- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Grands Entretiens. Dans la vie d'un journaliste spécialisé musique, rencontrer Johnny Hallyday était mission aussi inévitable qu'indispensable. Agréable aussi tant l'homme était courtois, affable et se laissait volontiers aller à quelques confidences. pourvu que l'intervieweur le mette en confiance. Avec un peu de chance, on pouvait même déjeuner avec l'idole des jeunes. Les bons plats et les vins du meilleur cru aidant bien sûr à délier les langues. A l'époque, nous sommes en mai 2003, Johnny est encore propriétaire d'un restaurant situé rue Balzac dans le 8e arrondissement de Paris, à deux pas de la place de l'Etoile. C'est dans ce cadre convivial, entre langoustine croustillante à la Laetitia, et côte de bœuf à l'unilatérale façon JH, qu'il accepta d'accueillir deux journalistes, mon camarade Stéphane Jarnot et moi-même, et de se confier sans réticence. Une interview souvent surprenante et touchante, devenue encore plus émouvante dans le contexte d'aujourd'hui. À table avec Johnny donc, rockeur gastronome qui allait, quelques semaines plus tard, fêter ses soixante ans.
- Speaker #1
Quand j'ai fait mon anniversaire avec des gens qui sont dans le cinéma, des amis producteurs, des amis acteurs, etc. On m'amène des gâteaux en forme de scénario. Quand c'est Camus, on dirait que c'est une guitare. Certaines fois, pour changer un peu, c'est un micro. C'était un peu, peut-être moins un gâteau, normal. Un beau gâteau. Normal, marqué Happy Birthday Johnny.
- Speaker #0
Né le 15 juin 1943, Johnny était donc du signe des Gémeaux. Un signe d'air qui, affirment les astrologues, appartient aux individus sympathiques et sociables, capables de s'adapter à toutes les situations, malgré un caractère subjectif et narcissique. Qu'en pense-t-il, le gémeau le plus célèbre de France ?
- Speaker #1
Je vais vous dire la vérité. Certaines choses que j'ai lues, j'ai écrites et ce sont passées. Par contre, il faut se méfier parce que certaines choses que j'ai lues ne se sont pas passées. Je ne crois pas aux astrologies, je ne crois pas à ce qu'on lit dans les journaux. Parce qu'ils sont à peu près général pour tout le monde. Et chaque personne est différente. Vous voyez, par rapport à tous les Gémeaux, ils ne sont pas pareils. D'abord, ça dépend de l'ascendant, ça dépend de l'heure à laquelle on est né. Parce que je suis ascendant vierge, je ne sais pas ça. Donc, sur mon côté paresseux, ça vient de la Vierge. Et Méticuleux aussi. Mais aussi, je crois que mon ascendant vierge contrôle très bien, tempère, en tout cas mon signe de gémeaux. Mais je crois que quand on vieillit, l'ascendant prend plus d'importance, qu'au départ, par rapport à ton signe fort. Après, je ne sais pas que je n'y crois pas, mais vous savez, c'est difficile pour moi, parce que j'ai vu une ou deux voyantes, mais pas parce que j'étais allez les voir, parce que c'était des gens que je connaissais, et ça, ça, ça, ça. Ils me disaient, moi, ça m'intéresse. Ils m'ont prédit trois enfants, j'en ai eu que deux. Alors, effectivement, c'est facile. On me connaît, je suis connu. Deux, déjà, c'était sûr, je les ai eus. Un troisième, c'est normal, j'en veux un avec ma femme. Une carrière assez brillante. avec... Enfin bon, des trucs que je fais, bon, et vous que je prends part.
- Speaker #0
En septembre 2018, donc quelques semaines avant la parution d'un album posthume, Johnny avait enregistré plus d'un millier de chansons et vendu plus de 110 millions de disques. D'où la question, mais comment fait-il pour faire le tri ? Sur quels critères choisit-il les titres qu'il décidera d'interpréter ?
