher sur la relation entre l'argent et la dentisterie, j'avais imaginé un chemin clair tracé devant moi. Mais au fur et à mesure que j'avançais, j'ai découvert des intersections et des détours imprévus qui méritaient d'être explorés, reliant des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie, l'économie, l'éthique. Ce voyage, que j'ai entamé à travers des livres, des articles et des conversations, m'a conduit bien au-delà des questions de finances et de frais de cabinet. Il m'a amenée à confronter mes propres valeurs, à questionner mon rapport à l'argent et la manière dont il façonne, silencieusement mais avec force, la pratique de mon art. J'ai été poussée à me questionner sur ce que signifie réellement soigner et sur les dilemmes éthiques que nous, en tant que dentiste, rencontrons chaque jour. Dans cette série, je ne vous offre pas seulement des faits ou des statistiques. Je partage avec vous un périple personnel à travers mes questionnements, mes choix, parfois mes doutes, et mes rencontres faites au cours du chemin. Au fil de cette série, nous découvrirons ensemble des histoires, des perspectives et des insights qui pourraient bien changer notre manière de voir notre profession, et peut-être même notre vie quotidienne. Le nombre précis d'épisodes reste à définir. Chacun est une pièce d'un puzzle, représentant une étape de mon cheminement, et sera crucial dans notre exploration commune. Je vous invite donc à ce dialogue ouvert, non pas pour trouver des réponses absolues, mais pour mieux comprendre les questions elles-mêmes. Car en fin de compte, ce sont nos questions qui nous guident vers une pratique plus consciente et plus réfléchie. Prenons une grande inspiration et plongeons ensemble dans l'univers complexe et fascinant de la dentisterie à travers le prisme de l'argent. C'est un voyage que nous allons faire ensemble et je suis ravie que vous soyez ici pour partager cette aventure. Épisode 2 Les racines de notre système de santé Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez pour la première fois, je vous encourage vivement à écouter d'abord l'épisode 1, le commencement. Cet épisode pose les bases de mon exploration et vous donnera un aperçu des thèmes que nous allons développer. Aujourd'hui, nous allons explorer les racines mêmes de notre système de santé, un voyage à travers le temps et les idéologies qui ont modelé la pratique médicale et dentaire telle que nous la connaissons. Pour ce faire, j'ai le plaisir et l'honneur d'accueillir la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie de Rouen et économiste en santé. Ensemble, nous avons discuté de la manière dont les événements historiques et les décisions politiques ont non seulement façonné notre accès aux soins, mais ont également influencé la perception générale de ce que devraient être des soins gratuits ou tout du moins accessibles à tous. Quand j'étais jeune collaboratrice, je passais des heures sur des traitements que je trouvais particulièrement difficiles et stressants, des dévitalisations de molaires ou des extractions complexes par exemple, qui nécessitaient parfois plusieurs séances pour une rémunération dérisoire. Je ne comprenais pas ce système que je trouvais particulièrement injuste au vu des années passées à étudier et aussi du niveau de stress ressenti. Et bien que les années d'expérience m'aient rendu plus rapide et précise, la frustration et le manque de reconnaissance face à la faible rémunération des actes dits de base demeurent. C'est pour cette raison que j'ai voulu comprendre un peu mieux l'origine de notre système, que je critique mais que finalement je connais peu, et c'est pourquoi je me suis tournée vers Anne-Charlotte. Avant de plonger dans notre discussion, je tiens à partager quelque chose de très important avec vous. Ce podcast est produit de manière indépendante et sans publicité. Chaque série approfondie comme celle-ci coûte environ 4000 euros, sans compter les frais fixes mensuels qui soutiennent le fonctionnement quotidien du podcast. Si vous appréciez Entretien avec un hantiste et que vous trouvez de la valeur dans mon travail, je vous invite à soutenir le podcast via la cagnotte participative sur Tipeee. Chaque contribution, grande ou petite, est cruciale. Elle me permet non seulement de couvrir ses coûts, mais aussi de penser à l'amélioration continue du podcast. En soutenant, vous obtiendrez également l'accès au groupe Discord, un espace où nous pourrons discuter des épisodes, échanger des idées et renforcer notre communauté. Votre soutien est vital pour garantir mon indépendance éditoriale et la qualité du contenu que je vous propose. Vous trouverez le lien pour contribuer dans la description de cet épisode. Merci d'avance pour votre générosité et votre engagement. Maintenant, sans plus tarder, explorons ensemble les racines de notre système de santé avec la Dr Anne-Charlotte Bas.

  • Speaker #1

    Alors la question du système de santé français et de ses origines, elle vient en effet à la fois de l'industrialisation dans les pays européens et des suites des guerres mondiales. qui a fait émerger le concept d'État-providence. Donc ça vient de l'industrialisation, parce qu'au moment de l'industrialisation, il y a eu beaucoup d'ouvriers, des métiers d'ouvriers qui ont été créés, en fait, ça n'existait pas le statut d'ouvrier avant, et donc des ouvriers qui se retrouvaient tous ensemble, à travailler ensemble à l'usine, et qui sont devenus des forces de groupe. et on a mis en place une solidarité entre ces personnes du même groupe pour leur permettre de se faire soigner, d'être solidaires de ceux travaillant avec ceux ne pouvant pas travailler quand ils sont dans cette situation de maladie. C'est pour ça que ce n'est pas lié juste aux guerres mondiales et à l'arrivée de l'État-providence, c'est lié à l'industrialisation, qui fait qu'il y a eu des regroupements de personnes avec des santé fragiles parce que bon... Le métier d'ouvrier au moment de l'industrialisation, je me suis imaginé que ce n'était pas favorable à la santé. mais qu'on ne voulait pas que non seulement un ouvrier qui ne travaille pas, c'est la production de l'usine qui diminue, mais aussi un ouvrier qui ne travaille pas, il n'a aucun revenu pour se faire soigner. Et un ouvrier qui ne travaille pas, tous ses potes, ils le voient dans une situation absolument déplorable et ils risquent de faire grève, de se rebeller. Donc pour toutes ces raisons déjà, on avait une mise en place d'une protection contre ces aléas de la santé qui étaient au niveau plutôt par usine. Ça, c'était surtout sur le modèle bismarckien, donc en Allemagne. Et puis, là-dessus, s'est ajouté les systèmes d'État-providence. Et en effet, ça, c'est au lendemain des guerres mondiales, parce qu'on s'est retrouvés avec des personnes qui ne pouvaient plus participer à l'activité productive du pays. Et donc... qui ne pouvaient plus avoir des revenus et qui pourtant sont sortis de la guerre dans des états de santé très désavantagés, défavorisés. Et donc, on a eu aussi cette notion de tout ce que les personnes ont donné à l'État pendant la guerre, à leur patrie, il y a la nécessité, puisque ça les a rendus par la suite non productifs et donc non en capacité de gagner leur vie et de se faire soigner. la nécessité que l'État rende à ces personnes. Et c'est une des raisons du développement de l'État-providence, notamment en Angleterre. avec le système de Beveridge, qui est une ministre de la Santé. C'est le système beveridgien qui a été mis en place au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont on a des applications chez nous. Nous, on a un mélange entre ces deux systèmes, le système bismarckien et le système beveridgien. On est ce qu'on appelle un modèle mixte, avec un peu d'état-providence et aussi un peu de solidarité au niveau groupal. C'est ce qui donne nos couvertures complémentaires santé. L'état-providence, c'est ce qui donne l'assurance maladie.

  • Speaker #0

    L'État-providence est un concept où l'État joue un rôle clé dans la protection et la promotion du bien-être économique et social de ses citoyens. Il intervient par le biais de politiques publiques qui assurent des services comme la santé, l'éducation, le logement et la sécurité sociale. L'idée est de fournir un filet de sécurité pour toutes et tous, particulièrement en cas de maladie, de vieillesse, de chômage ou d'autres vulnérabilités. En France, l'État-providence est né avec les sécurités sociales en 1945 et traverse une crise depuis la fin des années 70. Le système bismarckien, du nom du chancelier allemand Otto von Bismarck, qu'il a instauré à la fin du XIXe siècle, repose sur le principe d'assurance sociale. Dans ce modèle, les travailleurs et les employeurs paient des cotisations à des caisses d'assurance maladie. Ces contributions sont proportionnelles aux revenus et servent à financer les soins de santé des membres. Le système est basé sur la solidarité, ceux qui gagnent plus contribuent plus, aidant à couvrir les coûts pour tous. Contrairement au modèle bismarckien, le système beveridgien, du nom de William Beveridge, un économiste britannique, n'est pas fondé sur les cotisations sociales mais sur la fiscalité générale. Mis en place au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, cette approche vise à offrir des prestations universelles pour la santé, l'éducation et plus, indépendamment des contributions individuelles. Cela garantit que chaque citoyen a accès aux services nécessaires sans égard à sa situation financière ou son historique d'emploi. La France, par exemple, utilise un modèle mixte qui combine des éléments des systèmes bismarckiens et beveridgiens. Cela signifie que les soins de santé sont financés à la fois par des cotisations sociales et de contributions de l'État via les impôts. Ce modèle hybride vise à équilibrer la responsabilité individuelle avec la solidarité nationale, offrant ainsi une couverture étendue, tout en maintenant un niveau élevé de soins de santé. Au départ, c'est quelque chose qui se veut être une... une solidarité nationale, comment petit à petit, ça a dévié vers une notion de gratuité en santé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est l'évolution des droits de l'homme, en fait. Initialement, on a le droit à être... On doit tous être égaux en droit. Et le fait est que si tu as plus de sous, eh bien, tu es plus en capacité de payer des choses. et parmi toutes ces choses que tu dois payer, il y a la santé. Et donc, si on est égaux en droits, eh bien, on devrait tous avoir le même droit d'accès à la santé. Et c'est à partir de là qu'on se dit, si on a tous le même droit d'accès à la santé, qu'on voit que la santé, elle est en partie accessible à travers des soins. parce que la santé, ce n'est pas que des soins, mais une partie de la santé, elle est accessible, c'est plutôt pour rétablir l'état de santé, pour lutter contre les maladies, les soins, mais donc une grande partie de la santé, ça passe par les soins. Et puisque les soins, c'est un service que ça coûte de l'argent, eh bien, il faut qu'on ait tous le même accès aux soins. Et donc, si les soins, on y a accès avec de l'argent, et que tout le monde n'a pas d'argent, eh bien, il faut que les soins deviennent gratuits. et donc ça vient de là la question du droit à la santé ça vient directement de on est tous égaux en droit et donc si on est tous égaux en droit aussi bien le riche que le pauvre a le droit à la santé et comment faire pour que le pauvre ait le droit à quelque chose qui passe à travers les soins qui coûtent de l'argent et bien c'est de lui faire gratuitement

  • Speaker #0

    Comme Anne-Charlotte l'a très justement souligné, la transition vers la notion de gratuité des soins de santé repose sur des principes d'égalité des droits, essentiels dans notre quête collective pour un accès universel aux soins. Cependant, concernant les soins dentaires, cette question de gratuité prend une dimension encore plus spécifique et complexe. En dentisterie, les défis de l'accessibilité et du coût des soins sont particulièrement aigus. Par exemple, bien que le principe de solidarité couvre en théorie chaque citoyen, en pratique, les soins dentaires sont souvent perçus comme moins accessibles. Cela est dû au coût élevé des traitements dentaires spécialisés et à une couverture moins complète par les assurances publiques comparativement à d'autres soins médicaux. Cette situation soulève une question. Si la santé dentaire est essentielle au bien-être général, comment notre système de santé peut garantir que chacun, riche ou pauvre, ait le même accès à des soins dentaires de qualité ? Il est impératif d'examiner comment les politiques de gratuité influencent réellement la pratique dentaire quotidienne et la santé dentaire des populations. En outre, les innovations en dentisterie, comme les traitements orthodontiques et les implants dentaires, posent des questions sur leur intégration dans le modèle de soins financés par l'État. Le coût de ces technologies et la manière dont elles sont rémunérées peuvent créer des barrières à l'accès allant à l'encontre du principe d'égalité d'accès pour tous. Ce débat sur l'équilibre entre accessibilité, qualité et coût nous invite à réfléchir aux valeurs que nous souhaitons privilégier dans notre système de santé et aux compromis qui nous sommes prêts à accepter pour maintenir la santé dentaire à un niveau optimal pour tous. Aborder la gratuité des soins m'amène à réfléchir aux engagements éthiques des professionnels de santé. Parmi ses engagements, le serment d'Hippocrate, qui date de l'Antiquité, promet parfois de fournir des soins gratuits aux plus démunis, mettant en lumière un idéal d'accès universel à la santé. Je me demande donc comment ces promesses anciennes se traduisent dans notre système de santé moderne.

  • Speaker #1

    Les serments d'Hippocrate, maintenant, il y a quand même un certain nombre de serments d'Hippocrate différents qui circulent sur les réseaux. Donc, c'est difficile de le commenter en lecture de texte. Par contre, c'est sûr que... il en a circulé un où on dit que je rendrai les soins gratuits à l'indigent. Ça, c'est un idéal de soins qui va dans le sens des droits de l'homme, donc du droit d'accès à la santé, mais qui ne va pas dans les sens de nécessairement… Ce n'est pas nécessairement directement éthique de faire ça, puisqu'on nous dit aussi que chacun… que les soins doivent être honorés. Et donc, quand on dit qu'un soin doit être honoré, ça ne veut pas dire qu'il doit être payé, en fait. Donc la question de la gratuité, elle est là aussi. Est-ce qu'on est en train de parler d'une gratuité financière ? C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, c'est de ne pas payer ? Est-ce que la gratuité, c'est que quelqu'un d'autre paye pour toi ? Parce que là, par exemple, MT-Dent, tous les dentistes connaissent le programme de prévention qui est gratuit pour les enfants. Là, on doit mettre des guillemets parce que le programme de prévention MT-Dent, il est payé. il n'est juste pas payé par l'usager, de l'usager au dentiste, mais il est payé par la sécurité sociale au dentiste, sécurité sociale qui elle-même est financée par la collectivité. Donc, moi je pense que... Le soin gratuit à l'indigent, il a une portée qui est symbolique et qui n'est pas nécessairement dans le fait de la gratuité financière. Parce que ça nécessite forcément une redistribution. Peut-être qu'il y a d'autres moyens de rémunérer un soin qu'un avantage financier.

  • Speaker #0

    donc cette notion de gratuité puisque c'est un terme qui revient quand même souvent,

  • Speaker #1

    donc peut-être qu'il devrait être changé je pense que la notion de gratuité c'est une facilité de terme, même presque une facilité marketing en fait, la gratuité c'est un terme qui peut se rapporter à beaucoup de choses jamais c'est vrai qu'un soin il est gratuit parce qu'il coûte de l'énergie à la personne qui le prodigue et donc il y a un coût même si on ne prend pas en compte les éléments financiers il y a un coût non financier de fait même s'il n'y a pas eu de mobilisation financière l'acte il a été prodigué, il a été fait il a été réalisé et donc ça a forcément coûté quelque chose ne serait-ce que de l'effort à la personne qui le prodigue et donc à partir de là c'est pour ça qu'il y a une nécessité d'honorer ce soin et bien C'est vrai que la façon dont on l'honore, ça peut être financé, ça peut être non financier. C'est vrai que dans notre société, le soignant a son coût de production qui contient les coûts fixes, qui contient aussi l'effort, les connaissances et les compétences sollicitées le temps passé. et qui fait qu'il y a une nécessité qu'il y ait une rétribution financière pour compenser tous ces coûts. MTDans, ce n'est pas gratuit. Les soins qui sont prodigués, tout ça, c'est pris en charge à 100%. Et ce serait dommage de ne pas avoir l'effort qui est derrière. C'est beau l'effort qui est derrière de toute la collectivité, qui met de l'argent, qui met des impôts, des comptisations sociales et d'autres contributions publiques pour pouvoir financer pour tout le monde à égalité une prise en charge de soins avec une prise en charge totale. Certes, c'est la sécurité sociale, 70% et les mutuelles, 30%, qui vont financer, qui vont donner des sous, qui vont honorer le dentiste, par exemple. C'est pas gratuit en fait.

  • Speaker #0

    En explorant les nuances de la gratuité dans les soins de santé, Anne-Charlotte met en lumière un aspect que je trouve souvent sous-estimé. Les coûts non financiers tels que l'effort, le temps et l'expertise des soignants. Ces dimensions, bien qu'essentielles à la prestation des soins de qualité, ne sont pas toujours visibles ni pleinement reconnues dans nos modèles de financement. Il est important de noter un changement significatif dans notre système de santé depuis notre conversation avec Anne-Charlotte. Au moment de l'enregistrement il y a un an, la sécurité sociale couvrait 70% des soins dentaires de base, mais récemment cette prise en charge a été réduite à 60%. Face à ces défis, nous devons nous demander comment notre système peut non seulement reconnaître, mais aussi valoriser de manière plus équitable et efficace, le travail essentiel des professionnels de santé. Cela est crucial, non seulement pour le bien-être des soignants que l'on sait aujourd'hui en péril, mais aussi pour assurer que tous les citoyens aient accès à des soins de santé de qualité sans que cela représente une charge financière insurmontable. Finalement, est-ce que c'est notre système qui est... critiquable ou qui est mauvais comme on pourrait l'entendre parfois ? Ou est-ce que c'est son interprétation ? Et en fait, il y a un manque de pédagogie, de prise de conscience civique derrière tout ça.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas ça. Moi, je ne pense pas que notre système soit mauvais. Je pense que notre système est perfectible. Et du coup, je ne comprends pas ce qui est censé être mauvais ou pas assez pédagogique. Alors, peut-être que ce qui serait perçu comme mauvais, c'est que le patient ne serait pas suffisamment conscient que derrière la gratuité pour son portefeuille, à l'instant où il se fait soigner, il n'est pas conscient des dépenses que ça implique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Anne-Charlotte défend l'idée que notre système de santé n'est pas intrinsèquement mauvais, mais plutôt perfectible, soulignant que l'une des principales difficultés réside dans la prise de conscience par le patient des coûts réels des soins de santé. Elle évoque la dévaluation perçue des actes médicaux, en particulier ceux dont les tarifs sont fixés bas par les politiques publiques, malgré la complexité et la difficulté technique de ces interventions. Cette situation découle de la nécessité de rendre ces soins essentiels accessibles à tous, financés par de ressources publiques limitées. Je comprends les observations d'Anne-Charlotte, qui raisonne avec l'objectif louable de notre système de santé d'assurer l'accès universel aux traitements absolument nécessaires. Cependant, en tant que praticienne exerçant en cabinet libéral, je fais face à une réalité souvent difficile. Les coûts de fonctionnement d'un cabinet sont élevés, et les revenus provenant des actes à faible valeur ajoutée, qui sont pourtant essentiels, ne suffisent souvent pas à couvrir ces dépenses. Dans la pratique quotidienne, un dentiste qui prend le temps d'écouter ses patients, de fournir des soins de qualité et d'accepter tous les patients indépendamment de leurs revenus, se trouve dans une position financièrement précaire s'il ne pratique pas également des actes à haute valeur ajoutée, tels que des implants, de l'esthétique ou de l'orthodontie. Ce déséquilibre financier peut contraindre les dentistes à orienter leurs pratiques vers des spécialisations plus lucratives ou à limiter le nombre de patients à faible revenu qu'ils peuvent se permettre de traiter.

  • Speaker #1

    Ça c'est très intéressant. parce qu'il y a des actes dont le prix est fixé, et souvent il est donc fixé assez bas. En tout cas, c'est l'avis du plus grand nombre des praticiens. Et il y a des actes dont les tarifs sont libres, et donc c'est à chaque praticien d'évaluer le tarif qu'il va fixer. C'est hyper intéressant ça, parce que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont de grande difficulté, ou alors qui sont considérés par un certain nombre comme étant difficiles techniquement. On pense par exemple au traitement endodontique de Moller. C'est souvent l'argument qui revient en disant Mais ça, c'est un prix fixe, il est très bas, je vous passe des heures. Vraiment, je trouve que mon travail est dévalorisé. Ce qui est sûr, c'est que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont techniques, qui sont compliqués, et dont le prix est fixe et peut paraître bas. Mais pourquoi c'est le cas ? C'est parce qu'on pense que ces soins sont absolument indispensables et que tout le monde doit avoir l'accès. et donc comme tout le monde c'est trop important ces actes là c'est trop nécessaire c'est pas possible que les gens ils doivent y renoncer c'est quelque chose, on s'est dit, c'est des actes il faut absolument les assurer pour tous mais comme il faut absolument les assurer pour tous et que c'est de l'argent public, c'est de l'argent de la collectivité donc on en a pas beaucoup il faut faire très très attention, euro par euro il faut compter, mais par contre il faut quand même que tous ces actes, tout le monde puisse les avoir Et donc forcément, puisqu'il faut que tout le monde puisse les avoir et que ça puisse être financé et qu'on n'a pas beaucoup de sous, ces trois éléments font que ces actes ont un prix qui est relativement bas parce qu'on va devoir le financer. Et donc forcément, on se retrouve avec tous les soins qui ont été définis comme indispensables au moment des négociations, ils ont des prix fixes et relativement bas.

  • Speaker #0

    Dans cette quête continue d'efficacité et de réduction des coûts dans le système de santé, un aspect me semble pourtant largement sous-valorisé, la prévention. Ayant un exercice d'omnipratique orienté en parodontologie, j'observe quotidiennement les bénéfices significatifs d'une approche préventive. Chaque patient que je reçois passe environ une heure à apprendre l'hygiène buccodentaire. Je tiens absolument à cette éducation et la réitère régulièrement. Avec le temps, j'ai vu des patients qui auparavant nécessitaient des interventions fréquentes pour des caries ou des extractions, revenir simplement pour faire des visites où je peux leur dire que tout va bien. La prévention a donc un impact spectaculaire sur la réduction des coûts à long terme. Toutefois, malgré ces évidences, je remarque que les actes de prévention ne sont pas suffisamment mis en avant ou valorisés financièrement à leur juste valeur par notre système. Cela me pousse à me demander pourquoi ne mettons-nous pas davantage l'accent sur la prévention dans notre stratégie de santé ? Pourquoi n'est-elle pas mieux intégrée et récompensée ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est une des grandes questions. De fait, c'est quelque chose qui doit faire l'objet de négociations conventionnelles puisqu'on est en train de parler du fait que la prévention et une valorisation financière, et soit un acte présent dans la TCAM. Il y a certainement plusieurs raisons pour lesquelles ce n'est pas fait pour l'instant. Il y a notamment la question, qui est sous-jacente aussi, c'est des actes qui sont difficiles à évaluer, qui vont être évalués par l'efficacité, l'état de santé à terme du patient. Si la prévention, les visites de prévention étaient bien faites, normalement vous allez avoir l'année prochaine et l'année d'après pas besoin de faire de soins en fait. Ça peut être évalué comme ça par exemple. Et donc, dans ce cas-là, on se pose la question de peut-être différencier la rémunération. Est-ce qu'on fait ça à l'acte ou est-ce qu'on fait un forfait ? Et c'est là qu'arrive la question de la rémunération des chirurgiens dentistes. Il y a beaucoup de façons différentes de rémunérer un professionnel de santé. Le professionnel de santé, il y a des pays où il est payé à la capitation. ça veut dire quoi ? La capitation, ça veut dire qu'il est payé au nombre de patients dans sa patientèle. Et donc, pourquoi il est payé comme ça ? Parce que ça crée un intérêt pour le praticien à ce que son patient ne soit pas malade. C'est un problème parce que du coup, il n'a pas très envie de prendre des malades chroniques. Mais par ailleurs, si je fais bien de la prévention auprès de mes patients, eh bien, à chaque fois qu'ils vont venir, je n'aurai pas grand-chose à faire. Ils ne seront pas malades, je serai tranquille, je n'aurai pas trop de boulot. Donc, la capitation sert à ça. Elle sert à avoir une prise en charge globale du patient où l'intérêt commun est que le patient soit en bonne santé pour avoir le moins de travail possible. Ce ne sont pas des systèmes qui marchent tout seuls. La capitation, ça ne marche pas en solo. Par exemple, parce que ça n'a pas d'intérêt de prendre des malades chroniques. Alors tu peux faire des forfaits par dessus, tu mixes. En plus, tu te payes selon le nombre de patients que tu as, donc ton intérêt c'est de les garder en bonne santé. Et puis comme dans ce cas-là, tu ne vas pas trop aimer avoir des malades chroniques, je te rajoute un forfait malade chronique. Je te donne plus de sous selon le nombre de patients malades chroniques que toi. mais c'est pas encore suffisant. Il y a d'autres façons de payer, par exemple la tarification à l'acte qu'on a chez nous. La tarification à l'acte, c'est tu fais un acte, on te paye. Le problème de la prévention, c'est est-ce que c'est logique de faire un acte pour lequel on te paye alors que les outcomes, les effets, on va les avoir plus tard ? La prévention, c'est compliqué à payer en acte. Un, parce que c'est difficile à définir comme acte, en disant comment certifier que cet acte a été délivré, ce moment de prévention. Et deux, parce que la logique est à terme. Donc la prévention, ça pourrait plutôt marcher dans le temps, en disant peut-être qu'il y a un forfait prévention qui fait que si l'état de santé du patient ne s'est pas dégradé, eh bien là, tu touches ton forfait. C'est des questions qui se posent et qui sont en cours d'étude. Mais vous voyez que le paiement à l'acte, il n'est pas fait pour la prévention parce que c'est un paiement qui incite au volume. Alors que la prévention, c'est quelque chose qui va avoir des impacts dans le temps. Est-ce que c'est négatif ? Ça reste à prouver. Parce que c'est quand même bien d'être productif, de faire beaucoup d'actes. Ça veut dire éventuellement que tu vois beaucoup de patients ou que tu soignes beaucoup de problèmes.

