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Maxime de La Rochelle 27/03 /25 cover
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"Et main-tenant...?"

Maxime de La Rochelle 27/03 /25

Maxime de La Rochelle 27/03 /25

1h05 |27/03/2025|

115

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Description

Actuellement la cote de confiance envers les Hommes et les femmes politiques est au plus bas( 26%), néanmoins il est des élus de terrain, comme on dit, qui réussissent à accumuler un capital de sympathie. Mon invité d’aujourd’hui a réussi non seulement à se faire un nom mais aussi , ce qui est plus rare, un prénom.

C’est le cas de Maxime, Maxime Bono qui après avoir été maire de La Rochelle de 1999 à 2012, garde aujourd’hui une place dans la mémoire et le coeur des rochelais.

Dans l’entretien que vous allez écouter je me suis efforcé d’essayer de comprendre pourquoi.

Tant dans  sa vie personnelle que professionnelle, Maxime a du affronter des « Et Main-tenant ..? » douloureux : la guerre d’Algérie, la mort brutale de son mentor Michel Crépeau, l’incendie de l’Hôtel de Ville, entre autres.

C’est dans ces moments de vérité qu’il faut savoir se décentrer, ne pas se laisser submerger par l’émotion et garder la lucidité pour décider des priorités.

Si vous souhaitez ajouter votre mot à cette tentative de portrait, écrivez-moi :patricemarcade@gmail.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast « Et maintenant » . Je poursuis ma recherche de témoins pouvant attester de la pertinence de la question « Et maintenant ? » que j'ai empruntée à Michel Serres. Cette quête me conduit à solliciter des personnalités diverses, connues et inconnues. Leur façon de gérer les rebonds de la vie me remplit d'émotion et d'admiration. Pour trouver mon invité d'aujourd'hui, j'ai rebondi sur une drôle d'idée. En échange avec lui, j'ai réalisé qu'il me faisait penser à Edgar Gropiron, le skieur français spécialiste de ski acrobatique. particulièrement de l'épreuve des bosses, et qui s'est vu confier la présidence du comité d'organisation des Jeux Olympiques de 2030. Des acrobaties, il a dû parfois en faire. Des présidences, il en a gérées plus qu'à son tour. Donc, je lui fais part de cet audacieux rapprochement. Il a souri et il a bien voulu reconnaître que peut-être, et puis si ça me faisait plaisir de voir ça comme ça, c'était plutôt flatteur. Donc je lui ai proposé de venir nous parler de la façon dont il avait négocié les bosses de la vie, de sa vie. Il a accepté et c'est avec beaucoup de joie. que je suis allé renouer le fil d'une ancienne relation amicale, mais je ne vous ai toujours pas dit quel est son nom. À La Rochelle, tout le monde le connaît. Ancien idylle, il poursuit paisiblement une idylle partagée avec cette ville et ses habitants dont il est tombé amoureux il y a quelques décennies. Je franchis le seuil de sa porte. Monsieur le maire.

  • Speaker #1

    Honoraire.

  • Speaker #0

    Honoraire. Maxime Bonneau. Cher Maxime, je te remercie d'abord d'avoir accepté ma proposition. Et d'abord, quelle est l'appellation, la désignation qui te satisfait le plus quand on t'appelle monsieur le maire, monsieur Bonneau ou Maxime ?

  • Speaker #1

    Oh c'est Maxime, évidemment, c'est Maxime. Monsieur le maire, il faut bien reconnaître que ça me fait plaisir, ça flatte toujours un peu, je rajoute toujours, attention, honoraire, honoraire. Mais non, non, c'est Maxime, généralement. Bon, M. Bruno, évidemment, c'est plus formel, c'est plus anonyme, quoi. Mais quand on m'appelle Maxime, y compris des gens, des fois, que je ne connais pas, qui me disent « Maxime, qui me tutoie » , etc., ça me fait très plaisir. Ça me fait très plaisir. Je me dis que, bon, on m'a souvent demandé... quel est ton grand projet ou quel est votre grand projet pour la rochelle et moi je répondais c'est que les gens se parlent c'est-à-dire qu'essayer de créer une proximité entre les habitants et des complicités et quand on m'appelle maxime même si on me connaît pas et si on me tutoie en plus je me dis ben c'est réussi

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je me suis interrogé là-dessus, sur ce nom Maxime. C'est pour ça que je t'ai posé cette question, parce que pour moi, tu es Maxime. Et les Rochelais que je connais... quand ils parlent de toi, très souvent, ils disent Maxime avec un côté amical, quand tu es presque, je dirais, affectueux et jamais familier. c'est intéressant, c'est que c'est pas Maxime histoire de dire moi je connais, toc, mais il y a un lien et ça je l'ai toujours senti de la part des rucheliers en général et de gens très différents tu es Maxime et je me suis dit en fait Maxime tu as un prénom aussi qui est prédestiné à ça, et Maxime pour moi c'est un prénom d'empereur et Maxime Je me suis dit, en fait, Maximus, c'est quelqu'un qui est d'une autre dimension. Et je l'ai rattaché au statut de Romaine. de l'Afrique du Nord.

  • Speaker #1

    Oui, il y a du vrai dans tout ça. Moi, j'ai toujours été persuadé que les prénoms, finalement, façonnaient un peu la personnalité. Un prénom et un nom qui s'accordent bien, c'est très agréable. J'ai toujours été, par exemple, très admiratif des prénoms et des noms qu'on retrouve dans les romans comme « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez. Enfin, il a des noms fabuleux, quoi. Rien que lire le prénom et le nom, on rentre déjà dans une aventure. Donc, je ne peux que souscrire à ce que tu viens de dire. Le... Et je pense que oui, ça façonne des personnalités. Moi je sais que j'aime bien les gens, voilà, j'aime bien les gens, donc en contrepartie j'aime bien quand même. Et j'essaye de créer avec chacun un lien qui soit au-delà des convenances. En plus, il me semble que c'est la moindre des choses quand on a quelqu'un en face de soi, de s'intéresser à lui et de ne pas rester... dans ses propos un peu convenus, etc. Voilà. Pour en revenir à la question première, M. le maire, dans une ville, c'est facile de faire des choses qu'on voit, c'est facile de créer une salle de spectacle, ou de refaire de la voirie, ou de faire des bâtiments, c'est facile de construire, et c'est souvent là-dessus qu'on est jugé. Et pourtant, ce n'est pas le plus important, ce qui est le plus important, c'est les relations entre les gens, donc... Et je suis persuadé que l'action municipale est décisive en la matière. Selon les décisions qu'on prend, on crée des relations entre les gens où on laisse faire les choses et à ce moment-là, chacun se replie sur soi.

  • Speaker #0

    Donc des relations par-delà l'équivage des opinions, etc.

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Il ne s'agit pas d'uniformiser ou de... Non, non, ce n'est pas du tout un projet totalitaire. Au contraire, non, c'est retrouver tout simplement ce qui fait société, c'est-à-dire le besoin déjà de... de vivre ensemble et de solidarité. Si on n'a pas le choix, on vit avec d'autres, donc la meilleure façon de vivre, c'est d'être un peu solidaire. Et ça, je pense que ça se construit de façon un peu diffuse, c'est un peu une alchimie. Mais si on n'a pas ce souci et cette préoccupation, on vit différemment dans une ville.

  • Speaker #0

    Bon, alors essayons de voir à la racine Qu'est-ce qui a fait que tu tiens maintenant, aujourd'hui, en 2025, ce discours ? Qu'est-ce qui, dans ton histoire, a pu faire ça ? Et partons, si tu veux, de... Je me suis renseigné de 1947. Il s'est passé un événement important pour toi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et en 1947, tu n'es pas né n'importe où.

  • Speaker #1

    Non, je suis né à Alger. Et c'est un élément fondamental. dans la constitution de ma personnalité. C'est vrai que j'ai toujours le souvenir de mes premières années. J'ai vécu 11 ans à Alger, c'est-à-dire les premières années de ma vie déterminantes, 10 ans et demi à vrai dire. Et on me dit souvent, avoir quitté l'Algérie, c'est un traumatisme. Non, c'est d'avoir quitté Alger, moi, qui a été un traumatisme. J'ai vécu quelques années après, encore 4 ans ou 5 ans en Algérie. Mais le départ d'Alger a été quelque chose, pas forcément douloureux, mais quelque chose de déterminant. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi, mais quand j'y suis retourné en 1999, ou en 2000, je ne sais plus, j'ai compris. Quand on est à Alger, d'abord parce qu'elle est bleue, mais surtout où que l'on soit, on voit la mer, on voit la Méditerranée. Et c'est un site exceptionnel. C'est des collines finalement qui entourent une baie et on a toujours l'impression qu'on surplombe ce grand lac bleu qu'est la Méditerranée. Donc moi j'ai toujours gardé cet amour de la Méditerranée, même si depuis j'ai appris à aimer l'océan et à aimer aussi cette ambiance océane. je vois la Méditerranée, j'ai toujours un coup au cœur. Alors tout ça m'a amené sans doute à... A plus savoir très bien d'où je suis, mais est-ce que ça a vraiment de l'importance ? Il y a les lieux qu'on aime, et puis peu importe d'où on est, même si il y avait une chanson de... de Lili Bonich. Lili Bonich, c'est un chanteur juif qui chante en arabe. Et moi, j'adore ça, ce mélange des cultures comme ça, qui vient bousculer toutes les idées reçues. Et il dit « J'aime toutes les villes un peu plus Paris » . Et moi, je me dis « J'aime toutes les villes un peu plus Algiers, peut-être » .

  • Speaker #0

    Et après, tu restais quand même en Algérie.

  • Speaker #1

    Oui. Alors après... Après Alger, qui était quand même une capitale, la capitale d'Algérie, qui était une ville où on trouvait tous les services, on trouvait plein de choses. Mon père a été nommé à Soukharas. Soukharas, à l'époque, c'était un tout petit village. Il était directeur de l'agence de la Banque d'Algérie à Soukharas. Et là, c'est vraiment autre chose quand même. Parce qu'il y avait le marché aux bestiaux. Moi, je n'avais jamais vu le marché aux bestiaux à Alger. Avec mon frère, on voulait acheter un âne à l'époque. ça valait 5 francs, 5 francs un bourricot, comme disait un petit âne. Donc j'ai découvert le monde rural algérien, et la misère aussi. Et puis là j'ai découvert aussi autre chose. J'avais connu, même si à l'époque je ne m'en rendais pas compte, j'avais connu la guerre à Alger, j'avais connu les bombes dans les cafés, dans les réverbères, avec mon frère. frères qui étaient un peu plus âgés que moi, on s'entraînait à reconnaître le bruit des sirènes selon que c'était les pompiers, les artificiers, la police, etc. J'avais connu ça, la bataille d'Alger, avec les parachutistes qui quadrillaient la ville. Quand je suis arrivé à Soukharas, déjà, on se... on prenait un train à Bonn pour rejoindre Soukharas, et... Et devant le train, devant la motrice, il y avait trois wagons. Et avant les trois wagons, il y avait trois wagons pour que si la voie était piégée, le train ne déraille pas. Quand on arrivait à Soukharas, la ville était cernée par des parbelés électrifiés. Et on ne pouvait en sortir qu'en convoi. C'était assez compliqué. et tout le monde disait oh oui mais ici on est tranquille il n'y a pas d'attentat vous allez voir c'est très différent d'Alger les Arabes se tiennent tranquilles parce qu'on leur a montré et effectivement j'ai appris que il y avait eu ce qu'on avait pompeusement appelé la bataille de Soukharas où il y avait eu quelques rebelles comme on disait des félagas qui avaient été tués ils avaient été exposés sur la place principale de Soukharas ... voilà donc l'ordre régnait à Soukarras et effectivement ça m'a permis d'aller au cinéma par exemple de voir des films chose que je n'avais vue que chez moi à Alger parce qu'on avait acheté un projecteur un projecteur Lapierre 9mm5 qu'on tournait à la manivelle mais on louait des films qui nous avaient permis de voir un peu tout ce qui se faisait ça allait des Kitt Carson jusqu'à jusqu'à... jusqu'à... Ilme Russe...

  • Speaker #0

    Campas de Cigogne, etc.

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas Campas de Cigogne. C'était après, ça. Non, les escaliers... Oui, oui, voilà. Donc, les grands classiques du cinéma, mais tout d'un coup, ça me permettait d'aller vraiment dans une salle et de voir sur grand écran. On n'y allait pas à Alger parce qu'on avait peur des attentats, etc. Donc l'ordre régnait à Soukarras sous la protection des militaires, de l'armée française qui faisait des prises d'armes régulièrement et qui défilait sous les fenêtres de la banque d'Algérie où mon père devait hisser le drapeau français. Voilà, donc c'était tout à fait différent de ce que j'avais connu à Alger. accessoirement j'étais scolarisé donc à l'école communale de Soukarras où l'instituteur avait encore des méthodes aujourd'hui qui feraient hurler tout le monde, c'est-à-dire qu'il nous donnait des coups de règle sur les mains, dans la paume des mains si ce n'était pas grave, sur le dos des mains si c'était grave, et avec les doigts. Et sur le bout des doigts, si c'était encore plus grave. Voilà, ça fonctionnait. Donc, je découvrais un monde différent. Et ça a duré à peu près deux ans et demi. Et nous sommes partis ensuite à Mostaganem. Et c'est depuis Mostaganem que j'ai quitté l'Algérie. Bien sûr, j'en ai des souvenirs que je pourrais raconter pendant des heures, qui paraissent à beaucoup comme terribles, qui sont effectivement terribles. Je ne sais pas s'il faut que je les raconte ou pas, mais la fin de l'Algérie française a été quelque chose de très dur pour les deux communautés. J'insiste, pour les deux communautés. Mon père était... égoïste à l'époque, donc il n'était pas en odeur de sainteté du côté de l'OS, ce qui a amené à quelques moments d'angoisse particuliers, et en même temps, nous, on était gamins. Moi, j'avais 14-15 ans. Je côtoyais des voisins qui étaient proches de l'OS. Je jouais au foot avec des jeunes dont les parents étaient probablement engagés au FLN. C'était assez confus, tout ça. Je pense que ça m'a aidé ensuite. dans les situations les plus difficiles, à essayer de trouver les choses les plus simples, essayer de simplifier les problèmes, parce qu'il arrive qu'on ne sache plus exactement où on se situe dans un conflit. Moi, j'ai vécu ça, d'avoir le sentiment d'un maelstrom où plus personne ne maîtrisait quoi que ce soit. et ça pour moi c'est le souvenir que je garde des derniers mois de ma vie en Algérie.

  • Speaker #0

    Et donc tu dirais que cet épisode d'une quinzaine d'années, tu as appris à naviguer en eau trouble, si je puis dire, à gérer la complexité, tu as fait l'expérience de la peur, du danger physique, tu as... c'est pas rien. ça pour un enfant.

  • Speaker #1

    Oui, je m'en suis aperçu bien plus tard que j'avais fait l'expérience de la peur et du danger physique. Mais bien plus tard, peut-être 40 ans plus tard, quand je me suis aperçu que... certains avaient peur de choses qui, moi, ne m'impressionnaient plus. Et je me suis dit, ben oui, ça vient de là, bien sûr. Alors, il a fallu plus tard que je me gendarme un peu, parce que j'avais une tendance... naturelle à hausser les épaules en disant mais enfin tout ça c'est pas grave, il y a beaucoup plus grave et pour les gens qui vivaient ces angoisses c'était extrêmement grave donc j'ai compris plus tard que cette expérience de ces 15 années m'avait un peu endurci le cuir quoi D'abord, on a quitté Succaras, donc, en convoi, pas Succaras, pardon, Mostaganem, en convoi pour rejoindre le bateau. Sur le chemin, on a reçu des pierres, etc., etc. Et quand on a rejoint le bateau, mon père et mon frère n'ont pas pu embarquer. Alors pour mon père c'était prévu, il était prévu qu'il reste en Algérie, Il devait assurer la transition au sein de la Banque de l'Algérie. Pour mon frère, c'est parce qu'il était trop âgé et qu'à l'époque, l'OAS disait que les hommes doivent rester pour combattre. D'ailleurs, on avait reçu l'ordre. Des gens étaient passés à l'appartement en disant, vous prendrez le bateau tel jour à telle heure. Les femmes et les enfants et les hommes restent. restons là, voilà comment les choses sont passées. Et donc je suis parti avec ma mère, mes deux soeurs et mon jeune frère, on est parti, comme on dit, avec des valises, moi j'avais deux valises, une valise dans chaque main, dans l'une il y avait toutes les photos de famille, dans l'autre... Il y avait des affaires qu'on pouvait emporter et j'avais dans mon sac à dos des... une partie de l'argenterie que ma mère avait voulu absolument emporter. Quant à ma mère, elle avait sous le bras, alors elle nous avait dit, il ne faut pas dire que c'est des tableaux, il faut dire que c'est des portraits. Donc on avait les tableaux de famille, j'en ai encore quelques-uns ici, qu'on emportait. Donc on emportait ce qui nous semblait le plus précieux. Et bon, on était venus souvent en France, on venait pratiquement tous les deux ans. Et moi j'avais subi l'ascension sociale de mon père à travers le monde. à travers la classe dans laquelle nous étions.

  • Speaker #0

    La progression de sa carrière.

  • Speaker #1

    La progression de sa carrière, oui, parce qu'au début, on était dans le bateau en classe touriste, avec des cabines qui donnaient de simples hublots, et puis après, on est passé en classe plus améliorée, où il y avait une salle de bain dans la cabine, et puis après, on a été en première classe, où on avait des fenêtres et non plus des hublots, etc. Et là, on s'est retrouvé en 3... troisième cal, en troisième cal, il faisait très chaud dans un bateau dont j'ai oublié le nom, il y avait beaucoup, évidemment, la traversée était toujours un peu difficile au moment où on rentrait dans le golfe vers Marseille, et là, beaucoup de vieilles dames étaient malades, et parler en espagnol, parce qu'on est partis d'Oran, donc Oran était une ville où tout le monde parlait espagnol. Elles criaient qu'elles allaient mourir, elles criaient, je me disais mais c'est terrible, effectivement pour elles, elles quittent l'endroit où elles sont nées, elles vont dans un endroit où elles ne sont jamais allées, où on leur a dit qu'il faisait froid, où il pleuvait toujours, etc. Et donc pour elles c'était vraiment la fin du monde. Donc c'était assez éprouvant comme retour. Néanmoins, même si j'ai le souvenir de la côte algérienne qui s'éloignait, de la ville d'Oran qui s'estompait, ça ne m'a pas ému plus que ça, parce que ce n'était pas Alger, tout simplement, qui partait. Et puis pour moi, c'était une aventure nouvelle qui s'annonçait en France. J'étais un peu inquiet parce que mon frère restait en Algérie. et qu'à l'époque, il était un peu aventureux, un peu inquiet parce que mon père était là. Mais en même temps, je devenais l'aîné de la famille, j'avais des responsabilités. Voilà, donc c'était bizarre comme sentiment.

  • Speaker #0

    Tu étais devenu provisoirement le chef de famille.

  • Speaker #1

    Le chef de famille, voilà, c'est ça. J'étais l'homme de la famille. L'homme de la famille. Oui, oui. C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    C'est pas banal comme expérience. expérience et comme point de... Et tu avais un projet en rentrant en métropole. Est-ce que tu avais un projet personnel ? C'était quoi ? Qu'est-ce que tu voulais faire ? Tu voulais faire des études ?

  • Speaker #1

    Tu voulais... Oui, je voulais continuer mes études. À l'époque, ça marchait plutôt bien. Donc voilà, je n'étais pas inquiet. Je n'ai pas le souvenir d'une véritable inquiétude. J'étais triste de quitter un pays où il y avait du soleil, de la plage, du beau temps, où la vie était finalement agréable. Je ne me rendais pas compte que je quittais la guerre. Je ne me rendais absolument pas compte. Quand je suis arrivé en France, je me suis dit, oh là là, quelle liberté, quelle liberté. J'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que ce n'était pas la liberté que je retrouvais, c'était la paix, tout simplement. Euh... Liberté aussi parce que mon père n'était pas là, que je manipulais un peu facilement ma mère et que j'avais réussi par exemple, on rejoignait une maison que mes parents avaient achetée pour leur retraite, une maison qui était dans le Gers mais qu'ils n'avaient jamais pensé habiter aussi vite. Donc c'est une maison où il y avait juste l'électricité, il n'y avait pas d'eau, donc il fallait chercher l'eau à la fontaine ou au puits. puis appartenait à un voisin, il était à peu près à 300 mètres, donc on remplissait des jéricanes d'eau en pompant l'eau du puits. La fontaine, l'eau était potable, mais elle était en ville, donc on avait réussi à persuader ma mère qu'il fallait nous acheter une mobilette, donc c'était formidable. Je retrouvais cette liberté, et j'avais ma mobilette, donc j'étais heureux. Et puis mes cousines nous avaient rejoints, donc mes cousines, ça veut dire qu'il y avait les amis de mes cousines, les petites amies, et... et je découvrais un petit peu les flirts d'adolescents. L'amour, c'est beaucoup dire. J'avais toujours connu l'amour.

  • Speaker #0

    Tu avais connu un... Oui, mais c'est un autre... Un autre de relation.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est la période de ta formation, on peut dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Qu'est-ce que tu peux dire ? Qu'est-ce que tu as emporté de cette période-là ?

