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"Et main-tenant...?"

Anne -Marie Péralta sur le"Pont des âges"

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42min |09/09/2024|

43

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Description

Anne_Marie Péralta a suivi un parcours de vie, tant dans sa vie personnelle que professionnelle qui lui a permis d'acquérir une véritable expertise en matière de communication intergénérationnelle.

Elle a accompagné sa maman jusqu'à ses cent ans, des jeunes de banlieue jusqu'au démarrage de leur activité,

Au cours de notre entretien Anne-Marie nous démontre que, le fait de vivre, de travailler avec des générations différentes peut être vécu dans un premier temps comme un obstacle à la communication, mais aussi et surtout, s'avérer être un enrichissement de la relation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast et maintenant, cette question est d'une brûlante d'actualité en ces jours de rentrée. Qu'allez-vous faire ? Qu'allons-nous faire de cette nouvelle saison ? Comme souvent, la réponse est contenue dans la question. Maintenant, nous allons explorer ce que nous avons en main pour inventer le futur. En main, nous avons notre passé, notre expérience, nos proches, notre vécu, qu'il va falloir faire émerger en le mettant en mots, en émotions, en récits. Pour que ces histoires se comptent, il faut que se produise le mystère de la rencontre, suivant la formule magique 1 plus 1 égale 3. Le podcast que vous allez écouter n'existerait pas sans vous. Cette parole qui semble couler de source a besoin d'avoir l'assurance d'un récepteur pour ne pas se tarir. Je souhaiterais que cette année nous puissions creuser la source transgénérationnelle pour en démontrer les vertus individuellement nutritives et socialement bienfaisantes. Ma première invitée est une amie, Anne-Marie Peralta. Je lui laisse le soin de se présenter, mais j'ai souhaité qu'elle ouvre cette saison car son histoire illustre bien la réciprocité de la relation transgénérationnelle. Bonjour Anne-Marie, je suis très heureux que tu aies accepté ma proposition d'être la première invitée de cette nouvelle saison de Et maintenant consacrée aux relations transgénérationnelles. A mes yeux, tu as toute légitimité pour parler de ce sujet et avant toute chose, je te laisse te présenter pour que... nos amis puissent comprendre pourquoi je t'ai retenu et sollicité.

  • Speaker #1

    Merci Patrice, je m'appelle Anne-Marie Peralta, je suis dans une étape de la vie qu'on appelle retraitée actuellement, mais j'en ai eu bien d'autres, notamment professionnellement, où j'ai accompagné des entreprises et les personnes de ces entreprises dans l'amélioration de leurs relations.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas uniquement pour ça que je t'ai proposé de parler de transgénérationnel. Tu as des expériences que n'ont pas vécu le commun des mortels.

  • Speaker #1

    Oh, là, si je compare au commun des mortels, le niveau est placé très haut. Écoute, oui, j'ai différentes expériences et à différents niveaux, et je suis très heureuse de pouvoir en parler. Je vais commencer, si tu es d'accord, et comme tu connais bien mes expériences. par le moment de ma vie où j'ai vécu avec ma mère. C'était au décès de mon papa et je savais que pour maman, ce serait très difficile, affectivement, de vivre seule. J'ai donc pris la décision de la faire vivre avec moi, chez moi. C'est un peu difficile d'en parler, mais voilà. Alors tout au début, nous étions deux adultes qui vivions ensemble. Maman prenait sa part à la maison, faisait les courses, faisait les repas. Moi j'étais très très prise par mon activité professionnelle, dont je vous parlerai plus tard. Je ne nous concevais justement pas comme deux amis, mais enfin comme deux adultes, c'est ce que j'ai dit. Et puis petit à petit, l'âge venant pour maman, je me suis aperçue qu'elle avait de plus en plus besoin que je prenne le relais sur beaucoup de choses, pour faire les courses et pour m'occuper d'elle aussi. Et là, j'ai compris ce que ça voulait dire la relation transgénérationnelle. Et je ne l'avais jamais imaginé comme ça. Quelque part, je prenais peu à peu une place que maman avait occupée en tant que mère de sa fille et je ne devenais pas sa mère, non, mais je devenais celle qui s'occupait d'elle. Et ça, jusqu'aux dernières années de sa vie. C'était nouveau, c'était pas évident à vivre tous les jours. Mais avec le recul, je m'aperçois que ça a été très enrichissant pour moi, pour ma vie. D'abord parce que je ne me savais pas capable de faire ça. C'était donc une expérience. Et aussi pour ce que ça m'a apporté. Parce que j'avais devant moi une personne d'un certain âge. Donc ce n'était pas s'occuper d'un enfant, c'était s'occuper d'une personne qui avait été aussi celle qui m'avait élevée. Donc c'est toute une sorte de relation. que je n'aurais pas vécu si je n'avais pas pris cette décision que maman vienne vivre chez moi. Pas jusqu'à la fin, puisque la dernière année, elle est allée en maison de retraite ou en EHPAD, puisqu'il faut... c'est un EHPAD, mais quand même vraiment très très longtemps. Et oui, je le dirais, nous en avons suffisamment parlé, Patrice, ça a beaucoup enrichi ma vie.

  • Speaker #0

    qu'elle t'a enseigné qu'est ce qu'elle t'a appris ou est ce que tu t'es à enseigner en l'accompagnant comme ça jusqu'à ces derniers moments

  • Speaker #1

    Oui, la réponse est oui. Je répondrai concrètement à cette question, mais j'ai fait la différence entre quand maman était ma mère et moi l'enfant, l'adolescente, et le moment où on est venu à une relation de grande personne ensemble et puis où j'ai pris petit à petit un autre rôle en m'occupant d'elle. Là, j'ai beaucoup... appris parce que je me suis rendu compte qu'il y a la relation normale mère-fille, mais quand l'âge vient et quand les besoins de l'âge viennent, alors on peut changer de rôle. Et ce changement de rôle m'a semblé très important pour continuer cette relation de famille et qu'elle continue à être aussi riche, mais qu'on change. On change en fait celui qui apporte l'aide à l'autre et ça c'était important. Et aussi une façon de voir comment on peut vieillir. Et par rapport à des questions que je ne me posais peut-être pas, c'était de me rendre compte que maman avait très envie de vivre. Elle voulait vivre jusqu'à ses 100 ans et elle l'a fait. Et tout en étant toujours joyeuse, tout en étant toujours trouvant que la vie était très belle, que les gens étaient très sympas, que les gens... mériter d'être aimé. Donc ça m'a beaucoup apporté sur ma façon de voir les choses. Donc j'ai intégré ça dans ma propre réflexion, dans ma propre vie. Et c'est ça que j'ai appelé l'enrichissement en fait. Oui, tout à fait. Alors qu'on dit beaucoup de choses sur les personnes qui vieillissent, ça m'a fait voir qu'on pouvait vieillir différemment. Et peut-être, mais je sais que tout le monde me l'a dit autour de moi, le fait que justement nous vivions ensemble, deux générations différentes, en s'apportant l'une l'autre tout ce qu'on avait d'affectif, mais même aussi d'idées, on partageait des lectures, on partageait beaucoup de choses, ça nous aide à vivre beaucoup mieux toutes les deux, et à devenir des personnes beaucoup plus fortes, intérieurement, bien sûr.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'elle t'a appris à vivre. D'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Elle m'a préparée à une étape de ma vie, en effet. Elle n'est plus là, mais je sais que je vis avec ce qu'elle m'a... Elle a continué à m'apprendre ça, mais c'est venu du fait de notre nouvelle relation.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Elle t'a appris à vieillir.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. Oui, et j'aimerais beaucoup vieillir comme elle, oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est un bel hommage. Est-ce que tu serais capable de retrouver un souvenir précis de choses que vous avez vécues toutes les deux, dans lesquelles tu te nourris ? C'est-à-dire, tu peux-tu y référer ce souvenir, cette émotion que tu as partagée avec elle, qui est une émotion en fait que tu ne pouvais partager avec personne d'autre ? C'est exceptionnel comme relation. C'est délicat, mais...

  • Speaker #1

    Oui, c'est délicat. Et aussi parce que je m'aperçois que tu me poses la question et je m'aperçois que ça ne m'est pas facile de retrouver, même si je pense vraiment presque tous les jours, à un moment comme si elle était encore là. Je lui parle quelque part, je lui dis, ah, tu vois là, j'aurais... Ah, zut, je n'ai pas réussi à faire ça. Tu vois, toi, tu m'aurais dit ça. Voilà, ça, ce sont des choses qui m'arrivent très, très, très souvent. Ou d'avoir des gestes et des paroles où je me dis, tiens, j'ai l'impression d'être ma mère qui parle, par exemple. Voilà, ça oui. Maman avait le rire très facile. Ce n'est pas quelque chose qui a été mon point fort jusqu'à présent. Et tu vois, c'est ce que je te disais, je crois, hier aussi. Maman aimait beaucoup les gens, parlait beaucoup et très facilement. Et ça, je me rends compte qu'en vieillissant, je suis devenue comme ça. Voilà. il m'arrive de rire toute seule chez moi et je sais que je parle beaucoup beaucoup plus facilement ne serait-ce que même dans l'immeuble dans lequel je vis par exemple maman connaissait les personnes et moi je ne les connaissais pas c'est un petit immeuble il n'y a pas beaucoup de monde mais maman connaissait, elle me disait tu fais la dame de tel étage, le monsieur de tel étage et moi je disais ah oui, ah bon, ah oui, ah bon je travaillais j'étais préoccupée que par ça et pas du tout par les personnes qui habitaient mon immeuble... Elle avait les numéros de téléphone, elle avait tout. Et je m'aperçois maintenant que c'est moi qui fais ça. Je connais tout le monde, j'ai les numéros de téléphone, je rends service, on me rend service. Je pense qu'elle m'a appris ça, et ça c'est quelque chose que j'ai senti venir petit à petit à son contact. Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple en fait du... de la relation transgénérationnelle. Et en fait, tout au long de sa vie, elle t'a appris, elle s'est servie, elle a été pour toi un modèle. Et maintenant que tu commences à prendre de l'âge à ton tour, elle est une référence sur ce que c'est que de vieillir. Et bien, ça c'est une des dimensions du transgénérationnel. qui est très importante et ça n'est pas uniquement le transgénérationnel, ça n'est pas uniquement du fort au faible, mais ça peut être du faible au fort.

  • Speaker #1

    Voilà, si on considère qu'une personne plus âgée est faible.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et que nous, nous sommes forts. Je crois que c'est ça. Merci d'avoir dit ça comme ça, parce que c'est en réfléchissant un petit peu avant de commencer cet entretien, je me disais justement que... La réflexion, c'est de me dire justement, ça repositionne un peu aussi dans la relation transgénérationnelle, en fonction des moments où on la vit, ça repositionne en fait. Je ne sais pas si je dirais fort ou faible, mais oui, fort ou faible, et puis celui qui donne et celui qui reçoit, par exemple, aussi. Et j'ai vécu ça aussi dans le monde de l'entreprise, dans le cadre professionnel.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Dans le cadre professionnel, je travaillais en... en tant que consultant dans le monde de l'entreprise, comme tu le sais, et je me suis aperçue en allant dans différents secteurs d'activité que lorsqu'on rencontrait ce qu'on appelait les jeunes, les vieux, les nouveaux arrivés et les anciens, tout ça mettait en place un certain type de relation. qui étaient, je n'irai pas jusqu'à dire dominants, dominés, mais qui étaient nous les vieux ou nous les anciens en termes d'années de présence. Nous sommes ceux qui sommes déjà là en place, qui savons, qui connaissons les règles. Alors nous avons sur vous une forme de pouvoir, donc vous devez nous écouter. C'est nous qui vous apportons. Et pendant très longtemps... il n'y avait pas dans l'autre sens de qui êtes-vous et que pouvez-vous nous apporter. Bon, les entreprises ont changé un peu, je l'espère en tout cas, puisque j'ai été depuis 15 ans en métier, mais c'est de sa mt très très très long à se mettre en place. En tant que consultante, on m'a souvent demandé, en effet, de travailler sur cet aspect-là. Même si on proposait des méthodes, des approches, je me suis toujours rendu compte que c'était très difficile de changer cette relation, de changer cette façon de voir l'autre, parce qu'on est vraiment là.

  • Speaker #0

    C'est un abandon de pouvoir.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Voilà. Parce que si je change, qu'est-ce que ça veut dire pour moi ? Alors l'un c'est abandon de pouvoir et l'autre c'est peut-être me faire prendre conscience qu'en effet il y a des choses que je ne sais pas. Et moi qui sors de grande école ou autre, est-ce que je peux me dire non je ne sais pas ? Voilà, donc en effet c'était tout un travail à faire de ce point de vue-là. Et moi personnellement, et comme tu me connais bien tu le sais, je fais un lien aussi avec justement le... Le transculturel, parce que c'est un peu ça aussi. Voilà, donc on est dans le monde de l'entreprise, on était un peu dans ces dimensions-là.

  • Speaker #0

    C'est intéressant que tu parles du transculturel, parce que transculturel, ça veut dire que des Européens travaillent avec des Africains, etc. Mais ça veut dire aussi que des gens d'une classe d'âge travaillent... avec des jeunes qui n'appartiennent pas à la même culture. Ce n'est plus une histoire de continent, mais c'est une histoire de culture, de centre d'intérêt, de façon de parler, d'être avec. Et donc, j'ai l'impression que cette difficulté de communication, puisque c'était quand même le cœur de notre métier, Cette difficulté de communication, elle persiste et que très souvent, les gens disent j'ai du mal à me faire comprendre. L'autre a du mal à entendre ce que je dis parce qu'il est différent de moi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. En t'écoutant, je pensais à quelque chose qui nous est commun dans notre métier. C'est une question de cadre de référence. Absolument. Et donc on se rend compte que dans le monde de l'entreprise, mais je sais que c'est aussi dans le monde de la vie sociale, cette différence-là, c'est tout à fait une différence de cadre de référence. Nous, nous sommes dans notre monde à nous, et donc nous avons notre cadre de référence, notre façon de voir les choses, notre façon de les apprécier, notre vocabulaire, et eux, les jeunes, on va dire même les trentenaires, Ils ont un autre cadre de référence. En effet, ils voient le monde différemment. Quand on parle de ce qu'ils voient le monde aujourd'hui, est-ce qu'ils se posent des questions sur ce qu'il va devenir, sur ce que lia le rapport et autres, nous, on voit ça de notre point de vue. Mais eux, s'ils n'ont pas l'air de s'en préoccuper, c'est parce que pour eux, ça ne présente pas du tout peut-être la même importance. Oui, bien sûr, mais ils sont déjà dedans.

  • Speaker #0

    Oui, et ce n'est pas la même urgence.

  • Speaker #1

    Et ce n'est pas la même urgence. Absolument. Voilà, ils vivent avec déjà et nous, on voit ça comme quelque chose qui nous chamboule un peu d'ailleurs. Et donc, je pense que c'est là où vient la difficulté, mais où il faut qu'on fasse tout le travail de dire, bon, il faut que j'accepte de voir comment l'autre, quelle est sa perception du monde à lui, alors que ce soit du monde de l'entreprise, que ce soit du monde de la société. Tu m'as parlé d'écologie hier, de la façon dont chacun voyait ça. Oui, mais c'est ça qui est un peu difficile. Et moi, je dirais qu'arriver en effet à une certaine maturité, ce n'est pas que c'est plus difficile, mais ça me demande de remettre beaucoup plus de choses en jeu que de me dire oui, je vais aller jusque vers... Voilà, il y a un très long chemin entre nous maintenant, de plus en plus long. Et de me dire, je vais essayer de me mettre, de comprendre, de mieux voir.

  • Speaker #0

    Celle-là, on est au... au cœur du problème du transgénérationnel. C'est-à-dire qu'on ne voit plus les couleurs de la même façon, on ne voit plus les lumières de la même façon, on ne voit plus et il faut arriver à accepter de parler à quelqu'un qui ne voit pas la même chose que nous et qui, s'il ne nous comprend pas, ce n'est pas qu'il nous veut du mal, ce n'est pas qu'il fait l'imbécile, c'est simplement parce que c'est comme ça, il ne le voit pas. Et nous, ça suppose, dans cette relation transgénérationnelle, que nous soyons capables de faire ce petit pas de côté pour accepter de partager momentanément le point de vue de l'autre. Et alors, tu ne t'es pas arrêté à ta vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais suivre ce que tu viens de dire, parce que tu me fais réfléchir en même temps en parlant. Je me dis, moi j'irais même plus loin que ce que tu viens de dire, je dirais, en tout cas je le perçois comme ça et j'essaye de vivre ça comme ça, c'est à nous de faire l'effort d'aller vers eux. Parce qu'eux ne voient pas l'intérêt de venir vers nous, puisque nous sommes le passé pour eux. Ils ne voient pas l'intérêt, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais ils ne le voient pas tout de suite. Alors je dirais que moi, et je le sens comme ça autour de moi, c'est à moi d'aller vers eux, de comprendre leur monde à eux. de comprendre leur façon de le voir, de m'y intéresser, et alors je peux leur parler du mien.