  • Speaker #0

    Donc, ça a ce côté aussi très positif, le paiement à l'acte, parce que ça augmente la productivité, et c'est encore ce qu'on recherche de la part de tout professionnel.

  • Speaker #1

    La réponse d'Anne-Charlotte met en lumière un dilemme central dans notre système de santé concernant la valorisation et la rémunération des soins préventifs. Elle souligne que bien que la prévention soit cruciale pour réduire les coûts à long terme et améliorer l'état de santé global des patients, elle n'est pas toujours facile à intégrer dans les structures de paiement existantes. Les défis résident notamment dans la difficulté d'évaluer immédiatement l'efficacité des actes préventifs et dans la conception des systèmes de rémunération qui encouragent suffisamment ces pratiques. Elle discute... De différents modèles de paiement, comme la capitation, qui peut motiver les soignants à maintenir leurs patients en bonne santé, mais qui présente aussi des inconvénients, notamment une réticence à prendre en charge des patients avec des conditions chroniques complexes, la tarification à l'acte, prédominante dans notre système, favorise la productivité et peut inciter à une augmentation du volume des soins prodigués, ce qui n'est pas nécessairement aligné avec les objectifs de la prévention. Ce débat sur la rémunération soulève des questions fondamentales. Comment pouvons-nous ajuster nos systèmes pour mieux soutenir la prévention ? Est-ce possible de développer des modèles qui récompensent les soignants non seulement pour le volume des soins prodigués, mais aussi pour la qualité et l'efficacité des soins à long terme ? La réflexion d'Anne-Charlotte nous invite à considérer des solutions innovantes, telles que les forfaits de prévention, qui pourraient être ajustés selon l'état de santé du patient au fil du temps. Ce serait un moyen de reconnaître et de récompenser les efforts de prévention qui maintiennent les patients en bonne santé, réduisant ainsi la nécessité de traitements futurs plus coûteux. Tout cela montre combien il est essentiel de continuer à discuter et à réformer les méthodes de rémunération dans le domaine de la santé. En tant que praticien, notre objectif est de fournir les meilleurs soins possibles, mais cela doit être soutenu par un système qui valorise réellement la prévention et la santé à long terme. Il s'agit d'un challenge complexe, mais nécessaire pour l'avenir de notre système de santé. La tarification à l'acte, tout en augmentant la productivité, peut également mener à des dérives notables. Comme l'explique Anne-Charlotte, ce modèle incite les professionnels de santé à multiplier les actes, ce qui maximise leurs revenus. Cette incitation peut non seulement pousser à un plus grand volume d'actes, mais aussi à une sélection des actes les plus rémunérateurs, parfois au détriment de la qualité des soins et du temps consacré à chaque patient. Anne-Charlotte note également que bien que les professionnels de santé soient guidés par des principes de déontologie, L'attrait de la rémunération plus élevée pour certains actes pourrait détourner l'attention des soins véritablement nécessaires. Elle soulève une question critique. Jusqu'à quel point peut-on compter sur l'autorégulation professionnelle pour contrebalancer ces incitations financières ? Et quelles alternatives pourrions-nous envisager pour aligner plus étroitement les modèles de rémunération avec les objectifs de soins centrés sur le patient et de qualité ?

  • Speaker #0

    Alors la tarification à l'acte, ça a plein d'avantages, plein d'inconvénients. Je parle de ce théorique. Quand on est dans de la tarification à l'acte, ça nécessite un acte égal à un paiement. Forcément, tu as envie de faire plein d'actes, parce que du coup, si tu multiplies les actes, tu multiplies les paiements. Ça, c'est normal. Je veux dire, moi, j'ai très envie d'avoir plein de sous, donc j'ai très envie de faire plein d'actes. Ensuite, il y a un deuxième degré. En plus d'un acte, un paiement, C'est selon l'acte, tu gagnes plus ou moins. Donc, qu'est-ce que j'ai envie de faire, moi ? J'ai envie de faire l'acte qui me prend le moins de temps et qui me rapporte le plus de sous possible. Je suis quelqu'un de rationnel. Donc, on a du coup cette incitation non seulement à faire du volume, c'est-à-dire beaucoup d'actes pour avoir beaucoup de sous, mais en plus d'orienter ce volume de soins vers les actes qui vont être le plus rémunérateur. Et ça, c'est la logique, c'est la rationalité. Alors oui, ça peut créer des problèmes. On compte forcément sur la déontologie des professionnels de santé. On se dit que du coup, quand on est dans ce genre d'incitation pour des professionnels de santé, eux, ils vont s'autoréguler grâce aux règles de déontologie. Ça n'en reste pas moins que les travers du paiement à l'acte, ça pourrait être... Si on dépasse les bornes de la déontologie et de l'autocontrôle professionnel médical, le paiement à l'acte peut avoir des dérives comme du volume en excès, c'est-à-dire de la demande induite, ce qui veut dire que ce sont des actes que le patient n'aurait pas demandé s'il était parfaitement au courant. Donc ça veut dire plus de volume que l'aurait désiré un patient. bien informé. Donc l'excès de volume, ça pourrait être une dérive. Et l'autre dérive, en effet, c'est de proposer des actes plus rémunérateurs que d'autres. Donc une orientation de l'activité vers certains actes plutôt que d'autres. Et donc évidemment, faire du volume, c'est très bien. La productivité, c'est important, mais il y a un risque que ça dépasse les bornes. Et donc... Il y a une espèce de limite qu'il ne faut pas franchir entre l'augmentation de la productivité souhaitable et celle qui devient diatrogène.

  • Speaker #1

    Anne-Charlotte nous a éclairé sur les complexités inhérentes à la tarification à l'acte, mettant en lumière les risques de démarches induites et de surtraitement que ce modèle peut engendrer. Lorsque les professionnels de santé sont payés par acte, il existe une incitation naturelle non seulement à augmenter le nombre d'actes réalisés, mais aussi à favoriser ceux qui sont les plus rentables. Cette réalité peut malheureusement conduire à des pratiques où la quantité prévaut sur la qualité des soins. Le phénomène de demande induite, où des actes médicaux sont proposés non pas en réponse à un besoin réel du patient, mais plutôt en raison des incitations financières, soulève de sérieuses questions éthiques. Comment pouvons-nous garantir que les décisions prises sont véritablement dans le meilleur intérêt du patient ? Comment le système peut-il maintenir un équilibre entre rentabilité et responsabilité éthique ? De plus, le surtraitement, une conséquence directe de l'excès de volume, non seulement augmente les coûts globaux pour le système de santé, mais peut aussi exposer le patient à des risques inutiles de complications et d'effets secondaires. Ce dilemme souligne l'importance cruciale de repenser notre approche de la rémunération des soins pour favoriser une médecine plus prudente et centrée sur le patient. Face à ces défis, il devient impératif de considérer des modèles alternatifs de rémunération, tels que des paiements forfaitaires ou les systèmes basés sur la qualité des soins qui peuvent réduire les incitations à la surproduction tout en encourageant les soins de haute qualité. Explorer ces alternatives pourrait aider à aligner plus étroitement les pratiques médicales avec les principes de déontologie et l'intérêt supérieur des patients. assurant ainsi que notre système de santé reste non seulement efficace, mais aussi éthiquement plus solide.

  • Speaker #0

    La demande induite, c'est du surtraitement. La demande induite est très très compliquée à démontrer, parce que, par définition, c'est le praticien qui propose ces traitements, et le patient souvent donne son accord. Il va donner d'autant plus son accord qu'il a une faible participation financière. Donc, l'induction du volume au-delà du raisonnable, eh bien, il est plus susceptible d'arriver concernant des soins qui sont totalement présents en charge. On va voir qu'un patient qui n'a pas à déverser, à utiliser son propre portefeuille, eh bien, va avoir moins tendance à... discuter les plans de traitement qui sont proposés. C'est normal, c'est rationnel. Quand c'est toi qui utilises ton portefeuille pour payer quelque chose, tu vas plus te rechigner, tu vas négocier, tu vas dire je voudrais que ce soit un peu moins cher, je vais en prendre moins si c'est trop cher tout ça. Moi, ce que j'utilise souvent, c'est que je parle des stylos. S'il n'y a pas besoin de payer les stylos et que j'ai toutes les couleurs de stylos, je vais prendre toutes les couleurs de stylos. Par contre, si c'est moi qui paye, je vais choisir que quelques stylos. Et puis, je vais négocier leur prix. Parce que comme je veux avoir le plus de stylos au prix le moins cher possible, je vais négocier. Tandis que si je n'ai pas besoin de payer, je prends tous les stylos et je prends toutes les couleurs. Et donc, c'est pareil dans une relation de soins. Si tu ne payes pas, je vais moins remettre en question ce qu'on me propose. Je vais me dire, de toute façon... Le médecin me propose tout ça, je n'ai pas besoin de payer, je dis ok à tout. Peut-être que si le patient doit mettre la main à son portefeuille, il ne négocierait plus, il discuterait plus la proposition du praticien et on se retrouverait avec un volume de soins peut-être moins important. Ça, on ne peut pas le savoir. C'est en théorie ce qui peut arriver quand on a une prise en charge extérieure. On a une tierce personne qui paye. C'est très dur à prouver. Il faut avoir des données très spécifiques pour pouvoir prouver de la demande induite comme ça. Là où c'est prouvé, c'est dans les scandales sanitaires. mais pas dans les données médico-administratives sur lesquelles je travaille. Mais il y a plusieurs scandales sanitaires qui montrent qu'il y a eu du surtraitement, en plus de piètre qualité, dans des cas de demandes induites.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut dire que le système économique actuel met un peu en péril la relation de confiance entre le dentiste et le patient ? Parce qu'on sent qu'il y a quand même... Donc tu disais qu'il y avait cette demande induite, elle est difficile à mettre en exergue, mais d'un autre côté, les patients, font preuve de plus en plus de défiance vis-à-vis des professionnels de santé. Alors, dentistes, peut-être en premier, parce que c'est des soins qui sont coûteux et moins bien remboursés que les autres. Donc, quand ils viennent, ils ont déjà une appréhension. Ils commencent maintenant à avoir peur qu'on leur survende des traitements ou qu'on leur fasse faire des choses dont ils n'ont pas besoin.

  • Speaker #0

    Alors, moi, je ne suis pas sûre que ça concerne... Beaucoup de patience. Mais ce qui est sûr, c'est que la complexité du système engendre nécessairement de la défiance parce qu'il est trop compliqué à comprendre. On a des informations, elles sont parcellaires. On a des effets d'annonce, RAC0. L'effet d'annonce de RAC0, 100% santé, c'est je ne vais rien payer en allant chez le dentiste Est-ce que c'est vrai ça ? Non, ce n'est pas vrai. Je ne vais pas rien payer en allant chez le dentiste. Ça dépend de beaucoup, beaucoup de choses. Et donc forcément, quand tu as lu dans un site internet ou tu as vu à la télé je ne vais rien payer chez le dentiste quand tu arrives chez le dentiste et qu'il te demande de payer, là, il y a un choc. Et ce choc, il est au détriment du dentiste, parce que c'est plutôt une surprise désagréable. Et ce n'est pas la télé qui va la vivre, c'est la surprise désagréable. C'est le dentiste qui se retrouve dans cette situation désagréable de rétablir en réalité la réalité sur les règles. Et donc oui, ça c'est certain que ça crée une défiance.

  • Speaker #1

    Je voulais savoir si tu avais des modèles de systèmes étrangers dont on pourrait s'inspirer pour justement avancer vers un système plus simple.

  • Speaker #0

    Alors je pense au contraire, qu'un système plus vertueux serait plus compliqué. Donc je pense que si on complexifiait un petit peu le système encore, on le corserait, ce serait plus vertueux. Pourquoi ? Parce que, comme je vous l'ai dit, il y a plusieurs modes de rémunération. Et je pense que si on associe les différents modes de rémunération, on peut inciter à la fois à être productif et à la fois à être vertueux et dans la prévention. Donc, par exemple, mettre à la fois de la capitation du forfait et de l'acte ensemble, je pense que ce serait vertueux. Et là, on est dans des systèmes qui sont très compliqués, qui demandent notamment beaucoup d'informations. Parce que pour pouvoir faire marcher tout ça ensemble, et pour pouvoir faire tomber les financements qui correspondent à la capitation ou au forfait, il faut qu'il y ait un très grand suivi des données de chaque dentiste. Et donc, c'est pour ça que pour l'instant, on n'est pas en mesure de le faire. Je pense que le système de rémunération devrait être complexifié pour être plus vertueux. Par contre, je pense que le système devrait être plus transparent. Parce que l'effet, il est politique, le message qui passe là, aller chez le dentiste, c'est gratuit. C'est un effet politique pour dire, regardez, on a vraiment fait bouger les choses. Il y a des choses qui ont bougé, c'est vrai. Mais on s'en fiche que ce soit aux dentistes de rétablir la réalité sur les règles. Et ça, ce n'est pas juste. Les dentistes, il n'y a pour rien qu'à la télé, on dise, c'est gratuit, allez-y, c'est gratuit. Et donc, la transparence, elle doit être... À l'avantage de chacun, pas juste, en l'occurrence, regardez l'effet gouvernemental, on est très très fort. Il faut qu'on rappelle un peu les règles. En l'occurrence, c'est gratuit pour les soins de premier recours.

  • Speaker #1

    La réponse à Anne-Charlotte nous amène à réfléchir sur une approche potentiellement contre-intuitive. Complexifier le système de rémunération pour qu'il soit plus vertueux. Elle suggère que l'intégration de divers modes de rémunération, comme la capitation, les forfaits et la tarification à l'acte, pourrait encourager à la fois la productivité et à la vertu, notamment dans la prévention. Cependant, cela nécessiterait un suivi extrêmement détaillé des données de chaque praticien pour être efficace, une tâche qui, selon elle, est actuellement hors de portée en raison des limites de nos systèmes d'information. En plus de la complexité, Anne-Charlotte souligne l'importance de la transparence dans le système de santé. Elle critique l'usage politique des annonces comme celle du 100% santé, qui peuvent être trompeuses en suggérant que les soins dentaires sont entièrement gratuits, alors que ce n'est pas nécessairement le cas. Cette approche peut malheureusement laisser les dentistes seuls pour expliquer les réalités financières à leurs patients, ce qui peut nuire à la confiance. Cette discussion soulève une question importante. Comment pouvons-nous concevoir un système qui non seulement encourage les bonnes pratiques médicales, mais qui est également clair, juste et transparent pour les patients et les soignants ? Il semble que, bien que plus complexe, un système diversifié de rémunération pourrait offrir des solutions à condition qu'il soit accompagné d'une amélioration significative de la clarté et de l'accessibilité de l'information pour tous les acteurs impliqués. Passons maintenant à une tendance émergente dans le monde de la dentisterie, le salariat. Historiquement, la profession a largement privilégié le mode libéral. Mais récemment, j'observe un intérêt croissant pour le salariat, particulièrement parmi les jeunes diplômés. Ces nouveaux venus dans le domaine semblent rechercher des opportunités de soigner sans la pression des enjeux financiers liés à la gestion d'un cabinet. Cette évolution m'amène à me demander si un modèle de salariat bien structuré pourrait représenter une solution viable pour la vie de la profession dentaire.

  • Speaker #0

    Le salariat s'exerce de plusieurs façons. Le salariat s'exerce à l'heure dans le menu hospitalier, ce qui a un grand nombre d'avantages, et notamment qui incite à la qualité parce qu'il n'y a pas de pression sur le volume. Il y a aussi le salariat qui s'exerce finalement à l'acte, et c'est celui qu'on rencontre dans les centres de santé le plus souvent. Ce salariat-là, il a les mêmes incitations que le paiement à l'acte, puisque finalement le revenu est en rapport avec le nombre d'actes générés. Ce salariat-là, c'est celui qui est quand même le plus facile d'accès. Quand on parle de salariat à l'heure, c'est quand même beaucoup plus marginal. Mais le salariat avec une rétribution au prorata du nombre d'actes, il est en effet de plus en plus attractif. Il est de plus en plus attractif pour de nombreuses raisons. Un, parce qu'il permet l'exercice de groupe. L'exercice de groupe est attractif parce qu'on est une profession ultra-libérale, très isolée les uns des autres, mais aussi vis-à-vis des autres professions médicales. Et donc, il y a un souhait de travailler en groupe, soit en interprofessionnel, soit entre dentistes, qui ont des avantages très différents par ailleurs. Mais le souhait de travailler en groupe permet, un, d'échanger et de se sentir rassurée dans sa pratique. Donc ça, c'est très attractif, bien sûr. Mais ça peut permettre aussi de diluer la responsabilité vis-à-vis des patients. Parce qu'on a eu un effet de collectivité, où on a l'impression que la responsabilité, elle est diluée entre tous les praticiens du groupe. Ça, c'est le cas dans des grands centres de santé dentaire, où il y a beaucoup de monde, et on a l'impression que finalement, c'est la structure qui prend la responsabilité. Ça, c'est un écueil, par contre. parce que ce n'est pas vrai. La responsabilité, elle est à chacun. Mais je ne dis pas que tous ces salariés-là l'oublient. Mais en tout cas, ça peut être un écueil. Cette perte de la sensation de responsabilité face aux patients, ça, c'est un écueil. Ça a eu des conséquences. On espère que ça en aura le moins possible par la suite. Il y a des nouvelles règles, d'ailleurs, dans les centres de santé. On espère que ça va s'améliorer. L'autre avantage, En dehors du travail de groupe, c'est l'avantage de la responsabilité financière qui est engagée. Quand on est dans un centre de santé, on arrive, on nous prête le matériel, on nous gère les assistantes, les secrétaires, on gère les prises de rendez-vous. On est dans une responsabilité financière et managériale qui est déportée aussi sur la structure. C'est la structure qui finance les coûts fixes et les coûts de fonctionnement. Ces coups fixes et ces coups de fonctionnement, dans le cadre de la chirurgie dentaire, qui a un plateau technique extrêmement onéreux, c'est très important à prendre en compte. Est-ce qu'on doit assumer quand même, les chirurgiens dentistes libéraux doivent assumer, un coût d'investissement initial, puis un coût de fonctionnement très important ? Ça, ça fait peur. C'est une pression financière qu'on prend sous forme de prêts le plus souvent. Mais on doit assumer ce prêt de nombreuses années et donc ça génère une pression financière importante. Et en plus du prêt, on doit assumer les coûts de fonctionnement qui sont imputés sur le chiffre d'affaires jour après jour. Et donc cette pression-là, qui est à mettre en balance avec l'autonomie et le fait que tu es ton propre patron et que tu fais ce que tu veux, et puis zut alors, ça reste quelque chose qui n'est pas anodin. C'est une responsabilité intense qui pèse sur les épaules au jour le jour. Et c'est ça aussi qu'on évite. Au moins quand on commence sa carrière dans une structure groupale, éventuellement un centre de santé. Ce n'est pas un choix qu'on fait comme ça et puis on verra bien dans cinq ans quand. Et donc c'est normal quand on est jeune, quand on a aussi grandi dans une société où les gens font de plus en plus des boulots différents. On voit beaucoup de gens, toi, moi, qui font des choses différentes à différentes étapes de leur vie. Et là, on leur demande de s'endetter pour 15, 20, 30 ans. C'est normal que ça ne fasse pas sens pour les générations qui arrivent en tout cas. En plus, quand on voit que ceux qui partent à la retraite, ils ont des galères pour revendre leur cabinet. Donc, ce n'est pas un investissement qui est sexy et attractif quand même.

  • Speaker #1

    Nous arrivons à la fin de cet épisode dans lequel nous avons plongé dans l'histoire et les fondements de notre système de santé avec la docteure Anne-Charlotte Bas. J'espère que cette discussion vous a offert des éclairages sur comment nos soins sont structurés et perçus dans notre société. Pour notre prochain épisode, nous changerons de perspective pour explorer l'expérience des patients eux-mêmes, en particulier ceux qui luttent pour accéder à des soins dentaires de qualité en raison de contraintes financières. J'aurai l'honneur d'accueillir Olivier Siran, auteur du livre Sur les dents qui apportera un regard critique sur les difficultés rencontrées par les patients moins privilégiés. Olivier partagera avec nous ses observations et ses recherches sur les défis et les barrières qu'on rencontre ces individus, ajoutant une dimension humaine et sociale à cette grande discussion sur l'argent en dentisterie. Merci à Camille Covez qui a réalisé l'illustration, à Maxime Moitieu pour la composition musicale et bien sûr à Pauline Bussy pour le montage. N'oubliez pas de soutenir le podcast si vous appréciez son contenu et souhaitez continuer cette exploration ensemble. Merci d'avoir écouté et à très bientôt pour continuer notre voyage à travers l'argent en dentisterie.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 2 : Les racines de notre système de santé

Dans cet épisode, nous explorons les origines et les évolutions de notre système de santé avec l'expertise de la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie à Rouen et économiste en santé.


Pour interagir et soutenir ce podcast :

  • Soutenez le podcast via Tipeee : Votre soutien financier est crucial pour la continuation du podcast, son indépendance et sa liberté de ton. Visitez la page Tipeee, pour contribuer à la qualité et la pérennité de ce contenu. Votre participation, ponctuelle ou régulière, m'aidera à améliorer et diversifier les sujets traités.

  • Vous avez des pensées ou des questions ? Envoyez-les à entretienavecundentiste@gmail.com. Je suis toujours là pour notre communauté.


N'oubliez pas de vous abonner à la newsletter, un rendez-vous un jeudi par mois (quand j'y arrive) où je vous partage les actualités du podcast, une rencontre avec un·e invité·e en lien avec la thématique du mois et mes découvertes de podcasts, film, livres, médias.


Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Anne-Charlotte Bas pour sa participation.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


Si vous aimez ce podcast et pour me soutenir : vous pouvez… 

• Vous abonner à la chaîne d'entretien avec un dentiste sur l’application de podcasts que vous préférez (Apple Podcast, Spotify, Deezer, Podcast Addict…), et la partager en cliquant sur les 3 points.

