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"Et main-tenant...?"

Enquête sur la Vieillesse 6°épisode : Nicole Jeanneton-Marino

Enquête sur la Vieillesse 6°épisode : Nicole Jeanneton-Marino

36min |30/05/2024|

54

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36min |30/05/2024|

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Description

Le parcours de vie de Nicole Jeanneton-Marino, pour qui sait l'écouter et le lire, recèle le secret de la longévité et d'une vieillesse heureuse.

A 85 ans Nicole nous confie les étapes d'une vie "romanesque" et internationale qu'elle poursuit à La Rochelle en écrivant des romans.

Sa force de vie est communicative, je vous invite à en profiter.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui donne la parole comme on donne la main. Depuis quelques semaines, dans ce podcast, je partage avec vous la prise de conscience d'un fait prévisible et non prévu. À 82 ans, je suis vieux. Et maintenant, me suis-je dit, j'ai voulu mieux comprendre ce que cela signifiait. dit-on je suis vieux comme on dit je suis français albanais la vieillesse est appelée le continent gris dans quel territoire ai-je mis les pieds puisque je n'avais pas le choix d'y entrer ou pas j'ai voulu en avoir envie j'ai décidé de rencontrer des personnes inspirantes susceptibles de me donner le goût de ce pays Pour ce faire, j'ai cherché quelques beaux exemples d'autochtones. Vous pouvez les écouter sur ce podcast. Écoutez Nanou Chaulet-Rigolage, Julia Péré ou Claude Latrille Je vous recommande également l'entretien avec le docteur Yves Fouré. Je lui avais demandé de nous présenter le pays de la vieillesse. Aujourd'hui, je vous propose de faire la connaissance de Nicole Jeanneton-Marino, une écrivaine de 85 ans. qui a fait de sa vie un champ de fouilles qu'elle explore en tous sens pour élucider les mystères et découvrir des trésors cachés. Nicole, avant toute chose, je te remercie d'avoir accepté de témoigner pour cette enquête sur le vieillissement. Et je voudrais te demander pour commencer, comment tu es parvenue jusque là, si j'ose dire ? Es-tu arrivée sur les rivages du continent gris, les rivages de la vieillesse ? Est-ce que tu te souviens comment ça s'est passé cette affaire ? Tu venais d'où et tu allais où ?

  • Speaker #1

    Alors où je vais, je ne sais pas. Je venais de la jeunesse évidemment, mais pas de la prime jeunesse, puisque avant d'avoir 85 ans, j'en ai eu 80, et avant 80, j'en ai eu 75, et avant 75, 70, etc. Donc je venais de la jeunesse.

  • Speaker #0

    forcément et tu as estimé que la frontière de la vieillesse elle s'est située où ?

  • Speaker #1

    Alors des amis à moi disaient à partir de 80 ans on est vieux bon peut-être peut-être aussi les 5 dernières années étaient peut-être plus difficiles que avant 80 ans et

  • Speaker #0

    Avant, qu'est-ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Avant, j'étais jeune.

  • Speaker #0

    Tu as été jeune jusqu'à 80, tu penses ? C'est bien. Alors raconte-nous un peu comment s'est passée ta vie et ce que tu as fait, qui tu es en fait.

  • Speaker #1

    J'ai fait beaucoup de choses. Quand je regarde en arrière, je me dis mais c'est incroyable d'avoir fait autant de choses et autant de choses différentes. d'être allée vers l'enseignement, d'être allée d'abord vers les études, en même temps que d'avoir trois enfants, ensuite d'avoir enseigné en Allemagne à l'université, d'avoir fait du théâtre avec mes étudiants, et d'avoir finalement quitté mon mari. qui n'était pas très sage. Donc, à 40 ans, j'ai dit, bon, moi, je rentre en France avec les enfants. Ce qui est évidemment une chose terrible pour le papa, parce qu'entre l'Allemagne et puis Paris, il y avait des kilomètres. Mais enfin, on s'est quand même arrangé. De toute façon, moi, je ne voulais pas quitter mes enfants et je voulais absolument rentrer en France. Voilà, je quittais mon travail à l'université d'Augsbourg, qui était un travail qui m'intéressait beaucoup, qui était vraiment passionnant. J'étais dans un laboratoire de langue et j'apprenais aux Allemands à bien parler français. La langue française a toujours été pour moi quelque chose de très très important. D'ailleurs je continue à observer la façon dont cette malheureuse langue française est en train de péricliter. Donc voilà, je suis entrée en France et là, il fallait trouver un autre travail. Et j'ai enseigné au lycée allemand à Saint-Cloud, le français. Ce n'est pas le même niveau que l'université, mais ce n'était pas mal non plus. Et j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'a mis, je dirais... Le pied à l'étrier dans le journalisme. Quelqu'un qui écrivait pour un magazine culturel allemand en langue française, qui s'appelle toujours d'ailleurs Écoute, et qui m'a demandé de lui servir de nègre. Et au bout de quelques mois, je me suis dit quand même, je pourrais peut-être faire mieux que ça. Et comme je suis allée en Allemagne pour un procès, j'avais fait un procès à mon mari parce qu'il avait baissé la pension alimentaire, que j'ai perdue. Évidemment, la petite Française qui vient s'opposer à un professeur, enfin bref, en tout cas allemand. Les Françaises ont quand même une réputation, une mauvaise réputation par rapport aux autres femmes, je pense. Et donc, je suis allée à Munich voir le patron de ce magazine. J'étais nègre pour la personne qui le connaissait, mais je lui ai proposé des articles. C'était en 1984 et le premier article, c'était Paris le 14 juillet. Et mon dernier article, c'était à La Rochelle en 2011, Le Grand Pavoie. Donc entre 1984 et 2011, j'ai écrit des articles régulièrement pour ce magazine. Mon travail, c'était le lycée allemand, bien sûr. Alors là, j'ai été repérée par le maire du troisième arrondissement à Paris, parce que je m'étais un petit peu opposée à la façon dont ça se passait. Il y avait des motos qui roulaient sur les trottoirs dans le troisième. C'est l'arrondissement derrière le centre Pompidou. Et il m'avait repérée. Et finalement, il m'a demandé si je voulais être sur sa liste. Donc j'ai dit oui, je veux bien. Je me suis acheté un beau tailleur bleu et puis j'étais sur la liste. Comme aujourd'hui ! Oui, un peu plus clair que celui-là. Et donc, il voulait quand même des femmes sur sa liste. Il avait trois femmes. Et moi, la seule chose qui m'intéressait, c'était la culture. Donc, j'étais chargée de la culture. Et je me suis occupée des affaires culturelles dans le troisième arrondissement pendant un certain temps, qui m'a valu une belle médaille quand je suis partie.

  • Speaker #0

    Très bien, mais dis donc ça c'est une vie un peu romanesque donc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à dire c'est varié, je suis très curieuse et j'ai envie de goûter à tout, donc voilà, c'est ça.

  • Speaker #0

    Peut-être Nicole vous révélait-elle. Là, le secret de sa longévité.

  • Speaker #1

    Quand on rentrait dans cette belle mairie du 3e, on tombait sur moi. C'est-à-dire que les gens venaient beaucoup me voir, même pour des choses qui ne me concernaient pas du tout. Donc c'était des artistes qui cherchaient des appartements, qui cherchaient des ateliers. C'était toutes sortes de gens, parce que comme mon bureau était là, je faisais un petit peu l'accueil. C'était l'époque du sang contaminé. et je passais, pour aller à la mairie, je passais devant un fleuriste, et au retour, j'achetais des fleurs. Et le fleuriste a été contaminé par ce sang, et il avait fait un dossier, il avait fait une association, il avait fait un dossier. Et puis j'ai apporté le dossier au maire, il m'a demandé si je pouvais apporter le dossier, et le maire m'a dit, Ah, Nicole Marino, vous n'allez pas faire votre petite Michelle Barzac, reprenez votre dossier, ne me parlez pas de ça. Alors, je n'ai pas du tout aimé, évidemment, ce genre d'attitude. Mais bon, c'était la politique. Du coup, j'ai quitté l'école allemande et je me suis installée à Vétheuil. dans cette petite maison, et j'ai trouvé du travail dans l'enseignement catholique à Vernon. Et donc là, pour aller à Vernon, je passais par Giverny. Alors Giverny, ça a été pour moi une découverte magnifique. Oui, pas seulement ça, aussi les gens qui fréquentaient Giverny. Ça a été magnifique. Il y a le jardin de Claude Monet, qui est très connu, avec les 9éas, etc. Et puis il y a une autre maison, un peu plus loin, quand on va vers la Normandie. Et c'est une maison dans laquelle se logeaient les peintres, les jeunes peintres impressionnistes américains. Ils s'étaient installés là, c'était une buvette épicerie, et au premier étage, il y avait des petites chambres. Et ils se logeaient là, puis ils essayaient en vain de rencontrer Claude Monet, qui évidemment ça n'intéressait pas du tout de rencontrer ces jeunes-là qui le dérangeaient. Donc, mais ils passaient du bon temps, ils faisaient de la musique, en hiver sur l'Epte, ils faisaient du patin à glace, ils faisaient des fêtes, enfin ils étaient bien là-dedans. Et moi évidemment j'ai découvert cette maison. qui était un petit atelier. La personne qui s'en occupait, qui n'était pas le propriétaire, avait refait un petit atelier de peintre. Et puis c'était un jardin absolument extraordinaire. Alors un jardin privé, propriétaire privé, et un jardin en escalier, avec des petites routes, et avec des fleurs anciennes, des roses anciennes par exemple. Et un jour, je me promène, parce que je me promenais dans ce jardin, j'entends parler allemand. Et je vois un couple allemand qui était en train de parler, et moi, j'étais toujours contente de parler un peu allemand, parce que j'avais quand même passé 20 ans en Allemagne, et je parlais allemand, ça me faisait plaisir de parler allemand. Et je parle avec ces gens, et le monsieur, qui s'appelait Klaus Schoppe, me dit je suis un impressionniste Et je lui dis si vous êtes un impressionniste, il faut exposer vos tableaux ici à Giverny, si vous êtes un impressionniste Il dit oui, moi je veux bien, mais où ? Et donc j'ai parlé avec le responsable de cette maison. Et Klaus Schoeppe a proposé de payer les travaux au premier étage pour supprimer toutes les petites chambres qui étaient au premier étage pour faire une salle d'exposition. C'est ça qui s'est fait. Il a tout payé d'avance, son exposition. Moi, j'ai fait l'attaché de presse, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour qu'il ait du monde, etc. J'ai fait une jolie brochure et aussi j'avais fait des articles en champagne. Donc on a eu une bouteille de champagne avec un tableau sur la bouteille de champagne, enfin plusieurs bouteilles de champagne pour le vernissage. J'ai invité le responsable du département. Ça s'est très très bien passé. et il a vendu des tableaux donc ils sont devenus des amis ces gens là donc c'est pour ça que je dis les gens m'intéressent beaucoup tout le monde m'intéresse tout le monde m'intéresse, toi aussi tu m'intéresses L'enseignement catholique m'a dit, vous avez une maîtrise de lettres, vous avez une licence d'allemand, mais il faudrait un CAPES. Si vous voulez vraiment avoir un poste, il faut passer un CAPES. Donc j'ai préparé un CAPES. Et je l'ai réussi avec un peu de mal, pas la première fois, la deuxième fois. Et là, pour valider le CAPES, il fallait que je quitte Vernon, parce qu'à Vernon c'était un lycée professionnel. pour valider le CAPES, il fallait aller dans un lycée d'enseignement général. Et je me suis retrouvée avec une partie des heures à Vernon. Mais alors, une partie des heures à Royman Maison, au lycée Passy-Saint-Nicolas-Businval. Alors là, c'était notre ambiance. C'était pas la même ambiance. Et entre-temps, j'étais rentrée à la CFDT. J'étais donc responsable déléguée syndicale de la CFDT à Passy-Businval. Ce qui ne plaisait pas beaucoup aux gens à la direction. Mais ça m'était égal.

  • Speaker #0

    Et ensuite ?

  • Speaker #1

    Et ensuite, j'ai rencontré mon futur mari. Ah, j'ai interviewé. Je faisais à l'époque des interviews. Chaque mois, j'interviewais une nouvelle personne. Et chaque fois, c'était sur le métier. C'était une rubrique. Ça s'appelait De vous à nous Donc, je me suis dit, j'ai jamais interviewé de postier. Pourquoi pas un postier ? D'autant plus que le postier était sympathique, beau garçon et sympathique. Ce qui ne gâche rien. Donc je l'ai interviewé, et puis il m'a d'abord dit qu'il aurait beaucoup de mal à parler, et finalement il parlait, il parlait, il parlait, il parlait, et puis là on a fait connaissance un petit peu plus, et puis on s'est dit bon, on pourrait peut-être faire un bout de chemin ensemble.

  • Speaker #0

    Ça a matché.