  • Speaker #0

    On s'est toujours présenté le plus longtemps possible comme des sachants, et là ils renvoient à notre génération, ce que vous défendez, c'est obsolète, c'est caduque. Et donc c'est vous qui devez nous écouter. Ça explique peut-être pourquoi les rapports sont à certains moments si tendus entre les générations.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc si nous voulons maintenir le lien, moi en tout cas pour ma part je sais que je fais l'effort, mais en même temps ce n'est plus un effort, parce que ça devient aussi intéressant de découvrir un autre monde. Je ne dis pas que j'apprécie tout, que je partage tout, mais au moins je découvre ce monde qui est celui qui va me remplacer.

  • Speaker #0

    Et alors, dans ta nouvelle activité, tu as l'occasion justement de découvrir cette nouvelle face du monde.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc, puisque je ne suis plus professionnellement investie, j'ai cherché longtemps ce que je pouvais faire pour ne pas rester sans activité. Et on m'a proposé d'intégrer une association qui... permet à des personnes plutôt jeunes, mais bon, ça peut aller jusqu'à 40-45 ans, je sais qu'aujourd'hui, on ne considère pas que ce sont des jeunes, qui ont un projet, un projet de création de leur propre activité. Et donc, cette association fonctionne avec des salariés qui, eux, sont là pour accorder des prêts, mais fonctionne aussi beaucoup avec des bénévoles qui, eux, viennent faire une formation. auprès de ces personnes pour valider leur projet et pour leur donner les éléments essentiels de départ sur le plan commercial, juridique et financier. Et communication aussi, comment parler de mon activité, comment partager mon projet, le présenter aux différents acteurs qui vont être importants pour moi, pour m'accorder des crédits, pour s'associer à moi ou pouvoir m'implanter dans une région par exemple. Et donc j'ai rencontré ces personnes qui pour beaucoup n'ont pas de formation particulière ou ne sont peut-être pas allées à l'école très longtemps, mais d'autres aussi qui ont pu aller faire des études, qui ont pris un poste, mais qui se sont aperçus qu'ils préfèreraient ne pas être intégrés dans une entreprise, mais se mettre à leur compte. Et donc ça déjà, ça a été pour moi quelque chose d'intéressant à découvrir, puisque moi, ma génération... On a intégré une entreprise et quand c'était une bonne entreprise, comme il y en a beaucoup, on se disait chouette, je vais pouvoir avoir progressé, avoir un poste intéressant, mieux gagner ma vie Et là, je découvre des personnes qui se disent au bout de deux, trois ans non, je n'ai pas envie de vivre dans un système, je veux m'installer à mon compte Et certaines changent complètement d'orientation, même si elles ont fait de bonnes études dans un secteur d'activité. Ça aussi, pour moi, c'était intéressant parce que je n'ai pas beaucoup connu ça au niveau de ma génération, des gens qui m'ont entourée. Et je me suis dit, tiens, voilà, ils ne voient plus le monde du travail de la même façon. Pour eux, ce n'est pas ah, j'ai un poste et je suis content, j'ai du travail et je le garde Non, c'est j'ai un poste, il me plaît ou il ne me plaît pas, il correspond à ce que je veux et ce que je ne veux pas Et je peux tout à fait changer complètement d'orientation.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un grand changement par rapport à notre génération. Et ça veut dire aussi qu'ils remettent en cause la façon dont ils ont été formés. L'obtention du diplôme n'est pas le Graal. Ça veut dire que peut-être que je m'arrange le droit de dire que ce qu'on m'a appris, ce n'est pas ce qui correspond à la vraie vie. Je ne pense pas. Dans notre génération, ça se disait beaucoup, ça. Parce qu'on courait derrière le diplôme pensant qu'avec ça, on était assuré de gagner bien sa vie, d'avoir une reconnaissance sociale et de s'épanouir. Je crois que maintenant, ça n'est pas exactement le cas.

  • Speaker #1

    Alors tu as employé le mot de s'épanouir et là encore, je t'écoute et je me dis est-ce que c'est quelque chose que j'avais en tête ? Alors, je pense que... Moi, le côté s'épanouir, ça a été assez tard dans ma vie professionnelle, parce que ça a été vers les 40 ans, donc tu vois, voilà. Mais eux, maintenant, justement, c'est beaucoup plus tôt. C'est beaucoup, voilà, c'est tout de suite. Même si j'ai fait des études, prenons un exemple, j'ai fait des études de droit, et là j'en connais autour de moi, et ils sont allés jusqu'au bout de ces études de droit, qui sont quand même difficiles, qui demandent énormément de travail, et qui tout à coup disent mais non, mais c'est pas ça que je veux et repartent complètement dans un domaine artistique ou autre, et qui en effet là s'épanouissent, et je les vois, et je vois les résultats au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Tu pourrais donner un exemple d'une personne que tu as accompagnée, qui a fait ce genre de révolution dans sa vie ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est une jeune femme. Elle a fait des études de droit parce que là où elle habitait, la fac de droit était ce qu'il y avait de plus proche. Et comme elle ne voulait pas trop s'éloigner de son cocon familial, elle a donc fait droit. Elle a fait les trois années de licence. Elle a fait une année de maîtrise. Et elle travaillait énormément. Elle souffrait. Parce que voilà, on sentait bien que par rapport à sa sensibilité personnelle, le droit, c'était pas tout à fait bon. Moi, comme toi, qui connaissons bien les personnalités, je voyais bien que ça n'allait pas avec ce qu'elle était fondamentalement. Et elle a eu le déclic et le courage de dire Bon, ben non, je ne ferai pas. Je n'irai pas dans cette voie-là. Et elle a donc changé. Elle fait… Maintenant une formation d'architecte d'intérieur, et qu'elle finance elle-même. Elle a donc fait un emprunt, elle termine sa troisième année, elle est épanouie en tant que jeune femme, elle est reconnue dans sa promotion comme une des meilleures maquettistes et autres, et vraiment quand je parle avec elle, c'est une autre personne. Et je me dis, elle a 26 ans. oui et je me dis oui moi j'avais peut-être des velléités dans mais jamais je n'aurais eu ce courage là parce que ça ne se faisait pas enfin en tout cas autour de moi voilà maintenant oui et j'en ai

  • Speaker #0

    j'ai d'autres exemples de jeunes comme ça oui absolument si tu penses à si tu penses à d'autres personnes c'est intéressant parce que ça te si tu le ramène à toi ça te renvoie à quoi tu c'est à dire tu vois quelqu'un qui a eu un désir et qui a accepté de lâcher la rampe pour satisfaire ce désir, satisfaire son projet. Elle donne une leçon en même temps à tout le monde et à ceux qui la côtoient.

  • Speaker #1

    Alors je voudrais juste relier avec notre sujet qui est la relation transgénérationnelle. Et donc moi, aujourd'hui, je suis avec ces personnes-là. Alors là où je trouve, faisant cela de façon bénévole, je trouve une grande satisfaction, c'est que ce que mes collègues et moi-même venons leur apporter dans le cadre de leur projet, qui donc va les aider, va les conforter, va les accompagner et leur donner des outils et des compétences pour pouvoir vraiment aller jusqu'au bout de leur projet et faire qu'ils vivent, parce que notre objectif nous c'est ça, c'est qu'ils vivent et qu'ils en vivent. Ce qu'on leur dit, c'est de voir les retours que l'on a en termes de, pas de remerciements, mais de voir un peu les progrès, de voir un peu ce que nous apportons, ce qu'ils font, je vais le dire autrement, ce qu'ils font de ce qu'on leur donne. Et eux là ne nous disent pas vous êtes d'une autre génération, ils nous disent, nous ce qu'on vient vous demander, c'est votre expérience, c'est votre regard sur nous. Et en plus de compétences techniques que nous, nous n'avons pas pour l'instant. Et donc là, on se dit, OK, on est des retraités d'une certaine génération, mais quand on est avec eux, ils ne nous font pas sentir cette différence. Chose que je ressentais dans le monde de l'entreprise, on travaille ensemble à leur projet.

  • Speaker #0

    Dans un rapport presque d'égalité, avec une position différente, mais d'égalité.

  • Speaker #1

    Exactement, la position est différente, mais là justement il n'y a pas moi je sais, toi tu sais pas, toi t'es vieux, moi je suis jeune Non, non, c'est nous on a un projet, vous avez à nous donner, vous avez à nous apporter, on le sait et on vient le chercher. Et vous nous le donnez, alors là, merci quoi. Mais on vient chercher et vous allez voir, on va en faire quelque chose. Et ça, c'est le retour en fait.

  • Speaker #0

    Bon, Anne-Marie, nous vivons dans une société qui devient de plus en plus, on dit, fracturée, en archipel ou tout ce qu'on veut, enfin d'une société dans laquelle les communautés se referment les unes sur les autres, encore les communautés, les micro-communautés. On ne fréquente plus que les gens qui nous ressemblent, des gens qui nous rassurent en fait sur ce que nous sommes, de façon à... de façon à fuir la peur et l'autre devient un étranger, un étranger fantasmé et donc un danger. Donc il y a un risque pour l'équilibre social. Est-ce que cette expérience, enfin ton expérience de relation transgénérationnelle, ne t'a pas préparé ? à vivre avec l'étranger, justement, avec l'autre, et qu'est-ce que tu suggérerais au niveau social pour que les choses évoluent, que les barrières tombent ?

  • Speaker #1

    Alors oui, moi ça m'a beaucoup aidé, et c'est ce qui me fait dire que, alors en plus de l'expérience dont j'ai déjà parlé avec maman, qui m'a apporté beaucoup pour comment mieux vieillir, je dirais, là pour moi, oui, c'est... C'est vraiment le... c'est très important, je le fais depuis huit ans et je sais que c'est quelque chose que je n'ai pas envie de lâcher. Parce que quand je suis avec ces personnes, quand je travaille avec elles, quand j'en ressors et que je rentre chez moi, je ne dirais pas que j'ai l'impression d'avoir rajeuni, mais en termes d'énergie personnelle, oui, tout à fait. Oui. Et donc je sais que j'ai besoin de ça pour me sentir bien, autant que de mes... que de mes traitements médicamenteux, bien sûr. Oui, c'est important. Et c'est important parce qu'ils sont d'une autre génération. Alors moi, je dis, ce sont eux la vie qui est en cours là et qui se développe. Donc tant mieux, je continue, moi, à vivre à côté un peu et quelque part à me ressourcer en permanence grâce à eux. Alors je sais que je dis toujours je ne veux pas vivre qu'avec des personnes de mon âge. Voilà. parce que je ne suis pas sûre que cela me ressource suffisamment. Donc, j'ai vraiment besoin de ça. En plus, j'ai peut-être une illusion, mais que je peux apporter encore. Donc, je le fais.

  • Speaker #0

    Oui, le sentiment d'être utile.

  • Speaker #1

    Être utile, absolument. Et bon, quelque part, j'ai toujours eu cette envie d'apprendre aux autres. Et je me dis, j'ai le sentiment d'être encore utile. pour ces jeunes qui ont encore à apprendre, bien sûr. Et donc, si ça peut leur être utile pour développer leur propre monde, tant mieux. C'est pour ça que j'essaye de le comprendre. Il y a beaucoup de choses qui me sont très, très inconnues. Ça, tu le sais, tout ce qui est technologie et autres. Alors ça, c'est très drôle parce que quand, bien sûr, ils me parlent soit des réseaux sociaux, soit de tout ce qu'ils utilisent sur leurs ordinateurs, il me regarde et me disent ah là tu sais pas ce que c'est j'ai dit non est ce que j'ai vraiment besoin de le savoir on me dise bon bah on va juste dire ce dont tu as besoin voilà donc c'est un peu un clin d'oeil entre nous et je trouve ça très très agréable très sympa voilà si

  • Speaker #0

    tu avais l'occasion de faire le pitch en fait de la transe communication transgénérationnelle Si tu devais inciter les gens à cultiver ça comme un art, comme un art, oui, c'est ça, qu'est-ce que tu dirais ? Comment rendrais-tu ce qui est vécu pour beaucoup comme un obstacle, comment tu dirais pour que les gens aient envie de parler à des gens plus jeunes, ou les gens plus jeunes aient envie de communiquer avec des gens plus... Zazie.

  • Speaker #1

    Alors, ça m'est plus facile de dire aux seniors comment parler avec les jeunes, parce que je vais me référer un peu à ce que je fais, ce que j'ai envie de faire. Je dirais, soyez ouverts. Et c'est un peu comme vous aimez voyager, vous aimez vous cultiver, vous aimez découvrir de nouvelles cultures. C'est pour ça que je parlais de transculturel. Alors faites pareil avec cette nouvelle génération. Et en plus, c'est la vôtre, c'est votre nouvelle génération pour tous ceux qui ont des enfants, des petits-enfants. Voilà, donc personnellement, je n'en ai pas. Et justement, je me dis tiens, ça me manque parce que je passe à côté de beaucoup de choses. Et donc, c'est ce qui fait que je m'intéresse aux autres jeunes que je peux rencontrer d'une façon générale. Je l'ai dit tout à l'heure aussi, moi, ça me permet de me sentir en vie et ça, ça me semble très important. Capital. Capital. Et voilà, donc déjà ça, tu y vois tout l'intérêt pour toi. Bon, après, il y a le côté, on a des choses à leur transmettre, même s'ils ne le voient pas toujours. Et c'est justement où je reviens à l'autre phase de la relation. C'est comment dire à ces jeunes, regardez ce qu'on a à vous apporter. Alors, c'est peut-être en termes justement de ne pas venir en termes de voilà ce que je sais, voilà ce que vous devez savoir, pas en termes parentales. plus en termes, alors se mettre un peu sur leur mode à eux, qui est plus dans la créativité, qui est plus dans la curiosité, qui est plus dans...

  • Speaker #0

    Dans l'émotion.

  • Speaker #1

    Et dans l'émotivité, peut-être. Je dirais là-dedans, d'entrer en contact avec eux par ce mode-là. Mais là, Patrice, toi comme moi, nous savons que c'est le grand principe de la communication. D'entrer par le... canal de l'autre.

  • Speaker #0

    Se synchroniser, quoi.

  • Speaker #1

    Exactement. Et là, ils ouvriraient, ils s'ouvriraient. Et là, on peut après... Voilà. Je m'aperçois que c'est justement quand, dans ma façon pédagogique d'animer, je vois bien que je commence comme ça et après, tout le monde est ouvert à ce qu'elle peut nous apporter, cette dame d'un certain âge qui arrive et qui a... Voilà. Mais si j'arrivais avec mon côté très solennel, enseignante, voilà, aujourd'hui je vous parle de ça, écoutez bien et soyez sages, je ne suis pas sûre que ça passerait de la même façon.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est évident et l'Anne-Marie Peralta autoritaire qui en impose, elle le...

  • Speaker #1

    J'ai su faire, j'ai su faire.

  • Speaker #0

    J'ai su faire, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Mais voilà.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est difficile dans cette synchronisation intergénérationnelle, c'est de ne pas renoncer à soi et d'accepter l'autre, pas par démagogie, pas par on s'aplatit, mais simplement parce qu'on sait gérer cette différence. Et ça, je pense que c'est pour chacun d'entre nous un territoire à conquérir et une occasion de grandir. de pour nous et je trouve que c'est moi c'est ça que je mettrais en pique c'est profiter de l'intergénérationnel un peu comme une on profite du fait faire un rapprochement un peu audacieux mais un peu comme on profite un peu du yoga c'est à dire ça assouplit les neurones parler avec des jeunes ou parler avec des gens plus âgés que nous ça assouplit les neurones ça nous oblige à À nous développer au sens propre du terme.

  • Speaker #1

    À continuer à nous développer, absolument. Quand je dis je suis en vie, c'est ça, je suis en vie et je veux continuer à développer, à prendre au contact de toutes ces personnes différentes, oui, mais c'est l'intérêt aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est peut-être ça en fait l'idée, c'est que la différence, au lieu d'être une souffrance, peut être un plaisir. Et que réussir à parler, réussir à échanger avec quelqu'un qui n'a pas notre culture, qui n'a pas notre âge, qui n'a pas notre façon de voir, au lieu de vivre ça comme un danger, c'est vivre ça comme un épanouissement.

  • Speaker #1

    Je vois que nous partageons.

  • Speaker #0

    Oui, je ne doutais pas que nous serions des accords, mais j'espère que notre... Le podcast donnera à nos auditeurs l'envie de réfléchir à ce sujet et à voir chacun concrètement autour d'eux comment ils peuvent prêter l'oreille aux gens qui ne sont pas de la même classe d'âge, de la même culture, de la même génération. Voilà. Eh bien, écoute, Anne-Marie, je te remercie beaucoup pour cet échange. Et nous allons le lancer comme on lance des bouteilles un peu à la mer. Et j'espère que ça suscitera des réactions et que de ces réactions, nous créerons un tissu d'échange et de lien.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #0

    Anne-Marie, je te remercie beaucoup.

  • Speaker #1

    Plaisir partagé, Patrice.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, je vous serais reconnaissant de le liker et de le partager. Si à votre tour vous êtes porteur d'histoires de vie que vous souhaiteriez transmettre à la génération qui vous suit, celle qui vous précède, n'hésitez pas à me le signaler en m'envoyant un message patricemarcade.com Et maintenant, regardez bien dans le creux de vos mains. Les lignes de vie écrivent des histoires. A bientôt pour un nouvel épisode. Je vous embrasse.