- Speaker #1
à droite celle que j'aime et à gauche celle que j'aime pas. Et puis alors quand je finis par avoir que celle que j'aime, je finis par faire un tri dans celle que j'aime. Et une fois que j'ai fait un tri définitif sur celle que j'aime, oui je travaille surtout sur les phrasés, sur les textes, avec les gens qui les ont écrites. Mais moi je demande rien, je veux dire pour moi je ne co-signe jamais une chanson que j'ai pas fait. Même quand je travaille dessus, je ne cosigne pas parce que ce n'est pas moi. L'idée de départ des concerts, c'est pas bien. Je sais qu'il y a beaucoup de chanteurs qui font ça, moi je ne le fais pas. Je pense que l'œuvre de quelqu'un, c'est l'œuvre de quelqu'un. Même si on contribue à ce que la chanson soit meilleure. Après tout, c'est le rôle aussi de l'interprète. Vous savez, quand c'est le métier du chanteur, on se rend compte quand on chante. Il y a des mots avec une musique qui passent moins bien que d'autres mots. Il ne faut pas qu'un mot accroche mal. C'est pour ça que je chanterais jamais en allemand. Parce que pour moi, en allemand, chaque mot s'accroche. Mais sans doute parce que je ne suis pas allemand et que je le fais mal. Je ne pourrais jamais aussi bien m'exprimer dans le plan qu'en français, puisque la langue française est ma langce.
- Speaker #0
Johnny, bête de scène, plus qu'animal de studio, c'est connu. En tout cas, c'est lui qui le dit, son rêve, enregistrer ses albums, non pas en live, car il en existe une bonne quarantaine, captés à l'Olympia, à Bercy, au Stade de France. Non, pas en live, mais en public. Une nuance qu'il explique ainsi.
- Speaker #1
Je ne suis pas un malade du studio. Moi, si c'était possible, je n'aimerais enregistrer mes albums que sur une scène avec un public. Mais pas à la fois qu'on fait des concerts live. Une vraie séance d'enregistrement, mais avec du public dans une scène. Est-ce que je veux dire... Oui. C'est mieux quand on voit des yeux, on voit des gens, on voit des réactions à part ce qu'on sent. C'est mieux de voir des gens à part ce qu'on sent. C'est froid, on est tout seul dans le noir, avec une petite lupiote sur le texte qu'on a à chanter, avec des ingénieurs qui sont à côté, et puis on chante. Et puis, je ne sais rien. Alors, là, il faut vraiment avoir l'imagination pour sortir des émotions, pour les donner, parce qu'on est tout seul dans un studio. C'est pour moi un chanteur. Un acteur, c'est quelqu'un qui donne le meilleur de lui-même, maximum trois prises. Quand on commence à faire 15 prises, c'est que... Il y a un truc qui ne va pas, ou dans les paroles, ou dans le texte, ou dans... Il y a un loup qui part.
- Speaker #0
Qui pourrait le nier, Johnny Hallyday possède un organe vocal hors du commun. Mais comment la travaille-t-il, sa voix ? À la gitane sans filtre ? au Bourbon 15 ans d'âge, ou tout simplement prend-il des cours de chant ?
- Speaker #1
Si j'ai pris des cours de chant, pour être honnête, j'avais pris des cours de chant quand j'avais 15 ans. Mais j'en ai jamais repris. Il m'est arrivé avec Madame Charlot, mais surtout en état de fatigue, je me rappelle d'un certain Bercy que j'avais fait à Paris. Patrick Bruel aussi, il travaillait avec elle. Quand on a la voix fatiguée, c'est qu'on la pose mal. Quand on est fatigué, il ne faut pas chanter de la gorge, il faut chanter de la poitrine. Non, pas de la poitrine, du ventre. C'est une façon de respirer comme ça. C'est comme quand on fait du sport d'ailleurs. Il faut chanter en rentrant le ventre. Et pour ça, il faut avoir des abdominaux. C'est pour ça que le sport sert beaucoup aussi. Mais quand on a la voix fatiguée, c'est qu'on n'a plus la force. Tourner, c'est long. Alors, Madame Charlot venait pour me remettre la voix en place, c'est-à-dire avant de chanter, une heure avant que je monte sur scène, pour me chauffer la voix. Des exercices d'ailleurs bien spéciaux. Des exercices d'ailleurs qui ressemblent énormément à la professeure de chant que l'ils avaient à Star Academy d'ailleurs. Mais c'est similaire à ça, c'est des façons de placer sa voix pour chauffer sa voix, pour ne pas tomber à fond quand on est à fond. Donc, de temps en temps, quand ma voix allait un peu moins bien, j'avais évidemment la meilleure, c'est Annette Charlot, qui venait me... Pendant une demi-heure, on me chauffait la voix. C'est vrai, la voix allait un peu mieux. On était à fond, on était à fond, mais disons, ça dégazait un petit peu. Ça permettait au moins de faire le spectacle. Mais à part ça, moi, j'ai pas appris à chanter, c'est venu tout seul.
