Speaker #0Bonjour ou bonsoir à tous et à toutes et bienvenue sur environ le podcast sur l'histoire de l'environnement aujourd'hui je vous propose de voyager un peu dans le temps pour comprendre comment s'est créée l'histoire de l'environnement quelle a été sa genèse et comment différents personnages tout au long de l'histoire ont fait théoriser et construit l'histoire de l'environnement mais sans forcément le savoir à leur époque en effet parler d'histoire de l'environnement ou même d'histoire environnementale avant les années 60 et 70 serait un peu un anachronisme. C'est une histoire qui est toute récente, mais on va voir que ses racines sont bien profondes. Je terminerai avec les richesses, mais aussi les limites et critiques que l'on peut attribuer à cette nouvelle histoire. Sur ce, je ne vous en dis pas plus et allons ensemble découvrir ce nouvel environnement. Avant de rentrer dans le vif du sujet, je pense qu'il est important de déjà vous expliquer ce que c'est l'histoire de l'environnement. Je vais vous proposer une définition qui reprend les grandes lignes de celles proposées par différents historiens et historiennes de l'environnement, ainsi que par le RUSH, qui est le Réseau Universitaire des Chercheurs et Chercheuses en Histoire Environnementale. L'histoire de l'environnement, c'est l'étude de la manière dont les humains et la nature ont interagi au fil du temps. Elle s'intéresse à la façon dont les gens ont vécu, travaillé et modifié leur environnement, ainsi qu'à la manière dont les plantes, les animaux et les paysages ont évolué à cause de ces interactions. C'est une discipline qui ne voit pas la nature comme un simple décor, mais comme un acteur qui a influencé l'histoire humaine, tout comme les humains ont influencé la nature. Elle permet de mieux comprendre comment notre monde s'est transformé, et de voir l'histoire à travers les changements de notre environnement. Les premières traces d'une conscience environnementale se trouvent chez des historiens grecs comme Hérodote et Thucydide. Hérodote observe les grands travaux humains, donc les ponts, les canaux, qu'il perçoit comme des démonstrations de l'hubris, qui est l'orgueil démesuré, condamnable car contraire à l'équilibre naturel pouvant provoquer la colère des dieux. Je vais t'expliquer un truc, moi je suis un nerveux, donc là à tout moment ça part en fait. Sa vision est marquée par une mise en garde contre l'excès humain face à la nature. De son côté, Thucydide développe une théorie qui est plus pragmatique. Dans son oeuvre La guerre du Péloponnèse, il explique comment l'environnement géographique a influencé l'histoire d'Athènes affirmant que le sol aride de l'Athique la rendait moins attractive pour les envahisseurs, préservant ainsi sa stabilité. C'est du génie ! Pour lui, la géographie joue un rôle fondamental dans la dynamique historique. Durant le Moyen Âge, sous l'influence du christianisme, la perception de la nature s'oriente vers une vision utilitaire mais aussi spirituelle. Les monastères, souvent établis dans des zones rurales, participent à la transformation du paysage. Des figures telles que Bernard de Clairvaux, voit dans cette maîtrise humaine de la nature une œuvre divine. C'est un malade Bernard, un malade ! Le travail des moines pour contrôler les rivières, créer des vergers et développer des cultures est perçu non seulement comme nécessaire, mais aussi comme une sorte de devoir religieux. Dans son analyse de la Genèse, l'historien Éric Barathe explique que l'homme, selon la Bible, est le représentant de Dieu sur Terre, et son rôle est donc de dominer et exploiter la nature. Plus tard, donc au XVIIIe siècle, La conscience des effets de l'activité humaine sur l'environnement commence à émerger progressivement. Pierre Poivre, qui est l'administrateur colonial de l'île Maurice, est l'un des premiers à alerter sur les conséquences de la déforestation, notant une baisse des précipitations associées à la perte de végétation. Si vous voulez, il prône la restauration des paysages naturels, bien que son engagement en faveur de l'agriculture commerciale révèle une