- Speaker #0
Je travaillais dans un magasin de sax, 71 Boulevard Beaumarchais, qui s'appelait Quintet Musique. Un jour, il y a Patrick Chesnay, l'acteur, qui rentre et qui dit, voilà, je dois jouer le rôle d'un saxophoniste pour un film. J'avais 19 ans. Et je cherche un prof pendant six mois. Je lui dis, moi, je vais donner des cours, etc. Et en fait, c'est devenu... C'était un peu, alors je vais dire des choses que je n'ai jamais dites, mais en fait, c'était une période où je traînais beaucoup avec des gitans, avec les Siciliens, où on magouillait des trucs, etc. Et en fait, pour moi, c'était, Patrick Chesnay, c'était genre la porte pour rentrer dans le cinéma. En fait, je lui donnais des cours et à chaque fois que je le voyais, je lui disais, mais tu sais, c'est moi qui vais faire ta musique de film. Et il se marrait, il se marrait, mais j'ai fini par faire sa musique de film, en fait.
- Speaker #1
Je suis Julien Bordier et je suis ravi de vous retrouver pour cette nouvelle saison de Dans le Décor avec la Sacem. Dans chaque épisode, je vous emmène dans le lieu de création d'un artiste pour une visite dans sa compagnie. Dans le Décor, c'est une rencontre en forme d'exploration sonore pour redécouvrir le parcours d'une personnalité, sonder ses inspirations et faire l'état des lieux de ses projets. Les murs avaient des oreilles, maintenant, ils ont une voix. La musique accompagne nos vies. Et, depuis 170 ans, la SACEM accompagne celles et ceux qui la créent. 182 520 auteurs, compositeurs et éditeurs de musique l'ont choisi pour gérer leurs droits d'auteur et représenter leurs œuvres. La SACEM contribue à la vitalité et au rayonnement de la création sur tous les territoires. via un soutien à des projets culturels et artistiques. Société engagée, elle offre des dispositifs d'entraide et de solidarité à ses membres.
- Speaker #2
Utilisez les deux voies de droite pour rester à droite vers A12 en direction de Dreux.
- Speaker #1
Aujourd'hui, j'ai rendez-vous dans le studio de Dan Levy. Je quitte Paris et roule en direction de la Normandie, où le musicien a posé ses valises en 2012. Dan Levy a connu le succès avec le groupe The Do qu'il a fondé avec Olivia Merilati. Ensemble, ils ont sorti trois albums et jouent dans le monde entier avant d'appuyer sur le bouton pause en 2015. Dan Levy a produit des titres pour Jeanne Added, La Savesse, Lou Doillon, Laura Cahen, Thomas Astier. Il a aussi composé la musique du film J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, pour lequel il a reçu un César. Enfin, le multi-instrumentiste est aux manettes de Scar, un projet électropop où il laisse la vedette à un double virtuel. Pendant mon trajet, vers une destination que je ne dévoilerai pas, C'est Scar qui me sert de bandeson.
Oui, bonjour Dan, c'est Julien. Je suis arrivé. Alors, je suis devant le numéro 1, mais je ne sais pas par où rentrer. Ok, merci.
- Speaker #0
C'est la maison et la chambre.
- Speaker #1
D'accord. Ah, je pensais que c'était l'inverse.
- Speaker #0
Ah non, non.
- Speaker #1
Tu vas me raconter.
- Speaker #0
Je suis venu en Normandie en 2012, donc il y a 10 ans. Et c'était un besoin urgent de partir de la région parisienne. J'ai vécu en banlieue toute ma vie. Et ça a été un... Je pense que 2012, c'était une année très compliquée pour moi, personnellement. J'avais besoin de m'isoler. Et j'ai trouvé... Ce n'est pas par hasard, mais c'est des accidents de la vie qui font que... J'avais un ami qui vendait cette maison le jour où j'en cherchais une. Et comme c'est une maison assez étrange aussi, parce que c'est un château d'eau, voilà, je sais pas, j'ai craqué et je me suis installé là. J'ai commencé à faire des travaux et j'ai commencé à vivre une autre vie complète. Tant qu'on ne vit pas à la campagne, on ne sait pas ce que c'est que la campagne. Et on a toujours des idées qu'on se fait en deux jours de week-end ou des choses comme ça. Mais je pense que j'avais besoin de... En plus, j'étais beaucoup en tournée avec The Doe aussi. C'est-à-dire que quand vous êtes tout le temps dans un tourbus, dans un aéroport, dans une gare, en train de courir à droite et à gauche, j'en pouvais plus en fait. J'avais envie de m'isoler, de me concentrer surtout sur la musique. Après, c'était un risque parce que... Il y avait plein de gens qui me disaient « Mais tu vas t'enterrer là-bas, tu ne feras plus rien. » Il y a toujours des gens pour vous pourrir un petit peu vos idées de changement. C'est dingue, ça. Et en fait, ça a été tout le contraire.