- Speaker #0
La légende prétend que Jacques Brel était si anxieux avant de monter sur scène qu'il vomissait régulièrement dans sa loge. Un showman comme Johnny, est-il lui aussi sujet au trac ?
- Speaker #1
je crois que c'est quand on aime son métier a toujours le trac,, on veut bien faire donc ça plaise évidemment on veut faire plaisir aux gens, le moindre petit truc qui marche pas on est en eau je sais pas moi je connais pas de vrais artistes qui n'ont pas le trac, ,c'est une appréhension même qui n'est même s'il n'existe pas,elle est l'a, je vois quand on fait des rallyes à chaque départ on a les choses intéressantes il suffit de ralentir un peu et on se casse pas on se tue pas mais c'est le fait C'est pareil, il y a une espèce de stress qui passe. C'est pareil quand on monte en scène, c'est pareil quand on commence un film, un directeur, c'est pareil. Et quand on aime quelque chose, je crois qu'on a toujours une appréhension à l'heure de commencer. Une fois qu'on y est, ça va. C'est l'appréhension de commencer.
- Speaker #0
C'est lui qui l'affirme. Quand il était enfant, il voulait être comédien, pas chanteur. On peut même l'apercevoir, gamin blond perdu au milieu des figurants d'une cour de récré, dans le film de Henri-Georges Clouseau, Les Diaboliques. en 1954. Pourtant, c'est dès 1960 qu'il enregistre son tout premier 45 tours, avec entre autres la chanson T'aimer Follement. Le style Johnny est né roi des yéyés, hoquetant et ondulant, à l'époque plus twist que rock'n'roll. Justement, son style, comment se l'est-il dégoté ?
- Speaker #1
Je cherchais comment m'écréler un style. Alors les... l'idée c'est de créer un style. Mais vous savez c'est parce qu'au début j'avais entendu un chanteur français Daniel Gérard. Et j'entendais Daniel Gérard et je me suis dit tiens il a trouvé un style. Alors je suis parti là dedans. Parce que lui aussi il chantait comme ça. Elle n'appelle que 17 ans. Alors que je tiens à faire la guitare française, qui n'avait plus rien à voir. Et puis après, petit à petit, j'ai changé. Mais, vous savez, quand on n'a pas trouvé vraiment sa façon de chanter personnelle, on essaye les choses, on essaye les choses. Et comme je ne prenais pas de cours de chant, effectivement, ma voix, je l'ai trouvé tout seul. Je n'ai pas eu quelqu'un qui m'a dit non, absolument. En fait, c'est à cause, ou grâce, ou à cause de lui, ce que j'ai... J'ai chanté d'ailleurs. Moi je m'étais fixé d'être comédien, je ne m'étais pas fixé d'être chanteur, et puis je suis tombé amoureux de ce que faisait Elvis Presley, et puis bon, tout ça, le rock'n'roll est venu, on va prendre l'habitude, les choses, et bon, on fait que, bon, on est valable. Mais ça fait partie d'une époque, parce que c'est vrai que quand les Beatles sont arrivés, c'est vrai que tout ça paraissait désuet par rapport à, musicalement, à ce qu'avaient amené les Beatles. Donc... Moi je considère qu'il y a eu deux phases dans le rock'n'roll. Il y a eu les pop Presley avec le rythmn blues, le blues et le country. Parce que le français c'est un mélange de country et de rock'n'roll, le blues. Et puis les Beatles sont arrivés et ça a été la deuxième phase du rock'n'roll où c'est là que le rock'n'roll a évolué musicalement dans un autre sens. Mais vous savez, je crois que personne n'invente rien. à part peut-être les Beatles sur ce qu'ils ont fait. Parce qu'on est tous, quand on fait quelque chose, influencés, même indirectement ou involontairement, par quelque chose qu'on a entendu. Même que ce soit des spectacles. Je crois que les Beatles ont dû être influencés par de la musique classique d'ailleurs, à mon avis d'ailleurs. Plus que par du rock'n'roll. Mais en aimant bien sûr Chuck Berry, le reste, on a tous aimé. Billy Holly... comme Presley a été influencé par les deux les blues man ça c'est sûr il a donné les plus bas de la bosse elle est pas pour la touche indirectement et involontairement été inspiré par quelque chose et on a fini maladroitement on a commencé maladroitement une certaine chose squ'on a affiné par la suite nous mêmes par rapport à nous et qui est devenu par la suite mais oui chacun
- Speaker #0
On connaît les influences de Johnny, quelque part entre Elvis Presley et James Dean. On sait moins qu'il fut un grand admirateur, voire un ami, de deux artistes bien de chez nous et pourtant à mille lieux du rock'n'roll. Georges Brassens et Jacques Brel. Anecdote.