  • Speaker #1

    Exactement, ça a matché. Bon. Et il m'a emmenée à La Rochelle. Et ? Oui, alors à La Rochelle, j'avais trois numéros de téléphone de trois femmes. C'était une amie de Paris qui m'a dit, j'ai deux amis, je peux te donner leur numéro de téléphone. Et puis quelqu'un d'autre, parce que j'avais fait des études pour préparer le CAPES, j'étais allée à Angers. Puis la personne qui m'avait logée connaissait quelqu'un à La Rochelle, Colette Davaz, et elle m'a donné ce numéro de téléphone. Et je suis allée voir ces dames, ces trois dames, je leur ai téléphoné, arrivée ici, j'arrive à La Rochelle. J'essaye de faire connaissance et puis Colette m'a tout de suite, alors elle m'a adoubée tout de suite comme féministe et elle m'a dit là on va faire des choses ensemble, on va faire des belles choses à la rochelle. Elle était tout de suite embarquée là-dedans, dans le féminisme là. J'étais féministe intérieurement, évidemment, puisque j'avais divorcé et j'en voulais un petit peu à certains hommes, pas à tous. Je n'étais pas réfractaire à des rencontres quand même. Je n'étais pas toujours toute seule, heureusement. Mais quand même, le féminisme m'intéressait. J'avais interviewé Benoît de Groux, par exemple, et puis j'ai eu des relations avec des femmes qui m'ont expliqué aussi tout ça. Parce que je ne savais pas grand-chose. En Allemagne, je ne m'occupais pas du tout de féminisme quand j'étais là-bas. Donc ça, c'était une époque très intéressante. Ensuite, ma mère est décédée et j'ai pensé que je pouvais continuer à écrire d'autres choses. Et puis de me lancer, grâce à Colette Dabas, à me lancer dans un salon du livre féminin.

  • Speaker #0

    Autre action, je ne sais pas si on peut la qualifier de militante, mais… Si,

  • Speaker #1

    tout à fait. C'est tout à fait militante parce que c'était pour donner la parole aux femmes. parce qu'on avait remarqué que les personnes qui lisaient beaucoup, c'était des femmes, mais les autrices, il n'y en avait pas beaucoup. En tout cas, elles n'étaient pas reconnues. On disait, alors je me suis fait mettre en boîte par une abominable journaliste qui nous trouvait ridicules parce qu'on voulait dire des écrivaines ou des autrices. Et donc, on l'a fait quand même et on a travaillé un petit peu avec Caligramme. Et aussi avec une autre libraire, Uriel Moulin, qui est à Courson et qui nous a aussi bien soutenus dans cette action-là. Et puis en 2018, j'ai dit aux personnes qui travaillaient avec moi, puisque c'était une association, Femmes pro-solidaire, Je leur ai dit, écoutez, l'année prochaine, je vais avoir 80 ans. Et je commence à me fatiguer un petit peu. Je voudrais bien que quelqu'un reprenne le salon. Et là, ça a été très difficile. Exactement, ça a commencé par le livre sur ma mère, ensuite j'ai écrit un livre sur... Non, le livre, j'ai raconté dans le livre la phase où nos parents deviennent nos enfants. C'est ça la question que j'ai découverte, c'est une chose que j'ai découverte, je ne m'y attendais pas du tout. Et je me suis rendu compte qu'il fallait que je sois la mère de ma mère. Et ma mère m'a dit un jour en riant, tu vois tu n'avais pas de fille, maintenant tu m'as moi. Elle a tout à fait compris que je la prenais en charge, comme si elle était ma fille. Je me suis rendue compte qu'à un certain moment, on a besoin d'aide. C'est ça le problème, c'est qu'on perd son autonomie, sauf si on a un infarctus et on tombe par terre et on n'arrive pas jusqu'à cette phase-là. Mais là, je viens de rencontrer une amie d'enfance, il y a deux jours, je suis allée la voir, elle est devenue complètement dépendante de son mari. Et ça m'a beaucoup inquiétée de voir ça. C'est une fille qui m'avait aidée aussi pour le salon. Elle était très forte en informatique. Et là, elle est complètement dépendante. Il lui a même pris son téléphone. Il a dit, tu n'as plus besoin de téléphone parce que tu perds ton téléphone. Alors il m'a dit, si tu veux lui téléphoner, tu me téléphones à moi et puis je te la passerai. Et là, ça m'a beaucoup choquée, évidemment.

  • Speaker #0

    Bon, là, avec l'accompagnement de ta maman, avec le travail que tu as fait à l'intérieur de l'institution dans laquelle elle était, tu as commencé à prendre conscience de la réalité de ce qu'était la vieillesse. psychologiquement, physiquement,

  • Speaker #1

    socialement. Bien sûr, bien sûr. Et j'ai interviewé aussi d'autres personnes qui étaient dans cette maison de retraite aussi. J'ai parlé avec une femme qui était une ancienne danseuse, petite femme, qui appelait tout le temps pour qu'on lui change sa poche. Et donc, c'était vraiment très, très triste de voir ça. J'ai parlé aussi avec une dame qui m'a dit qu'elle avait eu un amant dans la maison de retraite. C'était une ancienne infirmière, c'était très sympathique, très amusant. Il y avait toutes sortes de personnes dans cette maison de retraite. Il y avait quelqu'un qui est venu jouer du piano aussi pour son père, et puis j'ai parlé avec le père et puis avec la fille. Je parlais tout le temps avec les gens, avec d'autres personnes qui étaient âgées. Ça m'intéressait beaucoup de parler avec ces personnes.

  • Speaker #0

    Il y a eu le scandale sur l'Orpéa. L'Orpéa, oui.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il avait raison de le dire. Malheureusement, ce que j'ai par rapport à moi, c'est que quand je fais un salon maintenant, mon livre ne se vend plus du tout, parce qu'il est trop soft. Par rapport à ce que les gens ont déjà lu, ils ont acheté les faussoyeurs. Et maintenant, ils voient ma mère, mon enfant, avec une dame avec un chapeau de soleil, un chapeau de paille, et puis souriante, et puis ils me voient. Je ne correspond plus à ce que les gens attendent par rapport à la maison de retraite. Non, justement, là, j'ai continué à écrire. J'ai commencé par des nouvelles, puisque les personnes que j'avais interviewées tout le long des 20 années qui étaient passées m'avaient raconté non seulement leur métier, mais m'avaient aussi raconté beaucoup de choses intimes. Donc j'ai écrit des nouvelles en me basant, en me servant de toutes ces informations que j'avais récoltées, mais évidemment en les mélangeant, en les changeant de pays, et aussi des choses que moi j'avais vécues, et que j'ai mises ailleurs. Donc ça a fait 26 nouvelles, ce qui était beaucoup, c'est trop pour un livre en réalité. Et ce livre-là, ça s'appelle La chevelure dorée Parce que c'est l'histoire, la première histoire, c'est une femme qui avait perdu sa fille, enfin son mari avait kidnappé la fille, ex-mari avait kidnappé sa fille, et elle l'a retrouvée dans la rue grâce à sa chevelure dorée, blonde qui brillait au soleil. Ça, elle m'a raconté comme ça. Donc j'ai raconté. Oui, c'est drôle, mais alors j'ai mis cette chose-là à la rochelle. Je me suis dit, je vais mettre quelque chose à la Rochelle, parce que j'ai trouvé une chose qui m'a beaucoup chagrinée, c'est que les Rochelais ne s'intéressent qu'aux Rochelais. Moi, je suis vraiment sidérée par ça, alors que moi, je me sens vraiment... international, puisque j'ai vécu en Suisse, j'ai vécu aux Etats-Unis, j'ai vécu en Allemagne, j'ai vécu en France, et je m'intéresse à tous ces pays-là et à tous ces gens. Mais quand on raconte ici une histoire qui s'est passée à Paris, les gens s'en fichent complètement. Ils veulent de la Charente-Maritime.

  • Speaker #0

    Mais tu as l'air quand même de ta mère.

  • Speaker #1

    Oui, grâce aux gens, parce qu'il y a des gens qui sont quand même intéressants.

  • Speaker #0

    C'est important que tu dises un mot de ce livre, ce beau livre, comme tu dis.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Si ça les intéresse, ils peuvent te contacter.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais dans le pitch du livre, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Alors le livre, ça commence en 1938, c'est-à-dire un petit peu avant la déclaration de guerre. C'est le moment où mon père a été enrôlé dans l'armée et il se termine en 1945, quand mon père est rentré d'Allemagne, puisque mon père a été fait prisonnier. Et j'ai voulu faire non seulement l'histoire de ma... ma famille pendant la guerre, l'histoire de mon père en Allemagne, prisonnier dans une ferme. Et puis je suis allée, alors j'ai commencé en 2014, en 2016 je suis allée, j'ai traîné mon mari en Allemagne, il n'était pas tranquille, il pensait qu'il serait mal accueilli, mais en tout cas on a été très très bien accueillis évidemment. Et puis comme je parle allemand, c'est quand même plus facile. Alors on est allé jusque dans le nord de l'Allemagne et puis on a rencontré des gens tout à fait charmants, des gens qui s'intéressaient au patrimoine. j'ai eu des articles dans les journaux, avec des photos, la petite française, la fille d'un prisonnier qui vient sur les traces de son père, etc. Donc ça, c'était super. C'était en 2016, et en 2018, le livre était terminé. Donc le livre a mis 4 ans. Et il fait 521 pages. Beaucoup de travail. Puisque j'ai trouvé, quand ma mère est décédée, une petite boîte. dans laquelle il y avait 299 lettres de mes parents pendant la guerre. Parce que, bizarrement, les Allemands permettaient aux prisonniers de communiquer avec leur famille. Et donc, j'ai trié ces lettres, je les ai toutes lues, évidemment, je les ai triées, et j'en ai mis quelques-unes dans le livre. Je me suis servi des lettres. Ma mère avait écrit un journal, donc je me suis servi aussi de ce journal. Et elle avait écrit toutes sortes de choses sur des petits papiers. Mais ça me suit un... Un livre qui m'a prise vraiment complètement. Le soir, j'avais du mal à m'endormir, je cherchais des idées, comment il fallait présenter. Puis j'avais des énigmes dans le livre qu'il fallait résoudre, des choses que je ne comprenais pas. Par exemple, à la fin de la guerre, mon père envoie en avril 1945 un télégramme de Lille. Et sur le télégramme, il écrit, enfin ce n'est pas lui qui l'avait écrit sans doute. bonne santé, retour imminent. Et pendant un mois, il n'est pas là. Et j'ai essayé de savoir ce qui s'était passé pendant ce mois-là. Il ne vient qu'un mois plus tard. Donc ça, je l'ai aussi raconté, mais je l'ai ressenti aussi moi. C'est aussi l'idée de faire revivre des gens qui sont morts. Ce que mes enfants m'ont reproché. J'ai un fils qui est journaliste à la télévision à Toulouse. Il m'a dit Maman, pourquoi tu racontes la vie des gens qui sont morts ? Tu pourrais bien parler de nous pour changer, qui sommes vivants.

  • Speaker #0

    Sociologue et philosophe Edgar Morin a dit Pour bienveillir, il faut garder en soi les curiosités de l'enfance, les aspirations de l'adolescence, les responsabilités de l'adulte, et dans le vieillissement, essayer d'extraire l'expérience des âges précédents. Et toi Nicole, quel est le message que tu souhaiterais transmettre à tes enfants, petits-enfants, à la génération qui nous suit ?

  • Speaker #1

    Mon message, moi, je dirais dans ma vie, c'est l'ouverture aux autres, rencontrer les gens, s'intéresser aux autres. Et puis ensuite, la langue, la langue française. C'est très important de bien parler français, de s'intéresser aux mots et puis la musique. Je voudrais que... Je serais très heureuse si tout le monde faisait de la musique, parce que je trouve que la musique fait beaucoup de bien. Je joue du piano tous les matins à demi-heure. J'ai un professeur de piano, et je trouve que ça, c'est très important. La musique est très importante.

  • Speaker #0

    J'en suis convaincu. Tu es vraiment un exemple de personne âgée, puisque c'est un cadre d'identité rédite, qui n'a rien perdu de sa vitalité et de son envie de vivre.

  • Speaker #1

    Ah oui, bien sûr, j'ai envie de vivre. Évidemment, je n'ai pas envie de vivre comme ma mère à la fin, puisqu'elle a vécu jusqu'à 99 ans. Là, j'ai trouvé qu'à la fin... Vraiment, ça ne valait plus tellement la peine pour elle de vivre, parce qu'elle était recroquevillée dans son lit, et puis c'était très triste.

  • Speaker #0

    Sinon, par rapport au débat sur la fin de vie actuelle, est-ce que tu as une position tranchée, toi ?

  • Speaker #1

    Oui, moi je suis pour les soins palliatifs. Et d'ailleurs, j'ai un très bon ami qui était directeur des soins palliatifs à l'hôpital Beaujon, à Paris, le docteur Charles Jousselin, et qui m'a bien expliqué comment ça se passait dans les soins palliatifs. Et j'ai une amie aussi qui a eu une équipe de soins palliatifs qui sont venues à domicile quand sa mère était sur le point de mourir et qui m'a expliqué comment ça s'était passé. Je trouvais que c'était extraordinaire. Maintenant, il faut de l'argent pour les soins palliatifs. Maintenant, s'il y a des gens qui veulent mourir, pourquoi pas ? S'ils ont envie de mourir, moi j'ai rien contre.

  • Speaker #0

    Le suicide assisté ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, j'ai rien contre. C'est leur liberté. C'était l'Église qui empêchait les gens de se suicider. Ils disaient, si vous vous suicidez, vous irez en enfer. Mais bon, on a dépassé ça, heureusement.