certaine contradiction. Malgré ses propres avertissements, Il introduit des cultures exotiques, telles que le Jinko et la noix de muscade, ce qui renforce la pression coloniale sur les écosystèmes. Oh seigneur ! Par évérence ! Oh ! C'est un saint homme ! Un siècle plus tard, le romantisme influence les perceptions de la nature, marquant une véritable rupture avec l'ordre et la rationalité du classicisme. Ce mouvement, qui est d'ailleurs très influencé par le Sturm und Drang allemand, célèbre la nature sauvage, l'imaginaire et aussi le mystère. Jules Michelet, dans son oeuvre La sorcière, incarne un peu cette approche romantique en valorisant la nature comme une sorte de refuge contre l'oppression de l'église, même s'il présente une vision qui est très idéalisée et souvent caricaturale. Et à cette époque, des penseurs comme Paul Vidal de Lablache commencent à utiliser le terme environnement pour désigner l'ensemble des éléments entourant l'homme. De là à de là. Et cette approche... coïncide avec la diffusion de l'idée que la nature forme une sorte de cadre influençant l'histoire humaine, bien que ce même cadre n'impose pas de déterminisme strict. Enfin, au XXe siècle, l'historien Lucien Fèvre approfondit ses réflexions en affirmant que la nature n'est pas seulement un décor passif, mais un élément actif de l'histoire humaine. Dans son œuvre La Terre et l'évolution humaine, il soutient que l'homme n'est jamais totalement détaché de son environnement, qu'il influence... autant qu'il en dépend.
Speaker #0Je sais pas vous, mais même dans ma période la plus émo, je pense pas que j'aurais réussi à parler aussi bien et de manière aussi lyrique d'un écocide. Elle explique dans son livre, de manière scientifique, complètement fluide et abordable d'ailleurs, pourquoi les pesticides et comment leur utilisation régulière et intensive ont conduit à de nombreux désastres écologiques qu'elle nous narre. Son écriture fait prendre conscience aux lecteurs et lectrices de la nécessité de réduire l'utilisation de ces produits, en expliquant les conséquences qu'ils peuvent avoir pour l'humanité, les animaux et aussi l'environnement. Ce qui est important, c'est que la parution de ce livre marque un grand moment de prise de conscience environnementale aux Etats-Unis, et rendez-vous compte, on a devant nous un véritable best-seller de l'époque. Cet enclenchement permet du coup la naissance du tout premier Earth Day le 22 avril 1970. Il aura fallu donc presque dix ans après, mais on peut dire que la graine a tout de même été plantée. Durant les années 80, L'histoire environnementale va se consolider avec l'appui d'historiens et historiennes comme Richard White, William Cronon ou bien Caroline Merchant. Et cette dernière va écrire des ouvrages, dont l'un des plus connus est La mort de la nature, les femmes, l'écologie et la révolution scientifique, qui sont vraiment intéressants, où elle propose une histoire environnementale attentive au genre et à la conception féminine qu'on lui a que beaucoup trop attribuée. Elle est d'ailleurs une des figures qui théorisent et démocratisent l'écoféminisme qu'on connaît aujourd'hui. Slave ! On notera aussi qu'elle est en contact et influencée par Donna Haraway, déjà active sur les questions de genre, de science et de nature. Je pourrais en parler des heures, mais bon, j'essaierai d'y consacrer un peu plus de temps une prochaine fois. Donald Worcester, un historien américain, est également considéré comme l'un des fondateurs de l'histoire environnementale. Il porte l'attention sur les dégradations de la nature par l'action des hommes pointant la responsabilité du capitalisme, et il inaugure un nouveau type de récit, celui de la chute, du déclin, en opposition à l'usage raisonné de la nature qu'il attribue aux populations dites locales. C'est une pensée que l'on va d'ailleurs beaucoup retrouver dans les courants de la collapsologie, qui envisage les risques, causes et conséquences d'un effondrement de la civilisation industrielle. Et dans cette période, les objets d'études d'histoire environnementale vont aussi se diversifier. La pêche