- Speaker #1
Oui, oui, j'adorais Brassens. Non, c'était un style, c'était... Je trouvais ce bonhomme avec sa pipe, attachant. Peut-être qu'à une époque, où je me cherchais un père, j'avais pas de père, et que ça aurait peut-être été un père que j'aurais voulu avoir. Rassurant. Très bizarre, parce que quand j'ai commencé, et j'ai chanté un été, je devais avoir, je sais pas combien 15 ans et demi. Je venais de faire mon premier disque. Mon disque à 15 ans et demi, il est sorti à 16 ans. Donc je fais mon premier 15 ans et demi, mais 16 ans avant. Et je chantais aux Vieux Colombier. Et Brassens est passé en vedette aux Vieux Colombiens. Et moi je jouais en première partie. Et j'ai rencontré Brassens en coulisses. Et j'étais tétanisé. Mais c'était un mec extraordinaire, sd'une gentillesse. Bref, c'est une histoire de frangins. On allait aux putes ensemble. Mais on ne touchait jamais. Il était copain avec les putes. Ça a terminé vers 5 heures du matin. Il m'a amené en Normandie. J'étais avec lui dans le hall du Normandie-Houbert, qui était désert à 6h du matin. Tout le monde dormait. Ceux qui étaient se pousser dormaient. Ceux qui devaient se lever n'étaient pas encore levés. J'étais tout seul dans son grand hall. Et on buvait de la bière. Parce qu'il adorait la bière. On buvait de la bière jusqu'à 8h du matin. J'allais me coucher, j'en profitais. Et à 9h30, il me téléphonait en me disant, « Bon, t'es-tu debout ? » J'ai dit, « Attends, je vais me coucher. » Non, non, parce que je vais t'emmener à 200 bornes, il y a un restaurant génial, je t'emmène et je te ramène pour ton spectacle. Et moi, je dormais deux heures par jour. Je n'en pouvais plus. Et lui, c'est un mec qui ne dormait pas. Jacques Brel. C'est un mec formidable. J'ai adoré ce mec. J'ai fait mon premier spectacle, moi, quand j'avais monté mon petit groupe avec Dutronc. On chantait au Bal du Moulin Rouge à Paris. Bal du Moulin Rouge place blanche. On jouait pour faire danser les gens. Et lui est passé en vedette. Et je crois que c'était au tout début, il chantait dans l'équipe Kwa. C'était l'une de ses premières chansons. Et c'est là que j'ai découvert Brel. Alors après, il est sorti de scène et il a fait « Allez les petits, à vous, faites-les danser ! » .. J'avais 15 ans, hein, bon... Un jour, il m'a appelé en me disant « Non, tu plaisantes ? Tu dis que je suis un rockeur, moi ? » Je lui ai dit « Ben oui, j'ai dit que tu avais l'âme d'un rockeur. Tu transpires sur scène et tu donnes autant qu'un rockeur. » Tu est un rockeur méconnu. Il me dit, t'as raison, c'est dans le cœur.