  • Speaker #2

    Merci à toi Nicole pour ta spontanéité, ta liberté de ton. Merci à toi pour l'exemple de vitalité que tu nous donnes. Le continent de la vieillesse, le continent gris, a décidément de beaux couchers de soleil. Si à votre tour vous voulez témoigner, écrivez-moi patricemarcade.com Je vous remercie de votre écoute et vous dis à bientôt.

Description

Le parcours de vie de Nicole Jeanneton-Marino, pour qui sait l'écouter et le lire, recèle le secret de la longévité et d'une vieillesse heureuse.

A 85 ans Nicole nous confie les étapes d'une vie "romanesque" et internationale qu'elle poursuit à La Rochelle en écrivant des romans.

Sa force de vie est communicative, je vous invite à en profiter.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui donne la parole comme on donne la main. Depuis quelques semaines, dans ce podcast, je partage avec vous la prise de conscience d'un fait prévisible et non prévu. À 82 ans, je suis vieux. Et maintenant, me suis-je dit, j'ai voulu mieux comprendre ce que cela signifiait. dit-on je suis vieux comme on dit je suis français albanais la vieillesse est appelée le continent gris dans quel territoire ai-je mis les pieds puisque je n'avais pas le choix d'y entrer ou pas j'ai voulu en avoir envie j'ai décidé de rencontrer des personnes inspirantes susceptibles de me donner le goût de ce pays Pour ce faire, j'ai cherché quelques beaux exemples d'autochtones. Vous pouvez les écouter sur ce podcast. Écoutez Nanou Chaulet-Rigolage, Julia Péré ou Claude Latrille Je vous recommande également l'entretien avec le docteur Yves Fouré. Je lui avais demandé de nous présenter le pays de la vieillesse. Aujourd'hui, je vous propose de faire la connaissance de Nicole Jeanneton-Marino, une écrivaine de 85 ans. qui a fait de sa vie un champ de fouilles qu'elle explore en tous sens pour élucider les mystères et découvrir des trésors cachés. Nicole, avant toute chose, je te remercie d'avoir accepté de témoigner pour cette enquête sur le vieillissement. Et je voudrais te demander pour commencer, comment tu es parvenue jusque là, si j'ose dire ? Es-tu arrivée sur les rivages du continent gris, les rivages de la vieillesse ? Est-ce que tu te souviens comment ça s'est passé cette affaire ? Tu venais d'où et tu allais où ?

  • Speaker #1

    Alors où je vais, je ne sais pas. Je venais de la jeunesse évidemment, mais pas de la prime jeunesse, puisque avant d'avoir 85 ans, j'en ai eu 80, et avant 80, j'en ai eu 75, et avant 75, 70, etc. Donc je venais de la jeunesse.

  • Speaker #0

    forcément et tu as estimé que la frontière de la vieillesse elle s'est située où ?

  • Speaker #1

    Alors des amis à moi disaient à partir de 80 ans on est vieux bon peut-être peut-être aussi les 5 dernières années étaient peut-être plus difficiles que avant 80 ans et

  • Speaker #0

    Avant, qu'est-ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Avant, j'étais jeune.

  • Speaker #0

    Tu as été jeune jusqu'à 80, tu penses ? C'est bien. Alors raconte-nous un peu comment s'est passée ta vie et ce que tu as fait, qui tu es en fait.

  • Speaker #1

    J'ai fait beaucoup de choses. Quand je regarde en arrière, je me dis mais c'est incroyable d'avoir fait autant de choses et autant de choses différentes. d'être allée vers l'enseignement, d'être allée d'abord vers les études, en même temps que d'avoir trois enfants, ensuite d'avoir enseigné en Allemagne à l'université, d'avoir fait du théâtre avec mes étudiants, et d'avoir finalement quitté mon mari. qui n'était pas très sage. Donc, à 40 ans, j'ai dit, bon, moi, je rentre en France avec les enfants. Ce qui est évidemment une chose terrible pour le papa, parce qu'entre l'Allemagne et puis Paris, il y avait des kilomètres. Mais enfin, on s'est quand même arrangé. De toute façon, moi, je ne voulais pas quitter mes enfants et je voulais absolument rentrer en France. Voilà, je quittais mon travail à l'université d'Augsbourg, qui était un travail qui m'intéressait beaucoup, qui était vraiment passionnant. J'étais dans un laboratoire de langue et j'apprenais aux Allemands à bien parler français. La langue française a toujours été pour moi quelque chose de très très important. D'ailleurs je continue à observer la façon dont cette malheureuse langue française est en train de péricliter. Donc voilà, je suis entrée en France et là, il fallait trouver un autre travail. Et j'ai enseigné au lycée allemand à Saint-Cloud, le français. Ce n'est pas le même niveau que l'université, mais ce n'était pas mal non plus. Et j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'a mis, je dirais... Le pied à l'étrier dans le journalisme. Quelqu'un qui écrivait pour un magazine culturel allemand en langue française, qui s'appelle toujours d'ailleurs Écoute, et qui m'a demandé de lui servir de nègre. Et au bout de quelques mois, je me suis dit quand même, je pourrais peut-être faire mieux que ça. Et comme je suis allée en Allemagne pour un procès, j'avais fait un procès à mon mari parce qu'il avait baissé la pension alimentaire, que j'ai perdue. Évidemment, la petite Française qui vient s'opposer à un professeur, enfin bref, en tout cas allemand. Les Françaises ont quand même une réputation, une mauvaise réputation par rapport aux autres femmes, je pense. Et donc, je suis allée à Munich voir le patron de ce magazine. J'étais nègre pour la personne qui le connaissait, mais je lui ai proposé des articles. C'était en 1984 et le premier article, c'était Paris le 14 juillet. Et mon dernier article, c'était à La Rochelle en 2011, Le Grand Pavoie. Donc entre 1984 et 2011, j'ai écrit des articles régulièrement pour ce magazine. Mon travail, c'était le lycée allemand, bien sûr. Alors là, j'ai été repérée par le maire du troisième arrondissement à Paris, parce que je m'étais un petit peu opposée à la façon dont ça se passait. Il y avait des motos qui roulaient sur les trottoirs dans le troisième. C'est l'arrondissement derrière le centre Pompidou. Et il m'avait repérée. Et finalement, il m'a demandé si je voulais être sur sa liste. Donc j'ai dit oui, je veux bien. Je me suis acheté un beau tailleur bleu et puis j'étais sur la liste. Comme aujourd'hui ! Oui, un peu plus clair que celui-là. Et donc, il voulait quand même des femmes sur sa liste. Il avait trois femmes. Et moi, la seule chose qui m'intéressait, c'était la culture. Donc, j'étais chargée de la culture. Et je me suis occupée des affaires culturelles dans le troisième arrondissement pendant un certain temps, qui m'a valu une belle médaille quand je suis partie.

  • Speaker #0

    Très bien, mais dis donc ça c'est une vie un peu romanesque donc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à dire c'est varié, je suis très curieuse et j'ai envie de goûter à tout, donc voilà, c'est ça.

  • Speaker #0

    Peut-être Nicole vous révélait-elle. Là, le secret de sa longévité.

  • Speaker #1

    Quand on rentrait dans cette belle mairie du 3e, on tombait sur moi. C'est-à-dire que les gens venaient beaucoup me voir, même pour des choses qui ne me concernaient pas du tout. Donc c'était des artistes qui cherchaient des appartements, qui cherchaient des ateliers. C'était toutes sortes de gens, parce que comme mon bureau était là, je faisais un petit peu l'accueil. C'était l'époque du sang contaminé. et je passais, pour aller à la mairie, je passais devant un fleuriste, et au retour, j'achetais des fleurs. Et le fleuriste a été contaminé par ce sang, et il avait fait un dossier, il avait fait une association, il avait fait un dossier. Et puis j'ai apporté le dossier au maire, il m'a demandé si je pouvais apporter le dossier, et le maire m'a dit, Ah, Nicole Marino, vous n'allez pas faire votre petite Michelle Barzac, reprenez votre dossier, ne me parlez pas de ça. Alors, je n'ai pas du tout aimé, évidemment, ce genre d'attitude. Mais bon, c'était la politique. Du coup, j'ai quitté l'école allemande et je me suis installée à Vétheuil. dans cette petite maison, et j'ai trouvé du travail dans l'enseignement catholique à Vernon. Et donc là, pour aller à Vernon, je passais par Giverny. Alors Giverny, ça a été pour moi une découverte magnifique. Oui, pas seulement ça, aussi les gens qui fréquentaient Giverny. Ça a été magnifique. Il y a le jardin de Claude Monet, qui est très connu, avec les 9éas, etc. Et puis il y a une autre maison, un peu plus loin, quand on va vers la Normandie. Et c'est une maison dans laquelle se logeaient les peintres, les jeunes peintres impressionnistes américains. Ils s'étaient installés là, c'était une buvette épicerie, et au premier étage, il y avait des petites chambres. Et ils se logeaient là, puis ils essayaient en vain de rencontrer Claude Monet, qui évidemment ça n'intéressait pas du tout de rencontrer ces jeunes-là qui le dérangeaient. Donc, mais ils passaient du bon temps, ils faisaient de la musique, en hiver sur l'Epte, ils faisaient du patin à glace, ils faisaient des fêtes, enfin ils étaient bien là-dedans. Et moi évidemment j'ai découvert cette maison. qui était un petit atelier. La personne qui s'en occupait, qui n'était pas le propriétaire, avait refait un petit atelier de peintre. Et puis c'était un jardin absolument extraordinaire. Alors un jardin privé, propriétaire privé, et un jardin en escalier, avec des petites routes, et avec des fleurs anciennes, des roses anciennes par exemple. Et un jour, je me promène, parce que je me promenais dans ce jardin, j'entends parler allemand. Et je vois un couple allemand qui était en train de parler, et moi, j'étais toujours contente de parler un peu allemand, parce que j'avais quand même passé 20 ans en Allemagne, et je parlais allemand, ça me faisait plaisir de parler allemand. Et je parle avec ces gens, et le monsieur, qui s'appelait Klaus Schoppe, me dit je suis un impressionniste Et je lui dis si vous êtes un impressionniste, il faut exposer vos tableaux ici à Giverny, si vous êtes un impressionniste Il dit oui, moi je veux bien, mais où ? Et donc j'ai parlé avec le responsable de cette maison. Et Klaus Schoeppe a proposé de payer les travaux au premier étage pour supprimer toutes les petites chambres qui étaient au premier étage pour faire une salle d'exposition. C'est ça qui s'est fait. Il a tout payé d'avance, son exposition. Moi, j'ai fait l'attaché de presse, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour qu'il ait du monde, etc. J'ai fait une jolie brochure et aussi j'avais fait des articles en champagne. Donc on a eu une bouteille de champagne avec un tableau sur la bouteille de champagne, enfin plusieurs bouteilles de champagne pour le vernissage. J'ai invité le responsable du département. Ça s'est très très bien passé. et il a vendu des tableaux donc ils sont devenus des amis ces gens là donc c'est pour ça que je dis les gens m'intéressent beaucoup tout le monde m'intéresse tout le monde m'intéresse, toi aussi tu m'intéresses L'enseignement catholique m'a dit, vous avez une maîtrise de lettres, vous avez une licence d'allemand, mais il faudrait un CAPES. Si vous voulez vraiment avoir un poste, il faut passer un CAPES. Donc j'ai préparé un CAPES. Et je l'ai réussi avec un peu de mal, pas la première fois, la deuxième fois. Et là, pour valider le CAPES, il fallait que je quitte Vernon, parce qu'à Vernon c'était un lycée professionnel. pour valider le CAPES, il fallait aller dans un lycée d'enseignement général. Et je me suis retrouvée avec une partie des heures à Vernon. Mais alors, une partie des heures à Royman Maison, au lycée Passy-Saint-Nicolas-Businval. Alors là, c'était notre ambiance. C'était pas la même ambiance. Et entre-temps, j'étais rentrée à la CFDT. J'étais donc responsable déléguée syndicale de la CFDT à Passy-Businval. Ce qui ne plaisait pas beaucoup aux gens à la direction. Mais ça m'était égal.

  • Speaker #0

    Et ensuite ?

  • Speaker #1

    Et ensuite, j'ai rencontré mon futur mari. Ah, j'ai interviewé. Je faisais à l'époque des interviews. Chaque mois, j'interviewais une nouvelle personne. Et chaque fois, c'était sur le métier. C'était une rubrique. Ça s'appelait De vous à nous Donc, je me suis dit, j'ai jamais interviewé de postier. Pourquoi pas un postier ? D'autant plus que le postier était sympathique, beau garçon et sympathique. Ce qui ne gâche rien. Donc je l'ai interviewé, et puis il m'a d'abord dit qu'il aurait beaucoup de mal à parler, et finalement il parlait, il parlait, il parlait, il parlait, et puis là on a fait connaissance un petit peu plus, et puis on s'est dit bon, on pourrait peut-être faire un bout de chemin ensemble.

  • Speaker #0

    Ça a matché.

