Bonjour ou bonsoir à tous et à toutes, et bienvenue dans ce dernier épisode de la série Histoire environnementale des jeux vidéo. Je pense que cet épisode durera plus longtemps que les autres, notamment car il nous reste beaucoup de choses à dire, mais aussi car c'est la conclusion de toute cette histoire entre le rapport de l'industrie des jeux vidéo avec l'environnement. Lors des derniers épisodes, on avait examiné l'évolution de l'industrie du jeu vidéo, avec l'obsolescence programmée, puis on avait également parlé des matériaux... qui composaient les objets, mais aussi du greenwashing industriel, ainsi que les actions menées, justement, contre l'obsolescence planifiée dans ce secteur. Et dans cet épisode, on va plutôt se rapprocher de plus en plus d'aujourd'hui et parler des questions de l'après-vie des consoles, du dématérialisé, et aussi des types de jeux que l'on va appeler jeux vidéo verts. Bon du coup, je ne vous en dis pas plus, et allons ensemble découvrir ce nouvel environ. L'après-vie des jeux vidéo présente deux options principales. D'un côté l'archivage, et de l'autre le recyclage, le G ayant déjà été abordé dans les épisodes précédents. Imaginez un musée, mais du coup pour les jeux vidéo. Ces endroits, comme le Computer Spiel Museum à Berlin, le National Video Game Museum aux Etats-Unis, ou même la Bibliothèque Nationale de France, conservent les jeux pour que les générations futures puissent en profiter un max. Dans les grandes lignes, l'archivage passe par trois grandes étapes. Premièrement, reproduire les jeux grâce à des émulateurs pour qu'ils restent jouables. Deuxièmement, enregistrer comment on jouait à ces jeux vidéo, ce que l'on appelle le gameplay, afin de garder une trace de cette expérience de jeu. Et troisièmement, conserver les documents de conception des jeux, souvent oubliés mais alors très importants, afin de comprendre comment les jeux étaient créés. Mais tout ça ne demeure pas simple, les vieux systèmes tombent en panne, il est difficile de trouver des pièces de rechange, et les systèmes de protection empêchent souvent les copies, pour des questions légales. Les initiatives de préservation se heurtent aussi à l'obsolescence rapide des systèmes matériels et logiciels, ainsi qu'à la difficulté de maintenir en vie les machines et les logiciels d'origine. De l'autre côté, le recyclage des jeux vidéo et de leurs supports consiste à transformer les déchets en nouvelles marchandises. Comment ça marche ? Eh bien, on sépare les matériaux recyclables des autres déchets, puis on extrait les matières premières qui ont encore de la valeur. Ces dernières sont ensuite transformées en de nouveaux produits. Typiquement, quand une console ne fonctionne plus, on peut recycler ses composants. Cela commence par démonter l'appareil, afin de récupérer les métaux et les plastiques, qui sont ensuite réutilisés pour fabriquer de nouvelles consoles. Mais attention, recycler ne résout pas tout. Et oui, seuls 25% des déchets électroniques sont recyclés correctement. Le reste finit beaucoup trop souvent dans des décharges, comme celle d'Agbo Blochier au Ghana, qui sont parmi les plus grands dépotoirs numériques, illustrant toute l'ampleur du problème. Les déchets électroniques, ou comme on les appelle les e-déchets, issus des industries informatiques et du coup vidéoludiques, représente un problème croissant pour les universitaires ainsi que les industriels. Chaque nouvelle génération de consoles et d'ordinateurs entraîne un transport international massif de matériel, contribuant ainsi à des impacts environnementaux qui sont significatifs. Pour vous faire un peu le chemin, les e-déchets sont collectés par des recycleurs en Amérique du Nord et en Europe qui revendent les machines de haute qualité et extraient les métaux précieux des appareils obsolètes. Ensuite, Une grande partie de ces déchets est envoyée dans les pays en développement pour la récupération des