  • Speaker #1

    D'abord, une grande découverte qui m'a beaucoup aidé par la suite, dans l'immédiat. Oui, il y avait mes cousines, leurs amis, des voisins qui avaient le même âge que moi, ils m'ont amené à un match de rugby. Et je suis tombé amoureux du rugby. Amoureux du rugby qui m'a permis de m'insérer totalement. Donc, je n'étais plus un pied noir. qui arrivait, j'étais un amoureux du rugby, qui parlait de rugby avec tous les gascons qui m'entouraient, ben voilà, ça m'a permis une intégration quasi immédiate, et quand on me demande d'où je suis, maintenant je dis, je suis né à Alger, j'ai passé mon adolescence dans le Gers, j'ai fait mes études à Toulouse, et maintenant je vis à La Rochelle, voilà, donc je me suis toujours adapté finalement au milieu auquel j'étais.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une de tes caractéristiques, ça. Bon, donc là on est dans les... on est dans quelles années là ?

  • Speaker #1

    Là c'est 62, de 62 à 68 quoi, à 66 plutôt dans le Gers. Et puis en 1966, je suis parti, après mon bac, je suis parti à Toulouse, où là j'ai découvert une autre forme de liberté, puisque j'avais quitté le nid familial.

  • Speaker #0

    Et là tu as fait d'éco, de l'économie là.

  • Speaker #1

    Oui, un peu d'économie et du droit surtout. Et du droit. Oui, j'ai fait la fac de droit avec une première année qui n'a pas été brillante, parce que découvrir la liberté, ça n'aide pas forcément pour la qualité des études. mais bon ensuite je me suis ressaisi et j'ai passé ma licence en droit avec des années très très agréables à Toulouse dans une ville que j'ai aimée finalement et que j'aime encore Avec, bon, quand j'ai eu ma première année de droit, ça semble incroyable aujourd'hui, mais à l'époque, personne ne voulait rentrer d'administration. Des carrières brillantes ou... ou tout au moins bien rémunérés, s'offraient facilement dans le privé. Et donc, quand j'ai réussi ma première année de droit, j'étais en train de prendre un bain, ma mère est venue me voir en me disant « il y a un monsieur qui veut des impôts » . qui veut te parler. Je suis descendu en Pays-Noir-de-Vin, et là j'ai vu quelqu'un qui m'a dit, « Vous venez d'avoir votre première année de droit, on peut vous proposer quelque chose qui peut vous intéresser. Si vous vous engagez à passer le concours d'inspecteur des impôts, on va vous payer 700 francs par mois. Simplement, vous vous engagez à présenter le concours, et puis vous suivrez, je crois que c'était 4 heures de cours par semaine. donc je me suis dit pour 700 euros par mois ça vaut le coup quoi c'était mieux payé que les champions qui devait passer trois nuits par semaine dans un établissement etc etc donc en plus j'avais envie de me débarrasser de ce type qui me faisait son baratin a pris par coeur donc j'ai signé j'ai signé et ça m'a permis de passer une première une deuxième année de droit en ayant quand même des moyens financiers Et puis... on est pris par le truc. Je n'avais pas du tout l'intention d'être inspecteur des impôts, mais ça m'embêtait d'échouer l'examen quand même. Donc au moment de l'examen, on fait une copie qui n'est pas trop mauvaise. Donc j'ai été reçu et puis on m'avait dit que j'aurais 1200 euros par euro franc à l'époque par mois si j'étais reçu. Donc j'ai été reçu et là, ça m'a permis de mener une vie... Bisance. Voilà, bisance. Je ne mangeais plus au restaurant universitaire. Donc j'ai fait des études agréables à Toulouse, sans soucis financiers. Les soucis financiers sont venus quand j'ai été inspecteur des impôts, parce que je me suis aperçu à ce moment-là que dans la rémunération que je touchais, il y avait une prime que je perdais, qui était une prime de scolarité, qui représentait à peu près le tiers de mon salaire. Donc voilà, et je suis devenu inspecteur des impôts nommé... à Normandie, dans un endroit merveilleux au printemps, mais où il y avait 300 jours de pluie, et moi qui suis une pile solaire et qui ai besoin de soleil, j'ai été extrêmement malheureux pendant 4 ans, jusqu'au jour où j'ai rejoint la Rochelle, qui a été a été pour moi une fenêtre ouverte sur l'espoir et sur l'avenir.

  • Speaker #0

    Et la suite de l'histoire va le prouver.

  • Speaker #1

    Peut-être, oui.

  • Speaker #0

    Donc, tu arrives à La Rochelle. et là tu vas un peu sortir de ton monde privé, de ton activité privée, pour rentrer dans une activité plus publique. Tu vas les faire par étapes.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, tout à fait. D'abord, je connaissais un peu La Rochelle, parce que quand on était en Algérie, on venait... on est en vacances à Cognac, dans une maison de famille qu'on avait à Cognac, et le dimanche, on venait à La Rochelle pour manger des fruits de mer, dans l'Ochkiss, on joue d'un ami de la famille qui était médecin. Voilà, donc j'avais cette image d'une ville un peu bourgeoise.

  • Speaker #0

    C'est pas la chanson de Jonas quand même, je voyais, on allait voir la mer.

  • Speaker #1

    Oui, c'est presque ça, c'est un peu ça. Voilà, j'avais un cousin qui était... qui était scolarisé à La Rochelle, à Fenelon, etc. Et quand j'étais en Normandie, fonctionnaire venant du sud-ouest, j'avais copiné avec, on trouvait plein de fonctionnaires qui venaient du sud-ouest à l'époque. Il y en avait un qui venait de La Rochelle, et un jour, rejoignant, puisque j'ai réussi l'exploit de faire mon service militaire à 23 ans en ayant deux enfants, rejoignant mon affectation, il m'a dit, écoute, si tu rejoins ton affectation à Hoche, fais donc un détour par La Rochelle, tu m'y laisseras. Donc j'avais fait le détour par La Rochelle, et j'ai redécouvert cette ville. Quand je suis arrivé... D'abord, les terrasses étaient sorties sur le port, c'était au mois de janvier. En Normandie, il passait 18 heures, tout était fermé. J'entendais la drague qui, à l'époque, le train de drague TD6, draguait le port avec cette espèce de bruit. Ça grattait, ça soufflait. Donc j'ai eu le coup de foudre. On s'est installés à la Grand-Rive. J'ai regardé le port. La nuit tombait et je me suis dit « Oh là là, mais quel bonheur ça doit être de vivre ici » . voilà et donc 2-3 ans après ou 4 ans après quand j'ai pu j'ai demandé Toulouse en premier évidemment et La Rochelle en deuxième position quand j'ai pu faire mes demandes de mutation et au bout de 15 jours après avoir été 15 jours à La Rochelle je me suis dit mais il n'y a aucune raison d'aller à Toulouse je suis vraiment trop bien ici c'est là que je veux vivre finalement moi qui avais toujours un peu cette cette pas cette nostalgie parce que je ne suis pas dans la nostalgie ce souvenir de jours heureux en algérie qui m'était toujours demandé où je pourrais vivre quelque part je me suis dit c'est là que je vais poser mon sac Et puis, quand on est inspecteur des impôts, puisque j'étais inspecteur des impôts à La Rochelle, et qu'on est dans une association, on vous propose toujours d'être trésorier, comme je m'étais toujours intéressé un peu aux trésors. au théâtre, la culture, etc., que j'avais adhéré au Parti Socialiste quelque temps avant, on m'avait proposé de rentrer au conseil d'administration de la Maison de la Culture, et là, évidemment, on m'a demandé d'être trésorier, donc je suis devenu trésorier de la Maison de la Culture, et c'est comme ça que j'ai approché Michel Crépeau, et puis de fil en aiguille, les choses se sont faites. Voilà. J'ai trouvé que ce type était intéressant, c'est... J'ai suivi ses campagnes et je trouvais qu'il avait un profil totalement atypique. Et puis voilà, et puis un beau jour, Bernard Mounier m'a dit, « La ville cherche un conseiller culturel, tu devrais postuler. » Je lui ai dit, « Attends, mais moi je ne suis pas un professionnel de la culture. » Il m'a dit, « Oui, oui, mais ce serait bien, tu connais un peu quand même le milieu, tu devrais en parler à Michel Crépeau. » Donc j'ai demandé une entrevue. et il m'a expliqué tout de suite que ce n'était pas possible parce que les syndicats n'accepteraient jamais qu'il avait recruté Alain Parent au musée du Nouveau Monde en dehors des statues, qu'il avait recruté un tel aussi en dehors des statues et que là recruter encore quelqu'un, non non, ce n'était vraiment pas possible. Je dis bon ben je comprends, je vais vous dire ce que j'ai fait et puis voilà, donc je lui avais expliqué un peu ce que j'avais fait à la création de Radio-Land. La Rochelle, tout ça, avec un ami...

  • Speaker #0

    Avec Dominique

  • Speaker #1

    Fournier. Voilà. Et que, bon, je dis, je pense que je ne vais pas rester à La Rochelle, parce que, malheureusement, je garderai sans doute ma maison, mais je vais probablement m'installer à Poitiers, puisqu'on me propose de... Je veux quitter l'administration fiscale, j'en ai fait le tour, ça ne correspond pas tout à fait à mon tempérament non plus, donc... On me propose de rentrer dans un cabinet fiscal à Poitiers, je vais à la Poitiers, il me dit « Ah, mais non, mais on va voir, prenez donc la présidence de la Maison de la Culture » . Je dis « Non, non, non, ça ne m'intéresse pas, moi je veux une activité professionnelle, j'ai besoin de gagner ma vie » . Et puis quand on s'est quitté, il m'a dit « Ah, mais le syndicat, je vais en faire mon avis, je vais en faire mon affaire, on va se débrouiller » . Enfin, il ne m'a pas dit ça comme ça, il m'a dit ça de façon un peu plus crue. Et puis effectivement, je suis rentré comme conseiller culturel à la ville de La Rochelle. Et finalement, ça a sans doute été les plus belles années de ma vie professionnelle, parce que je faisais quelque chose qui vraiment me plaisait, sauf qu'un jour il m'a dit « je monte un cabinet, j'aimerais bien que tu viennes avec moi » . Il vient donc dimanche soir dîner à la maison. Évidemment, tout le dimanche, j'ai fourbi tous les arguments pour lui expliquer que j'étais vraiment très heureux là où j'étais, que je n'avais pas envie de faire autre chose. Et évidemment, à la fin du repas, j'ai accepté la proposition qu'il me faisait. Et voilà comment... bien comme étant toujours intéressé à la politique malgré tout, et je pense que là aussi l'Algérie n'y a pas été pour rien, parce que ce n'est pas simple de se dire, il y a une population... qui est là depuis toujours et qui aujourd'hui vit finalement sous le joug d'une autre population qui est arrivée et qui lui impose ses règles de vie. Il y a aussi une population que... est venue là en toute bonne foi chercher un peu de sérénité, puisque tous les gens qui ont peuplé l'Algérie étaient des gens qui fuyaient finalement la misère, et qui venaient chercher un peu de stabilité, et puis cette deuxième population se sentait chez elle aussi, donc comment arbitrer entre les deux, c'est un débat tout à fait politique, donc ça m'a... Ça m'a éveillé à la difficulté de résoudre les difficultés de ce monde et de la vie en société. Donc ça m'avait orienté vers l'action politique. Et donc, voilà, je suis rentré au cabinet de Michel Crépeau. Puis j'ai dirigé le cabinet, puis j'ai été premier adjoint, puis j'ai succédé à Michel Crépeau. Tout ça dans à la fois la passion que j'avais pour cette ville et la passion que j'avais pour la population. la politique qui, pour moi, comme le disait Michel Grépeau, était la façon d'amener du bonheur à la société. Donc j'ai toujours considéré que faire de la politique... J'étais horrifié quand j'entends, et je le suis toujours, quand j'entends dire que c'est très politique, pour dire finalement que c'est un calcul, ou pour dire que c'est un politique, pour dire qu'il promet des choses... qu'il n'arrivera pas à faire. Pour moi, la politique, c'est tout l'inverse. C'est une tâche plutôt noble qui consiste à essayer de résoudre des contradictions sévères en essayant de rapprocher des points de vue et de trouver des compromis. Voilà.

  • Speaker #0

    Le binôme que tu vas faire avec Michel Grépeau, c'est un binôme que tu qualifierais de complémentaire ou de complémentaire. Est-ce que tu penses que c'est votre proximité ou votre différence qui a fait que ça a fonctionné ?

  • Speaker #1

    C'est notre différence qui a créé la proximité, peut-être aussi. Une grande proximité dans la façon d'approcher la vie, avec des vécus différents. Je suis au moins un dévoreur de vie qu'il ne l'était. Mais une conviction profonde et partagée qui était que... Alors, il avait à l'entrée de son bureau une phrase d'Épicure qui disait « Le bonheur n'est pas un droit, c'est un devoir » . Moi, j'en suis persuadé. Le bonheur, ça se construit et on doit être heureux. C'est un devoir que d'être heureux. et quand les choses vont mal on a le devoir de faire en sorte qu'elles aillent mieux et de ne pas se complaire dans le malheur donc voilà une philosophie de la vie identique et puis des modes de vie très différents, et c'est là que venait la complémentarité. Je pense que le binôme a bien fonctionné pour ça, oui, parce qu'on était assez complémentaires.

  • Speaker #0

    Oui, mais le côté fantasque de Michel Crépeau, le côté, je dirais presque artiste, qu'il avait de la politique... La première image que j'ai de lui, c'était quand il est candidat au municipal. Et je le revois dans la salle Émile Combe, axé à Califourchon sur une chaise. Mais je n'avais jamais vu... vu un maire assis à Califourchon, il avait la chaise qui était appuyée comme ça, et puis il avait dit, bon, ça sera ça ou ça sera rien, parce que vous ne pouvez pas vous imaginer que Michel Crépeau il va se présenter comme ça tous les ans. Donc, vous... vous y allez ou vous n'y allez pas. Et effectivement, il y avait, il a un côté artiste.

  • Speaker #1

    Oui, oui, absolument. C'est pas comme les artistes, c'est des séries. Bien sûr, mais moi, j'ai adoré ce côté, effectivement. Presque cabot, parfois. Mais au-delà de ça, le côté vraiment artistique... Moi, j'ai toujours considéré que la politique, ce n'était pas une science, mais c'était un art. C'est vraiment un art. Il faut s'y préparer comme un artiste. Moi, le matin, avant de partir au bureau, je me préparais comme un artiste qui se grime, qui s'habille. Je me mettais dans le personnage. Et donc, ça, c'est une chose qu'on a partagée, même si j'avais... Je n'avais pas le même talent d'artiste. La façon de l'exprimer, c'était très différent. Mais fondamentalement, je pense que c'est un art. Et lui, c'était un grand artiste de la politique. Il faut savoir... effectivement jusqu'où on peut aller, parfois reculer pour mieux sauter, enfin bon voilà tout ça, c'est pas une science qu'on apprend, moi ça m'a toujours fait rire quand j'attendais que des gens diraient je fais science politique, bon oui on fait science tout ce qu'on veut mais pas science politique, si c'était une science il y a longtemps que ça se saurait, il y a longtemps que le monde vivrait en paix, dans l'harmonie. grâce aux certitudes et aux théorèmes et aux axiomes que la science politique nous aurait révélés. Mais ce n'est pas le cas. Ça reste une alchimie.

  • Speaker #0

    Ça reste une alchimie, ça reste un art. Et effectivement, dans cette collaboration, je ne sais pas, le mot n'est pas propre, comment tu qualifierais ? votre relation. Est-ce que tu avais l'impression d'être dans une relation avec... Est-ce que tu considères que Michel Crapeau était ton mentor ?

  • Speaker #1

    Ah, c'est compliqué. Ça m'a beaucoup aidé. bien sûr, il m'a énormément appris, bien sûr, j'ai eu le sentiment qu'il m'aidait à révéler certaines de mes convictions. J'aurais probablement eu moins conscience d'un certain nombre de choses si je ne l'avais pas côtoyé. En même temps, j'avais le sentiment que profondément, j'avais confusément ces idées ou ces convictions au fond de moi. Mais non, il m'a énormément apporté. J'ai beaucoup partagé beaucoup de ses convictions. J'ai trouvé qu'il les exprimait parfaitement bien. J'ai toujours été admiratif du fait qu'il créait lui-même sa propre doctrine politique. Alors que moi, j'ai toujours besoin de m'appuyer sur ce que d'autres ont écrit, dit, etc. je n'arrive pas à exprimer profondément ma profonde conviction spontanément j'ai besoin de m'appuyer sur des lectures lui aussi évidemment je pense qu'il a vraiment créé Une nouvelle façon de concevoir la ville, par exemple. Quand il est arrivé, c'était une petite révolution, de faire des rues piétonnes, d'amener des vélos. A l'époque, on ne parlait même pas de vélos, on parlait de bicyclettes encore. C'était un objet désuet. Non, non,

  • Speaker #0

    il avait des intuitions.

  • Speaker #1

    Oui, il avait des intuitions. Il savait aussi saisir les intuitions des autres, ce qui est une grande qualité. Je pense à quelqu'un comme André Dubosc, qu'il a beaucoup éclairé aussi. Mais Michel Crépeau a su se saisir de ça, le porter, le faire partager. C'est important de le faire partager. Donc moi, j'ai beaucoup d'admiration pour son action politique, puis pour le bonhomme tel qu'il était. Et puis au-delà de l'admiration, j'ai beaucoup d'amitié, d'affection, pour ce qu'il a représenté. Oui,

  • Speaker #0

    ça c'est sûr. Bon. Je ne reviendrai pas sur notre histoire commune sur l'écrivain public, mais bon, ça reste une blessure du fait qu'il n'ait pas compris l'intérêt que ça avait.

  • Speaker #1

    C'est certain. Il n'a pas compris du tout. Il a même sans doute vécu comme une menace. Ah,

  • Speaker #0

    il a vécu comme une menace. menace,

  • Speaker #1

    il me l'a dit clairement.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, c'est à cause de ça que Dubedoux est parti. C'est à cause de gens comme vous que Dubedoux a été battu.

  • Speaker #1

    Oui. C'est sans doute parce que Dubedoux... Oui, c'est pas faux. Mais c'est sans doute parce que aussi Dubedoux n'avait pas saisi l'importance que ça pouvait avoir. Et sans doute parce que... Au lieu de... Ouais, ouais, ouais, ouais,

  • Speaker #0

    ouais... Pétez pas l'heure.

  • Speaker #1

    C'était pas l'heure, oui. C'est dommage, parce qu'il aurait pu s'appuyer là-dessus, justement. Bien sûr. Mais il en a eu peur, et il a éliminé le problème. C'est toujours pareil, c'est pas une science. C'est un art, on l'exerce comme on peut.

  • Speaker #0

    Il m'avait dit, ma communication, moi, je m'en charge. Je n'ai pas besoin de personne. Bon. Alors, lui, il a fait avancer l'écologie. Il a fait avancer le... Il a donné à La Rochelle une image moderne. Enfin, vous, vous avez donné, tous les deux, vous avez contribué à donner de La Rochelle une image moderne. Et puis, il y a eu cet accident. Et là, j'ai beaucoup pensé à toi quand tu t'es retrouvé en 99 avec... ton mentor qui était mort, et toi, tu as été confronté à ça. Et j'ai été très admiratif de ta sérénité, de ton calme, et tu as repris les manettes, tu as repris le flambeau, alors qu'il y avait quoi ? Il y avait de quoi paniquer quand même.

  • Speaker #1

    Oui. Alors, on m'a souvent dit, oh là là, ça n'a pas dû être facile après Michel Crépeau, etc. Non, finalement, politiquement, ça a été... Ça a été facile pour des raisons objectives, qui étaient que la ville était en bon état financier, qu'elle était dans une dynamique, qu'il y avait des projets. Donc, après tout, c'était facile. La deuxième chose, c'est que j'avais quand même été au cœur du dispositif, donc que je connaissais tout ça, je découvrais peu de choses. Sauf l'hôpital, que je ne connaissais pas du tout, parce que Michel Crépos y était beaucoup. beaucoup investi, et voilà. Là où c'était plus compliqué, c'était l'Assemblée, même si j'étais suppléant, parce que c'est un monde particulier, que je n'ai pas spécialement aimé, d'ailleurs. Mais... J'avais pas envie ni de faire du crépeau, ce qui est une erreur, ni de... Non, le plus dur pour moi, c'était qu'il y avait plus compagnonnage avec... Tu parlais de collaboration, c'est plus un... compagnonnage quoi il y avait plus compagnonnage avec quelqu'un que j'aimais beaucoup quoi c'est ce qui m'a le plus le oui le plus affecté voilà c'est pas pas la difficulté de la tâche pour gérer la ville, ça j'avais assez confiance dans la possibilité de le faire, c'était plus l'absence de quelqu'un avec qui j'avais l'habitude de travailler et que j'aimais bien, voilà, donc c'était plus une blessure qu'une difficulté. Et je me souviens d'une première fois où je revenais de Paris avec... Oui, qu'elle avait une personnalité nationale. Je venais d'être maire, député. Elle venait faire une visite à Paris. Elle me dit, raconte-moi des choses drôles. Et puis, je n'avais pas envie de dire des choses drôles parce que j'étais encore dans le deuil, tout simplement. Donc, je m'étais forcé un peu à trouver des choses drôles. Mais j'ai vécu ça plus comme un deuil qu'une difficulté. Avec aussi le délai. désir de continuer à faire vivre un peu cet état d'esprit, que la Rochelle soit une ville chaleureuse, voilà.

  • Speaker #0

    C'était le deuil. J'ai pas l'impression que c'était plus le deuil d'un frère aîné que d'un père.

  • Speaker #1

    Oui, oui, sans doute. Je m'étais jamais posé la question comme ça, mais c'est vrai que pour moi, c'était pas le deuil d'un père. d'un père, c'est sûr. Et souvent, on m'a dit, Michel Crépeau, c'était ton père. J'ai dit, non, mon père, c'est mon père. Je n'ai pas trois pères. Oui, d'un frère aîné, oui. Plutôt.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. C'est vrai. Bon.