et la disparition des ressources en poisson, la pollution de l'air, les conséquences de l'expansion des banlieues, l'histoire du genre et l'environnement, l'histoire environnementale de l'industrie, etc. Cette nouvelle matière s'exporte dans le reste du monde au cours des années qui suivent, et arrive à se frayer un petit chemin jusqu'à aujourd'hui, où elle est considérée comme... Eh bien, comme une sous-discipline de l'histoire, du coup. Il veut faire croire qu'il vaut mieux que... Qu'il vaut mieux que toi ! Mais malgré cet état de fait, je voudrais quand même vous montrer quelles sont les richesses d'envisager cette nouvelle histoire. Tout d'abord, la pluridisciplinarité et la diversité des sources. L'histoire de l'environnement mobilise des disciplines variées, comme la géographie, la biologie, la sociologie, la géologie ou encore la climatologie, pour n'en citer que quelques-unes. Eh ben, mes cadets ! Eh ben mes petits frères, ça commence bien ! Cela permet de diversifier les sources d'informations en utilisant aussi bien des documents écrits que des données issues des sciences naturelles comme le pollen, les sédiments ou même les ossements. Ensuite, c'est une discipline ouverte au dialogue interdisciplinaire. Les historiens et les historiennes de l'environnement doivent collaborer avec des spécialistes d'autres domaines pour mieux appréhender les interactions entre les sociétés humaines et leur environnement. Cela nécessite de dépasser les frontières méthodologiques traditionnelles et donc d'adopter des perspectives nouvelles. L'histoire de l'environnement s'intéresse particulièrement aux changements à long terme, mais s'adapte aussi à l'étude de périodes plus courtes ou même à des échelles spatiales diverses. Elle se concentre sur les conséquences à long terme des actions humaines sur l'environnement, qu'il s'agisse de l'impact des politiques, des crises climatiques ou même de la transformation des paysages. Aussi, l'histoire environnementale peut s'intéresser à une variété de sujets, comme le climat, les animaux, les forêts, l'eau, la pollution ou encore les paysages, et chacune de ces thématiques permet de découvrir des facettes spécifiques de l'interaction entre les humains et leur environnement. Ce qui est important, c'est également le fait que cette discipline offre une nouvelle grille de lecture pour comprendre l'histoire mondiale en replaçant les événements dans leur contexte environnemental. Elle met en lumière les liens entre crise humaine et conditions naturelles. En outre, Elle apporte des clés pour aborder les enjeux actuels, comme les problématiques climatiques, les alternatives énergétiques ou encore la défense de la biodiversité. Et enfin, elle propose une réflexion sur le passé pour mieux comprendre le présent. En étudiant les causes historiques des crises environnementales actuelles, l'histoire de l'environnement nous aide à comprendre comment les sociétés ont interagi avec leur milieu au fil du temps et comment elles ont tenté de répondre aux défis posés par la nature. Vous l'aurez compris, ou pas d'ailleurs, l'histoire de l'environnement, c'est une nouvelle façon de lire l'histoire en mettant la nature et les interactions humaines au centre du récit. Mais cette façon d'envisager l'histoire comporte nécessairement des limites, pas en termes d'espace ou de temps, mais de fond. Dans les années 60 et 70, beaucoup d'historiens et historiennes de l'environnement étaient très engagés dans la défense de la nature, influencés par les mouvements écologistes. Il y en a partout, ils veulent sauver la terre, mais il faut que fumer des joints et puis, au secours ! Et aujourd'hui, cet engagement est moins fort, surtout en Europe et aux Etats-Unis, même s'il reste plus présent en Inde et en Amérique latine, où la protection de l'environnement est souvent liée à la défense des droits des peuples. On peut citer par exemple Vandana Shiva, qui est une pionnière indienne de l'écoféminisme, s'engageant en faveur de la paix, de la biodiversité, mais aussi du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. L'histoire de l'environnement