• Mettre 5 étoiles et un commentaire (sympas) sur l’application Podcasts d’Apple.

• En parler autour de vous ! (vive le bouche-à-oreille)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon voyage à travers l'argent en dentisterie, une série où nous allons plonger dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé. Quand j'ai commencé à me pencher sur la relation entre l'argent et la dentisterie, j'avais imaginé un chemin clair tracé devant moi. Mais au fur et à mesure que j'avançais, j'ai découvert des intersections et des détours imprévus qui méritaient d'être explorés, reliant des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie, l'économie, l'éthique. Ce voyage, que j'ai entamé à travers des livres, des articles et des conversations, m'a conduit bien au-delà des questions de finances et de frais de cabinet. Il m'a amenée à confronter mes propres valeurs, à questionner mon rapport à l'argent et la manière dont il façonne, silencieusement mais avec force, la pratique de mon art. J'ai été poussée à me questionner sur ce que signifie réellement soigner et sur les dilemmes éthiques que nous, en tant que dentiste, rencontrons chaque jour. Dans cette série, je ne vous offre pas seulement des faits ou des statistiques. Je partage avec vous un périple personnel à travers mes questionnements, mes choix, parfois mes doutes, et mes rencontres faites au cours du chemin. Au fil de cette série, nous découvrirons ensemble des histoires, des perspectives et des insights qui pourraient bien changer notre manière de voir notre profession, et peut-être même notre vie quotidienne. Le nombre précis d'épisodes reste à définir. Chacun est une pièce d'un puzzle, représentant une étape de mon cheminement, et sera crucial dans notre exploration commune. Je vous invite donc à ce dialogue ouvert, non pas pour trouver des réponses absolues, mais pour mieux comprendre les questions elles-mêmes. Car en fin de compte, ce sont nos questions qui nous guident vers une pratique plus consciente et plus réfléchie. Prenons une grande inspiration et plongeons ensemble dans l'univers complexe et fascinant de la dentisterie à travers le prisme de l'argent. C'est un voyage que nous allons faire ensemble et je suis ravie que vous soyez ici pour partager cette aventure. Épisode 2 Les racines de notre système de santé Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez pour la première fois, je vous encourage vivement à écouter d'abord l'épisode 1, le commencement. Cet épisode pose les bases de mon exploration et vous donnera un aperçu des thèmes que nous allons développer. Aujourd'hui, nous allons explorer les racines mêmes de notre système de santé, un voyage à travers le temps et les idéologies qui ont modelé la pratique médicale et dentaire telle que nous la connaissons. Pour ce faire, j'ai le plaisir et l'honneur d'accueillir la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie de Rouen et économiste en santé. Ensemble, nous avons discuté de la manière dont les événements historiques et les décisions politiques ont non seulement façonné notre accès aux soins, mais ont également influencé la perception générale de ce que devraient être des soins gratuits ou tout du moins accessibles à tous. Quand j'étais jeune collaboratrice, je passais des heures sur des traitements que je trouvais particulièrement difficiles et stressants, des dévitalisations de molaires ou des extractions complexes par exemple, qui nécessitaient parfois plusieurs séances pour une rémunération dérisoire. Je ne comprenais pas ce système que je trouvais particulièrement injuste au vu des années passées à étudier et aussi du niveau de stress ressenti. Et bien que les années d'expérience m'aient rendu plus rapide et précise, la frustration et le manque de reconnaissance face à la faible rémunération des actes dits de base demeurent. C'est pour cette raison que j'ai voulu comprendre un peu mieux l'origine de notre système, que je critique mais que finalement je connais peu, et c'est pourquoi je me suis tournée vers Anne-Charlotte. Avant de plonger dans notre discussion, je tiens à partager quelque chose de très important avec vous. Ce podcast est produit de manière indépendante et sans publicité. Chaque série approfondie comme celle-ci coûte environ 4000 euros, sans compter les frais fixes mensuels qui soutiennent le fonctionnement quotidien du podcast. Si vous appréciez Entretien avec un hantiste et que vous trouvez de la valeur dans mon travail, je vous invite à soutenir le podcast via la cagnotte participative sur Tipeee. Chaque contribution, grande ou petite, est cruciale. Elle me permet non seulement de couvrir ses coûts, mais aussi de penser à l'amélioration continue du podcast. En soutenant, vous obtiendrez également l'accès au groupe Discord, un espace où nous pourrons discuter des épisodes, échanger des idées et renforcer notre communauté. Votre soutien est vital pour garantir mon indépendance éditoriale et la qualité du contenu que je vous propose. Vous trouverez le lien pour contribuer dans la description de cet épisode. Merci d'avance pour votre générosité et votre engagement. Maintenant, sans plus tarder, explorons ensemble les racines de notre système de santé avec la Dr Anne-Charlotte Bas.

  • Speaker #1

    Alors la question du système de santé français et de ses origines, elle vient en effet à la fois de l'industrialisation dans les pays européens et des suites des guerres mondiales. qui a fait émerger le concept d'État-providence. Donc ça vient de l'industrialisation, parce qu'au moment de l'industrialisation, il y a eu beaucoup d'ouvriers, des métiers d'ouvriers qui ont été créés, en fait, ça n'existait pas le statut d'ouvrier avant, et donc des ouvriers qui se retrouvaient tous ensemble, à travailler ensemble à l'usine, et qui sont devenus des forces de groupe. et on a mis en place une solidarité entre ces personnes du même groupe pour leur permettre de se faire soigner, d'être solidaires de ceux travaillant avec ceux ne pouvant pas travailler quand ils sont dans cette situation de maladie. C'est pour ça que ce n'est pas lié juste aux guerres mondiales et à l'arrivée de l'État-providence, c'est lié à l'industrialisation, qui fait qu'il y a eu des regroupements de personnes avec des santé fragiles parce que bon... Le métier d'ouvrier au moment de l'industrialisation, je me suis imaginé que ce n'était pas favorable à la santé. mais qu'on ne voulait pas que non seulement un ouvrier qui ne travaille pas, c'est la production de l'usine qui diminue, mais aussi un ouvrier qui ne travaille pas, il n'a aucun revenu pour se faire soigner. Et un ouvrier qui ne travaille pas, tous ses potes, ils le voient dans une situation absolument déplorable et ils risquent de faire grève, de se rebeller. Donc pour toutes ces raisons déjà, on avait une mise en place d'une protection contre ces aléas de la santé qui étaient au niveau plutôt par usine. Ça, c'était surtout sur le modèle bismarckien, donc en Allemagne. Et puis, là-dessus, s'est ajouté les systèmes d'État-providence. Et en effet, ça, c'est au lendemain des guerres mondiales, parce qu'on s'est retrouvés avec des personnes qui ne pouvaient plus participer à l'activité productive du pays. Et donc... qui ne pouvaient plus avoir des revenus et qui pourtant sont sortis de la guerre dans des états de santé très désavantagés, défavorisés. Et donc, on a eu aussi cette notion de tout ce que les personnes ont donné à l'État pendant la guerre, à leur patrie, il y a la nécessité, puisque ça les a rendus par la suite non productifs et donc non en capacité de gagner leur vie et de se faire soigner. la nécessité que l'État rende à ces personnes. Et c'est une des raisons du développement de l'État-providence, notamment en Angleterre. avec le système de Beveridge, qui est une ministre de la Santé. C'est le système beveridgien qui a été mis en place au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont on a des applications chez nous. Nous, on a un mélange entre ces deux systèmes, le système bismarckien et le système beveridgien. On est ce qu'on appelle un modèle mixte, avec un peu d'état-providence et aussi un peu de solidarité au niveau groupal. C'est ce qui donne nos couvertures complémentaires santé. L'état-providence, c'est ce qui donne l'assurance maladie.

  • Speaker #0

    L'État-providence est un concept où l'État joue un rôle clé dans la protection et la promotion du bien-être économique et social de ses citoyens. Il intervient par le biais de politiques publiques qui assurent des services comme la santé, l'éducation, le logement et la sécurité sociale. L'idée est de fournir un filet de sécurité pour toutes et tous, particulièrement en cas de maladie, de vieillesse, de chômage ou d'autres vulnérabilités. En France, l'État-providence est né avec les sécurités sociales en 1945 et traverse une crise depuis la fin des années 70. Le système bismarckien, du nom du chancelier allemand Otto von Bismarck, qu'il a instauré à la fin du XIXe siècle, repose sur le principe d'assurance sociale. Dans ce modèle, les travailleurs et les employeurs paient des cotisations à des caisses d'assurance maladie. Ces contributions sont proportionnelles aux revenus et servent à financer les soins de santé des membres. Le système est basé sur la solidarité, ceux qui gagnent plus contribuent plus, aidant à couvrir les coûts pour tous. Contrairement au modèle bismarckien, le système beveridgien, du nom de William Beveridge, un économiste britannique, n'est pas fondé sur les cotisations sociales mais sur la fiscalité générale. Mis en place au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, cette approche vise à offrir des prestations universelles pour la santé, l'éducation et plus, indépendamment des contributions individuelles. Cela garantit que chaque citoyen a accès aux services nécessaires sans égard à sa situation financière ou son historique d'emploi. La France, par exemple, utilise un modèle mixte qui combine des éléments des systèmes bismarckiens et beveridgiens. Cela signifie que les soins de santé sont financés à la fois par des cotisations sociales et de contributions de l'État via les impôts. Ce modèle hybride vise à équilibrer la responsabilité individuelle avec la solidarité nationale, offrant ainsi une couverture étendue, tout en maintenant un niveau élevé de soins de santé. Au départ, c'est quelque chose qui se veut être une... une solidarité nationale, comment petit à petit, ça a dévié vers une notion de gratuité en santé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est l'évolution des droits de l'homme, en fait. Initialement, on a le droit à être... On doit tous être égaux en droit. Et le fait est que si tu as plus de sous, eh bien, tu es plus en capacité de payer des choses. et parmi toutes ces choses que tu dois payer, il y a la santé. Et donc, si on est égaux en droits, eh bien, on devrait tous avoir le même droit d'accès à la santé. Et c'est à partir de là qu'on se dit, si on a tous le même droit d'accès à la santé, qu'on voit que la santé, elle est en partie accessible à travers des soins. parce que la santé, ce n'est pas que des soins, mais une partie de la santé, elle est accessible, c'est plutôt pour rétablir l'état de santé, pour lutter contre les maladies, les soins, mais donc une grande partie de la santé, ça passe par les soins. Et puisque les soins, c'est un service que ça coûte de l'argent, eh bien, il faut qu'on ait tous le même accès aux soins. Et donc, si les soins, on y a accès avec de l'argent, et que tout le monde n'a pas d'argent, eh bien, il faut que les soins deviennent gratuits. et donc ça vient de là la question du droit à la santé ça vient directement de on est tous égaux en droit et donc si on est tous égaux en droit aussi bien le riche que le pauvre a le droit à la santé et comment faire pour que le pauvre ait le droit à quelque chose qui passe à travers les soins qui coûtent de l'argent et bien c'est de lui faire gratuitement

  • Speaker #0

    Comme Anne-Charlotte l'a très justement souligné, la transition vers la notion de gratuité des soins de santé repose sur des principes d'égalité des droits, essentiels dans notre quête collective pour un accès universel aux soins. Cependant, concernant les soins dentaires, cette question de gratuité prend une dimension encore plus spécifique et complexe. En dentisterie, les défis de l'accessibilité et du coût des soins sont particulièrement aigus. Par exemple, bien que le principe de solidarité couvre en théorie chaque citoyen, en pratique, les soins dentaires sont souvent perçus comme moins accessibles. Cela est dû au coût élevé des traitements dentaires spécialisés et à une couverture moins complète par les assurances publiques comparativement à d'autres soins médicaux. Cette situation soulève une question. Si la santé dentaire est essentielle au bien-être général, comment notre système de santé peut garantir que chacun, riche ou pauvre, ait le même accès à des soins dentaires de qualité ? Il est impératif d'examiner comment les politiques de gratuité influencent réellement la pratique dentaire quotidienne et la santé dentaire des populations. En outre, les innovations en dentisterie, comme les traitements orthodontiques et les implants dentaires, posent des questions sur leur intégration dans le modèle de soins financés par l'État. Le coût de ces technologies et la manière dont elles sont rémunérées peuvent créer des barrières à l'accès allant à l'encontre du principe d'égalité d'accès pour tous. Ce débat sur l'équilibre entre accessibilité, qualité et coût nous invite à réfléchir aux valeurs que nous souhaitons privilégier dans notre système de santé et aux compromis qui nous sommes prêts à accepter pour maintenir la santé dentaire à un niveau optimal pour tous. Aborder la gratuité des soins m'amène à réfléchir aux engagements éthiques des professionnels de santé. Parmi ses engagements, le serment d'Hippocrate, qui date de l'Antiquité, promet parfois de fournir des soins gratuits aux plus démunis, mettant en lumière un idéal d'accès universel à la santé. Je me demande donc comment ces promesses anciennes se traduisent dans notre système de santé moderne.

  • Speaker #1

    Les serments d'Hippocrate, maintenant, il y a quand même un certain nombre de serments d'Hippocrate différents qui circulent sur les réseaux. Donc, c'est difficile de le commenter en lecture de texte. Par contre, c'est sûr que... il en a circulé un où on dit que je rendrai les soins gratuits à l'indigent. Ça, c'est un idéal de soins qui va dans le sens des droits de l'homme, donc du droit d'accès à la santé, mais qui ne va pas dans les sens de nécessairement… Ce n'est pas nécessairement directement éthique de faire ça, puisqu'on nous dit aussi que chacun… que les soins doivent être honorés. Et donc, quand on dit qu'un soin doit être honoré, ça ne veut pas dire qu'il doit être payé, en fait. Donc la question de la gratuité, elle est là aussi. Est-ce qu'on est en train de parler d'une gratuité financière ? C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, c'est de ne pas payer ? Est-ce que la gratuité, c'est que quelqu'un d'autre paye pour toi ? Parce que là, par exemple, MT-Dent, tous les dentistes connaissent le programme de prévention qui est gratuit pour les enfants. Là, on doit mettre des guillemets parce que le programme de prévention MT-Dent, il est payé. il n'est juste pas payé par l'usager, de l'usager au dentiste, mais il est payé par la sécurité sociale au dentiste, sécurité sociale qui elle-même est financée par la collectivité. Donc, moi je pense que... Le soin gratuit à l'indigent, il a une portée qui est symbolique et qui n'est pas nécessairement dans le fait de la gratuité financière. Parce que ça nécessite forcément une redistribution. Peut-être qu'il y a d'autres moyens de rémunérer un soin qu'un avantage financier.

  • Speaker #0

    donc cette notion de gratuité puisque c'est un terme qui revient quand même souvent,

  • Speaker #1

    donc peut-être qu'il devrait être changé je pense que la notion de gratuité c'est une facilité de terme, même presque une facilité marketing en fait, la gratuité c'est un terme qui peut se rapporter à beaucoup de choses jamais c'est vrai qu'un soin il est gratuit parce qu'il coûte de l'énergie à la personne qui le prodigue et donc il y a un coût même si on ne prend pas en compte les éléments financiers il y a un coût non financier de fait même s'il n'y a pas eu de mobilisation financière l'acte il a été prodigué, il a été fait il a été réalisé et donc ça a forcément coûté quelque chose ne serait-ce que de l'effort à la personne qui le prodigue et donc à partir de là c'est pour ça qu'il y a une nécessité d'honorer ce soin et bien C'est vrai que la façon dont on l'honore, ça peut être financé, ça peut être non financier. C'est vrai que dans notre société, le soignant a son coût de production qui contient les coûts fixes, qui contient aussi l'effort, les connaissances et les compétences sollicitées le temps passé. et qui fait qu'il y a une nécessité qu'il y ait une rétribution financière pour compenser tous ces coûts. MTDans, ce n'est pas gratuit. Les soins qui sont prodigués, tout ça, c'est pris en charge à 100%. Et ce serait dommage de ne pas avoir l'effort qui est derrière. C'est beau l'effort qui est derrière de toute la collectivité, qui met de l'argent, qui met des impôts, des comptisations sociales et d'autres contributions publiques pour pouvoir financer pour tout le monde à égalité une prise en charge de soins avec une prise en charge totale. Certes, c'est la sécurité sociale, 70% et les mutuelles, 30%, qui vont financer, qui vont donner des sous, qui vont honorer le dentiste, par exemple. C'est pas gratuit en fait.

  • Speaker #0

    En explorant les nuances de la gratuité dans les soins de santé, Anne-Charlotte met en lumière un aspect que je trouve souvent sous-estimé. Les coûts non financiers tels que l'effort, le temps et l'expertise des soignants. Ces dimensions, bien qu'essentielles à la prestation des soins de qualité, ne sont pas toujours visibles ni pleinement reconnues dans nos modèles de financement. Il est important de noter un changement significatif dans notre système de santé depuis notre conversation avec Anne-Charlotte. Au moment de l'enregistrement il y a un an, la sécurité sociale couvrait 70% des soins dentaires de base, mais récemment cette prise en charge a été réduite à 60%. Face à ces défis, nous devons nous demander comment notre système peut non seulement reconnaître, mais aussi valoriser de manière plus équitable et efficace, le travail essentiel des professionnels de santé. Cela est crucial, non seulement pour le bien-être des soignants que l'on sait aujourd'hui en péril, mais aussi pour assurer que tous les citoyens aient accès à des soins de santé de qualité sans que cela représente une charge financière insurmontable. Finalement, est-ce que c'est notre système qui est... critiquable ou qui est mauvais comme on pourrait l'entendre parfois ? Ou est-ce que c'est son interprétation ? Et en fait, il y a un manque de pédagogie, de prise de conscience civique derrière tout ça.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas ça. Moi, je ne pense pas que notre système soit mauvais. Je pense que notre système est perfectible. Et du coup, je ne comprends pas ce qui est censé être mauvais ou pas assez pédagogique. Alors, peut-être que ce qui serait perçu comme mauvais, c'est que le patient ne serait pas suffisamment conscient que derrière la gratuité pour son portefeuille, à l'instant où il se fait soigner, il n'est pas conscient des dépenses que ça implique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Anne-Charlotte défend l'idée que notre système de santé n'est pas intrinsèquement mauvais, mais plutôt perfectible, soulignant que l'une des principales difficultés réside dans la prise de conscience par le patient des coûts réels des soins de santé. Elle évoque la dévaluation perçue des actes médicaux, en particulier ceux dont les tarifs sont fixés bas par les politiques publiques, malgré la complexité et la difficulté technique de ces interventions. Cette situation découle de la nécessité de rendre ces soins essentiels accessibles à tous, financés par de ressources publiques limitées. Je comprends les observations d'Anne-Charlotte, qui raisonne avec l'objectif louable de notre système de santé d'assurer l'accès universel aux traitements absolument nécessaires. Cependant, en tant que praticienne exerçant en cabinet libéral, je fais face à une réalité souvent difficile. Les coûts de fonctionnement d'un cabinet sont élevés, et les revenus provenant des actes à faible valeur ajoutée, qui sont pourtant essentiels, ne suffisent souvent pas à couvrir ces dépenses. Dans la pratique quotidienne, un dentiste qui prend le temps d'écouter ses patients, de fournir des soins de qualité et d'accepter tous les patients indépendamment de leurs revenus, se trouve dans une position financièrement précaire s'il ne pratique pas également des actes à haute valeur ajoutée, tels que des implants, de l'esthétique ou de l'orthodontie. Ce déséquilibre financier peut contraindre les dentistes à orienter leurs pratiques vers des spécialisations plus lucratives ou à limiter le nombre de patients à faible revenu qu'ils peuvent se permettre de traiter.

  • Speaker #1

    Ça c'est très intéressant. parce qu'il y a des actes dont le prix est fixé, et souvent il est donc fixé assez bas. En tout cas, c'est l'avis du plus grand nombre des praticiens. Et il y a des actes dont les tarifs sont libres, et donc c'est à chaque praticien d'évaluer le tarif qu'il va fixer. C'est hyper intéressant ça, parce que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont de grande difficulté, ou alors qui sont considérés par un certain nombre comme étant difficiles techniquement. On pense par exemple au traitement endodontique de Moller. C'est souvent l'argument qui revient en disant Mais ça, c'est un prix fixe, il est très bas, je vous passe des heures. Vraiment, je trouve que mon travail est dévalorisé. Ce qui est sûr, c'est que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont techniques, qui sont compliqués, et dont le prix est fixe et peut paraître bas. Mais pourquoi c'est le cas ? C'est parce qu'on pense que ces soins sont absolument indispensables et que tout le monde doit avoir l'accès. et donc comme tout le monde c'est trop important ces actes là c'est trop nécessaire c'est pas possible que les gens ils doivent y renoncer c'est quelque chose, on s'est dit, c'est des actes il faut absolument les assurer pour tous mais comme il faut absolument les assurer pour tous et que c'est de l'argent public, c'est de l'argent de la collectivité donc on en a pas beaucoup il faut faire très très attention, euro par euro il faut compter, mais par contre il faut quand même que tous ces actes, tout le monde puisse les avoir Et donc forcément, puisqu'il faut que tout le monde puisse les avoir et que ça puisse être financé et qu'on n'a pas beaucoup de sous, ces trois éléments font que ces actes ont un prix qui est relativement bas parce qu'on va devoir le financer. Et donc forcément, on se retrouve avec tous les soins qui ont été définis comme indispensables au moment des négociations, ils ont des prix fixes et relativement bas.

  • Speaker #0

    Dans cette quête continue d'efficacité et de réduction des coûts dans le système de santé, un aspect me semble pourtant largement sous-valorisé, la prévention. Ayant un exercice d'omnipratique orienté en parodontologie, j'observe quotidiennement les bénéfices significatifs d'une approche préventive. Chaque patient que je reçois passe environ une heure à apprendre l'hygiène buccodentaire. Je tiens absolument à cette éducation et la réitère régulièrement. Avec le temps, j'ai vu des patients qui auparavant nécessitaient des interventions fréquentes pour des caries ou des extractions, revenir simplement pour faire des visites où je peux leur dire que tout va bien. La prévention a donc un impact spectaculaire sur la réduction des coûts à long terme. Toutefois, malgré ces évidences, je remarque que les actes de prévention ne sont pas suffisamment mis en avant ou valorisés financièrement à leur juste valeur par notre système. Cela me pousse à me demander pourquoi ne mettons-nous pas davantage l'accent sur la prévention dans notre stratégie de santé ? Pourquoi n'est-elle pas mieux intégrée et récompensée ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est une des grandes questions. De fait, c'est quelque chose qui doit faire l'objet de négociations conventionnelles puisqu'on est en train de parler du fait que la prévention et une valorisation financière, et soit un acte présent dans la TCAM. Il y a certainement plusieurs raisons pour lesquelles ce n'est pas fait pour l'instant. Il y a notamment la question, qui est sous-jacente aussi, c'est des actes qui sont difficiles à évaluer, qui vont être évalués par l'efficacité, l'état de santé à terme du patient. Si la prévention, les visites de prévention étaient bien faites, normalement vous allez avoir l'année prochaine et l'année d'après pas besoin de faire de soins en fait. Ça peut être évalué comme ça par exemple. Et donc, dans ce cas-là, on se pose la question de peut-être différencier la rémunération. Est-ce qu'on fait ça à l'acte ou est-ce qu'on fait un forfait ? Et c'est là qu'arrive la question de la rémunération des chirurgiens dentistes. Il y a beaucoup de façons différentes de rémunérer un professionnel de santé. Le professionnel de santé, il y a des pays où il est payé à la capitation. ça veut dire quoi ? La capitation, ça veut dire qu'il est payé au nombre de patients dans sa patientèle. Et donc, pourquoi il est payé comme ça ? Parce que ça crée un intérêt pour le praticien à ce que son patient ne soit pas malade. C'est un problème parce que du coup, il n'a pas très envie de prendre des malades chroniques. Mais par ailleurs, si je fais bien de la prévention auprès de mes patients, eh bien, à chaque fois qu'ils vont venir, je n'aurai pas grand-chose à faire. Ils ne seront pas malades, je serai tranquille, je n'aurai pas trop de boulot. Donc, la capitation sert à ça. Elle sert à avoir une prise en charge globale du patient où l'intérêt commun est que le patient soit en bonne santé pour avoir le moins de travail possible. Ce ne sont pas des systèmes qui marchent tout seuls. La capitation, ça ne marche pas en solo. Par exemple, parce que ça n'a pas d'intérêt de prendre des malades chroniques. Alors tu peux faire des forfaits par dessus, tu mixes. En plus, tu te payes selon le nombre de patients que tu as, donc ton intérêt c'est de les garder en bonne santé. Et puis comme dans ce cas-là, tu ne vas pas trop aimer avoir des malades chroniques, je te rajoute un forfait malade chronique. Je te donne plus de sous selon le nombre de patients malades chroniques que toi. mais c'est pas encore suffisant. Il y a d'autres façons de payer, par exemple la tarification à l'acte qu'on a chez nous. La tarification à l'acte, c'est tu fais un acte, on te paye. Le problème de la prévention, c'est est-ce que c'est logique de faire un acte pour lequel on te paye alors que les outcomes, les effets, on va les avoir plus tard ? La prévention, c'est compliqué à payer en acte. Un, parce que c'est difficile à définir comme acte, en disant comment certifier que cet acte a été délivré, ce moment de prévention. Et deux, parce que la logique est à terme. Donc la prévention, ça pourrait plutôt marcher dans le temps, en disant peut-être qu'il y a un forfait prévention qui fait que si l'état de santé du patient ne s'est pas dégradé, eh bien là, tu touches ton forfait. C'est des questions qui se posent et qui sont en cours d'étude. Mais vous voyez que le paiement à l'acte, il n'est pas fait pour la prévention parce que c'est un paiement qui incite au volume. Alors que la prévention, c'est quelque chose qui va avoir des impacts dans le temps. Est-ce que c'est négatif ? Ça reste à prouver. Parce que c'est quand même bien d'être productif, de faire beaucoup d'actes. Ça veut dire éventuellement que tu vois beaucoup de patients ou que tu soignes beaucoup de problèmes.