  • Speaker #0

    Donc, maintenant que tu es dans la phase post-activité, tu as fait, et maintenant tu as fait le choix de ne plus quitter la République. Ça, c'est quand même pas de la tarte d'abandonner le pouvoir. On n'a pas parlé du pouvoir, mais c'est ce que tu as abandonné d'une certaine façon. Et ça, il n'y a pas beaucoup de gens qui décrochent de cette drogue dure.

  • Speaker #1

    Oui. Oui. Le pouvoir, c'est vrai que moi j'appartiens à une génération où on se méfie du pouvoir, quoi. Oui, en 1968. Voilà. Et puis, bon, je me suis aperçu quand même que le pouvoir, c'était le pouvoir de faire des choses, quoi. et c'est vrai que ça dépend de la conception qu'on a du pouvoir. Moi, le pouvoir pour faire des mondanités, ça ne m'intéresse absolument pas. Mais le pouvoir de faire ce qu'on aimerait que les choses soient, c'est quelque chose de très gratifiant. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé être maire, j'ai beaucoup moins aimé être député. Parce qu'on m'avait dit, tu vas voir, quand tu es député, tu as du pouvoir, tu peux prendre un sujet, puis l'approfondir, puis le porter. Et oui, c'est vrai en théorie, dans la réalité, il y a tellement d'obstacles que c'est un peu une chambre vide. On a l'impression qu'on ouvre une porte, derrière cette porte il y a le pouvoir, on rentre dans une pièce où il y a une porte au fond, qu'il s'agit d'ouvrir pour avoir la porte où il y a le pouvoir, et puis ça n'en finit plus. Donc le pouvoir c'est quand même un peu ça, c'est une série de chambres vides où une porte est au fond. Mais... Mais, dans l'action municipale, c'est un peu différent, parce qu'Amer, c'est à la fois le président de la République, c'est à la fois le Premier ministre, c'est aussi le ministre des Finances, c'est un peu tout ça à la fois, il concentre beaucoup de pouvoirs. Et ça permet, si on est bien entouré, si on le fait amicalement avec des adjoints en qui on a confiance et à qui on... on donne des responsabilités, des adjoints qu'on écoute, si on a un exercice collectif du pouvoir, mais un exercice collectif ne veut pas dire qu'on dilue le pouvoir, parce qu'en dernier ressort, c'est le maire qui dit oui ou non, et ça, ça me semble important. Donc on peut avoir un exercice collectif, consulter d'abord son cercle proche, les adjoints, etc., consulter aussi les citoyens, mais il faut que la règle soit claire, et au dernier moment, il y a toujours un individu qui décide. Voilà, c'est ma conviction. Je ne crois pas aux commissions, aux comités, aussi. Les commissions, c'est bien pour éclairer. Au dernier moment, il faut que quelqu'un choisisse. Voilà, c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé l'action municipale, parce que si on le fait en confiance, si on le fait finalement sereinement, on arrive à agréger autour de la décision pas mal d'accords. Voilà.

  • Speaker #0

    Et de quoi tu dirais maintenant que tu es le plus fier, le plus content ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis le plus fier, c'est quand les gens m'interpellent dans la rue et qu'ils me disent « Ah ben c'était bien quand vous étiez là » . Des fois ils me disent pire que ça, mais bon, je m'en tiendrai là. Oui.

  • Speaker #0

    Bon, mais là tu insistes sur la relation.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Et ce qui me frappe, c'est justement... que je dirais en conclusion pour moi, tu es Maxime, tu es un mélange d'une dimension très empathique, très sensible aux gens, etc. Et en même temps... Tu peux être d'une grande... une capacité à prendre la distance par rapport à l'émotion. Je pense que le décès brutal de Michel Grépeau t'a confronté à ça. C'est-à-dire qu'un empathique pur jus, il aurait été dévasté par ça, il aurait pleuré. Et toi, là, tu passes sur un autre côté de toi, dans lequel tu tiens bon, tu tiens le cap, et il y a ce mélange. Et peut-être que la solution... L'origine de ça, c'est le fait que tu as parlé des gens qui étaient morts, qui étaient affichés dans le village où tu étais. Tu as connu la mort, tu l'as vécue. Et ça, ça a fait ton baptême du feu, d'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, oui. Je souscris tout à fait à ça. C'est vrai que je suis dans l'empathie, etc. Mais... mais que quand la difficulté se présente, oui, je prends du recul par rapport à l'événement, je pense que ça provient effectivement de mes années d'enfance où j'ai connu le danger, tout simplement. Et voilà, il m'est arrivé d'être en vélo avec des amis dans mes jeunes années et de tomber sur un barrage agressif qu'on a pu voir depuis suffisamment longtemps. loin pour pouvoir s'en échapper. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas de paniquer, il s'agit de faire demi-tour et de pédaler très vite. J'ai gardé toujours un peu cette image. Quand on est face au danger, il faut pédaler très vite et s'éloigner du danger. Le danger, c'est aussi l'émotion dans ces cas-là. Je m'en suis aperçu aussi dans un moment difficile, quand il y a eu l'incendie de l'hôtel de ville. moi j'ai tout de suite compris qu'on allait perdre la salle des fêtes quand j'ai vu l'incendie gagner le toit du bâtiment principal j'ai compris que ça ne servira à rien de regarder je suis passé derrière, j'ai demandé à des pompiers de venir de casser la vitre en haut et de sortir tout ce qui était dans ce qu'on appelait nous le petit musée le trésor, le masque portuaire d'Henri IV, les seaux de la Rochelle le... le... Voilà, toutes les œuvres d'art qu'on pouvait sauver, voilà, c'était pas la peine de regarder l'événement. D'ailleurs, à ce niveau, il y a une anecdote que je raconte toujours, j'avais dit aux pompiers, vous rentrez, vous cassez la vitre, sur la droite, vous allez voir, il y a une vitrine, dans cette vitrine, il y a les sceaux de la Rochelle. Les premiers sceaux, bon, si on perdait ça, on perdait tout, quoi. Je veux dire, on peut toujours refaire un bâtiment, ça, le bâtiment... Ça ne m'inquiétait pas, je savais qu'on referait le bâtiment, même si c'était groulé, à la limite, on aurait toujours eu la mairie identique à celle qu'on a connue. En revanche, à l'intérieur, il y avait des objets symboliques qu'on n'aurait jamais pu reconstituer, une toile du XVIIe, on ne la refait pas. Voilà. Et donc le pompier rentre, et je le vois revenir avec un seau dans les bras, et c'est vrai que sur la droite, il y avait un seau. un seau en argent qui venait de Tiffany, un seau de Tiffany, qui nous avait été offert après la guerre de 1914 par la ville de New Rochelle. Et je me dis, il n'a pas compris, il a descendu le seau, qui était intéressant, mais sans plus. Et en fait, il avait tout compris, et dans le seau, il avait mis les seaux. Donc on a sauvé les seaux de la Rochelle, le masque mortuaire d'Henri IV, tous les objets symboliques. Et ça, c'est une de mes plus grandes fiertés. Et... Et on doit aussi une grande chandelle, bien sûr, aux pompiers, aux services publics, etc. Et à Géraldine Gilardo, qui avait un inventaire très précis de toutes les œuvres d'art et d'importance symboliques qui étaient dans la mairie. Et ce qui a permis aux pompiers d'intervenir de façon très systématique. Mais oui, dans ces cas-là, il faut garder la tête froide, il faut avoir du recul. Et souvent, on me dit, oh là là, vous deviez être catastrophé quand vous avez vu ça. Ben non, je n'étais pas catastrophé, j'étais surtout soucieux de savoir ce qu'on pouvait sauver. et j'avais le souci de sauver tout ce qu'on pourrait sauver.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que là, on tient la vraie dimension de... Tu as fait la carrière que tu as faite à cause de ça. Pas parce que tu as fait les impôts, pas parce que tu étais pied-noir, mais parce que tu as cette capacité en toi à... à être proche des gens et établir des rapports, et surtout à débrayer quand il est nécessaire de prendre de la distance et de faire le pas de côté par rapport au réel. Et ça, c'est quelque chose que tu as su faire. et je suis très admiratif que tu aies su faire ça, parce que je crois que, bon, donc tu étais notre élu, et bien c'est très bien, tu le restes pour...

  • Speaker #1

    Je ne le suis plus, je ne le suis plus. Tu ne l'es plus,

  • Speaker #0

    maintenant tu es citoyen, et bon, pour conclure, si tu avais, par rapport à la... par rapport aux élections qui vont venir, est-ce que tu aurais une qualité que tu mettrais en avant pour le futur maire de La Rochelle ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est d'avoir bien sûr plus le souci de créer du lien entre les gens.

  • Speaker #0

    Mais il y a une qualité. Ah,

  • Speaker #1

    oui, un mot. Une qualité. Une qualité. C'est difficile parce que, tu viens de le dire, il faut des qualités parfois antinomiques. Il faut de l'empathie et du recul. Non, je crois qu'une ville, c'est une succession de projets qui sont souvent différents et qui tiennent à la personnalité du maire. Alors, les citoyens... éliront le maire qui pense devoir élire. Il fera ce qu'il pense devoir faire et la ville sera ce qu'il en résultera.

  • Speaker #0

    Ça, là, tu fais de la politique.

  • Speaker #1

    Oui, je fais de la politique parce que... Une qualité, alors allez, c'est qu'il soit comme moi. Voilà.

  • Speaker #0

    Ce qui te ressemble. Bon.

  • Speaker #1

    C'est une boutade, mais ce n'est qu'une demi-boutade.

  • Speaker #0

    Je l'entends bien. Écoute, je te remercie infiniment pour cet entretien. Et je trouve que ça... Ça donne une bonne image de toi, de La Rochelle et de ce que nous avons pu vivre ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, merci. J'espère aussi que ça donne une bonne image de ce que sont les femmes et les hommes politiques, parce que c'est ce que sont la grande majorité d'entre eux, et non pas la caricature qu'on en voit parfois parmi les plus médiatiques.

  • Speaker #0

    Oui, bon, donc gardons l'espoir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Gardons l'espoir. Bien, merci beaucoup, M. le maire. Maxime Bonneau, cher Maxime, merci.

  • Speaker #1

    Merci, Patrice. C'était très sympa.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté notre podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, merci de le partager autour de vous. Si vous voulez réagir sur tel ou tel point de notre entretien, écrivez-moi. patricemarcade.com Si, à votre tour, vous voulez témoigner de vos « et maintenant » , écrivez-moi. à la même adresse à bientôt bon printemps à tous je vous embrasse

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Maxime

    02:15

  • Algérie

    08:13

  • Toulouse

    22:59

  • La Rochelle

    31:11

  • Michel Crépeau

    38:34

  • Danger

    51:59

  • Et main-tenant ?

    52:28

Description

Actuellement la cote de confiance envers les Hommes et les femmes politiques est au plus bas( 26%), néanmoins il est des élus de terrain, comme on dit, qui réussissent à accumuler un capital de sympathie. Mon invité d’aujourd’hui a réussi non seulement à se faire un nom mais aussi , ce qui est plus rare, un prénom.

C’est le cas de Maxime, Maxime Bono qui après avoir été maire de La Rochelle de 1999 à 2012, garde aujourd’hui une place dans la mémoire et le coeur des rochelais.

Dans l’entretien que vous allez écouter je me suis efforcé d’essayer de comprendre pourquoi.

Tant dans  sa vie personnelle que professionnelle, Maxime a du affronter des « Et Main-tenant ..? » douloureux : la guerre d’Algérie, la mort brutale de son mentor Michel Crépeau, l’incendie de l’Hôtel de Ville, entre autres.

C’est dans ces moments de vérité qu’il faut savoir se décentrer, ne pas se laisser submerger par l’émotion et garder la lucidité pour décider des priorités.

Si vous souhaitez ajouter votre mot à cette tentative de portrait, écrivez-moi :patricemarcade@gmail.com


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast « Et maintenant » . Je poursuis ma recherche de témoins pouvant attester de la pertinence de la question « Et maintenant ? » que j'ai empruntée à Michel Serres. Cette quête me conduit à solliciter des personnalités diverses, connues et inconnues. Leur façon de gérer les rebonds de la vie me remplit d'émotion et d'admiration. Pour trouver mon invité d'aujourd'hui, j'ai rebondi sur une drôle d'idée. En échange avec lui, j'ai réalisé qu'il me faisait penser à Edgar Gropiron, le skieur français spécialiste de ski acrobatique. particulièrement de l'épreuve des bosses, et qui s'est vu confier la présidence du comité d'organisation des Jeux Olympiques de 2030. Des acrobaties, il a dû parfois en faire. Des présidences, il en a gérées plus qu'à son tour. Donc, je lui fais part de cet audacieux rapprochement. Il a souri et il a bien voulu reconnaître que peut-être, et puis si ça me faisait plaisir de voir ça comme ça, c'était plutôt flatteur. Donc je lui ai proposé de venir nous parler de la façon dont il avait négocié les bosses de la vie, de sa vie. Il a accepté et c'est avec beaucoup de joie. que je suis allé renouer le fil d'une ancienne relation amicale, mais je ne vous ai toujours pas dit quel est son nom. À La Rochelle, tout le monde le connaît. Ancien idylle, il poursuit paisiblement une idylle partagée avec cette ville et ses habitants dont il est tombé amoureux il y a quelques décennies. Je franchis le seuil de sa porte. Monsieur le maire.

  • Speaker #1

    Honoraire.

  • Speaker #0

    Honoraire. Maxime Bonneau. Cher Maxime, je te remercie d'abord d'avoir accepté ma proposition. Et d'abord, quelle est l'appellation, la désignation qui te satisfait le plus quand on t'appelle monsieur le maire, monsieur Bonneau ou Maxime ?

  • Speaker #1

    Oh c'est Maxime, évidemment, c'est Maxime. Monsieur le maire, il faut bien reconnaître que ça me fait plaisir, ça flatte toujours un peu, je rajoute toujours, attention, honoraire, honoraire. Mais non, non, c'est Maxime, généralement. Bon, M. Bruno, évidemment, c'est plus formel, c'est plus anonyme, quoi. Mais quand on m'appelle Maxime, y compris des gens, des fois, que je ne connais pas, qui me disent « Maxime, qui me tutoie » , etc., ça me fait très plaisir. Ça me fait très plaisir. Je me dis que, bon, on m'a souvent demandé... quel est ton grand projet ou quel est votre grand projet pour la rochelle et moi je répondais c'est que les gens se parlent c'est-à-dire qu'essayer de créer une proximité entre les habitants et des complicités et quand on m'appelle maxime même si on me connaît pas et si on me tutoie en plus je me dis ben c'est réussi

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je me suis interrogé là-dessus, sur ce nom Maxime. C'est pour ça que je t'ai posé cette question, parce que pour moi, tu es Maxime. Et les Rochelais que je connais... quand ils parlent de toi, très souvent, ils disent Maxime avec un côté amical, quand tu es presque, je dirais, affectueux et jamais familier. c'est intéressant, c'est que c'est pas Maxime histoire de dire moi je connais, toc, mais il y a un lien et ça je l'ai toujours senti de la part des rucheliers en général et de gens très différents tu es Maxime et je me suis dit en fait Maxime tu as un prénom aussi qui est prédestiné à ça, et Maxime pour moi c'est un prénom d'empereur et Maxime Je me suis dit, en fait, Maximus, c'est quelqu'un qui est d'une autre dimension. Et je l'ai rattaché au statut de Romaine. de l'Afrique du Nord.

  • Speaker #1

    Oui, il y a du vrai dans tout ça. Moi, j'ai toujours été persuadé que les prénoms, finalement, façonnaient un peu la personnalité. Un prénom et un nom qui s'accordent bien, c'est très agréable. J'ai toujours été, par exemple, très admiratif des prénoms et des noms qu'on retrouve dans les romans comme « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez. Enfin, il a des noms fabuleux, quoi. Rien que lire le prénom et le nom, on rentre déjà dans une aventure. Donc, je ne peux que souscrire à ce que tu viens de dire. Le... Et je pense que oui, ça façonne des personnalités. Moi je sais que j'aime bien les gens, voilà, j'aime bien les gens, donc en contrepartie j'aime bien quand même. Et j'essaye de créer avec chacun un lien qui soit au-delà des convenances. En plus, il me semble que c'est la moindre des choses quand on a quelqu'un en face de soi, de s'intéresser à lui et de ne pas rester... dans ses propos un peu convenus, etc. Voilà. Pour en revenir à la question première, M. le maire, dans une ville, c'est facile de faire des choses qu'on voit, c'est facile de créer une salle de spectacle, ou de refaire de la voirie, ou de faire des bâtiments, c'est facile de construire, et c'est souvent là-dessus qu'on est jugé. Et pourtant, ce n'est pas le plus important, ce qui est le plus important, c'est les relations entre les gens, donc... Et je suis persuadé que l'action municipale est décisive en la matière. Selon les décisions qu'on prend, on crée des relations entre les gens où on laisse faire les choses et à ce moment-là, chacun se replie sur soi.

  • Speaker #0

    Donc des relations par-delà l'équivage des opinions, etc.

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Il ne s'agit pas d'uniformiser ou de... Non, non, ce n'est pas du tout un projet totalitaire. Au contraire, non, c'est retrouver tout simplement ce qui fait société, c'est-à-dire le besoin déjà de... de vivre ensemble et de solidarité. Si on n'a pas le choix, on vit avec d'autres, donc la meilleure façon de vivre, c'est d'être un peu solidaire. Et ça, je pense que ça se construit de façon un peu diffuse, c'est un peu une alchimie. Mais si on n'a pas ce souci et cette préoccupation, on vit différemment dans une ville.

  • Speaker #0

    Bon, alors essayons de voir à la racine Qu'est-ce qui a fait que tu tiens maintenant, aujourd'hui, en 2025, ce discours ? Qu'est-ce qui, dans ton histoire, a pu faire ça ? Et partons, si tu veux, de... Je me suis renseigné de 1947. Il s'est passé un événement important pour toi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et en 1947, tu n'es pas né n'importe où.

  • Speaker #1

    Non, je suis né à Alger. Et c'est un élément fondamental. dans la constitution de ma personnalité. C'est vrai que j'ai toujours le souvenir de mes premières années. J'ai vécu 11 ans à Alger, c'est-à-dire les premières années de ma vie déterminantes, 10 ans et demi à vrai dire. Et on me dit souvent, avoir quitté l'Algérie, c'est un traumatisme. Non, c'est d'avoir quitté Alger, moi, qui a été un traumatisme. J'ai vécu quelques années après, encore 4 ans ou 5 ans en Algérie. Mais le départ d'Alger a été quelque chose, pas forcément douloureux, mais quelque chose de déterminant. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi, mais quand j'y suis retourné en 1999, ou en 2000, je ne sais plus, j'ai compris. Quand on est à Alger, d'abord parce qu'elle est bleue, mais surtout où que l'on soit, on voit la mer, on voit la Méditerranée. Et c'est un site exceptionnel. C'est des collines finalement qui entourent une baie et on a toujours l'impression qu'on surplombe ce grand lac bleu qu'est la Méditerranée. Donc moi j'ai toujours gardé cet amour de la Méditerranée, même si depuis j'ai appris à aimer l'océan et à aimer aussi cette ambiance océane. je vois la Méditerranée, j'ai toujours un coup au cœur. Alors tout ça m'a amené sans doute à... A plus savoir très bien d'où je suis, mais est-ce que ça a vraiment de l'importance ? Il y a les lieux qu'on aime, et puis peu importe d'où on est, même si il y avait une chanson de... de Lili Bonich. Lili Bonich, c'est un chanteur juif qui chante en arabe. Et moi, j'adore ça, ce mélange des cultures comme ça, qui vient bousculer toutes les idées reçues. Et il dit « J'aime toutes les villes un peu plus Paris » . Et moi, je me dis « J'aime toutes les villes un peu plus Algiers, peut-être » .

  • Speaker #0

    Et après, tu restais quand même en Algérie.

  • Speaker #1

    Oui. Alors après... Après Alger, qui était quand même une capitale, la capitale d'Algérie, qui était une ville où on trouvait tous les services, on trouvait plein de choses. Mon père a été nommé à Soukharas. Soukharas, à l'époque, c'était un tout petit village. Il était directeur de l'agence de la Banque d'Algérie à Soukharas. Et là, c'est vraiment autre chose quand même. Parce qu'il y avait le marché aux bestiaux. Moi, je n'avais jamais vu le marché aux bestiaux à Alger. Avec mon frère, on voulait acheter un âne à l'époque. ça valait 5 francs, 5 francs un bourricot, comme disait un petit âne. Donc j'ai découvert le monde rural algérien, et la misère aussi. Et puis là j'ai découvert aussi autre chose. J'avais connu, même si à l'époque je ne m'en rendais pas compte, j'avais connu la guerre à Alger, j'avais connu les bombes dans les cafés, dans les réverbères, avec mon frère. frères qui étaient un peu plus âgés que moi, on s'entraînait à reconnaître le bruit des sirènes selon que c'était les pompiers, les artificiers, la police, etc. J'avais connu ça, la bataille d'Alger, avec les parachutistes qui quadrillaient la ville. Quand je suis arrivé à Soukharas, déjà, on se... on prenait un train à Bonn pour rejoindre Soukharas, et... Et devant le train, devant la motrice, il y avait trois wagons. Et avant les trois wagons, il y avait trois wagons pour que si la voie était piégée, le train ne déraille pas. Quand on arrivait à Soukharas, la ville était cernée par des parbelés électrifiés. Et on ne pouvait en sortir qu'en convoi. C'était assez compliqué. et tout le monde disait oh oui mais ici on est tranquille il n'y a pas d'attentat vous allez voir c'est très différent d'Alger les Arabes se tiennent tranquilles parce qu'on leur a montré et effectivement j'ai appris que il y avait eu ce qu'on avait pompeusement appelé la bataille de Soukharas où il y avait eu quelques rebelles comme on disait des félagas qui avaient été tués ils avaient été exposés sur la place principale de Soukharas ... voilà donc l'ordre régnait à Soukarras et effectivement ça m'a permis d'aller au cinéma par exemple de voir des films chose que je n'avais vue que chez moi à Alger parce qu'on avait acheté un projecteur un projecteur Lapierre 9mm5 qu'on tournait à la manivelle mais on louait des films qui nous avaient permis de voir un peu tout ce qui se faisait ça allait des Kitt Carson jusqu'à jusqu'à... jusqu'à... Ilme Russe...