  • Speaker #1

    Exactement, ça a matché. Bon. Et il m'a emmenée à La Rochelle. Et ? Oui, alors à La Rochelle, j'avais trois numéros de téléphone de trois femmes. C'était une amie de Paris qui m'a dit, j'ai deux amis, je peux te donner leur numéro de téléphone. Et puis quelqu'un d'autre, parce que j'avais fait des études pour préparer le CAPES, j'étais allée à Angers. Puis la personne qui m'avait logée connaissait quelqu'un à La Rochelle, Colette Davaz, et elle m'a donné ce numéro de téléphone. Et je suis allée voir ces dames, ces trois dames, je leur ai téléphoné, arrivée ici, j'arrive à La Rochelle. J'essaye de faire connaissance et puis Colette m'a tout de suite, alors elle m'a adoubée tout de suite comme féministe et elle m'a dit là on va faire des choses ensemble, on va faire des belles choses à la rochelle. Elle était tout de suite embarquée là-dedans, dans le féminisme là. J'étais féministe intérieurement, évidemment, puisque j'avais divorcé et j'en voulais un petit peu à certains hommes, pas à tous. Je n'étais pas réfractaire à des rencontres quand même. Je n'étais pas toujours toute seule, heureusement. Mais quand même, le féminisme m'intéressait. J'avais interviewé Benoît de Groux, par exemple, et puis j'ai eu des relations avec des femmes qui m'ont expliqué aussi tout ça. Parce que je ne savais pas grand-chose. En Allemagne, je ne m'occupais pas du tout de féminisme quand j'étais là-bas. Donc ça, c'était une époque très intéressante. Ensuite, ma mère est décédée et j'ai pensé que je pouvais continuer à écrire d'autres choses. Et puis de me lancer, grâce à Colette Dabas, à me lancer dans un salon du livre féminin.

  • Speaker #0

    Autre action, je ne sais pas si on peut la qualifier de militante, mais… Si,

  • Speaker #1

    tout à fait. C'est tout à fait militante parce que c'était pour donner la parole aux femmes. parce qu'on avait remarqué que les personnes qui lisaient beaucoup, c'était des femmes, mais les autrices, il n'y en avait pas beaucoup. En tout cas, elles n'étaient pas reconnues. On disait, alors je me suis fait mettre en boîte par une abominable journaliste qui nous trouvait ridicules parce qu'on voulait dire des écrivaines ou des autrices. Et donc, on l'a fait quand même et on a travaillé un petit peu avec Caligramme. Et aussi avec une autre libraire, Uriel Moulin, qui est à Courson et qui nous a aussi bien soutenus dans cette action-là. Et puis en 2018, j'ai dit aux personnes qui travaillaient avec moi, puisque c'était une association, Femmes pro-solidaire, Je leur ai dit, écoutez, l'année prochaine, je vais avoir 80 ans. Et je commence à me fatiguer un petit peu. Je voudrais bien que quelqu'un reprenne le salon. Et là, ça a été très difficile. Exactement, ça a commencé par le livre sur ma mère, ensuite j'ai écrit un livre sur... Non, le livre, j'ai raconté dans le livre la phase où nos parents deviennent nos enfants. C'est ça la question que j'ai découverte, c'est une chose que j'ai découverte, je ne m'y attendais pas du tout. Et je me suis rendu compte qu'il fallait que je sois la mère de ma mère. Et ma mère m'a dit un jour en riant, tu vois tu n'avais pas de fille, maintenant tu m'as moi. Elle a tout à fait compris que je la prenais en charge, comme si elle était ma fille. Je me suis rendue compte qu'à un certain moment, on a besoin d'aide. C'est ça le problème, c'est qu'on perd son autonomie, sauf si on a un infarctus et on tombe par terre et on n'arrive pas jusqu'à cette phase-là. Mais là, je viens de rencontrer une amie d'enfance, il y a deux jours, je suis allée la voir, elle est devenue complètement dépendante de son mari. Et ça m'a beaucoup inquiétée de voir ça. C'est une fille qui m'avait aidée aussi pour le salon. Elle était très forte en informatique. Et là, elle est complètement dépendante. Il lui a même pris son téléphone. Il a dit, tu n'as plus besoin de téléphone parce que tu perds ton téléphone. Alors il m'a dit, si tu veux lui téléphoner, tu me téléphones à moi et puis je te la passerai. Et là, ça m'a beaucoup choquée, évidemment.

  • Speaker #0

    Bon, là, avec l'accompagnement de ta maman, avec le travail que tu as fait à l'intérieur de l'institution dans laquelle elle était, tu as commencé à prendre conscience de la réalité de ce qu'était la vieillesse. psychologiquement, physiquement,

  • Speaker #1

    socialement. Bien sûr, bien sûr. Et j'ai interviewé aussi d'autres personnes qui étaient dans cette maison de retraite aussi. J'ai parlé avec une femme qui était une ancienne danseuse, petite femme, qui appelait tout le temps pour qu'on lui change sa poche. Et donc, c'était vraiment très, très triste de voir ça. J'ai parlé aussi avec une dame qui m'a dit qu'elle avait eu un amant dans la maison de retraite. C'était une ancienne infirmière, c'était très sympathique, très amusant. Il y avait toutes sortes de personnes dans cette maison de retraite. Il y avait quelqu'un qui est venu jouer du piano aussi pour son père, et puis j'ai parlé avec le père et puis avec la fille. Je parlais tout le temps avec les gens, avec d'autres personnes qui étaient âgées. Ça m'intéressait beaucoup de parler avec ces personnes.

  • Speaker #0

    Il y a eu le scandale sur l'Orpéa. L'Orpéa, oui.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il avait raison de le dire. Malheureusement, ce que j'ai par rapport à moi, c'est que quand je fais un salon maintenant, mon livre ne se vend plus du tout, parce qu'il est trop soft. Par rapport à ce que les gens ont déjà lu, ils ont acheté les faussoyeurs. Et maintenant, ils voient ma mère, mon enfant, avec une dame avec un chapeau de soleil, un chapeau de paille, et puis souriante, et puis ils me voient. Je ne correspond plus à ce que les gens attendent par rapport à la maison de retraite. Non, justement, là, j'ai continué à écrire. J'ai commencé par des nouvelles, puisque les personnes que j'avais interviewées tout le long des 20 années qui étaient passées m'avaient raconté non seulement leur métier, mais m'avaient aussi raconté beaucoup de choses intimes. Donc j'ai écrit des nouvelles en me basant, en me servant de toutes ces informations que j'avais récoltées, mais évidemment en les mélangeant, en les changeant de pays, et aussi des choses que moi j'avais vécues, et que j'ai mises ailleurs. Donc ça a fait 26 nouvelles, ce qui était beaucoup, c'est trop pour un livre en réalité. Et ce livre-là, ça s'appelle La chevelure dorée Parce que c'est l'histoire, la première histoire, c'est une femme qui avait perdu sa fille, enfin son mari avait kidnappé la fille, ex-mari avait kidnappé sa fille, et elle l'a retrouvée dans la rue grâce à sa chevelure dorée, blonde qui brillait au soleil. Ça, elle m'a raconté comme ça. Donc j'ai raconté. Oui, c'est drôle, mais alors j'ai mis cette chose-là à la rochelle. Je me suis dit, je vais mettre quelque chose à la Rochelle, parce que j'ai trouvé une chose qui m'a beaucoup chagrinée, c'est que les Rochelais ne s'intéressent qu'aux Rochelais. Moi, je suis vraiment sidérée par ça, alors que moi, je me sens vraiment... international, puisque j'ai vécu en Suisse, j'ai vécu aux Etats-Unis, j'ai vécu en Allemagne, j'ai vécu en France, et je m'intéresse à tous ces pays-là et à tous ces gens. Mais quand on raconte ici une histoire qui s'est passée à Paris, les gens s'en fichent complètement. Ils veulent de la Charente-Maritime.

  • Speaker #0

    Mais tu as l'air quand même de ta mère.

  • Speaker #1

    Oui, grâce aux gens, parce qu'il y a des gens qui sont quand même intéressants.

  • Speaker #0

    C'est important que tu dises un mot de ce livre, ce beau livre, comme tu dis.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Si ça les intéresse, ils peuvent te contacter.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais dans le pitch du livre, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Alors le livre, ça commence en 1938, c'est-à-dire un petit peu avant la déclaration de guerre. C'est le moment où mon père a été enrôlé dans l'armée et il se termine en 1945, quand mon père est rentré d'Allemagne, puisque mon père a été fait prisonnier. Et j'ai voulu faire non seulement l'histoire de ma... ma famille pendant la guerre, l'histoire de mon père en Allemagne, prisonnier dans une ferme. Et puis je suis allée, alors j'ai commencé en 2014, en 2016 je suis allée, j'ai traîné mon mari en Allemagne, il n'était pas tranquille, il pensait qu'il serait mal accueilli, mais en tout cas on a été très très bien accueillis évidemment. Et puis comme je parle allemand, c'est quand même plus facile. Alors on est allé jusque dans le nord de l'Allemagne et puis on a rencontré des gens tout à fait charmants, des gens qui s'intéressaient au patrimoine. j'ai eu des articles dans les journaux, avec des photos, la petite française, la fille d'un prisonnier qui vient sur les traces de son père, etc. Donc ça, c'était super. C'était en 2016, et en 2018, le livre était terminé. Donc le livre a mis 4 ans. Et il fait 521 pages. Beaucoup de travail. Puisque j'ai trouvé, quand ma mère est décédée, une petite boîte. dans laquelle il y avait 299 lettres de mes parents pendant la guerre. Parce que, bizarrement, les Allemands permettaient aux prisonniers de communiquer avec leur famille. Et donc, j'ai trié ces lettres, je les ai toutes lues, évidemment, je les ai triées, et j'en ai mis quelques-unes dans le livre. Je me suis servi des lettres. Ma mère avait écrit un journal, donc je me suis servi aussi de ce journal. Et elle avait écrit toutes sortes de choses sur des petits papiers. Mais ça me suit un... Un livre qui m'a prise vraiment complètement. Le soir, j'avais du mal à m'endormir, je cherchais des idées, comment il fallait présenter. Puis j'avais des énigmes dans le livre qu'il fallait résoudre, des choses que je ne comprenais pas. Par exemple, à la fin de la guerre, mon père envoie en avril 1945 un télégramme de Lille. Et sur le télégramme, il écrit, enfin ce n'est pas lui qui l'avait écrit sans doute. bonne santé, retour imminent. Et pendant un mois, il n'est pas là. Et j'ai essayé de savoir ce qui s'était passé pendant ce mois-là. Il ne vient qu'un mois plus tard. Donc ça, je l'ai aussi raconté, mais je l'ai ressenti aussi moi. C'est aussi l'idée de faire revivre des gens qui sont morts. Ce que mes enfants m'ont reproché. J'ai un fils qui est journaliste à la télévision à Toulouse. Il m'a dit Maman, pourquoi tu racontes la vie des gens qui sont morts ? Tu pourrais bien parler de nous pour changer, qui sommes vivants.

  • Speaker #0

    Sociologue et philosophe Edgar Morin a dit Pour bienveillir, il faut garder en soi les curiosités de l'enfance, les aspirations de l'adolescence, les responsabilités de l'adulte, et dans le vieillissement, essayer d'extraire l'expérience des âges précédents. Et toi Nicole, quel est le message que tu souhaiterais transmettre à tes enfants, petits-enfants, à la génération qui nous suit ?

  • Speaker #1

    Mon message, moi, je dirais dans ma vie, c'est l'ouverture aux autres, rencontrer les gens, s'intéresser aux autres. Et puis ensuite, la langue, la langue française. C'est très important de bien parler français, de s'intéresser aux mots et puis la musique. Je voudrais que... Je serais très heureuse si tout le monde faisait de la musique, parce que je trouve que la musique fait beaucoup de bien. Je joue du piano tous les matins à demi-heure. J'ai un professeur de piano, et je trouve que ça, c'est très important. La musique est très importante.

  • Speaker #0

    J'en suis convaincu. Tu es vraiment un exemple de personne âgée, puisque c'est un cadre d'identité rédite, qui n'a rien perdu de sa vitalité et de son envie de vivre.

  • Speaker #1

    Ah oui, bien sûr, j'ai envie de vivre. Évidemment, je n'ai pas envie de vivre comme ma mère à la fin, puisqu'elle a vécu jusqu'à 99 ans. Là, j'ai trouvé qu'à la fin... Vraiment, ça ne valait plus tellement la peine pour elle de vivre, parce qu'elle était recroquevillée dans son lit, et puis c'était très triste.

  • Speaker #0

    Sinon, par rapport au débat sur la fin de vie actuelle, est-ce que tu as une position tranchée, toi ?

  • Speaker #1

    Oui, moi je suis pour les soins palliatifs. Et d'ailleurs, j'ai un très bon ami qui était directeur des soins palliatifs à l'hôpital Beaujon, à Paris, le docteur Charles Jousselin, et qui m'a bien expliqué comment ça se passait dans les soins palliatifs. Et j'ai une amie aussi qui a eu une équipe de soins palliatifs qui sont venues à domicile quand sa mère était sur le point de mourir et qui m'a expliqué comment ça s'était passé. Je trouvais que c'était extraordinaire. Maintenant, il faut de l'argent pour les soins palliatifs. Maintenant, s'il y a des gens qui veulent mourir, pourquoi pas ? S'ils ont envie de mourir, moi j'ai rien contre.

  • Speaker #0

    Le suicide assisté ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, j'ai rien contre. C'est leur liberté. C'était l'Église qui empêchait les gens de se suicider. Ils disaient, si vous vous suicidez, vous irez en enfer. Mais bon, on a dépassé ça, heureusement.

  • Speaker #2

    Merci à toi Nicole pour ta spontanéité, ta liberté de ton. Merci à toi pour l'exemple de vitalité que tu nous donnes. Le continent de la vieillesse, le continent gris, a décidément de beaux couchers de soleil. Si à votre tour vous voulez témoigner, écrivez-moi patricemarcade.com Je vous remercie de votre écoute et vous dis à bientôt.