  • Speaker #0

    Donc, ça a ce côté aussi très positif, le paiement à l'acte, parce que ça augmente la productivité, et c'est encore ce qu'on recherche de la part de tout professionnel.

  • Speaker #1

    La réponse d'Anne-Charlotte met en lumière un dilemme central dans notre système de santé concernant la valorisation et la rémunération des soins préventifs. Elle souligne que bien que la prévention soit cruciale pour réduire les coûts à long terme et améliorer l'état de santé global des patients, elle n'est pas toujours facile à intégrer dans les structures de paiement existantes. Les défis résident notamment dans la difficulté d'évaluer immédiatement l'efficacité des actes préventifs et dans la conception des systèmes de rémunération qui encouragent suffisamment ces pratiques. Elle discute... De différents modèles de paiement, comme la capitation, qui peut motiver les soignants à maintenir leurs patients en bonne santé, mais qui présente aussi des inconvénients, notamment une réticence à prendre en charge des patients avec des conditions chroniques complexes, la tarification à l'acte, prédominante dans notre système, favorise la productivité et peut inciter à une augmentation du volume des soins prodigués, ce qui n'est pas nécessairement aligné avec les objectifs de la prévention. Ce débat sur la rémunération soulève des questions fondamentales. Comment pouvons-nous ajuster nos systèmes pour mieux soutenir la prévention ? Est-ce possible de développer des modèles qui récompensent les soignants non seulement pour le volume des soins prodigués, mais aussi pour la qualité et l'efficacité des soins à long terme ? La réflexion d'Anne-Charlotte nous invite à considérer des solutions innovantes, telles que les forfaits de prévention, qui pourraient être ajustés selon l'état de santé du patient au fil du temps. Ce serait un moyen de reconnaître et de récompenser les efforts de prévention qui maintiennent les patients en bonne santé, réduisant ainsi la nécessité de traitements futurs plus coûteux. Tout cela montre combien il est essentiel de continuer à discuter et à réformer les méthodes de rémunération dans le domaine de la santé. En tant que praticien, notre objectif est de fournir les meilleurs soins possibles, mais cela doit être soutenu par un système qui valorise réellement la prévention et la santé à long terme. Il s'agit d'un challenge complexe, mais nécessaire pour l'avenir de notre système de santé. La tarification à l'acte, tout en augmentant la productivité, peut également mener à des dérives notables. Comme l'explique Anne-Charlotte, ce modèle incite les professionnels de santé à multiplier les actes, ce qui maximise leurs revenus. Cette incitation peut non seulement pousser à un plus grand volume d'actes, mais aussi à une sélection des actes les plus rémunérateurs, parfois au détriment de la qualité des soins et du temps consacré à chaque patient. Anne-Charlotte note également que bien que les professionnels de santé soient guidés par des principes de déontologie, L'attrait de la rémunération plus élevée pour certains actes pourrait détourner l'attention des soins véritablement nécessaires. Elle soulève une question critique. Jusqu'à quel point peut-on compter sur l'autorégulation professionnelle pour contrebalancer ces incitations financières ? Et quelles alternatives pourrions-nous envisager pour aligner plus étroitement les modèles de rémunération avec les objectifs de soins centrés sur le patient et de qualité ?

  • Speaker #0

    Alors la tarification à l'acte, ça a plein d'avantages, plein d'inconvénients. Je parle de ce théorique. Quand on est dans de la tarification à l'acte, ça nécessite un acte égal à un paiement. Forcément, tu as envie de faire plein d'actes, parce que du coup, si tu multiplies les actes, tu multiplies les paiements. Ça, c'est normal. Je veux dire, moi, j'ai très envie d'avoir plein de sous, donc j'ai très envie de faire plein d'actes. Ensuite, il y a un deuxième degré. En plus d'un acte, un paiement, C'est selon l'acte, tu gagnes plus ou moins. Donc, qu'est-ce que j'ai envie de faire, moi ? J'ai envie de faire l'acte qui me prend le moins de temps et qui me rapporte le plus de sous possible. Je suis quelqu'un de rationnel. Donc, on a du coup cette incitation non seulement à faire du volume, c'est-à-dire beaucoup d'actes pour avoir beaucoup de sous, mais en plus d'orienter ce volume de soins vers les actes qui vont être le plus rémunérateur. Et ça, c'est la logique, c'est la rationalité. Alors oui, ça peut créer des problèmes. On compte forcément sur la déontologie des professionnels de santé. On se dit que du coup, quand on est dans ce genre d'incitation pour des professionnels de santé, eux, ils vont s'autoréguler grâce aux règles de déontologie. Ça n'en reste pas moins que les travers du paiement à l'acte, ça pourrait être... Si on dépasse les bornes de la déontologie et de l'autocontrôle professionnel médical, le paiement à l'acte peut avoir des dérives comme du volume en excès, c'est-à-dire de la demande induite, ce qui veut dire que ce sont des actes que le patient n'aurait pas demandé s'il était parfaitement au courant. Donc ça veut dire plus de volume que l'aurait désiré un patient. bien informé. Donc l'excès de volume, ça pourrait être une dérive. Et l'autre dérive, en effet, c'est de proposer des actes plus rémunérateurs que d'autres. Donc une orientation de l'activité vers certains actes plutôt que d'autres. Et donc évidemment, faire du volume, c'est très bien. La productivité, c'est important, mais il y a un risque que ça dépasse les bornes. Et donc... Il y a une espèce de limite qu'il ne faut pas franchir entre l'augmentation de la productivité souhaitable et celle qui devient diatrogène.

  • Speaker #1

    Anne-Charlotte nous a éclairé sur les complexités inhérentes à la tarification à l'acte, mettant en lumière les risques de démarches induites et de surtraitement que ce modèle peut engendrer. Lorsque les professionnels de santé sont payés par acte, il existe une incitation naturelle non seulement à augmenter le nombre d'actes réalisés, mais aussi à favoriser ceux qui sont les plus rentables. Cette réalité peut malheureusement conduire à des pratiques où la quantité prévaut sur la qualité des soins. Le phénomène de demande induite, où des actes médicaux sont proposés non pas en réponse à un besoin réel du patient, mais plutôt en raison des incitations financières, soulève de sérieuses questions éthiques. Comment pouvons-nous garantir que les décisions prises sont véritablement dans le meilleur intérêt du patient ? Comment le système peut-il maintenir un équilibre entre rentabilité et responsabilité éthique ? De plus, le surtraitement, une conséquence directe de l'excès de volume, non seulement augmente les coûts globaux pour le système de santé, mais peut aussi exposer le patient à des risques inutiles de complications et d'effets secondaires. Ce dilemme souligne l'importance cruciale de repenser notre approche de la rémunération des soins pour favoriser une médecine plus prudente et centrée sur le patient. Face à ces défis, il devient impératif de considérer des modèles alternatifs de rémunération, tels que des paiements forfaitaires ou les systèmes basés sur la qualité des soins qui peuvent réduire les incitations à la surproduction tout en encourageant les soins de haute qualité. Explorer ces alternatives pourrait aider à aligner plus étroitement les pratiques médicales avec les principes de déontologie et l'intérêt supérieur des patients. assurant ainsi que notre système de santé reste non seulement efficace, mais aussi éthiquement plus solide.

  • Speaker #0

    La demande induite, c'est du surtraitement. La demande induite est très très compliquée à démontrer, parce que, par définition, c'est le praticien qui propose ces traitements, et le patient souvent donne son accord. Il va donner d'autant plus son accord qu'il a une faible participation financière. Donc, l'induction du volume au-delà du raisonnable, eh bien, il est plus susceptible d'arriver concernant des soins qui sont totalement présents en charge. On va voir qu'un patient qui n'a pas à déverser, à utiliser son propre portefeuille, eh bien, va avoir moins tendance à... discuter les plans de traitement qui sont proposés. C'est normal, c'est rationnel. Quand c'est toi qui utilises ton portefeuille pour payer quelque chose, tu vas plus te rechigner, tu vas négocier, tu vas dire je voudrais que ce soit un peu moins cher, je vais en prendre moins si c'est trop cher tout ça. Moi, ce que j'utilise souvent, c'est que je parle des stylos. S'il n'y a pas besoin de payer les stylos et que j'ai toutes les couleurs de stylos, je vais prendre toutes les couleurs de stylos. Par contre, si c'est moi qui paye, je vais choisir que quelques stylos. Et puis, je vais négocier leur prix. Parce que comme je veux avoir le plus de stylos au prix le moins cher possible, je vais négocier. Tandis que si je n'ai pas besoin de payer, je prends tous les stylos et je prends toutes les couleurs. Et donc, c'est pareil dans une relation de soins. Si tu ne payes pas, je vais moins remettre en question ce qu'on me propose. Je vais me dire, de toute façon... Le médecin me propose tout ça, je n'ai pas besoin de payer, je dis ok à tout. Peut-être que si le patient doit mettre la main à son portefeuille, il ne négocierait plus, il discuterait plus la proposition du praticien et on se retrouverait avec un volume de soins peut-être moins important. Ça, on ne peut pas le savoir. C'est en théorie ce qui peut arriver quand on a une prise en charge extérieure. On a une tierce personne qui paye. C'est très dur à prouver. Il faut avoir des données très spécifiques pour pouvoir prouver de la demande induite comme ça. Là où c'est prouvé, c'est dans les scandales sanitaires. mais pas dans les données médico-administratives sur lesquelles je travaille. Mais il y a plusieurs scandales sanitaires qui montrent qu'il y a eu du surtraitement, en plus de piètre qualité, dans des cas de demandes induites.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut dire que le système économique actuel met un peu en péril la relation de confiance entre le dentiste et le patient ? Parce qu'on sent qu'il y a quand même... Donc tu disais qu'il y avait cette demande induite, elle est difficile à mettre en exergue, mais d'un autre côté, les patients, font preuve de plus en plus de défiance vis-à-vis des professionnels de santé. Alors, dentistes, peut-être en premier, parce que c'est des soins qui sont coûteux et moins bien remboursés que les autres. Donc, quand ils viennent, ils ont déjà une appréhension. Ils commencent maintenant à avoir peur qu'on leur survende des traitements ou qu'on leur fasse faire des choses dont ils n'ont pas besoin.

  • Speaker #0

    Alors, moi, je ne suis pas sûre que ça concerne... Beaucoup de patience. Mais ce qui est sûr, c'est que la complexité du système engendre nécessairement de la défiance parce qu'il est trop compliqué à comprendre. On a des informations, elles sont parcellaires. On a des effets d'annonce, RAC0. L'effet d'annonce de RAC0, 100% santé, c'est je ne vais rien payer en allant chez le dentiste Est-ce que c'est vrai ça ? Non, ce n'est pas vrai. Je ne vais pas rien payer en allant chez le dentiste. Ça dépend de beaucoup, beaucoup de choses. Et donc forcément, quand tu as lu dans un site internet ou tu as vu à la télé je ne vais rien payer chez le dentiste quand tu arrives chez le dentiste et qu'il te demande de payer, là, il y a un choc. Et ce choc, il est au détriment du dentiste, parce que c'est plutôt une surprise désagréable. Et ce n'est pas la télé qui va la vivre, c'est la surprise désagréable. C'est le dentiste qui se retrouve dans cette situation désagréable de rétablir en réalité la réalité sur les règles. Et donc oui, ça c'est certain que ça crée une défiance.

  • Speaker #1

    Je voulais savoir si tu avais des modèles de systèmes étrangers dont on pourrait s'inspirer pour justement avancer vers un système plus simple.

  • Speaker #0

    Alors je pense au contraire, qu'un système plus vertueux serait plus compliqué. Donc je pense que si on complexifiait un petit peu le système encore, on le corserait, ce serait plus vertueux. Pourquoi ? Parce que, comme je vous l'ai dit, il y a plusieurs modes de rémunération. Et je pense que si on associe les différents modes de rémunération, on peut inciter à la fois à être productif et à la fois à être vertueux et dans la prévention. Donc, par exemple, mettre à la fois de la capitation du forfait et de l'acte ensemble, je pense que ce serait vertueux. Et là, on est dans des systèmes qui sont très compliqués, qui demandent notamment beaucoup d'informations. Parce que pour pouvoir faire marcher tout ça ensemble, et pour pouvoir faire tomber les financements qui correspondent à la capitation ou au forfait, il faut qu'il y ait un très grand suivi des données de chaque dentiste. Et donc, c'est pour ça que pour l'instant, on n'est pas en mesure de le faire. Je pense que le système de rémunération devrait être complexifié pour être plus vertueux. Par contre, je pense que le système devrait être plus transparent. Parce que l'effet, il est politique, le message qui passe là, aller chez le dentiste, c'est gratuit. C'est un effet politique pour dire, regardez, on a vraiment fait bouger les choses. Il y a des choses qui ont bougé, c'est vrai. Mais on s'en fiche que ce soit aux dentistes de rétablir la réalité sur les règles. Et ça, ce n'est pas juste. Les dentistes, il n'y a pour rien qu'à la télé, on dise, c'est gratuit, allez-y, c'est gratuit. Et donc, la transparence, elle doit être... À l'avantage de chacun, pas juste, en l'occurrence, regardez l'effet gouvernemental, on est très très fort. Il faut qu'on rappelle un peu les règles. En l'occurrence, c'est gratuit pour les soins de premier recours.

  • Speaker #1

    La réponse à Anne-Charlotte nous amène à réfléchir sur une approche potentiellement contre-intuitive. Complexifier le système de rémunération pour qu'il soit plus vertueux. Elle suggère que l'intégration de divers modes de rémunération, comme la capitation, les forfaits et la tarification à l'acte, pourrait encourager à la fois la productivité et à la vertu, notamment dans la prévention. Cependant, cela nécessiterait un suivi extrêmement détaillé des données de chaque praticien pour être efficace, une tâche qui, selon elle, est actuellement hors de portée en raison des limites de nos systèmes d'information. En plus de la complexité, Anne-Charlotte souligne l'importance de la transparence dans le système de santé. Elle critique l'usage politique des annonces comme celle du 100% santé, qui peuvent être trompeuses en suggérant que les soins dentaires sont entièrement gratuits, alors que ce n'est pas nécessairement le cas. Cette approche peut malheureusement laisser les dentistes seuls pour expliquer les réalités financières à leurs patients, ce qui peut nuire à la confiance. Cette discussion soulève une question importante. Comment pouvons-nous concevoir un système qui non seulement encourage les bonnes pratiques médicales, mais qui est également clair, juste et transparent pour les patients et les soignants ? Il semble que, bien que plus complexe, un système diversifié de rémunération pourrait offrir des solutions à condition qu'il soit accompagné d'une amélioration significative de la clarté et de l'accessibilité de l'information pour tous les acteurs impliqués. Passons maintenant à une tendance émergente dans le monde de la dentisterie, le salariat. Historiquement, la profession a largement privilégié le mode libéral. Mais récemment, j'observe un intérêt croissant pour le salariat, particulièrement parmi les jeunes diplômés. Ces nouveaux venus dans le domaine semblent rechercher des opportunités de soigner sans la pression des enjeux financiers liés à la gestion d'un cabinet. Cette évolution m'amène à me demander si un modèle de salariat bien structuré pourrait représenter une solution viable pour la vie de la profession dentaire.

  • Speaker #0

    Le salariat s'exerce de plusieurs façons. Le salariat s'exerce à l'heure dans le menu hospitalier, ce qui a un grand nombre d'avantages, et notamment qui incite à la qualité parce qu'il n'y a pas de pression sur le volume. Il y a aussi le salariat qui s'exerce finalement à l'acte, et c'est celui qu'on rencontre dans les centres de santé le plus souvent. Ce salariat-là, il a les mêmes incitations que le paiement à l'acte, puisque finalement le revenu est en rapport avec le nombre d'actes générés. Ce salariat-là, c'est celui qui est quand même le plus facile d'accès. Quand on parle de salariat à l'heure, c'est quand même beaucoup plus marginal. Mais le salariat avec une rétribution au prorata du nombre d'actes, il est en effet de plus en plus attractif. Il est de plus en plus attractif pour de nombreuses raisons. Un, parce qu'il permet l'exercice de groupe. L'exercice de groupe est attractif parce qu'on est une profession ultra-libérale, très isolée les uns des autres, mais aussi vis-à-vis des autres professions médicales. Et donc, il y a un souhait de travailler en groupe, soit en interprofessionnel, soit entre dentistes, qui ont des avantages très différents par ailleurs. Mais le souhait de travailler en groupe permet, un, d'échanger et de se sentir rassurée dans sa pratique. Donc ça, c'est très attractif, bien sûr. Mais ça peut permettre aussi de diluer la responsabilité vis-à-vis des patients. Parce qu'on a eu un effet de collectivité, où on a l'impression que la responsabilité, elle est diluée entre tous les praticiens du groupe. Ça, c'est le cas dans des grands centres de santé dentaire, où il y a beaucoup de monde, et on a l'impression que finalement, c'est la structure qui prend la responsabilité. Ça, c'est un écueil, par contre. parce que ce n'est pas vrai. La responsabilité, elle est à chacun. Mais je ne dis pas que tous ces salariés-là l'oublient. Mais en tout cas, ça peut être un écueil. Cette perte de la sensation de responsabilité face aux patients, ça, c'est un écueil. Ça a eu des conséquences. On espère que ça en aura le moins possible par la suite. Il y a des nouvelles règles, d'ailleurs, dans les centres de santé. On espère que ça va s'améliorer. L'autre avantage, En dehors du travail de groupe, c'est l'avantage de la responsabilité financière qui est engagée. Quand on est dans un centre de santé, on arrive, on nous prête le matériel, on nous gère les assistantes, les secrétaires, on gère les prises de rendez-vous. On est dans une responsabilité financière et managériale qui est déportée aussi sur la structure. C'est la structure qui finance les coûts fixes et les coûts de fonctionnement. Ces coups fixes et ces coups de fonctionnement, dans le cadre de la chirurgie dentaire, qui a un plateau technique extrêmement onéreux, c'est très important à prendre en compte. Est-ce qu'on doit assumer quand même, les chirurgiens dentistes libéraux doivent assumer, un coût d'investissement initial, puis un coût de fonctionnement très important ? Ça, ça fait peur. C'est une pression financière qu'on prend sous forme de prêts le plus souvent. Mais on doit assumer ce prêt de nombreuses années et donc ça génère une pression financière importante. Et en plus du prêt, on doit assumer les coûts de fonctionnement qui sont imputés sur le chiffre d'affaires jour après jour. Et donc cette pression-là, qui est à mettre en balance avec l'autonomie et le fait que tu es ton propre patron et que tu fais ce que tu veux, et puis zut alors, ça reste quelque chose qui n'est pas anodin. C'est une responsabilité intense qui pèse sur les épaules au jour le jour. Et c'est ça aussi qu'on évite. Au moins quand on commence sa carrière dans une structure groupale, éventuellement un centre de santé. Ce n'est pas un choix qu'on fait comme ça et puis on verra bien dans cinq ans quand. Et donc c'est normal quand on est jeune, quand on a aussi grandi dans une société où les gens font de plus en plus des boulots différents. On voit beaucoup de gens, toi, moi, qui font des choses différentes à différentes étapes de leur vie. Et là, on leur demande de s'endetter pour 15, 20, 30 ans. C'est normal que ça ne fasse pas sens pour les générations qui arrivent en tout cas. En plus, quand on voit que ceux qui partent à la retraite, ils ont des galères pour revendre leur cabinet. Donc, ce n'est pas un investissement qui est sexy et attractif quand même.

  • Speaker #1

    Nous arrivons à la fin de cet épisode dans lequel nous avons plongé dans l'histoire et les fondements de notre système de santé avec la docteure Anne-Charlotte Bas. J'espère que cette discussion vous a offert des éclairages sur comment nos soins sont structurés et perçus dans notre société. Pour notre prochain épisode, nous changerons de perspective pour explorer l'expérience des patients eux-mêmes, en particulier ceux qui luttent pour accéder à des soins dentaires de qualité en raison de contraintes financières. J'aurai l'honneur d'accueillir Olivier Siran, auteur du livre Sur les dents qui apportera un regard critique sur les difficultés rencontrées par les patients moins privilégiés. Olivier partagera avec nous ses observations et ses recherches sur les défis et les barrières qu'on rencontre ces individus, ajoutant une dimension humaine et sociale à cette grande discussion sur l'argent en dentisterie. Merci à Camille Covez qui a réalisé l'illustration, à Maxime Moitieu pour la composition musicale et bien sûr à Pauline Bussy pour le montage. N'oubliez pas de soutenir le podcast si vous appréciez son contenu et souhaitez continuer cette exploration ensemble. Merci d'avoir écouté et à très bientôt pour continuer notre voyage à travers l'argent en dentisterie.

Share

Embed

You may also like

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 2 : Les racines de notre système de santé

Dans cet épisode, nous explorons les origines et les évolutions de notre système de santé avec l'expertise de la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie à Rouen et économiste en santé.


Pour interagir et soutenir ce podcast :

  • Soutenez le podcast via Tipeee : Votre soutien financier est crucial pour la continuation du podcast, son indépendance et sa liberté de ton. Visitez la page Tipeee, pour contribuer à la qualité et la pérennité de ce contenu. Votre participation, ponctuelle ou régulière, m'aidera à améliorer et diversifier les sujets traités.

  • Vous avez des pensées ou des questions ? Envoyez-les à entretienavecundentiste@gmail.com. Je suis toujours là pour notre communauté.


N'oubliez pas de vous abonner à la newsletter, un rendez-vous un jeudi par mois (quand j'y arrive) où je vous partage les actualités du podcast, une rencontre avec un·e invité·e en lien avec la thématique du mois et mes découvertes de podcasts, film, livres, médias.


Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Anne-Charlotte Bas pour sa participation.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


Si vous aimez ce podcast et pour me soutenir : vous pouvez… 

• Vous abonner à la chaîne d'entretien avec un dentiste sur l’application de podcasts que vous préférez (Apple Podcast, Spotify, Deezer, Podcast Addict…), et la partager en cliquant sur les 3 points.

• Mettre 5 étoiles et un commentaire (sympas) sur l’application Podcasts d’Apple.

• En parler autour de vous ! (vive le bouche-à-oreille)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon voyage à travers l'argent en dentisterie, une série où nous allons plonger dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé. Quand j'ai commencé à me pencher sur la relation entre l'argent et la dentisterie, j'avais imaginé un chemin clair tracé devant moi. Mais au fur et à mesure que j'avançais, j'ai découvert des intersections et des détours imprévus qui méritaient d'être explorés, reliant des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie, l'économie, l'éthique. Ce voyage, que j'ai entamé à travers des livres, des articles et des conversations, m'a conduit bien au-delà des questions de finances et de frais de cabinet. Il m'a amenée à confronter mes propres valeurs, à questionner mon rapport à l'argent et la manière dont il façonne, silencieusement mais avec force, la pratique de mon art. J'ai été poussée à me questionner sur ce que signifie réellement soigner et sur les dilemmes éthiques que nous, en tant que dentiste, rencontrons chaque jour. Dans cette série, je ne vous offre pas seulement des faits ou des statistiques. Je partage avec vous un périple personnel à travers mes questionnements, mes choix, parfois mes doutes, et mes rencontres faites au cours du chemin. Au fil de cette série, nous découvrirons ensemble des histoires, des perspectives et des insights qui pourraient bien changer notre manière de voir notre profession, et peut-être même notre vie quotidienne. Le nombre précis d'épisodes reste à définir. Chacun est une pièce d'un puzzle, représentant une étape de mon cheminement, et sera crucial dans notre exploration commune. Je vous invite donc à ce dialogue ouvert, non pas pour trouver des réponses absolues, mais pour mieux comprendre les questions elles-mêmes. Car en fin de compte, ce sont nos questions qui nous guident vers une pratique plus consciente et plus réfléchie. Prenons une grande inspiration et plongeons ensemble dans l'univers complexe et fascinant de la dentisterie à travers le prisme de l'argent. C'est un voyage que nous allons faire ensemble et je suis ravie que vous soyez ici pour partager cette aventure. Épisode 2 Les racines de notre système de santé Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez pour la première fois, je vous encourage vivement à écouter d'abord l'épisode 1, le commencement. Cet épisode pose les bases de mon exploration et vous donnera un aperçu des thèmes que nous allons développer. Aujourd'hui, nous allons explorer les racines mêmes de notre système de santé, un voyage à travers le temps et les idéologies qui ont modelé la pratique médicale et dentaire telle que nous la connaissons. Pour ce faire, j'ai le plaisir et l'honneur d'accueillir la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie de Rouen et économiste en santé. Ensemble, nous avons discuté de la manière dont les événements historiques et les décisions politiques ont non seulement façonné notre accès aux soins, mais ont également influencé la perception générale de ce que devraient être des soins gratuits ou tout du moins accessibles à tous. Quand j'étais jeune collaboratrice, je passais des heures sur des traitements que je trouvais particulièrement difficiles et stressants, des dévitalisations de molaires ou des extractions complexes par exemple, qui nécessitaient parfois plusieurs séances pour une rémunération dérisoire. Je ne comprenais pas ce système que je trouvais particulièrement injuste au vu des années passées à étudier et aussi du niveau de stress ressenti. Et bien que les années d'expérience m'aient rendu plus rapide et précise, la frustration et le manque de reconnaissance face à la faible rémunération des actes dits de base demeurent. C'est pour cette raison que j'ai voulu comprendre un peu mieux l'origine de notre système, que je critique mais que finalement je connais peu, et c'est pourquoi je me suis tournée vers Anne-Charlotte. Avant de plonger dans notre discussion, je tiens à partager quelque chose de très important avec vous. Ce podcast est produit de manière indépendante et sans publicité. Chaque série approfondie comme celle-ci coûte environ 4000 euros, sans compter les frais fixes mensuels qui soutiennent le fonctionnement quotidien du podcast. Si vous appréciez Entretien avec un hantiste et que vous trouvez de la valeur dans mon travail, je vous invite à soutenir le podcast via la cagnotte participative sur Tipeee. Chaque contribution, grande ou petite, est cruciale. Elle me permet non seulement de couvrir ses coûts, mais aussi de penser à l'amélioration continue du podcast. En soutenant, vous obtiendrez également l'accès au groupe Discord, un espace où nous pourrons discuter des épisodes, échanger des idées et renforcer notre communauté. Votre soutien est vital pour garantir mon indépendance éditoriale et la qualité du contenu que je vous propose. Vous trouverez le lien pour contribuer dans la description de cet épisode. Merci d'avance pour votre générosité et votre engagement. Maintenant, sans plus tarder, explorons ensemble les racines de notre système de santé avec la Dr Anne-Charlotte Bas.

  • Speaker #1

    Alors la question du système de santé français et de ses origines, elle vient en effet à la fois de l'industrialisation dans les pays européens et des suites des guerres mondiales. qui a fait émerger le concept d'État-providence. Donc ça vient de l'industrialisation, parce qu'au moment de l'industrialisation, il y a eu beaucoup d'ouvriers, des métiers d'ouvriers qui ont été créés, en fait, ça n'existait pas le statut d'ouvrier avant, et donc des ouvriers qui se retrouvaient tous ensemble, à travailler ensemble à l'usine, et qui sont devenus des forces de groupe. et on a mis en place une solidarité entre ces personnes du même groupe pour leur permettre de se faire soigner, d'être solidaires de ceux travaillant avec ceux ne pouvant pas travailler quand ils sont dans cette situation de maladie. C'est pour ça que ce n'est pas lié juste aux guerres mondiales et à l'arrivée de l'État-providence, c'est lié à l'industrialisation, qui fait qu'il y a eu des regroupements de personnes avec des santé fragiles parce que bon... Le métier d'ouvrier au moment de l'industrialisation, je me suis imaginé que ce n'était pas favorable à la santé. mais qu'on ne voulait pas que non seulement un ouvrier qui ne travaille pas, c'est la production de l'usine qui diminue, mais aussi un ouvrier qui ne travaille pas, il n'a aucun revenu pour se faire soigner. Et un ouvrier qui ne travaille pas, tous ses potes, ils le voient dans une situation absolument déplorable et ils risquent de faire grève, de se rebeller. Donc pour toutes ces raisons déjà, on avait une mise en place d'une protection contre ces aléas de la santé qui étaient au niveau plutôt par usine. Ça, c'était surtout sur le modèle bismarckien, donc en Allemagne. Et puis, là-dessus, s'est ajouté les systèmes d'État-providence. Et en effet, ça, c'est au lendemain des guerres mondiales, parce qu'on s'est retrouvés avec des personnes qui ne pouvaient plus participer à l'activité productive du pays. Et donc... qui ne pouvaient plus avoir des revenus et qui pourtant sont sortis de la guerre dans des états de santé très désavantagés, défavorisés. Et donc, on a eu aussi cette notion de tout ce que les personnes ont donné à l'État pendant la guerre, à leur patrie, il y a la nécessité, puisque ça les a rendus par la suite non productifs et donc non en capacité de gagner leur vie et de se faire soigner. la nécessité que l'État rende à ces personnes. Et c'est une des raisons du développement de l'État-providence, notamment en Angleterre. avec le système de Beveridge, qui est une ministre de la Santé. C'est le système beveridgien qui a été mis en place au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont on a des applications chez nous. Nous, on a un mélange entre ces deux systèmes, le système bismarckien et le système beveridgien. On est ce qu'on appelle un modèle mixte, avec un peu d'état-providence et aussi un peu de solidarité au niveau groupal. C'est ce qui donne nos couvertures complémentaires santé. L'état-providence, c'est ce qui donne l'assurance maladie.

  • Speaker #0

    L'État-providence est un concept où l'État joue un rôle clé dans la protection et la promotion du bien-être économique et social de ses citoyens. Il intervient par le biais de politiques publiques qui assurent des services comme la santé, l'éducation, le logement et la sécurité sociale. L'idée est de fournir un filet de sécurité pour toutes et tous, particulièrement en cas de maladie, de vieillesse, de chômage ou d'autres vulnérabilités. En France, l'État-providence est né avec les sécurités sociales en 1945 et traverse une crise depuis la fin des années 70. Le système bismarckien, du nom du chancelier allemand Otto von Bismarck, qu'il a instauré à la fin du XIXe siècle, repose sur le principe d'assurance sociale. Dans ce modèle, les travailleurs et les employeurs paient des cotisations à des caisses d'assurance maladie. Ces contributions sont proportionnelles aux revenus et servent à financer les soins de santé des membres. Le système est basé sur la solidarité, ceux qui gagnent plus contribuent plus, aidant à couvrir les coûts pour tous. Contrairement au modèle bismarckien, le système beveridgien, du nom de William Beveridge, un économiste britannique, n'est pas fondé sur les cotisations sociales mais sur la fiscalité générale. Mis en place au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, cette approche vise à offrir des prestations universelles pour la santé, l'éducation et plus, indépendamment des contributions individuelles. Cela garantit que chaque citoyen a accès aux services nécessaires sans égard à sa situation financière ou son historique d'emploi. La France, par exemple, utilise un modèle mixte qui combine des éléments des systèmes bismarckiens et beveridgiens. Cela signifie que les soins de santé sont financés à la fois par des cotisations sociales et de contributions de l'État via les impôts. Ce modèle hybride vise à équilibrer la responsabilité individuelle avec la solidarité nationale, offrant ainsi une couverture étendue, tout en maintenant un niveau élevé de soins de santé. Au départ, c'est quelque chose qui se veut être une... une solidarité nationale, comment petit à petit, ça a dévié vers une notion de gratuité en santé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est l'évolution des droits de l'homme, en fait. Initialement, on a le droit à être... On doit tous être égaux en droit. Et le fait est que si tu as plus de sous, eh bien, tu es plus en capacité de payer des choses. et parmi toutes ces choses que tu dois payer, il y a la santé. Et donc, si on est égaux en droits, eh bien, on devrait tous avoir le même droit d'accès à la santé. Et c'est à partir de là qu'on se dit, si on a tous le même droit d'accès à la santé, qu'on voit que la santé, elle est en partie accessible à travers des soins. parce que la santé, ce n'est pas que des soins, mais une partie de la santé, elle est accessible, c'est plutôt pour rétablir l'état de santé, pour lutter contre les maladies, les soins, mais donc une grande partie de la santé, ça passe par les soins. Et puisque les soins, c'est un service que ça coûte de l'argent, eh bien, il faut qu'on ait tous le même accès aux soins. Et donc, si les soins, on y a accès avec de l'argent, et que tout le monde n'a pas d'argent, eh bien, il faut que les soins deviennent gratuits. et donc ça vient de là la question du droit à la santé ça vient directement de on est tous égaux en droit et donc si on est tous égaux en droit aussi bien le riche que le pauvre a le droit à la santé et comment faire pour que le pauvre ait le droit à quelque chose qui passe à travers les soins qui coûtent de l'argent et bien c'est de lui faire gratuitement

  • Speaker #0

    Comme Anne-Charlotte l'a très justement souligné, la transition vers la notion de gratuité des soins de santé repose sur des principes d'égalité des droits, essentiels dans notre quête collective pour un accès universel aux soins. Cependant, concernant les soins dentaires, cette question de gratuité prend une dimension encore plus spécifique et complexe. En dentisterie, les défis de l'accessibilité et du coût des soins sont particulièrement aigus. Par exemple, bien que le principe de solidarité couvre en théorie chaque citoyen, en pratique, les soins dentaires sont souvent perçus comme moins accessibles. Cela est dû au coût élevé des traitements dentaires spécialisés et à une couverture moins complète par les assurances publiques comparativement à d'autres soins médicaux. Cette situation soulève une question. Si la santé dentaire est essentielle au bien-être général, comment notre système de santé peut garantir que chacun, riche ou pauvre, ait le même accès à des soins dentaires de qualité ? Il est impératif d'examiner comment les politiques de gratuité influencent réellement la pratique dentaire quotidienne et la santé dentaire des populations. En outre, les innovations en dentisterie, comme les traitements orthodontiques et les implants dentaires, posent des questions sur leur intégration dans le modèle de soins financés par l'État. Le coût de ces technologies et la manière dont elles sont rémunérées peuvent créer des barrières à l'accès allant à l'encontre du principe d'égalité d'accès pour tous. Ce débat sur l'équilibre entre accessibilité, qualité et coût nous invite à réfléchir aux valeurs que nous souhaitons privilégier dans notre système de santé et aux compromis qui nous sommes prêts à accepter pour maintenir la santé dentaire à un niveau optimal pour tous. Aborder la gratuité des soins m'amène à réfléchir aux engagements éthiques des professionnels de santé. Parmi ses engagements, le serment d'Hippocrate, qui date de l'Antiquité, promet parfois de fournir des soins gratuits aux plus démunis, mettant en lumière un idéal d'accès universel à la santé. Je me demande donc comment ces promesses anciennes se traduisent dans notre système de santé moderne.

  • Speaker #1

    Les serments d'Hippocrate, maintenant, il y a quand même un certain nombre de serments d'Hippocrate différents qui circulent sur les réseaux. Donc, c'est difficile de le commenter en lecture de texte. Par contre, c'est sûr que... il en a circulé un où on dit que je rendrai les soins gratuits à l'indigent. Ça, c'est un idéal de soins qui va dans le sens des droits de l'homme, donc du droit d'accès à la santé, mais qui ne va pas dans les sens de nécessairement… Ce n'est pas nécessairement directement éthique de faire ça, puisqu'on nous dit aussi que chacun… que les soins doivent être honorés. Et donc, quand on dit qu'un soin doit être honoré, ça ne veut pas dire qu'il doit être payé, en fait. Donc la question de la gratuité, elle est là aussi. Est-ce qu'on est en train de parler d'une gratuité financière ? C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, c'est de ne pas payer ? Est-ce que la gratuité, c'est que quelqu'un d'autre paye pour toi ? Parce que là, par exemple, MT-Dent, tous les dentistes connaissent le programme de prévention qui est gratuit pour les enfants. Là, on doit mettre des guillemets parce que le programme de prévention MT-Dent, il est payé. il n'est juste pas payé par l'usager, de l'usager au dentiste, mais il est payé par la sécurité sociale au dentiste, sécurité sociale qui elle-même est financée par la collectivité. Donc, moi je pense que... Le soin gratuit à l'indigent, il a une portée qui est symbolique et qui n'est pas nécessairement dans le fait de la gratuité financière. Parce que ça nécessite forcément une redistribution. Peut-être qu'il y a d'autres moyens de rémunérer un soin qu'un avantage financier.

  • Speaker #0

    donc cette notion de gratuité puisque c'est un terme qui revient quand même souvent,

  • Speaker #1

    donc peut-être qu'il devrait être changé je pense que la notion de gratuité c'est une facilité de terme, même presque une facilité marketing en fait, la gratuité c'est un terme qui peut se rapporter à beaucoup de choses jamais c'est vrai qu'un soin il est gratuit parce qu'il coûte de l'énergie à la personne qui le prodigue et donc il y a un coût même si on ne prend pas en compte les éléments financiers il y a un coût non financier de fait même s'il n'y a pas eu de mobilisation financière l'acte il a été prodigué, il a été fait il a été réalisé et donc ça a forcément coûté quelque chose ne serait-ce que de l'effort à la personne qui le prodigue et donc à partir de là c'est pour ça qu'il y a une nécessité d'honorer ce soin et bien C'est vrai que la façon dont on l'honore, ça peut être financé, ça peut être non financier. C'est vrai que dans notre société, le soignant a son coût de production qui contient les coûts fixes, qui contient aussi l'effort, les connaissances et les compétences sollicitées le temps passé. et qui fait qu'il y a une nécessité qu'il y ait une rétribution financière pour compenser tous ces coûts. MTDans, ce n'est pas gratuit. Les soins qui sont prodigués, tout ça, c'est pris en charge à 100%. Et ce serait dommage de ne pas avoir l'effort qui est derrière. C'est beau l'effort qui est derrière de toute la collectivité, qui met de l'argent, qui met des impôts, des comptisations sociales et d'autres contributions publiques pour pouvoir financer pour tout le monde à égalité une prise en charge de soins avec une prise en charge totale. Certes, c'est la sécurité sociale, 70% et les mutuelles, 30%, qui vont financer, qui vont donner des sous, qui vont honorer le dentiste, par exemple. C'est pas gratuit en fait.

  • Speaker #0

    En explorant les nuances de la gratuité dans les soins de santé, Anne-Charlotte met en lumière un aspect que je trouve souvent sous-estimé. Les coûts non financiers tels que l'effort, le temps et l'expertise des soignants. Ces dimensions, bien qu'essentielles à la prestation des soins de qualité, ne sont pas toujours visibles ni pleinement reconnues dans nos modèles de financement. Il est important de noter un changement significatif dans notre système de santé depuis notre conversation avec Anne-Charlotte. Au moment de l'enregistrement il y a un an, la sécurité sociale couvrait 70% des soins dentaires de base, mais récemment cette prise en charge a été réduite à 60%. Face à ces défis, nous devons nous demander comment notre système peut non seulement reconnaître, mais aussi valoriser de manière plus équitable et efficace, le travail essentiel des professionnels de santé. Cela est crucial, non seulement pour le bien-être des soignants que l'on sait aujourd'hui en péril, mais aussi pour assurer que tous les citoyens aient accès à des soins de santé de qualité sans que cela représente une charge financière insurmontable. Finalement, est-ce que c'est notre système qui est... critiquable ou qui est mauvais comme on pourrait l'entendre parfois ? Ou est-ce que c'est son interprétation ? Et en fait, il y a un manque de pédagogie, de prise de conscience civique derrière tout ça.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas ça. Moi, je ne pense pas que notre système soit mauvais. Je pense que notre système est perfectible. Et du coup, je ne comprends pas ce qui est censé être mauvais ou pas assez pédagogique. Alors, peut-être que ce qui serait perçu comme mauvais, c'est que le patient ne serait pas suffisamment conscient que derrière la gratuité pour son portefeuille, à l'instant où il se fait soigner, il n'est pas conscient des dépenses que ça implique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Anne-Charlotte défend l'idée que notre système de santé n'est pas intrinsèquement mauvais, mais plutôt perfectible, soulignant que l'une des principales difficultés réside dans la prise de conscience par le patient des coûts réels des soins de santé. Elle évoque la dévaluation perçue des actes médicaux, en particulier ceux dont les tarifs sont fixés bas par les politiques publiques, malgré la complexité et la difficulté technique de ces interventions. Cette situation découle de la nécessité de rendre ces soins essentiels accessibles à tous, financés par de ressources publiques limitées. Je comprends les observations d'Anne-Charlotte, qui raisonne avec l'objectif louable de notre système de santé d'assurer l'accès universel aux traitements absolument nécessaires. Cependant, en tant que praticienne exerçant en cabinet libéral, je fais face à une réalité souvent difficile. Les coûts de fonctionnement d'un cabinet sont élevés, et les revenus provenant des actes à faible valeur ajoutée, qui sont pourtant essentiels, ne suffisent souvent pas à couvrir ces dépenses. Dans la pratique quotidienne, un dentiste qui prend le temps d'écouter ses patients, de fournir des soins de qualité et d'accepter tous les patients indépendamment de leurs revenus, se trouve dans une position financièrement précaire s'il ne pratique pas également des actes à haute valeur ajoutée, tels que des implants, de l'esthétique ou de l'orthodontie. Ce déséquilibre financier peut contraindre les dentistes à orienter leurs pratiques vers des spécialisations plus lucratives ou à limiter le nombre de patients à faible revenu qu'ils peuvent se permettre de traiter.

  • Speaker #1

    Ça c'est très intéressant. parce qu'il y a des actes dont le prix est fixé, et souvent il est donc fixé assez bas. En tout cas, c'est l'avis du plus grand nombre des praticiens. Et il y a des actes dont les tarifs sont libres, et donc c'est à chaque praticien d'évaluer le tarif qu'il va fixer. C'est hyper intéressant ça, parce que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont de grande difficulté, ou alors qui sont considérés par un certain nombre comme étant difficiles techniquement. On pense par exemple au traitement endodontique de Moller. C'est souvent l'argument qui revient en disant Mais ça, c'est un prix fixe, il est très bas, je vous passe des heures. Vraiment, je trouve que mon travail est dévalorisé. Ce qui est sûr, c'est que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont techniques, qui sont compliqués, et dont le prix est fixe et peut paraître bas. Mais pourquoi c'est le cas ? C'est parce qu'on pense que ces soins sont absolument indispensables et que tout le monde doit avoir l'accès. et donc comme tout le monde c'est trop important ces actes là c'est trop nécessaire c'est pas possible que les gens ils doivent y renoncer c'est quelque chose, on s'est dit, c'est des actes il faut absolument les assurer pour tous mais comme il faut absolument les assurer pour tous et que c'est de l'argent public, c'est de l'argent de la collectivité donc on en a pas beaucoup il faut faire très très attention, euro par euro il faut compter, mais par contre il faut quand même que tous ces actes, tout le monde puisse les avoir Et donc forcément, puisqu'il faut que tout le monde puisse les avoir et que ça puisse être financé et qu'on n'a pas beaucoup de sous, ces trois éléments font que ces actes ont un prix qui est relativement bas parce qu'on va devoir le financer. Et donc forcément, on se retrouve avec tous les soins qui ont été définis comme indispensables au moment des négociations, ils ont des prix fixes et relativement bas.