est devenue plus académique et moins militante, ce qui peut faire regretter à certains et à certaines la perte de cet élan initial. Ensuite, on peut également observer deux visions opposées sur le rôle de la nature. Les historiens et historiennes de l'environnement se divisent souvent en deux groupes. D'un côté, il y a ceux et celles, comme Jared Diamond, qui pensent que la nature influence beaucoup le destin des sociétés humaines, ce qui va limiter le rôle des choix humains. C'est ce qu'on appelle... le déterminisme environnemental. Et d'un autre côté, des auteurs comme William Cronon estiment que la nature n'est plus pure car l'activité humaine l'a transformée partout sur Terre. Selon ces personnes, même notre idée de la nature est influencée par la culture et la société, une vision qu'on peut qualifier de déterminisme culturel. Bon, en vérité, les historiens et historiennes essaient de trouver un équilibre entre ces deux visions. On est pas... Mais ça demeure un exercice... qui n'est pas du tout simple. On retrouve également, dans certains textes de l'histoire environnementale, un discours souvent pessimiste. Beaucoup d'historiens et historiennes de l'environnement racontent l'histoire de la nature comme une détérioration continue. Dans le sens où autrefois, les milieux naturels étaient en meilleure santé, mais les activités humaines les ont progressivement dégradées. Ce qu'on appelle le récit déclinaisonniste, donc un terme du physicien Donald Hughes, tend à montrer que la situation environnementale empire de plus en plus. Cette vision est basée sur les faits, mais elle peut sembler légèrement fataliste et décourageante pour ceux et celles qui la lisent. Bien sûr, la plupart des chercheurs et chercheuses évitent généralement l'avenir comme la peste, puisque d'autres auparavant se sont hasardés à décrire les événements à venir, et se sont spectaculairement foirés. Et pour l'anecdote, il y a un écrivain britannique qui s'appelle A.G. Wells, qui a prédit l'ordre mondial et une paix durable après la première guerre mondiale, donc le mec a eu tout, mais alors tout faux, typiquement l'exemple de ce qu'un historien ne devrait pas faire. Un salopard, un gros salopard. Contrairement à certaines sciences, qui cherchent à prédire ce qui va se passer, l'histoire de l'environnement, comme l'histoire d'ailleurs, préfère rester largement dans le passé. Et pourtant, comme elle utilise des notions issues de l'écologie, qui est la science qui étudie les interactions entre les êtres vivants et leur environnement, elle touche à des sujets où les prédictions sont très incertaines. Et cela rend parfois les chercheurs et chercheuses vulnérables aux critiques, car certains les accusent de jouer les prophètes de l'apocalypse. J'arrive en cette fin de calendrier Maya pour annoncer la vérité suivante. même si elles essaient simplement de décrire les tendances observées. Et pour terminer, l'histoire de l'environnement, c'est un domaine qui se trouve à mi-chemin entre les sciences humaines et les sciences de la nature. Elle utilise des méthodes historiques pour raconter les changements environnementaux, mais elle s'appuie aussi sur des données scientifiques, comme celles issues de l'écologie, de la climatologie, etc. Cela lui permet de mieux comprendre les enjeux écologiques actuels, mais rend aussi les échanges avec d'autres disciplines plus compliqués. Vous voyez qu'il y a donc plusieurs tensions et de points à élucider au sein de cette nouvelle histoire, mais c'est ce qui la rend, à mon sens, incroyablement intéressante, mais aussi prometteuse. Je vous remercie pour votre écoute de cet épisode d'environ que j'ai décidé de réenregistrer, afin de déjà conserver vos oreilles en bonne santé, mais aussi de mieux vous partager la matière que j'étudie. N'hésitez surtout pas à me faire des retours sur les réseaux, à commenter, à partager, et à en parler autour de vous, en toute bienveillance bien sûr, ainsi qu'à vous abonner à la chaîne. Il naît de si bonne compagnie qui ne se sépare, et en attendant les prochains épisodes, je vous dis au revoir. Et à très vite sur Environ.