- Speaker #0
À 16 ans, Johnny Hallyday, faux ado américain, mais vrai enfant de la balle, était déjà sinon une idole, du moins une vedette. À une époque où les apprentis stars disparaissaient aussi vite que la fumée du cigare d'un impresario, comment le jeune Jean-Philippe Smet, projeté dans l'arène du showbiz, a-t-il fait pour non seulement subsister, mais de ne pas prendre la grosse tête, c'est-à-dire, plus trivialement, péter les plombs.
- Speaker #1
Si j'avais pété les plombs, je ne serais pas là aujourd'hui. Je crois que ça vient surtout de la façon dont j'ai été éduqué. J'ai été éduqué par des gens du show-business enfin des gens qui étaient des danseurs. Vous savez, les danseurs sont des gens très durs. Ils ne se pardonnent rien à eux. ni la souffrance, ni les ampoules aux pieds, il faut quand même danser, enfin bon, c'est très dur les pas danser. Ce sont des gens qui prennent sur eux le mal. J'ai été élevé là dedans, on n'a pas la grosse tête dans cette famille-là. Je crois qu'elle a grandi avec ces gens-là, a fait, m'a mis les choses au point dans la tête ne jamais prendre ce prendre le petit voilà tout bêtement jamais plus petit que une fois parce que j'ai appris une chose que aujourd'hui c'est formidable demain ça peut être plus rien du tout il jamais rien c'est comme l'amour d'une femme s'est jamais gagné l'amour d'une mais une amitié sans frontières une amitié sans frontières. Les gens, mes amis, qui ont perdu ma confiance, qui ont perdu mon amitié, ce sont des gens qui n'ont pas entretenu ça, qui m'ont baisé un jour ou l'autre, au sentiment ou à l'amitié. Je crois que la vie, quand on sait ça, on ne perd ni ses amis. Je suis assez sain dans ma tête.
- Speaker #0
Être Johnny Hallyday, c'était un sacré boulot, un métier qu'il a pratiqué pendant la bagatelle de 57 ans. Avec des hauts et des bas, des errances et des excès, sans doute l'équivalent de plusieurs vies. Avec, il l'a chanté, l'envie d'avoir envie, mais aussi un solide instinct de survie.
- Speaker #1
Je crois que dans ce métier, je crois que quand on le fait, tous ceux que je connais... On est entier quand on fait quelque chose. Parce que vraiment, on fera notre métier plus simple. Parce que c'est compliqué quand même. Ça nous bouffe quand même pas mal de notre vie privée. Ça nous bouffe quand même pas mal de vie normale, de ce que les gens peuvent avoir envie de vivre. Mais ça rapporte des petites actions. Moi je suis très heureux de faire ce métier. Mais il y a plus simple pour faire les choses. Vous savez, c'est un métier, d'abord on rencontre beaucoup de gens, des gens pas intéressants, et puis beaucoup très intéressants. C'est pas facile d'arriver, mais quand on est arrivé, c'est encore plus difficile de rester. Déjà c'est un stress, continuellement. Et puis les gens, oui, les plusieurs vies, oui, parce qu'on rencontre des gens tellement différents à travers notre vie qu'en vivant avec ces gens, par moment, on vit aussi la vie de l'autre, d'autres talents qu'on rencontre. Et que, c'est vrai qu'on connaît d'autres choses que toujours la routine de les mêmes gens qu'on voit tous les jours, avec un six heures du soir, c'est la petite partie de... de 4 21, et puis l'apéro, puis après on rentre chez Bobonne, on mange sa petite soupe, on regarde la télé, et puis après on va se coucher. Notre vie, c'est pas ça. Je dis pas que c'est pas bien, ça. Mais on a choisi notre vie. En faisant notre vie, il y a des inconvénients, et il y a beaucoup d'avantages. Mais ça va, c'est un choix. C'est pour ça qu'il y a beaucoup d'acteurs, qui trop souvent sombres dans les dépressions, finissent par picoler trop. Voilà, plein de choses. J'ai un sens, une instinct de survie. La destruction s'arrête en général à temps. En me disant, si je continue, c'est que je suis foutu. J'y arriverai plus. J'ai cette chance.