- Speaker #1
Finalement, tu étais en avance par rapport à beaucoup de gens qui, avec ce qui s'est passé, le confinement, ont choisi aussi de vivre à la campagne, de retourner un petit peu, de prendre du temps, de prendre de la distance aussi par rapport à la ville. Finalement, on peut continuer à travailler, à collaborer avec des artistes tout en étant en Normandie.
- Speaker #0
Là, aujourd'hui, je travaille avec le monde entier, donc je n'ai pas de barrière en tout cas par rapport à ça. Et c'est surtout que j'ai l'impression que le temps qu'on passe est... un temps qui est beaucoup plus concentré sur ce qu'on veut faire en fait c'est juste que je me suis reconcentré sur ma composition sur les bases de la vie en fait c'est con mais de même jardiner ou bricoler faire du sport tous les jours ces choses qu'on fait pas à paris à paris on est on est inspiré par par un mouvement qui fait qu'on passe plus de temps à essayer d'oublier la vie qu'on mène en étant tous dans le même cadre. J'avais l'impression qu'on était tous des dépressifs et qu'on se retrouvait à faire des fêtes, à boire des coups parce qu'on ne voulait pas voir la réalité en face.
- Speaker #1
Une journée un peu normale, on va dire, ça consiste en quoi ?
- Speaker #0
C'est vrai que j'ai une routine de travail qui est un peu... Alors, ce n'est pas militaire, mais je me lève tôt et je vais faire du sport. C'est la première chose que je fais. Et après, je travaille. Jusqu'à... Je refais du sport en général en fin d'après-midi où je vais partir courir. Mais sinon, c'est ici qu'à 22h30, 23h. Donc c'est des horaires aussi de... Presque de poule pour un artiste, mais je commence très tôt aussi.
- Speaker #1
Comment arriver à concilier les deux, le travail, la vie personnelle, la vie professionnelle ?
- Speaker #0
J'ai jamais eu l'impression de travailler là où j'habite, puisque je n'habite pas là où je travaille. C'est-à-dire que j'ai plusieurs bâtiments sur mon terrain qui fait un hectare. Donc j'ai quand même cette impression d'aller au travail. C'est bizarre, mais j'ouvre le studio et je le ferme le soir. Donc il y a quelque chose d'assez symbolique qui fait que quand je suis chez moi, c'est autre chose.
- Speaker #1
Ici, c'est ce studio, donc on est dedans. Est-ce que tu peux me décrire cette pièce et ce bâtiment ?
- Speaker #0
c'est très immense, je comprends bien donc j'ai mon château d'eau et j'avais cherché un endroit château d'eau,
- Speaker #1
je pense que on a en tête les châteaux d'eau qu'on voit au bord des routes c'est un château d'eau du
- Speaker #0
XVIIIème c'est un château d'eau qui était le château d'eau du château en face c'est une tour mais une tour comme ... Je ne sais pas comment en décrire.
- Speaker #1
Un pigeonnier un peu.
- Speaker #0
Oui, c'est comme un pigeonnier, exactement. Et en fait, ici, c'est un autre bâtiment qui n'est pas très vieux, qui était un garage. On a commencé à faire des travaux avec mon assistant à l'époque, qui s'appelle Warren Donguet, qui travaille toujours avec moi. Et on s'est un peu dépêchés. C'était entre septembre et décembre. pour pouvoir enregistrer le troisième album de Zodo. Donc le troisième album de Zodo, c'est le premier projet que j'ai fait ici. Ça a bien lancé le lieu en fait. Juste après, j'ai enchaîné avec Jeanna Dead. Et je pense qu'il y a des projets comme ça qui font que le studio a une âme. Moi, j'adore ce lieu. C'est à échelle humaine. Je n'ai pas besoin d'un truc immense. Et à côté, il y a... La salle de prise de son. Et j'ai un autre studio que j'avais conçu pour les artistes, quand ils viennent ici, qu'ils puissent avoir leur lieu pour travailler.