  • Speaker #0

    Campas de Cigogne, etc.

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas Campas de Cigogne. C'était après, ça. Non, les escaliers... Oui, oui, voilà. Donc, les grands classiques du cinéma, mais tout d'un coup, ça me permettait d'aller vraiment dans une salle et de voir sur grand écran. On n'y allait pas à Alger parce qu'on avait peur des attentats, etc. Donc l'ordre régnait à Soukarras sous la protection des militaires, de l'armée française qui faisait des prises d'armes régulièrement et qui défilait sous les fenêtres de la banque d'Algérie où mon père devait hisser le drapeau français. Voilà, donc c'était tout à fait différent de ce que j'avais connu à Alger. accessoirement j'étais scolarisé donc à l'école communale de Soukarras où l'instituteur avait encore des méthodes aujourd'hui qui feraient hurler tout le monde, c'est-à-dire qu'il nous donnait des coups de règle sur les mains, dans la paume des mains si ce n'était pas grave, sur le dos des mains si c'était grave, et avec les doigts. Et sur le bout des doigts, si c'était encore plus grave. Voilà, ça fonctionnait. Donc, je découvrais un monde différent. Et ça a duré à peu près deux ans et demi. Et nous sommes partis ensuite à Mostaganem. Et c'est depuis Mostaganem que j'ai quitté l'Algérie. Bien sûr, j'en ai des souvenirs que je pourrais raconter pendant des heures, qui paraissent à beaucoup comme terribles, qui sont effectivement terribles. Je ne sais pas s'il faut que je les raconte ou pas, mais la fin de l'Algérie française a été quelque chose de très dur pour les deux communautés. J'insiste, pour les deux communautés. Mon père était... égoïste à l'époque, donc il n'était pas en odeur de sainteté du côté de l'OS, ce qui a amené à quelques moments d'angoisse particuliers, et en même temps, nous, on était gamins. Moi, j'avais 14-15 ans. Je côtoyais des voisins qui étaient proches de l'OS. Je jouais au foot avec des jeunes dont les parents étaient probablement engagés au FLN. C'était assez confus, tout ça. Je pense que ça m'a aidé ensuite. dans les situations les plus difficiles, à essayer de trouver les choses les plus simples, essayer de simplifier les problèmes, parce qu'il arrive qu'on ne sache plus exactement où on se situe dans un conflit. Moi, j'ai vécu ça, d'avoir le sentiment d'un maelstrom où plus personne ne maîtrisait quoi que ce soit. et ça pour moi c'est le souvenir que je garde des derniers mois de ma vie en Algérie.

  • Speaker #0

    Et donc tu dirais que cet épisode d'une quinzaine d'années, tu as appris à naviguer en eau trouble, si je puis dire, à gérer la complexité, tu as fait l'expérience de la peur, du danger physique, tu as... c'est pas rien. ça pour un enfant.

  • Speaker #1

    Oui, je m'en suis aperçu bien plus tard que j'avais fait l'expérience de la peur et du danger physique. Mais bien plus tard, peut-être 40 ans plus tard, quand je me suis aperçu que... certains avaient peur de choses qui, moi, ne m'impressionnaient plus. Et je me suis dit, ben oui, ça vient de là, bien sûr. Alors, il a fallu plus tard que je me gendarme un peu, parce que j'avais une tendance... naturelle à hausser les épaules en disant mais enfin tout ça c'est pas grave, il y a beaucoup plus grave et pour les gens qui vivaient ces angoisses c'était extrêmement grave donc j'ai compris plus tard que cette expérience de ces 15 années m'avait un peu endurci le cuir quoi D'abord, on a quitté Succaras, donc, en convoi, pas Succaras, pardon, Mostaganem, en convoi pour rejoindre le bateau. Sur le chemin, on a reçu des pierres, etc., etc. Et quand on a rejoint le bateau, mon père et mon frère n'ont pas pu embarquer. Alors pour mon père c'était prévu, il était prévu qu'il reste en Algérie, Il devait assurer la transition au sein de la Banque de l'Algérie. Pour mon frère, c'est parce qu'il était trop âgé et qu'à l'époque, l'OAS disait que les hommes doivent rester pour combattre. D'ailleurs, on avait reçu l'ordre. Des gens étaient passés à l'appartement en disant, vous prendrez le bateau tel jour à telle heure. Les femmes et les enfants et les hommes restent. restons là, voilà comment les choses sont passées. Et donc je suis parti avec ma mère, mes deux soeurs et mon jeune frère, on est parti, comme on dit, avec des valises, moi j'avais deux valises, une valise dans chaque main, dans l'une il y avait toutes les photos de famille, dans l'autre... Il y avait des affaires qu'on pouvait emporter et j'avais dans mon sac à dos des... une partie de l'argenterie que ma mère avait voulu absolument emporter. Quant à ma mère, elle avait sous le bras, alors elle nous avait dit, il ne faut pas dire que c'est des tableaux, il faut dire que c'est des portraits. Donc on avait les tableaux de famille, j'en ai encore quelques-uns ici, qu'on emportait. Donc on emportait ce qui nous semblait le plus précieux. Et bon, on était venus souvent en France, on venait pratiquement tous les deux ans. Et moi j'avais subi l'ascension sociale de mon père à travers le monde. à travers la classe dans laquelle nous étions.

  • Speaker #0

    La progression de sa carrière.

  • Speaker #1

    La progression de sa carrière, oui, parce qu'au début, on était dans le bateau en classe touriste, avec des cabines qui donnaient de simples hublots, et puis après, on est passé en classe plus améliorée, où il y avait une salle de bain dans la cabine, et puis après, on a été en première classe, où on avait des fenêtres et non plus des hublots, etc. Et là, on s'est retrouvé en 3... troisième cal, en troisième cal, il faisait très chaud dans un bateau dont j'ai oublié le nom, il y avait beaucoup, évidemment, la traversée était toujours un peu difficile au moment où on rentrait dans le golfe vers Marseille, et là, beaucoup de vieilles dames étaient malades, et parler en espagnol, parce qu'on est partis d'Oran, donc Oran était une ville où tout le monde parlait espagnol. Elles criaient qu'elles allaient mourir, elles criaient, je me disais mais c'est terrible, effectivement pour elles, elles quittent l'endroit où elles sont nées, elles vont dans un endroit où elles ne sont jamais allées, où on leur a dit qu'il faisait froid, où il pleuvait toujours, etc. Et donc pour elles c'était vraiment la fin du monde. Donc c'était assez éprouvant comme retour. Néanmoins, même si j'ai le souvenir de la côte algérienne qui s'éloignait, de la ville d'Oran qui s'estompait, ça ne m'a pas ému plus que ça, parce que ce n'était pas Alger, tout simplement, qui partait. Et puis pour moi, c'était une aventure nouvelle qui s'annonçait en France. J'étais un peu inquiet parce que mon frère restait en Algérie. et qu'à l'époque, il était un peu aventureux, un peu inquiet parce que mon père était là. Mais en même temps, je devenais l'aîné de la famille, j'avais des responsabilités. Voilà, donc c'était bizarre comme sentiment.

  • Speaker #0

    Tu étais devenu provisoirement le chef de famille.

  • Speaker #1

    Le chef de famille, voilà, c'est ça. J'étais l'homme de la famille. L'homme de la famille. Oui, oui. C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    C'est pas banal comme expérience. expérience et comme point de... Et tu avais un projet en rentrant en métropole. Est-ce que tu avais un projet personnel ? C'était quoi ? Qu'est-ce que tu voulais faire ? Tu voulais faire des études ?

  • Speaker #1

    Tu voulais... Oui, je voulais continuer mes études. À l'époque, ça marchait plutôt bien. Donc voilà, je n'étais pas inquiet. Je n'ai pas le souvenir d'une véritable inquiétude. J'étais triste de quitter un pays où il y avait du soleil, de la plage, du beau temps, où la vie était finalement agréable. Je ne me rendais pas compte que je quittais la guerre. Je ne me rendais absolument pas compte. Quand je suis arrivé en France, je me suis dit, oh là là, quelle liberté, quelle liberté. J'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que ce n'était pas la liberté que je retrouvais, c'était la paix, tout simplement. Euh... Liberté aussi parce que mon père n'était pas là, que je manipulais un peu facilement ma mère et que j'avais réussi par exemple, on rejoignait une maison que mes parents avaient achetée pour leur retraite, une maison qui était dans le Gers mais qu'ils n'avaient jamais pensé habiter aussi vite. Donc c'est une maison où il y avait juste l'électricité, il n'y avait pas d'eau, donc il fallait chercher l'eau à la fontaine ou au puits. puis appartenait à un voisin, il était à peu près à 300 mètres, donc on remplissait des jéricanes d'eau en pompant l'eau du puits. La fontaine, l'eau était potable, mais elle était en ville, donc on avait réussi à persuader ma mère qu'il fallait nous acheter une mobilette, donc c'était formidable. Je retrouvais cette liberté, et j'avais ma mobilette, donc j'étais heureux. Et puis mes cousines nous avaient rejoints, donc mes cousines, ça veut dire qu'il y avait les amis de mes cousines, les petites amies, et... et je découvrais un petit peu les flirts d'adolescents. L'amour, c'est beaucoup dire. J'avais toujours connu l'amour.

  • Speaker #0

    Tu avais connu un... Oui, mais c'est un autre... Un autre de relation.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est la période de ta formation, on peut dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Qu'est-ce que tu peux dire ? Qu'est-ce que tu as emporté de cette période-là ?

  • Speaker #1

    D'abord, une grande découverte qui m'a beaucoup aidé par la suite, dans l'immédiat. Oui, il y avait mes cousines, leurs amis, des voisins qui avaient le même âge que moi, ils m'ont amené à un match de rugby. Et je suis tombé amoureux du rugby. Amoureux du rugby qui m'a permis de m'insérer totalement. Donc, je n'étais plus un pied noir. qui arrivait, j'étais un amoureux du rugby, qui parlait de rugby avec tous les gascons qui m'entouraient, ben voilà, ça m'a permis une intégration quasi immédiate, et quand on me demande d'où je suis, maintenant je dis, je suis né à Alger, j'ai passé mon adolescence dans le Gers, j'ai fait mes études à Toulouse, et maintenant je vis à La Rochelle, voilà, donc je me suis toujours adapté finalement au milieu auquel j'étais.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une de tes caractéristiques, ça. Bon, donc là on est dans les... on est dans quelles années là ?

  • Speaker #1

    Là c'est 62, de 62 à 68 quoi, à 66 plutôt dans le Gers. Et puis en 1966, je suis parti, après mon bac, je suis parti à Toulouse, où là j'ai découvert une autre forme de liberté, puisque j'avais quitté le nid familial.

  • Speaker #0

    Et là tu as fait d'éco, de l'économie là.

  • Speaker #1

    Oui, un peu d'économie et du droit surtout. Et du droit. Oui, j'ai fait la fac de droit avec une première année qui n'a pas été brillante, parce que découvrir la liberté, ça n'aide pas forcément pour la qualité des études. mais bon ensuite je me suis ressaisi et j'ai passé ma licence en droit avec des années très très agréables à Toulouse dans une ville que j'ai aimée finalement et que j'aime encore Avec, bon, quand j'ai eu ma première année de droit, ça semble incroyable aujourd'hui, mais à l'époque, personne ne voulait rentrer d'administration. Des carrières brillantes ou... ou tout au moins bien rémunérés, s'offraient facilement dans le privé. Et donc, quand j'ai réussi ma première année de droit, j'étais en train de prendre un bain, ma mère est venue me voir en me disant « il y a un monsieur qui veut des impôts » . qui veut te parler. Je suis descendu en Pays-Noir-de-Vin, et là j'ai vu quelqu'un qui m'a dit, « Vous venez d'avoir votre première année de droit, on peut vous proposer quelque chose qui peut vous intéresser. Si vous vous engagez à passer le concours d'inspecteur des impôts, on va vous payer 700 francs par mois. Simplement, vous vous engagez à présenter le concours, et puis vous suivrez, je crois que c'était 4 heures de cours par semaine. donc je me suis dit pour 700 euros par mois ça vaut le coup quoi c'était mieux payé que les champions qui devait passer trois nuits par semaine dans un établissement etc etc donc en plus j'avais envie de me débarrasser de ce type qui me faisait son baratin a pris par coeur donc j'ai signé j'ai signé et ça m'a permis de passer une première une deuxième année de droit en ayant quand même des moyens financiers Et puis... on est pris par le truc. Je n'avais pas du tout l'intention d'être inspecteur des impôts, mais ça m'embêtait d'échouer l'examen quand même. Donc au moment de l'examen, on fait une copie qui n'est pas trop mauvaise. Donc j'ai été reçu et puis on m'avait dit que j'aurais 1200 euros par euro franc à l'époque par mois si j'étais reçu. Donc j'ai été reçu et là, ça m'a permis de mener une vie... Bisance. Voilà, bisance. Je ne mangeais plus au restaurant universitaire. Donc j'ai fait des études agréables à Toulouse, sans soucis financiers. Les soucis financiers sont venus quand j'ai été inspecteur des impôts, parce que je me suis aperçu à ce moment-là que dans la rémunération que je touchais, il y avait une prime que je perdais, qui était une prime de scolarité, qui représentait à peu près le tiers de mon salaire. Donc voilà, et je suis devenu inspecteur des impôts nommé... à Normandie, dans un endroit merveilleux au printemps, mais où il y avait 300 jours de pluie, et moi qui suis une pile solaire et qui ai besoin de soleil, j'ai été extrêmement malheureux pendant 4 ans, jusqu'au jour où j'ai rejoint la Rochelle, qui a été a été pour moi une fenêtre ouverte sur l'espoir et sur l'avenir.

  • Speaker #0

    Et la suite de l'histoire va le prouver.

  • Speaker #1

    Peut-être, oui.

  • Speaker #0

    Donc, tu arrives à La Rochelle. et là tu vas un peu sortir de ton monde privé, de ton activité privée, pour rentrer dans une activité plus publique. Tu vas les faire par étapes.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, tout à fait. D'abord, je connaissais un peu La Rochelle, parce que quand on était en Algérie, on venait... on est en vacances à Cognac, dans une maison de famille qu'on avait à Cognac, et le dimanche, on venait à La Rochelle pour manger des fruits de mer, dans l'Ochkiss, on joue d'un ami de la famille qui était médecin. Voilà, donc j'avais cette image d'une ville un peu bourgeoise.

  • Speaker #0

    C'est pas la chanson de Jonas quand même, je voyais, on allait voir la mer.

  • Speaker #1

    Oui, c'est presque ça, c'est un peu ça. Voilà, j'avais un cousin qui était... qui était scolarisé à La Rochelle, à Fenelon, etc. Et quand j'étais en Normandie, fonctionnaire venant du sud-ouest, j'avais copiné avec, on trouvait plein de fonctionnaires qui venaient du sud-ouest à l'époque. Il y en avait un qui venait de La Rochelle, et un jour, rejoignant, puisque j'ai réussi l'exploit de faire mon service militaire à 23 ans en ayant deux enfants, rejoignant mon affectation, il m'a dit, écoute, si tu rejoins ton affectation à Hoche, fais donc un détour par La Rochelle, tu m'y laisseras. Donc j'avais fait le détour par La Rochelle, et j'ai redécouvert cette ville. Quand je suis arrivé... D'abord, les terrasses étaient sorties sur le port, c'était au mois de janvier. En Normandie, il passait 18 heures, tout était fermé. J'entendais la drague qui, à l'époque, le train de drague TD6, draguait le port avec cette espèce de bruit. Ça grattait, ça soufflait. Donc j'ai eu le coup de foudre. On s'est installés à la Grand-Rive. J'ai regardé le port. La nuit tombait et je me suis dit « Oh là là, mais quel bonheur ça doit être de vivre ici » . voilà et donc 2-3 ans après ou 4 ans après quand j'ai pu j'ai demandé Toulouse en premier évidemment et La Rochelle en deuxième position quand j'ai pu faire mes demandes de mutation et au bout de 15 jours après avoir été 15 jours à La Rochelle je me suis dit mais il n'y a aucune raison d'aller à Toulouse je suis vraiment trop bien ici c'est là que je veux vivre finalement moi qui avais toujours un peu cette cette pas cette nostalgie parce que je ne suis pas dans la nostalgie ce souvenir de jours heureux en algérie qui m'était toujours demandé où je pourrais vivre quelque part je me suis dit c'est là que je vais poser mon sac Et puis, quand on est inspecteur des impôts, puisque j'étais inspecteur des impôts à La Rochelle, et qu'on est dans une association, on vous propose toujours d'être trésorier, comme je m'étais toujours intéressé un peu aux trésors. au théâtre, la culture, etc., que j'avais adhéré au Parti Socialiste quelque temps avant, on m'avait proposé de rentrer au conseil d'administration de la Maison de la Culture, et là, évidemment, on m'a demandé d'être trésorier, donc je suis devenu trésorier de la Maison de la Culture, et c'est comme ça que j'ai approché Michel Crépeau, et puis de fil en aiguille, les choses se sont faites. Voilà. J'ai trouvé que ce type était intéressant, c'est... J'ai suivi ses campagnes et je trouvais qu'il avait un profil totalement atypique. Et puis voilà, et puis un beau jour, Bernard Mounier m'a dit, « La ville cherche un conseiller culturel, tu devrais postuler. » Je lui ai dit, « Attends, mais moi je ne suis pas un professionnel de la culture. » Il m'a dit, « Oui, oui, mais ce serait bien, tu connais un peu quand même le milieu, tu devrais en parler à Michel Crépeau. » Donc j'ai demandé une entrevue. et il m'a expliqué tout de suite que ce n'était pas possible parce que les syndicats n'accepteraient jamais qu'il avait recruté Alain Parent au musée du Nouveau Monde en dehors des statues, qu'il avait recruté un tel aussi en dehors des statues et que là recruter encore quelqu'un, non non, ce n'était vraiment pas possible. Je dis bon ben je comprends, je vais vous dire ce que j'ai fait et puis voilà, donc je lui avais expliqué un peu ce que j'avais fait à la création de Radio-Land. La Rochelle, tout ça, avec un ami...

  • Speaker #0

    Avec Dominique

  • Speaker #1

    Fournier. Voilà. Et que, bon, je dis, je pense que je ne vais pas rester à La Rochelle, parce que, malheureusement, je garderai sans doute ma maison, mais je vais probablement m'installer à Poitiers, puisqu'on me propose de... Je veux quitter l'administration fiscale, j'en ai fait le tour, ça ne correspond pas tout à fait à mon tempérament non plus, donc... On me propose de rentrer dans un cabinet fiscal à Poitiers, je vais à la Poitiers, il me dit « Ah, mais non, mais on va voir, prenez donc la présidence de la Maison de la Culture » . Je dis « Non, non, non, ça ne m'intéresse pas, moi je veux une activité professionnelle, j'ai besoin de gagner ma vie » . Et puis quand on s'est quitté, il m'a dit « Ah, mais le syndicat, je vais en faire mon avis, je vais en faire mon affaire, on va se débrouiller » . Enfin, il ne m'a pas dit ça comme ça, il m'a dit ça de façon un peu plus crue. Et puis effectivement, je suis rentré comme conseiller culturel à la ville de La Rochelle. Et finalement, ça a sans doute été les plus belles années de ma vie professionnelle, parce que je faisais quelque chose qui vraiment me plaisait, sauf qu'un jour il m'a dit « je monte un cabinet, j'aimerais bien que tu viennes avec moi » . Il vient donc dimanche soir dîner à la maison. Évidemment, tout le dimanche, j'ai fourbi tous les arguments pour lui expliquer que j'étais vraiment très heureux là où j'étais, que je n'avais pas envie de faire autre chose. Et évidemment, à la fin du repas, j'ai accepté la proposition qu'il me faisait. Et voilà comment... bien comme étant toujours intéressé à la politique malgré tout, et je pense que là aussi l'Algérie n'y a pas été pour rien, parce que ce n'est pas simple de se dire, il y a une population... qui est là depuis toujours et qui aujourd'hui vit finalement sous le joug d'une autre population qui est arrivée et qui lui impose ses règles de vie. Il y a aussi une population que... est venue là en toute bonne foi chercher un peu de sérénité, puisque tous les gens qui ont peuplé l'Algérie étaient des gens qui fuyaient finalement la misère, et qui venaient chercher un peu de stabilité, et puis cette deuxième population se sentait chez elle aussi, donc comment arbitrer entre les deux, c'est un débat tout à fait politique, donc ça m'a... Ça m'a éveillé à la difficulté de résoudre les difficultés de ce monde et de la vie en société. Donc ça m'avait orienté vers l'action politique. Et donc, voilà, je suis rentré au cabinet de Michel Crépeau. Puis j'ai dirigé le cabinet, puis j'ai été premier adjoint, puis j'ai succédé à Michel Crépeau. Tout ça dans à la fois la passion que j'avais pour cette ville et la passion que j'avais pour la population. la politique qui, pour moi, comme le disait Michel Grépeau, était la façon d'amener du bonheur à la société. Donc j'ai toujours considéré que faire de la politique... J'étais horrifié quand j'entends, et je le suis toujours, quand j'entends dire que c'est très politique, pour dire finalement que c'est un calcul, ou pour dire que c'est un politique, pour dire qu'il promet des choses... qu'il n'arrivera pas à faire. Pour moi, la politique, c'est tout l'inverse. C'est une tâche plutôt noble qui consiste à essayer de résoudre des contradictions sévères en essayant de rapprocher des points de vue et de trouver des compromis. Voilà.