composants. Et ce processus aboutit souvent à des décharges où les appareils se dégradent en résidus toxiques. Et ce genre de déchets, on n'en veut pas des masses, car les déchets électroniques contiennent des produits chimiques et des métaux toxiques qui polluent le sol, l'eau et l'air, posant des risques environnementaux et sanitaires. Aussi, les conditions de travail dans les centres de recyclage de ces pays en développement sont souvent dangereuses, exposant les travailleurs et travailleuses à des substances nocives. Et moi Jamy, je serais pas radioactif par hasard ? Ben si ! Tu es radioactif ! Des chercheurs comme Jennifer Gabris et Josip Areka étudie ces déchets pour mieux comprendre notre consommation de technologies et elle montre notamment comment nos vieux appareils reflètent des dynamiques globales de consommation mais aussi d'obsolescence. Là je parle de recyclage mais dans la plupart des cas on préfère conserver ou même jeter nos appareils au lieu de les réparer. Mais pourquoi du coup ? Il y a déjà un premier élément de réponse à cela qui est que dans la plupart des cas On ne sait pas véritablement comment la console, comment l'appareil fonctionne, et on a surtout très peur, si on tente une modification ou une réparation soi-même, de plus l'endommager qu'autre chose. Autre élément, les fabricants de consoles nous poussent dans la plupart des cas à acheter de nouveaux modèles, ce qui nous revient à moins cher au final, au lieu de réparer les anciens. Bon, c'est pas si mal ! Mais admettons que vous décidiez de recycler votre console. Qu'est-ce qu'il va véritablement se passer derrière ? Eh bien, certaines entreprises vont exploiter le travail des prisonniers et des migrants pour recycler ces déchets, maximisant ainsi leurs profits, tout en parfois prétendant être de véritables écologistes ou alors pour la cause environnementale, le fameux greenwashing. La plupart des déchets électroniques ne sont pas recyclés correctement et finissent très souvent dans des pays avec peu de réglementation environnementale, donc surtout en Asie. Et tout ce système montre une dimension géopolitique où les pays développés externalisent leurs déchets vers les pays en développement, exacerbant les inégalités environnementales, mais aussi sociales. C'est un triste bilan de notre situation. Bon, on ne va pas aller jusqu'à se jeter la pierre à soi-même, mais je trouve qu'il est réel d'admettre qu'en utilisant nos consoles et nos appareils électroniques, on oublie très souvent cette logique qu'il y a derrière. Les matériaux nécessaires à la fabrication de machines ont déjà un coût environnemental élevé, Et les conditions de travail dans les usines de fabrication, souvent situées dans des zones de libre-échange, comme les maquilladoras au Mexique, sont souvent déplorables, avec des salaires bas et des expositions à des substances dangereuses, provoquant des problèmes de santé graves chez les travailleurs et travailleuses. Tout cela, oui, mais pour quel matériel précisément ? Eh bien, pour aller dans le concret de chez Concrè, Maxi Concrè, tout ce que vous voulez, Concrè, l'autopsie d'une console, ça vous dit ? L'analyse des composants d'une console moderne comme la PlayStation 4 révèle bien de nombreux impacts environnementaux et sociaux liés à l'extraction et à la production des matériaux nécessaires. Commençons par le boîtier de la PS4, fabriqué à partir d'acrylonitrile butadiene styrene, qui est un plastique issu du pétrole brut. Et bien la production de ce plastique génère environ 1,6 kg de CO2 par console. Et n'oublions pas les risques de contamination de l'air et de l'eau. associé à l'extraction du pétrole comme l'a montré la tristement célèbre cancer Ali aux Etats-Unis. Le lecteur disque Blu-ray est fabriqué quant à lui à partir de polyoxyméthylène tandis que le dissipateur thermique pour refroidir la console est en aluminium, un matériau moins coûteux que le cuivre. Et bien