Description

Anne_Marie Péralta a suivi un parcours de vie, tant dans sa vie personnelle que professionnelle qui lui a permis d'acquérir une véritable expertise en matière de communication intergénérationnelle.

Elle a accompagné sa maman jusqu'à ses cent ans, des jeunes de banlieue jusqu'au démarrage de leur activité,

Au cours de notre entretien Anne-Marie nous démontre que, le fait de vivre, de travailler avec des générations différentes peut être vécu dans un premier temps comme un obstacle à la communication, mais aussi et surtout, s'avérer être un enrichissement de la relation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast et maintenant, cette question est d'une brûlante d'actualité en ces jours de rentrée. Qu'allez-vous faire ? Qu'allons-nous faire de cette nouvelle saison ? Comme souvent, la réponse est contenue dans la question. Maintenant, nous allons explorer ce que nous avons en main pour inventer le futur. En main, nous avons notre passé, notre expérience, nos proches, notre vécu, qu'il va falloir faire émerger en le mettant en mots, en émotions, en récits. Pour que ces histoires se comptent, il faut que se produise le mystère de la rencontre, suivant la formule magique 1 plus 1 égale 3. Le podcast que vous allez écouter n'existerait pas sans vous. Cette parole qui semble couler de source a besoin d'avoir l'assurance d'un récepteur pour ne pas se tarir. Je souhaiterais que cette année nous puissions creuser la source transgénérationnelle pour en démontrer les vertus individuellement nutritives et socialement bienfaisantes. Ma première invitée est une amie, Anne-Marie Peralta. Je lui laisse le soin de se présenter, mais j'ai souhaité qu'elle ouvre cette saison car son histoire illustre bien la réciprocité de la relation transgénérationnelle. Bonjour Anne-Marie, je suis très heureux que tu aies accepté ma proposition d'être la première invitée de cette nouvelle saison de Et maintenant consacrée aux relations transgénérationnelles. A mes yeux, tu as toute légitimité pour parler de ce sujet et avant toute chose, je te laisse te présenter pour que... nos amis puissent comprendre pourquoi je t'ai retenu et sollicité.

  • Speaker #1

    Merci Patrice, je m'appelle Anne-Marie Peralta, je suis dans une étape de la vie qu'on appelle retraitée actuellement, mais j'en ai eu bien d'autres, notamment professionnellement, où j'ai accompagné des entreprises et les personnes de ces entreprises dans l'amélioration de leurs relations.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas uniquement pour ça que je t'ai proposé de parler de transgénérationnel. Tu as des expériences que n'ont pas vécu le commun des mortels.

  • Speaker #1

    Oh, là, si je compare au commun des mortels, le niveau est placé très haut. Écoute, oui, j'ai différentes expériences et à différents niveaux, et je suis très heureuse de pouvoir en parler. Je vais commencer, si tu es d'accord, et comme tu connais bien mes expériences. par le moment de ma vie où j'ai vécu avec ma mère. C'était au décès de mon papa et je savais que pour maman, ce serait très difficile, affectivement, de vivre seule. J'ai donc pris la décision de la faire vivre avec moi, chez moi. C'est un peu difficile d'en parler, mais voilà. Alors tout au début, nous étions deux adultes qui vivions ensemble. Maman prenait sa part à la maison, faisait les courses, faisait les repas. Moi j'étais très très prise par mon activité professionnelle, dont je vous parlerai plus tard. Je ne nous concevais justement pas comme deux amis, mais enfin comme deux adultes, c'est ce que j'ai dit. Et puis petit à petit, l'âge venant pour maman, je me suis aperçue qu'elle avait de plus en plus besoin que je prenne le relais sur beaucoup de choses, pour faire les courses et pour m'occuper d'elle aussi. Et là, j'ai compris ce que ça voulait dire la relation transgénérationnelle. Et je ne l'avais jamais imaginé comme ça. Quelque part, je prenais peu à peu une place que maman avait occupée en tant que mère de sa fille et je ne devenais pas sa mère, non, mais je devenais celle qui s'occupait d'elle. Et ça, jusqu'aux dernières années de sa vie. C'était nouveau, c'était pas évident à vivre tous les jours. Mais avec le recul, je m'aperçois que ça a été très enrichissant pour moi, pour ma vie. D'abord parce que je ne me savais pas capable de faire ça. C'était donc une expérience. Et aussi pour ce que ça m'a apporté. Parce que j'avais devant moi une personne d'un certain âge. Donc ce n'était pas s'occuper d'un enfant, c'était s'occuper d'une personne qui avait été aussi celle qui m'avait élevée. Donc c'est toute une sorte de relation. que je n'aurais pas vécu si je n'avais pas pris cette décision que maman vienne vivre chez moi. Pas jusqu'à la fin, puisque la dernière année, elle est allée en maison de retraite ou en EHPAD, puisqu'il faut... c'est un EHPAD, mais quand même vraiment très très longtemps. Et oui, je le dirais, nous en avons suffisamment parlé, Patrice, ça a beaucoup enrichi ma vie.

  • Speaker #0

    qu'elle t'a enseigné qu'est ce qu'elle t'a appris ou est ce que tu t'es à enseigner en l'accompagnant comme ça jusqu'à ces derniers moments

  • Speaker #1

    Oui, la réponse est oui. Je répondrai concrètement à cette question, mais j'ai fait la différence entre quand maman était ma mère et moi l'enfant, l'adolescente, et le moment où on est venu à une relation de grande personne ensemble et puis où j'ai pris petit à petit un autre rôle en m'occupant d'elle. Là, j'ai beaucoup... appris parce que je me suis rendu compte qu'il y a la relation normale mère-fille, mais quand l'âge vient et quand les besoins de l'âge viennent, alors on peut changer de rôle. Et ce changement de rôle m'a semblé très important pour continuer cette relation de famille et qu'elle continue à être aussi riche, mais qu'on change. On change en fait celui qui apporte l'aide à l'autre et ça c'était important. Et aussi une façon de voir comment on peut vieillir. Et par rapport à des questions que je ne me posais peut-être pas, c'était de me rendre compte que maman avait très envie de vivre. Elle voulait vivre jusqu'à ses 100 ans et elle l'a fait. Et tout en étant toujours joyeuse, tout en étant toujours trouvant que la vie était très belle, que les gens étaient très sympas, que les gens... mériter d'être aimé. Donc ça m'a beaucoup apporté sur ma façon de voir les choses. Donc j'ai intégré ça dans ma propre réflexion, dans ma propre vie. Et c'est ça que j'ai appelé l'enrichissement en fait. Oui, tout à fait. Alors qu'on dit beaucoup de choses sur les personnes qui vieillissent, ça m'a fait voir qu'on pouvait vieillir différemment. Et peut-être, mais je sais que tout le monde me l'a dit autour de moi, le fait que justement nous vivions ensemble, deux générations différentes, en s'apportant l'une l'autre tout ce qu'on avait d'affectif, mais même aussi d'idées, on partageait des lectures, on partageait beaucoup de choses, ça nous aide à vivre beaucoup mieux toutes les deux, et à devenir des personnes beaucoup plus fortes, intérieurement, bien sûr.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'elle t'a appris à vivre. D'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Elle m'a préparée à une étape de ma vie, en effet. Elle n'est plus là, mais je sais que je vis avec ce qu'elle m'a... Elle a continué à m'apprendre ça, mais c'est venu du fait de notre nouvelle relation.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Elle t'a appris à vieillir.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. Oui, et j'aimerais beaucoup vieillir comme elle, oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est un bel hommage. Est-ce que tu serais capable de retrouver un souvenir précis de choses que vous avez vécues toutes les deux, dans lesquelles tu te nourris ? C'est-à-dire, tu peux-tu y référer ce souvenir, cette émotion que tu as partagée avec elle, qui est une émotion en fait que tu ne pouvais partager avec personne d'autre ? C'est exceptionnel comme relation. C'est délicat, mais...

  • Speaker #1

    Oui, c'est délicat. Et aussi parce que je m'aperçois que tu me poses la question et je m'aperçois que ça ne m'est pas facile de retrouver, même si je pense vraiment presque tous les jours, à un moment comme si elle était encore là. Je lui parle quelque part, je lui dis, ah, tu vois là, j'aurais... Ah, zut, je n'ai pas réussi à faire ça. Tu vois, toi, tu m'aurais dit ça. Voilà, ça, ce sont des choses qui m'arrivent très, très, très souvent. Ou d'avoir des gestes et des paroles où je me dis, tiens, j'ai l'impression d'être ma mère qui parle, par exemple. Voilà, ça oui. Maman avait le rire très facile. Ce n'est pas quelque chose qui a été mon point fort jusqu'à présent. Et tu vois, c'est ce que je te disais, je crois, hier aussi. Maman aimait beaucoup les gens, parlait beaucoup et très facilement. Et ça, je me rends compte qu'en vieillissant, je suis devenue comme ça. Voilà. il m'arrive de rire toute seule chez moi et je sais que je parle beaucoup beaucoup plus facilement ne serait-ce que même dans l'immeuble dans lequel je vis par exemple maman connaissait les personnes et moi je ne les connaissais pas c'est un petit immeuble il n'y a pas beaucoup de monde mais maman connaissait, elle me disait tu fais la dame de tel étage, le monsieur de tel étage et moi je disais ah oui, ah bon, ah oui, ah bon je travaillais j'étais préoccupée que par ça et pas du tout par les personnes qui habitaient mon immeuble... Elle avait les numéros de téléphone, elle avait tout. Et je m'aperçois maintenant que c'est moi qui fais ça. Je connais tout le monde, j'ai les numéros de téléphone, je rends service, on me rend service. Je pense qu'elle m'a appris ça, et ça c'est quelque chose que j'ai senti venir petit à petit à son contact. Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple en fait du... de la relation transgénérationnelle. Et en fait, tout au long de sa vie, elle t'a appris, elle s'est servie, elle a été pour toi un modèle. Et maintenant que tu commences à prendre de l'âge à ton tour, elle est une référence sur ce que c'est que de vieillir. Et bien, ça c'est une des dimensions du transgénérationnel. qui est très importante et ça n'est pas uniquement le transgénérationnel, ça n'est pas uniquement du fort au faible, mais ça peut être du faible au fort.

  • Speaker #1

    Voilà, si on considère qu'une personne plus âgée est faible.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et que nous, nous sommes forts. Je crois que c'est ça. Merci d'avoir dit ça comme ça, parce que c'est en réfléchissant un petit peu avant de commencer cet entretien, je me disais justement que... La réflexion, c'est de me dire justement, ça repositionne un peu aussi dans la relation transgénérationnelle, en fonction des moments où on la vit, ça repositionne en fait. Je ne sais pas si je dirais fort ou faible, mais oui, fort ou faible, et puis celui qui donne et celui qui reçoit, par exemple, aussi. Et j'ai vécu ça aussi dans le monde de l'entreprise, dans le cadre professionnel.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Dans le cadre professionnel, je travaillais en... en tant que consultant dans le monde de l'entreprise, comme tu le sais, et je me suis aperçue en allant dans différents secteurs d'activité que lorsqu'on rencontrait ce qu'on appelait les jeunes, les vieux, les nouveaux arrivés et les anciens, tout ça mettait en place un certain type de relation. qui étaient, je n'irai pas jusqu'à dire dominants, dominés, mais qui étaient nous les vieux ou nous les anciens en termes d'années de présence. Nous sommes ceux qui sommes déjà là en place, qui savons, qui connaissons les règles. Alors nous avons sur vous une forme de pouvoir, donc vous devez nous écouter. C'est nous qui vous apportons. Et pendant très longtemps... il n'y avait pas dans l'autre sens de qui êtes-vous et que pouvez-vous nous apporter. Bon, les entreprises ont changé un peu, je l'espère en tout cas, puisque j'ai été depuis 15 ans en métier, mais c'est de sa mt très très très long à se mettre en place. En tant que consultante, on m'a souvent demandé, en effet, de travailler sur cet aspect-là. Même si on proposait des méthodes, des approches, je me suis toujours rendu compte que c'était très difficile de changer cette relation, de changer cette façon de voir l'autre, parce qu'on est vraiment là.

  • Speaker #0

    C'est un abandon de pouvoir.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Voilà. Parce que si je change, qu'est-ce que ça veut dire pour moi ? Alors l'un c'est abandon de pouvoir et l'autre c'est peut-être me faire prendre conscience qu'en effet il y a des choses que je ne sais pas. Et moi qui sors de grande école ou autre, est-ce que je peux me dire non je ne sais pas ? Voilà, donc en effet c'était tout un travail à faire de ce point de vue-là. Et moi personnellement, et comme tu me connais bien tu le sais, je fais un lien aussi avec justement le... Le transculturel, parce que c'est un peu ça aussi. Voilà, donc on est dans le monde de l'entreprise, on était un peu dans ces dimensions-là.

  • Speaker #0

    C'est intéressant que tu parles du transculturel, parce que transculturel, ça veut dire que des Européens travaillent avec des Africains, etc. Mais ça veut dire aussi que des gens d'une classe d'âge travaillent... avec des jeunes qui n'appartiennent pas à la même culture. Ce n'est plus une histoire de continent, mais c'est une histoire de culture, de centre d'intérêt, de façon de parler, d'être avec. Et donc, j'ai l'impression que cette difficulté de communication, puisque c'était quand même le cœur de notre métier, Cette difficulté de communication, elle persiste et que très souvent, les gens disent j'ai du mal à me faire comprendre. L'autre a du mal à entendre ce que je dis parce qu'il est différent de moi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. En t'écoutant, je pensais à quelque chose qui nous est commun dans notre métier. C'est une question de cadre de référence. Absolument. Et donc on se rend compte que dans le monde de l'entreprise, mais je sais que c'est aussi dans le monde de la vie sociale, cette différence-là, c'est tout à fait une différence de cadre de référence. Nous, nous sommes dans notre monde à nous, et donc nous avons notre cadre de référence, notre façon de voir les choses, notre façon de les apprécier, notre vocabulaire, et eux, les jeunes, on va dire même les trentenaires, Ils ont un autre cadre de référence. En effet, ils voient le monde différemment. Quand on parle de ce qu'ils voient le monde aujourd'hui, est-ce qu'ils se posent des questions sur ce qu'il va devenir, sur ce que lia le rapport et autres, nous, on voit ça de notre point de vue. Mais eux, s'ils n'ont pas l'air de s'en préoccuper, c'est parce que pour eux, ça ne présente pas du tout peut-être la même importance. Oui, bien sûr, mais ils sont déjà dedans.

  • Speaker #0

    Oui, et ce n'est pas la même urgence.

  • Speaker #1

    Et ce n'est pas la même urgence. Absolument. Voilà, ils vivent avec déjà et nous, on voit ça comme quelque chose qui nous chamboule un peu d'ailleurs. Et donc, je pense que c'est là où vient la difficulté, mais où il faut qu'on fasse tout le travail de dire, bon, il faut que j'accepte de voir comment l'autre, quelle est sa perception du monde à lui, alors que ce soit du monde de l'entreprise, que ce soit du monde de la société. Tu m'as parlé d'écologie hier, de la façon dont chacun voyait ça. Oui, mais c'est ça qui est un peu difficile. Et moi, je dirais qu'arriver en effet à une certaine maturité, ce n'est pas que c'est plus difficile, mais ça me demande de remettre beaucoup plus de choses en jeu que de me dire oui, je vais aller jusque vers... Voilà, il y a un très long chemin entre nous maintenant, de plus en plus long. Et de me dire, je vais essayer de me mettre, de comprendre, de mieux voir.

  • Speaker #0

    Celle-là, on est au... au cœur du problème du transgénérationnel. C'est-à-dire qu'on ne voit plus les couleurs de la même façon, on ne voit plus les lumières de la même façon, on ne voit plus et il faut arriver à accepter de parler à quelqu'un qui ne voit pas la même chose que nous et qui, s'il ne nous comprend pas, ce n'est pas qu'il nous veut du mal, ce n'est pas qu'il fait l'imbécile, c'est simplement parce que c'est comme ça, il ne le voit pas. Et nous, ça suppose, dans cette relation transgénérationnelle, que nous soyons capables de faire ce petit pas de côté pour accepter de partager momentanément le point de vue de l'autre. Et alors, tu ne t'es pas arrêté à ta vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais suivre ce que tu viens de dire, parce que tu me fais réfléchir en même temps en parlant. Je me dis, moi j'irais même plus loin que ce que tu viens de dire, je dirais, en tout cas je le perçois comme ça et j'essaye de vivre ça comme ça, c'est à nous de faire l'effort d'aller vers eux. Parce qu'eux ne voient pas l'intérêt de venir vers nous, puisque nous sommes le passé pour eux. Ils ne voient pas l'intérêt, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais ils ne le voient pas tout de suite. Alors je dirais que moi, et je le sens comme ça autour de moi, c'est à moi d'aller vers eux, de comprendre leur monde à eux. de comprendre leur façon de le voir, de m'y intéresser, et alors je peux leur parler du mien.