  • Speaker #0

    Dans cette quête continue d'efficacité et de réduction des coûts dans le système de santé, un aspect me semble pourtant largement sous-valorisé, la prévention. Ayant un exercice d'omnipratique orienté en parodontologie, j'observe quotidiennement les bénéfices significatifs d'une approche préventive. Chaque patient que je reçois passe environ une heure à apprendre l'hygiène buccodentaire. Je tiens absolument à cette éducation et la réitère régulièrement. Avec le temps, j'ai vu des patients qui auparavant nécessitaient des interventions fréquentes pour des caries ou des extractions, revenir simplement pour faire des visites où je peux leur dire que tout va bien. La prévention a donc un impact spectaculaire sur la réduction des coûts à long terme. Toutefois, malgré ces évidences, je remarque que les actes de prévention ne sont pas suffisamment mis en avant ou valorisés financièrement à leur juste valeur par notre système. Cela me pousse à me demander pourquoi ne mettons-nous pas davantage l'accent sur la prévention dans notre stratégie de santé ? Pourquoi n'est-elle pas mieux intégrée et récompensée ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est une des grandes questions. De fait, c'est quelque chose qui doit faire l'objet de négociations conventionnelles puisqu'on est en train de parler du fait que la prévention et une valorisation financière, et soit un acte présent dans la TCAM. Il y a certainement plusieurs raisons pour lesquelles ce n'est pas fait pour l'instant. Il y a notamment la question, qui est sous-jacente aussi, c'est des actes qui sont difficiles à évaluer, qui vont être évalués par l'efficacité, l'état de santé à terme du patient. Si la prévention, les visites de prévention étaient bien faites, normalement vous allez avoir l'année prochaine et l'année d'après pas besoin de faire de soins en fait. Ça peut être évalué comme ça par exemple. Et donc, dans ce cas-là, on se pose la question de peut-être différencier la rémunération. Est-ce qu'on fait ça à l'acte ou est-ce qu'on fait un forfait ? Et c'est là qu'arrive la question de la rémunération des chirurgiens dentistes. Il y a beaucoup de façons différentes de rémunérer un professionnel de santé. Le professionnel de santé, il y a des pays où il est payé à la capitation. ça veut dire quoi ? La capitation, ça veut dire qu'il est payé au nombre de patients dans sa patientèle. Et donc, pourquoi il est payé comme ça ? Parce que ça crée un intérêt pour le praticien à ce que son patient ne soit pas malade. C'est un problème parce que du coup, il n'a pas très envie de prendre des malades chroniques. Mais par ailleurs, si je fais bien de la prévention auprès de mes patients, eh bien, à chaque fois qu'ils vont venir, je n'aurai pas grand-chose à faire. Ils ne seront pas malades, je serai tranquille, je n'aurai pas trop de boulot. Donc, la capitation sert à ça. Elle sert à avoir une prise en charge globale du patient où l'intérêt commun est que le patient soit en bonne santé pour avoir le moins de travail possible. Ce ne sont pas des systèmes qui marchent tout seuls. La capitation, ça ne marche pas en solo. Par exemple, parce que ça n'a pas d'intérêt de prendre des malades chroniques. Alors tu peux faire des forfaits par dessus, tu mixes. En plus, tu te payes selon le nombre de patients que tu as, donc ton intérêt c'est de les garder en bonne santé. Et puis comme dans ce cas-là, tu ne vas pas trop aimer avoir des malades chroniques, je te rajoute un forfait malade chronique. Je te donne plus de sous selon le nombre de patients malades chroniques que toi. mais c'est pas encore suffisant. Il y a d'autres façons de payer, par exemple la tarification à l'acte qu'on a chez nous. La tarification à l'acte, c'est tu fais un acte, on te paye. Le problème de la prévention, c'est est-ce que c'est logique de faire un acte pour lequel on te paye alors que les outcomes, les effets, on va les avoir plus tard ? La prévention, c'est compliqué à payer en acte. Un, parce que c'est difficile à définir comme acte, en disant comment certifier que cet acte a été délivré, ce moment de prévention. Et deux, parce que la logique est à terme. Donc la prévention, ça pourrait plutôt marcher dans le temps, en disant peut-être qu'il y a un forfait prévention qui fait que si l'état de santé du patient ne s'est pas dégradé, eh bien là, tu touches ton forfait. C'est des questions qui se posent et qui sont en cours d'étude. Mais vous voyez que le paiement à l'acte, il n'est pas fait pour la prévention parce que c'est un paiement qui incite au volume. Alors que la prévention, c'est quelque chose qui va avoir des impacts dans le temps. Est-ce que c'est négatif ? Ça reste à prouver. Parce que c'est quand même bien d'être productif, de faire beaucoup d'actes. Ça veut dire éventuellement que tu vois beaucoup de patients ou que tu soignes beaucoup de problèmes.

  • Speaker #0

    Donc, ça a ce côté aussi très positif, le paiement à l'acte, parce que ça augmente la productivité, et c'est encore ce qu'on recherche de la part de tout professionnel.

  • Speaker #1

    La réponse d'Anne-Charlotte met en lumière un dilemme central dans notre système de santé concernant la valorisation et la rémunération des soins préventifs. Elle souligne que bien que la prévention soit cruciale pour réduire les coûts à long terme et améliorer l'état de santé global des patients, elle n'est pas toujours facile à intégrer dans les structures de paiement existantes. Les défis résident notamment dans la difficulté d'évaluer immédiatement l'efficacité des actes préventifs et dans la conception des systèmes de rémunération qui encouragent suffisamment ces pratiques. Elle discute... De différents modèles de paiement, comme la capitation, qui peut motiver les soignants à maintenir leurs patients en bonne santé, mais qui présente aussi des inconvénients, notamment une réticence à prendre en charge des patients avec des conditions chroniques complexes, la tarification à l'acte, prédominante dans notre système, favorise la productivité et peut inciter à une augmentation du volume des soins prodigués, ce qui n'est pas nécessairement aligné avec les objectifs de la prévention. Ce débat sur la rémunération soulève des questions fondamentales. Comment pouvons-nous ajuster nos systèmes pour mieux soutenir la prévention ? Est-ce possible de développer des modèles qui récompensent les soignants non seulement pour le volume des soins prodigués, mais aussi pour la qualité et l'efficacité des soins à long terme ? La réflexion d'Anne-Charlotte nous invite à considérer des solutions innovantes, telles que les forfaits de prévention, qui pourraient être ajustés selon l'état de santé du patient au fil du temps. Ce serait un moyen de reconnaître et de récompenser les efforts de prévention qui maintiennent les patients en bonne santé, réduisant ainsi la nécessité de traitements futurs plus coûteux. Tout cela montre combien il est essentiel de continuer à discuter et à réformer les méthodes de rémunération dans le domaine de la santé. En tant que praticien, notre objectif est de fournir les meilleurs soins possibles, mais cela doit être soutenu par un système qui valorise réellement la prévention et la santé à long terme. Il s'agit d'un challenge complexe, mais nécessaire pour l'avenir de notre système de santé. La tarification à l'acte, tout en augmentant la productivité, peut également mener à des dérives notables. Comme l'explique Anne-Charlotte, ce modèle incite les professionnels de santé à multiplier les actes, ce qui maximise leurs revenus. Cette incitation peut non seulement pousser à un plus grand volume d'actes, mais aussi à une sélection des actes les plus rémunérateurs, parfois au détriment de la qualité des soins et du temps consacré à chaque patient. Anne-Charlotte note également que bien que les professionnels de santé soient guidés par des principes de déontologie, L'attrait de la rémunération plus élevée pour certains actes pourrait détourner l'attention des soins véritablement nécessaires. Elle soulève une question critique. Jusqu'à quel point peut-on compter sur l'autorégulation professionnelle pour contrebalancer ces incitations financières ? Et quelles alternatives pourrions-nous envisager pour aligner plus étroitement les modèles de rémunération avec les objectifs de soins centrés sur le patient et de qualité ?

  • Speaker #0

    Alors la tarification à l'acte, ça a plein d'avantages, plein d'inconvénients. Je parle de ce théorique. Quand on est dans de la tarification à l'acte, ça nécessite un acte égal à un paiement. Forcément, tu as envie de faire plein d'actes, parce que du coup, si tu multiplies les actes, tu multiplies les paiements. Ça, c'est normal. Je veux dire, moi, j'ai très envie d'avoir plein de sous, donc j'ai très envie de faire plein d'actes. Ensuite, il y a un deuxième degré. En plus d'un acte, un paiement, C'est selon l'acte, tu gagnes plus ou moins. Donc, qu'est-ce que j'ai envie de faire, moi ? J'ai envie de faire l'acte qui me prend le moins de temps et qui me rapporte le plus de sous possible. Je suis quelqu'un de rationnel. Donc, on a du coup cette incitation non seulement à faire du volume, c'est-à-dire beaucoup d'actes pour avoir beaucoup de sous, mais en plus d'orienter ce volume de soins vers les actes qui vont être le plus rémunérateur. Et ça, c'est la logique, c'est la rationalité. Alors oui, ça peut créer des problèmes. On compte forcément sur la déontologie des professionnels de santé. On se dit que du coup, quand on est dans ce genre d'incitation pour des professionnels de santé, eux, ils vont s'autoréguler grâce aux règles de déontologie. Ça n'en reste pas moins que les travers du paiement à l'acte, ça pourrait être... Si on dépasse les bornes de la déontologie et de l'autocontrôle professionnel médical, le paiement à l'acte peut avoir des dérives comme du volume en excès, c'est-à-dire de la demande induite, ce qui veut dire que ce sont des actes que le patient n'aurait pas demandé s'il était parfaitement au courant. Donc ça veut dire plus de volume que l'aurait désiré un patient. bien informé. Donc l'excès de volume, ça pourrait être une dérive. Et l'autre dérive, en effet, c'est de proposer des actes plus rémunérateurs que d'autres. Donc une orientation de l'activité vers certains actes plutôt que d'autres. Et donc évidemment, faire du volume, c'est très bien. La productivité, c'est important, mais il y a un risque que ça dépasse les bornes. Et donc... Il y a une espèce de limite qu'il ne faut pas franchir entre l'augmentation de la productivité souhaitable et celle qui devient diatrogène.

  • Speaker #1

    Anne-Charlotte nous a éclairé sur les complexités inhérentes à la tarification à l'acte, mettant en lumière les risques de démarches induites et de surtraitement que ce modèle peut engendrer. Lorsque les professionnels de santé sont payés par acte, il existe une incitation naturelle non seulement à augmenter le nombre d'actes réalisés, mais aussi à favoriser ceux qui sont les plus rentables. Cette réalité peut malheureusement conduire à des pratiques où la quantité prévaut sur la qualité des soins. Le phénomène de demande induite, où des actes médicaux sont proposés non pas en réponse à un besoin réel du patient, mais plutôt en raison des incitations financières, soulève de sérieuses questions éthiques. Comment pouvons-nous garantir que les décisions prises sont véritablement dans le meilleur intérêt du patient ? Comment le système peut-il maintenir un équilibre entre rentabilité et responsabilité éthique ? De plus, le surtraitement, une conséquence directe de l'excès de volume, non seulement augmente les coûts globaux pour le système de santé, mais peut aussi exposer le patient à des risques inutiles de complications et d'effets secondaires. Ce dilemme souligne l'importance cruciale de repenser notre approche de la rémunération des soins pour favoriser une médecine plus prudente et centrée sur le patient. Face à ces défis, il devient impératif de considérer des modèles alternatifs de rémunération, tels que des paiements forfaitaires ou les systèmes basés sur la qualité des soins qui peuvent réduire les incitations à la surproduction tout en encourageant les soins de haute qualité. Explorer ces alternatives pourrait aider à aligner plus étroitement les pratiques médicales avec les principes de déontologie et l'intérêt supérieur des patients. assurant ainsi que notre système de santé reste non seulement efficace, mais aussi éthiquement plus solide.

  • Speaker #0

    La demande induite, c'est du surtraitement. La demande induite est très très compliquée à démontrer, parce que, par définition, c'est le praticien qui propose ces traitements, et le patient souvent donne son accord. Il va donner d'autant plus son accord qu'il a une faible participation financière. Donc, l'induction du volume au-delà du raisonnable, eh bien, il est plus susceptible d'arriver concernant des soins qui sont totalement présents en charge. On va voir qu'un patient qui n'a pas à déverser, à utiliser son propre portefeuille, eh bien, va avoir moins tendance à... discuter les plans de traitement qui sont proposés. C'est normal, c'est rationnel. Quand c'est toi qui utilises ton portefeuille pour payer quelque chose, tu vas plus te rechigner, tu vas négocier, tu vas dire je voudrais que ce soit un peu moins cher, je vais en prendre moins si c'est trop cher tout ça. Moi, ce que j'utilise souvent, c'est que je parle des stylos. S'il n'y a pas besoin de payer les stylos et que j'ai toutes les couleurs de stylos, je vais prendre toutes les couleurs de stylos. Par contre, si c'est moi qui paye, je vais choisir que quelques stylos. Et puis, je vais négocier leur prix. Parce que comme je veux avoir le plus de stylos au prix le moins cher possible, je vais négocier. Tandis que si je n'ai pas besoin de payer, je prends tous les stylos et je prends toutes les couleurs. Et donc, c'est pareil dans une relation de soins. Si tu ne payes pas, je vais moins remettre en question ce qu'on me propose. Je vais me dire, de toute façon... Le médecin me propose tout ça, je n'ai pas besoin de payer, je dis ok à tout. Peut-être que si le patient doit mettre la main à son portefeuille, il ne négocierait plus, il discuterait plus la proposition du praticien et on se retrouverait avec un volume de soins peut-être moins important. Ça, on ne peut pas le savoir. C'est en théorie ce qui peut arriver quand on a une prise en charge extérieure. On a une tierce personne qui paye. C'est très dur à prouver. Il faut avoir des données très spécifiques pour pouvoir prouver de la demande induite comme ça. Là où c'est prouvé, c'est dans les scandales sanitaires. mais pas dans les données médico-administratives sur lesquelles je travaille. Mais il y a plusieurs scandales sanitaires qui montrent qu'il y a eu du surtraitement, en plus de piètre qualité, dans des cas de demandes induites.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut dire que le système économique actuel met un peu en péril la relation de confiance entre le dentiste et le patient ? Parce qu'on sent qu'il y a quand même... Donc tu disais qu'il y avait cette demande induite, elle est difficile à mettre en exergue, mais d'un autre côté, les patients, font preuve de plus en plus de défiance vis-à-vis des professionnels de santé. Alors, dentistes, peut-être en premier, parce que c'est des soins qui sont coûteux et moins bien remboursés que les autres. Donc, quand ils viennent, ils ont déjà une appréhension. Ils commencent maintenant à avoir peur qu'on leur survende des traitements ou qu'on leur fasse faire des choses dont ils n'ont pas besoin.

  • Speaker #0

    Alors, moi, je ne suis pas sûre que ça concerne... Beaucoup de patience. Mais ce qui est sûr, c'est que la complexité du système engendre nécessairement de la défiance parce qu'il est trop compliqué à comprendre. On a des informations, elles sont parcellaires. On a des effets d'annonce, RAC0. L'effet d'annonce de RAC0, 100% santé, c'est je ne vais rien payer en allant chez le dentiste Est-ce que c'est vrai ça ? Non, ce n'est pas vrai. Je ne vais pas rien payer en allant chez le dentiste. Ça dépend de beaucoup, beaucoup de choses. Et donc forcément, quand tu as lu dans un site internet ou tu as vu à la télé je ne vais rien payer chez le dentiste quand tu arrives chez le dentiste et qu'il te demande de payer, là, il y a un choc. Et ce choc, il est au détriment du dentiste, parce que c'est plutôt une surprise désagréable. Et ce n'est pas la télé qui va la vivre, c'est la surprise désagréable. C'est le dentiste qui se retrouve dans cette situation désagréable de rétablir en réalité la réalité sur les règles. Et donc oui, ça c'est certain que ça crée une défiance.

  • Speaker #1

    Je voulais savoir si tu avais des modèles de systèmes étrangers dont on pourrait s'inspirer pour justement avancer vers un système plus simple.

  • Speaker #0

    Alors je pense au contraire, qu'un système plus vertueux serait plus compliqué. Donc je pense que si on complexifiait un petit peu le système encore, on le corserait, ce serait plus vertueux. Pourquoi ? Parce que, comme je vous l'ai dit, il y a plusieurs modes de rémunération. Et je pense que si on associe les différents modes de rémunération, on peut inciter à la fois à être productif et à la fois à être vertueux et dans la prévention. Donc, par exemple, mettre à la fois de la capitation du forfait et de l'acte ensemble, je pense que ce serait vertueux. Et là, on est dans des systèmes qui sont très compliqués, qui demandent notamment beaucoup d'informations. Parce que pour pouvoir faire marcher tout ça ensemble, et pour pouvoir faire tomber les financements qui correspondent à la capitation ou au forfait, il faut qu'il y ait un très grand suivi des données de chaque dentiste. Et donc, c'est pour ça que pour l'instant, on n'est pas en mesure de le faire. Je pense que le système de rémunération devrait être complexifié pour être plus vertueux. Par contre, je pense que le système devrait être plus transparent. Parce que l'effet, il est politique, le message qui passe là, aller chez le dentiste, c'est gratuit. C'est un effet politique pour dire, regardez, on a vraiment fait bouger les choses. Il y a des choses qui ont bougé, c'est vrai. Mais on s'en fiche que ce soit aux dentistes de rétablir la réalité sur les règles. Et ça, ce n'est pas juste. Les dentistes, il n'y a pour rien qu'à la télé, on dise, c'est gratuit, allez-y, c'est gratuit. Et donc, la transparence, elle doit être... À l'avantage de chacun, pas juste, en l'occurrence, regardez l'effet gouvernemental, on est très très fort. Il faut qu'on rappelle un peu les règles. En l'occurrence, c'est gratuit pour les soins de premier recours.

  • Speaker #1

    La réponse à Anne-Charlotte nous amène à réfléchir sur une approche potentiellement contre-intuitive. Complexifier le système de rémunération pour qu'il soit plus vertueux. Elle suggère que l'intégration de divers modes de rémunération, comme la capitation, les forfaits et la tarification à l'acte, pourrait encourager à la fois la productivité et à la vertu, notamment dans la prévention. Cependant, cela nécessiterait un suivi extrêmement détaillé des données de chaque praticien pour être efficace, une tâche qui, selon elle, est actuellement hors de portée en raison des limites de nos systèmes d'information. En plus de la complexité, Anne-Charlotte souligne l'importance de la transparence dans le système de santé. Elle critique l'usage politique des annonces comme celle du 100% santé, qui peuvent être trompeuses en suggérant que les soins dentaires sont entièrement gratuits, alors que ce n'est pas nécessairement le cas. Cette approche peut malheureusement laisser les dentistes seuls pour expliquer les réalités financières à leurs patients, ce qui peut nuire à la confiance. Cette discussion soulève une question importante. Comment pouvons-nous concevoir un système qui non seulement encourage les bonnes pratiques médicales, mais qui est également clair, juste et transparent pour les patients et les soignants ? Il semble que, bien que plus complexe, un système diversifié de rémunération pourrait offrir des solutions à condition qu'il soit accompagné d'une amélioration significative de la clarté et de l'accessibilité de l'information pour tous les acteurs impliqués. Passons maintenant à une tendance émergente dans le monde de la dentisterie, le salariat. Historiquement, la profession a largement privilégié le mode libéral. Mais récemment, j'observe un intérêt croissant pour le salariat, particulièrement parmi les jeunes diplômés. Ces nouveaux venus dans le domaine semblent rechercher des opportunités de soigner sans la pression des enjeux financiers liés à la gestion d'un cabinet. Cette évolution m'amène à me demander si un modèle de salariat bien structuré pourrait représenter une solution viable pour la vie de la profession dentaire.

  • Speaker #0

    Le salariat s'exerce de plusieurs façons. Le salariat s'exerce à l'heure dans le menu hospitalier, ce qui a un grand nombre d'avantages, et notamment qui incite à la qualité parce qu'il n'y a pas de pression sur le volume. Il y a aussi le salariat qui s'exerce finalement à l'acte, et c'est celui qu'on rencontre dans les centres de santé le plus souvent. Ce salariat-là, il a les mêmes incitations que le paiement à l'acte, puisque finalement le revenu est en rapport avec le nombre d'actes générés. Ce salariat-là, c'est celui qui est quand même le plus facile d'accès. Quand on parle de salariat à l'heure, c'est quand même beaucoup plus marginal. Mais le salariat avec une rétribution au prorata du nombre d'actes, il est en effet de plus en plus attractif. Il est de plus en plus attractif pour de nombreuses raisons. Un, parce qu'il permet l'exercice de groupe. L'exercice de groupe est attractif parce qu'on est une profession ultra-libérale, très isolée les uns des autres, mais aussi vis-à-vis des autres professions médicales. Et donc, il y a un souhait de travailler en groupe, soit en interprofessionnel, soit entre dentistes, qui ont des avantages très différents par ailleurs. Mais le souhait de travailler en groupe permet, un, d'échanger et de se sentir rassurée dans sa pratique. Donc ça, c'est très attractif, bien sûr. Mais ça peut permettre aussi de diluer la responsabilité vis-à-vis des patients. Parce qu'on a eu un effet de collectivité, où on a l'impression que la responsabilité, elle est diluée entre tous les praticiens du groupe. Ça, c'est le cas dans des grands centres de santé dentaire, où il y a beaucoup de monde, et on a l'impression que finalement, c'est la structure qui prend la responsabilité. Ça, c'est un écueil, par contre. parce que ce n'est pas vrai. La responsabilité, elle est à chacun. Mais je ne dis pas que tous ces salariés-là l'oublient. Mais en tout cas, ça peut être un écueil. Cette perte de la sensation de responsabilité face aux patients, ça, c'est un écueil. Ça a eu des conséquences. On espère que ça en aura le moins possible par la suite. Il y a des nouvelles règles, d'ailleurs, dans les centres de santé. On espère que ça va s'améliorer. L'autre avantage, En dehors du travail de groupe, c'est l'avantage de la responsabilité financière qui est engagée. Quand on est dans un centre de santé, on arrive, on nous prête le matériel, on nous gère les assistantes, les secrétaires, on gère les prises de rendez-vous. On est dans une responsabilité financière et managériale qui est déportée aussi sur la structure. C'est la structure qui finance les coûts fixes et les coûts de fonctionnement. Ces coups fixes et ces coups de fonctionnement, dans le cadre de la chirurgie dentaire, qui a un plateau technique extrêmement onéreux, c'est très important à prendre en compte. Est-ce qu'on doit assumer quand même, les chirurgiens dentistes libéraux doivent assumer, un coût d'investissement initial, puis un coût de fonctionnement très important ? Ça, ça fait peur. C'est une pression financière qu'on prend sous forme de prêts le plus souvent. Mais on doit assumer ce prêt de nombreuses années et donc ça génère une pression financière importante. Et en plus du prêt, on doit assumer les coûts de fonctionnement qui sont imputés sur le chiffre d'affaires jour après jour. Et donc cette pression-là, qui est à mettre en balance avec l'autonomie et le fait que tu es ton propre patron et que tu fais ce que tu veux, et puis zut alors, ça reste quelque chose qui n'est pas anodin. C'est une responsabilité intense qui pèse sur les épaules au jour le jour. Et c'est ça aussi qu'on évite. Au moins quand on commence sa carrière dans une structure groupale, éventuellement un centre de santé. Ce n'est pas un choix qu'on fait comme ça et puis on verra bien dans cinq ans quand. Et donc c'est normal quand on est jeune, quand on a aussi grandi dans une société où les gens font de plus en plus des boulots différents. On voit beaucoup de gens, toi, moi, qui font des choses différentes à différentes étapes de leur vie. Et là, on leur demande de s'endetter pour 15, 20, 30 ans. C'est normal que ça ne fasse pas sens pour les générations qui arrivent en tout cas. En plus, quand on voit que ceux qui partent à la retraite, ils ont des galères pour revendre leur cabinet. Donc, ce n'est pas un investissement qui est sexy et attractif quand même.

  • Speaker #1

    Nous arrivons à la fin de cet épisode dans lequel nous avons plongé dans l'histoire et les fondements de notre système de santé avec la docteure Anne-Charlotte Bas. J'espère que cette discussion vous a offert des éclairages sur comment nos soins sont structurés et perçus dans notre société. Pour notre prochain épisode, nous changerons de perspective pour explorer l'expérience des patients eux-mêmes, en particulier ceux qui luttent pour accéder à des soins dentaires de qualité en raison de contraintes financières. J'aurai l'honneur d'accueillir Olivier Siran, auteur du livre Sur les dents qui apportera un regard critique sur les difficultés rencontrées par les patients moins privilégiés. Olivier partagera avec nous ses observations et ses recherches sur les défis et les barrières qu'on rencontre ces individus, ajoutant une dimension humaine et sociale à cette grande discussion sur l'argent en dentisterie. Merci à Camille Covez qui a réalisé l'illustration, à Maxime Moitieu pour la composition musicale et bien sûr à Pauline Bussy pour le montage. N'oubliez pas de soutenir le podcast si vous appréciez son contenu et souhaitez continuer cette exploration ensemble. Merci d'avoir écouté et à très bientôt pour continuer notre voyage à travers l'argent en dentisterie.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 2 : Les racines de notre système de santé

Dans cet épisode, nous explorons les origines et les évolutions de notre système de santé avec l'expertise de la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie à Rouen et économiste en santé.


Pour interagir et soutenir ce podcast :

  • Soutenez le podcast via Tipeee : Votre soutien financier est crucial pour la continuation du podcast, son indépendance et sa liberté de ton. Visitez la page Tipeee, pour contribuer à la qualité et la pérennité de ce contenu. Votre participation, ponctuelle ou régulière, m'aidera à améliorer et diversifier les sujets traités.