que l'aluminium soit recyclable, sa production est très énergivore ce qui augmente encore l'empreinte carbone de la console. La PlayStation 4 contient aussi de l'acier, environ 736 grammes par console, et bien que l'acier soit largement recyclé dans le monde, ce n'est pas le cas en Chine où seulement 20% de l'acier est recyclé. Et pour couronner le tout, les circuits imprimés de l'APS4 contiennent de l'or extrait par des méthodes de raffinement utilisant des produits chimiques toxiques comme le cyanure. Les micropuces de l'APS4 sont fabriqués avec du trifluorure d'azote, un gaz à effet de serre extrêmement puissant. Même en petite quantité, il est très dangereux pour l'environnement. C'est petit, mais c'est puissant. En tout, fabriquer et transporter chaque PlayStation 4 émet environ 89 kg de CO2. Avec des millions de consoles produites, l'industrie du jeu vidéo contribue de manière significative aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Finalement, qu'est-ce qu'on peut y faire ? Eh bien, les fabricants peuvent peut-être mettre en place des programmes de rachat. Afin de recycler les anciennes consoles, les gouvernements de leur côté peuvent aussi imposer des réglementations plus strictes sur le recyclage des déchets électroniques. Et nous, en tant que consommateurs et consommatrices, pouvons choisir des produits fabriqués avec des matériaux recyclés. Qu'on s'entende bien là-dessus, ceci demeure des pistes de réflexion. Je ne suis pas en train de vous donner la réponse exacte et précise de ce qu'il faudrait faire, clairement. Après cette analyse un peu plus approfondie du matériel d'une console et ses impacts environnementaux, je crois qu'on peut aller carrément à l'opposé et parler du coup de ce que l'on appelle le dématérialisé. Rappelez-vous, il y a quelques années, on achetait encore nos jeux vidéo sur des disques ou même des cartouches, et aujourd'hui, cela a énormément changé. Depuis les années 2010, De plus en plus de jeux sont disponibles en version numérique, et plutôt que d'avoir une énorme pile de disques chez soi, vous pouvez simplement télécharger vos jeux en ligne. Cette transition, amorcée par des services comme Playcable pour l'Intel Vision de Mattel en 1981, s'est amplifiée avec l'apparition de plateformes de distribution en ligne comme Steam, GOG et Origin. La dématérialisation, ça offre des avantages indéniables. Fini les files d'attente en magasin, tout est apporté de quelques clics. De plus, elle est pratique et souvent moins chère pour les créateurs et les créatrices de jeux. Mais évidemment, il y a un revers de la médaille. Les jeux numériques reposent sur des centres de données, des sortes d'énormes bâtiments remplis de serveurs qui stockent et gèrent les jeux. Et ces centres consomment énormément d'électricité. En 2006, ces derniers utilisaient 61 milliards de kWh aux Etats-Unis, représentant 1,5% de toute la consommation d'électricité du pays et ce chiffre, entendez-moi bien, a doublé en 5 ans. C'est un blasphème ! C'est de la folie ! Et pour vous donner une idée, Google en 2010 avait besoin d'à peu près 900 000 serveurs, l'équivalent de la consommation électrique d'une ville de 430 000 habitants. Je sais pas si vous vous rendez compte, mais 430 000 habitants, c'est quasiment autant, voire plus, que la plupart des métropoles en France. Ce qui est juste énorme. Et qui dit jeux dématérialisés, dit aussi les jeux en ligne. En 2008, Blizzard, l'éditeur du jeu en ligne World of Warcraft, utilisait environ 500 serveurs pour gérer les millions de joueurs et joueuses connectés sur le jeu. Aux Etats-Unis, World of Warcraft comptait 229 serveurs privés reconnus, avec autant de serveurs supplémentaires répartis un petit peu dans le monde. Et ces serveurs soutenaient une base de 7,7 millions d'abonnés, en fournissant des services communautaires et en prenant en charge des joueurs et joueuses non anglophones. Les avatars, qui sont les personnages