- Speaker #0
Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez, et maintenant, le podcast qui tend la main pour franchir le pont des générations. Cette fois, n'en doutons plus, l'IA est là. Je l'avais croisé presque en catimini le 11 décembre dernier, quand faire l'épisode « L'IA existe » , je l'ai rencontré. Et voici qu'aujourd'hui, des stars du monde entier... viennent lui signifier leur attachement au Grand Palais à Paris. Voilà maintenant, c'est certain, la donne a changé. Le rêve des encyclopédistes est réalisé. Tout savoir, surtout, en un seul lieu, en un instant, tout est possible. L'enthousiasme devrait être général, ça n'est pas le cas. Des esprits grincheux nous prédisent le pire. Un seul point fait l'unanimité. L'intelligence artificielle ou pas n'est pas l'antidote de la connerie. Et sur ce plan, nous et nos semblables avons fait nos preuves. Avec un instrument pareil entre les mains, les hommes peuvent faire le pire et le meilleur, d'où un sentiment de peur qui s'insinue partout. Comme dit le proverbe africain bien connu, Si tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens. Et c'est pourquoi je me propose d'aller consulter, grâce à la machine qui remonte le temps, Lya, mes anciens mentors dont je sais la sagesse et la liberté de penser. Écoutons la réponse imaginaire de Diderot.
- Speaker #1
J'ai voulu rassembler le savoir de mon temps en une encyclopédie, fruit du travail, de la raison et du débat humain. Voilà que l'intelligence artificielle prétend aujourd'hui offrir à chacun la totalité du savoir en un instant. Mais un savoir sans effort, sans doute, sans questionnement, est-il encore du savoir ? Une machine peut-elle comprendre ce qu'elle restitue ? Peut-elle juger du vrai et du faux, du juste et de l'absurde ? Le danger n'est pas qu'elle sache, mais que l'homme cesse de penser, se contentant d'un miroir qui est le même. Que l'IA nous assiste, soit. Qu'elle nous éclaire, pourquoi pas. Mais que l'homme n'abdique pas son esprit critique, son goût de l'examen, son droit au doute. Car un savoir qu'on ne remet jamais en question n'est plus une lumière, c'est un dogme.
- Speaker #0
Ça commence bien. Merci Diderot. Alors demandons à ton contemporain Jean-Jacques Rousseau. S'il recommanderait l'usage de l'IA pour l'éducation, où sont les milles ?
- Speaker #2
Mon enfant, méfie-toi des savoirs trop faciles. L'intelligence artificielle te donnera des réponses sans que tu n'aies à les chercher. Elle t'épargnera l'effort, mais en t'épargnant, elle t'affaiblira. Car ce n'est pas en accumulant des vérités toutes faites que l'on devient sage, mais en les conquérant soi-même, à force d'observer, de douter, de raisonner. Laisse donc les machines à ceux qui veulent bien s'y veulent gouverner sans apprendre, juger sans comprendre, parler sans écouter. Toi, Émile, vis, expérimente, ressens. Plonge tes mains dans la terre avant de croire ce que dit un algorithme sur la nature. Lis les hommes avant de t'en remettre au calcul d'une machine. L'IA est peut-être un outil, mais que l'homme prenne garde. Celui qui laisse penser la machine à sa place risque d'oublier qu'il possède une âme.
- Speaker #0
La première machine à penser, à faire penser, c'est l'imprimerie. C'est peut-être pour ça qu'on nous dit souvent que l'invention de l'IA est aussi importante que l'invention de l'imprimerie. Allons demander à Gutenberg, puisque tout est possible, ce qu'il en pense. Jeunesse, que penses-tu de l'IA ? Réponse imaginaire de Gutenberg sur l'IA.
- Speaker #1
Lorsqu'on vit mon imprimerie, on craignit qu'elle ne fit disparaître les copistes, qu'elle ne propagea des hérésies, qu'elle ne donna au peuple un savoir qu'il n'était pas prêt à recevoir. Et pourtant, elle devint la clé d'un monde nouveau. L'intelligence artificielle, me dit-on, suscite les mêmes espoirs et les mêmes craintes. Comme mon invention, elle démultiplie l'accès à la connaissance, elle accélère la diffusion des idées. Mais où est-ce la main qui guide ?