  • Vous avez des pensées ou des questions ? Envoyez-les à entretienavecundentiste@gmail.com. Je suis toujours là pour notre communauté.


N'oubliez pas de vous abonner à la newsletter, un rendez-vous un jeudi par mois (quand j'y arrive) où je vous partage les actualités du podcast, une rencontre avec un·e invité·e en lien avec la thématique du mois et mes découvertes de podcasts, film, livres, médias.


Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Anne-Charlotte Bas pour sa participation.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


Si vous aimez ce podcast et pour me soutenir : vous pouvez… 

• Vous abonner à la chaîne d'entretien avec un dentiste sur l’application de podcasts que vous préférez (Apple Podcast, Spotify, Deezer, Podcast Addict…), et la partager en cliquant sur les 3 points.

• Mettre 5 étoiles et un commentaire (sympas) sur l’application Podcasts d’Apple.

• En parler autour de vous ! (vive le bouche-à-oreille)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon voyage à travers l'argent en dentisterie, une série où nous allons plonger dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé. Quand j'ai commencé à me pencher sur la relation entre l'argent et la dentisterie, j'avais imaginé un chemin clair tracé devant moi. Mais au fur et à mesure que j'avançais, j'ai découvert des intersections et des détours imprévus qui méritaient d'être explorés, reliant des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie, l'économie, l'éthique. Ce voyage, que j'ai entamé à travers des livres, des articles et des conversations, m'a conduit bien au-delà des questions de finances et de frais de cabinet. Il m'a amenée à confronter mes propres valeurs, à questionner mon rapport à l'argent et la manière dont il façonne, silencieusement mais avec force, la pratique de mon art. J'ai été poussée à me questionner sur ce que signifie réellement soigner et sur les dilemmes éthiques que nous, en tant que dentiste, rencontrons chaque jour. Dans cette série, je ne vous offre pas seulement des faits ou des statistiques. Je partage avec vous un périple personnel à travers mes questionnements, mes choix, parfois mes doutes, et mes rencontres faites au cours du chemin. Au fil de cette série, nous découvrirons ensemble des histoires, des perspectives et des insights qui pourraient bien changer notre manière de voir notre profession, et peut-être même notre vie quotidienne. Le nombre précis d'épisodes reste à définir. Chacun est une pièce d'un puzzle, représentant une étape de mon cheminement, et sera crucial dans notre exploration commune. Je vous invite donc à ce dialogue ouvert, non pas pour trouver des réponses absolues, mais pour mieux comprendre les questions elles-mêmes. Car en fin de compte, ce sont nos questions qui nous guident vers une pratique plus consciente et plus réfléchie. Prenons une grande inspiration et plongeons ensemble dans l'univers complexe et fascinant de la dentisterie à travers le prisme de l'argent. C'est un voyage que nous allons faire ensemble et je suis ravie que vous soyez ici pour partager cette aventure. Épisode 2 Les racines de notre système de santé Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez pour la première fois, je vous encourage vivement à écouter d'abord l'épisode 1, le commencement. Cet épisode pose les bases de mon exploration et vous donnera un aperçu des thèmes que nous allons développer. Aujourd'hui, nous allons explorer les racines mêmes de notre système de santé, un voyage à travers le temps et les idéologies qui ont modelé la pratique médicale et dentaire telle que nous la connaissons. Pour ce faire, j'ai le plaisir et l'honneur d'accueillir la Dr Anne-Charlotte Bas, directrice du département d'odontologie de Rouen et économiste en santé. Ensemble, nous avons discuté de la manière dont les événements historiques et les décisions politiques ont non seulement façonné notre accès aux soins, mais ont également influencé la perception générale de ce que devraient être des soins gratuits ou tout du moins accessibles à tous. Quand j'étais jeune collaboratrice, je passais des heures sur des traitements que je trouvais particulièrement difficiles et stressants, des dévitalisations de molaires ou des extractions complexes par exemple, qui nécessitaient parfois plusieurs séances pour une rémunération dérisoire. Je ne comprenais pas ce système que je trouvais particulièrement injuste au vu des années passées à étudier et aussi du niveau de stress ressenti. Et bien que les années d'expérience m'aient rendu plus rapide et précise, la frustration et le manque de reconnaissance face à la faible rémunération des actes dits de base demeurent. C'est pour cette raison que j'ai voulu comprendre un peu mieux l'origine de notre système, que je critique mais que finalement je connais peu, et c'est pourquoi je me suis tournée vers Anne-Charlotte. Avant de plonger dans notre discussion, je tiens à partager quelque chose de très important avec vous. Ce podcast est produit de manière indépendante et sans publicité. Chaque série approfondie comme celle-ci coûte environ 4000 euros, sans compter les frais fixes mensuels qui soutiennent le fonctionnement quotidien du podcast. Si vous appréciez Entretien avec un hantiste et que vous trouvez de la valeur dans mon travail, je vous invite à soutenir le podcast via la cagnotte participative sur Tipeee. Chaque contribution, grande ou petite, est cruciale. Elle me permet non seulement de couvrir ses coûts, mais aussi de penser à l'amélioration continue du podcast. En soutenant, vous obtiendrez également l'accès au groupe Discord, un espace où nous pourrons discuter des épisodes, échanger des idées et renforcer notre communauté. Votre soutien est vital pour garantir mon indépendance éditoriale et la qualité du contenu que je vous propose. Vous trouverez le lien pour contribuer dans la description de cet épisode. Merci d'avance pour votre générosité et votre engagement. Maintenant, sans plus tarder, explorons ensemble les racines de notre système de santé avec la Dr Anne-Charlotte Bas.

  • Speaker #1

    Alors la question du système de santé français et de ses origines, elle vient en effet à la fois de l'industrialisation dans les pays européens et des suites des guerres mondiales. qui a fait émerger le concept d'État-providence. Donc ça vient de l'industrialisation, parce qu'au moment de l'industrialisation, il y a eu beaucoup d'ouvriers, des métiers d'ouvriers qui ont été créés, en fait, ça n'existait pas le statut d'ouvrier avant, et donc des ouvriers qui se retrouvaient tous ensemble, à travailler ensemble à l'usine, et qui sont devenus des forces de groupe. et on a mis en place une solidarité entre ces personnes du même groupe pour leur permettre de se faire soigner, d'être solidaires de ceux travaillant avec ceux ne pouvant pas travailler quand ils sont dans cette situation de maladie. C'est pour ça que ce n'est pas lié juste aux guerres mondiales et à l'arrivée de l'État-providence, c'est lié à l'industrialisation, qui fait qu'il y a eu des regroupements de personnes avec des santé fragiles parce que bon... Le métier d'ouvrier au moment de l'industrialisation, je me suis imaginé que ce n'était pas favorable à la santé. mais qu'on ne voulait pas que non seulement un ouvrier qui ne travaille pas, c'est la production de l'usine qui diminue, mais aussi un ouvrier qui ne travaille pas, il n'a aucun revenu pour se faire soigner. Et un ouvrier qui ne travaille pas, tous ses potes, ils le voient dans une situation absolument déplorable et ils risquent de faire grève, de se rebeller. Donc pour toutes ces raisons déjà, on avait une mise en place d'une protection contre ces aléas de la santé qui étaient au niveau plutôt par usine. Ça, c'était surtout sur le modèle bismarckien, donc en Allemagne. Et puis, là-dessus, s'est ajouté les systèmes d'État-providence. Et en effet, ça, c'est au lendemain des guerres mondiales, parce qu'on s'est retrouvés avec des personnes qui ne pouvaient plus participer à l'activité productive du pays. Et donc... qui ne pouvaient plus avoir des revenus et qui pourtant sont sortis de la guerre dans des états de santé très désavantagés, défavorisés. Et donc, on a eu aussi cette notion de tout ce que les personnes ont donné à l'État pendant la guerre, à leur patrie, il y a la nécessité, puisque ça les a rendus par la suite non productifs et donc non en capacité de gagner leur vie et de se faire soigner. la nécessité que l'État rende à ces personnes. Et c'est une des raisons du développement de l'État-providence, notamment en Angleterre. avec le système de Beveridge, qui est une ministre de la Santé. C'est le système beveridgien qui a été mis en place au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont on a des applications chez nous. Nous, on a un mélange entre ces deux systèmes, le système bismarckien et le système beveridgien. On est ce qu'on appelle un modèle mixte, avec un peu d'état-providence et aussi un peu de solidarité au niveau groupal. C'est ce qui donne nos couvertures complémentaires santé. L'état-providence, c'est ce qui donne l'assurance maladie.

  • Speaker #0

    L'État-providence est un concept où l'État joue un rôle clé dans la protection et la promotion du bien-être économique et social de ses citoyens. Il intervient par le biais de politiques publiques qui assurent des services comme la santé, l'éducation, le logement et la sécurité sociale. L'idée est de fournir un filet de sécurité pour toutes et tous, particulièrement en cas de maladie, de vieillesse, de chômage ou d'autres vulnérabilités. En France, l'État-providence est né avec les sécurités sociales en 1945 et traverse une crise depuis la fin des années 70. Le système bismarckien, du nom du chancelier allemand Otto von Bismarck, qu'il a instauré à la fin du XIXe siècle, repose sur le principe d'assurance sociale. Dans ce modèle, les travailleurs et les employeurs paient des cotisations à des caisses d'assurance maladie. Ces contributions sont proportionnelles aux revenus et servent à financer les soins de santé des membres. Le système est basé sur la solidarité, ceux qui gagnent plus contribuent plus, aidant à couvrir les coûts pour tous. Contrairement au modèle bismarckien, le système beveridgien, du nom de William Beveridge, un économiste britannique, n'est pas fondé sur les cotisations sociales mais sur la fiscalité générale. Mis en place au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, cette approche vise à offrir des prestations universelles pour la santé, l'éducation et plus, indépendamment des contributions individuelles. Cela garantit que chaque citoyen a accès aux services nécessaires sans égard à sa situation financière ou son historique d'emploi. La France, par exemple, utilise un modèle mixte qui combine des éléments des systèmes bismarckiens et beveridgiens. Cela signifie que les soins de santé sont financés à la fois par des cotisations sociales et de contributions de l'État via les impôts. Ce modèle hybride vise à équilibrer la responsabilité individuelle avec la solidarité nationale, offrant ainsi une couverture étendue, tout en maintenant un niveau élevé de soins de santé. Au départ, c'est quelque chose qui se veut être une... une solidarité nationale, comment petit à petit, ça a dévié vers une notion de gratuité en santé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est l'évolution des droits de l'homme, en fait. Initialement, on a le droit à être... On doit tous être égaux en droit. Et le fait est que si tu as plus de sous, eh bien, tu es plus en capacité de payer des choses. et parmi toutes ces choses que tu dois payer, il y a la santé. Et donc, si on est égaux en droits, eh bien, on devrait tous avoir le même droit d'accès à la santé. Et c'est à partir de là qu'on se dit, si on a tous le même droit d'accès à la santé, qu'on voit que la santé, elle est en partie accessible à travers des soins. parce que la santé, ce n'est pas que des soins, mais une partie de la santé, elle est accessible, c'est plutôt pour rétablir l'état de santé, pour lutter contre les maladies, les soins, mais donc une grande partie de la santé, ça passe par les soins. Et puisque les soins, c'est un service que ça coûte de l'argent, eh bien, il faut qu'on ait tous le même accès aux soins. Et donc, si les soins, on y a accès avec de l'argent, et que tout le monde n'a pas d'argent, eh bien, il faut que les soins deviennent gratuits. et donc ça vient de là la question du droit à la santé ça vient directement de on est tous égaux en droit et donc si on est tous égaux en droit aussi bien le riche que le pauvre a le droit à la santé et comment faire pour que le pauvre ait le droit à quelque chose qui passe à travers les soins qui coûtent de l'argent et bien c'est de lui faire gratuitement

  • Speaker #0

    Comme Anne-Charlotte l'a très justement souligné, la transition vers la notion de gratuité des soins de santé repose sur des principes d'égalité des droits, essentiels dans notre quête collective pour un accès universel aux soins. Cependant, concernant les soins dentaires, cette question de gratuité prend une dimension encore plus spécifique et complexe. En dentisterie, les défis de l'accessibilité et du coût des soins sont particulièrement aigus. Par exemple, bien que le principe de solidarité couvre en théorie chaque citoyen, en pratique, les soins dentaires sont souvent perçus comme moins accessibles. Cela est dû au coût élevé des traitements dentaires spécialisés et à une couverture moins complète par les assurances publiques comparativement à d'autres soins médicaux. Cette situation soulève une question. Si la santé dentaire est essentielle au bien-être général, comment notre système de santé peut garantir que chacun, riche ou pauvre, ait le même accès à des soins dentaires de qualité ? Il est impératif d'examiner comment les politiques de gratuité influencent réellement la pratique dentaire quotidienne et la santé dentaire des populations. En outre, les innovations en dentisterie, comme les traitements orthodontiques et les implants dentaires, posent des questions sur leur intégration dans le modèle de soins financés par l'État. Le coût de ces technologies et la manière dont elles sont rémunérées peuvent créer des barrières à l'accès allant à l'encontre du principe d'égalité d'accès pour tous. Ce débat sur l'équilibre entre accessibilité, qualité et coût nous invite à réfléchir aux valeurs que nous souhaitons privilégier dans notre système de santé et aux compromis qui nous sommes prêts à accepter pour maintenir la santé dentaire à un niveau optimal pour tous. Aborder la gratuité des soins m'amène à réfléchir aux engagements éthiques des professionnels de santé. Parmi ses engagements, le serment d'Hippocrate, qui date de l'Antiquité, promet parfois de fournir des soins gratuits aux plus démunis, mettant en lumière un idéal d'accès universel à la santé. Je me demande donc comment ces promesses anciennes se traduisent dans notre système de santé moderne.

  • Speaker #1

    Les serments d'Hippocrate, maintenant, il y a quand même un certain nombre de serments d'Hippocrate différents qui circulent sur les réseaux. Donc, c'est difficile de le commenter en lecture de texte. Par contre, c'est sûr que... il en a circulé un où on dit que je rendrai les soins gratuits à l'indigent. Ça, c'est un idéal de soins qui va dans le sens des droits de l'homme, donc du droit d'accès à la santé, mais qui ne va pas dans les sens de nécessairement… Ce n'est pas nécessairement directement éthique de faire ça, puisqu'on nous dit aussi que chacun… que les soins doivent être honorés. Et donc, quand on dit qu'un soin doit être honoré, ça ne veut pas dire qu'il doit être payé, en fait. Donc la question de la gratuité, elle est là aussi. Est-ce qu'on est en train de parler d'une gratuité financière ? C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, c'est de ne pas payer ? Est-ce que la gratuité, c'est que quelqu'un d'autre paye pour toi ? Parce que là, par exemple, MT-Dent, tous les dentistes connaissent le programme de prévention qui est gratuit pour les enfants. Là, on doit mettre des guillemets parce que le programme de prévention MT-Dent, il est payé. il n'est juste pas payé par l'usager, de l'usager au dentiste, mais il est payé par la sécurité sociale au dentiste, sécurité sociale qui elle-même est financée par la collectivité. Donc, moi je pense que... Le soin gratuit à l'indigent, il a une portée qui est symbolique et qui n'est pas nécessairement dans le fait de la gratuité financière. Parce que ça nécessite forcément une redistribution. Peut-être qu'il y a d'autres moyens de rémunérer un soin qu'un avantage financier.

  • Speaker #0

    donc cette notion de gratuité puisque c'est un terme qui revient quand même souvent,

  • Speaker #1

    donc peut-être qu'il devrait être changé je pense que la notion de gratuité c'est une facilité de terme, même presque une facilité marketing en fait, la gratuité c'est un terme qui peut se rapporter à beaucoup de choses jamais c'est vrai qu'un soin il est gratuit parce qu'il coûte de l'énergie à la personne qui le prodigue et donc il y a un coût même si on ne prend pas en compte les éléments financiers il y a un coût non financier de fait même s'il n'y a pas eu de mobilisation financière l'acte il a été prodigué, il a été fait il a été réalisé et donc ça a forcément coûté quelque chose ne serait-ce que de l'effort à la personne qui le prodigue et donc à partir de là c'est pour ça qu'il y a une nécessité d'honorer ce soin et bien C'est vrai que la façon dont on l'honore, ça peut être financé, ça peut être non financier. C'est vrai que dans notre société, le soignant a son coût de production qui contient les coûts fixes, qui contient aussi l'effort, les connaissances et les compétences sollicitées le temps passé. et qui fait qu'il y a une nécessité qu'il y ait une rétribution financière pour compenser tous ces coûts. MTDans, ce n'est pas gratuit. Les soins qui sont prodigués, tout ça, c'est pris en charge à 100%. Et ce serait dommage de ne pas avoir l'effort qui est derrière. C'est beau l'effort qui est derrière de toute la collectivité, qui met de l'argent, qui met des impôts, des comptisations sociales et d'autres contributions publiques pour pouvoir financer pour tout le monde à égalité une prise en charge de soins avec une prise en charge totale. Certes, c'est la sécurité sociale, 70% et les mutuelles, 30%, qui vont financer, qui vont donner des sous, qui vont honorer le dentiste, par exemple. C'est pas gratuit en fait.

  • Speaker #0

    En explorant les nuances de la gratuité dans les soins de santé, Anne-Charlotte met en lumière un aspect que je trouve souvent sous-estimé. Les coûts non financiers tels que l'effort, le temps et l'expertise des soignants. Ces dimensions, bien qu'essentielles à la prestation des soins de qualité, ne sont pas toujours visibles ni pleinement reconnues dans nos modèles de financement. Il est important de noter un changement significatif dans notre système de santé depuis notre conversation avec Anne-Charlotte. Au moment de l'enregistrement il y a un an, la sécurité sociale couvrait 70% des soins dentaires de base, mais récemment cette prise en charge a été réduite à 60%. Face à ces défis, nous devons nous demander comment notre système peut non seulement reconnaître, mais aussi valoriser de manière plus équitable et efficace, le travail essentiel des professionnels de santé. Cela est crucial, non seulement pour le bien-être des soignants que l'on sait aujourd'hui en péril, mais aussi pour assurer que tous les citoyens aient accès à des soins de santé de qualité sans que cela représente une charge financière insurmontable. Finalement, est-ce que c'est notre système qui est... critiquable ou qui est mauvais comme on pourrait l'entendre parfois ? Ou est-ce que c'est son interprétation ? Et en fait, il y a un manque de pédagogie, de prise de conscience civique derrière tout ça.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas ça. Moi, je ne pense pas que notre système soit mauvais. Je pense que notre système est perfectible. Et du coup, je ne comprends pas ce qui est censé être mauvais ou pas assez pédagogique. Alors, peut-être que ce qui serait perçu comme mauvais, c'est que le patient ne serait pas suffisamment conscient que derrière la gratuité pour son portefeuille, à l'instant où il se fait soigner, il n'est pas conscient des dépenses que ça implique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Anne-Charlotte défend l'idée que notre système de santé n'est pas intrinsèquement mauvais, mais plutôt perfectible, soulignant que l'une des principales difficultés réside dans la prise de conscience par le patient des coûts réels des soins de santé. Elle évoque la dévaluation perçue des actes médicaux, en particulier ceux dont les tarifs sont fixés bas par les politiques publiques, malgré la complexité et la difficulté technique de ces interventions. Cette situation découle de la nécessité de rendre ces soins essentiels accessibles à tous, financés par de ressources publiques limitées. Je comprends les observations d'Anne-Charlotte, qui raisonne avec l'objectif louable de notre système de santé d'assurer l'accès universel aux traitements absolument nécessaires. Cependant, en tant que praticienne exerçant en cabinet libéral, je fais face à une réalité souvent difficile. Les coûts de fonctionnement d'un cabinet sont élevés, et les revenus provenant des actes à faible valeur ajoutée, qui sont pourtant essentiels, ne suffisent souvent pas à couvrir ces dépenses. Dans la pratique quotidienne, un dentiste qui prend le temps d'écouter ses patients, de fournir des soins de qualité et d'accepter tous les patients indépendamment de leurs revenus, se trouve dans une position financièrement précaire s'il ne pratique pas également des actes à haute valeur ajoutée, tels que des implants, de l'esthétique ou de l'orthodontie. Ce déséquilibre financier peut contraindre les dentistes à orienter leurs pratiques vers des spécialisations plus lucratives ou à limiter le nombre de patients à faible revenu qu'ils peuvent se permettre de traiter.

  • Speaker #1

    Ça c'est très intéressant. parce qu'il y a des actes dont le prix est fixé, et souvent il est donc fixé assez bas. En tout cas, c'est l'avis du plus grand nombre des praticiens. Et il y a des actes dont les tarifs sont libres, et donc c'est à chaque praticien d'évaluer le tarif qu'il va fixer. C'est hyper intéressant ça, parce que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont de grande difficulté, ou alors qui sont considérés par un certain nombre comme étant difficiles techniquement. On pense par exemple au traitement endodontique de Moller. C'est souvent l'argument qui revient en disant Mais ça, c'est un prix fixe, il est très bas, je vous passe des heures. Vraiment, je trouve que mon travail est dévalorisé. Ce qui est sûr, c'est que c'est vrai qu'il y a des actes qui sont techniques, qui sont compliqués, et dont le prix est fixe et peut paraître bas. Mais pourquoi c'est le cas ? C'est parce qu'on pense que ces soins sont absolument indispensables et que tout le monde doit avoir l'accès. et donc comme tout le monde c'est trop important ces actes là c'est trop nécessaire c'est pas possible que les gens ils doivent y renoncer c'est quelque chose, on s'est dit, c'est des actes il faut absolument les assurer pour tous mais comme il faut absolument les assurer pour tous et que c'est de l'argent public, c'est de l'argent de la collectivité donc on en a pas beaucoup il faut faire très très attention, euro par euro il faut compter, mais par contre il faut quand même que tous ces actes, tout le monde puisse les avoir Et donc forcément, puisqu'il faut que tout le monde puisse les avoir et que ça puisse être financé et qu'on n'a pas beaucoup de sous, ces trois éléments font que ces actes ont un prix qui est relativement bas parce qu'on va devoir le financer. Et donc forcément, on se retrouve avec tous les soins qui ont été définis comme indispensables au moment des négociations, ils ont des prix fixes et relativement bas.