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Description

Le parcours de vie de Nicole Jeanneton-Marino, pour qui sait l'écouter et le lire, recèle le secret de la longévité et d'une vieillesse heureuse.

A 85 ans Nicole nous confie les étapes d'une vie "romanesque" et internationale qu'elle poursuit à La Rochelle en écrivant des romans.

Sa force de vie est communicative, je vous invite à en profiter.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui donne la parole comme on donne la main. Depuis quelques semaines, dans ce podcast, je partage avec vous la prise de conscience d'un fait prévisible et non prévu. À 82 ans, je suis vieux. Et maintenant, me suis-je dit, j'ai voulu mieux comprendre ce que cela signifiait. dit-on je suis vieux comme on dit je suis français albanais la vieillesse est appelée le continent gris dans quel territoire ai-je mis les pieds puisque je n'avais pas le choix d'y entrer ou pas j'ai voulu en avoir envie j'ai décidé de rencontrer des personnes inspirantes susceptibles de me donner le goût de ce pays Pour ce faire, j'ai cherché quelques beaux exemples d'autochtones. Vous pouvez les écouter sur ce podcast. Écoutez Nanou Chaulet-Rigolage, Julia Péré ou Claude Latrille Je vous recommande également l'entretien avec le docteur Yves Fouré. Je lui avais demandé de nous présenter le pays de la vieillesse. Aujourd'hui, je vous propose de faire la connaissance de Nicole Jeanneton-Marino, une écrivaine de 85 ans. qui a fait de sa vie un champ de fouilles qu'elle explore en tous sens pour élucider les mystères et découvrir des trésors cachés. Nicole, avant toute chose, je te remercie d'avoir accepté de témoigner pour cette enquête sur le vieillissement. Et je voudrais te demander pour commencer, comment tu es parvenue jusque là, si j'ose dire ? Es-tu arrivée sur les rivages du continent gris, les rivages de la vieillesse ? Est-ce que tu te souviens comment ça s'est passé cette affaire ? Tu venais d'où et tu allais où ?

  • Speaker #1

    Alors où je vais, je ne sais pas. Je venais de la jeunesse évidemment, mais pas de la prime jeunesse, puisque avant d'avoir 85 ans, j'en ai eu 80, et avant 80, j'en ai eu 75, et avant 75, 70, etc. Donc je venais de la jeunesse.

  • Speaker #0

    forcément et tu as estimé que la frontière de la vieillesse elle s'est située où ?

  • Speaker #1

    Alors des amis à moi disaient à partir de 80 ans on est vieux bon peut-être peut-être aussi les 5 dernières années étaient peut-être plus difficiles que avant 80 ans et

  • Speaker #0

    Avant, qu'est-ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Avant, j'étais jeune.

  • Speaker #0

    Tu as été jeune jusqu'à 80, tu penses ? C'est bien. Alors raconte-nous un peu comment s'est passée ta vie et ce que tu as fait, qui tu es en fait.

  • Speaker #1

    J'ai fait beaucoup de choses. Quand je regarde en arrière, je me dis mais c'est incroyable d'avoir fait autant de choses et autant de choses différentes. d'être allée vers l'enseignement, d'être allée d'abord vers les études, en même temps que d'avoir trois enfants, ensuite d'avoir enseigné en Allemagne à l'université, d'avoir fait du théâtre avec mes étudiants, et d'avoir finalement quitté mon mari. qui n'était pas très sage. Donc, à 40 ans, j'ai dit, bon, moi, je rentre en France avec les enfants. Ce qui est évidemment une chose terrible pour le papa, parce qu'entre l'Allemagne et puis Paris, il y avait des kilomètres. Mais enfin, on s'est quand même arrangé. De toute façon, moi, je ne voulais pas quitter mes enfants et je voulais absolument rentrer en France. Voilà, je quittais mon travail à l'université d'Augsbourg, qui était un travail qui m'intéressait beaucoup, qui était vraiment passionnant. J'étais dans un laboratoire de langue et j'apprenais aux Allemands à bien parler français. La langue française a toujours été pour moi quelque chose de très très important. D'ailleurs je continue à observer la façon dont cette malheureuse langue française est en train de péricliter. Donc voilà, je suis entrée en France et là, il fallait trouver un autre travail. Et j'ai enseigné au lycée allemand à Saint-Cloud, le français. Ce n'est pas le même niveau que l'université, mais ce n'était pas mal non plus. Et j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'a mis, je dirais... Le pied à l'étrier dans le journalisme. Quelqu'un qui écrivait pour un magazine culturel allemand en langue française, qui s'appelle toujours d'ailleurs Écoute, et qui m'a demandé de lui servir de nègre. Et au bout de quelques mois, je me suis dit quand même, je pourrais peut-être faire mieux que ça. Et comme je suis allée en Allemagne pour un procès, j'avais fait un procès à mon mari parce qu'il avait baissé la pension alimentaire, que j'ai perdue. Évidemment, la petite Française qui vient s'opposer à un professeur, enfin bref, en tout cas allemand. Les Françaises ont quand même une réputation, une mauvaise réputation par rapport aux autres femmes, je pense. Et donc, je suis allée à Munich voir le patron de ce magazine. J'étais nègre pour la personne qui le connaissait, mais je lui ai proposé des articles. C'était en 1984 et le premier article, c'était Paris le 14 juillet. Et mon dernier article, c'était à La Rochelle en 2011, Le Grand Pavoie. Donc entre 1984 et 2011, j'ai écrit des articles régulièrement pour ce magazine. Mon travail, c'était le lycée allemand, bien sûr. Alors là, j'ai été repérée par le maire du troisième arrondissement à Paris, parce que je m'étais un petit peu opposée à la façon dont ça se passait. Il y avait des motos qui roulaient sur les trottoirs dans le troisième. C'est l'arrondissement derrière le centre Pompidou. Et il m'avait repérée. Et finalement, il m'a demandé si je voulais être sur sa liste. Donc j'ai dit oui, je veux bien. Je me suis acheté un beau tailleur bleu et puis j'étais sur la liste. Comme aujourd'hui ! Oui, un peu plus clair que celui-là. Et donc, il voulait quand même des femmes sur sa liste. Il avait trois femmes. Et moi, la seule chose qui m'intéressait, c'était la culture. Donc, j'étais chargée de la culture. Et je me suis occupée des affaires culturelles dans le troisième arrondissement pendant un certain temps, qui m'a valu une belle médaille quand je suis partie.

  • Speaker #0

    Très bien, mais dis donc ça c'est une vie un peu romanesque donc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à dire c'est varié, je suis très curieuse et j'ai envie de goûter à tout, donc voilà, c'est ça.

  • Speaker #0

    Peut-être Nicole vous révélait-elle. Là, le secret de sa longévité.

  • Speaker #1

    Quand on rentrait dans cette belle mairie du 3e, on tombait sur moi. C'est-à-dire que les gens venaient beaucoup me voir, même pour des choses qui ne me concernaient pas du tout. Donc c'était des artistes qui cherchaient des appartements, qui cherchaient des ateliers. C'était toutes sortes de gens, parce que comme mon bureau était là, je faisais un petit peu l'accueil. C'était l'époque du sang contaminé. et je passais, pour aller à la mairie, je passais devant un fleuriste, et au retour, j'achetais des fleurs. Et le fleuriste a été contaminé par ce sang, et il avait fait un dossier, il avait fait une association, il avait fait un dossier. Et puis j'ai apporté le dossier au maire, il m'a demandé si je pouvais apporter le dossier, et le maire m'a dit, Ah, Nicole Marino, vous n'allez pas faire votre petite Michelle Barzac, reprenez votre dossier, ne me parlez pas de ça. Alors, je n'ai pas du tout aimé, évidemment, ce genre d'attitude. Mais bon, c'était la politique. Du coup, j'ai quitté l'école allemande et je me suis installée à Vétheuil. dans cette petite maison, et j'ai trouvé du travail dans l'enseignement catholique à Vernon. Et donc là, pour aller à Vernon, je passais par Giverny. Alors Giverny, ça a été pour moi une découverte magnifique. Oui, pas seulement ça, aussi les gens qui fréquentaient Giverny. Ça a été magnifique. Il y a le jardin de Claude Monet, qui est très connu, avec les 9éas, etc. Et puis il y a une autre maison, un peu plus loin, quand on va vers la Normandie. Et c'est une maison dans laquelle se logeaient les peintres, les jeunes peintres impressionnistes américains. Ils s'étaient installés là, c'était une buvette épicerie, et au premier étage, il y avait des petites chambres. Et ils se logeaient là, puis ils essayaient en vain de rencontrer Claude Monet, qui évidemment ça n'intéressait pas du tout de rencontrer ces jeunes-là qui le dérangeaient. Donc, mais ils passaient du bon temps, ils faisaient de la musique, en hiver sur l'Epte, ils faisaient du patin à glace, ils faisaient des fêtes, enfin ils étaient bien là-dedans. Et moi évidemment j'ai découvert cette maison. qui était un petit atelier. La personne qui s'en occupait, qui n'était pas le propriétaire, avait refait un petit atelier de peintre. Et puis c'était un jardin absolument extraordinaire. Alors un jardin privé, propriétaire privé, et un jardin en escalier, avec des petites routes, et avec des fleurs anciennes, des roses anciennes par exemple. Et un jour, je me promène, parce que je me promenais dans ce jardin, j'entends parler allemand. Et je vois un couple allemand qui était en train de parler, et moi, j'étais toujours contente de parler un peu allemand, parce que j'avais quand même passé 20 ans en Allemagne, et je parlais allemand, ça me faisait plaisir de parler allemand. Et je parle avec ces gens, et le monsieur, qui s'appelait Klaus Schoppe, me dit je suis un impressionniste Et je lui dis si vous êtes un impressionniste, il faut exposer vos tableaux ici à Giverny, si vous êtes un impressionniste Il dit oui, moi je veux bien, mais où ? Et donc j'ai parlé avec le responsable de cette maison. Et Klaus Schoeppe a proposé de payer les travaux au premier étage pour supprimer toutes les petites chambres qui étaient au premier étage pour faire une salle d'exposition. C'est ça qui s'est fait. Il a tout payé d'avance, son exposition. Moi, j'ai fait l'attaché de presse, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour qu'il ait du monde, etc. J'ai fait une jolie brochure et aussi j'avais fait des articles en champagne. Donc on a eu une bouteille de champagne avec un tableau sur la bouteille de champagne, enfin plusieurs bouteilles de champagne pour le vernissage. J'ai invité le responsable du département. Ça s'est très très bien passé. et il a vendu des tableaux donc ils sont devenus des amis ces gens là donc c'est pour ça que je dis les gens m'intéressent beaucoup tout le monde m'intéresse tout le monde m'intéresse, toi aussi tu m'intéresses L'enseignement catholique m'a dit, vous avez une maîtrise de lettres, vous avez une licence d'allemand, mais il faudrait un CAPES. Si vous voulez vraiment avoir un poste, il faut passer un CAPES. Donc j'ai préparé un CAPES. Et je l'ai réussi avec un peu de mal, pas la première fois, la deuxième fois. Et là, pour valider le CAPES, il fallait que je quitte Vernon, parce qu'à Vernon c'était un lycée professionnel. pour valider le CAPES, il fallait aller dans un lycée d'enseignement général. Et je me suis retrouvée avec une partie des heures à Vernon. Mais alors, une partie des heures à Royman Maison, au lycée Passy-Saint-Nicolas-Businval. Alors là, c'était notre ambiance. C'était pas la même ambiance. Et entre-temps, j'étais rentrée à la CFDT. J'étais donc responsable déléguée syndicale de la CFDT à Passy-Businval. Ce qui ne plaisait pas beaucoup aux gens à la direction. Mais ça m'était égal.

  • Speaker #0

    Et ensuite ?

  • Speaker #1

    Et ensuite, j'ai rencontré mon futur mari. Ah, j'ai interviewé. Je faisais à l'époque des interviews. Chaque mois, j'interviewais une nouvelle personne. Et chaque fois, c'était sur le métier. C'était une rubrique. Ça s'appelait De vous à nous Donc, je me suis dit, j'ai jamais interviewé de postier. Pourquoi pas un postier ? D'autant plus que le postier était sympathique, beau garçon et sympathique. Ce qui ne gâche rien. Donc je l'ai interviewé, et puis il m'a d'abord dit qu'il aurait beaucoup de mal à parler, et finalement il parlait, il parlait, il parlait, il parlait, et puis là on a fait connaissance un petit peu plus, et puis on s'est dit bon, on pourrait peut-être faire un bout de chemin ensemble.

  • Speaker #0

    Ça a matché.