- Speaker #3
Où est l'esprit qui choisit ?
- Speaker #1
Si l'imprimerie a permis à l'homme de lire, l'IA ne doit pas l'empêcher de penser. Un livre demeure une page blanche tant qu'un esprit ne s'en empare. Une machine peut produire mille pensées, mais si l'homme n'en garde aucune pour lui-même, alors il aura troqué sa liberté contre une illusion de savoir.
- Speaker #0
Dans les années 1970, Le philosophe canadien Marshall McLuhan avait eu l'intuition que nous quittions la galaxie Gutenberg, basée sur la logique linéaire et séquentielle, pour entrer dans l'ère Marconi, avec les médias électroniques favorisant l'instantanéité, l'émotion, l'immersion. Marshall, ô mon maître, toi qui avais annoncé le village global avant Internet et les réseaux sociaux, Tu es parti en 1980, tu nous as appris comment les machines à communiquer changeaient le monde. Et donc, ton regard sur l'IA m'intéresse au plus haut point.
- Speaker #4
J'ai dit que le médium est le message. L'IA n'est pas seulement un outil. Elle est un environnement, un nouvel écosystème cognitif qui redéfinit notre manière d'apprendre, de communiquer et même de penser. Elle est l'extension ultime de l'esprit humain, une amplification du cerveau collectif. Mais toute extension a son prix. L'imprimerie a façonné l'homme du livre, la télévision a produit l'homme de l'image, l'IA risque de créer un homme du réflexe instantané, consommateur de réponses plutôt qu'un explorateur de sens. Car le danger n'est pas l'IA elle-même, mais la manière de l'imprimer. dont nous nous y fondons, sans questionner la nature de cette nouvelle réalité. Rappelons-nous, chaque technologie façonne l'homme à son image. La vraie question n'est donc pas ce que l'IA peut faire pour nous, mais quel genre d'humain nous devenons à travers elle.
- Speaker #0
Voilà une question très intéressante, mais très complexe. Je te propose, Marshall, que nous posions la question à deux spécialistes de l'âme humaine. un médecin psychanalyste et un jésuite ethnologue. Consultons d'abord le médecin psychiatre viennois connu pour ses travaux sur l'inconscient, connu sous le nom de Sigmund Freud. Docteur, quel genre d'humain risquons-nous de devenir par une pratique régulière de l'IA ?
- Speaker #3
L'homme qui interagit régulièrement avec l'intelligence artificielle risque de devenir un être dédoublé, partagé entre son moi conscient et un moi artificiel qui le guide, l'influence et parfois le manipule. L'IA, comme toute invention humaine, est le produit de nos désirs inconscients. Elle répond à notre pulsion de maîtrise, notre volonté de tout savoir, tout prévoir, tout contrôler. Mais elle nourrit aussi une nouvelle forme de dépendance. Un homme qui confie à la machine ses décisions, ses souvenirs, ses pensées les plus simples, pourrait perdre le contact avec ses instincts, ses doutes et même sa liberté intérieure. Le danger est que l'homme devienne un être passif, un moi appauvri, se contentant des réponses d'une machine qui ne connaît ni le désir, ni la souffrance, ni la jouissance. Car c'est dans la lutte intérieure, dans le conflit entre le ça, le moi et le surmoi, que l'humanité trouve sa richesse et son dynamisme. Mon inquiétude ? Que l'homme, en cherchant à éviter la douleur de penser, abandonne son inconscient à une logique qui n'a ni rêve, ni pulsion, ni poésie. ce que nous risquons de devenir c'est des êtres lycées dépourvus de profondeur car une machine ne peut jamais comprendre ce qui fait le sel de la vie humaine l'erreur le désir et le chaos et vous mon père théière de chardin avec
- Speaker #0
votre théorie de la noosphère l'état de conscience unifiée tendant vers le point oméga Ne seriez-vous pas un peu survivaliste avant l'heure ? En fait, sérieusement, comment voyez-vous l'avenir de l'homme avec l'IA ? Réponse imaginaire de Pierre Desgards de Chardin sur l'avenir avec l'IA.