- Speaker #0
On le sait, durant quasiment toute sa carrière et malgré son succès, Johnny a toujours connu des problèmes d'argent. Contrairement à d'autres qui pourraient se glorifier d'être autant artistes que businessmen, le contribuable Hallyday, cible du fisc et des paparazzi, amateur de belles voitures et de motos rutilantes, s'est souvent révélé incapable de mettre un sou de côté. Ce qui l'a contraint parfois à enregistrer des disques uniquement pour régler ses dettes. Après tout, la rock'n'roll attitude n'a rien à voir avec un plan de carrière.
- Speaker #1
Je suis comme un acteur à qui on ne donne pas de texte. On lui explique la situation dans laquelle il doit faire un film. Pas de personnage qu'il a, mais il n'y a pas de texte écrit. Et je fais de l'improvisation. Donc, ma vie, je la fais comme ça. Mais je fais comme ça parce que je n'ai pas de plan. Non, je n'ai pas de plan. Vous savez, quand j'ai commencé ce métier, tout le monde disait ça durera un été, ça durera un an. ça fait quand même 42 ans que je suis là. Mais j'y croyais, moi, quand on disait que je ne dure qu'un an, parce que je ne me voyais pas 10 ans plus tard, ou 20 ans plus tard, et encore moins 40 ans plus tard, être encore là. Quand j'ai commencé, j'ai vraiment fait ça chaque année en me disant « Bon, c'est sans doute la dernière année où je fais ça. » Donc, évidemment, quand on pense comme ça, on n'a pas de plan. On a des envies qu'on fait. Je crois que mon métier, je le fais surtout bien parce que je le fais avec mon envie. Je ne le fais pas en disant ça, ça va me rapporter ça si je fais ça, donc j'aurai un peu plus de gloire là. Non, je le fais parce que ça sert pour le moment et c'est comme ça que je pense. J'adore l'argent, mais je m'en fous royalement. Je ne suis pas le genre à mettre de l'argent de côté en me disant, pour mes vieux jours, je l'aurais déjà fait il y a longtemps. L'argent pour moi, ça sert à être heureux, les gens qui sont autour de vous, à être heureux, penser à des potes ou de la famille, combien tu as besoin. Les seuls ennuis avec l'argent que j'ai, c'est quand j'en dépense trop, après il y a les impôts qui me tombent dessus et je n'ai pas réglé ce que je dois. Donc après, il faut que je rebosse. Repayer ce que je n'ai pas payé parce que je ne m'en plains pas, tout le monde le fait, c'est pareil pour tout le monde. Mais maintenant j'ai trouvé un bon système, c'est-à-dire que d'office, quoi que je gagne, j'avais 50% de côté pour les impôts et le reste c'est mon argent. Le reste j'en fais ce que je veux, donc je m'éclate avec, je fais plaisir à ma femme, je fais plaisir à mes amis, je fais plaisir à ma famille, je fais plaisir à mes enfants. On va en vacances, je vis bien. Et puis les autre0%, quoi qu'il arrive, je n'y touche pas, comme ça au moins je sais que sur un compte différent. Quoi qu'il arrive, les impôts. les touches directement. Moi je dis ça, vous savez pourquoi j'ai fait ça ? C'est parce que j'ai travaillé 25 ans de ma vie pour rembourser des impôts pour des dettes que j'avais dépensées et que j'ai pas faites. Mauvaise gérance, des gens qui s'occupaient de moi, mais enfin c'est de ma faute, je m'en suis pas occupé, et puis ça me m'intéresse pas sans doute. Donc j'ai travaillé 25 ans pour rembourser ça, et moi je veux plus retrouver la chance. Il n'y a pas longtemps que je m'en suis pas occupé. travaillé pour ça, je devais avoir 38-39 ans et je m'en suis sorti qu'à 57 ans. D'ailleurs, j'en suis bien sorti à 20 ans. Tout le reste, entre mes 38 ans et mes 57 ans, tout le reste me l'a dit, j'ai passé à bosser, à bosser pour rembourser ce que je devais aux impôts, ce que je devais à ma maison de disque, j'ai passé ma vie à ça. Vous savez que si ma maison de disque pour mon anniversaire me fait un cadeau, il faut que je déclare ce cadeau. Par exemple, ils ont eu la gentillesse, ma maison de disque, pour mon anniversaire il y a quelques années, quand j'ai acheté ma maison où j'habite, ils m'ont offert ma salle de cinéma. Voilà. Un cadeau inestimable parce que c'est un cadeau qui coûte