  • Speaker #0

    Le binôme que tu vas faire avec Michel Grépeau, c'est un binôme que tu qualifierais de complémentaire ou de complémentaire. Est-ce que tu penses que c'est votre proximité ou votre différence qui a fait que ça a fonctionné ?

  • Speaker #1

    C'est notre différence qui a créé la proximité, peut-être aussi. Une grande proximité dans la façon d'approcher la vie, avec des vécus différents. Je suis au moins un dévoreur de vie qu'il ne l'était. Mais une conviction profonde et partagée qui était que... Alors, il avait à l'entrée de son bureau une phrase d'Épicure qui disait « Le bonheur n'est pas un droit, c'est un devoir » . Moi, j'en suis persuadé. Le bonheur, ça se construit et on doit être heureux. C'est un devoir que d'être heureux. et quand les choses vont mal on a le devoir de faire en sorte qu'elles aillent mieux et de ne pas se complaire dans le malheur donc voilà une philosophie de la vie identique et puis des modes de vie très différents, et c'est là que venait la complémentarité. Je pense que le binôme a bien fonctionné pour ça, oui, parce qu'on était assez complémentaires.

  • Speaker #0

    Oui, mais le côté fantasque de Michel Crépeau, le côté, je dirais presque artiste, qu'il avait de la politique... La première image que j'ai de lui, c'était quand il est candidat au municipal. Et je le revois dans la salle Émile Combe, axé à Califourchon sur une chaise. Mais je n'avais jamais vu... vu un maire assis à Califourchon, il avait la chaise qui était appuyée comme ça, et puis il avait dit, bon, ça sera ça ou ça sera rien, parce que vous ne pouvez pas vous imaginer que Michel Crépeau il va se présenter comme ça tous les ans. Donc, vous... vous y allez ou vous n'y allez pas. Et effectivement, il y avait, il a un côté artiste.

  • Speaker #1

    Oui, oui, absolument. C'est pas comme les artistes, c'est des séries. Bien sûr, mais moi, j'ai adoré ce côté, effectivement. Presque cabot, parfois. Mais au-delà de ça, le côté vraiment artistique... Moi, j'ai toujours considéré que la politique, ce n'était pas une science, mais c'était un art. C'est vraiment un art. Il faut s'y préparer comme un artiste. Moi, le matin, avant de partir au bureau, je me préparais comme un artiste qui se grime, qui s'habille. Je me mettais dans le personnage. Et donc, ça, c'est une chose qu'on a partagée, même si j'avais... Je n'avais pas le même talent d'artiste. La façon de l'exprimer, c'était très différent. Mais fondamentalement, je pense que c'est un art. Et lui, c'était un grand artiste de la politique. Il faut savoir... effectivement jusqu'où on peut aller, parfois reculer pour mieux sauter, enfin bon voilà tout ça, c'est pas une science qu'on apprend, moi ça m'a toujours fait rire quand j'attendais que des gens diraient je fais science politique, bon oui on fait science tout ce qu'on veut mais pas science politique, si c'était une science il y a longtemps que ça se saurait, il y a longtemps que le monde vivrait en paix, dans l'harmonie. grâce aux certitudes et aux théorèmes et aux axiomes que la science politique nous aurait révélés. Mais ce n'est pas le cas. Ça reste une alchimie.

  • Speaker #0

    Ça reste une alchimie, ça reste un art. Et effectivement, dans cette collaboration, je ne sais pas, le mot n'est pas propre, comment tu qualifierais ? votre relation. Est-ce que tu avais l'impression d'être dans une relation avec... Est-ce que tu considères que Michel Crapeau était ton mentor ?

  • Speaker #1

    Ah, c'est compliqué. Ça m'a beaucoup aidé. bien sûr, il m'a énormément appris, bien sûr, j'ai eu le sentiment qu'il m'aidait à révéler certaines de mes convictions. J'aurais probablement eu moins conscience d'un certain nombre de choses si je ne l'avais pas côtoyé. En même temps, j'avais le sentiment que profondément, j'avais confusément ces idées ou ces convictions au fond de moi. Mais non, il m'a énormément apporté. J'ai beaucoup partagé beaucoup de ses convictions. J'ai trouvé qu'il les exprimait parfaitement bien. J'ai toujours été admiratif du fait qu'il créait lui-même sa propre doctrine politique. Alors que moi, j'ai toujours besoin de m'appuyer sur ce que d'autres ont écrit, dit, etc. je n'arrive pas à exprimer profondément ma profonde conviction spontanément j'ai besoin de m'appuyer sur des lectures lui aussi évidemment je pense qu'il a vraiment créé Une nouvelle façon de concevoir la ville, par exemple. Quand il est arrivé, c'était une petite révolution, de faire des rues piétonnes, d'amener des vélos. A l'époque, on ne parlait même pas de vélos, on parlait de bicyclettes encore. C'était un objet désuet. Non, non,

  • Speaker #0

    il avait des intuitions.

  • Speaker #1

    Oui, il avait des intuitions. Il savait aussi saisir les intuitions des autres, ce qui est une grande qualité. Je pense à quelqu'un comme André Dubosc, qu'il a beaucoup éclairé aussi. Mais Michel Crépeau a su se saisir de ça, le porter, le faire partager. C'est important de le faire partager. Donc moi, j'ai beaucoup d'admiration pour son action politique, puis pour le bonhomme tel qu'il était. Et puis au-delà de l'admiration, j'ai beaucoup d'amitié, d'affection, pour ce qu'il a représenté. Oui,

  • Speaker #0

    ça c'est sûr. Bon. Je ne reviendrai pas sur notre histoire commune sur l'écrivain public, mais bon, ça reste une blessure du fait qu'il n'ait pas compris l'intérêt que ça avait.

  • Speaker #1

    C'est certain. Il n'a pas compris du tout. Il a même sans doute vécu comme une menace. Ah,

  • Speaker #0

    il a vécu comme une menace. menace,

  • Speaker #1

    il me l'a dit clairement.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, c'est à cause de ça que Dubedoux est parti. C'est à cause de gens comme vous que Dubedoux a été battu.

  • Speaker #1

    Oui. C'est sans doute parce que Dubedoux... Oui, c'est pas faux. Mais c'est sans doute parce que aussi Dubedoux n'avait pas saisi l'importance que ça pouvait avoir. Et sans doute parce que... Au lieu de... Ouais, ouais, ouais, ouais,

  • Speaker #0

    ouais... Pétez pas l'heure.

  • Speaker #1

    C'était pas l'heure, oui. C'est dommage, parce qu'il aurait pu s'appuyer là-dessus, justement. Bien sûr. Mais il en a eu peur, et il a éliminé le problème. C'est toujours pareil, c'est pas une science. C'est un art, on l'exerce comme on peut.

  • Speaker #0

    Il m'avait dit, ma communication, moi, je m'en charge. Je n'ai pas besoin de personne. Bon. Alors, lui, il a fait avancer l'écologie. Il a fait avancer le... Il a donné à La Rochelle une image moderne. Enfin, vous, vous avez donné, tous les deux, vous avez contribué à donner de La Rochelle une image moderne. Et puis, il y a eu cet accident. Et là, j'ai beaucoup pensé à toi quand tu t'es retrouvé en 99 avec... ton mentor qui était mort, et toi, tu as été confronté à ça. Et j'ai été très admiratif de ta sérénité, de ton calme, et tu as repris les manettes, tu as repris le flambeau, alors qu'il y avait quoi ? Il y avait de quoi paniquer quand même.

  • Speaker #1

    Oui. Alors, on m'a souvent dit, oh là là, ça n'a pas dû être facile après Michel Crépeau, etc. Non, finalement, politiquement, ça a été... Ça a été facile pour des raisons objectives, qui étaient que la ville était en bon état financier, qu'elle était dans une dynamique, qu'il y avait des projets. Donc, après tout, c'était facile. La deuxième chose, c'est que j'avais quand même été au cœur du dispositif, donc que je connaissais tout ça, je découvrais peu de choses. Sauf l'hôpital, que je ne connaissais pas du tout, parce que Michel Crépos y était beaucoup. beaucoup investi, et voilà. Là où c'était plus compliqué, c'était l'Assemblée, même si j'étais suppléant, parce que c'est un monde particulier, que je n'ai pas spécialement aimé, d'ailleurs. Mais... J'avais pas envie ni de faire du crépeau, ce qui est une erreur, ni de... Non, le plus dur pour moi, c'était qu'il y avait plus compagnonnage avec... Tu parlais de collaboration, c'est plus un... compagnonnage quoi il y avait plus compagnonnage avec quelqu'un que j'aimais beaucoup quoi c'est ce qui m'a le plus le oui le plus affecté voilà c'est pas pas la difficulté de la tâche pour gérer la ville, ça j'avais assez confiance dans la possibilité de le faire, c'était plus l'absence de quelqu'un avec qui j'avais l'habitude de travailler et que j'aimais bien, voilà, donc c'était plus une blessure qu'une difficulté. Et je me souviens d'une première fois où je revenais de Paris avec... Oui, qu'elle avait une personnalité nationale. Je venais d'être maire, député. Elle venait faire une visite à Paris. Elle me dit, raconte-moi des choses drôles. Et puis, je n'avais pas envie de dire des choses drôles parce que j'étais encore dans le deuil, tout simplement. Donc, je m'étais forcé un peu à trouver des choses drôles. Mais j'ai vécu ça plus comme un deuil qu'une difficulté. Avec aussi le délai. désir de continuer à faire vivre un peu cet état d'esprit, que la Rochelle soit une ville chaleureuse, voilà.

  • Speaker #0

    C'était le deuil. J'ai pas l'impression que c'était plus le deuil d'un frère aîné que d'un père.

  • Speaker #1

    Oui, oui, sans doute. Je m'étais jamais posé la question comme ça, mais c'est vrai que pour moi, c'était pas le deuil d'un père. d'un père, c'est sûr. Et souvent, on m'a dit, Michel Crépeau, c'était ton père. J'ai dit, non, mon père, c'est mon père. Je n'ai pas trois pères. Oui, d'un frère aîné, oui. Plutôt.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. C'est vrai. Bon.

  • Speaker #0

    Donc, maintenant que tu es dans la phase post-activité, tu as fait, et maintenant tu as fait le choix de ne plus quitter la République. Ça, c'est quand même pas de la tarte d'abandonner le pouvoir. On n'a pas parlé du pouvoir, mais c'est ce que tu as abandonné d'une certaine façon. Et ça, il n'y a pas beaucoup de gens qui décrochent de cette drogue dure.

  • Speaker #1

    Oui. Oui. Le pouvoir, c'est vrai que moi j'appartiens à une génération où on se méfie du pouvoir, quoi. Oui, en 1968. Voilà. Et puis, bon, je me suis aperçu quand même que le pouvoir, c'était le pouvoir de faire des choses, quoi. et c'est vrai que ça dépend de la conception qu'on a du pouvoir. Moi, le pouvoir pour faire des mondanités, ça ne m'intéresse absolument pas. Mais le pouvoir de faire ce qu'on aimerait que les choses soient, c'est quelque chose de très gratifiant. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé être maire, j'ai beaucoup moins aimé être député. Parce qu'on m'avait dit, tu vas voir, quand tu es député, tu as du pouvoir, tu peux prendre un sujet, puis l'approfondir, puis le porter. Et oui, c'est vrai en théorie, dans la réalité, il y a tellement d'obstacles que c'est un peu une chambre vide. On a l'impression qu'on ouvre une porte, derrière cette porte il y a le pouvoir, on rentre dans une pièce où il y a une porte au fond, qu'il s'agit d'ouvrir pour avoir la porte où il y a le pouvoir, et puis ça n'en finit plus. Donc le pouvoir c'est quand même un peu ça, c'est une série de chambres vides où une porte est au fond. Mais... Mais, dans l'action municipale, c'est un peu différent, parce qu'Amer, c'est à la fois le président de la République, c'est à la fois le Premier ministre, c'est aussi le ministre des Finances, c'est un peu tout ça à la fois, il concentre beaucoup de pouvoirs. Et ça permet, si on est bien entouré, si on le fait amicalement avec des adjoints en qui on a confiance et à qui on... on donne des responsabilités, des adjoints qu'on écoute, si on a un exercice collectif du pouvoir, mais un exercice collectif ne veut pas dire qu'on dilue le pouvoir, parce qu'en dernier ressort, c'est le maire qui dit oui ou non, et ça, ça me semble important. Donc on peut avoir un exercice collectif, consulter d'abord son cercle proche, les adjoints, etc., consulter aussi les citoyens, mais il faut que la règle soit claire, et au dernier moment, il y a toujours un individu qui décide. Voilà, c'est ma conviction. Je ne crois pas aux commissions, aux comités, aussi. Les commissions, c'est bien pour éclairer. Au dernier moment, il faut que quelqu'un choisisse. Voilà, c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé l'action municipale, parce que si on le fait en confiance, si on le fait finalement sereinement, on arrive à agréger autour de la décision pas mal d'accords. Voilà.

  • Speaker #0

    Et de quoi tu dirais maintenant que tu es le plus fier, le plus content ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis le plus fier, c'est quand les gens m'interpellent dans la rue et qu'ils me disent « Ah ben c'était bien quand vous étiez là » . Des fois ils me disent pire que ça, mais bon, je m'en tiendrai là. Oui.

  • Speaker #0

    Bon, mais là tu insistes sur la relation.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Et ce qui me frappe, c'est justement... que je dirais en conclusion pour moi, tu es Maxime, tu es un mélange d'une dimension très empathique, très sensible aux gens, etc. Et en même temps... Tu peux être d'une grande... une capacité à prendre la distance par rapport à l'émotion. Je pense que le décès brutal de Michel Grépeau t'a confronté à ça. C'est-à-dire qu'un empathique pur jus, il aurait été dévasté par ça, il aurait pleuré. Et toi, là, tu passes sur un autre côté de toi, dans lequel tu tiens bon, tu tiens le cap, et il y a ce mélange. Et peut-être que la solution... L'origine de ça, c'est le fait que tu as parlé des gens qui étaient morts, qui étaient affichés dans le village où tu étais. Tu as connu la mort, tu l'as vécue. Et ça, ça a fait ton baptême du feu, d'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, oui. Je souscris tout à fait à ça. C'est vrai que je suis dans l'empathie, etc. Mais... mais que quand la difficulté se présente, oui, je prends du recul par rapport à l'événement, je pense que ça provient effectivement de mes années d'enfance où j'ai connu le danger, tout simplement. Et voilà, il m'est arrivé d'être en vélo avec des amis dans mes jeunes années et de tomber sur un barrage agressif qu'on a pu voir depuis suffisamment longtemps. loin pour pouvoir s'en échapper. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas de paniquer, il s'agit de faire demi-tour et de pédaler très vite. J'ai gardé toujours un peu cette image. Quand on est face au danger, il faut pédaler très vite et s'éloigner du danger. Le danger, c'est aussi l'émotion dans ces cas-là. Je m'en suis aperçu aussi dans un moment difficile, quand il y a eu l'incendie de l'hôtel de ville. moi j'ai tout de suite compris qu'on allait perdre la salle des fêtes quand j'ai vu l'incendie gagner le toit du bâtiment principal j'ai compris que ça ne servira à rien de regarder je suis passé derrière, j'ai demandé à des pompiers de venir de casser la vitre en haut et de sortir tout ce qui était dans ce qu'on appelait nous le petit musée le trésor, le masque portuaire d'Henri IV, les seaux de la Rochelle le... le... Voilà, toutes les œuvres d'art qu'on pouvait sauver, voilà, c'était pas la peine de regarder l'événement. D'ailleurs, à ce niveau, il y a une anecdote que je raconte toujours, j'avais dit aux pompiers, vous rentrez, vous cassez la vitre, sur la droite, vous allez voir, il y a une vitrine, dans cette vitrine, il y a les sceaux de la Rochelle. Les premiers sceaux, bon, si on perdait ça, on perdait tout, quoi. Je veux dire, on peut toujours refaire un bâtiment, ça, le bâtiment... Ça ne m'inquiétait pas, je savais qu'on referait le bâtiment, même si c'était groulé, à la limite, on aurait toujours eu la mairie identique à celle qu'on a connue. En revanche, à l'intérieur, il y avait des objets symboliques qu'on n'aurait jamais pu reconstituer, une toile du XVIIe, on ne la refait pas. Voilà. Et donc le pompier rentre, et je le vois revenir avec un seau dans les bras, et c'est vrai que sur la droite, il y avait un seau. un seau en argent qui venait de Tiffany, un seau de Tiffany, qui nous avait été offert après la guerre de 1914 par la ville de New Rochelle. Et je me dis, il n'a pas compris, il a descendu le seau, qui était intéressant, mais sans plus. Et en fait, il avait tout compris, et dans le seau, il avait mis les seaux. Donc on a sauvé les seaux de la Rochelle, le masque mortuaire d'Henri IV, tous les objets symboliques. Et ça, c'est une de mes plus grandes fiertés. Et... Et on doit aussi une grande chandelle, bien sûr, aux pompiers, aux services publics, etc. Et à Géraldine Gilardo, qui avait un inventaire très précis de toutes les œuvres d'art et d'importance symboliques qui étaient dans la mairie. Et ce qui a permis aux pompiers d'intervenir de façon très systématique. Mais oui, dans ces cas-là, il faut garder la tête froide, il faut avoir du recul. Et souvent, on me dit, oh là là, vous deviez être catastrophé quand vous avez vu ça. Ben non, je n'étais pas catastrophé, j'étais surtout soucieux de savoir ce qu'on pouvait sauver. et j'avais le souci de sauver tout ce qu'on pourrait sauver.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que là, on tient la vraie dimension de... Tu as fait la carrière que tu as faite à cause de ça. Pas parce que tu as fait les impôts, pas parce que tu étais pied-noir, mais parce que tu as cette capacité en toi à... à être proche des gens et établir des rapports, et surtout à débrayer quand il est nécessaire de prendre de la distance et de faire le pas de côté par rapport au réel. Et ça, c'est quelque chose que tu as su faire. et je suis très admiratif que tu aies su faire ça, parce que je crois que, bon, donc tu étais notre élu, et bien c'est très bien, tu le restes pour...

  • Speaker #1

    Je ne le suis plus, je ne le suis plus. Tu ne l'es plus,

  • Speaker #0

    maintenant tu es citoyen, et bon, pour conclure, si tu avais, par rapport à la... par rapport aux élections qui vont venir, est-ce que tu aurais une qualité que tu mettrais en avant pour le futur maire de La Rochelle ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est d'avoir bien sûr plus le souci de créer du lien entre les gens.

  • Speaker #0

    Mais il y a une qualité. Ah,

  • Speaker #1

    oui, un mot. Une qualité. Une qualité. C'est difficile parce que, tu viens de le dire, il faut des qualités parfois antinomiques. Il faut de l'empathie et du recul. Non, je crois qu'une ville, c'est une succession de projets qui sont souvent différents et qui tiennent à la personnalité du maire. Alors, les citoyens... éliront le maire qui pense devoir élire. Il fera ce qu'il pense devoir faire et la ville sera ce qu'il en résultera.

  • Speaker #0

    Ça, là, tu fais de la politique.

  • Speaker #1

    Oui, je fais de la politique parce que... Une qualité, alors allez, c'est qu'il soit comme moi. Voilà.

  • Speaker #0

    Ce qui te ressemble. Bon.

  • Speaker #1

    C'est une boutade, mais ce n'est qu'une demi-boutade.

  • Speaker #0

    Je l'entends bien. Écoute, je te remercie infiniment pour cet entretien. Et je trouve que ça... Ça donne une bonne image de toi, de La Rochelle et de ce que nous avons pu vivre ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, merci. J'espère aussi que ça donne une bonne image de ce que sont les femmes et les hommes politiques, parce que c'est ce que sont la grande majorité d'entre eux, et non pas la caricature qu'on en voit parfois parmi les plus médiatiques.

  • Speaker #0

    Oui, bon, donc gardons l'espoir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Gardons l'espoir. Bien, merci beaucoup, M. le maire. Maxime Bonneau, cher Maxime, merci.

  • Speaker #1

    Merci, Patrice. C'était très sympa.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté notre podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, merci de le partager autour de vous. Si vous voulez réagir sur tel ou tel point de notre entretien, écrivez-moi. patricemarcade.com Si, à votre tour, vous voulez témoigner de vos « et maintenant » , écrivez-moi. à la même adresse à bientôt bon printemps à tous je vous embrasse

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Maxime

    02:15

  • Algérie

    08:13

  • Toulouse

    22:59

  • La Rochelle

    31:11

  • Michel Crépeau

    38:34

  • Danger

    51:59

  • Et main-tenant ?

    52:28

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Description

Actuellement la cote de confiance envers les Hommes et les femmes politiques est au plus bas( 26%), néanmoins il est des élus de terrain, comme on dit, qui réussissent à accumuler un capital de sympathie. Mon invité d’aujourd’hui a réussi non seulement à se faire un nom mais aussi , ce qui est plus rare, un prénom.

C’est le cas de Maxime, Maxime Bono qui après avoir été maire de La Rochelle de 1999 à 2012, garde aujourd’hui une place dans la mémoire et le coeur des rochelais.

Dans l’entretien que vous allez écouter je me suis efforcé d’essayer de comprendre pourquoi.