que vous créez sur les jeux en ligne, bien que virtuels, ont une empreinte écologique réelle. Selon le journaliste américain Nicolas Scar, le maintien de chaque avatar du jeu Second Life consomme 1752 kWh par an, soit presque autant qu'un citoyen brésilien moyen en électricité qui est environ 1884 kWh. kilowattheures par an. C'est un cinquième des émissions d'un français moyen afin de garder un personnage qu'on a créé sur un jeu. Le jeu en ligne entraîne donc une pollution numérique significative qui est liée à l'infrastructure internet et aux serveurs. Et cette forme de pollution est souvent sous-estimée, mais elle est cruciale pour comprendre l'impact environnemental de cette industrie. Passons maintenant à ce que l'on appelle le cloud gaming. Imaginez jouer à des jeux vidéo. mais sans avoir besoin de les télécharger. Énorme ! Vous y jouez en streaming, et c'est un peu comme regarder une série sur Netflix. Ce service, c'est ce que propose le cloud gaming, lancé par OnLive dès 2009. Le cloud gaming, ça permet de jouer sur des appareils peu puissants, car le jeu est traité sur des serveurs à distance. Mais attention, cela déplace simplement la consommation d'énergie des consoles et des PC vers des centres de données, sinon elle reste la même. ou bien devient plus importante. Je fais une mini-parenthèse, mais les défis techniques du cloud gaming sont assez nombreux. Par exemple, la latence, c'est-à-dire le délai entre vos actions et leur exécution sur votre écran, doit être minimale, sinon ça vous ruine votre gameplay. Et pour cela, il faut des centres de données particulièrement vénères, mais aussi proches des joueurs et joueuses, ce qui va engendrer d'autres coûts. En ce qui concerne l'énergie, eh bien jouer en cloud... consomment beaucoup plus d'électricité que de jouets localement. Houston, nous avons un problème. Par exemple, selon une étude de la BBC, les consoles consomment 156% d'énergie en plus lorsque l'on joue en cloud gaming. En conséquence, les émissions de carbone pourraient augmenter considérablement si le cloud gaming devient la norme d'ici 2030. L'Université de Lancaster estime que cette transition pourrait entraîner une augmentation des émissions de 29,9% dans un scénario hybride et de 112% dans un scénario où le cloud gaming serait dominant. Après, si on y réfléchit bien, il n'y a pas que du mauvais dans le cloud gaming. Par exemple, pour des jeux nécessitant des configurations vraiment puissantes, et qu'on ne puisse pas se permettre, le cloud gaming pourrait réduire significativement l'empreinte carbone en optimisant la consommation d'énergie dans les centres de données par rapport à un PC individuel. Ce qui reviendrait au final à moins cher que de mettre son propre ordinateur à niveau. Et justement, on va en parler de cette consommation ainsi que cette pollution énergétique. Dans les années 90-2000, l'idée de la dématérialisation et du cloud gaming faisait croire que l'informatique était légère et respectueuse de l'environnement. En 1997, le chercheur Stephen Hunt croyait que cette dématérialisation pouvait réduire l'impact environnemental, et en 2000, Julia Ake espérait que cela pourrait améliorer la gestion environnementale en réduisant les flux de matière qui sont issus de la nature. Cependant, 20 ans plus tard, cette vision est remise en question. Les disques optiques, qui sont utilisés dans les serveurs comme support de stockage, ont des impacts environnementaux qui sont négatifs, car riches en polycarbonate écotoxique, mais aussi cancérigène. De plus, l'infrastructure massive d'Internet, incluant les serveurs et les câbles sous-marins, a une empreinte carbone significative. L'association française The Shift Project met du coup en garde contre la croissance rapide de cette consommation énergétique du numérique qui est aujourd'hui responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre avec une augmentation annuelle de 9%. Et