  • Speaker #1

    Exactement, ça a matché. Bon. Et il m'a emmenée à La Rochelle. Et ? Oui, alors à La Rochelle, j'avais trois numéros de téléphone de trois femmes. C'était une amie de Paris qui m'a dit, j'ai deux amis, je peux te donner leur numéro de téléphone. Et puis quelqu'un d'autre, parce que j'avais fait des études pour préparer le CAPES, j'étais allée à Angers. Puis la personne qui m'avait logée connaissait quelqu'un à La Rochelle, Colette Davaz, et elle m'a donné ce numéro de téléphone. Et je suis allée voir ces dames, ces trois dames, je leur ai téléphoné, arrivée ici, j'arrive à La Rochelle. J'essaye de faire connaissance et puis Colette m'a tout de suite, alors elle m'a adoubée tout de suite comme féministe et elle m'a dit là on va faire des choses ensemble, on va faire des belles choses à la rochelle. Elle était tout de suite embarquée là-dedans, dans le féminisme là. J'étais féministe intérieurement, évidemment, puisque j'avais divorcé et j'en voulais un petit peu à certains hommes, pas à tous. Je n'étais pas réfractaire à des rencontres quand même. Je n'étais pas toujours toute seule, heureusement. Mais quand même, le féminisme m'intéressait. J'avais interviewé Benoît de Groux, par exemple, et puis j'ai eu des relations avec des femmes qui m'ont expliqué aussi tout ça. Parce que je ne savais pas grand-chose. En Allemagne, je ne m'occupais pas du tout de féminisme quand j'étais là-bas. Donc ça, c'était une époque très intéressante. Ensuite, ma mère est décédée et j'ai pensé que je pouvais continuer à écrire d'autres choses. Et puis de me lancer, grâce à Colette Dabas, à me lancer dans un salon du livre féminin.

  • Speaker #0

    Autre action, je ne sais pas si on peut la qualifier de militante, mais… Si,

  • Speaker #1

    tout à fait. C'est tout à fait militante parce que c'était pour donner la parole aux femmes. parce qu'on avait remarqué que les personnes qui lisaient beaucoup, c'était des femmes, mais les autrices, il n'y en avait pas beaucoup. En tout cas, elles n'étaient pas reconnues. On disait, alors je me suis fait mettre en boîte par une abominable journaliste qui nous trouvait ridicules parce qu'on voulait dire des écrivaines ou des autrices. Et donc, on l'a fait quand même et on a travaillé un petit peu avec Caligramme. Et aussi avec une autre libraire, Uriel Moulin, qui est à Courson et qui nous a aussi bien soutenus dans cette action-là. Et puis en 2018, j'ai dit aux personnes qui travaillaient avec moi, puisque c'était une association, Femmes pro-solidaire, Je leur ai dit, écoutez, l'année prochaine, je vais avoir 80 ans. Et je commence à me fatiguer un petit peu. Je voudrais bien que quelqu'un reprenne le salon. Et là, ça a été très difficile. Exactement, ça a commencé par le livre sur ma mère, ensuite j'ai écrit un livre sur... Non, le livre, j'ai raconté dans le livre la phase où nos parents deviennent nos enfants. C'est ça la question que j'ai découverte, c'est une chose que j'ai découverte, je ne m'y attendais pas du tout. Et je me suis rendu compte qu'il fallait que je sois la mère de ma mère. Et ma mère m'a dit un jour en riant, tu vois tu n'avais pas de fille, maintenant tu m'as moi. Elle a tout à fait compris que je la prenais en charge, comme si elle était ma fille. Je me suis rendue compte qu'à un certain moment, on a besoin d'aide. C'est ça le problème, c'est qu'on perd son autonomie, sauf si on a un infarctus et on tombe par terre et on n'arrive pas jusqu'à cette phase-là. Mais là, je viens de rencontrer une amie d'enfance, il y a deux jours, je suis allée la voir, elle est devenue complètement dépendante de son mari. Et ça m'a beaucoup inquiétée de voir ça. C'est une fille qui m'avait aidée aussi pour le salon. Elle était très forte en informatique. Et là, elle est complètement dépendante. Il lui a même pris son téléphone. Il a dit, tu n'as plus besoin de téléphone parce que tu perds ton téléphone. Alors il m'a dit, si tu veux lui téléphoner, tu me téléphones à moi et puis je te la passerai. Et là, ça m'a beaucoup choquée, évidemment.

  • Speaker #0

    Bon, là, avec l'accompagnement de ta maman, avec le travail que tu as fait à l'intérieur de l'institution dans laquelle elle était, tu as commencé à prendre conscience de la réalité de ce qu'était la vieillesse. psychologiquement, physiquement,

  • Speaker #1

    socialement. Bien sûr, bien sûr. Et j'ai interviewé aussi d'autres personnes qui étaient dans cette maison de retraite aussi. J'ai parlé avec une femme qui était une ancienne danseuse, petite femme, qui appelait tout le temps pour qu'on lui change sa poche. Et donc, c'était vraiment très, très triste de voir ça. J'ai parlé aussi avec une dame qui m'a dit qu'elle avait eu un amant dans la maison de retraite. C'était une ancienne infirmière, c'était très sympathique, très amusant. Il y avait toutes sortes de personnes dans cette maison de retraite. Il y avait quelqu'un qui est venu jouer du piano aussi pour son père, et puis j'ai parlé avec le père et puis avec la fille. Je parlais tout le temps avec les gens, avec d'autres personnes qui étaient âgées. Ça m'intéressait beaucoup de parler avec ces personnes.

  • Speaker #0

    Il y a eu le scandale sur l'Orpéa. L'Orpéa, oui.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il avait raison de le dire. Malheureusement, ce que j'ai par rapport à moi, c'est que quand je fais un salon maintenant, mon livre ne se vend plus du tout, parce qu'il est trop soft. Par rapport à ce que les gens ont déjà lu, ils ont acheté les faussoyeurs. Et maintenant, ils voient ma mère, mon enfant, avec une dame avec un chapeau de soleil, un chapeau de paille, et puis souriante, et puis ils me voient. Je ne correspond plus à ce que les gens attendent par rapport à la maison de retraite. Non, justement, là, j'ai continué à écrire. J'ai commencé par des nouvelles, puisque les personnes que j'avais interviewées tout le long des 20 années qui étaient passées m'avaient raconté non seulement leur métier, mais m'avaient aussi raconté beaucoup de choses intimes. Donc j'ai écrit des nouvelles en me basant, en me servant de toutes ces informations que j'avais récoltées, mais évidemment en les mélangeant, en les changeant de pays, et aussi des choses que moi j'avais vécues, et que j'ai mises ailleurs. Donc ça a fait 26 nouvelles, ce qui était beaucoup, c'est trop pour un livre en réalité. Et ce livre-là, ça s'appelle La chevelure dorée Parce que c'est l'histoire, la première histoire, c'est une femme qui avait perdu sa fille, enfin son mari avait kidnappé la fille, ex-mari avait kidnappé sa fille, et elle l'a retrouvée dans la rue grâce à sa chevelure dorée, blonde qui brillait au soleil. Ça, elle m'a raconté comme ça. Donc j'ai raconté. Oui, c'est drôle, mais alors j'ai mis cette chose-là à la rochelle. Je me suis dit, je vais mettre quelque chose à la Rochelle, parce que j'ai trouvé une chose qui m'a beaucoup chagrinée, c'est que les Rochelais ne s'intéressent qu'aux Rochelais. Moi, je suis vraiment sidérée par ça, alors que moi, je me sens vraiment... international, puisque j'ai vécu en Suisse, j'ai vécu aux Etats-Unis, j'ai vécu en Allemagne, j'ai vécu en France, et je m'intéresse à tous ces pays-là et à tous ces gens. Mais quand on raconte ici une histoire qui s'est passée à Paris, les gens s'en fichent complètement. Ils veulent de la Charente-Maritime.

  • Speaker #0

    Mais tu as l'air quand même de ta mère.

  • Speaker #1

    Oui, grâce aux gens, parce qu'il y a des gens qui sont quand même intéressants.

  • Speaker #0

    C'est important que tu dises un mot de ce livre, ce beau livre, comme tu dis.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Si ça les intéresse, ils peuvent te contacter.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais dans le pitch du livre, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Alors le livre, ça commence en 1938, c'est-à-dire un petit peu avant la déclaration de guerre. C'est le moment où mon père a été enrôlé dans l'armée et il se termine en 1945, quand mon père est rentré d'Allemagne, puisque mon père a été fait prisonnier. Et j'ai voulu faire non seulement l'histoire de ma... ma famille pendant la guerre, l'histoire de mon père en Allemagne, prisonnier dans une ferme. Et puis je suis allée, alors j'ai commencé en 2014, en 2016 je suis allée, j'ai traîné mon mari en Allemagne, il n'était pas tranquille, il pensait qu'il serait mal accueilli, mais en tout cas on a été très très bien accueillis évidemment. Et puis comme je parle allemand, c'est quand même plus facile. Alors on est allé jusque dans le nord de l'Allemagne et puis on a rencontré des gens tout à fait charmants, des gens qui s'intéressaient au patrimoine. j'ai eu des articles dans les journaux, avec des photos, la petite française, la fille d'un prisonnier qui vient sur les traces de son père, etc. Donc ça, c'était super. C'était en 2016, et en 2018, le livre était terminé. Donc le livre a mis 4 ans. Et il fait 521 pages. Beaucoup de travail. Puisque j'ai trouvé, quand ma mère est décédée, une petite boîte. dans laquelle il y avait 299 lettres de mes parents pendant la guerre. Parce que, bizarrement, les Allemands permettaient aux prisonniers de communiquer avec leur famille. Et donc, j'ai trié ces lettres, je les ai toutes lues, évidemment, je les ai triées, et j'en ai mis quelques-unes dans le livre. Je me suis servi des lettres. Ma mère avait écrit un journal, donc je me suis servi aussi de ce journal. Et elle avait écrit toutes sortes de choses sur des petits papiers. Mais ça me suit un... Un livre qui m'a prise vraiment complètement. Le soir, j'avais du mal à m'endormir, je cherchais des idées, comment il fallait présenter. Puis j'avais des énigmes dans le livre qu'il fallait résoudre, des choses que je ne comprenais pas. Par exemple, à la fin de la guerre, mon père envoie en avril 1945 un télégramme de Lille. Et sur le télégramme, il écrit, enfin ce n'est pas lui qui l'avait écrit sans doute. bonne santé, retour imminent. Et pendant un mois, il n'est pas là. Et j'ai essayé de savoir ce qui s'était passé pendant ce mois-là. Il ne vient qu'un mois plus tard. Donc ça, je l'ai aussi raconté, mais je l'ai ressenti aussi moi. C'est aussi l'idée de faire revivre des gens qui sont morts. Ce que mes enfants m'ont reproché. J'ai un fils qui est journaliste à la télévision à Toulouse. Il m'a dit Maman, pourquoi tu racontes la vie des gens qui sont morts ? Tu pourrais bien parler de nous pour changer, qui sommes vivants.

  • Speaker #0

    Sociologue et philosophe Edgar Morin a dit Pour bienveillir, il faut garder en soi les curiosités de l'enfance, les aspirations de l'adolescence, les responsabilités de l'adulte, et dans le vieillissement, essayer d'extraire l'expérience des âges précédents. Et toi Nicole, quel est le message que tu souhaiterais transmettre à tes enfants, petits-enfants, à la génération qui nous suit ?

  • Speaker #1

    Mon message, moi, je dirais dans ma vie, c'est l'ouverture aux autres, rencontrer les gens, s'intéresser aux autres. Et puis ensuite, la langue, la langue française. C'est très important de bien parler français, de s'intéresser aux mots et puis la musique. Je voudrais que... Je serais très heureuse si tout le monde faisait de la musique, parce que je trouve que la musique fait beaucoup de bien. Je joue du piano tous les matins à demi-heure. J'ai un professeur de piano, et je trouve que ça, c'est très important. La musique est très importante.

  • Speaker #0

    J'en suis convaincu. Tu es vraiment un exemple de personne âgée, puisque c'est un cadre d'identité rédite, qui n'a rien perdu de sa vitalité et de son envie de vivre.

  • Speaker #1

    Ah oui, bien sûr, j'ai envie de vivre. Évidemment, je n'ai pas envie de vivre comme ma mère à la fin, puisqu'elle a vécu jusqu'à 99 ans. Là, j'ai trouvé qu'à la fin... Vraiment, ça ne valait plus tellement la peine pour elle de vivre, parce qu'elle était recroquevillée dans son lit, et puis c'était très triste.

  • Speaker #0

    Sinon, par rapport au débat sur la fin de vie actuelle, est-ce que tu as une position tranchée, toi ?

  • Speaker #1

    Oui, moi je suis pour les soins palliatifs. Et d'ailleurs, j'ai un très bon ami qui était directeur des soins palliatifs à l'hôpital Beaujon, à Paris, le docteur Charles Jousselin, et qui m'a bien expliqué comment ça se passait dans les soins palliatifs. Et j'ai une amie aussi qui a eu une équipe de soins palliatifs qui sont venues à domicile quand sa mère était sur le point de mourir et qui m'a expliqué comment ça s'était passé. Je trouvais que c'était extraordinaire. Maintenant, il faut de l'argent pour les soins palliatifs. Maintenant, s'il y a des gens qui veulent mourir, pourquoi pas ? S'ils ont envie de mourir, moi j'ai rien contre.

  • Speaker #0

    Le suicide assisté ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, j'ai rien contre. C'est leur liberté. C'était l'Église qui empêchait les gens de se suicider. Ils disaient, si vous vous suicidez, vous irez en enfer. Mais bon, on a dépassé ça, heureusement.

  • Speaker #2

    Merci à toi Nicole pour ta spontanéité, ta liberté de ton. Merci à toi pour l'exemple de vitalité que tu nous donnes. Le continent de la vieillesse, le continent gris, a décidément de beaux couchers de soleil. Si à votre tour vous voulez témoigner, écrivez-moi patricemarcade.com Je vous remercie de votre écoute et vous dis à bientôt.