Tant dans  sa vie personnelle que professionnelle, Maxime a du affronter des « Et Main-tenant ..? » douloureux : la guerre d’Algérie, la mort brutale de son mentor Michel Crépeau, l’incendie de l’Hôtel de Ville, entre autres.

C’est dans ces moments de vérité qu’il faut savoir se décentrer, ne pas se laisser submerger par l’émotion et garder la lucidité pour décider des priorités.

Si vous souhaitez ajouter votre mot à cette tentative de portrait, écrivez-moi :patricemarcade@gmail.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast « Et maintenant » . Je poursuis ma recherche de témoins pouvant attester de la pertinence de la question « Et maintenant ? » que j'ai empruntée à Michel Serres. Cette quête me conduit à solliciter des personnalités diverses, connues et inconnues. Leur façon de gérer les rebonds de la vie me remplit d'émotion et d'admiration. Pour trouver mon invité d'aujourd'hui, j'ai rebondi sur une drôle d'idée. En échange avec lui, j'ai réalisé qu'il me faisait penser à Edgar Gropiron, le skieur français spécialiste de ski acrobatique. particulièrement de l'épreuve des bosses, et qui s'est vu confier la présidence du comité d'organisation des Jeux Olympiques de 2030. Des acrobaties, il a dû parfois en faire. Des présidences, il en a gérées plus qu'à son tour. Donc, je lui fais part de cet audacieux rapprochement. Il a souri et il a bien voulu reconnaître que peut-être, et puis si ça me faisait plaisir de voir ça comme ça, c'était plutôt flatteur. Donc je lui ai proposé de venir nous parler de la façon dont il avait négocié les bosses de la vie, de sa vie. Il a accepté et c'est avec beaucoup de joie. que je suis allé renouer le fil d'une ancienne relation amicale, mais je ne vous ai toujours pas dit quel est son nom. À La Rochelle, tout le monde le connaît. Ancien idylle, il poursuit paisiblement une idylle partagée avec cette ville et ses habitants dont il est tombé amoureux il y a quelques décennies. Je franchis le seuil de sa porte. Monsieur le maire.

  • Speaker #1

    Honoraire.

  • Speaker #0

    Honoraire. Maxime Bonneau. Cher Maxime, je te remercie d'abord d'avoir accepté ma proposition. Et d'abord, quelle est l'appellation, la désignation qui te satisfait le plus quand on t'appelle monsieur le maire, monsieur Bonneau ou Maxime ?

  • Speaker #1

    Oh c'est Maxime, évidemment, c'est Maxime. Monsieur le maire, il faut bien reconnaître que ça me fait plaisir, ça flatte toujours un peu, je rajoute toujours, attention, honoraire, honoraire. Mais non, non, c'est Maxime, généralement. Bon, M. Bruno, évidemment, c'est plus formel, c'est plus anonyme, quoi. Mais quand on m'appelle Maxime, y compris des gens, des fois, que je ne connais pas, qui me disent « Maxime, qui me tutoie » , etc., ça me fait très plaisir. Ça me fait très plaisir. Je me dis que, bon, on m'a souvent demandé... quel est ton grand projet ou quel est votre grand projet pour la rochelle et moi je répondais c'est que les gens se parlent c'est-à-dire qu'essayer de créer une proximité entre les habitants et des complicités et quand on m'appelle maxime même si on me connaît pas et si on me tutoie en plus je me dis ben c'est réussi

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je me suis interrogé là-dessus, sur ce nom Maxime. C'est pour ça que je t'ai posé cette question, parce que pour moi, tu es Maxime. Et les Rochelais que je connais... quand ils parlent de toi, très souvent, ils disent Maxime avec un côté amical, quand tu es presque, je dirais, affectueux et jamais familier. c'est intéressant, c'est que c'est pas Maxime histoire de dire moi je connais, toc, mais il y a un lien et ça je l'ai toujours senti de la part des rucheliers en général et de gens très différents tu es Maxime et je me suis dit en fait Maxime tu as un prénom aussi qui est prédestiné à ça, et Maxime pour moi c'est un prénom d'empereur et Maxime Je me suis dit, en fait, Maximus, c'est quelqu'un qui est d'une autre dimension. Et je l'ai rattaché au statut de Romaine. de l'Afrique du Nord.

  • Speaker #1

    Oui, il y a du vrai dans tout ça. Moi, j'ai toujours été persuadé que les prénoms, finalement, façonnaient un peu la personnalité. Un prénom et un nom qui s'accordent bien, c'est très agréable. J'ai toujours été, par exemple, très admiratif des prénoms et des noms qu'on retrouve dans les romans comme « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez. Enfin, il a des noms fabuleux, quoi. Rien que lire le prénom et le nom, on rentre déjà dans une aventure. Donc, je ne peux que souscrire à ce que tu viens de dire. Le... Et je pense que oui, ça façonne des personnalités. Moi je sais que j'aime bien les gens, voilà, j'aime bien les gens, donc en contrepartie j'aime bien quand même. Et j'essaye de créer avec chacun un lien qui soit au-delà des convenances. En plus, il me semble que c'est la moindre des choses quand on a quelqu'un en face de soi, de s'intéresser à lui et de ne pas rester... dans ses propos un peu convenus, etc. Voilà. Pour en revenir à la question première, M. le maire, dans une ville, c'est facile de faire des choses qu'on voit, c'est facile de créer une salle de spectacle, ou de refaire de la voirie, ou de faire des bâtiments, c'est facile de construire, et c'est souvent là-dessus qu'on est jugé. Et pourtant, ce n'est pas le plus important, ce qui est le plus important, c'est les relations entre les gens, donc... Et je suis persuadé que l'action municipale est décisive en la matière. Selon les décisions qu'on prend, on crée des relations entre les gens où on laisse faire les choses et à ce moment-là, chacun se replie sur soi.

  • Speaker #0

    Donc des relations par-delà l'équivage des opinions, etc.

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Il ne s'agit pas d'uniformiser ou de... Non, non, ce n'est pas du tout un projet totalitaire. Au contraire, non, c'est retrouver tout simplement ce qui fait société, c'est-à-dire le besoin déjà de... de vivre ensemble et de solidarité. Si on n'a pas le choix, on vit avec d'autres, donc la meilleure façon de vivre, c'est d'être un peu solidaire. Et ça, je pense que ça se construit de façon un peu diffuse, c'est un peu une alchimie. Mais si on n'a pas ce souci et cette préoccupation, on vit différemment dans une ville.

  • Speaker #0

    Bon, alors essayons de voir à la racine Qu'est-ce qui a fait que tu tiens maintenant, aujourd'hui, en 2025, ce discours ? Qu'est-ce qui, dans ton histoire, a pu faire ça ? Et partons, si tu veux, de... Je me suis renseigné de 1947. Il s'est passé un événement important pour toi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et en 1947, tu n'es pas né n'importe où.

  • Speaker #1

    Non, je suis né à Alger. Et c'est un élément fondamental. dans la constitution de ma personnalité. C'est vrai que j'ai toujours le souvenir de mes premières années. J'ai vécu 11 ans à Alger, c'est-à-dire les premières années de ma vie déterminantes, 10 ans et demi à vrai dire. Et on me dit souvent, avoir quitté l'Algérie, c'est un traumatisme. Non, c'est d'avoir quitté Alger, moi, qui a été un traumatisme. J'ai vécu quelques années après, encore 4 ans ou 5 ans en Algérie. Mais le départ d'Alger a été quelque chose, pas forcément douloureux, mais quelque chose de déterminant. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi, mais quand j'y suis retourné en 1999, ou en 2000, je ne sais plus, j'ai compris. Quand on est à Alger, d'abord parce qu'elle est bleue, mais surtout où que l'on soit, on voit la mer, on voit la Méditerranée. Et c'est un site exceptionnel. C'est des collines finalement qui entourent une baie et on a toujours l'impression qu'on surplombe ce grand lac bleu qu'est la Méditerranée. Donc moi j'ai toujours gardé cet amour de la Méditerranée, même si depuis j'ai appris à aimer l'océan et à aimer aussi cette ambiance océane. je vois la Méditerranée, j'ai toujours un coup au cœur. Alors tout ça m'a amené sans doute à... A plus savoir très bien d'où je suis, mais est-ce que ça a vraiment de l'importance ? Il y a les lieux qu'on aime, et puis peu importe d'où on est, même si il y avait une chanson de... de Lili Bonich. Lili Bonich, c'est un chanteur juif qui chante en arabe. Et moi, j'adore ça, ce mélange des cultures comme ça, qui vient bousculer toutes les idées reçues. Et il dit « J'aime toutes les villes un peu plus Paris » . Et moi, je me dis « J'aime toutes les villes un peu plus Algiers, peut-être » .

  • Speaker #0

    Et après, tu restais quand même en Algérie.

  • Speaker #1

    Oui. Alors après... Après Alger, qui était quand même une capitale, la capitale d'Algérie, qui était une ville où on trouvait tous les services, on trouvait plein de choses. Mon père a été nommé à Soukharas. Soukharas, à l'époque, c'était un tout petit village. Il était directeur de l'agence de la Banque d'Algérie à Soukharas. Et là, c'est vraiment autre chose quand même. Parce qu'il y avait le marché aux bestiaux. Moi, je n'avais jamais vu le marché aux bestiaux à Alger. Avec mon frère, on voulait acheter un âne à l'époque. ça valait 5 francs, 5 francs un bourricot, comme disait un petit âne. Donc j'ai découvert le monde rural algérien, et la misère aussi. Et puis là j'ai découvert aussi autre chose. J'avais connu, même si à l'époque je ne m'en rendais pas compte, j'avais connu la guerre à Alger, j'avais connu les bombes dans les cafés, dans les réverbères, avec mon frère. frères qui étaient un peu plus âgés que moi, on s'entraînait à reconnaître le bruit des sirènes selon que c'était les pompiers, les artificiers, la police, etc. J'avais connu ça, la bataille d'Alger, avec les parachutistes qui quadrillaient la ville. Quand je suis arrivé à Soukharas, déjà, on se... on prenait un train à Bonn pour rejoindre Soukharas, et... Et devant le train, devant la motrice, il y avait trois wagons. Et avant les trois wagons, il y avait trois wagons pour que si la voie était piégée, le train ne déraille pas. Quand on arrivait à Soukharas, la ville était cernée par des parbelés électrifiés. Et on ne pouvait en sortir qu'en convoi. C'était assez compliqué. et tout le monde disait oh oui mais ici on est tranquille il n'y a pas d'attentat vous allez voir c'est très différent d'Alger les Arabes se tiennent tranquilles parce qu'on leur a montré et effectivement j'ai appris que il y avait eu ce qu'on avait pompeusement appelé la bataille de Soukharas où il y avait eu quelques rebelles comme on disait des félagas qui avaient été tués ils avaient été exposés sur la place principale de Soukharas ... voilà donc l'ordre régnait à Soukarras et effectivement ça m'a permis d'aller au cinéma par exemple de voir des films chose que je n'avais vue que chez moi à Alger parce qu'on avait acheté un projecteur un projecteur Lapierre 9mm5 qu'on tournait à la manivelle mais on louait des films qui nous avaient permis de voir un peu tout ce qui se faisait ça allait des Kitt Carson jusqu'à jusqu'à... jusqu'à... Ilme Russe...

  • Speaker #0

    Campas de Cigogne, etc.

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas Campas de Cigogne. C'était après, ça. Non, les escaliers... Oui, oui, voilà. Donc, les grands classiques du cinéma, mais tout d'un coup, ça me permettait d'aller vraiment dans une salle et de voir sur grand écran. On n'y allait pas à Alger parce qu'on avait peur des attentats, etc. Donc l'ordre régnait à Soukarras sous la protection des militaires, de l'armée française qui faisait des prises d'armes régulièrement et qui défilait sous les fenêtres de la banque d'Algérie où mon père devait hisser le drapeau français. Voilà, donc c'était tout à fait différent de ce que j'avais connu à Alger. accessoirement j'étais scolarisé donc à l'école communale de Soukarras où l'instituteur avait encore des méthodes aujourd'hui qui feraient hurler tout le monde, c'est-à-dire qu'il nous donnait des coups de règle sur les mains, dans la paume des mains si ce n'était pas grave, sur le dos des mains si c'était grave, et avec les doigts. Et sur le bout des doigts, si c'était encore plus grave. Voilà, ça fonctionnait. Donc, je découvrais un monde différent. Et ça a duré à peu près deux ans et demi. Et nous sommes partis ensuite à Mostaganem. Et c'est depuis Mostaganem que j'ai quitté l'Algérie. Bien sûr, j'en ai des souvenirs que je pourrais raconter pendant des heures, qui paraissent à beaucoup comme terribles, qui sont effectivement terribles. Je ne sais pas s'il faut que je les raconte ou pas, mais la fin de l'Algérie française a été quelque chose de très dur pour les deux communautés. J'insiste, pour les deux communautés. Mon père était... égoïste à l'époque, donc il n'était pas en odeur de sainteté du côté de l'OS, ce qui a amené à quelques moments d'angoisse particuliers, et en même temps, nous, on était gamins. Moi, j'avais 14-15 ans. Je côtoyais des voisins qui étaient proches de l'OS. Je jouais au foot avec des jeunes dont les parents étaient probablement engagés au FLN. C'était assez confus, tout ça. Je pense que ça m'a aidé ensuite. dans les situations les plus difficiles, à essayer de trouver les choses les plus simples, essayer de simplifier les problèmes, parce qu'il arrive qu'on ne sache plus exactement où on se situe dans un conflit. Moi, j'ai vécu ça, d'avoir le sentiment d'un maelstrom où plus personne ne maîtrisait quoi que ce soit. et ça pour moi c'est le souvenir que je garde des derniers mois de ma vie en Algérie.

  • Speaker #0

    Et donc tu dirais que cet épisode d'une quinzaine d'années, tu as appris à naviguer en eau trouble, si je puis dire, à gérer la complexité, tu as fait l'expérience de la peur, du danger physique, tu as... c'est pas rien. ça pour un enfant.

  • Speaker #1

    Oui, je m'en suis aperçu bien plus tard que j'avais fait l'expérience de la peur et du danger physique. Mais bien plus tard, peut-être 40 ans plus tard, quand je me suis aperçu que... certains avaient peur de choses qui, moi, ne m'impressionnaient plus. Et je me suis dit, ben oui, ça vient de là, bien sûr. Alors, il a fallu plus tard que je me gendarme un peu, parce que j'avais une tendance... naturelle à hausser les épaules en disant mais enfin tout ça c'est pas grave, il y a beaucoup plus grave et pour les gens qui vivaient ces angoisses c'était extrêmement grave donc j'ai compris plus tard que cette expérience de ces 15 années m'avait un peu endurci le cuir quoi D'abord, on a quitté Succaras, donc, en convoi, pas Succaras, pardon, Mostaganem, en convoi pour rejoindre le bateau. Sur le chemin, on a reçu des pierres, etc., etc. Et quand on a rejoint le bateau, mon père et mon frère n'ont pas pu embarquer. Alors pour mon père c'était prévu, il était prévu qu'il reste en Algérie, Il devait assurer la transition au sein de la Banque de l'Algérie. Pour mon frère, c'est parce qu'il était trop âgé et qu'à l'époque, l'OAS disait que les hommes doivent rester pour combattre. D'ailleurs, on avait reçu l'ordre. Des gens étaient passés à l'appartement en disant, vous prendrez le bateau tel jour à telle heure. Les femmes et les enfants et les hommes restent. restons là, voilà comment les choses sont passées. Et donc je suis parti avec ma mère, mes deux soeurs et mon jeune frère, on est parti, comme on dit, avec des valises, moi j'avais deux valises, une valise dans chaque main, dans l'une il y avait toutes les photos de famille, dans l'autre... Il y avait des affaires qu'on pouvait emporter et j'avais dans mon sac à dos des... une partie de l'argenterie que ma mère avait voulu absolument emporter. Quant à ma mère, elle avait sous le bras, alors elle nous avait dit, il ne faut pas dire que c'est des tableaux, il faut dire que c'est des portraits. Donc on avait les tableaux de famille, j'en ai encore quelques-uns ici, qu'on emportait. Donc on emportait ce qui nous semblait le plus précieux. Et bon, on était venus souvent en France, on venait pratiquement tous les deux ans. Et moi j'avais subi l'ascension sociale de mon père à travers le monde. à travers la classe dans laquelle nous étions.

  • Speaker #0

    La progression de sa carrière.

  • Speaker #1

    La progression de sa carrière, oui, parce qu'au début, on était dans le bateau en classe touriste, avec des cabines qui donnaient de simples hublots, et puis après, on est passé en classe plus améliorée, où il y avait une salle de bain dans la cabine, et puis après, on a été en première classe, où on avait des fenêtres et non plus des hublots, etc. Et là, on s'est retrouvé en 3... troisième cal, en troisième cal, il faisait très chaud dans un bateau dont j'ai oublié le nom, il y avait beaucoup, évidemment, la traversée était toujours un peu difficile au moment où on rentrait dans le golfe vers Marseille, et là, beaucoup de vieilles dames étaient malades, et parler en espagnol, parce qu'on est partis d'Oran, donc Oran était une ville où tout le monde parlait espagnol. Elles criaient qu'elles allaient mourir, elles criaient, je me disais mais c'est terrible, effectivement pour elles, elles quittent l'endroit où elles sont nées, elles vont dans un endroit où elles ne sont jamais allées, où on leur a dit qu'il faisait froid, où il pleuvait toujours, etc. Et donc pour elles c'était vraiment la fin du monde. Donc c'était assez éprouvant comme retour. Néanmoins, même si j'ai le souvenir de la côte algérienne qui s'éloignait, de la ville d'Oran qui s'estompait, ça ne m'a pas ému plus que ça, parce que ce n'était pas Alger, tout simplement, qui partait. Et puis pour moi, c'était une aventure nouvelle qui s'annonçait en France. J'étais un peu inquiet parce que mon frère restait en Algérie. et qu'à l'époque, il était un peu aventureux, un peu inquiet parce que mon père était là. Mais en même temps, je devenais l'aîné de la famille, j'avais des responsabilités. Voilà, donc c'était bizarre comme sentiment.

  • Speaker #0

    Tu étais devenu provisoirement le chef de famille.

  • Speaker #1

    Le chef de famille, voilà, c'est ça. J'étais l'homme de la famille. L'homme de la famille. Oui, oui. C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    C'est pas banal comme expérience. expérience et comme point de... Et tu avais un projet en rentrant en métropole. Est-ce que tu avais un projet personnel ? C'était quoi ? Qu'est-ce que tu voulais faire ? Tu voulais faire des études ?

  • Speaker #1

    Tu voulais... Oui, je voulais continuer mes études. À l'époque, ça marchait plutôt bien. Donc voilà, je n'étais pas inquiet. Je n'ai pas le souvenir d'une véritable inquiétude. J'étais triste de quitter un pays où il y avait du soleil, de la plage, du beau temps, où la vie était finalement agréable. Je ne me rendais pas compte que je quittais la guerre. Je ne me rendais absolument pas compte. Quand je suis arrivé en France, je me suis dit, oh là là, quelle liberté, quelle liberté. J'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que ce n'était pas la liberté que je retrouvais, c'était la paix, tout simplement. Euh... Liberté aussi parce que mon père n'était pas là, que je manipulais un peu facilement ma mère et que j'avais réussi par exemple, on rejoignait une maison que mes parents avaient achetée pour leur retraite, une maison qui était dans le Gers mais qu'ils n'avaient jamais pensé habiter aussi vite. Donc c'est une maison où il y avait juste l'électricité, il n'y avait pas d'eau, donc il fallait chercher l'eau à la fontaine ou au puits. puis appartenait à un voisin, il était à peu près à 300 mètres, donc on remplissait des jéricanes d'eau en pompant l'eau du puits. La fontaine, l'eau était potable, mais elle était en ville, donc on avait réussi à persuader ma mère qu'il fallait nous acheter une mobilette, donc c'était formidable. Je retrouvais cette liberté, et j'avais ma mobilette, donc j'étais heureux. Et puis mes cousines nous avaient rejoints, donc mes cousines, ça veut dire qu'il y avait les amis de mes cousines, les petites amies, et... et je découvrais un petit peu les flirts d'adolescents. L'amour, c'est beaucoup dire. J'avais toujours connu l'amour.

  • Speaker #0

    Tu avais connu un... Oui, mais c'est un autre... Un autre de relation.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est la période de ta formation, on peut dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Qu'est-ce que tu peux dire ? Qu'est-ce que tu as emporté de cette période-là ?

  • Speaker #1

    D'abord, une grande découverte qui m'a beaucoup aidé par la suite, dans l'immédiat. Oui, il y avait mes cousines, leurs amis, des voisins qui avaient le même âge que moi, ils m'ont amené à un match de rugby. Et je suis tombé amoureux du rugby. Amoureux du rugby qui m'a permis de m'insérer totalement. Donc, je n'étais plus un pied noir. qui arrivait, j'étais un amoureux du rugby, qui parlait de rugby avec tous les gascons qui m'entouraient, ben voilà, ça m'a permis une intégration quasi immédiate, et quand on me demande d'où je suis, maintenant je dis, je suis né à Alger, j'ai passé mon adolescence dans le Gers, j'ai fait mes études à Toulouse, et maintenant je vis à La Rochelle, voilà, donc je me suis toujours adapté finalement au milieu auquel j'étais.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une de tes caractéristiques, ça. Bon, donc là on est dans les... on est dans quelles années là ?

  • Speaker #1

    Là c'est 62, de 62 à 68 quoi, à 66 plutôt dans le Gers. Et puis en 1966, je suis parti, après mon bac, je suis parti à Toulouse, où là j'ai découvert une autre forme de liberté, puisque j'avais quitté le nid familial.