l'industrie du jeu vidéo est particulièrement gourmande en énergie. En 2016, les plateformes de jeux aux États-Unis consommaient environ 34 TWh par an, équivalent à une dépense de 5 milliards de dollars par an, et à 24 millions de tonnes de CO2, soit les émissions de 5 millions de voitures particulières. Et cette consommation est clairement supérieure à celle des congélateurs résidentiels et de la cuisine électrique. Autre exemple moins récent, en 2008, un rapport indiquait que les consoles allumées en permanence gaspillaient plus de 11 milliards de kWh par an, coûtant plus d'un milliard de dollars aux consommateurs et consommatrices. La Nintendo Wii consomme 16 watts par heure à ce moment-là, tandis que la Xbox 360 et la PlayStation 3 consomment respectivement 119 watts et 150 watts par heure. Le point positif, c'est que je pense qu'aujourd'hui, il y a des fabricants de consoles et des concepteurs de jeux qui améliorent la gestion de l'énergie afin de réduire justement ce gaspillage. Une fois n'est pas coutume, qu'est-ce qu'on peut bien y faire du coup ? Eh bien, il existe des pistes. Par exemple, Zeebo Inc. a créé une console qui ne consomme qu'un seul watt d'énergie par heure, ce qui en fait juste la console la plus économe en énergie du marché. Ouais, d'accord. Cela montre qu'il est possible de concevoir des systèmes de jeux plus économes en énergie, tout en maintenant la performance et la qualité de l'expérience des joueurs et des joueuses. Mais avec les consoles et les ordinateurs, bon ça s'applique aussi à d'autres appareils électroniques, on a un truc qui s'appelle la pollution thermique. L'utilisation des appareils numériques, surtout pour les jeux vidéo, génère beaucoup de chaleur. On ne remarque que cette chaleur souvent que lorsqu'elle cause des problèmes. comme une batterie qui se vide rapidement, ou même des genoux qui deviennent trop chauds. Cette chaleur, issue de l'énergie utilisée par les ordinateurs et consoles de jeux, est devenue une partie invisible de notre quotidien, essentielle comme l'eau ou l'électricité, mais elle génère aussi beaucoup de chaleur perdue. Avec l'arrivée des consoles et des ordinateurs de plus en plus puissants, des microclimats se forment chez nous, rendant certaines pièces, comme les chambres ou les salons, anormalement chaudes. Et pour l'anecdote, sur un forum de jeux, Un utilisateur se plaignait que sa chambre surchauffait à cause de ses appareils électroniques, et les réponses, à l'aide de l'achat d'un ventilateur, à des suggestions humoristiques de déménager carrément en Alaska. Vous l'aurez compris, c'est pas vraiment la solution. Et cette chaleur peut notamment avoir des effets négatifs sur la santé. Par exemple, ce que l'on appelle la dermite échaufferette, une manifestation moderne de l'Erythéma à Bigné, signifiant rouge de feu. Je vous laisse imaginer la douleur. Cette condition... autrefois observée chez les femmes travaillant près des poêles ou des feux, ou même dans des usines, inquiète aujourd'hui particulièrement pour les hommes, dont les testicules sont exposées à la chaleur des ordinateurs portables, pouvant donc affecter leur fertilité. Quand on parle de chaleur, il faut aussi parler de refroidissement, et le refroidissement des centres de données consomme énormément d'énergie, presque autant que les serveurs eux-mêmes. Des experts, comme Gerhard Ingmar Meijer d'IBM, estiment que le refroidissement liquide est la solution la plus efficace afin d'économiser de l'énergie, car il est bien plus performant que le refroidissement par air, comme on peut le voir en Islande ou même en Finlande. Bon, je sais que cela fait beaucoup d'informations à prendre en compte, mais aussi à emmagasiner. Mais je tiens à vous dire que certains jeux vidéo ont essayé de changer la donne, voire essaient de... toujours aujourd'hui de changer les mentalités sur les enjeux environnementaux. Et ça, ça fait du bien. Je pense que certains et