beaucoup d'argent. C'est vraiment une belle salle de cinéma. Il a fallu que je déclare ce cadeau et là-dessus je paye des impôts. Quand j'avais besoin d'argent pour tout rembourser, c'est vrai que je faisais des fois le disque du trop. On est toujours d'accord là-dessus, même moi. Mais bon voilà, vous savez Robert Mitchum quand il faisait un mauvais film. Je me rappellerai toujours de cette interview. On me dit « Mais pourquoi vous avez fait ce film-là ? Vous valez quand même mieux que ça. » Et puis ils répondaient « Alors j'avais la toiture de ma maison à refaire. » Ben moi c'était un peu la même chose, mais avec le respect. On a tous ça quand on est artiste, on a tous des choses comme ça. On a des obligations et on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Quand on est acteur, on fait un film pas terrible. Pour ça, il faut sortir le disque de trop, on fait des chansons un peu moins bien parce qu'il faut sortir absolument un disque. Voilà.
- Speaker #0
Un peu comme son idole Elvis Presley, Johnny Hallyday a souvent été entouré d'une cour d'amis, d'admirateurs, voire de collaborateurs plus ou moins fidèles et plus ou moins intéressés. Sans doute le revers de la médaille de l'idole, par définition solitaire, même au milieu de la foule.
- Speaker #1
Vous savez, je crois que dans la vie, on a quand même le droit de se tromper. on rencontre des gens qui finalement vous apercevez, donc ça ne vous convient pas. Et puis nous, on ne convient peut-être pas non plus à ces personnes-là. Donc je crois qu'il vaut mieux se quitter que de continuer dans le mauvais choix. J'ai des amis qui m'ont trahi, moi quand on me trahit une fois, on ne me trahit pas deux fois. Je ne suis pas rancunier, mais je n'ai plus confiance. Je ne demande rien, je demande simplement de la franchise. Moi j'accepte beaucoup plus de mes amis qui me disent « Le film que t'as fait, t'as chié » ou « Le spectacle que t'as fait, t'as chié » Ça, j'ai aucun problème. Ce que j'aime pas, c'est les flatteries. Parce que vous savez, je sais quand c'est bien, c'est pas bien. Pas besoin de me dire, c'est bien quand je sais que c'est pas bien. Ça, ça me rend hors de moi. Pour faire un métier où quelque part on est commun, on est très entouré et en même temps on est très solitaire. De toute façon, je considère que l'être humain, en général, est solitaire. Vous savez, quand vous allez mourir, ça va nous arriver à tous. C'est vous qui allez mourir, ce n'est pas moi.
- Speaker #0
Johnny chanteur et Johnny acteur. Après tout, il a tourné plus d'une vingtaine de films, dont certains avec des réalisateurs prestigieux, comme Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Costa Gavras ou Patrice Lecomte. D'où la question... certes bateau mais inévitable, comment s'arrange-t-on entre ces deux activités et comment peuvent-elles être complémentaires ?
- Speaker #1
Mais très bizarrement quand même, parce que depuis le temps, j'ai remarqué une chose, c'est qu'en Angleterre, en Amérique, on n'a jamais autant parlé de moi dans les journaux que depuis que je fais du cinéma et que les films traversent par rapport à moi plus facilement nos frontières, en tant qu'acteur, en tant que chanteur. Alors que je pense que très honnêtement, je suis meilleur chanteur qu'acteur. Vous savez, le cinéma, ça va avec la chanson, dans ma carrière en tout cas. C'est vrai que je chantais des fois des choses un petit peu faciles peut-être. C'était l'époque aussi. Mais au point de vue cinéma, c'était un peu la même chose aussi. C'est vrai qu'aujourd'hui, je rigolerais au nez d'un producteur si on me proposait un scénario qu'on m'a proposé il y a 15 ans. Non, c'est ma façon au moins de m'exprimer par rapport au métier que je fais. Je crois que la comédie, même en tant que chanteur, m'a amélioré, m'a appris beaucoup de choses. Comment partager, comment envoyer des sentiments, comment faire passer des sentiments à des gens qui vous écoutent, que ce soit en musique ou pas. Je crois que le métier d'acteur, on apprend beaucoup, et soi-même, et comment faire des choses.