  • Speaker #0

    Et là tu as fait d'éco, de l'économie là.

  • Speaker #1

    Oui, un peu d'économie et du droit surtout. Et du droit. Oui, j'ai fait la fac de droit avec une première année qui n'a pas été brillante, parce que découvrir la liberté, ça n'aide pas forcément pour la qualité des études. mais bon ensuite je me suis ressaisi et j'ai passé ma licence en droit avec des années très très agréables à Toulouse dans une ville que j'ai aimée finalement et que j'aime encore Avec, bon, quand j'ai eu ma première année de droit, ça semble incroyable aujourd'hui, mais à l'époque, personne ne voulait rentrer d'administration. Des carrières brillantes ou... ou tout au moins bien rémunérés, s'offraient facilement dans le privé. Et donc, quand j'ai réussi ma première année de droit, j'étais en train de prendre un bain, ma mère est venue me voir en me disant « il y a un monsieur qui veut des impôts » . qui veut te parler. Je suis descendu en Pays-Noir-de-Vin, et là j'ai vu quelqu'un qui m'a dit, « Vous venez d'avoir votre première année de droit, on peut vous proposer quelque chose qui peut vous intéresser. Si vous vous engagez à passer le concours d'inspecteur des impôts, on va vous payer 700 francs par mois. Simplement, vous vous engagez à présenter le concours, et puis vous suivrez, je crois que c'était 4 heures de cours par semaine. donc je me suis dit pour 700 euros par mois ça vaut le coup quoi c'était mieux payé que les champions qui devait passer trois nuits par semaine dans un établissement etc etc donc en plus j'avais envie de me débarrasser de ce type qui me faisait son baratin a pris par coeur donc j'ai signé j'ai signé et ça m'a permis de passer une première une deuxième année de droit en ayant quand même des moyens financiers Et puis... on est pris par le truc. Je n'avais pas du tout l'intention d'être inspecteur des impôts, mais ça m'embêtait d'échouer l'examen quand même. Donc au moment de l'examen, on fait une copie qui n'est pas trop mauvaise. Donc j'ai été reçu et puis on m'avait dit que j'aurais 1200 euros par euro franc à l'époque par mois si j'étais reçu. Donc j'ai été reçu et là, ça m'a permis de mener une vie... Bisance. Voilà, bisance. Je ne mangeais plus au restaurant universitaire. Donc j'ai fait des études agréables à Toulouse, sans soucis financiers. Les soucis financiers sont venus quand j'ai été inspecteur des impôts, parce que je me suis aperçu à ce moment-là que dans la rémunération que je touchais, il y avait une prime que je perdais, qui était une prime de scolarité, qui représentait à peu près le tiers de mon salaire. Donc voilà, et je suis devenu inspecteur des impôts nommé... à Normandie, dans un endroit merveilleux au printemps, mais où il y avait 300 jours de pluie, et moi qui suis une pile solaire et qui ai besoin de soleil, j'ai été extrêmement malheureux pendant 4 ans, jusqu'au jour où j'ai rejoint la Rochelle, qui a été a été pour moi une fenêtre ouverte sur l'espoir et sur l'avenir.

  • Speaker #0

    Et la suite de l'histoire va le prouver.

  • Speaker #1

    Peut-être, oui.

  • Speaker #0

    Donc, tu arrives à La Rochelle. et là tu vas un peu sortir de ton monde privé, de ton activité privée, pour rentrer dans une activité plus publique. Tu vas les faire par étapes.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, tout à fait. D'abord, je connaissais un peu La Rochelle, parce que quand on était en Algérie, on venait... on est en vacances à Cognac, dans une maison de famille qu'on avait à Cognac, et le dimanche, on venait à La Rochelle pour manger des fruits de mer, dans l'Ochkiss, on joue d'un ami de la famille qui était médecin. Voilà, donc j'avais cette image d'une ville un peu bourgeoise.

  • Speaker #0

    C'est pas la chanson de Jonas quand même, je voyais, on allait voir la mer.

  • Speaker #1

    Oui, c'est presque ça, c'est un peu ça. Voilà, j'avais un cousin qui était... qui était scolarisé à La Rochelle, à Fenelon, etc. Et quand j'étais en Normandie, fonctionnaire venant du sud-ouest, j'avais copiné avec, on trouvait plein de fonctionnaires qui venaient du sud-ouest à l'époque. Il y en avait un qui venait de La Rochelle, et un jour, rejoignant, puisque j'ai réussi l'exploit de faire mon service militaire à 23 ans en ayant deux enfants, rejoignant mon affectation, il m'a dit, écoute, si tu rejoins ton affectation à Hoche, fais donc un détour par La Rochelle, tu m'y laisseras. Donc j'avais fait le détour par La Rochelle, et j'ai redécouvert cette ville. Quand je suis arrivé... D'abord, les terrasses étaient sorties sur le port, c'était au mois de janvier. En Normandie, il passait 18 heures, tout était fermé. J'entendais la drague qui, à l'époque, le train de drague TD6, draguait le port avec cette espèce de bruit. Ça grattait, ça soufflait. Donc j'ai eu le coup de foudre. On s'est installés à la Grand-Rive. J'ai regardé le port. La nuit tombait et je me suis dit « Oh là là, mais quel bonheur ça doit être de vivre ici » . voilà et donc 2-3 ans après ou 4 ans après quand j'ai pu j'ai demandé Toulouse en premier évidemment et La Rochelle en deuxième position quand j'ai pu faire mes demandes de mutation et au bout de 15 jours après avoir été 15 jours à La Rochelle je me suis dit mais il n'y a aucune raison d'aller à Toulouse je suis vraiment trop bien ici c'est là que je veux vivre finalement moi qui avais toujours un peu cette cette pas cette nostalgie parce que je ne suis pas dans la nostalgie ce souvenir de jours heureux en algérie qui m'était toujours demandé où je pourrais vivre quelque part je me suis dit c'est là que je vais poser mon sac Et puis, quand on est inspecteur des impôts, puisque j'étais inspecteur des impôts à La Rochelle, et qu'on est dans une association, on vous propose toujours d'être trésorier, comme je m'étais toujours intéressé un peu aux trésors. au théâtre, la culture, etc., que j'avais adhéré au Parti Socialiste quelque temps avant, on m'avait proposé de rentrer au conseil d'administration de la Maison de la Culture, et là, évidemment, on m'a demandé d'être trésorier, donc je suis devenu trésorier de la Maison de la Culture, et c'est comme ça que j'ai approché Michel Crépeau, et puis de fil en aiguille, les choses se sont faites. Voilà. J'ai trouvé que ce type était intéressant, c'est... J'ai suivi ses campagnes et je trouvais qu'il avait un profil totalement atypique. Et puis voilà, et puis un beau jour, Bernard Mounier m'a dit, « La ville cherche un conseiller culturel, tu devrais postuler. » Je lui ai dit, « Attends, mais moi je ne suis pas un professionnel de la culture. » Il m'a dit, « Oui, oui, mais ce serait bien, tu connais un peu quand même le milieu, tu devrais en parler à Michel Crépeau. » Donc j'ai demandé une entrevue. et il m'a expliqué tout de suite que ce n'était pas possible parce que les syndicats n'accepteraient jamais qu'il avait recruté Alain Parent au musée du Nouveau Monde en dehors des statues, qu'il avait recruté un tel aussi en dehors des statues et que là recruter encore quelqu'un, non non, ce n'était vraiment pas possible. Je dis bon ben je comprends, je vais vous dire ce que j'ai fait et puis voilà, donc je lui avais expliqué un peu ce que j'avais fait à la création de Radio-Land. La Rochelle, tout ça, avec un ami...

  • Speaker #0

    Avec Dominique

  • Speaker #1

    Fournier. Voilà. Et que, bon, je dis, je pense que je ne vais pas rester à La Rochelle, parce que, malheureusement, je garderai sans doute ma maison, mais je vais probablement m'installer à Poitiers, puisqu'on me propose de... Je veux quitter l'administration fiscale, j'en ai fait le tour, ça ne correspond pas tout à fait à mon tempérament non plus, donc... On me propose de rentrer dans un cabinet fiscal à Poitiers, je vais à la Poitiers, il me dit « Ah, mais non, mais on va voir, prenez donc la présidence de la Maison de la Culture » . Je dis « Non, non, non, ça ne m'intéresse pas, moi je veux une activité professionnelle, j'ai besoin de gagner ma vie » . Et puis quand on s'est quitté, il m'a dit « Ah, mais le syndicat, je vais en faire mon avis, je vais en faire mon affaire, on va se débrouiller » . Enfin, il ne m'a pas dit ça comme ça, il m'a dit ça de façon un peu plus crue. Et puis effectivement, je suis rentré comme conseiller culturel à la ville de La Rochelle. Et finalement, ça a sans doute été les plus belles années de ma vie professionnelle, parce que je faisais quelque chose qui vraiment me plaisait, sauf qu'un jour il m'a dit « je monte un cabinet, j'aimerais bien que tu viennes avec moi » . Il vient donc dimanche soir dîner à la maison. Évidemment, tout le dimanche, j'ai fourbi tous les arguments pour lui expliquer que j'étais vraiment très heureux là où j'étais, que je n'avais pas envie de faire autre chose. Et évidemment, à la fin du repas, j'ai accepté la proposition qu'il me faisait. Et voilà comment... bien comme étant toujours intéressé à la politique malgré tout, et je pense que là aussi l'Algérie n'y a pas été pour rien, parce que ce n'est pas simple de se dire, il y a une population... qui est là depuis toujours et qui aujourd'hui vit finalement sous le joug d'une autre population qui est arrivée et qui lui impose ses règles de vie. Il y a aussi une population que... est venue là en toute bonne foi chercher un peu de sérénité, puisque tous les gens qui ont peuplé l'Algérie étaient des gens qui fuyaient finalement la misère, et qui venaient chercher un peu de stabilité, et puis cette deuxième population se sentait chez elle aussi, donc comment arbitrer entre les deux, c'est un débat tout à fait politique, donc ça m'a... Ça m'a éveillé à la difficulté de résoudre les difficultés de ce monde et de la vie en société. Donc ça m'avait orienté vers l'action politique. Et donc, voilà, je suis rentré au cabinet de Michel Crépeau. Puis j'ai dirigé le cabinet, puis j'ai été premier adjoint, puis j'ai succédé à Michel Crépeau. Tout ça dans à la fois la passion que j'avais pour cette ville et la passion que j'avais pour la population. la politique qui, pour moi, comme le disait Michel Grépeau, était la façon d'amener du bonheur à la société. Donc j'ai toujours considéré que faire de la politique... J'étais horrifié quand j'entends, et je le suis toujours, quand j'entends dire que c'est très politique, pour dire finalement que c'est un calcul, ou pour dire que c'est un politique, pour dire qu'il promet des choses... qu'il n'arrivera pas à faire. Pour moi, la politique, c'est tout l'inverse. C'est une tâche plutôt noble qui consiste à essayer de résoudre des contradictions sévères en essayant de rapprocher des points de vue et de trouver des compromis. Voilà.

  • Speaker #0

    Le binôme que tu vas faire avec Michel Grépeau, c'est un binôme que tu qualifierais de complémentaire ou de complémentaire. Est-ce que tu penses que c'est votre proximité ou votre différence qui a fait que ça a fonctionné ?

  • Speaker #1

    C'est notre différence qui a créé la proximité, peut-être aussi. Une grande proximité dans la façon d'approcher la vie, avec des vécus différents. Je suis au moins un dévoreur de vie qu'il ne l'était. Mais une conviction profonde et partagée qui était que... Alors, il avait à l'entrée de son bureau une phrase d'Épicure qui disait « Le bonheur n'est pas un droit, c'est un devoir » . Moi, j'en suis persuadé. Le bonheur, ça se construit et on doit être heureux. C'est un devoir que d'être heureux. et quand les choses vont mal on a le devoir de faire en sorte qu'elles aillent mieux et de ne pas se complaire dans le malheur donc voilà une philosophie de la vie identique et puis des modes de vie très différents, et c'est là que venait la complémentarité. Je pense que le binôme a bien fonctionné pour ça, oui, parce qu'on était assez complémentaires.

  • Speaker #0

    Oui, mais le côté fantasque de Michel Crépeau, le côté, je dirais presque artiste, qu'il avait de la politique... La première image que j'ai de lui, c'était quand il est candidat au municipal. Et je le revois dans la salle Émile Combe, axé à Califourchon sur une chaise. Mais je n'avais jamais vu... vu un maire assis à Califourchon, il avait la chaise qui était appuyée comme ça, et puis il avait dit, bon, ça sera ça ou ça sera rien, parce que vous ne pouvez pas vous imaginer que Michel Crépeau il va se présenter comme ça tous les ans. Donc, vous... vous y allez ou vous n'y allez pas. Et effectivement, il y avait, il a un côté artiste.

  • Speaker #1

    Oui, oui, absolument. C'est pas comme les artistes, c'est des séries. Bien sûr, mais moi, j'ai adoré ce côté, effectivement. Presque cabot, parfois. Mais au-delà de ça, le côté vraiment artistique... Moi, j'ai toujours considéré que la politique, ce n'était pas une science, mais c'était un art. C'est vraiment un art. Il faut s'y préparer comme un artiste. Moi, le matin, avant de partir au bureau, je me préparais comme un artiste qui se grime, qui s'habille. Je me mettais dans le personnage. Et donc, ça, c'est une chose qu'on a partagée, même si j'avais... Je n'avais pas le même talent d'artiste. La façon de l'exprimer, c'était très différent. Mais fondamentalement, je pense que c'est un art. Et lui, c'était un grand artiste de la politique. Il faut savoir... effectivement jusqu'où on peut aller, parfois reculer pour mieux sauter, enfin bon voilà tout ça, c'est pas une science qu'on apprend, moi ça m'a toujours fait rire quand j'attendais que des gens diraient je fais science politique, bon oui on fait science tout ce qu'on veut mais pas science politique, si c'était une science il y a longtemps que ça se saurait, il y a longtemps que le monde vivrait en paix, dans l'harmonie. grâce aux certitudes et aux théorèmes et aux axiomes que la science politique nous aurait révélés. Mais ce n'est pas le cas. Ça reste une alchimie.

  • Speaker #0

    Ça reste une alchimie, ça reste un art. Et effectivement, dans cette collaboration, je ne sais pas, le mot n'est pas propre, comment tu qualifierais ? votre relation. Est-ce que tu avais l'impression d'être dans une relation avec... Est-ce que tu considères que Michel Crapeau était ton mentor ?

  • Speaker #1

    Ah, c'est compliqué. Ça m'a beaucoup aidé. bien sûr, il m'a énormément appris, bien sûr, j'ai eu le sentiment qu'il m'aidait à révéler certaines de mes convictions. J'aurais probablement eu moins conscience d'un certain nombre de choses si je ne l'avais pas côtoyé. En même temps, j'avais le sentiment que profondément, j'avais confusément ces idées ou ces convictions au fond de moi. Mais non, il m'a énormément apporté. J'ai beaucoup partagé beaucoup de ses convictions. J'ai trouvé qu'il les exprimait parfaitement bien. J'ai toujours été admiratif du fait qu'il créait lui-même sa propre doctrine politique. Alors que moi, j'ai toujours besoin de m'appuyer sur ce que d'autres ont écrit, dit, etc. je n'arrive pas à exprimer profondément ma profonde conviction spontanément j'ai besoin de m'appuyer sur des lectures lui aussi évidemment je pense qu'il a vraiment créé Une nouvelle façon de concevoir la ville, par exemple. Quand il est arrivé, c'était une petite révolution, de faire des rues piétonnes, d'amener des vélos. A l'époque, on ne parlait même pas de vélos, on parlait de bicyclettes encore. C'était un objet désuet. Non, non,

  • Speaker #0

    il avait des intuitions.

  • Speaker #1

    Oui, il avait des intuitions. Il savait aussi saisir les intuitions des autres, ce qui est une grande qualité. Je pense à quelqu'un comme André Dubosc, qu'il a beaucoup éclairé aussi. Mais Michel Crépeau a su se saisir de ça, le porter, le faire partager. C'est important de le faire partager. Donc moi, j'ai beaucoup d'admiration pour son action politique, puis pour le bonhomme tel qu'il était. Et puis au-delà de l'admiration, j'ai beaucoup d'amitié, d'affection, pour ce qu'il a représenté. Oui,

  • Speaker #0

    ça c'est sûr. Bon. Je ne reviendrai pas sur notre histoire commune sur l'écrivain public, mais bon, ça reste une blessure du fait qu'il n'ait pas compris l'intérêt que ça avait.

  • Speaker #1

    C'est certain. Il n'a pas compris du tout. Il a même sans doute vécu comme une menace. Ah,

  • Speaker #0

    il a vécu comme une menace. menace,

  • Speaker #1

    il me l'a dit clairement.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, c'est à cause de ça que Dubedoux est parti. C'est à cause de gens comme vous que Dubedoux a été battu.

  • Speaker #1

    Oui. C'est sans doute parce que Dubedoux... Oui, c'est pas faux. Mais c'est sans doute parce que aussi Dubedoux n'avait pas saisi l'importance que ça pouvait avoir. Et sans doute parce que... Au lieu de... Ouais, ouais, ouais, ouais,

  • Speaker #0

    ouais... Pétez pas l'heure.

  • Speaker #1

    C'était pas l'heure, oui. C'est dommage, parce qu'il aurait pu s'appuyer là-dessus, justement. Bien sûr. Mais il en a eu peur, et il a éliminé le problème. C'est toujours pareil, c'est pas une science. C'est un art, on l'exerce comme on peut.

  • Speaker #0

    Il m'avait dit, ma communication, moi, je m'en charge. Je n'ai pas besoin de personne. Bon. Alors, lui, il a fait avancer l'écologie. Il a fait avancer le... Il a donné à La Rochelle une image moderne. Enfin, vous, vous avez donné, tous les deux, vous avez contribué à donner de La Rochelle une image moderne. Et puis, il y a eu cet accident. Et là, j'ai beaucoup pensé à toi quand tu t'es retrouvé en 99 avec... ton mentor qui était mort, et toi, tu as été confronté à ça. Et j'ai été très admiratif de ta sérénité, de ton calme, et tu as repris les manettes, tu as repris le flambeau, alors qu'il y avait quoi ? Il y avait de quoi paniquer quand même.

  • Speaker #1

    Oui. Alors, on m'a souvent dit, oh là là, ça n'a pas dû être facile après Michel Crépeau, etc. Non, finalement, politiquement, ça a été... Ça a été facile pour des raisons objectives, qui étaient que la ville était en bon état financier, qu'elle était dans une dynamique, qu'il y avait des projets. Donc, après tout, c'était facile. La deuxième chose, c'est que j'avais quand même été au cœur du dispositif, donc que je connaissais tout ça, je découvrais peu de choses. Sauf l'hôpital, que je ne connaissais pas du tout, parce que Michel Crépos y était beaucoup. beaucoup investi, et voilà. Là où c'était plus compliqué, c'était l'Assemblée, même si j'étais suppléant, parce que c'est un monde particulier, que je n'ai pas spécialement aimé, d'ailleurs. Mais... J'avais pas envie ni de faire du crépeau, ce qui est une erreur, ni de... Non, le plus dur pour moi, c'était qu'il y avait plus compagnonnage avec... Tu parlais de collaboration, c'est plus un... compagnonnage quoi il y avait plus compagnonnage avec quelqu'un que j'aimais beaucoup quoi c'est ce qui m'a le plus le oui le plus affecté voilà c'est pas pas la difficulté de la tâche pour gérer la ville, ça j'avais assez confiance dans la possibilité de le faire, c'était plus l'absence de quelqu'un avec qui j'avais l'habitude de travailler et que j'aimais bien, voilà, donc c'était plus une blessure qu'une difficulté. Et je me souviens d'une première fois où je revenais de Paris avec... Oui, qu'elle avait une personnalité nationale. Je venais d'être maire, député. Elle venait faire une visite à Paris. Elle me dit, raconte-moi des choses drôles. Et puis, je n'avais pas envie de dire des choses drôles parce que j'étais encore dans le deuil, tout simplement. Donc, je m'étais forcé un peu à trouver des choses drôles. Mais j'ai vécu ça plus comme un deuil qu'une difficulté. Avec aussi le délai. désir de continuer à faire vivre un peu cet état d'esprit, que la Rochelle soit une ville chaleureuse, voilà.

  • Speaker #0

    C'était le deuil. J'ai pas l'impression que c'était plus le deuil d'un frère aîné que d'un père.

  • Speaker #1

    Oui, oui, sans doute. Je m'étais jamais posé la question comme ça, mais c'est vrai que pour moi, c'était pas le deuil d'un père. d'un père, c'est sûr. Et souvent, on m'a dit, Michel Crépeau, c'était ton père. J'ai dit, non, mon père, c'est mon père. Je n'ai pas trois pères. Oui, d'un frère aîné, oui. Plutôt.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. C'est vrai. Bon.

  • Speaker #0

    Donc, maintenant que tu es dans la phase post-activité, tu as fait, et maintenant tu as fait le choix de ne plus quitter la République. Ça, c'est quand même pas de la tarte d'abandonner le pouvoir. On n'a pas parlé du pouvoir, mais c'est ce que tu as abandonné d'une certaine façon. Et ça, il n'y a pas beaucoup de gens qui décrochent de cette drogue dure.