Description

Le parcours de vie de Nicole Jeanneton-Marino, pour qui sait l'écouter et le lire, recèle le secret de la longévité et d'une vieillesse heureuse.

A 85 ans Nicole nous confie les étapes d'une vie "romanesque" et internationale qu'elle poursuit à La Rochelle en écrivant des romans.

Sa force de vie est communicative, je vous invite à en profiter.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui donne la parole comme on donne la main. Depuis quelques semaines, dans ce podcast, je partage avec vous la prise de conscience d'un fait prévisible et non prévu. À 82 ans, je suis vieux. Et maintenant, me suis-je dit, j'ai voulu mieux comprendre ce que cela signifiait. dit-on je suis vieux comme on dit je suis français albanais la vieillesse est appelée le continent gris dans quel territoire ai-je mis les pieds puisque je n'avais pas le choix d'y entrer ou pas j'ai voulu en avoir envie j'ai décidé de rencontrer des personnes inspirantes susceptibles de me donner le goût de ce pays Pour ce faire, j'ai cherché quelques beaux exemples d'autochtones. Vous pouvez les écouter sur ce podcast. Écoutez Nanou Chaulet-Rigolage, Julia Péré ou Claude Latrille Je vous recommande également l'entretien avec le docteur Yves Fouré. Je lui avais demandé de nous présenter le pays de la vieillesse. Aujourd'hui, je vous propose de faire la connaissance de Nicole Jeanneton-Marino, une écrivaine de 85 ans. qui a fait de sa vie un champ de fouilles qu'elle explore en tous sens pour élucider les mystères et découvrir des trésors cachés. Nicole, avant toute chose, je te remercie d'avoir accepté de témoigner pour cette enquête sur le vieillissement. Et je voudrais te demander pour commencer, comment tu es parvenue jusque là, si j'ose dire ? Es-tu arrivée sur les rivages du continent gris, les rivages de la vieillesse ? Est-ce que tu te souviens comment ça s'est passé cette affaire ? Tu venais d'où et tu allais où ?

  • Speaker #1

    Alors où je vais, je ne sais pas. Je venais de la jeunesse évidemment, mais pas de la prime jeunesse, puisque avant d'avoir 85 ans, j'en ai eu 80, et avant 80, j'en ai eu 75, et avant 75, 70, etc. Donc je venais de la jeunesse.

  • Speaker #0

    forcément et tu as estimé que la frontière de la vieillesse elle s'est située où ?

  • Speaker #1

    Alors des amis à moi disaient à partir de 80 ans on est vieux bon peut-être peut-être aussi les 5 dernières années étaient peut-être plus difficiles que avant 80 ans et

  • Speaker #0

    Avant, qu'est-ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Avant, j'étais jeune.

  • Speaker #0

    Tu as été jeune jusqu'à 80, tu penses ? C'est bien. Alors raconte-nous un peu comment s'est passée ta vie et ce que tu as fait, qui tu es en fait.

  • Speaker #1

    J'ai fait beaucoup de choses. Quand je regarde en arrière, je me dis mais c'est incroyable d'avoir fait autant de choses et autant de choses différentes. d'être allée vers l'enseignement, d'être allée d'abord vers les études, en même temps que d'avoir trois enfants, ensuite d'avoir enseigné en Allemagne à l'université, d'avoir fait du théâtre avec mes étudiants, et d'avoir finalement quitté mon mari. qui n'était pas très sage. Donc, à 40 ans, j'ai dit, bon, moi, je rentre en France avec les enfants. Ce qui est évidemment une chose terrible pour le papa, parce qu'entre l'Allemagne et puis Paris, il y avait des kilomètres. Mais enfin, on s'est quand même arrangé. De toute façon, moi, je ne voulais pas quitter mes enfants et je voulais absolument rentrer en France. Voilà, je quittais mon travail à l'université d'Augsbourg, qui était un travail qui m'intéressait beaucoup, qui était vraiment passionnant. J'étais dans un laboratoire de langue et j'apprenais aux Allemands à bien parler français. La langue française a toujours été pour moi quelque chose de très très important. D'ailleurs je continue à observer la façon dont cette malheureuse langue française est en train de péricliter. Donc voilà, je suis entrée en France et là, il fallait trouver un autre travail. Et j'ai enseigné au lycée allemand à Saint-Cloud, le français. Ce n'est pas le même niveau que l'université, mais ce n'était pas mal non plus. Et j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'a mis, je dirais... Le pied à l'étrier dans le journalisme. Quelqu'un qui écrivait pour un magazine culturel allemand en langue française, qui s'appelle toujours d'ailleurs Écoute, et qui m'a demandé de lui servir de nègre. Et au bout de quelques mois, je me suis dit quand même, je pourrais peut-être faire mieux que ça. Et comme je suis allée en Allemagne pour un procès, j'avais fait un procès à mon mari parce qu'il avait baissé la pension alimentaire, que j'ai perdue. Évidemment, la petite Française qui vient s'opposer à un professeur, enfin bref, en tout cas allemand. Les Françaises ont quand même une réputation, une mauvaise réputation par rapport aux autres femmes, je pense. Et donc, je suis allée à Munich voir le patron de ce magazine. J'étais nègre pour la personne qui le connaissait, mais je lui ai proposé des articles. C'était en 1984 et le premier article, c'était Paris le 14 juillet. Et mon dernier article, c'était à La Rochelle en 2011, Le Grand Pavoie. Donc entre 1984 et 2011, j'ai écrit des articles régulièrement pour ce magazine. Mon travail, c'était le lycée allemand, bien sûr. Alors là, j'ai été repérée par le maire du troisième arrondissement à Paris, parce que je m'étais un petit peu opposée à la façon dont ça se passait. Il y avait des motos qui roulaient sur les trottoirs dans le troisième. C'est l'arrondissement derrière le centre Pompidou. Et il m'avait repérée. Et finalement, il m'a demandé si je voulais être sur sa liste. Donc j'ai dit oui, je veux bien. Je me suis acheté un beau tailleur bleu et puis j'étais sur la liste. Comme aujourd'hui ! Oui, un peu plus clair que celui-là. Et donc, il voulait quand même des femmes sur sa liste. Il avait trois femmes. Et moi, la seule chose qui m'intéressait, c'était la culture. Donc, j'étais chargée de la culture. Et je me suis occupée des affaires culturelles dans le troisième arrondissement pendant un certain temps, qui m'a valu une belle médaille quand je suis partie.

  • Speaker #0

    Très bien, mais dis donc ça c'est une vie un peu romanesque donc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à dire c'est varié, je suis très curieuse et j'ai envie de goûter à tout, donc voilà, c'est ça.

  • Speaker #0

    Peut-être Nicole vous révélait-elle. Là, le secret de sa longévité.

  • Speaker #1

    Quand on rentrait dans cette belle mairie du 3e, on tombait sur moi. C'est-à-dire que les gens venaient beaucoup me voir, même pour des choses qui ne me concernaient pas du tout. Donc c'était des artistes qui cherchaient des appartements, qui cherchaient des ateliers. C'était toutes sortes de gens, parce que comme mon bureau était là, je faisais un petit peu l'accueil. C'était l'époque du sang contaminé. et je passais, pour aller à la mairie, je passais devant un fleuriste, et au retour, j'achetais des fleurs. Et le fleuriste a été contaminé par ce sang, et il avait fait un dossier, il avait fait une association, il avait fait un dossier. Et puis j'ai apporté le dossier au maire, il m'a demandé si je pouvais apporter le dossier, et le maire m'a dit, Ah, Nicole Marino, vous n'allez pas faire votre petite Michelle Barzac, reprenez votre dossier, ne me parlez pas de ça. Alors, je n'ai pas du tout aimé, évidemment, ce genre d'attitude. Mais bon, c'était la politique. Du coup, j'ai quitté l'école allemande et je me suis installée à Vétheuil. dans cette petite maison, et j'ai trouvé du travail dans l'enseignement catholique à Vernon. Et donc là, pour aller à Vernon, je passais par Giverny. Alors Giverny, ça a été pour moi une découverte magnifique. Oui, pas seulement ça, aussi les gens qui fréquentaient Giverny. Ça a été magnifique. Il y a le jardin de Claude Monet, qui est très connu, avec les 9éas, etc. Et puis il y a une autre maison, un peu plus loin, quand on va vers la Normandie. Et c'est une maison dans laquelle se logeaient les peintres, les jeunes peintres impressionnistes américains. Ils s'étaient installés là, c'était une buvette épicerie, et au premier étage, il y avait des petites chambres. Et ils se logeaient là, puis ils essayaient en vain de rencontrer Claude Monet, qui évidemment ça n'intéressait pas du tout de rencontrer ces jeunes-là qui le dérangeaient. Donc, mais ils passaient du bon temps, ils faisaient de la musique, en hiver sur l'Epte, ils faisaient du patin à glace, ils faisaient des fêtes, enfin ils étaient bien là-dedans. Et moi évidemment j'ai découvert cette maison. qui était un petit atelier. La personne qui s'en occupait, qui n'était pas le propriétaire, avait refait un petit atelier de peintre. Et puis c'était un jardin absolument extraordinaire. Alors un jardin privé, propriétaire privé, et un jardin en escalier, avec des petites routes, et avec des fleurs anciennes, des roses anciennes par exemple. Et un jour, je me promène, parce que je me promenais dans ce jardin, j'entends parler allemand. Et je vois un couple allemand qui était en train de parler, et moi, j'étais toujours contente de parler un peu allemand, parce que j'avais quand même passé 20 ans en Allemagne, et je parlais allemand, ça me faisait plaisir de parler allemand. Et je parle avec ces gens, et le monsieur, qui s'appelait Klaus Schoppe, me dit je suis un impressionniste Et je lui dis si vous êtes un impressionniste, il faut exposer vos tableaux ici à Giverny, si vous êtes un impressionniste Il dit oui, moi je veux bien, mais où ? Et donc j'ai parlé avec le responsable de cette maison. Et Klaus Schoeppe a proposé de payer les travaux au premier étage pour supprimer toutes les petites chambres qui étaient au premier étage pour faire une salle d'exposition. C'est ça qui s'est fait. Il a tout payé d'avance, son exposition. Moi, j'ai fait l'attaché de presse, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour qu'il ait du monde, etc. J'ai fait une jolie brochure et aussi j'avais fait des articles en champagne. Donc on a eu une bouteille de champagne avec un tableau sur la bouteille de champagne, enfin plusieurs bouteilles de champagne pour le vernissage. J'ai invité le responsable du département. Ça s'est très très bien passé. et il a vendu des tableaux donc ils sont devenus des amis ces gens là donc c'est pour ça que je dis les gens m'intéressent beaucoup tout le monde m'intéresse tout le monde m'intéresse, toi aussi tu m'intéresses L'enseignement catholique m'a dit, vous avez une maîtrise de lettres, vous avez une licence d'allemand, mais il faudrait un CAPES. Si vous voulez vraiment avoir un poste, il faut passer un CAPES. Donc j'ai préparé un CAPES. Et je l'ai réussi avec un peu de mal, pas la première fois, la deuxième fois. Et là, pour valider le CAPES, il fallait que je quitte Vernon, parce qu'à Vernon c'était un lycée professionnel. pour valider le CAPES, il fallait aller dans un lycée d'enseignement général. Et je me suis retrouvée avec une partie des heures à Vernon. Mais alors, une partie des heures à Royman Maison, au lycée Passy-Saint-Nicolas-Businval. Alors là, c'était notre ambiance. C'était pas la même ambiance. Et entre-temps, j'étais rentrée à la CFDT. J'étais donc responsable déléguée syndicale de la CFDT à Passy-Businval. Ce qui ne plaisait pas beaucoup aux gens à la direction. Mais ça m'était égal.

  • Speaker #0

    Et ensuite ?

  • Speaker #1

    Et ensuite, j'ai rencontré mon futur mari. Ah, j'ai interviewé. Je faisais à l'époque des interviews. Chaque mois, j'interviewais une nouvelle personne. Et chaque fois, c'était sur le métier. C'était une rubrique. Ça s'appelait De vous à nous Donc, je me suis dit, j'ai jamais interviewé de postier. Pourquoi pas un postier ? D'autant plus que le postier était sympathique, beau garçon et sympathique. Ce qui ne gâche rien. Donc je l'ai interviewé, et puis il m'a d'abord dit qu'il aurait beaucoup de mal à parler, et finalement il parlait, il parlait, il parlait, il parlait, et puis là on a fait connaissance un petit peu plus, et puis on s'est dit bon, on pourrait peut-être faire un bout de chemin ensemble.

  • Speaker #0

    Ça a matché.