  • Speaker #0

    Dans cette quête continue d'efficacité et de réduction des coûts dans le système de santé, un aspect me semble pourtant largement sous-valorisé, la prévention. Ayant un exercice d'omnipratique orienté en parodontologie, j'observe quotidiennement les bénéfices significatifs d'une approche préventive. Chaque patient que je reçois passe environ une heure à apprendre l'hygiène buccodentaire. Je tiens absolument à cette éducation et la réitère régulièrement. Avec le temps, j'ai vu des patients qui auparavant nécessitaient des interventions fréquentes pour des caries ou des extractions, revenir simplement pour faire des visites où je peux leur dire que tout va bien. La prévention a donc un impact spectaculaire sur la réduction des coûts à long terme. Toutefois, malgré ces évidences, je remarque que les actes de prévention ne sont pas suffisamment mis en avant ou valorisés financièrement à leur juste valeur par notre système. Cela me pousse à me demander pourquoi ne mettons-nous pas davantage l'accent sur la prévention dans notre stratégie de santé ? Pourquoi n'est-elle pas mieux intégrée et récompensée ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est une des grandes questions. De fait, c'est quelque chose qui doit faire l'objet de négociations conventionnelles puisqu'on est en train de parler du fait que la prévention et une valorisation financière, et soit un acte présent dans la TCAM. Il y a certainement plusieurs raisons pour lesquelles ce n'est pas fait pour l'instant. Il y a notamment la question, qui est sous-jacente aussi, c'est des actes qui sont difficiles à évaluer, qui vont être évalués par l'efficacité, l'état de santé à terme du patient. Si la prévention, les visites de prévention étaient bien faites, normalement vous allez avoir l'année prochaine et l'année d'après pas besoin de faire de soins en fait. Ça peut être évalué comme ça par exemple. Et donc, dans ce cas-là, on se pose la question de peut-être différencier la rémunération. Est-ce qu'on fait ça à l'acte ou est-ce qu'on fait un forfait ? Et c'est là qu'arrive la question de la rémunération des chirurgiens dentistes. Il y a beaucoup de façons différentes de rémunérer un professionnel de santé. Le professionnel de santé, il y a des pays où il est payé à la capitation. ça veut dire quoi ? La capitation, ça veut dire qu'il est payé au nombre de patients dans sa patientèle. Et donc, pourquoi il est payé comme ça ? Parce que ça crée un intérêt pour le praticien à ce que son patient ne soit pas malade. C'est un problème parce que du coup, il n'a pas très envie de prendre des malades chroniques. Mais par ailleurs, si je fais bien de la prévention auprès de mes patients, eh bien, à chaque fois qu'ils vont venir, je n'aurai pas grand-chose à faire. Ils ne seront pas malades, je serai tranquille, je n'aurai pas trop de boulot. Donc, la capitation sert à ça. Elle sert à avoir une prise en charge globale du patient où l'intérêt commun est que le patient soit en bonne santé pour avoir le moins de travail possible. Ce ne sont pas des systèmes qui marchent tout seuls. La capitation, ça ne marche pas en solo. Par exemple, parce que ça n'a pas d'intérêt de prendre des malades chroniques. Alors tu peux faire des forfaits par dessus, tu mixes. En plus, tu te payes selon le nombre de patients que tu as, donc ton intérêt c'est de les garder en bonne santé. Et puis comme dans ce cas-là, tu ne vas pas trop aimer avoir des malades chroniques, je te rajoute un forfait malade chronique. Je te donne plus de sous selon le nombre de patients malades chroniques que toi. mais c'est pas encore suffisant. Il y a d'autres façons de payer, par exemple la tarification à l'acte qu'on a chez nous. La tarification à l'acte, c'est tu fais un acte, on te paye. Le problème de la prévention, c'est est-ce que c'est logique de faire un acte pour lequel on te paye alors que les outcomes, les effets, on va les avoir plus tard ? La prévention, c'est compliqué à payer en acte. Un, parce que c'est difficile à définir comme acte, en disant comment certifier que cet acte a été délivré, ce moment de prévention. Et deux, parce que la logique est à terme. Donc la prévention, ça pourrait plutôt marcher dans le temps, en disant peut-être qu'il y a un forfait prévention qui fait que si l'état de santé du patient ne s'est pas dégradé, eh bien là, tu touches ton forfait. C'est des questions qui se posent et qui sont en cours d'étude. Mais vous voyez que le paiement à l'acte, il n'est pas fait pour la prévention parce que c'est un paiement qui incite au volume. Alors que la prévention, c'est quelque chose qui va avoir des impacts dans le temps. Est-ce que c'est négatif ? Ça reste à prouver. Parce que c'est quand même bien d'être productif, de faire beaucoup d'actes. Ça veut dire éventuellement que tu vois beaucoup de patients ou que tu soignes beaucoup de problèmes.

  • Speaker #0

    Donc, ça a ce côté aussi très positif, le paiement à l'acte, parce que ça augmente la productivité, et c'est encore ce qu'on recherche de la part de tout professionnel.

  • Speaker #1

    La réponse d'Anne-Charlotte met en lumière un dilemme central dans notre système de santé concernant la valorisation et la rémunération des soins préventifs. Elle souligne que bien que la prévention soit cruciale pour réduire les coûts à long terme et améliorer l'état de santé global des patients, elle n'est pas toujours facile à intégrer dans les structures de paiement existantes. Les défis résident notamment dans la difficulté d'évaluer immédiatement l'efficacité des actes préventifs et dans la conception des systèmes de rémunération qui encouragent suffisamment ces pratiques. Elle discute... De différents modèles de paiement, comme la capitation, qui peut motiver les soignants à maintenir leurs patients en bonne santé, mais qui présente aussi des inconvénients, notamment une réticence à prendre en charge des patients avec des conditions chroniques complexes, la tarification à l'acte, prédominante dans notre système, favorise la productivité et peut inciter à une augmentation du volume des soins prodigués, ce qui n'est pas nécessairement aligné avec les objectifs de la prévention. Ce débat sur la rémunération soulève des questions fondamentales. Comment pouvons-nous ajuster nos systèmes pour mieux soutenir la prévention ? Est-ce possible de développer des modèles qui récompensent les soignants non seulement pour le volume des soins prodigués, mais aussi pour la qualité et l'efficacité des soins à long terme ? La réflexion d'Anne-Charlotte nous invite à considérer des solutions innovantes, telles que les forfaits de prévention, qui pourraient être ajustés selon l'état de santé du patient au fil du temps. Ce serait un moyen de reconnaître et de récompenser les efforts de prévention qui maintiennent les patients en bonne santé, réduisant ainsi la nécessité de traitements futurs plus coûteux. Tout cela montre combien il est essentiel de continuer à discuter et à réformer les méthodes de rémunération dans le domaine de la santé. En tant que praticien, notre objectif est de fournir les meilleurs soins possibles, mais cela doit être soutenu par un système qui valorise réellement la prévention et la santé à long terme. Il s'agit d'un challenge complexe, mais nécessaire pour l'avenir de notre système de santé. La tarification à l'acte, tout en augmentant la productivité, peut également mener à des dérives notables. Comme l'explique Anne-Charlotte, ce modèle incite les professionnels de santé à multiplier les actes, ce qui maximise leurs revenus. Cette incitation peut non seulement pousser à un plus grand volume d'actes, mais aussi à une sélection des actes les plus rémunérateurs, parfois au détriment de la qualité des soins et du temps consacré à chaque patient. Anne-Charlotte note également que bien que les professionnels de santé soient guidés par des principes de déontologie, L'attrait de la rémunération plus élevée pour certains actes pourrait détourner l'attention des soins véritablement nécessaires. Elle soulève une question critique. Jusqu'à quel point peut-on compter sur l'autorégulation professionnelle pour contrebalancer ces incitations financières ? Et quelles alternatives pourrions-nous envisager pour aligner plus étroitement les modèles de rémunération avec les objectifs de soins centrés sur le patient et de qualité ?

  • Speaker #0

    Alors la tarification à l'acte, ça a plein d'avantages, plein d'inconvénients. Je parle de ce théorique. Quand on est dans de la tarification à l'acte, ça nécessite un acte égal à un paiement. Forcément, tu as envie de faire plein d'actes, parce que du coup, si tu multiplies les actes, tu multiplies les paiements. Ça, c'est normal. Je veux dire, moi, j'ai très envie d'avoir plein de sous, donc j'ai très envie de faire plein d'actes. Ensuite, il y a un deuxième degré. En plus d'un acte, un paiement, C'est selon l'acte, tu gagnes plus ou moins. Donc, qu'est-ce que j'ai envie de faire, moi ? J'ai envie de faire l'acte qui me prend le moins de temps et qui me rapporte le plus de sous possible. Je suis quelqu'un de rationnel. Donc, on a du coup cette incitation non seulement à faire du volume, c'est-à-dire beaucoup d'actes pour avoir beaucoup de sous, mais en plus d'orienter ce volume de soins vers les actes qui vont être le plus rémunérateur. Et ça, c'est la logique, c'est la rationalité. Alors oui, ça peut créer des problèmes. On compte forcément sur la déontologie des professionnels de santé. On se dit que du coup, quand on est dans ce genre d'incitation pour des professionnels de santé, eux, ils vont s'autoréguler grâce aux règles de déontologie. Ça n'en reste pas moins que les travers du paiement à l'acte, ça pourrait être... Si on dépasse les bornes de la déontologie et de l'autocontrôle professionnel médical, le paiement à l'acte peut avoir des dérives comme du volume en excès, c'est-à-dire de la demande induite, ce qui veut dire que ce sont des actes que le patient n'aurait pas demandé s'il était parfaitement au courant. Donc ça veut dire plus de volume que l'aurait désiré un patient. bien informé. Donc l'excès de volume, ça pourrait être une dérive. Et l'autre dérive, en effet, c'est de proposer des actes plus rémunérateurs que d'autres. Donc une orientation de l'activité vers certains actes plutôt que d'autres. Et donc évidemment, faire du volume, c'est très bien. La productivité, c'est important, mais il y a un risque que ça dépasse les bornes. Et donc... Il y a une espèce de limite qu'il ne faut pas franchir entre l'augmentation de la productivité souhaitable et celle qui devient diatrogène.

  • Speaker #1

    Anne-Charlotte nous a éclairé sur les complexités inhérentes à la tarification à l'acte, mettant en lumière les risques de démarches induites et de surtraitement que ce modèle peut engendrer. Lorsque les professionnels de santé sont payés par acte, il existe une incitation naturelle non seulement à augmenter le nombre d'actes réalisés, mais aussi à favoriser ceux qui sont les plus rentables. Cette réalité peut malheureusement conduire à des pratiques où la quantité prévaut sur la qualité des soins. Le phénomène de demande induite, où des actes médicaux sont proposés non pas en réponse à un besoin réel du patient, mais plutôt en raison des incitations financières, soulève de sérieuses questions éthiques. Comment pouvons-nous garantir que les décisions prises sont véritablement dans le meilleur intérêt du patient ? Comment le système peut-il maintenir un équilibre entre rentabilité et responsabilité éthique ? De plus, le surtraitement, une conséquence directe de l'excès de volume, non seulement augmente les coûts globaux pour le système de santé, mais peut aussi exposer le patient à des risques inutiles de complications et d'effets secondaires. Ce dilemme souligne l'importance cruciale de repenser notre approche de la rémunération des soins pour favoriser une médecine plus prudente et centrée sur le patient. Face à ces défis, il devient impératif de considérer des modèles alternatifs de rémunération, tels que des paiements forfaitaires ou les systèmes basés sur la qualité des soins qui peuvent réduire les incitations à la surproduction tout en encourageant les soins de haute qualité. Explorer ces alternatives pourrait aider à aligner plus étroitement les pratiques médicales avec les principes de déontologie et l'intérêt supérieur des patients. assurant ainsi que notre système de santé reste non seulement efficace, mais aussi éthiquement plus solide.

  • Speaker #0

    La demande induite, c'est du surtraitement. La demande induite est très très compliquée à démontrer, parce que, par définition, c'est le praticien qui propose ces traitements, et le patient souvent donne son accord. Il va donner d'autant plus son accord qu'il a une faible participation financière. Donc, l'induction du volume au-delà du raisonnable, eh bien, il est plus susceptible d'arriver concernant des soins qui sont totalement présents en charge. On va voir qu'un patient qui n'a pas à déverser, à utiliser son propre portefeuille, eh bien, va avoir moins tendance à... discuter les plans de traitement qui sont proposés. C'est normal, c'est rationnel. Quand c'est toi qui utilises ton portefeuille pour payer quelque chose, tu vas plus te rechigner, tu vas négocier, tu vas dire je voudrais que ce soit un peu moins cher, je vais en prendre moins si c'est trop cher tout ça. Moi, ce que j'utilise souvent, c'est que je parle des stylos. S'il n'y a pas besoin de payer les stylos et que j'ai toutes les couleurs de stylos, je vais prendre toutes les couleurs de stylos. Par contre, si c'est moi qui paye, je vais choisir que quelques stylos. Et puis, je vais négocier leur prix. Parce que comme je veux avoir le plus de stylos au prix le moins cher possible, je vais négocier. Tandis que si je n'ai pas besoin de payer, je prends tous les stylos et je prends toutes les couleurs. Et donc, c'est pareil dans une relation de soins. Si tu ne payes pas, je vais moins remettre en question ce qu'on me propose. Je vais me dire, de toute façon... Le médecin me propose tout ça, je n'ai pas besoin de payer, je dis ok à tout. Peut-être que si le patient doit mettre la main à son portefeuille, il ne négocierait plus, il discuterait plus la proposition du praticien et on se retrouverait avec un volume de soins peut-être moins important. Ça, on ne peut pas le savoir. C'est en théorie ce qui peut arriver quand on a une prise en charge extérieure. On a une tierce personne qui paye. C'est très dur à prouver. Il faut avoir des données très spécifiques pour pouvoir prouver de la demande induite comme ça. Là où c'est prouvé, c'est dans les scandales sanitaires. mais pas dans les données médico-administratives sur lesquelles je travaille. Mais il y a plusieurs scandales sanitaires qui montrent qu'il y a eu du surtraitement, en plus de piètre qualité, dans des cas de demandes induites.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut dire que le système économique actuel met un peu en péril la relation de confiance entre le dentiste et le patient ? Parce qu'on sent qu'il y a quand même... Donc tu disais qu'il y avait cette demande induite, elle est difficile à mettre en exergue, mais d'un autre côté, les patients, font preuve de plus en plus de défiance vis-à-vis des professionnels de santé. Alors, dentistes, peut-être en premier, parce que c'est des soins qui sont coûteux et moins bien remboursés que les autres. Donc, quand ils viennent, ils ont déjà une appréhension. Ils commencent maintenant à avoir peur qu'on leur survende des traitements ou qu'on leur fasse faire des choses dont ils n'ont pas besoin.

  • Speaker #0

    Alors, moi, je ne suis pas sûre que ça concerne... Beaucoup de patience. Mais ce qui est sûr, c'est que la complexité du système engendre nécessairement de la défiance parce qu'il est trop compliqué à comprendre. On a des informations, elles sont parcellaires. On a des effets d'annonce, RAC0. L'effet d'annonce de RAC0, 100% santé, c'est je ne vais rien payer en allant chez le dentiste Est-ce que c'est vrai ça ? Non, ce n'est pas vrai. Je ne vais pas rien payer en allant chez le dentiste. Ça dépend de beaucoup, beaucoup de choses. Et donc forcément, quand tu as lu dans un site internet ou tu as vu à la télé je ne vais rien payer chez le dentiste quand tu arrives chez le dentiste et qu'il te demande de payer, là, il y a un choc. Et ce choc, il est au détriment du dentiste, parce que c'est plutôt une surprise désagréable. Et ce n'est pas la télé qui va la vivre, c'est la surprise désagréable. C'est le dentiste qui se retrouve dans cette situation désagréable de rétablir en réalité la réalité sur les règles. Et donc oui, ça c'est certain que ça crée une défiance.

  • Speaker #1

    Je voulais savoir si tu avais des modèles de systèmes étrangers dont on pourrait s'inspirer pour justement avancer vers un système plus simple.

  • Speaker #0

    Alors je pense au contraire, qu'un système plus vertueux serait plus compliqué. Donc je pense que si on complexifiait un petit peu le système encore, on le corserait, ce serait plus vertueux. Pourquoi ? Parce que, comme je vous l'ai dit, il y a plusieurs modes de rémunération. Et je pense que si on associe les différents modes de rémunération, on peut inciter à la fois à être productif et à la fois à être vertueux et dans la prévention. Donc, par exemple, mettre à la fois de la capitation du forfait et de l'acte ensemble, je pense que ce serait vertueux. Et là, on est dans des systèmes qui sont très compliqués, qui demandent notamment beaucoup d'informations. Parce que pour pouvoir faire marcher tout ça ensemble, et pour pouvoir faire tomber les financements qui correspondent à la capitation ou au forfait, il faut qu'il y ait un très grand suivi des données de chaque dentiste. Et donc, c'est pour ça que pour l'instant, on n'est pas en mesure de le faire. Je pense que le système de rémunération devrait être complexifié pour être plus vertueux. Par contre, je pense que le système devrait être plus transparent. Parce que l'effet, il est politique, le message qui passe là, aller chez le dentiste, c'est gratuit. C'est un effet politique pour dire, regardez, on a vraiment fait bouger les choses. Il y a des choses qui ont bougé, c'est vrai. Mais on s'en fiche que ce soit aux dentistes de rétablir la réalité sur les règles. Et ça, ce n'est pas juste. Les dentistes, il n'y a pour rien qu'à la télé, on dise, c'est gratuit, allez-y, c'est gratuit. Et donc, la transparence, elle doit être... À l'avantage de chacun, pas juste, en l'occurrence, regardez l'effet gouvernemental, on est très très fort. Il faut qu'on rappelle un peu les règles. En l'occurrence, c'est gratuit pour les soins de premier recours.

  • Speaker #1

    La réponse à Anne-Charlotte nous amène à réfléchir sur une approche potentiellement contre-intuitive. Complexifier le système de rémunération pour qu'il soit plus vertueux. Elle suggère que l'intégration de divers modes de rémunération, comme la capitation, les forfaits et la tarification à l'acte, pourrait encourager à la fois la productivité et à la vertu, notamment dans la prévention. Cependant, cela nécessiterait un suivi extrêmement détaillé des données de chaque praticien pour être efficace, une tâche qui, selon elle, est actuellement hors de portée en raison des limites de nos systèmes d'information. En plus de la complexité, Anne-Charlotte souligne l'importance de la transparence dans le système de santé. Elle critique l'usage politique des annonces comme celle du 100% santé, qui peuvent être trompeuses en suggérant que les soins dentaires sont entièrement gratuits, alors que ce n'est pas nécessairement le cas. Cette approche peut malheureusement laisser les dentistes seuls pour expliquer les réalités financières à leurs patients, ce qui peut nuire à la confiance. Cette discussion soulève une question importante. Comment pouvons-nous concevoir un système qui non seulement encourage les bonnes pratiques médicales, mais qui est également clair, juste et transparent pour les patients et les soignants ? Il semble que, bien que plus complexe, un système diversifié de rémunération pourrait offrir des solutions à condition qu'il soit accompagné d'une amélioration significative de la clarté et de l'accessibilité de l'information pour tous les acteurs impliqués. Passons maintenant à une tendance émergente dans le monde de la dentisterie, le salariat. Historiquement, la profession a largement privilégié le mode libéral. Mais récemment, j'observe un intérêt croissant pour le salariat, particulièrement parmi les jeunes diplômés. Ces nouveaux venus dans le domaine semblent rechercher des opportunités de soigner sans la pression des enjeux financiers liés à la gestion d'un cabinet. Cette évolution m'amène à me demander si un modèle de salariat bien structuré pourrait représenter une solution viable pour la vie de la profession dentaire.

  • Speaker #0

    Le salariat s'exerce de plusieurs façons. Le salariat s'exerce à l'heure dans le menu hospitalier, ce qui a un grand nombre d'avantages, et notamment qui incite à la qualité parce qu'il n'y a pas de pression sur le volume. Il y a aussi le salariat qui s'exerce finalement à l'acte, et c'est celui qu'on rencontre dans les centres de santé le plus souvent. Ce salariat-là, il a les mêmes incitations que le paiement à l'acte, puisque finalement le revenu est en rapport avec le nombre d'actes générés. Ce salariat-là, c'est celui qui est quand même le plus facile d'accès. Quand on parle de salariat à l'heure, c'est quand même beaucoup plus marginal. Mais le salariat avec une rétribution au prorata du nombre d'actes, il est en effet de plus en plus attractif. Il est de plus en plus attractif pour de nombreuses raisons. Un, parce qu'il permet l'exercice de groupe. L'exercice de groupe est attractif parce qu'on est une profession ultra-libérale, très isolée les uns des autres, mais aussi vis-à-vis des autres professions médicales. Et donc, il y a un souhait de travailler en groupe, soit en interprofessionnel, soit entre dentistes, qui ont des avantages très différents par ailleurs. Mais le souhait de travailler en groupe permet, un, d'échanger et de se sentir rassurée dans sa pratique. Donc ça, c'est très attractif, bien sûr. Mais ça peut permettre aussi de diluer la responsabilité vis-à-vis des patients. Parce qu'on a eu un effet de collectivité, où on a l'impression que la responsabilité, elle est diluée entre tous les praticiens du groupe. Ça, c'est le cas dans des grands centres de santé dentaire, où il y a beaucoup de monde, et on a l'impression que finalement, c'est la structure qui prend la responsabilité. Ça, c'est un écueil, par contre. parce que ce n'est pas vrai. La responsabilité, elle est à chacun. Mais je ne dis pas que tous ces salariés-là l'oublient. Mais en tout cas, ça peut être un écueil. Cette perte de la sensation de responsabilité face aux patients, ça, c'est un écueil. Ça a eu des conséquences. On espère que ça en aura le moins possible par la suite. Il y a des nouvelles règles, d'ailleurs, dans les centres de santé. On espère que ça va s'améliorer. L'autre avantage, En dehors du travail de groupe, c'est l'avantage de la responsabilité financière qui est engagée. Quand on est dans un centre de santé, on arrive, on nous prête le matériel, on nous gère les assistantes, les secrétaires, on gère les prises de rendez-vous. On est dans une responsabilité financière et managériale qui est déportée aussi sur la structure. C'est la structure qui finance les coûts fixes et les coûts de fonctionnement. Ces coups fixes et ces coups de fonctionnement, dans le cadre de la chirurgie dentaire, qui a un plateau technique extrêmement onéreux, c'est très important à prendre en compte. Est-ce qu'on doit assumer quand même, les chirurgiens dentistes libéraux doivent assumer, un coût d'investissement initial, puis un coût de fonctionnement très important ? Ça, ça fait peur. C'est une pression financière qu'on prend sous forme de prêts le plus souvent. Mais on doit assumer ce prêt de nombreuses années et donc ça génère une pression financière importante. Et en plus du prêt, on doit assumer les coûts de fonctionnement qui sont imputés sur le chiffre d'affaires jour après jour. Et donc cette pression-là, qui est à mettre en balance avec l'autonomie et le fait que tu es ton propre patron et que tu fais ce que tu veux, et puis zut alors, ça reste quelque chose qui n'est pas anodin. C'est une responsabilité intense qui pèse sur les épaules au jour le jour. Et c'est ça aussi qu'on évite. Au moins quand on commence sa carrière dans une structure groupale, éventuellement un centre de santé. Ce n'est pas un choix qu'on fait comme ça et puis on verra bien dans cinq ans quand. Et donc c'est normal quand on est jeune, quand on a aussi grandi dans une société où les gens font de plus en plus des boulots différents. On voit beaucoup de gens, toi, moi, qui font des choses différentes à différentes étapes de leur vie. Et là, on leur demande de s'endetter pour 15, 20, 30 ans. C'est normal que ça ne fasse pas sens pour les générations qui arrivent en tout cas. En plus, quand on voit que ceux qui partent à la retraite, ils ont des galères pour revendre leur cabinet. Donc, ce n'est pas un investissement qui est sexy et attractif quand même.

  • Speaker #1

    Nous arrivons à la fin de cet épisode dans lequel nous avons plongé dans l'histoire et les fondements de notre système de santé avec la docteure Anne-Charlotte Bas. J'espère que cette discussion vous a offert des éclairages sur comment nos soins sont structurés et perçus dans notre société. Pour notre prochain épisode, nous changerons de perspective pour explorer l'expérience des patients eux-mêmes, en particulier ceux qui luttent pour accéder à des soins dentaires de qualité en raison de contraintes financières. J'aurai l'honneur d'accueillir Olivier Siran, auteur du livre Sur les dents qui apportera un regard critique sur les difficultés rencontrées par les patients moins privilégiés. Olivier partagera avec nous ses observations et ses recherches sur les défis et les barrières qu'on rencontre ces individus, ajoutant une dimension humaine et sociale à cette grande discussion sur l'argent en dentisterie. Merci à Camille Covez qui a réalisé l'illustration, à Maxime Moitieu pour la composition musicale et bien sûr à Pauline Bussy pour le montage. N'oubliez pas de soutenir le podcast si vous appréciez son contenu et souhaitez continuer cette exploration ensemble. Merci d'avoir écouté et à très bientôt pour continuer notre voyage à travers l'argent en dentisterie.

Share

Embed

You may also like