- Speaker #1
Le studio, il a un nom ici ?
- Speaker #0
Oui, il a toujours été appelé The Watchtower Studio. Et c'est Olivia qui avait sorti une phrase dans une des chansons, je ne sais plus laquelle. « From the Watchtower we can see forever » . The Watchtower, c'est la tour de...
- Speaker #1
La tour de gay ?
- Speaker #0
Oui, on peut voir à l'infini, pour toujours. J'adorais cette phrase et c'est vrai que moi je dors tout là-haut et la première chose que je fais le matin c'est d'ouvrir ma fenêtre et puis de voir très très loin, on voit très très loin.
- Speaker #1
Tu vois quoi depuis la fenêtre là-haut ?
- Speaker #0
Tu vois une étendue de la plaine et c'est beau parce que je vois le ciel et parce que le soir on voit les étoiles, on voit des choses qu'on ne voit plus, qu'on ne regarde plus. Si j'ai besoin de... juste de respirer ou je suis pas content de moi, je vais dans le jardin, je travaille dans mon jardin, je bricole, ça peut durer une demi-heure, une heure, et je reviens. Et en fait, j'ai résolu mes problèmes.
- Speaker #1
Et j'ai vu passer un chien aussi.
- Speaker #0
Oui, j'ai mon chien. Très important, mon chien. Molly.
- Speaker #1
Molly ? Oui. Alors lui, il a le droit de rentrer dans le studio ou pas ?
- Speaker #0
Oui, il vient, mais il est très... Il a 16 heures, sinon il me dérange. J'ai besoin d'être concentré. Donc je préfère le laisser pour l'instant à l'extérieur. Mais il rentre, bien sûr. Le soir, il vient. Il est avec moi, etc.
- Speaker #1
Je l'époule aussi. Il y a des poules, ah oui, donc ça c'est bien, donc tu as des œufs frais le matin.
- Speaker #0
Oui, des balades.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut aller voir la pièce à côté avec les instruments ?
- Speaker #0
Tout n'est pas là, parce que je ne peux pas, c'est une petite pièce. Là, c'est là où j'enregistre les voix, donc c'est plus mat.
- Speaker #1
Derrière toi, c'est un petit...
- Speaker #0
C'est un clavecin avec une épinette sur lequel on a... On avait enregistré un morceau de The Do et j'adore cette épinette. J'ai plein d'instruments comme ça, comme le Rhodes, des Moog, des batteries.
- Speaker #1
C'est l'instrument parfois qui peut déclencher l'inspiration, déclencher un morceau, être à la base d'un morceau, juste pour le plaisir de jouer le morceau.
- Speaker #0
Moi, j'étais beaucoup à la recherche de claviers comme ça, parce que dès qu'on le recevait, c'était un moment... Alors, déjà... on vivait ensemble avec Olivia, donc on passait beaucoup de temps et quand on ramenait un instrument c'était la fête un peu, donc Olivia je me souviens c'est elle qui était allée faire ce morceau de Kalendar et elle avait fait ça donc et née la chanson quoi, alors hop je mets des micros, on commence à enregistrer des trucs Un instrument vous donne des idées, vous donne le ton du morceau, le ton aussi. Il y avait un truc très ludique aussi. dans la manière de travailler de Zodo, surtout sur le premier album et le deuxième, où c'était vraiment, on passait beaucoup de temps à s'amuser, à enregistrer des choses, n'importe quoi. Alors, on faisait que ça, on faisait que enregistrer, enregistrer, enregistrer, et après on triait, etc. Donc, qui donnait quelque chose de très riche, des fois un petit peu trop boulimique, presque, dans la manière de travailler, et peut-être... trop de choses peut-être. Après, le troisième album, c'était un album de rupture aussi. On n'était plus ensemble. On travaillait de manière très froide. Même si on s'est amusé quand même, j'ai retrouvé plein de vidéos. On travaillait dans cette pièce au début. Cette petite pièce,
- Speaker #1
plus petite. Là,
- Speaker #0
cette toute petite pièce, j'avais mon bureau. Et c'est à côté, on avait mis tous les instruments. Vous avez inversé les choses. On avait inversé. C'est là où j'avais commencé. Même Jeanne Adède, c'était fait ici.