certaines d'entre vous ont remarqué que les jeux ne sont plus seulement des divertissements, ils sont devenus des outils puissants pour l'éducation, mais aussi la narration. Richard Ferdig, professeur en technologie d'apprentissage et éducative, souligne que les jeux vidéo peuvent être des moyens efficaces pour traiter et retenir de nouvelles informations, ce qui les rend pertinents pour aborder des sujets très complexes. Dès 1991, avec le premier opus de Civilization, Sid Meier intègre une mécanique de réchauffement global causée par l'excès de pollution, inspirée par des conclusions du scientifique de l'environnement Jess O'Soubel en 1979. Ce jeu met en lumière les conséquences environnementales de nos actions, encourageant donc les joueurs et joueuses à réfléchir sur leurs choix. De même, le jeu Final Fantasy VII, sorti en 1997, est reconnu comme une allégorie des crises environnementales, mais aussi des impacts du développement technologique. Le jeu met en scène un groupe d'activistes écologiques radicals, le groupe Avalanche, combattant l'entreprise énergétique Shinra, responsable de la crise environnementale. En offrant des choix moraux liés à la protection de la nature, le jeu, dans un certain sens, responsabilise les joueurs et joueuses et les sensibilise aux enjeux écologiques. Mais le jeu est aussi critiqué pour l'ironie de sa situation. D'un côté, il dénonce la dépendance aux énergies fossiles, mais de l'autre, il est issu lui-même d'un secteur très gourmand en électricité et en matériaux. Et cette tension... entre la critique environnementale et la consommation d'énergie par les jeux et consoles, met en avant la nécessité d'innovation technologique durable plutôt qu'un retour à un mode de vie primitif. Final Fantasy VII illustre le double visage de la technologie, à la fois menaçante, mais aussi prometteuse. Certains jeux abordent des enjeux sociaux, politiques et écologiques, mais souvent de manière à ne pas contrarier le public et à garantir des ventes élevées. Même exemple, Final Fantasy VII s'est vendu à 2,3 millions d'exemplaires en trois jours seulement au Japon, tandis que Super Mario 64 a vendu plus de 2 millions d'exemplaires en trois mois en Amérique du Nord. Et ces chiffres montrent que les développeurs prennent finalement peu de risques pour ne pas compromettre les ventes. Anne Ballantine, une professeure en études environnementales, souligne que la communication sur le climat ne se résume pas seulement à des campagnes d'information, mais doit être vue comme un processus social constituant la réalité des participants et des participantes. Cette vision complexe de la communication représente un défi pour les fabricants de jeux qui doivent comprendre comment le changement climatique est perçu par leurs joueurs et leurs joueuses. D'ailleurs, parlons un peu d'idéologie. Les jeux vidéo qui veulent sensibiliser aux questions environnementales doivent aussi faire face à l'idéologie dominante. Comment ça mon ref ? L'écrivain Jacques Rancière, dans son œuvre Le Maître Ignorant, propose une idée assez intéressante. Chacun peut apprendre par soi-même sans avoir besoin d'un maître pour expliquer. Si vous voulez, cela suggère que les jeux vidéo ne devraient pas seulement nous instruire sur les enjeux climatiques, mais aussi nous permettre de découvrir par nous-mêmes. Rancière prône l'émancipation, où l'apprentissage est vu comme un acte de libération plutôt que de subordination. Terry Eagleton, un théoricien littéraire, ajoute que l'idéologie est souvent liée au pouvoir d'un groupe dominant. Cette idée vaut pour l'idéologie présente dans les jeux vidéo, mais aussi pour celle des joueurs et joueuses. Les grosses productions de jeux, avec leurs énormes budgets, ont souvent du mal à critiquer cette idéologie dominante par peur de pertes financières majeures. Je trouve qu'il y a encore trop peu de jeux qui prennent en compte la diversité des positions des