  • Speaker #0

    On s'est toujours présenté le plus longtemps possible comme des sachants, et là ils renvoient à notre génération, ce que vous défendez, c'est obsolète, c'est caduque. Et donc c'est vous qui devez nous écouter. Ça explique peut-être pourquoi les rapports sont à certains moments si tendus entre les générations.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc si nous voulons maintenir le lien, moi en tout cas pour ma part je sais que je fais l'effort, mais en même temps ce n'est plus un effort, parce que ça devient aussi intéressant de découvrir un autre monde. Je ne dis pas que j'apprécie tout, que je partage tout, mais au moins je découvre ce monde qui est celui qui va me remplacer.

  • Speaker #0

    Et alors, dans ta nouvelle activité, tu as l'occasion justement de découvrir cette nouvelle face du monde.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc, puisque je ne suis plus professionnellement investie, j'ai cherché longtemps ce que je pouvais faire pour ne pas rester sans activité. Et on m'a proposé d'intégrer une association qui... permet à des personnes plutôt jeunes, mais bon, ça peut aller jusqu'à 40-45 ans, je sais qu'aujourd'hui, on ne considère pas que ce sont des jeunes, qui ont un projet, un projet de création de leur propre activité. Et donc, cette association fonctionne avec des salariés qui, eux, sont là pour accorder des prêts, mais fonctionne aussi beaucoup avec des bénévoles qui, eux, viennent faire une formation. auprès de ces personnes pour valider leur projet et pour leur donner les éléments essentiels de départ sur le plan commercial, juridique et financier. Et communication aussi, comment parler de mon activité, comment partager mon projet, le présenter aux différents acteurs qui vont être importants pour moi, pour m'accorder des crédits, pour s'associer à moi ou pouvoir m'implanter dans une région par exemple. Et donc j'ai rencontré ces personnes qui pour beaucoup n'ont pas de formation particulière ou ne sont peut-être pas allées à l'école très longtemps, mais d'autres aussi qui ont pu aller faire des études, qui ont pris un poste, mais qui se sont aperçus qu'ils préfèreraient ne pas être intégrés dans une entreprise, mais se mettre à leur compte. Et donc ça déjà, ça a été pour moi quelque chose d'intéressant à découvrir, puisque moi, ma génération... On a intégré une entreprise et quand c'était une bonne entreprise, comme il y en a beaucoup, on se disait chouette, je vais pouvoir avoir progressé, avoir un poste intéressant, mieux gagner ma vie Et là, je découvre des personnes qui se disent au bout de deux, trois ans non, je n'ai pas envie de vivre dans un système, je veux m'installer à mon compte Et certaines changent complètement d'orientation, même si elles ont fait de bonnes études dans un secteur d'activité. Ça aussi, pour moi, c'était intéressant parce que je n'ai pas beaucoup connu ça au niveau de ma génération, des gens qui m'ont entourée. Et je me suis dit, tiens, voilà, ils ne voient plus le monde du travail de la même façon. Pour eux, ce n'est pas ah, j'ai un poste et je suis content, j'ai du travail et je le garde Non, c'est j'ai un poste, il me plaît ou il ne me plaît pas, il correspond à ce que je veux et ce que je ne veux pas Et je peux tout à fait changer complètement d'orientation.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un grand changement par rapport à notre génération. Et ça veut dire aussi qu'ils remettent en cause la façon dont ils ont été formés. L'obtention du diplôme n'est pas le Graal. Ça veut dire que peut-être que je m'arrange le droit de dire que ce qu'on m'a appris, ce n'est pas ce qui correspond à la vraie vie. Je ne pense pas. Dans notre génération, ça se disait beaucoup, ça. Parce qu'on courait derrière le diplôme pensant qu'avec ça, on était assuré de gagner bien sa vie, d'avoir une reconnaissance sociale et de s'épanouir. Je crois que maintenant, ça n'est pas exactement le cas.

  • Speaker #1

    Alors tu as employé le mot de s'épanouir et là encore, je t'écoute et je me dis est-ce que c'est quelque chose que j'avais en tête ? Alors, je pense que... Moi, le côté s'épanouir, ça a été assez tard dans ma vie professionnelle, parce que ça a été vers les 40 ans, donc tu vois, voilà. Mais eux, maintenant, justement, c'est beaucoup plus tôt. C'est beaucoup, voilà, c'est tout de suite. Même si j'ai fait des études, prenons un exemple, j'ai fait des études de droit, et là j'en connais autour de moi, et ils sont allés jusqu'au bout de ces études de droit, qui sont quand même difficiles, qui demandent énormément de travail, et qui tout à coup disent mais non, mais c'est pas ça que je veux et repartent complètement dans un domaine artistique ou autre, et qui en effet là s'épanouissent, et je les vois, et je vois les résultats au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Tu pourrais donner un exemple d'une personne que tu as accompagnée, qui a fait ce genre de révolution dans sa vie ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est une jeune femme. Elle a fait des études de droit parce que là où elle habitait, la fac de droit était ce qu'il y avait de plus proche. Et comme elle ne voulait pas trop s'éloigner de son cocon familial, elle a donc fait droit. Elle a fait les trois années de licence. Elle a fait une année de maîtrise. Et elle travaillait énormément. Elle souffrait. Parce que voilà, on sentait bien que par rapport à sa sensibilité personnelle, le droit, c'était pas tout à fait bon. Moi, comme toi, qui connaissons bien les personnalités, je voyais bien que ça n'allait pas avec ce qu'elle était fondamentalement. Et elle a eu le déclic et le courage de dire Bon, ben non, je ne ferai pas. Je n'irai pas dans cette voie-là. Et elle a donc changé. Elle fait… Maintenant une formation d'architecte d'intérieur, et qu'elle finance elle-même. Elle a donc fait un emprunt, elle termine sa troisième année, elle est épanouie en tant que jeune femme, elle est reconnue dans sa promotion comme une des meilleures maquettistes et autres, et vraiment quand je parle avec elle, c'est une autre personne. Et je me dis, elle a 26 ans. oui et je me dis oui moi j'avais peut-être des velléités dans mais jamais je n'aurais eu ce courage là parce que ça ne se faisait pas enfin en tout cas autour de moi voilà maintenant oui et j'en ai

  • Speaker #0

    j'ai d'autres exemples de jeunes comme ça oui absolument si tu penses à si tu penses à d'autres personnes c'est intéressant parce que ça te si tu le ramène à toi ça te renvoie à quoi tu c'est à dire tu vois quelqu'un qui a eu un désir et qui a accepté de lâcher la rampe pour satisfaire ce désir, satisfaire son projet. Elle donne une leçon en même temps à tout le monde et à ceux qui la côtoient.

  • Speaker #1

    Alors je voudrais juste relier avec notre sujet qui est la relation transgénérationnelle. Et donc moi, aujourd'hui, je suis avec ces personnes-là. Alors là où je trouve, faisant cela de façon bénévole, je trouve une grande satisfaction, c'est que ce que mes collègues et moi-même venons leur apporter dans le cadre de leur projet, qui donc va les aider, va les conforter, va les accompagner et leur donner des outils et des compétences pour pouvoir vraiment aller jusqu'au bout de leur projet et faire qu'ils vivent, parce que notre objectif nous c'est ça, c'est qu'ils vivent et qu'ils en vivent. Ce qu'on leur dit, c'est de voir les retours que l'on a en termes de, pas de remerciements, mais de voir un peu les progrès, de voir un peu ce que nous apportons, ce qu'ils font, je vais le dire autrement, ce qu'ils font de ce qu'on leur donne. Et eux là ne nous disent pas vous êtes d'une autre génération, ils nous disent, nous ce qu'on vient vous demander, c'est votre expérience, c'est votre regard sur nous. Et en plus de compétences techniques que nous, nous n'avons pas pour l'instant. Et donc là, on se dit, OK, on est des retraités d'une certaine génération, mais quand on est avec eux, ils ne nous font pas sentir cette différence. Chose que je ressentais dans le monde de l'entreprise, on travaille ensemble à leur projet.

  • Speaker #0

    Dans un rapport presque d'égalité, avec une position différente, mais d'égalité.

  • Speaker #1

    Exactement, la position est différente, mais là justement il n'y a pas moi je sais, toi tu sais pas, toi t'es vieux, moi je suis jeune Non, non, c'est nous on a un projet, vous avez à nous donner, vous avez à nous apporter, on le sait et on vient le chercher. Et vous nous le donnez, alors là, merci quoi. Mais on vient chercher et vous allez voir, on va en faire quelque chose. Et ça, c'est le retour en fait.

  • Speaker #0

    Bon, Anne-Marie, nous vivons dans une société qui devient de plus en plus, on dit, fracturée, en archipel ou tout ce qu'on veut, enfin d'une société dans laquelle les communautés se referment les unes sur les autres, encore les communautés, les micro-communautés. On ne fréquente plus que les gens qui nous ressemblent, des gens qui nous rassurent en fait sur ce que nous sommes, de façon à... de façon à fuir la peur et l'autre devient un étranger, un étranger fantasmé et donc un danger. Donc il y a un risque pour l'équilibre social. Est-ce que cette expérience, enfin ton expérience de relation transgénérationnelle, ne t'a pas préparé ? à vivre avec l'étranger, justement, avec l'autre, et qu'est-ce que tu suggérerais au niveau social pour que les choses évoluent, que les barrières tombent ?

  • Speaker #1

    Alors oui, moi ça m'a beaucoup aidé, et c'est ce qui me fait dire que, alors en plus de l'expérience dont j'ai déjà parlé avec maman, qui m'a apporté beaucoup pour comment mieux vieillir, je dirais, là pour moi, oui, c'est... C'est vraiment le... c'est très important, je le fais depuis huit ans et je sais que c'est quelque chose que je n'ai pas envie de lâcher. Parce que quand je suis avec ces personnes, quand je travaille avec elles, quand j'en ressors et que je rentre chez moi, je ne dirais pas que j'ai l'impression d'avoir rajeuni, mais en termes d'énergie personnelle, oui, tout à fait. Oui. Et donc je sais que j'ai besoin de ça pour me sentir bien, autant que de mes... que de mes traitements médicamenteux, bien sûr. Oui, c'est important. Et c'est important parce qu'ils sont d'une autre génération. Alors moi, je dis, ce sont eux la vie qui est en cours là et qui se développe. Donc tant mieux, je continue, moi, à vivre à côté un peu et quelque part à me ressourcer en permanence grâce à eux. Alors je sais que je dis toujours je ne veux pas vivre qu'avec des personnes de mon âge. Voilà. parce que je ne suis pas sûre que cela me ressource suffisamment. Donc, j'ai vraiment besoin de ça. En plus, j'ai peut-être une illusion, mais que je peux apporter encore. Donc, je le fais.

  • Speaker #0

    Oui, le sentiment d'être utile.

  • Speaker #1

    Être utile, absolument. Et bon, quelque part, j'ai toujours eu cette envie d'apprendre aux autres. Et je me dis, j'ai le sentiment d'être encore utile. pour ces jeunes qui ont encore à apprendre, bien sûr. Et donc, si ça peut leur être utile pour développer leur propre monde, tant mieux. C'est pour ça que j'essaye de le comprendre. Il y a beaucoup de choses qui me sont très, très inconnues. Ça, tu le sais, tout ce qui est technologie et autres. Alors ça, c'est très drôle parce que quand, bien sûr, ils me parlent soit des réseaux sociaux, soit de tout ce qu'ils utilisent sur leurs ordinateurs, il me regarde et me disent ah là tu sais pas ce que c'est j'ai dit non est ce que j'ai vraiment besoin de le savoir on me dise bon bah on va juste dire ce dont tu as besoin voilà donc c'est un peu un clin d'oeil entre nous et je trouve ça très très agréable très sympa voilà si

  • Speaker #0

    tu avais l'occasion de faire le pitch en fait de la transe communication transgénérationnelle Si tu devais inciter les gens à cultiver ça comme un art, comme un art, oui, c'est ça, qu'est-ce que tu dirais ? Comment rendrais-tu ce qui est vécu pour beaucoup comme un obstacle, comment tu dirais pour que les gens aient envie de parler à des gens plus jeunes, ou les gens plus jeunes aient envie de communiquer avec des gens plus... Zazie.

  • Speaker #1

    Alors, ça m'est plus facile de dire aux seniors comment parler avec les jeunes, parce que je vais me référer un peu à ce que je fais, ce que j'ai envie de faire. Je dirais, soyez ouverts. Et c'est un peu comme vous aimez voyager, vous aimez vous cultiver, vous aimez découvrir de nouvelles cultures. C'est pour ça que je parlais de transculturel. Alors faites pareil avec cette nouvelle génération. Et en plus, c'est la vôtre, c'est votre nouvelle génération pour tous ceux qui ont des enfants, des petits-enfants. Voilà, donc personnellement, je n'en ai pas. Et justement, je me dis tiens, ça me manque parce que je passe à côté de beaucoup de choses. Et donc, c'est ce qui fait que je m'intéresse aux autres jeunes que je peux rencontrer d'une façon générale. Je l'ai dit tout à l'heure aussi, moi, ça me permet de me sentir en vie et ça, ça me semble très important. Capital. Capital. Et voilà, donc déjà ça, tu y vois tout l'intérêt pour toi. Bon, après, il y a le côté, on a des choses à leur transmettre, même s'ils ne le voient pas toujours. Et c'est justement où je reviens à l'autre phase de la relation. C'est comment dire à ces jeunes, regardez ce qu'on a à vous apporter. Alors, c'est peut-être en termes justement de ne pas venir en termes de voilà ce que je sais, voilà ce que vous devez savoir, pas en termes parentales. plus en termes, alors se mettre un peu sur leur mode à eux, qui est plus dans la créativité, qui est plus dans la curiosité, qui est plus dans...

  • Speaker #0

    Dans l'émotion.

  • Speaker #1

    Et dans l'émotivité, peut-être. Je dirais là-dedans, d'entrer en contact avec eux par ce mode-là. Mais là, Patrice, toi comme moi, nous savons que c'est le grand principe de la communication. D'entrer par le... canal de l'autre.

  • Speaker #0

    Se synchroniser, quoi.

  • Speaker #1

    Exactement. Et là, ils ouvriraient, ils s'ouvriraient. Et là, on peut après... Voilà. Je m'aperçois que c'est justement quand, dans ma façon pédagogique d'animer, je vois bien que je commence comme ça et après, tout le monde est ouvert à ce qu'elle peut nous apporter, cette dame d'un certain âge qui arrive et qui a... Voilà. Mais si j'arrivais avec mon côté très solennel, enseignante, voilà, aujourd'hui je vous parle de ça, écoutez bien et soyez sages, je ne suis pas sûre que ça passerait de la même façon.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est évident et l'Anne-Marie Peralta autoritaire qui en impose, elle le...

  • Speaker #1

    J'ai su faire, j'ai su faire.

  • Speaker #0

    J'ai su faire, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Mais voilà.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est difficile dans cette synchronisation intergénérationnelle, c'est de ne pas renoncer à soi et d'accepter l'autre, pas par démagogie, pas par on s'aplatit, mais simplement parce qu'on sait gérer cette différence. Et ça, je pense que c'est pour chacun d'entre nous un territoire à conquérir et une occasion de grandir. de pour nous et je trouve que c'est moi c'est ça que je mettrais en pique c'est profiter de l'intergénérationnel un peu comme une on profite du fait faire un rapprochement un peu audacieux mais un peu comme on profite un peu du yoga c'est à dire ça assouplit les neurones parler avec des jeunes ou parler avec des gens plus âgés que nous ça assouplit les neurones ça nous oblige à À nous développer au sens propre du terme.

  • Speaker #1

    À continuer à nous développer, absolument. Quand je dis je suis en vie, c'est ça, je suis en vie et je veux continuer à développer, à prendre au contact de toutes ces personnes différentes, oui, mais c'est l'intérêt aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est peut-être ça en fait l'idée, c'est que la différence, au lieu d'être une souffrance, peut être un plaisir. Et que réussir à parler, réussir à échanger avec quelqu'un qui n'a pas notre culture, qui n'a pas notre âge, qui n'a pas notre façon de voir, au lieu de vivre ça comme un danger, c'est vivre ça comme un épanouissement.

  • Speaker #1

    Je vois que nous partageons.

  • Speaker #0

    Oui, je ne doutais pas que nous serions des accords, mais j'espère que notre... Le podcast donnera à nos auditeurs l'envie de réfléchir à ce sujet et à voir chacun concrètement autour d'eux comment ils peuvent prêter l'oreille aux gens qui ne sont pas de la même classe d'âge, de la même culture, de la même génération. Voilà. Eh bien, écoute, Anne-Marie, je te remercie beaucoup pour cet échange. Et nous allons le lancer comme on lance des bouteilles un peu à la mer. Et j'espère que ça suscitera des réactions et que de ces réactions, nous créerons un tissu d'échange et de lien.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #0

    Anne-Marie, je te remercie beaucoup.

  • Speaker #1

    Plaisir partagé, Patrice.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, je vous serais reconnaissant de le liker et de le partager. Si à votre tour vous êtes porteur d'histoires de vie que vous souhaiteriez transmettre à la génération qui vous suit, celle qui vous précède, n'hésitez pas à me le signaler en m'envoyant un message patricemarcade.com Et maintenant, regardez bien dans le creux de vos mains. Les lignes de vie écrivent des histoires. A bientôt pour un nouvel épisode. Je vous embrasse.