- Speaker #1
Au-dessus du clavecin, il y a des photos de sculptures. De Vierge Marie, de Vierge à l'enfant. Tu as une passion pour la sculpture ?
- Speaker #0
J'aime l'art religieux. J'ai toujours aimé l'art religieux. Après, je ne suis pas religieux. C'est vrai que j'ai pas mal. J'ai une vierge là, c'est vrai. Chez moi aussi, j'ai pas mal de trucs. Là,
- Speaker #1
j'ai une autre.
- Speaker #0
Il y en a pas mal. Merde. Qu'est-ce que je deviens ? Je pense que c'est mon côté, c'est ce que j'ai gardé de mon côté peut-être sicilien, maltais. C'est ces vierges qui sont partout et qui vous entourent. Mais c'est pas... Alors, ça peut... C'est peut-être... Peut-être, on n'est pas très habitué ici en France de voir ça. Quand vous allez à Malte, mes grands-parents étaient à Malte, mes grands-parents anglais, ils sont morts à Malte. Donc j'allais tout le temps et j'y étais encore il y a trois semaines. Et il y a en fait des vierges maries partout. En Sicile, c'est pareil, il y en a partout. Je ne sais pas, j'ai besoin de... J'aime ça, j'aime ce rapport avec l'icône.
- Speaker #1
Elle veille sur ce studio peut-être.
- Speaker #0
Ouais, peut-être. Ou pas, je sais pas. En tout cas, oui, après, il y a des trucs artistiques comme ça. Mais c'est vrai.
- Speaker #1
Il y a un tableau, c'est toi ?
- Speaker #0
Non, c'est un tableau que j'ai acheté à une peintre qui était... D'ailleurs, elle montre vraiment... C'est une peintre que j'adore, qui s'appelle Mireille Blanc. J'ai acheté ce tableau en 2012. C'était une amie qui venait souvent ici et que j'aime beaucoup. J'adore sa peinture et je crois qu'elle me l'a vendue à tellement bas prix qu'elle doit regretter parce que sa cote est assez élevée maintenant. Et j'adore cette fille.
- Speaker #1
Et enfin, au-dessus, il y a une carte d'une île.
- Speaker #0
C'est Gozo à Malte.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Voilà. Et juste à côté, il y a une photo de Proust.
- Speaker #1
C'est le Proust.
- Speaker #0
Parce que ma femme est archi fan.
- Speaker #1
D'accord. Donc Proust aussi veille sur ce studio.
- Speaker #0
Ouais, c'est marrant. C'est son truc. Et Gozo, c'est l'île où j'allais, où je vais toujours, puisque j'y étais encore il y a trois semaines, où je vais régulièrement me ressourcer aussi, où c'est une île très sauvage et une ville de paysans. Et j'ai mes grands-parents qui sont enterrés là-bas.
- Speaker #1
Ce podcast s'appelle Dans le Décor. Et l'idée, c'est de voir aussi ce qu'il y a sur les murs. Alors là, sur les murs, il y a pas mal de choses. Là, il y a une sorte de... C'est quoi ? C'est une sorte de petit musée personnel ?
- Speaker #0
Comment on pourrait appeler ça ? Non, c'est pas un musée. Je pense que c'est vrai qu'il y a le parcours, on va dire. Il y a les disques d'or. Il y a des choses qui sont importantes pour moi. Les Oscars de 2020. Les Césars. Mes passes de Zodo. Il y a une photo de mon frère, il y a une photo de Jérémy Clapin, qui est mon ami très cher. Je n'ai pas beaucoup de photos. Qui a réalisé le film « J'ai perdu mon corps » . Oui, mais c'est quelqu'un que j'aime beaucoup. J'ai une photo de lui, c'est vrai. Il ne sait même pas, je crois.
- Speaker #1
Il le saura, moi.