joueurs au sein des structures politiques, économiques, matérielles, mais aussi idéologiques dominantes. Si on veut un changement culturel transformateur par les jeux, il est donc crucial de prêter attention aux jeux grand public, mais aussi aux conditions de leur production. En soi, les jeux vidéo ont le potentiel de nous sensibiliser aux enjeux environnementaux, mais ils doivent naviguer dans un paysage idéologique complexe, et souvent contraignant commercialement, comme je l'ai dit plus tôt. Pour un véritable changement, peut-être devrions-nous alors nous tourner vers les jeux vidéo verts. Un jeu vidéo vert, c'est un jeu qui nous fait prendre conscience des enjeux écologiques. Ces types de jeux intègrent des principes environnementaux dans leur histoire, mais aussi dans leur gameplay. Le but, c'est nous inciter à préserver l'environnement et mieux comprendre les dynamiques de la nature en général. Je vous fais juste un petit retour historique afin de mieux comprendre pourquoi ces jeux sont importants. Au XVIIIe siècle, les Européens voyaient la nature comme un endroit sauvage et dangereux à maîtriser. Puis au XIXe siècle, notamment avec le romantisme, une vision plus idéaliste de la nature apparaît, effaçant souvent la présence et les cultures des peuples autochtones. Cette transformation de la perception de la nature a des répercussions sur notre relation actuelle avec l'environnement et influence les concepts de jeu vert. En 2005, Richard Louvre introduit le concept de trouble du déficit de la nature dans son livre Last Child in the Woods. Selon lui, Les enfants passent de moins en moins de temps dehors, et cela à cause de l'urbanisation, qui réduit les espaces verts, des parents qui s'inquiètent pour la sécurité de leurs enfants dehors, et aussi de l'augmentation du temps passé devant les écrans. L'industrie du jeu vidéo a historiquement privilégié l'amélioration des graphismes, mais certains concepteurs remettent en question cette priorité. Le concept de Valet étrange de Masahiro Mori qui suggère que trop de réalisme peut rendre les expériences moins agréables, influence justement cette réflexion. Edward Rothstein a également observé une tendance anti-technologique dans certains jeux comme Pikmin, où la résolution de problèmes dépend de la coopération avec la nature plutôt que de la technologie. En exemple de jeu que l'on peut considérer comme vert, il y a le jeu Flower, sorti en 2009, qui est un jeu où les joueurs et joueuses contrôlent le vent pour guider des pétales de fleurs à travers des paysages symbolisant une sorte de guérison de l'environnement. Aussi, des jeux comme Echo montrent bien comment les jeux vidéo peuvent nous faire réfléchir sur notre relation avec la nature. En résumé, le jeu Echo oblige les joueurs et joueuses à collaborer pour éviter une catastrophe environnementale imminente, intégrant des aspects de pollution, de chaînes alimentaires, mais aussi d'économie dans son gameplay. Si on sort un peu de l'écran... on peut apercevoir que l'industrie du jeu elle-même commence à prendre conscience de son impact sur l'environnement. Bravo Arthur ! Bravo ! Des initiatives comme Playing for the Planet visent à réduire les émissions de carbone, mais aussi à sensibiliser les joueurs. Ce projet a été lancé en 2019 lors du Sommet pour le Climat de l'ONU, avec des engagements de grandes entreprises comme Sony et Microsoft. Au niveau des actions concrètes, Sony promet une efficacité énergétique de la PlayStation 4, réduisant les émissions d'équivalent carbone de 30 millions de tonnes d'ici 2030. Microsoft, de son côté, s'engage à devenir négatif en carbone, avec des réductions d'émissions dans toute la chaîne d'approvisionnement, mais aussi des initiatives de sensibilisation via des jeux comme Minecraft. Le meilleur scénario, à mon sens, serait que l'industrie du jeu surmonte la compétition et les guerres de plateforme pour adopter une approche unie envers