  • Speaker #1

    Exactement, ça a matché. Bon. Et il m'a emmenée à La Rochelle. Et ? Oui, alors à La Rochelle, j'avais trois numéros de téléphone de trois femmes. C'était une amie de Paris qui m'a dit, j'ai deux amis, je peux te donner leur numéro de téléphone. Et puis quelqu'un d'autre, parce que j'avais fait des études pour préparer le CAPES, j'étais allée à Angers. Puis la personne qui m'avait logée connaissait quelqu'un à La Rochelle, Colette Davaz, et elle m'a donné ce numéro de téléphone. Et je suis allée voir ces dames, ces trois dames, je leur ai téléphoné, arrivée ici, j'arrive à La Rochelle. J'essaye de faire connaissance et puis Colette m'a tout de suite, alors elle m'a adoubée tout de suite comme féministe et elle m'a dit là on va faire des choses ensemble, on va faire des belles choses à la rochelle. Elle était tout de suite embarquée là-dedans, dans le féminisme là. J'étais féministe intérieurement, évidemment, puisque j'avais divorcé et j'en voulais un petit peu à certains hommes, pas à tous. Je n'étais pas réfractaire à des rencontres quand même. Je n'étais pas toujours toute seule, heureusement. Mais quand même, le féminisme m'intéressait. J'avais interviewé Benoît de Groux, par exemple, et puis j'ai eu des relations avec des femmes qui m'ont expliqué aussi tout ça. Parce que je ne savais pas grand-chose. En Allemagne, je ne m'occupais pas du tout de féminisme quand j'étais là-bas. Donc ça, c'était une époque très intéressante. Ensuite, ma mère est décédée et j'ai pensé que je pouvais continuer à écrire d'autres choses. Et puis de me lancer, grâce à Colette Dabas, à me lancer dans un salon du livre féminin.

  • Speaker #0

    Autre action, je ne sais pas si on peut la qualifier de militante, mais… Si,

  • Speaker #1

    tout à fait. C'est tout à fait militante parce que c'était pour donner la parole aux femmes. parce qu'on avait remarqué que les personnes qui lisaient beaucoup, c'était des femmes, mais les autrices, il n'y en avait pas beaucoup. En tout cas, elles n'étaient pas reconnues. On disait, alors je me suis fait mettre en boîte par une abominable journaliste qui nous trouvait ridicules parce qu'on voulait dire des écrivaines ou des autrices. Et donc, on l'a fait quand même et on a travaillé un petit peu avec Caligramme. Et aussi avec une autre libraire, Uriel Moulin, qui est à Courson et qui nous a aussi bien soutenus dans cette action-là. Et puis en 2018, j'ai dit aux personnes qui travaillaient avec moi, puisque c'était une association, Femmes pro-solidaire, Je leur ai dit, écoutez, l'année prochaine, je vais avoir 80 ans. Et je commence à me fatiguer un petit peu. Je voudrais bien que quelqu'un reprenne le salon. Et là, ça a été très difficile. Exactement, ça a commencé par le livre sur ma mère, ensuite j'ai écrit un livre sur... Non, le livre, j'ai raconté dans le livre la phase où nos parents deviennent nos enfants. C'est ça la question que j'ai découverte, c'est une chose que j'ai découverte, je ne m'y attendais pas du tout. Et je me suis rendu compte qu'il fallait que je sois la mère de ma mère. Et ma mère m'a dit un jour en riant, tu vois tu n'avais pas de fille, maintenant tu m'as moi. Elle a tout à fait compris que je la prenais en charge, comme si elle était ma fille. Je me suis rendue compte qu'à un certain moment, on a besoin d'aide. C'est ça le problème, c'est qu'on perd son autonomie, sauf si on a un infarctus et on tombe par terre et on n'arrive pas jusqu'à cette phase-là. Mais là, je viens de rencontrer une amie d'enfance, il y a deux jours, je suis allée la voir, elle est devenue complètement dépendante de son mari. Et ça m'a beaucoup inquiétée de voir ça. C'est une fille qui m'avait aidée aussi pour le salon. Elle était très forte en informatique. Et là, elle est complètement dépendante. Il lui a même pris son téléphone. Il a dit, tu n'as plus besoin de téléphone parce que tu perds ton téléphone. Alors il m'a dit, si tu veux lui téléphoner, tu me téléphones à moi et puis je te la passerai. Et là, ça m'a beaucoup choquée, évidemment.

  • Speaker #0

    Bon, là, avec l'accompagnement de ta maman, avec le travail que tu as fait à l'intérieur de l'institution dans laquelle elle était, tu as commencé à prendre conscience de la réalité de ce qu'était la vieillesse. psychologiquement, physiquement,

  • Speaker #1

    socialement. Bien sûr, bien sûr. Et j'ai interviewé aussi d'autres personnes qui étaient dans cette maison de retraite aussi. J'ai parlé avec une femme qui était une ancienne danseuse, petite femme, qui appelait tout le temps pour qu'on lui change sa poche. Et donc, c'était vraiment très, très triste de voir ça. J'ai parlé aussi avec une dame qui m'a dit qu'elle avait eu un amant dans la maison de retraite. C'était une ancienne infirmière, c'était très sympathique, très amusant. Il y avait toutes sortes de personnes dans cette maison de retraite. Il y avait quelqu'un qui est venu jouer du piano aussi pour son père, et puis j'ai parlé avec le père et puis avec la fille. Je parlais tout le temps avec les gens, avec d'autres personnes qui étaient âgées. Ça m'intéressait beaucoup de parler avec ces personnes.

  • Speaker #0

    Il y a eu le scandale sur l'Orpéa. L'Orpéa, oui.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il avait raison de le dire. Malheureusement, ce que j'ai par rapport à moi, c'est que quand je fais un salon maintenant, mon livre ne se vend plus du tout, parce qu'il est trop soft. Par rapport à ce que les gens ont déjà lu, ils ont acheté les faussoyeurs. Et maintenant, ils voient ma mère, mon enfant, avec une dame avec un chapeau de soleil, un chapeau de paille, et puis souriante, et puis ils me voient. Je ne correspond plus à ce que les gens attendent par rapport à la maison de retraite. Non, justement, là, j'ai continué à écrire. J'ai commencé par des nouvelles, puisque les personnes que j'avais interviewées tout le long des 20 années qui étaient passées m'avaient raconté non seulement leur métier, mais m'avaient aussi raconté beaucoup de choses intimes. Donc j'ai écrit des nouvelles en me basant, en me servant de toutes ces informations que j'avais récoltées, mais évidemment en les mélangeant, en les changeant de pays, et aussi des choses que moi j'avais vécues, et que j'ai mises ailleurs. Donc ça a fait 26 nouvelles, ce qui était beaucoup, c'est trop pour un livre en réalité. Et ce livre-là, ça s'appelle La chevelure dorée Parce que c'est l'histoire, la première histoire, c'est une femme qui avait perdu sa fille, enfin son mari avait kidnappé la fille, ex-mari avait kidnappé sa fille, et elle l'a retrouvée dans la rue grâce à sa chevelure dorée, blonde qui brillait au soleil. Ça, elle m'a raconté comme ça. Donc j'ai raconté. Oui, c'est drôle, mais alors j'ai mis cette chose-là à la rochelle. Je me suis dit, je vais mettre quelque chose à la Rochelle, parce que j'ai trouvé une chose qui m'a beaucoup chagrinée, c'est que les Rochelais ne s'intéressent qu'aux Rochelais. Moi, je suis vraiment sidérée par ça, alors que moi, je me sens vraiment... international, puisque j'ai vécu en Suisse, j'ai vécu aux Etats-Unis, j'ai vécu en Allemagne, j'ai vécu en France, et je m'intéresse à tous ces pays-là et à tous ces gens. Mais quand on raconte ici une histoire qui s'est passée à Paris, les gens s'en fichent complètement. Ils veulent de la Charente-Maritime.

  • Speaker #0

    Mais tu as l'air quand même de ta mère.

  • Speaker #1

    Oui, grâce aux gens, parce qu'il y a des gens qui sont quand même intéressants.

  • Speaker #0

    C'est important que tu dises un mot de ce livre, ce beau livre, comme tu dis.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Si ça les intéresse, ils peuvent te contacter.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais dans le pitch du livre, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Alors le livre, ça commence en 1938, c'est-à-dire un petit peu avant la déclaration de guerre. C'est le moment où mon père a été enrôlé dans l'armée et il se termine en 1945, quand mon père est rentré d'Allemagne, puisque mon père a été fait prisonnier. Et j'ai voulu faire non seulement l'histoire de ma... ma famille pendant la guerre, l'histoire de mon père en Allemagne, prisonnier dans une ferme. Et puis je suis allée, alors j'ai commencé en 2014, en 2016 je suis allée, j'ai traîné mon mari en Allemagne, il n'était pas tranquille, il pensait qu'il serait mal accueilli, mais en tout cas on a été très très bien accueillis évidemment. Et puis comme je parle allemand, c'est quand même plus facile. Alors on est allé jusque dans le nord de l'Allemagne et puis on a rencontré des gens tout à fait charmants, des gens qui s'intéressaient au patrimoine. j'ai eu des articles dans les journaux, avec des photos, la petite française, la fille d'un prisonnier qui vient sur les traces de son père, etc. Donc ça, c'était super. C'était en 2016, et en 2018, le livre était terminé. Donc le livre a mis 4 ans. Et il fait 521 pages. Beaucoup de travail. Puisque j'ai trouvé, quand ma mère est décédée, une petite boîte. dans laquelle il y avait 299 lettres de mes parents pendant la guerre. Parce que, bizarrement, les Allemands permettaient aux prisonniers de communiquer avec leur famille. Et donc, j'ai trié ces lettres, je les ai toutes lues, évidemment, je les ai triées, et j'en ai mis quelques-unes dans le livre. Je me suis servi des lettres. Ma mère avait écrit un journal, donc je me suis servi aussi de ce journal. Et elle avait écrit toutes sortes de choses sur des petits papiers. Mais ça me suit un... Un livre qui m'a prise vraiment complètement. Le soir, j'avais du mal à m'endormir, je cherchais des idées, comment il fallait présenter. Puis j'avais des énigmes dans le livre qu'il fallait résoudre, des choses que je ne comprenais pas. Par exemple, à la fin de la guerre, mon père envoie en avril 1945 un télégramme de Lille. Et sur le télégramme, il écrit, enfin ce n'est pas lui qui l'avait écrit sans doute. bonne santé, retour imminent. Et pendant un mois, il n'est pas là. Et j'ai essayé de savoir ce qui s'était passé pendant ce mois-là. Il ne vient qu'un mois plus tard. Donc ça, je l'ai aussi raconté, mais je l'ai ressenti aussi moi. C'est aussi l'idée de faire revivre des gens qui sont morts. Ce que mes enfants m'ont reproché. J'ai un fils qui est journaliste à la télévision à Toulouse. Il m'a dit Maman, pourquoi tu racontes la vie des gens qui sont morts ? Tu pourrais bien parler de nous pour changer, qui sommes vivants.

  • Speaker #0

    Sociologue et philosophe Edgar Morin a dit Pour bienveillir, il faut garder en soi les curiosités de l'enfance, les aspirations de l'adolescence, les responsabilités de l'adulte, et dans le vieillissement, essayer d'extraire l'expérience des âges précédents. Et toi Nicole, quel est le message que tu souhaiterais transmettre à tes enfants, petits-enfants, à la génération qui nous suit ?

  • Speaker #1

    Mon message, moi, je dirais dans ma vie, c'est l'ouverture aux autres, rencontrer les gens, s'intéresser aux autres. Et puis ensuite, la langue, la langue française. C'est très important de bien parler français, de s'intéresser aux mots et puis la musique. Je voudrais que... Je serais très heureuse si tout le monde faisait de la musique, parce que je trouve que la musique fait beaucoup de bien. Je joue du piano tous les matins à demi-heure. J'ai un professeur de piano, et je trouve que ça, c'est très important. La musique est très importante.

  • Speaker #0

    J'en suis convaincu. Tu es vraiment un exemple de personne âgée, puisque c'est un cadre d'identité rédite, qui n'a rien perdu de sa vitalité et de son envie de vivre.

  • Speaker #1

    Ah oui, bien sûr, j'ai envie de vivre. Évidemment, je n'ai pas envie de vivre comme ma mère à la fin, puisqu'elle a vécu jusqu'à 99 ans. Là, j'ai trouvé qu'à la fin... Vraiment, ça ne valait plus tellement la peine pour elle de vivre, parce qu'elle était recroquevillée dans son lit, et puis c'était très triste.

  • Speaker #0

    Sinon, par rapport au débat sur la fin de vie actuelle, est-ce que tu as une position tranchée, toi ?

  • Speaker #1

    Oui, moi je suis pour les soins palliatifs. Et d'ailleurs, j'ai un très bon ami qui était directeur des soins palliatifs à l'hôpital Beaujon, à Paris, le docteur Charles Jousselin, et qui m'a bien expliqué comment ça se passait dans les soins palliatifs. Et j'ai une amie aussi qui a eu une équipe de soins palliatifs qui sont venues à domicile quand sa mère était sur le point de mourir et qui m'a expliqué comment ça s'était passé. Je trouvais que c'était extraordinaire. Maintenant, il faut de l'argent pour les soins palliatifs. Maintenant, s'il y a des gens qui veulent mourir, pourquoi pas ? S'ils ont envie de mourir, moi j'ai rien contre.

  • Speaker #0

    Le suicide assisté ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, j'ai rien contre. C'est leur liberté. C'était l'Église qui empêchait les gens de se suicider. Ils disaient, si vous vous suicidez, vous irez en enfer. Mais bon, on a dépassé ça, heureusement.

  • Speaker #2

    Merci à toi Nicole pour ta spontanéité, ta liberté de ton. Merci à toi pour l'exemple de vitalité que tu nous donnes. Le continent de la vieillesse, le continent gris, a décidément de beaux couchers de soleil. Si à votre tour vous voulez témoigner, écrivez-moi patricemarcade.com Je vous remercie de votre écoute et vous dis à bientôt.

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