- Speaker #0
Un monument français. C'est sans doute le qualificatif qui est revenu le plus souvent dans les médias lors de sa disparition en décembre 2017. Rares sont en effet les artistes qui ont bercé plusieurs générations. et provoquer une telle ferveur auprès des fans. Un véritable culte que Johnny, à défaut de le nier, a toujours modestement tenté de nuancer.
- Speaker #1
Non, vous savez, moi je ne fais pas un métier... Je pense à ça, je fais un métier momentané, sur le moment. Je ne suis pas un médecin réputé, je n'ai pas sauvé de vie, je suis que chanteur et acteur de temps en temps. Oui, ce sont des gens touchants, c'est vrai, j'en vois souvent. J'ai du mal à m'adapter à ça parce que moi je ne vois pas les choses de cette façon-là, mais je comprends qu'on soit comme ça. Moi j'ai du mal à aller me demander un autographe à quelqu'un. Je parle de moi quand j'étais petit, j'étais beau, mais je veux dire quand j'étais... avant d'être chanteur. J'ai pas la même conception des choses. J'ai admiré énormément James Dean ou Presley. Moi j'ai toujours dit que le physique de James Dean avec la voix de Presley ça aurait fait un chanteur de rock génial. D'abord ça fait très longtemps que je suis là, parce que je suis quand même là. Bon je vais avoir 60 ans. Je suis là depuis 15 ans et demi, 16 ans. Disons 16 ans. Je suis rentré un petit peu dans la famille, moi, des français. Ils m'ont vu à la télé, ils m'ont vu dans les spectacles, ils m'ont vu dans les films, ils m'ont vu faire des conneries pas possibles, ils m'ont vu... Ils ont vu toutes les facettes de Johnny Hallyday, c'est-à-dire que c'est comme leur fils qui ferait ou des choses bien et de temps en temps des choses moins bien. Et puis voilà, c'est comme ça. C'est une question de... de longévité et de tout ça, je crois. Moi, je dis toujours, parce que moi, j'aime pas prendre les choses au sérieux, alors je dis toujours que je les ai eu à l'usure.
- Speaker #0
Il l'a frôlé plusieurs fois, elle a fini par l'emporter. Celle que Brassens surnommait la Camarde ne faisait pourtant nullement peur à Johnny. Plutôt la crainte de faire de la peine à ceux qui restent. Un sentiment qui, évidemment, peut prendre un curieux sens aujourd'hui. Mais comme chacun sait, les grands artistes, les vrais, ne meurent jamais.
- Speaker #1
Je n'ai peur de la mort. Demain, on me dit, ne fais pas une courbe de voiture parce que tu peux te faire tomber. Ça ne me fait pas peur du coup. Je n'ai rien à faire. Si je crève, je ne vais pas me faire tomber. Mais ce qui me fait peur, c'est l'inévitable du temps. Un jour, il va falloir que ça arrête. Je peux très bien mourir demain. Un bagnole, un moto. Ce qui me fait peur, c'est l'inévitable. Il y a un jour, c'est écrit, il y a un jour, ou parce que t'es vieux ou parce que t'as cru, genre tu vas y passer. C'est ça, c'est ce qui est là qui me fait peur. C'est ce genre de choses qu'on fait, par respect pour la personne qu'on a aimée, que ce soit un ami, que ce soit quelqu'un, bon, on a respecté, mais c'est aussi, on fait toujours plaisir aussi aux gens qui restent, c'est vrai que leur famille. Parce qu'une fois qu'on est dans le trou, nous, on s'en fout. Je crois que quand on y passe, ça fait de la peine aux gens autour de vous. Nous, on n'a plus de soucis.
- Speaker #0
Merci d'avoir écouté ce podcast consacré à Johnny Hallyday. Au revoir et à la prochaine fois.