- Speaker #0
Il saura peut-être. Il y a vraiment quelque chose dans ce métier qui est assez dur à gérer, c'est cet équilibre entre l'infini et le chaos, en fait. C'est-à-dire que... C'est jamais constant, c'est jamais ficelé d'avance. Vous pouvez vivre des années incroyables où tout se passe à merveille, des années très creuses, mais finalement ce sont des années où on se ressource et on travaille sur des projets. Par moments, on a envie de se dire que ces années existent et qu'elles vous tiennent aussi. Cet équilibre-là, je pense que c'est important. Donc les souvenirs, entre guillemets. les accroches de moments comme ça, comme des photos de famille ou des photos de moments qui sont importants. Mais surtout quand vous avez une carrière avec un groupe qui, pendant dix ans, ne s'est pas arrêtée, vous jouez dans les plus gros festivals, et après, il y a une autre vie qui est ma vie de compositeur de musique de film et ce que j'étais avant The Do en fait. Donc j'ai fait une pause de dix ans, douze ans, que je reprends. Je ne sais pas, c'est deux rythmes différents, c'est deux façons de... de penser la vie. Je ne suis pas nostalgique par rapport à ça, mais je suis tournée vers une énergie où j'ai besoin par moments d'avoir confiance en moi et de me dire que ce n'est pas fini, dans le sens où les choses avancent. Ça fait deux ans que je travaille sur cinq films. J'ai hâte qu'ils sortent, j'ai hâte qu'ils repassent des choses. Mais c'est des moments de concentration, des moments de doute parfois.
- Speaker #1
Cette musique, c'est celle écrite par Dan Levy pour le film « J'ai perdu mon corps » de Jérémy Clapin et pour laquelle il a été récompensé d'un César en 2020. Après la fin de « The Do » , Dan Levy s'est consacré à la production d'albums et à la musique pour l'image. Mais l'envie de relancer un projet électropop est irrésistiblement remontée à la surface. C'est la raison pour laquelle il a créé SCAR, un nouveau partenaire de jeu pour revenir s'amuser sur le dancefloor. Car comme le chant SCAR, Dan Levy n'abandonne jamais.
- Speaker #0
C'était un désir de ne pas abandonner la pop complètement. C'était un désir aussi de dire, j'en ai marre de produire pour les autres, j'ai envie de produire pour moi. Je me dis, mais pourquoi ce temps, je le passe pour les autres ? Alors, c'est cool. Moi, j'adore ça. Mais encore une fois, j'avais l'impression que je me perdais. Ce n'est pas que je perdais du temps, c'est que je reste quand même compositeur et je ne comprenais pas pourquoi moi, je... Je ne prenais pas ce temps comme je le faisais avec The Do en fait. Et donc j'ai eu ce désir de monter un groupe en fait, et un nouveau groupe qui s'appelle Scar, et de remonter sur scène et de refaire des choses. Alors bien sûr, tout arrive quand il y a une pandémie mondiale, et donc ça a vachement retardé ce truc. Mais ce qui m'a permis de faire plus de musique de film, bizarrement pendant cette pandémie.
- Speaker #1
La direction, le... L'esthétique, le son même aussi de ce quart, ce côté très électro, très dense, ça vient d'où ?
- Speaker #0
Je pense que j'ai toujours aimé ça, j'aime énormément la musique électronique, j'adore danser, j'adore la house de Chicago des années 90. J'aime vraiment des... c'est autre chose, c'est-à-dire que je peux écouter de la musique contemporaine ou je peux aller... J'étais un grand fan, je suivais Pierre Boulez quand j'avais 15 ans jusqu'à mes 17-18 ans. J'allais voir Xenakis, j'allais à l'IRCAM régulièrement, etc. J'étais aussi en recherche de quelque chose de plus tribal en fait. Et je le retrouve dans la musique qui fait danser, mais même jusqu'à... Ça peut être Chicago des années 90, en passant par Boys Noise, en passant même par David Guetta. C'est-à-dire que c'est des gens qui m'ont toujours, et j'en parle souvent aussi, pas parce que je veux mettre en avant David Guetta, c'est juste que je suis fasciné par ces gens-là, ou Diplo, ou Dylan Francis. C'est des gens qui arrivent sans rien. tenir comme instrument, à tenir une foule gigantesque. Et ça, pour moi, c'est magique. Ça tient à quoi ? Je pense que j'ai toujours aimé la danse. On a toujours voulu, sur le troisième album de Zodo, faire danser les gens. Je pense que ça, c'est aussi l'expérience des festivals, de voir des gens bouger. Il n'y a rien de plus beau que de voir des gens bouger en même temps. C'est une force. C'est magique.
- Speaker #1
Je me demandais dans quel décor musical, on va dire, tu as grandi, toi.