la neutralité carbone. Les objectifs sont là. mais il faut agir vite et surtout massivement. D'ailleurs, les politiques gouvernementales et les incitations peuvent jouer un rôle clé dans cette transition. Je trouve que les jeux vidéo verts sont une belle fusion entre divertissement et éducation environnementale. Je suis convaincu que l'industrie du jeu vidéo a le potentiel de devenir un leader en matière de durabilité et d'efficacité énergétique, mais seulement si elle s'engage sérieusement dans cette voie. Alors, ça ne va pas si mal ? Depuis le krach de 1983 jusqu'à l'initiative Playing for the Planet en 2019, l'industrie du jeu vidéo a donc parcouru un très long chemin. D'un côté, on a vu des avancées technologiques incroyables et une quête constante de qualité. De l'autre, il y a des défis comme l'obsolescence programmée et l'impact écologique des méthodes de production, mais aussi de distribution. Avec la dématérialisation et le cloud gaming, on pourrait penser que l'avenir est radieux, mais attention... Ces technologies, bien que prometteuses, ont aussi leurs propres empreintes écologiques. Aussi, les nouvelles consoles consomment de plus en plus d'énergie, pas seulement pendant leur fabrication, mais aussi pendant leur utilisation. Les technologies s'additionnent, et les empreintes également. Mais bonne nouvelle, certains studios indépendants et des organisations comme l'IJDA commencent à se pencher sérieusement sur les enjeux climatiques de cette industrie. Et devinez quoi ? Les joueurs et joueuses, c'est-à-dire vous, pouvez aussi jouer un rôle ? en demandant des pratiques plus écologiques et en soutenant des initiatives durables. Comme je l'ai évoqué plus tôt, je pense que les masses peuvent véritablement faire la différence. Comme on a pu le voir, les jeux vidéo peuvent aussi servir à éduquer et sensibiliser sur les problèmes environnementaux. Ils permettent d'encourager des discussions et même inspirer des actions positives. Afin de clore cet épisode et aussi cette aventure, j'aimerais partager avec vous une comparaison que fait Benjamin Abraham dans son livre Digital Games After Climate Change. Si vous voulez, il compare l'industrie du jeu vidéo à la ville fictive d'Homélas, créée par l'écrivaine Ursula Le Guin. Dans cette ville, le bonheur des habitants repose sur la souffrance d'une seule personne. De la même façon, le divertissement offert par l'industrie des jeux vidéo repose de son côté sur des pratiques polluantes et consommatrices de ressources. Mais quitter cette industrie, comme quitter la ville d'Homélas, n'est pas la solution. La prise de conscience de ces problèmes devient la première étape. Dans son livre, Benjamin Abraham imagine un futur où l'industrie du jeu vidéo serait durable, mais aussi bénéfique pour l'environnement. Quant à moi, je pense que les jeux ont le pouvoir d'écrire une nouvelle histoire, une histoire environnementale. Sur ce, je vous remercie pour votre écoute de cet ultime épisode de l'histoire environnementale des jeux vidéo. J'espère que cette série vous aura plu, appris des choses. fait réfléchir, mais aussi donner envie d'encore plus vous intéresser au sujet. Cela a clairement été un plaisir pour moi de faire cette série, de vous parler un peu de ma passion. Je tiens aussi à remercier énormément Elo pour son travail des vignettes et des templates des épisodes de cette série, et vous pouvez suivre son travail sur Instagram, je vous mets le lien en description de l'épisode. Franchement, allez voir, c'est beaucoup trop cool ce qu'elle fait. J'attends vos retours sur cette série avec grande impatience, comme ça je pourrai toujours vous proposer de meilleures choses à l'avenir. N'oubliez pas de vous abonner et de suivre le podcast pour plus de contenu sur l'histoire environnementale. Il naît de ces bonnes compagnies qui ne se séparent. Et en attendant les prochains épisodes, je vous dis au revoir. Et à très vite sur Environ.