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Description

Anne_Marie Péralta a suivi un parcours de vie, tant dans sa vie personnelle que professionnelle qui lui a permis d'acquérir une véritable expertise en matière de communication intergénérationnelle.

Elle a accompagné sa maman jusqu'à ses cent ans, des jeunes de banlieue jusqu'au démarrage de leur activité,

Au cours de notre entretien Anne-Marie nous démontre que, le fait de vivre, de travailler avec des générations différentes peut être vécu dans un premier temps comme un obstacle à la communication, mais aussi et surtout, s'avérer être un enrichissement de la relation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast et maintenant, cette question est d'une brûlante d'actualité en ces jours de rentrée. Qu'allez-vous faire ? Qu'allons-nous faire de cette nouvelle saison ? Comme souvent, la réponse est contenue dans la question. Maintenant, nous allons explorer ce que nous avons en main pour inventer le futur. En main, nous avons notre passé, notre expérience, nos proches, notre vécu, qu'il va falloir faire émerger en le mettant en mots, en émotions, en récits. Pour que ces histoires se comptent, il faut que se produise le mystère de la rencontre, suivant la formule magique 1 plus 1 égale 3. Le podcast que vous allez écouter n'existerait pas sans vous. Cette parole qui semble couler de source a besoin d'avoir l'assurance d'un récepteur pour ne pas se tarir. Je souhaiterais que cette année nous puissions creuser la source transgénérationnelle pour en démontrer les vertus individuellement nutritives et socialement bienfaisantes. Ma première invitée est une amie, Anne-Marie Peralta. Je lui laisse le soin de se présenter, mais j'ai souhaité qu'elle ouvre cette saison car son histoire illustre bien la réciprocité de la relation transgénérationnelle. Bonjour Anne-Marie, je suis très heureux que tu aies accepté ma proposition d'être la première invitée de cette nouvelle saison de Et maintenant consacrée aux relations transgénérationnelles. A mes yeux, tu as toute légitimité pour parler de ce sujet et avant toute chose, je te laisse te présenter pour que... nos amis puissent comprendre pourquoi je t'ai retenu et sollicité.

  • Speaker #1

    Merci Patrice, je m'appelle Anne-Marie Peralta, je suis dans une étape de la vie qu'on appelle retraitée actuellement, mais j'en ai eu bien d'autres, notamment professionnellement, où j'ai accompagné des entreprises et les personnes de ces entreprises dans l'amélioration de leurs relations.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas uniquement pour ça que je t'ai proposé de parler de transgénérationnel. Tu as des expériences que n'ont pas vécu le commun des mortels.

  • Speaker #1

    Oh, là, si je compare au commun des mortels, le niveau est placé très haut. Écoute, oui, j'ai différentes expériences et à différents niveaux, et je suis très heureuse de pouvoir en parler. Je vais commencer, si tu es d'accord, et comme tu connais bien mes expériences. par le moment de ma vie où j'ai vécu avec ma mère. C'était au décès de mon papa et je savais que pour maman, ce serait très difficile, affectivement, de vivre seule. J'ai donc pris la décision de la faire vivre avec moi, chez moi. C'est un peu difficile d'en parler, mais voilà. Alors tout au début, nous étions deux adultes qui vivions ensemble. Maman prenait sa part à la maison, faisait les courses, faisait les repas. Moi j'étais très très prise par mon activité professionnelle, dont je vous parlerai plus tard. Je ne nous concevais justement pas comme deux amis, mais enfin comme deux adultes, c'est ce que j'ai dit. Et puis petit à petit, l'âge venant pour maman, je me suis aperçue qu'elle avait de plus en plus besoin que je prenne le relais sur beaucoup de choses, pour faire les courses et pour m'occuper d'elle aussi. Et là, j'ai compris ce que ça voulait dire la relation transgénérationnelle. Et je ne l'avais jamais imaginé comme ça. Quelque part, je prenais peu à peu une place que maman avait occupée en tant que mère de sa fille et je ne devenais pas sa mère, non, mais je devenais celle qui s'occupait d'elle. Et ça, jusqu'aux dernières années de sa vie. C'était nouveau, c'était pas évident à vivre tous les jours. Mais avec le recul, je m'aperçois que ça a été très enrichissant pour moi, pour ma vie. D'abord parce que je ne me savais pas capable de faire ça. C'était donc une expérience. Et aussi pour ce que ça m'a apporté. Parce que j'avais devant moi une personne d'un certain âge. Donc ce n'était pas s'occuper d'un enfant, c'était s'occuper d'une personne qui avait été aussi celle qui m'avait élevée. Donc c'est toute une sorte de relation. que je n'aurais pas vécu si je n'avais pas pris cette décision que maman vienne vivre chez moi. Pas jusqu'à la fin, puisque la dernière année, elle est allée en maison de retraite ou en EHPAD, puisqu'il faut... c'est un EHPAD, mais quand même vraiment très très longtemps. Et oui, je le dirais, nous en avons suffisamment parlé, Patrice, ça a beaucoup enrichi ma vie.

  • Speaker #0

    qu'elle t'a enseigné qu'est ce qu'elle t'a appris ou est ce que tu t'es à enseigner en l'accompagnant comme ça jusqu'à ces derniers moments

  • Speaker #1

    Oui, la réponse est oui. Je répondrai concrètement à cette question, mais j'ai fait la différence entre quand maman était ma mère et moi l'enfant, l'adolescente, et le moment où on est venu à une relation de grande personne ensemble et puis où j'ai pris petit à petit un autre rôle en m'occupant d'elle. Là, j'ai beaucoup... appris parce que je me suis rendu compte qu'il y a la relation normale mère-fille, mais quand l'âge vient et quand les besoins de l'âge viennent, alors on peut changer de rôle. Et ce changement de rôle m'a semblé très important pour continuer cette relation de famille et qu'elle continue à être aussi riche, mais qu'on change. On change en fait celui qui apporte l'aide à l'autre et ça c'était important. Et aussi une façon de voir comment on peut vieillir. Et par rapport à des questions que je ne me posais peut-être pas, c'était de me rendre compte que maman avait très envie de vivre. Elle voulait vivre jusqu'à ses 100 ans et elle l'a fait. Et tout en étant toujours joyeuse, tout en étant toujours trouvant que la vie était très belle, que les gens étaient très sympas, que les gens... mériter d'être aimé. Donc ça m'a beaucoup apporté sur ma façon de voir les choses. Donc j'ai intégré ça dans ma propre réflexion, dans ma propre vie. Et c'est ça que j'ai appelé l'enrichissement en fait. Oui, tout à fait. Alors qu'on dit beaucoup de choses sur les personnes qui vieillissent, ça m'a fait voir qu'on pouvait vieillir différemment. Et peut-être, mais je sais que tout le monde me l'a dit autour de moi, le fait que justement nous vivions ensemble, deux générations différentes, en s'apportant l'une l'autre tout ce qu'on avait d'affectif, mais même aussi d'idées, on partageait des lectures, on partageait beaucoup de choses, ça nous aide à vivre beaucoup mieux toutes les deux, et à devenir des personnes beaucoup plus fortes, intérieurement, bien sûr.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'elle t'a appris à vivre. D'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Elle m'a préparée à une étape de ma vie, en effet. Elle n'est plus là, mais je sais que je vis avec ce qu'elle m'a... Elle a continué à m'apprendre ça, mais c'est venu du fait de notre nouvelle relation.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Elle t'a appris à vieillir.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. Oui, et j'aimerais beaucoup vieillir comme elle, oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est un bel hommage. Est-ce que tu serais capable de retrouver un souvenir précis de choses que vous avez vécues toutes les deux, dans lesquelles tu te nourris ? C'est-à-dire, tu peux-tu y référer ce souvenir, cette émotion que tu as partagée avec elle, qui est une émotion en fait que tu ne pouvais partager avec personne d'autre ? C'est exceptionnel comme relation. C'est délicat, mais...

  • Speaker #1

    Oui, c'est délicat. Et aussi parce que je m'aperçois que tu me poses la question et je m'aperçois que ça ne m'est pas facile de retrouver, même si je pense vraiment presque tous les jours, à un moment comme si elle était encore là. Je lui parle quelque part, je lui dis, ah, tu vois là, j'aurais... Ah, zut, je n'ai pas réussi à faire ça. Tu vois, toi, tu m'aurais dit ça. Voilà, ça, ce sont des choses qui m'arrivent très, très, très souvent. Ou d'avoir des gestes et des paroles où je me dis, tiens, j'ai l'impression d'être ma mère qui parle, par exemple. Voilà, ça oui. Maman avait le rire très facile. Ce n'est pas quelque chose qui a été mon point fort jusqu'à présent. Et tu vois, c'est ce que je te disais, je crois, hier aussi. Maman aimait beaucoup les gens, parlait beaucoup et très facilement. Et ça, je me rends compte qu'en vieillissant, je suis devenue comme ça. Voilà. il m'arrive de rire toute seule chez moi et je sais que je parle beaucoup beaucoup plus facilement ne serait-ce que même dans l'immeuble dans lequel je vis par exemple maman connaissait les personnes et moi je ne les connaissais pas c'est un petit immeuble il n'y a pas beaucoup de monde mais maman connaissait, elle me disait tu fais la dame de tel étage, le monsieur de tel étage et moi je disais ah oui, ah bon, ah oui, ah bon je travaillais j'étais préoccupée que par ça et pas du tout par les personnes qui habitaient mon immeuble... Elle avait les numéros de téléphone, elle avait tout. Et je m'aperçois maintenant que c'est moi qui fais ça. Je connais tout le monde, j'ai les numéros de téléphone, je rends service, on me rend service. Je pense qu'elle m'a appris ça, et ça c'est quelque chose que j'ai senti venir petit à petit à son contact. Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple en fait du... de la relation transgénérationnelle. Et en fait, tout au long de sa vie, elle t'a appris, elle s'est servie, elle a été pour toi un modèle. Et maintenant que tu commences à prendre de l'âge à ton tour, elle est une référence sur ce que c'est que de vieillir. Et bien, ça c'est une des dimensions du transgénérationnel. qui est très importante et ça n'est pas uniquement le transgénérationnel, ça n'est pas uniquement du fort au faible, mais ça peut être du faible au fort.

  • Speaker #1

    Voilà, si on considère qu'une personne plus âgée est faible.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et que nous, nous sommes forts. Je crois que c'est ça. Merci d'avoir dit ça comme ça, parce que c'est en réfléchissant un petit peu avant de commencer cet entretien, je me disais justement que... La réflexion, c'est de me dire justement, ça repositionne un peu aussi dans la relation transgénérationnelle, en fonction des moments où on la vit, ça repositionne en fait. Je ne sais pas si je dirais fort ou faible, mais oui, fort ou faible, et puis celui qui donne et celui qui reçoit, par exemple, aussi. Et j'ai vécu ça aussi dans le monde de l'entreprise, dans le cadre professionnel.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Dans le cadre professionnel, je travaillais en... en tant que consultant dans le monde de l'entreprise, comme tu le sais, et je me suis aperçue en allant dans différents secteurs d'activité que lorsqu'on rencontrait ce qu'on appelait les jeunes, les vieux, les nouveaux arrivés et les anciens, tout ça mettait en place un certain type de relation. qui étaient, je n'irai pas jusqu'à dire dominants, dominés, mais qui étaient nous les vieux ou nous les anciens en termes d'années de présence. Nous sommes ceux qui sommes déjà là en place, qui savons, qui connaissons les règles. Alors nous avons sur vous une forme de pouvoir, donc vous devez nous écouter. C'est nous qui vous apportons. Et pendant très longtemps... il n'y avait pas dans l'autre sens de qui êtes-vous et que pouvez-vous nous apporter. Bon, les entreprises ont changé un peu, je l'espère en tout cas, puisque j'ai été depuis 15 ans en métier, mais c'est de sa mt très très très long à se mettre en place. En tant que consultante, on m'a souvent demandé, en effet, de travailler sur cet aspect-là. Même si on proposait des méthodes, des approches, je me suis toujours rendu compte que c'était très difficile de changer cette relation, de changer cette façon de voir l'autre, parce qu'on est vraiment là.

  • Speaker #0

    C'est un abandon de pouvoir.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Voilà. Parce que si je change, qu'est-ce que ça veut dire pour moi ? Alors l'un c'est abandon de pouvoir et l'autre c'est peut-être me faire prendre conscience qu'en effet il y a des choses que je ne sais pas. Et moi qui sors de grande école ou autre, est-ce que je peux me dire non je ne sais pas ? Voilà, donc en effet c'était tout un travail à faire de ce point de vue-là. Et moi personnellement, et comme tu me connais bien tu le sais, je fais un lien aussi avec justement le... Le transculturel, parce que c'est un peu ça aussi. Voilà, donc on est dans le monde de l'entreprise, on était un peu dans ces dimensions-là.

  • Speaker #0

    C'est intéressant que tu parles du transculturel, parce que transculturel, ça veut dire que des Européens travaillent avec des Africains, etc. Mais ça veut dire aussi que des gens d'une classe d'âge travaillent... avec des jeunes qui n'appartiennent pas à la même culture. Ce n'est plus une histoire de continent, mais c'est une histoire de culture, de centre d'intérêt, de façon de parler, d'être avec. Et donc, j'ai l'impression que cette difficulté de communication, puisque c'était quand même le cœur de notre métier, Cette difficulté de communication, elle persiste et que très souvent, les gens disent j'ai du mal à me faire comprendre. L'autre a du mal à entendre ce que je dis parce qu'il est différent de moi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. En t'écoutant, je pensais à quelque chose qui nous est commun dans notre métier. C'est une question de cadre de référence. Absolument. Et donc on se rend compte que dans le monde de l'entreprise, mais je sais que c'est aussi dans le monde de la vie sociale, cette différence-là, c'est tout à fait une différence de cadre de référence. Nous, nous sommes dans notre monde à nous, et donc nous avons notre cadre de référence, notre façon de voir les choses, notre façon de les apprécier, notre vocabulaire, et eux, les jeunes, on va dire même les trentenaires, Ils ont un autre cadre de référence. En effet, ils voient le monde différemment. Quand on parle de ce qu'ils voient le monde aujourd'hui, est-ce qu'ils se posent des questions sur ce qu'il va devenir, sur ce que lia le rapport et autres, nous, on voit ça de notre point de vue. Mais eux, s'ils n'ont pas l'air de s'en préoccuper, c'est parce que pour eux, ça ne présente pas du tout peut-être la même importance. Oui, bien sûr, mais ils sont déjà dedans.

  • Speaker #0

    Oui, et ce n'est pas la même urgence.

  • Speaker #1

    Et ce n'est pas la même urgence. Absolument. Voilà, ils vivent avec déjà et nous, on voit ça comme quelque chose qui nous chamboule un peu d'ailleurs. Et donc, je pense que c'est là où vient la difficulté, mais où il faut qu'on fasse tout le travail de dire, bon, il faut que j'accepte de voir comment l'autre, quelle est sa perception du monde à lui, alors que ce soit du monde de l'entreprise, que ce soit du monde de la société. Tu m'as parlé d'écologie hier, de la façon dont chacun voyait ça. Oui, mais c'est ça qui est un peu difficile. Et moi, je dirais qu'arriver en effet à une certaine maturité, ce n'est pas que c'est plus difficile, mais ça me demande de remettre beaucoup plus de choses en jeu que de me dire oui, je vais aller jusque vers... Voilà, il y a un très long chemin entre nous maintenant, de plus en plus long. Et de me dire, je vais essayer de me mettre, de comprendre, de mieux voir.

  • Speaker #0

    Celle-là, on est au... au cœur du problème du transgénérationnel. C'est-à-dire qu'on ne voit plus les couleurs de la même façon, on ne voit plus les lumières de la même façon, on ne voit plus et il faut arriver à accepter de parler à quelqu'un qui ne voit pas la même chose que nous et qui, s'il ne nous comprend pas, ce n'est pas qu'il nous veut du mal, ce n'est pas qu'il fait l'imbécile, c'est simplement parce que c'est comme ça, il ne le voit pas. Et nous, ça suppose, dans cette relation transgénérationnelle, que nous soyons capables de faire ce petit pas de côté pour accepter de partager momentanément le point de vue de l'autre. Et alors, tu ne t'es pas arrêté à ta vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais suivre ce que tu viens de dire, parce que tu me fais réfléchir en même temps en parlant. Je me dis, moi j'irais même plus loin que ce que tu viens de dire, je dirais, en tout cas je le perçois comme ça et j'essaye de vivre ça comme ça, c'est à nous de faire l'effort d'aller vers eux. Parce qu'eux ne voient pas l'intérêt de venir vers nous, puisque nous sommes le passé pour eux. Ils ne voient pas l'intérêt, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais ils ne le voient pas tout de suite. Alors je dirais que moi, et je le sens comme ça autour de moi, c'est à moi d'aller vers eux, de comprendre leur monde à eux. de comprendre leur façon de le voir, de m'y intéresser, et alors je peux leur parler du mien.