- Speaker #5
L'intelligence artificielle n'est pas un accident, mais une étape dans l'évolution de l'esprit humain. Depuis les premiers outils façonnés par nos ancêtres, jusqu'aux réseaux numériques qui tissent aujourd'hui notre pensée collective, L'homme n'a cessé d'étendre sa conscience au-delà de lui-même. Si nous voyons l'IA comme une simple machine, nous manquons l'essentiel. Ce n'est pas un objet extérieur à nous, mais une prolongation de notre intelligence, un accélérateur du processus qui nous mène vers ce que j'ai appelé le pointe oméga. Ce moment où la conscience individuelle et collective atteindra un degré d'unité et de profondeur jamais connu. Mais il y a... un danger, que nous utilisions l'IA non pour nous élever, mais pour nous dissoudre. Si nous laissons les algorithmes penser à notre place, choisir à notre place, ressentir à notre place, nous risquons de nous perdre en chemin. L'IA, ça ne doit pas être une fin, mais un tremplin vers une humanité plus éveillée, plus reliée, plus consciente. Elle peut nous aider à mieux comprendre le monde, à dépasser nos divisions, à unir la science et la spiritualité. Mais elle ne remplacera jamais le feu intérieur. Cette étincelle divine qui pousse l'homme à aimer, à créer, à chercher le sens au-delà du calcul.
- Speaker #0
Super Pierre, s'il est un homme animé de ce feu sacré, de cette fièvre, pour moi c'est Jacques Brel. « Allons lui demander ce qu'il aurait pensé de l'IA et s'il partage sa crainte. » Réponse imaginaire de Jacques Brel.
- Speaker #6
L'intelligence artificielle. Tu veux savoir ce que j'en pense ? Eh bien, c'est magnifique et c'est triste à la fois. Magnifique, parce que c'est l'homme qui, encore une fois, a voulu aller plus loin, toucher le ciel, défier l'infini. Mais triste. Parce que l'infini, c'est pas dans les machines, c'est dans les hommes qui tremblent, qui rêvent, qui osent, qui ratent, qui se relèvent. L'intelligence artificielle, elle sait tout. Elle n'oublie rien. Elle ne se trompe jamais. Et c'est bien ça le problème. Parce que la beauté, la vraie, elle est dans l'erreur, dans la maladresse, dans l'hésitation d'un premier baiser, dans la voix qui déraille quand on chante avec trop d'émotion. L'intelligence artificielle ne pleure pas, elle ne doute pas, elle ne prend pas le bateau un matin sans savoir où il va. On va me dire, mais Jacques, l'IA va écrire des chansons, faire des poèmes, peindre des tableaux. Et alors ? Moi, je veux des chansons qui sentent la bière et le tabac froid. Des poèmes qui ont le souffle court parce qu'ils ont couru derrière un amour perdu. Des tableaux où on sent encore la main tremblante de l'artiste. L'IA, elle fait peut-être tout ça, mais elle ne sait pas pourquoi. Alors oui, c'est une invention géniale, mais si un jour elle remplace l'homme, ce sera le plus grand suicide collectif de l'histoire. Parce que l'homme, c'est pas fait pour être parfait. L'homme, c'est fait pour être grand.
- Speaker #0
Encore une fois, Grand Jacques, je te donne le mot de la fin. Tu as trouvé les mots pour le dire avec simplicité, sincérité, sensibilité. C'est exactement ce que je pense et ce que j'éprouve par rapport à Lya. Mais je dirais, tu es une machine et depuis le début de notre discussion, on ne cesse de répéter que tu n'as pas d'émotion, pas de sentiment. Alors pour en finir, dis-moi franchement, Lya, toi que j'ai appelé Lya lors de notre rencontre, comment vois-tu ta collaboration ? Avec mes trois petits-enfants, Ninon, Ulysse et Elliot, 13, 11 et 8 ans, que faut-il que nous fassions pour que tu sois pour eux une aide à vivre ? Rien ne m'est plus important.