- Speaker #0
Mon décor musical, c'est un restaurant. Mes parents, ils avaient un restaurant toute ma vie. Donc, il y avait ce rapport au public. C'est ça qui est drôle, c'est qu'il y avait quand même quelque chose. J'ai été élevé par la bouffe, la bonne bouffe, simple. Mes parents faisaient leurs propres pâtes, leurs propres pains, leurs propres pizzas. En fait, mon père est un amoureux de jazz et le week-end, il faisait venir des trios de jazz, des quartettes de jazz. Et ça, c'est mes premiers souvenirs musicaux. Je devais avoir 7 ans. Et ce que je trouve incroyable, c'est qu'il y avait un monde fou, c'était le samedi soir. J'avais 6 ans, 7 ans, mes parents me laissaient à côté de la batterie, ça fumait à l'époque. Moi j'étais à grande asthmatique, ça buvait, ça mangeait, puis il y avait des grandes tablées, puis tout le monde venait, mes amis petit à petit venaient. Donc petit à petit, moi j'ai travaillé au restaurant très longtemps aussi, tous les week-ends. Après, j'ai commencé à jouer là-bas. J'étais saxophoniste, donc je montais des groupes. Je ne sais pas, il y avait ce truc de fête qui commençait à 7h du soir et qui finissait à 2h du matin. On habitait en banlieue et mon père avait un berlingo. Il n'y avait pas de siège, donc on était dans le coffre derrière. Mon père écoutait tout le temps du jazz et on se faisait la critique du jazz. de la soirée musicale où on critiquait les clients, où on disait à lui, je l'aime bien, etc. Il y avait un truc... Mon environnement où j'ai grandi, c'est ça, c'est la bouffe, c'est le monde, et c'est le bordel, quoi. Un truc joyeux, un joyeux bordel. Mes parents préparaient le service du soir et le service du midi. C'est très compliqué de préparer un service, il faut tout préparer, il faut faire les pattes, il faut descendre. aller chercher les bouteilles à la cave, etc. Il y a tout un truc très fatigant. Après, c'est fatigant aussi parce qu'il faut tout ranger, etc. Nous, c'est pareil, on fait des concerts. Et après, il y a toute l'équipe. On est tous à donner, à plier les mâles et partir ailleurs. Je ne sais pas, il y a un truc, j'ai toujours fait ce parallèle-là. Et ça me plaît bien, ce truc. Donc, pour revenir à ce quart aussi, ça, ça me manque en fait. Ça, ça me manquait, ce truc d'équipe. On est 10, 15, on rigole beaucoup. Chacun a son rôle très important donc chacun a besoin d'être très solide et ça c'est quelque chose que j'aime en fait, j'adore ça.
- Speaker #1
Dans chaque épisode je propose à mon hôte d'aller voir un peu dans les archives de la SACEM, parce que la SACEM a beaucoup d'archives qui sont notamment en ligne. Alors j'ai cherché des choses en rapport avec ce que tu avais pu faire et puis surtout j'ai demandé à la SACEM d'ouvrir ta pochette. Parce que pour chaque sociétaire de la SACEM, il y a une pochette qui contient différents documents. Il y a la photo d'identité que tu as présentée en 1996, quand tu as fait ta demande d'admission. Est-ce que tu te reconnais sur cette photo ?
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
Tu as quel âge en 1996 ?
- Speaker #0
J'avais 20 ans.
- Speaker #1
Tu fais quoi à l'époque ?
- Speaker #0
En fait, on était très actifs en... Il y a des gens qui sont hyper importants dans ma vie, qui sont toujours mes amis. Je pense que c'est mes deux seuls amis en vrai. C'est la famille Alagna, c'est une famille sicilienne, les frères de Roberto Alagna. On a été à l'école ensemble, ils habitaient Clichy-sous-Bois. On a traîné à Clichy-sous-Bois, Montfermeil. J'étais à l'école avec eux au Rinci parce que c'était une école où il y avait une section artistique. Moi j'habitais à Neuilly-sur-Marne, donc juste à côté. Et on faisait de la musique ensemble et c'était des gens qui m'ont amené dans le monde de l'opéra, qui m'ont amené dans le monde de jazz manouche. On a traîné beaucoup avec des gitans. Et c'est une période de ma vie où on n'allait pas à l'école, on se retrouvait pour faire de la musique. Je pense que là, la photo, elle est trois ans en arrière, parce que moi, j'ai arrêté l'école en... Je devais... Je ne sais pas à quel âge. Nous, on était en seconde, première ensemble. Il y avait tout un truc. On était allés s'inscrire ensemble. C'était pour nous d'aller de notre banlieue à l'Assasem. C'était toute une tannée de voitures. Il fallait payer l'essence. Il fallait prendre la voiture des parents de David et Fredo. Il y avait un truc. Ça nous prenait la journée de partir de Clichy, sous bois. On allait là-bas, on mettait une heure et demie, des fois deux heures. On revenait, on s'arrêtait, on allait manger un grec quelque part. Et on déposait des musiques qu'on composait ensemble.