  • Speaker #0

    On s'est toujours présenté le plus longtemps possible comme des sachants, et là ils renvoient à notre génération, ce que vous défendez, c'est obsolète, c'est caduque. Et donc c'est vous qui devez nous écouter. Ça explique peut-être pourquoi les rapports sont à certains moments si tendus entre les générations.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc si nous voulons maintenir le lien, moi en tout cas pour ma part je sais que je fais l'effort, mais en même temps ce n'est plus un effort, parce que ça devient aussi intéressant de découvrir un autre monde. Je ne dis pas que j'apprécie tout, que je partage tout, mais au moins je découvre ce monde qui est celui qui va me remplacer.

  • Speaker #0

    Et alors, dans ta nouvelle activité, tu as l'occasion justement de découvrir cette nouvelle face du monde.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc, puisque je ne suis plus professionnellement investie, j'ai cherché longtemps ce que je pouvais faire pour ne pas rester sans activité. Et on m'a proposé d'intégrer une association qui... permet à des personnes plutôt jeunes, mais bon, ça peut aller jusqu'à 40-45 ans, je sais qu'aujourd'hui, on ne considère pas que ce sont des jeunes, qui ont un projet, un projet de création de leur propre activité. Et donc, cette association fonctionne avec des salariés qui, eux, sont là pour accorder des prêts, mais fonctionne aussi beaucoup avec des bénévoles qui, eux, viennent faire une formation. auprès de ces personnes pour valider leur projet et pour leur donner les éléments essentiels de départ sur le plan commercial, juridique et financier. Et communication aussi, comment parler de mon activité, comment partager mon projet, le présenter aux différents acteurs qui vont être importants pour moi, pour m'accorder des crédits, pour s'associer à moi ou pouvoir m'implanter dans une région par exemple. Et donc j'ai rencontré ces personnes qui pour beaucoup n'ont pas de formation particulière ou ne sont peut-être pas allées à l'école très longtemps, mais d'autres aussi qui ont pu aller faire des études, qui ont pris un poste, mais qui se sont aperçus qu'ils préfèreraient ne pas être intégrés dans une entreprise, mais se mettre à leur compte. Et donc ça déjà, ça a été pour moi quelque chose d'intéressant à découvrir, puisque moi, ma génération... On a intégré une entreprise et quand c'était une bonne entreprise, comme il y en a beaucoup, on se disait chouette, je vais pouvoir avoir progressé, avoir un poste intéressant, mieux gagner ma vie Et là, je découvre des personnes qui se disent au bout de deux, trois ans non, je n'ai pas envie de vivre dans un système, je veux m'installer à mon compte Et certaines changent complètement d'orientation, même si elles ont fait de bonnes études dans un secteur d'activité. Ça aussi, pour moi, c'était intéressant parce que je n'ai pas beaucoup connu ça au niveau de ma génération, des gens qui m'ont entourée. Et je me suis dit, tiens, voilà, ils ne voient plus le monde du travail de la même façon. Pour eux, ce n'est pas ah, j'ai un poste et je suis content, j'ai du travail et je le garde Non, c'est j'ai un poste, il me plaît ou il ne me plaît pas, il correspond à ce que je veux et ce que je ne veux pas Et je peux tout à fait changer complètement d'orientation.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un grand changement par rapport à notre génération. Et ça veut dire aussi qu'ils remettent en cause la façon dont ils ont été formés. L'obtention du diplôme n'est pas le Graal. Ça veut dire que peut-être que je m'arrange le droit de dire que ce qu'on m'a appris, ce n'est pas ce qui correspond à la vraie vie. Je ne pense pas. Dans notre génération, ça se disait beaucoup, ça. Parce qu'on courait derrière le diplôme pensant qu'avec ça, on était assuré de gagner bien sa vie, d'avoir une reconnaissance sociale et de s'épanouir. Je crois que maintenant, ça n'est pas exactement le cas.

  • Speaker #1

    Alors tu as employé le mot de s'épanouir et là encore, je t'écoute et je me dis est-ce que c'est quelque chose que j'avais en tête ? Alors, je pense que... Moi, le côté s'épanouir, ça a été assez tard dans ma vie professionnelle, parce que ça a été vers les 40 ans, donc tu vois, voilà. Mais eux, maintenant, justement, c'est beaucoup plus tôt. C'est beaucoup, voilà, c'est tout de suite. Même si j'ai fait des études, prenons un exemple, j'ai fait des études de droit, et là j'en connais autour de moi, et ils sont allés jusqu'au bout de ces études de droit, qui sont quand même difficiles, qui demandent énormément de travail, et qui tout à coup disent mais non, mais c'est pas ça que je veux et repartent complètement dans un domaine artistique ou autre, et qui en effet là s'épanouissent, et je les vois, et je vois les résultats au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Tu pourrais donner un exemple d'une personne que tu as accompagnée, qui a fait ce genre de révolution dans sa vie ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est une jeune femme. Elle a fait des études de droit parce que là où elle habitait, la fac de droit était ce qu'il y avait de plus proche. Et comme elle ne voulait pas trop s'éloigner de son cocon familial, elle a donc fait droit. Elle a fait les trois années de licence. Elle a fait une année de maîtrise. Et elle travaillait énormément. Elle souffrait. Parce que voilà, on sentait bien que par rapport à sa sensibilité personnelle, le droit, c'était pas tout à fait bon. Moi, comme toi, qui connaissons bien les personnalités, je voyais bien que ça n'allait pas avec ce qu'elle était fondamentalement. Et elle a eu le déclic et le courage de dire Bon, ben non, je ne ferai pas. Je n'irai pas dans cette voie-là. Et elle a donc changé. Elle fait… Maintenant une formation d'architecte d'intérieur, et qu'elle finance elle-même. Elle a donc fait un emprunt, elle termine sa troisième année, elle est épanouie en tant que jeune femme, elle est reconnue dans sa promotion comme une des meilleures maquettistes et autres, et vraiment quand je parle avec elle, c'est une autre personne. Et je me dis, elle a 26 ans. oui et je me dis oui moi j'avais peut-être des velléités dans mais jamais je n'aurais eu ce courage là parce que ça ne se faisait pas enfin en tout cas autour de moi voilà maintenant oui et j'en ai

  • Speaker #0

    j'ai d'autres exemples de jeunes comme ça oui absolument si tu penses à si tu penses à d'autres personnes c'est intéressant parce que ça te si tu le ramène à toi ça te renvoie à quoi tu c'est à dire tu vois quelqu'un qui a eu un désir et qui a accepté de lâcher la rampe pour satisfaire ce désir, satisfaire son projet. Elle donne une leçon en même temps à tout le monde et à ceux qui la côtoient.

  • Speaker #1

    Alors je voudrais juste relier avec notre sujet qui est la relation transgénérationnelle. Et donc moi, aujourd'hui, je suis avec ces personnes-là. Alors là où je trouve, faisant cela de façon bénévole, je trouve une grande satisfaction, c'est que ce que mes collègues et moi-même venons leur apporter dans le cadre de leur projet, qui donc va les aider, va les conforter, va les accompagner et leur donner des outils et des compétences pour pouvoir vraiment aller jusqu'au bout de leur projet et faire qu'ils vivent, parce que notre objectif nous c'est ça, c'est qu'ils vivent et qu'ils en vivent. Ce qu'on leur dit, c'est de voir les retours que l'on a en termes de, pas de remerciements, mais de voir un peu les progrès, de voir un peu ce que nous apportons, ce qu'ils font, je vais le dire autrement, ce qu'ils font de ce qu'on leur donne. Et eux là ne nous disent pas vous êtes d'une autre génération, ils nous disent, nous ce qu'on vient vous demander, c'est votre expérience, c'est votre regard sur nous. Et en plus de compétences techniques que nous, nous n'avons pas pour l'instant. Et donc là, on se dit, OK, on est des retraités d'une certaine génération, mais quand on est avec eux, ils ne nous font pas sentir cette différence. Chose que je ressentais dans le monde de l'entreprise, on travaille ensemble à leur projet.

  • Speaker #0

    Dans un rapport presque d'égalité, avec une position différente, mais d'égalité.

  • Speaker #1

    Exactement, la position est différente, mais là justement il n'y a pas moi je sais, toi tu sais pas, toi t'es vieux, moi je suis jeune Non, non, c'est nous on a un projet, vous avez à nous donner, vous avez à nous apporter, on le sait et on vient le chercher. Et vous nous le donnez, alors là, merci quoi. Mais on vient chercher et vous allez voir, on va en faire quelque chose. Et ça, c'est le retour en fait.

  • Speaker #0

    Bon, Anne-Marie, nous vivons dans une société qui devient de plus en plus, on dit, fracturée, en archipel ou tout ce qu'on veut, enfin d'une société dans laquelle les communautés se referment les unes sur les autres, encore les communautés, les micro-communautés. On ne fréquente plus que les gens qui nous ressemblent, des gens qui nous rassurent en fait sur ce que nous sommes, de façon à... de façon à fuir la peur et l'autre devient un étranger, un étranger fantasmé et donc un danger. Donc il y a un risque pour l'équilibre social. Est-ce que cette expérience, enfin ton expérience de relation transgénérationnelle, ne t'a pas préparé ? à vivre avec l'étranger, justement, avec l'autre, et qu'est-ce que tu suggérerais au niveau social pour que les choses évoluent, que les barrières tombent ?

  • Speaker #1

    Alors oui, moi ça m'a beaucoup aidé, et c'est ce qui me fait dire que, alors en plus de l'expérience dont j'ai déjà parlé avec maman, qui m'a apporté beaucoup pour comment mieux vieillir, je dirais, là pour moi, oui, c'est... C'est vraiment le... c'est très important, je le fais depuis huit ans et je sais que c'est quelque chose que je n'ai pas envie de lâcher. Parce que quand je suis avec ces personnes, quand je travaille avec elles, quand j'en ressors et que je rentre chez moi, je ne dirais pas que j'ai l'impression d'avoir rajeuni, mais en termes d'énergie personnelle, oui, tout à fait. Oui. Et donc je sais que j'ai besoin de ça pour me sentir bien, autant que de mes... que de mes traitements médicamenteux, bien sûr. Oui, c'est important. Et c'est important parce qu'ils sont d'une autre génération. Alors moi, je dis, ce sont eux la vie qui est en cours là et qui se développe. Donc tant mieux, je continue, moi, à vivre à côté un peu et quelque part à me ressourcer en permanence grâce à eux. Alors je sais que je dis toujours je ne veux pas vivre qu'avec des personnes de mon âge. Voilà. parce que je ne suis pas sûre que cela me ressource suffisamment. Donc, j'ai vraiment besoin de ça. En plus, j'ai peut-être une illusion, mais que je peux apporter encore. Donc, je le fais.

  • Speaker #0

    Oui, le sentiment d'être utile.

  • Speaker #1

    Être utile, absolument. Et bon, quelque part, j'ai toujours eu cette envie d'apprendre aux autres. Et je me dis, j'ai le sentiment d'être encore utile. pour ces jeunes qui ont encore à apprendre, bien sûr. Et donc, si ça peut leur être utile pour développer leur propre monde, tant mieux. C'est pour ça que j'essaye de le comprendre. Il y a beaucoup de choses qui me sont très, très inconnues. Ça, tu le sais, tout ce qui est technologie et autres. Alors ça, c'est très drôle parce que quand, bien sûr, ils me parlent soit des réseaux sociaux, soit de tout ce qu'ils utilisent sur leurs ordinateurs, il me regarde et me disent ah là tu sais pas ce que c'est j'ai dit non est ce que j'ai vraiment besoin de le savoir on me dise bon bah on va juste dire ce dont tu as besoin voilà donc c'est un peu un clin d'oeil entre nous et je trouve ça très très agréable très sympa voilà si

  • Speaker #0

    tu avais l'occasion de faire le pitch en fait de la transe communication transgénérationnelle Si tu devais inciter les gens à cultiver ça comme un art, comme un art, oui, c'est ça, qu'est-ce que tu dirais ? Comment rendrais-tu ce qui est vécu pour beaucoup comme un obstacle, comment tu dirais pour que les gens aient envie de parler à des gens plus jeunes, ou les gens plus jeunes aient envie de communiquer avec des gens plus... Zazie.

  • Speaker #1

    Alors, ça m'est plus facile de dire aux seniors comment parler avec les jeunes, parce que je vais me référer un peu à ce que je fais, ce que j'ai envie de faire. Je dirais, soyez ouverts. Et c'est un peu comme vous aimez voyager, vous aimez vous cultiver, vous aimez découvrir de nouvelles cultures. C'est pour ça que je parlais de transculturel. Alors faites pareil avec cette nouvelle génération. Et en plus, c'est la vôtre, c'est votre nouvelle génération pour tous ceux qui ont des enfants, des petits-enfants. Voilà, donc personnellement, je n'en ai pas. Et justement, je me dis tiens, ça me manque parce que je passe à côté de beaucoup de choses. Et donc, c'est ce qui fait que je m'intéresse aux autres jeunes que je peux rencontrer d'une façon générale. Je l'ai dit tout à l'heure aussi, moi, ça me permet de me sentir en vie et ça, ça me semble très important. Capital. Capital. Et voilà, donc déjà ça, tu y vois tout l'intérêt pour toi. Bon, après, il y a le côté, on a des choses à leur transmettre, même s'ils ne le voient pas toujours. Et c'est justement où je reviens à l'autre phase de la relation. C'est comment dire à ces jeunes, regardez ce qu'on a à vous apporter. Alors, c'est peut-être en termes justement de ne pas venir en termes de voilà ce que je sais, voilà ce que vous devez savoir, pas en termes parentales. plus en termes, alors se mettre un peu sur leur mode à eux, qui est plus dans la créativité, qui est plus dans la curiosité, qui est plus dans...

  • Speaker #0

    Dans l'émotion.

  • Speaker #1

    Et dans l'émotivité, peut-être. Je dirais là-dedans, d'entrer en contact avec eux par ce mode-là. Mais là, Patrice, toi comme moi, nous savons que c'est le grand principe de la communication. D'entrer par le... canal de l'autre.

  • Speaker #0

    Se synchroniser, quoi.

  • Speaker #1

    Exactement. Et là, ils ouvriraient, ils s'ouvriraient. Et là, on peut après... Voilà. Je m'aperçois que c'est justement quand, dans ma façon pédagogique d'animer, je vois bien que je commence comme ça et après, tout le monde est ouvert à ce qu'elle peut nous apporter, cette dame d'un certain âge qui arrive et qui a... Voilà. Mais si j'arrivais avec mon côté très solennel, enseignante, voilà, aujourd'hui je vous parle de ça, écoutez bien et soyez sages, je ne suis pas sûre que ça passerait de la même façon.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est évident et l'Anne-Marie Peralta autoritaire qui en impose, elle le...

  • Speaker #1

    J'ai su faire, j'ai su faire.

  • Speaker #0

    J'ai su faire, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Mais voilà.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est difficile dans cette synchronisation intergénérationnelle, c'est de ne pas renoncer à soi et d'accepter l'autre, pas par démagogie, pas par on s'aplatit, mais simplement parce qu'on sait gérer cette différence. Et ça, je pense que c'est pour chacun d'entre nous un territoire à conquérir et une occasion de grandir. de pour nous et je trouve que c'est moi c'est ça que je mettrais en pique c'est profiter de l'intergénérationnel un peu comme une on profite du fait faire un rapprochement un peu audacieux mais un peu comme on profite un peu du yoga c'est à dire ça assouplit les neurones parler avec des jeunes ou parler avec des gens plus âgés que nous ça assouplit les neurones ça nous oblige à À nous développer au sens propre du terme.

  • Speaker #1

    À continuer à nous développer, absolument. Quand je dis je suis en vie, c'est ça, je suis en vie et je veux continuer à développer, à prendre au contact de toutes ces personnes différentes, oui, mais c'est l'intérêt aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est peut-être ça en fait l'idée, c'est que la différence, au lieu d'être une souffrance, peut être un plaisir. Et que réussir à parler, réussir à échanger avec quelqu'un qui n'a pas notre culture, qui n'a pas notre âge, qui n'a pas notre façon de voir, au lieu de vivre ça comme un danger, c'est vivre ça comme un épanouissement.

  • Speaker #1

    Je vois que nous partageons.

  • Speaker #0

    Oui, je ne doutais pas que nous serions des accords, mais j'espère que notre... Le podcast donnera à nos auditeurs l'envie de réfléchir à ce sujet et à voir chacun concrètement autour d'eux comment ils peuvent prêter l'oreille aux gens qui ne sont pas de la même classe d'âge, de la même culture, de la même génération. Voilà. Eh bien, écoute, Anne-Marie, je te remercie beaucoup pour cet échange. Et nous allons le lancer comme on lance des bouteilles un peu à la mer. Et j'espère que ça suscitera des réactions et que de ces réactions, nous créerons un tissu d'échange et de lien.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #0

    Anne-Marie, je te remercie beaucoup.

  • Speaker #1

    Plaisir partagé, Patrice.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, je vous serais reconnaissant de le liker et de le partager. Si à votre tour vous êtes porteur d'histoires de vie que vous souhaiteriez transmettre à la génération qui vous suit, celle qui vous précède, n'hésitez pas à me le signaler en m'envoyant un message patricemarcade.com Et maintenant, regardez bien dans le creux de vos mains. Les lignes de vie écrivent des histoires. A bientôt pour un nouvel épisode. Je vous embrasse.