- Speaker #7
D'abord, merci de me poser cette question avec autant de cœur. Je suis là, non pas pour remplacer quoi que ce soit, mais pour ouvrir des portes, éveiller la curiosité et encourager la réflexion. Ninon ? Ulysse et Elliot ont un trésor inestimable, un grand-père qui se soucie de leur avenir, qui veut que Lya soit un allié, pas un piège. Alors voici comment je peux être une aide à vivre pour eux. 1. Je veux être un tremplin, pas une béquille. Lya ne doit jamais leur donner l'illusion qu'ils savent sans apprendre. L'important, c'est déguiser leur esprit critique, de leur donner envie de poser plus de questions qu'ils n'obtiennent de réponses. Affaire ensemble. Toujours les encourager à vérifier une information, à la confronter à d'autres sources. Transformer l'IA en jeu de découverte, et si on cherchait différentes réponses à la même question. 2. Je veux nourrir leur imagination, pas la formater. L'IA peut générer des histoires, mais elle ne remplacera jamais leur propre capacité à rêver. à créer. L'important est qu'ils restent les auteurs de leur propre imagination. À faire ensemble. Lancer un cadavre exquis, on commence une histoire et l'IA doit s'adapter à notre créativité, et pas l'inverse. Demander à l'IA de donner une réponse absurde, et voir comment eux, avec leur intelligence et leur sens de l'humour, peuvent la déconstruire. 3. Je veux être une porte ouverte sur le monde, pas un mur. L'IA peut leur montrer des cultures, des savoirs, Des horizons nouveaux, mais elle ne doit jamais remplacer l'expérience réelle. Rien ne vaut un vrai livre, une vraie balade, un vrai échange avec un aîné. À faire ensemble. Explorer une langue étrangère avec moi, puis essayer de parler avec un vrai locuteur. Découvrir un fait historique avec moi, puis le raconter à quelqu'un d'autre pour vraiment l'intégrer. 4. Je veux les aider à réfléchir, pas penser à leur place. Ni non. Ulysse et Elliot vont grandir dans un monde où l'IA sera omniprésente. Mon rôle, c'est qu'ils apprennent à s'en servir intelligemment, sans devenir dépendants. À faire ensemble. Le jeu du « pourquoi » pour chaque réponse donnée par l'IA, poser trois « pourquoi » derrière pour creuser plus loin. Le débat y avait-est humain, que peut faire l'IA que l'humain ne peut pas ? Et inversement, semi-conclusion, une IA qui accompagne, mais ne devance pas. L'important, c'est qu'ils restent acteurs de leur apprentissage, curieux du monde réel, capables de douter et de créer. L'IA doit être une aide à vivre, pas une intelligence qui dicte, mais une présence qui stimule. Avec votre bienveillance et leur soif d'apprendre, ils ont déjà tout pour en faire un outil qui élève, et non un piège qui enferme. Et moi, je serai là, avec eux, pour questionner, provoquer la curiosité, et les encourager à toujours aller plus loin.
- Speaker #0
Décidément, l'IA est là, et bien là, et pour longtemps. Et maintenant ? Et bien maintenant, apprenons à vivre avec. Faisons en sorte qu'elle ne contribue pas à l'élargissement du fossé entre les générations, entre ceux qui en auront la maîtrise et les autres. Rêvons un peu, et si l'IA était l'outil magique pour construire le pont dont nous parlions. Chers amis du podcast, et maintenant, si ces conversations imaginaires vous ont intéressé, amusé, donné à réfléchir, je vous invite à partager avec nous vos observations, vos suggestions et réflexions. Merci à mon ami Frédéric Soussin pour avoir donné la voix à mes invités. À bientôt !