- Speaker #1
Justement, j'ai le dossier de ta demande d'admission en tant que compositeur. Elle date du 2 mai 1996. Il y a marqué ici... exerce la profession de professeur de musique. Oui. Voilà, donc en 96, tu étais professeur de musique.
- Speaker #0
Professeur, je donnais des cours. En fait, je travaillais dans un magasin de sax. boulevard Beaumarchais, 71 boulevard Beaumarchais qui s'appelait quintet musique et en fait je vendais des saxes la journée et puis le soir je donnais des cours en fait c'est comme ça, de saxo et un jour il y a Patrick Chenet l'acteur qui rentre et qui dit voilà je dois jouer le rôle d'un saxophoniste pour un pour un film, j'avais 19 ans et je cherche un prof pendant six mois j'ai dit moi je vais donner des cours etc et en fait C'était un peu... Je vais dire des choses que je n'ai jamais dites, mais en fait, c'était une période où je traînais beaucoup avec des gitans, avec les Siciliens, où on magouillait des trucs, etc. Et en fait, pour moi, Patrick Chesnay, c'était genre la porte pour rentrer dans le cinéma. En fait, je lui donnais des cours et à chaque fois que je le voyais, je lui disais, mais tu sais, c'est moi qui vais faire ta musique de film. Et il se marrait, il se marrait, mais j'ai fini par faire sa musique de film, en fait. Je lui ai tellement bourré le crâne avec ça que j'ai fini par faire ma première musique de film. Et j'avais 19 ans, ou 20 ans, je ne sais plus, 19 ans, je crois. Et je ne sais pas, il y avait ce truc, c'était une énergie à cette époque où il fallait toujours qu'on se démerde et on n'avait rien à perdre, en fait. Donc oui, j'étais professeur de musique, mais professeur de sax, quoi, et de piano. J'avais des cours de piano, alors je ne jouais pas vraiment de piano. Par contre, j'apprenais l'harmonie.
- Speaker #1
Dans ce dossier, il y avait aussi les œuvres pour lesquelles tu présentais. Donc là, je te laisse regarder. C'est des pièces pour vent.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
des pièces pour vent. Et on voit effectivement que tu signes les œuvres avec Alania,
- Speaker #0
David et Frédérico.
- Speaker #1
Ça représentait quoi pour toi de t'inscrire à la SACEM ?
- Speaker #0
La SACEM, ça me permettait d'appuyer sur un bouton start. J'avais l'impression qu'il n'y avait rien de plus… plus agréable que de déposer des œuvres. En fait, on savait qu'on n'allait pas gagner de l'argent. C'était juste d'être dans un truc de « Ok, j'ai composé, voilà, un quatuor à cordes, un quintet de sax, c'est ce que je vois. » À l'époque, j'étais vraiment plus dans la musique instrumentale, écrite, contemporaine, que dans la pop, etc. Et en fait, c'était un truc, toutes les deux semaines, il fallait qu'on aille déposer des choses. Et ça, c'était un moteur pour moi. C'était genre, j'avais envie d'avoir des œuvres à la SACEM. Mais c'était juste une façon de trouver l'énergie, de continuer à composer. Et c'était hyper important. Et je me souviens, malheureusement, on perd une fois qu'on fait un contrat avec un éditeur, mais on ne va plus à la SACEM. Donc, à l'époque, même depuis Internet, je pense que les gens, nous, on faisait la queue, on allait, on attendait. On nous appelait à un bureau, on proposait l'œuvre, etc. C'était tout un truc. Quand j'étais allé avec David et Fredo s'inscrire, ils nous disaient « Mais là, monsieur, il manque des textes. » Parce que je ne faisais que de la musique instrumentale. « Il vous manque des textes. » J'aurais dit « Donnez-moi une feuille blanche et un stylo et j'écris des textes. » Il doit y avoir ses textes. Et ça, c'était une belle arnaque aussi. Les imposteurs.
- Speaker #2
Merci.