Description

Anne_Marie Péralta a suivi un parcours de vie, tant dans sa vie personnelle que professionnelle qui lui a permis d'acquérir une véritable expertise en matière de communication intergénérationnelle.

Elle a accompagné sa maman jusqu'à ses cent ans, des jeunes de banlieue jusqu'au démarrage de leur activité,

Au cours de notre entretien Anne-Marie nous démontre que, le fait de vivre, de travailler avec des générations différentes peut être vécu dans un premier temps comme un obstacle à la communication, mais aussi et surtout, s'avérer être un enrichissement de la relation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast et maintenant, cette question est d'une brûlante d'actualité en ces jours de rentrée. Qu'allez-vous faire ? Qu'allons-nous faire de cette nouvelle saison ? Comme souvent, la réponse est contenue dans la question. Maintenant, nous allons explorer ce que nous avons en main pour inventer le futur. En main, nous avons notre passé, notre expérience, nos proches, notre vécu, qu'il va falloir faire émerger en le mettant en mots, en émotions, en récits. Pour que ces histoires se comptent, il faut que se produise le mystère de la rencontre, suivant la formule magique 1 plus 1 égale 3. Le podcast que vous allez écouter n'existerait pas sans vous. Cette parole qui semble couler de source a besoin d'avoir l'assurance d'un récepteur pour ne pas se tarir. Je souhaiterais que cette année nous puissions creuser la source transgénérationnelle pour en démontrer les vertus individuellement nutritives et socialement bienfaisantes. Ma première invitée est une amie, Anne-Marie Peralta. Je lui laisse le soin de se présenter, mais j'ai souhaité qu'elle ouvre cette saison car son histoire illustre bien la réciprocité de la relation transgénérationnelle. Bonjour Anne-Marie, je suis très heureux que tu aies accepté ma proposition d'être la première invitée de cette nouvelle saison de Et maintenant consacrée aux relations transgénérationnelles. A mes yeux, tu as toute légitimité pour parler de ce sujet et avant toute chose, je te laisse te présenter pour que... nos amis puissent comprendre pourquoi je t'ai retenu et sollicité.

  • Speaker #1

    Merci Patrice, je m'appelle Anne-Marie Peralta, je suis dans une étape de la vie qu'on appelle retraitée actuellement, mais j'en ai eu bien d'autres, notamment professionnellement, où j'ai accompagné des entreprises et les personnes de ces entreprises dans l'amélioration de leurs relations.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas uniquement pour ça que je t'ai proposé de parler de transgénérationnel. Tu as des expériences que n'ont pas vécu le commun des mortels.

  • Speaker #1

    Oh, là, si je compare au commun des mortels, le niveau est placé très haut. Écoute, oui, j'ai différentes expériences et à différents niveaux, et je suis très heureuse de pouvoir en parler. Je vais commencer, si tu es d'accord, et comme tu connais bien mes expériences. par le moment de ma vie où j'ai vécu avec ma mère. C'était au décès de mon papa et je savais que pour maman, ce serait très difficile, affectivement, de vivre seule. J'ai donc pris la décision de la faire vivre avec moi, chez moi. C'est un peu difficile d'en parler, mais voilà. Alors tout au début, nous étions deux adultes qui vivions ensemble. Maman prenait sa part à la maison, faisait les courses, faisait les repas. Moi j'étais très très prise par mon activité professionnelle, dont je vous parlerai plus tard. Je ne nous concevais justement pas comme deux amis, mais enfin comme deux adultes, c'est ce que j'ai dit. Et puis petit à petit, l'âge venant pour maman, je me suis aperçue qu'elle avait de plus en plus besoin que je prenne le relais sur beaucoup de choses, pour faire les courses et pour m'occuper d'elle aussi. Et là, j'ai compris ce que ça voulait dire la relation transgénérationnelle. Et je ne l'avais jamais imaginé comme ça. Quelque part, je prenais peu à peu une place que maman avait occupée en tant que mère de sa fille et je ne devenais pas sa mère, non, mais je devenais celle qui s'occupait d'elle. Et ça, jusqu'aux dernières années de sa vie. C'était nouveau, c'était pas évident à vivre tous les jours. Mais avec le recul, je m'aperçois que ça a été très enrichissant pour moi, pour ma vie. D'abord parce que je ne me savais pas capable de faire ça. C'était donc une expérience. Et aussi pour ce que ça m'a apporté. Parce que j'avais devant moi une personne d'un certain âge. Donc ce n'était pas s'occuper d'un enfant, c'était s'occuper d'une personne qui avait été aussi celle qui m'avait élevée. Donc c'est toute une sorte de relation. que je n'aurais pas vécu si je n'avais pas pris cette décision que maman vienne vivre chez moi. Pas jusqu'à la fin, puisque la dernière année, elle est allée en maison de retraite ou en EHPAD, puisqu'il faut... c'est un EHPAD, mais quand même vraiment très très longtemps. Et oui, je le dirais, nous en avons suffisamment parlé, Patrice, ça a beaucoup enrichi ma vie.

  • Speaker #0

    qu'elle t'a enseigné qu'est ce qu'elle t'a appris ou est ce que tu t'es à enseigner en l'accompagnant comme ça jusqu'à ces derniers moments

  • Speaker #1

    Oui, la réponse est oui. Je répondrai concrètement à cette question, mais j'ai fait la différence entre quand maman était ma mère et moi l'enfant, l'adolescente, et le moment où on est venu à une relation de grande personne ensemble et puis où j'ai pris petit à petit un autre rôle en m'occupant d'elle. Là, j'ai beaucoup... appris parce que je me suis rendu compte qu'il y a la relation normale mère-fille, mais quand l'âge vient et quand les besoins de l'âge viennent, alors on peut changer de rôle. Et ce changement de rôle m'a semblé très important pour continuer cette relation de famille et qu'elle continue à être aussi riche, mais qu'on change. On change en fait celui qui apporte l'aide à l'autre et ça c'était important. Et aussi une façon de voir comment on peut vieillir. Et par rapport à des questions que je ne me posais peut-être pas, c'était de me rendre compte que maman avait très envie de vivre. Elle voulait vivre jusqu'à ses 100 ans et elle l'a fait. Et tout en étant toujours joyeuse, tout en étant toujours trouvant que la vie était très belle, que les gens étaient très sympas, que les gens... mériter d'être aimé. Donc ça m'a beaucoup apporté sur ma façon de voir les choses. Donc j'ai intégré ça dans ma propre réflexion, dans ma propre vie. Et c'est ça que j'ai appelé l'enrichissement en fait. Oui, tout à fait. Alors qu'on dit beaucoup de choses sur les personnes qui vieillissent, ça m'a fait voir qu'on pouvait vieillir différemment. Et peut-être, mais je sais que tout le monde me l'a dit autour de moi, le fait que justement nous vivions ensemble, deux générations différentes, en s'apportant l'une l'autre tout ce qu'on avait d'affectif, mais même aussi d'idées, on partageait des lectures, on partageait beaucoup de choses, ça nous aide à vivre beaucoup mieux toutes les deux, et à devenir des personnes beaucoup plus fortes, intérieurement, bien sûr.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'elle t'a appris à vivre. D'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Elle m'a préparée à une étape de ma vie, en effet. Elle n'est plus là, mais je sais que je vis avec ce qu'elle m'a... Elle a continué à m'apprendre ça, mais c'est venu du fait de notre nouvelle relation.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Elle t'a appris à vieillir.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. Oui, et j'aimerais beaucoup vieillir comme elle, oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est un bel hommage. Est-ce que tu serais capable de retrouver un souvenir précis de choses que vous avez vécues toutes les deux, dans lesquelles tu te nourris ? C'est-à-dire, tu peux-tu y référer ce souvenir, cette émotion que tu as partagée avec elle, qui est une émotion en fait que tu ne pouvais partager avec personne d'autre ? C'est exceptionnel comme relation. C'est délicat, mais...

  • Speaker #1

    Oui, c'est délicat. Et aussi parce que je m'aperçois que tu me poses la question et je m'aperçois que ça ne m'est pas facile de retrouver, même si je pense vraiment presque tous les jours, à un moment comme si elle était encore là. Je lui parle quelque part, je lui dis, ah, tu vois là, j'aurais... Ah, zut, je n'ai pas réussi à faire ça. Tu vois, toi, tu m'aurais dit ça. Voilà, ça, ce sont des choses qui m'arrivent très, très, très souvent. Ou d'avoir des gestes et des paroles où je me dis, tiens, j'ai l'impression d'être ma mère qui parle, par exemple. Voilà, ça oui. Maman avait le rire très facile. Ce n'est pas quelque chose qui a été mon point fort jusqu'à présent. Et tu vois, c'est ce que je te disais, je crois, hier aussi. Maman aimait beaucoup les gens, parlait beaucoup et très facilement. Et ça, je me rends compte qu'en vieillissant, je suis devenue comme ça. Voilà. il m'arrive de rire toute seule chez moi et je sais que je parle beaucoup beaucoup plus facilement ne serait-ce que même dans l'immeuble dans lequel je vis par exemple maman connaissait les personnes et moi je ne les connaissais pas c'est un petit immeuble il n'y a pas beaucoup de monde mais maman connaissait, elle me disait tu fais la dame de tel étage, le monsieur de tel étage et moi je disais ah oui, ah bon, ah oui, ah bon je travaillais j'étais préoccupée que par ça et pas du tout par les personnes qui habitaient mon immeuble... Elle avait les numéros de téléphone, elle avait tout. Et je m'aperçois maintenant que c'est moi qui fais ça. Je connais tout le monde, j'ai les numéros de téléphone, je rends service, on me rend service. Je pense qu'elle m'a appris ça, et ça c'est quelque chose que j'ai senti venir petit à petit à son contact. Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple en fait du... de la relation transgénérationnelle. Et en fait, tout au long de sa vie, elle t'a appris, elle s'est servie, elle a été pour toi un modèle. Et maintenant que tu commences à prendre de l'âge à ton tour, elle est une référence sur ce que c'est que de vieillir. Et bien, ça c'est une des dimensions du transgénérationnel. qui est très importante et ça n'est pas uniquement le transgénérationnel, ça n'est pas uniquement du fort au faible, mais ça peut être du faible au fort.

  • Speaker #1

    Voilà, si on considère qu'une personne plus âgée est faible.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et que nous, nous sommes forts. Je crois que c'est ça. Merci d'avoir dit ça comme ça, parce que c'est en réfléchissant un petit peu avant de commencer cet entretien, je me disais justement que... La réflexion, c'est de me dire justement, ça repositionne un peu aussi dans la relation transgénérationnelle, en fonction des moments où on la vit, ça repositionne en fait. Je ne sais pas si je dirais fort ou faible, mais oui, fort ou faible, et puis celui qui donne et celui qui reçoit, par exemple, aussi. Et j'ai vécu ça aussi dans le monde de l'entreprise, dans le cadre professionnel.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Dans le cadre professionnel, je travaillais en... en tant que consultant dans le monde de l'entreprise, comme tu le sais, et je me suis aperçue en allant dans différents secteurs d'activité que lorsqu'on rencontrait ce qu'on appelait les jeunes, les vieux, les nouveaux arrivés et les anciens, tout ça mettait en place un certain type de relation. qui étaient, je n'irai pas jusqu'à dire dominants, dominés, mais qui étaient nous les vieux ou nous les anciens en termes d'années de présence. Nous sommes ceux qui sommes déjà là en place, qui savons, qui connaissons les règles. Alors nous avons sur vous une forme de pouvoir, donc vous devez nous écouter. C'est nous qui vous apportons. Et pendant très longtemps... il n'y avait pas dans l'autre sens de qui êtes-vous et que pouvez-vous nous apporter. Bon, les entreprises ont changé un peu, je l'espère en tout cas, puisque j'ai été depuis 15 ans en métier, mais c'est de sa mt très très très long à se mettre en place. En tant que consultante, on m'a souvent demandé, en effet, de travailler sur cet aspect-là. Même si on proposait des méthodes, des approches, je me suis toujours rendu compte que c'était très difficile de changer cette relation, de changer cette façon de voir l'autre, parce qu'on est vraiment là.

  • Speaker #0

    C'est un abandon de pouvoir.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Voilà. Parce que si je change, qu'est-ce que ça veut dire pour moi ? Alors l'un c'est abandon de pouvoir et l'autre c'est peut-être me faire prendre conscience qu'en effet il y a des choses que je ne sais pas. Et moi qui sors de grande école ou autre, est-ce que je peux me dire non je ne sais pas ? Voilà, donc en effet c'était tout un travail à faire de ce point de vue-là. Et moi personnellement, et comme tu me connais bien tu le sais, je fais un lien aussi avec justement le... Le transculturel, parce que c'est un peu ça aussi. Voilà, donc on est dans le monde de l'entreprise, on était un peu dans ces dimensions-là.

  • Speaker #0

    C'est intéressant que tu parles du transculturel, parce que transculturel, ça veut dire que des Européens travaillent avec des Africains, etc. Mais ça veut dire aussi que des gens d'une classe d'âge travaillent... avec des jeunes qui n'appartiennent pas à la même culture. Ce n'est plus une histoire de continent, mais c'est une histoire de culture, de centre d'intérêt, de façon de parler, d'être avec. Et donc, j'ai l'impression que cette difficulté de communication, puisque c'était quand même le cœur de notre métier, Cette difficulté de communication, elle persiste et que très souvent, les gens disent j'ai du mal à me faire comprendre. L'autre a du mal à entendre ce que je dis parce qu'il est différent de moi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. En t'écoutant, je pensais à quelque chose qui nous est commun dans notre métier. C'est une question de cadre de référence. Absolument. Et donc on se rend compte que dans le monde de l'entreprise, mais je sais que c'est aussi dans le monde de la vie sociale, cette différence-là, c'est tout à fait une différence de cadre de référence. Nous, nous sommes dans notre monde à nous, et donc nous avons notre cadre de référence, notre façon de voir les choses, notre façon de les apprécier, notre vocabulaire, et eux, les jeunes, on va dire même les trentenaires, Ils ont un autre cadre de référence. En effet, ils voient le monde différemment. Quand on parle de ce qu'ils voient le monde aujourd'hui, est-ce qu'ils se posent des questions sur ce qu'il va devenir, sur ce que lia le rapport et autres, nous, on voit ça de notre point de vue. Mais eux, s'ils n'ont pas l'air de s'en préoccuper, c'est parce que pour eux, ça ne présente pas du tout peut-être la même importance. Oui, bien sûr, mais ils sont déjà dedans.

  • Speaker #0

    Oui, et ce n'est pas la même urgence.

  • Speaker #1

    Et ce n'est pas la même urgence. Absolument. Voilà, ils vivent avec déjà et nous, on voit ça comme quelque chose qui nous chamboule un peu d'ailleurs. Et donc, je pense que c'est là où vient la difficulté, mais où il faut qu'on fasse tout le travail de dire, bon, il faut que j'accepte de voir comment l'autre, quelle est sa perception du monde à lui, alors que ce soit du monde de l'entreprise, que ce soit du monde de la société. Tu m'as parlé d'écologie hier, de la façon dont chacun voyait ça. Oui, mais c'est ça qui est un peu difficile. Et moi, je dirais qu'arriver en effet à une certaine maturité, ce n'est pas que c'est plus difficile, mais ça me demande de remettre beaucoup plus de choses en jeu que de me dire oui, je vais aller jusque vers... Voilà, il y a un très long chemin entre nous maintenant, de plus en plus long. Et de me dire, je vais essayer de me mettre, de comprendre, de mieux voir.

  • Speaker #0

    Celle-là, on est au... au cœur du problème du transgénérationnel. C'est-à-dire qu'on ne voit plus les couleurs de la même façon, on ne voit plus les lumières de la même façon, on ne voit plus et il faut arriver à accepter de parler à quelqu'un qui ne voit pas la même chose que nous et qui, s'il ne nous comprend pas, ce n'est pas qu'il nous veut du mal, ce n'est pas qu'il fait l'imbécile, c'est simplement parce que c'est comme ça, il ne le voit pas. Et nous, ça suppose, dans cette relation transgénérationnelle, que nous soyons capables de faire ce petit pas de côté pour accepter de partager momentanément le point de vue de l'autre. Et alors, tu ne t'es pas arrêté à ta vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais suivre ce que tu viens de dire, parce que tu me fais réfléchir en même temps en parlant. Je me dis, moi j'irais même plus loin que ce que tu viens de dire, je dirais, en tout cas je le perçois comme ça et j'essaye de vivre ça comme ça, c'est à nous de faire l'effort d'aller vers eux. Parce qu'eux ne voient pas l'intérêt de venir vers nous, puisque nous sommes le passé pour eux. Ils ne voient pas l'intérêt, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais ils ne le voient pas tout de suite. Alors je dirais que moi, et je le sens comme ça autour de moi, c'est à moi d'aller vers eux, de comprendre leur monde à eux. de comprendre leur façon de le voir, de m'y intéresser, et alors je peux leur parler du mien.

  • Speaker #0

    On s'est toujours présenté le plus longtemps possible comme des sachants, et là ils renvoient à notre génération, ce que vous défendez, c'est obsolète, c'est caduque. Et donc c'est vous qui devez nous écouter. Ça explique peut-être pourquoi les rapports sont à certains moments si tendus entre les générations.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc si nous voulons maintenir le lien, moi en tout cas pour ma part je sais que je fais l'effort, mais en même temps ce n'est plus un effort, parce que ça devient aussi intéressant de découvrir un autre monde. Je ne dis pas que j'apprécie tout, que je partage tout, mais au moins je découvre ce monde qui est celui qui va me remplacer.

  • Speaker #0

    Et alors, dans ta nouvelle activité, tu as l'occasion justement de découvrir cette nouvelle face du monde.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc, puisque je ne suis plus professionnellement investie, j'ai cherché longtemps ce que je pouvais faire pour ne pas rester sans activité. Et on m'a proposé d'intégrer une association qui... permet à des personnes plutôt jeunes, mais bon, ça peut aller jusqu'à 40-45 ans, je sais qu'aujourd'hui, on ne considère pas que ce sont des jeunes, qui ont un projet, un projet de création de leur propre activité. Et donc, cette association fonctionne avec des salariés qui, eux, sont là pour accorder des prêts, mais fonctionne aussi beaucoup avec des bénévoles qui, eux, viennent faire une formation. auprès de ces personnes pour valider leur projet et pour leur donner les éléments essentiels de départ sur le plan commercial, juridique et financier. Et communication aussi, comment parler de mon activité, comment partager mon projet, le présenter aux différents acteurs qui vont être importants pour moi, pour m'accorder des crédits, pour s'associer à moi ou pouvoir m'implanter dans une région par exemple. Et donc j'ai rencontré ces personnes qui pour beaucoup n'ont pas de formation particulière ou ne sont peut-être pas allées à l'école très longtemps, mais d'autres aussi qui ont pu aller faire des études, qui ont pris un poste, mais qui se sont aperçus qu'ils préfèreraient ne pas être intégrés dans une entreprise, mais se mettre à leur compte. Et donc ça déjà, ça a été pour moi quelque chose d'intéressant à découvrir, puisque moi, ma génération... On a intégré une entreprise et quand c'était une bonne entreprise, comme il y en a beaucoup, on se disait chouette, je vais pouvoir avoir progressé, avoir un poste intéressant, mieux gagner ma vie Et là, je découvre des personnes qui se disent au bout de deux, trois ans non, je n'ai pas envie de vivre dans un système, je veux m'installer à mon compte Et certaines changent complètement d'orientation, même si elles ont fait de bonnes études dans un secteur d'activité. Ça aussi, pour moi, c'était intéressant parce que je n'ai pas beaucoup connu ça au niveau de ma génération, des gens qui m'ont entourée. Et je me suis dit, tiens, voilà, ils ne voient plus le monde du travail de la même façon. Pour eux, ce n'est pas ah, j'ai un poste et je suis content, j'ai du travail et je le garde Non, c'est j'ai un poste, il me plaît ou il ne me plaît pas, il correspond à ce que je veux et ce que je ne veux pas Et je peux tout à fait changer complètement d'orientation.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un grand changement par rapport à notre génération. Et ça veut dire aussi qu'ils remettent en cause la façon dont ils ont été formés. L'obtention du diplôme n'est pas le Graal. Ça veut dire que peut-être que je m'arrange le droit de dire que ce qu'on m'a appris, ce n'est pas ce qui correspond à la vraie vie. Je ne pense pas. Dans notre génération, ça se disait beaucoup, ça. Parce qu'on courait derrière le diplôme pensant qu'avec ça, on était assuré de gagner bien sa vie, d'avoir une reconnaissance sociale et de s'épanouir. Je crois que maintenant, ça n'est pas exactement le cas.

  • Speaker #1

    Alors tu as employé le mot de s'épanouir et là encore, je t'écoute et je me dis est-ce que c'est quelque chose que j'avais en tête ? Alors, je pense que... Moi, le côté s'épanouir, ça a été assez tard dans ma vie professionnelle, parce que ça a été vers les 40 ans, donc tu vois, voilà. Mais eux, maintenant, justement, c'est beaucoup plus tôt. C'est beaucoup, voilà, c'est tout de suite. Même si j'ai fait des études, prenons un exemple, j'ai fait des études de droit, et là j'en connais autour de moi, et ils sont allés jusqu'au bout de ces études de droit, qui sont quand même difficiles, qui demandent énormément de travail, et qui tout à coup disent mais non, mais c'est pas ça que je veux et repartent complètement dans un domaine artistique ou autre, et qui en effet là s'épanouissent, et je les vois, et je vois les résultats au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Tu pourrais donner un exemple d'une personne que tu as accompagnée, qui a fait ce genre de révolution dans sa vie ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est une jeune femme. Elle a fait des études de droit parce que là où elle habitait, la fac de droit était ce qu'il y avait de plus proche. Et comme elle ne voulait pas trop s'éloigner de son cocon familial, elle a donc fait droit. Elle a fait les trois années de licence. Elle a fait une année de maîtrise. Et elle travaillait énormément. Elle souffrait. Parce que voilà, on sentait bien que par rapport à sa sensibilité personnelle, le droit, c'était pas tout à fait bon. Moi, comme toi, qui connaissons bien les personnalités, je voyais bien que ça n'allait pas avec ce qu'elle était fondamentalement. Et elle a eu le déclic et le courage de dire Bon, ben non, je ne ferai pas. Je n'irai pas dans cette voie-là. Et elle a donc changé. Elle fait… Maintenant une formation d'architecte d'intérieur, et qu'elle finance elle-même. Elle a donc fait un emprunt, elle termine sa troisième année, elle est épanouie en tant que jeune femme, elle est reconnue dans sa promotion comme une des meilleures maquettistes et autres, et vraiment quand je parle avec elle, c'est une autre personne. Et je me dis, elle a 26 ans. oui et je me dis oui moi j'avais peut-être des velléités dans mais jamais je n'aurais eu ce courage là parce que ça ne se faisait pas enfin en tout cas autour de moi voilà maintenant oui et j'en ai

  • Speaker #0

    j'ai d'autres exemples de jeunes comme ça oui absolument si tu penses à si tu penses à d'autres personnes c'est intéressant parce que ça te si tu le ramène à toi ça te renvoie à quoi tu c'est à dire tu vois quelqu'un qui a eu un désir et qui a accepté de lâcher la rampe pour satisfaire ce désir, satisfaire son projet. Elle donne une leçon en même temps à tout le monde et à ceux qui la côtoient.

  • Speaker #1

    Alors je voudrais juste relier avec notre sujet qui est la relation transgénérationnelle. Et donc moi, aujourd'hui, je suis avec ces personnes-là. Alors là où je trouve, faisant cela de façon bénévole, je trouve une grande satisfaction, c'est que ce que mes collègues et moi-même venons leur apporter dans le cadre de leur projet, qui donc va les aider, va les conforter, va les accompagner et leur donner des outils et des compétences pour pouvoir vraiment aller jusqu'au bout de leur projet et faire qu'ils vivent, parce que notre objectif nous c'est ça, c'est qu'ils vivent et qu'ils en vivent. Ce qu'on leur dit, c'est de voir les retours que l'on a en termes de, pas de remerciements, mais de voir un peu les progrès, de voir un peu ce que nous apportons, ce qu'ils font, je vais le dire autrement, ce qu'ils font de ce qu'on leur donne. Et eux là ne nous disent pas vous êtes d'une autre génération, ils nous disent, nous ce qu'on vient vous demander, c'est votre expérience, c'est votre regard sur nous. Et en plus de compétences techniques que nous, nous n'avons pas pour l'instant. Et donc là, on se dit, OK, on est des retraités d'une certaine génération, mais quand on est avec eux, ils ne nous font pas sentir cette différence. Chose que je ressentais dans le monde de l'entreprise, on travaille ensemble à leur projet.

  • Speaker #0

    Dans un rapport presque d'égalité, avec une position différente, mais d'égalité.

  • Speaker #1

    Exactement, la position est différente, mais là justement il n'y a pas moi je sais, toi tu sais pas, toi t'es vieux, moi je suis jeune Non, non, c'est nous on a un projet, vous avez à nous donner, vous avez à nous apporter, on le sait et on vient le chercher. Et vous nous le donnez, alors là, merci quoi. Mais on vient chercher et vous allez voir, on va en faire quelque chose. Et ça, c'est le retour en fait.

  • Speaker #0

    Bon, Anne-Marie, nous vivons dans une société qui devient de plus en plus, on dit, fracturée, en archipel ou tout ce qu'on veut, enfin d'une société dans laquelle les communautés se referment les unes sur les autres, encore les communautés, les micro-communautés. On ne fréquente plus que les gens qui nous ressemblent, des gens qui nous rassurent en fait sur ce que nous sommes, de façon à... de façon à fuir la peur et l'autre devient un étranger, un étranger fantasmé et donc un danger. Donc il y a un risque pour l'équilibre social. Est-ce que cette expérience, enfin ton expérience de relation transgénérationnelle, ne t'a pas préparé ? à vivre avec l'étranger, justement, avec l'autre, et qu'est-ce que tu suggérerais au niveau social pour que les choses évoluent, que les barrières tombent ?

  • Speaker #1

    Alors oui, moi ça m'a beaucoup aidé, et c'est ce qui me fait dire que, alors en plus de l'expérience dont j'ai déjà parlé avec maman, qui m'a apporté beaucoup pour comment mieux vieillir, je dirais, là pour moi, oui, c'est... C'est vraiment le... c'est très important, je le fais depuis huit ans et je sais que c'est quelque chose que je n'ai pas envie de lâcher. Parce que quand je suis avec ces personnes, quand je travaille avec elles, quand j'en ressors et que je rentre chez moi, je ne dirais pas que j'ai l'impression d'avoir rajeuni, mais en termes d'énergie personnelle, oui, tout à fait. Oui. Et donc je sais que j'ai besoin de ça pour me sentir bien, autant que de mes... que de mes traitements médicamenteux, bien sûr. Oui, c'est important. Et c'est important parce qu'ils sont d'une autre génération. Alors moi, je dis, ce sont eux la vie qui est en cours là et qui se développe. Donc tant mieux, je continue, moi, à vivre à côté un peu et quelque part à me ressourcer en permanence grâce à eux. Alors je sais que je dis toujours je ne veux pas vivre qu'avec des personnes de mon âge. Voilà. parce que je ne suis pas sûre que cela me ressource suffisamment. Donc, j'ai vraiment besoin de ça. En plus, j'ai peut-être une illusion, mais que je peux apporter encore. Donc, je le fais.

  • Speaker #0

    Oui, le sentiment d'être utile.

  • Speaker #1

    Être utile, absolument. Et bon, quelque part, j'ai toujours eu cette envie d'apprendre aux autres. Et je me dis, j'ai le sentiment d'être encore utile. pour ces jeunes qui ont encore à apprendre, bien sûr. Et donc, si ça peut leur être utile pour développer leur propre monde, tant mieux. C'est pour ça que j'essaye de le comprendre. Il y a beaucoup de choses qui me sont très, très inconnues. Ça, tu le sais, tout ce qui est technologie et autres. Alors ça, c'est très drôle parce que quand, bien sûr, ils me parlent soit des réseaux sociaux, soit de tout ce qu'ils utilisent sur leurs ordinateurs, il me regarde et me disent ah là tu sais pas ce que c'est j'ai dit non est ce que j'ai vraiment besoin de le savoir on me dise bon bah on va juste dire ce dont tu as besoin voilà donc c'est un peu un clin d'oeil entre nous et je trouve ça très très agréable très sympa voilà si

  • Speaker #0

    tu avais l'occasion de faire le pitch en fait de la transe communication transgénérationnelle Si tu devais inciter les gens à cultiver ça comme un art, comme un art, oui, c'est ça, qu'est-ce que tu dirais ? Comment rendrais-tu ce qui est vécu pour beaucoup comme un obstacle, comment tu dirais pour que les gens aient envie de parler à des gens plus jeunes, ou les gens plus jeunes aient envie de communiquer avec des gens plus... Zazie.

  • Speaker #1

    Alors, ça m'est plus facile de dire aux seniors comment parler avec les jeunes, parce que je vais me référer un peu à ce que je fais, ce que j'ai envie de faire. Je dirais, soyez ouverts. Et c'est un peu comme vous aimez voyager, vous aimez vous cultiver, vous aimez découvrir de nouvelles cultures. C'est pour ça que je parlais de transculturel. Alors faites pareil avec cette nouvelle génération. Et en plus, c'est la vôtre, c'est votre nouvelle génération pour tous ceux qui ont des enfants, des petits-enfants. Voilà, donc personnellement, je n'en ai pas. Et justement, je me dis tiens, ça me manque parce que je passe à côté de beaucoup de choses. Et donc, c'est ce qui fait que je m'intéresse aux autres jeunes que je peux rencontrer d'une façon générale. Je l'ai dit tout à l'heure aussi, moi, ça me permet de me sentir en vie et ça, ça me semble très important. Capital. Capital. Et voilà, donc déjà ça, tu y vois tout l'intérêt pour toi. Bon, après, il y a le côté, on a des choses à leur transmettre, même s'ils ne le voient pas toujours. Et c'est justement où je reviens à l'autre phase de la relation. C'est comment dire à ces jeunes, regardez ce qu'on a à vous apporter. Alors, c'est peut-être en termes justement de ne pas venir en termes de voilà ce que je sais, voilà ce que vous devez savoir, pas en termes parentales. plus en termes, alors se mettre un peu sur leur mode à eux, qui est plus dans la créativité, qui est plus dans la curiosité, qui est plus dans...

  • Speaker #0

    Dans l'émotion.

  • Speaker #1

    Et dans l'émotivité, peut-être. Je dirais là-dedans, d'entrer en contact avec eux par ce mode-là. Mais là, Patrice, toi comme moi, nous savons que c'est le grand principe de la communication. D'entrer par le... canal de l'autre.

  • Speaker #0

    Se synchroniser, quoi.

  • Speaker #1

    Exactement. Et là, ils ouvriraient, ils s'ouvriraient. Et là, on peut après... Voilà. Je m'aperçois que c'est justement quand, dans ma façon pédagogique d'animer, je vois bien que je commence comme ça et après, tout le monde est ouvert à ce qu'elle peut nous apporter, cette dame d'un certain âge qui arrive et qui a... Voilà. Mais si j'arrivais avec mon côté très solennel, enseignante, voilà, aujourd'hui je vous parle de ça, écoutez bien et soyez sages, je ne suis pas sûre que ça passerait de la même façon.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est évident et l'Anne-Marie Peralta autoritaire qui en impose, elle le...

  • Speaker #1

    J'ai su faire, j'ai su faire.

  • Speaker #0

    J'ai su faire, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Mais voilà.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est difficile dans cette synchronisation intergénérationnelle, c'est de ne pas renoncer à soi et d'accepter l'autre, pas par démagogie, pas par on s'aplatit, mais simplement parce qu'on sait gérer cette différence. Et ça, je pense que c'est pour chacun d'entre nous un territoire à conquérir et une occasion de grandir. de pour nous et je trouve que c'est moi c'est ça que je mettrais en pique c'est profiter de l'intergénérationnel un peu comme une on profite du fait faire un rapprochement un peu audacieux mais un peu comme on profite un peu du yoga c'est à dire ça assouplit les neurones parler avec des jeunes ou parler avec des gens plus âgés que nous ça assouplit les neurones ça nous oblige à À nous développer au sens propre du terme.

  • Speaker #1

    À continuer à nous développer, absolument. Quand je dis je suis en vie, c'est ça, je suis en vie et je veux continuer à développer, à prendre au contact de toutes ces personnes différentes, oui, mais c'est l'intérêt aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est peut-être ça en fait l'idée, c'est que la différence, au lieu d'être une souffrance, peut être un plaisir. Et que réussir à parler, réussir à échanger avec quelqu'un qui n'a pas notre culture, qui n'a pas notre âge, qui n'a pas notre façon de voir, au lieu de vivre ça comme un danger, c'est vivre ça comme un épanouissement.

  • Speaker #1

    Je vois que nous partageons.

  • Speaker #0

    Oui, je ne doutais pas que nous serions des accords, mais j'espère que notre... Le podcast donnera à nos auditeurs l'envie de réfléchir à ce sujet et à voir chacun concrètement autour d'eux comment ils peuvent prêter l'oreille aux gens qui ne sont pas de la même classe d'âge, de la même culture, de la même génération. Voilà. Eh bien, écoute, Anne-Marie, je te remercie beaucoup pour cet échange. Et nous allons le lancer comme on lance des bouteilles un peu à la mer. Et j'espère que ça suscitera des réactions et que de ces réactions, nous créerons un tissu d'échange et de lien.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #0

    Anne-Marie, je te remercie beaucoup.

  • Speaker #1

    Plaisir partagé, Patrice.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, je vous serais reconnaissant de le liker et de le partager. Si à votre tour vous êtes porteur d'histoires de vie que vous souhaiteriez transmettre à la génération qui vous suit, celle qui vous précède, n'hésitez pas à me le signaler en m'envoyant un message patricemarcade.com Et maintenant, regardez bien dans le creux de vos mains. Les lignes de vie écrivent des histoires. A bientôt pour un nouvel épisode. Je vous embrasse.

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