  • Speaker #1

    Oui. Oui. Le pouvoir, c'est vrai que moi j'appartiens à une génération où on se méfie du pouvoir, quoi. Oui, en 1968. Voilà. Et puis, bon, je me suis aperçu quand même que le pouvoir, c'était le pouvoir de faire des choses, quoi. et c'est vrai que ça dépend de la conception qu'on a du pouvoir. Moi, le pouvoir pour faire des mondanités, ça ne m'intéresse absolument pas. Mais le pouvoir de faire ce qu'on aimerait que les choses soient, c'est quelque chose de très gratifiant. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé être maire, j'ai beaucoup moins aimé être député. Parce qu'on m'avait dit, tu vas voir, quand tu es député, tu as du pouvoir, tu peux prendre un sujet, puis l'approfondir, puis le porter. Et oui, c'est vrai en théorie, dans la réalité, il y a tellement d'obstacles que c'est un peu une chambre vide. On a l'impression qu'on ouvre une porte, derrière cette porte il y a le pouvoir, on rentre dans une pièce où il y a une porte au fond, qu'il s'agit d'ouvrir pour avoir la porte où il y a le pouvoir, et puis ça n'en finit plus. Donc le pouvoir c'est quand même un peu ça, c'est une série de chambres vides où une porte est au fond. Mais... Mais, dans l'action municipale, c'est un peu différent, parce qu'Amer, c'est à la fois le président de la République, c'est à la fois le Premier ministre, c'est aussi le ministre des Finances, c'est un peu tout ça à la fois, il concentre beaucoup de pouvoirs. Et ça permet, si on est bien entouré, si on le fait amicalement avec des adjoints en qui on a confiance et à qui on... on donne des responsabilités, des adjoints qu'on écoute, si on a un exercice collectif du pouvoir, mais un exercice collectif ne veut pas dire qu'on dilue le pouvoir, parce qu'en dernier ressort, c'est le maire qui dit oui ou non, et ça, ça me semble important. Donc on peut avoir un exercice collectif, consulter d'abord son cercle proche, les adjoints, etc., consulter aussi les citoyens, mais il faut que la règle soit claire, et au dernier moment, il y a toujours un individu qui décide. Voilà, c'est ma conviction. Je ne crois pas aux commissions, aux comités, aussi. Les commissions, c'est bien pour éclairer. Au dernier moment, il faut que quelqu'un choisisse. Voilà, c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé l'action municipale, parce que si on le fait en confiance, si on le fait finalement sereinement, on arrive à agréger autour de la décision pas mal d'accords. Voilà.

  • Speaker #0

    Et de quoi tu dirais maintenant que tu es le plus fier, le plus content ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis le plus fier, c'est quand les gens m'interpellent dans la rue et qu'ils me disent « Ah ben c'était bien quand vous étiez là » . Des fois ils me disent pire que ça, mais bon, je m'en tiendrai là. Oui.

  • Speaker #0

    Bon, mais là tu insistes sur la relation.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Et ce qui me frappe, c'est justement... que je dirais en conclusion pour moi, tu es Maxime, tu es un mélange d'une dimension très empathique, très sensible aux gens, etc. Et en même temps... Tu peux être d'une grande... une capacité à prendre la distance par rapport à l'émotion. Je pense que le décès brutal de Michel Grépeau t'a confronté à ça. C'est-à-dire qu'un empathique pur jus, il aurait été dévasté par ça, il aurait pleuré. Et toi, là, tu passes sur un autre côté de toi, dans lequel tu tiens bon, tu tiens le cap, et il y a ce mélange. Et peut-être que la solution... L'origine de ça, c'est le fait que tu as parlé des gens qui étaient morts, qui étaient affichés dans le village où tu étais. Tu as connu la mort, tu l'as vécue. Et ça, ça a fait ton baptême du feu, d'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, oui. Je souscris tout à fait à ça. C'est vrai que je suis dans l'empathie, etc. Mais... mais que quand la difficulté se présente, oui, je prends du recul par rapport à l'événement, je pense que ça provient effectivement de mes années d'enfance où j'ai connu le danger, tout simplement. Et voilà, il m'est arrivé d'être en vélo avec des amis dans mes jeunes années et de tomber sur un barrage agressif qu'on a pu voir depuis suffisamment longtemps. loin pour pouvoir s'en échapper. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas de paniquer, il s'agit de faire demi-tour et de pédaler très vite. J'ai gardé toujours un peu cette image. Quand on est face au danger, il faut pédaler très vite et s'éloigner du danger. Le danger, c'est aussi l'émotion dans ces cas-là. Je m'en suis aperçu aussi dans un moment difficile, quand il y a eu l'incendie de l'hôtel de ville. moi j'ai tout de suite compris qu'on allait perdre la salle des fêtes quand j'ai vu l'incendie gagner le toit du bâtiment principal j'ai compris que ça ne servira à rien de regarder je suis passé derrière, j'ai demandé à des pompiers de venir de casser la vitre en haut et de sortir tout ce qui était dans ce qu'on appelait nous le petit musée le trésor, le masque portuaire d'Henri IV, les seaux de la Rochelle le... le... Voilà, toutes les œuvres d'art qu'on pouvait sauver, voilà, c'était pas la peine de regarder l'événement. D'ailleurs, à ce niveau, il y a une anecdote que je raconte toujours, j'avais dit aux pompiers, vous rentrez, vous cassez la vitre, sur la droite, vous allez voir, il y a une vitrine, dans cette vitrine, il y a les sceaux de la Rochelle. Les premiers sceaux, bon, si on perdait ça, on perdait tout, quoi. Je veux dire, on peut toujours refaire un bâtiment, ça, le bâtiment... Ça ne m'inquiétait pas, je savais qu'on referait le bâtiment, même si c'était groulé, à la limite, on aurait toujours eu la mairie identique à celle qu'on a connue. En revanche, à l'intérieur, il y avait des objets symboliques qu'on n'aurait jamais pu reconstituer, une toile du XVIIe, on ne la refait pas. Voilà. Et donc le pompier rentre, et je le vois revenir avec un seau dans les bras, et c'est vrai que sur la droite, il y avait un seau. un seau en argent qui venait de Tiffany, un seau de Tiffany, qui nous avait été offert après la guerre de 1914 par la ville de New Rochelle. Et je me dis, il n'a pas compris, il a descendu le seau, qui était intéressant, mais sans plus. Et en fait, il avait tout compris, et dans le seau, il avait mis les seaux. Donc on a sauvé les seaux de la Rochelle, le masque mortuaire d'Henri IV, tous les objets symboliques. Et ça, c'est une de mes plus grandes fiertés. Et... Et on doit aussi une grande chandelle, bien sûr, aux pompiers, aux services publics, etc. Et à Géraldine Gilardo, qui avait un inventaire très précis de toutes les œuvres d'art et d'importance symboliques qui étaient dans la mairie. Et ce qui a permis aux pompiers d'intervenir de façon très systématique. Mais oui, dans ces cas-là, il faut garder la tête froide, il faut avoir du recul. Et souvent, on me dit, oh là là, vous deviez être catastrophé quand vous avez vu ça. Ben non, je n'étais pas catastrophé, j'étais surtout soucieux de savoir ce qu'on pouvait sauver. et j'avais le souci de sauver tout ce qu'on pourrait sauver.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que là, on tient la vraie dimension de... Tu as fait la carrière que tu as faite à cause de ça. Pas parce que tu as fait les impôts, pas parce que tu étais pied-noir, mais parce que tu as cette capacité en toi à... à être proche des gens et établir des rapports, et surtout à débrayer quand il est nécessaire de prendre de la distance et de faire le pas de côté par rapport au réel. Et ça, c'est quelque chose que tu as su faire. et je suis très admiratif que tu aies su faire ça, parce que je crois que, bon, donc tu étais notre élu, et bien c'est très bien, tu le restes pour...

  • Speaker #1

    Je ne le suis plus, je ne le suis plus. Tu ne l'es plus,

  • Speaker #0

    maintenant tu es citoyen, et bon, pour conclure, si tu avais, par rapport à la... par rapport aux élections qui vont venir, est-ce que tu aurais une qualité que tu mettrais en avant pour le futur maire de La Rochelle ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est d'avoir bien sûr plus le souci de créer du lien entre les gens.

  • Speaker #0

    Mais il y a une qualité. Ah,

  • Speaker #1

    oui, un mot. Une qualité. Une qualité. C'est difficile parce que, tu viens de le dire, il faut des qualités parfois antinomiques. Il faut de l'empathie et du recul. Non, je crois qu'une ville, c'est une succession de projets qui sont souvent différents et qui tiennent à la personnalité du maire. Alors, les citoyens... éliront le maire qui pense devoir élire. Il fera ce qu'il pense devoir faire et la ville sera ce qu'il en résultera.

  • Speaker #0

    Ça, là, tu fais de la politique.

  • Speaker #1

    Oui, je fais de la politique parce que... Une qualité, alors allez, c'est qu'il soit comme moi. Voilà.

  • Speaker #0

    Ce qui te ressemble. Bon.

  • Speaker #1

    C'est une boutade, mais ce n'est qu'une demi-boutade.

  • Speaker #0

    Je l'entends bien. Écoute, je te remercie infiniment pour cet entretien. Et je trouve que ça... Ça donne une bonne image de toi, de La Rochelle et de ce que nous avons pu vivre ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, merci. J'espère aussi que ça donne une bonne image de ce que sont les femmes et les hommes politiques, parce que c'est ce que sont la grande majorité d'entre eux, et non pas la caricature qu'on en voit parfois parmi les plus médiatiques.

  • Speaker #0

    Oui, bon, donc gardons l'espoir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Gardons l'espoir. Bien, merci beaucoup, M. le maire. Maxime Bonneau, cher Maxime, merci.

  • Speaker #1

    Merci, Patrice. C'était très sympa.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté notre podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, merci de le partager autour de vous. Si vous voulez réagir sur tel ou tel point de notre entretien, écrivez-moi. patricemarcade.com Si, à votre tour, vous voulez témoigner de vos « et maintenant » , écrivez-moi. à la même adresse à bientôt bon printemps à tous je vous embrasse

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Maxime

    02:15

  • Algérie

    08:13

  • Toulouse

    22:59

  • La Rochelle

    31:11

  • Michel Crépeau

    38:34

  • Danger

    51:59

  • Et main-tenant ?

    52:28

Description

Actuellement la cote de confiance envers les Hommes et les femmes politiques est au plus bas( 26%), néanmoins il est des élus de terrain, comme on dit, qui réussissent à accumuler un capital de sympathie. Mon invité d’aujourd’hui a réussi non seulement à se faire un nom mais aussi , ce qui est plus rare, un prénom.

C’est le cas de Maxime, Maxime Bono qui après avoir été maire de La Rochelle de 1999 à 2012, garde aujourd’hui une place dans la mémoire et le coeur des rochelais.

Dans l’entretien que vous allez écouter je me suis efforcé d’essayer de comprendre pourquoi.

Tant dans  sa vie personnelle que professionnelle, Maxime a du affronter des « Et Main-tenant ..? » douloureux : la guerre d’Algérie, la mort brutale de son mentor Michel Crépeau, l’incendie de l’Hôtel de Ville, entre autres.

C’est dans ces moments de vérité qu’il faut savoir se décentrer, ne pas se laisser submerger par l’émotion et garder la lucidité pour décider des priorités.

Si vous souhaitez ajouter votre mot à cette tentative de portrait, écrivez-moi :patricemarcade@gmail.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez le podcast « Et maintenant » . Je poursuis ma recherche de témoins pouvant attester de la pertinence de la question « Et maintenant ? » que j'ai empruntée à Michel Serres. Cette quête me conduit à solliciter des personnalités diverses, connues et inconnues. Leur façon de gérer les rebonds de la vie me remplit d'émotion et d'admiration. Pour trouver mon invité d'aujourd'hui, j'ai rebondi sur une drôle d'idée. En échange avec lui, j'ai réalisé qu'il me faisait penser à Edgar Gropiron, le skieur français spécialiste de ski acrobatique. particulièrement de l'épreuve des bosses, et qui s'est vu confier la présidence du comité d'organisation des Jeux Olympiques de 2030. Des acrobaties, il a dû parfois en faire. Des présidences, il en a gérées plus qu'à son tour. Donc, je lui fais part de cet audacieux rapprochement. Il a souri et il a bien voulu reconnaître que peut-être, et puis si ça me faisait plaisir de voir ça comme ça, c'était plutôt flatteur. Donc je lui ai proposé de venir nous parler de la façon dont il avait négocié les bosses de la vie, de sa vie. Il a accepté et c'est avec beaucoup de joie. que je suis allé renouer le fil d'une ancienne relation amicale, mais je ne vous ai toujours pas dit quel est son nom. À La Rochelle, tout le monde le connaît. Ancien idylle, il poursuit paisiblement une idylle partagée avec cette ville et ses habitants dont il est tombé amoureux il y a quelques décennies. Je franchis le seuil de sa porte. Monsieur le maire.

  • Speaker #1

    Honoraire.

  • Speaker #0

    Honoraire. Maxime Bonneau. Cher Maxime, je te remercie d'abord d'avoir accepté ma proposition. Et d'abord, quelle est l'appellation, la désignation qui te satisfait le plus quand on t'appelle monsieur le maire, monsieur Bonneau ou Maxime ?

  • Speaker #1

    Oh c'est Maxime, évidemment, c'est Maxime. Monsieur le maire, il faut bien reconnaître que ça me fait plaisir, ça flatte toujours un peu, je rajoute toujours, attention, honoraire, honoraire. Mais non, non, c'est Maxime, généralement. Bon, M. Bruno, évidemment, c'est plus formel, c'est plus anonyme, quoi. Mais quand on m'appelle Maxime, y compris des gens, des fois, que je ne connais pas, qui me disent « Maxime, qui me tutoie » , etc., ça me fait très plaisir. Ça me fait très plaisir. Je me dis que, bon, on m'a souvent demandé... quel est ton grand projet ou quel est votre grand projet pour la rochelle et moi je répondais c'est que les gens se parlent c'est-à-dire qu'essayer de créer une proximité entre les habitants et des complicités et quand on m'appelle maxime même si on me connaît pas et si on me tutoie en plus je me dis ben c'est réussi

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je me suis interrogé là-dessus, sur ce nom Maxime. C'est pour ça que je t'ai posé cette question, parce que pour moi, tu es Maxime. Et les Rochelais que je connais... quand ils parlent de toi, très souvent, ils disent Maxime avec un côté amical, quand tu es presque, je dirais, affectueux et jamais familier. c'est intéressant, c'est que c'est pas Maxime histoire de dire moi je connais, toc, mais il y a un lien et ça je l'ai toujours senti de la part des rucheliers en général et de gens très différents tu es Maxime et je me suis dit en fait Maxime tu as un prénom aussi qui est prédestiné à ça, et Maxime pour moi c'est un prénom d'empereur et Maxime Je me suis dit, en fait, Maximus, c'est quelqu'un qui est d'une autre dimension. Et je l'ai rattaché au statut de Romaine. de l'Afrique du Nord.

  • Speaker #1

    Oui, il y a du vrai dans tout ça. Moi, j'ai toujours été persuadé que les prénoms, finalement, façonnaient un peu la personnalité. Un prénom et un nom qui s'accordent bien, c'est très agréable. J'ai toujours été, par exemple, très admiratif des prénoms et des noms qu'on retrouve dans les romans comme « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez. Enfin, il a des noms fabuleux, quoi. Rien que lire le prénom et le nom, on rentre déjà dans une aventure. Donc, je ne peux que souscrire à ce que tu viens de dire. Le... Et je pense que oui, ça façonne des personnalités. Moi je sais que j'aime bien les gens, voilà, j'aime bien les gens, donc en contrepartie j'aime bien quand même. Et j'essaye de créer avec chacun un lien qui soit au-delà des convenances. En plus, il me semble que c'est la moindre des choses quand on a quelqu'un en face de soi, de s'intéresser à lui et de ne pas rester... dans ses propos un peu convenus, etc. Voilà. Pour en revenir à la question première, M. le maire, dans une ville, c'est facile de faire des choses qu'on voit, c'est facile de créer une salle de spectacle, ou de refaire de la voirie, ou de faire des bâtiments, c'est facile de construire, et c'est souvent là-dessus qu'on est jugé. Et pourtant, ce n'est pas le plus important, ce qui est le plus important, c'est les relations entre les gens, donc... Et je suis persuadé que l'action municipale est décisive en la matière. Selon les décisions qu'on prend, on crée des relations entre les gens où on laisse faire les choses et à ce moment-là, chacun se replie sur soi.

  • Speaker #0

    Donc des relations par-delà l'équivage des opinions, etc.

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Il ne s'agit pas d'uniformiser ou de... Non, non, ce n'est pas du tout un projet totalitaire. Au contraire, non, c'est retrouver tout simplement ce qui fait société, c'est-à-dire le besoin déjà de... de vivre ensemble et de solidarité. Si on n'a pas le choix, on vit avec d'autres, donc la meilleure façon de vivre, c'est d'être un peu solidaire. Et ça, je pense que ça se construit de façon un peu diffuse, c'est un peu une alchimie. Mais si on n'a pas ce souci et cette préoccupation, on vit différemment dans une ville.

  • Speaker #0

    Bon, alors essayons de voir à la racine Qu'est-ce qui a fait que tu tiens maintenant, aujourd'hui, en 2025, ce discours ? Qu'est-ce qui, dans ton histoire, a pu faire ça ? Et partons, si tu veux, de... Je me suis renseigné de 1947. Il s'est passé un événement important pour toi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et en 1947, tu n'es pas né n'importe où.

  • Speaker #1

    Non, je suis né à Alger. Et c'est un élément fondamental. dans la constitution de ma personnalité. C'est vrai que j'ai toujours le souvenir de mes premières années. J'ai vécu 11 ans à Alger, c'est-à-dire les premières années de ma vie déterminantes, 10 ans et demi à vrai dire. Et on me dit souvent, avoir quitté l'Algérie, c'est un traumatisme. Non, c'est d'avoir quitté Alger, moi, qui a été un traumatisme. J'ai vécu quelques années après, encore 4 ans ou 5 ans en Algérie. Mais le départ d'Alger a été quelque chose, pas forcément douloureux, mais quelque chose de déterminant. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi, mais quand j'y suis retourné en 1999, ou en 2000, je ne sais plus, j'ai compris. Quand on est à Alger, d'abord parce qu'elle est bleue, mais surtout où que l'on soit, on voit la mer, on voit la Méditerranée. Et c'est un site exceptionnel. C'est des collines finalement qui entourent une baie et on a toujours l'impression qu'on surplombe ce grand lac bleu qu'est la Méditerranée. Donc moi j'ai toujours gardé cet amour de la Méditerranée, même si depuis j'ai appris à aimer l'océan et à aimer aussi cette ambiance océane. je vois la Méditerranée, j'ai toujours un coup au cœur. Alors tout ça m'a amené sans doute à... A plus savoir très bien d'où je suis, mais est-ce que ça a vraiment de l'importance ? Il y a les lieux qu'on aime, et puis peu importe d'où on est, même si il y avait une chanson de... de Lili Bonich. Lili Bonich, c'est un chanteur juif qui chante en arabe. Et moi, j'adore ça, ce mélange des cultures comme ça, qui vient bousculer toutes les idées reçues. Et il dit « J'aime toutes les villes un peu plus Paris » . Et moi, je me dis « J'aime toutes les villes un peu plus Algiers, peut-être » .

  • Speaker #0

    Et après, tu restais quand même en Algérie.

  • Speaker #1

    Oui. Alors après... Après Alger, qui était quand même une capitale, la capitale d'Algérie, qui était une ville où on trouvait tous les services, on trouvait plein de choses. Mon père a été nommé à Soukharas. Soukharas, à l'époque, c'était un tout petit village. Il était directeur de l'agence de la Banque d'Algérie à Soukharas. Et là, c'est vraiment autre chose quand même. Parce qu'il y avait le marché aux bestiaux. Moi, je n'avais jamais vu le marché aux bestiaux à Alger. Avec mon frère, on voulait acheter un âne à l'époque. ça valait 5 francs, 5 francs un bourricot, comme disait un petit âne. Donc j'ai découvert le monde rural algérien, et la misère aussi. Et puis là j'ai découvert aussi autre chose. J'avais connu, même si à l'époque je ne m'en rendais pas compte, j'avais connu la guerre à Alger, j'avais connu les bombes dans les cafés, dans les réverbères, avec mon frère. frères qui étaient un peu plus âgés que moi, on s'entraînait à reconnaître le bruit des sirènes selon que c'était les pompiers, les artificiers, la police, etc. J'avais connu ça, la bataille d'Alger, avec les parachutistes qui quadrillaient la ville. Quand je suis arrivé à Soukharas, déjà, on se... on prenait un train à Bonn pour rejoindre Soukharas, et... Et devant le train, devant la motrice, il y avait trois wagons. Et avant les trois wagons, il y avait trois wagons pour que si la voie était piégée, le train ne déraille pas. Quand on arrivait à Soukharas, la ville était cernée par des parbelés électrifiés. Et on ne pouvait en sortir qu'en convoi. C'était assez compliqué. et tout le monde disait oh oui mais ici on est tranquille il n'y a pas d'attentat vous allez voir c'est très différent d'Alger les Arabes se tiennent tranquilles parce qu'on leur a montré et effectivement j'ai appris que il y avait eu ce qu'on avait pompeusement appelé la bataille de Soukharas où il y avait eu quelques rebelles comme on disait des félagas qui avaient été tués ils avaient été exposés sur la place principale de Soukharas ... voilà donc l'ordre régnait à Soukarras et effectivement ça m'a permis d'aller au cinéma par exemple de voir des films chose que je n'avais vue que chez moi à Alger parce qu'on avait acheté un projecteur un projecteur Lapierre 9mm5 qu'on tournait à la manivelle mais on louait des films qui nous avaient permis de voir un peu tout ce qui se faisait ça allait des Kitt Carson jusqu'à jusqu'à... jusqu'à... Ilme Russe...

  • Speaker #0

    Campas de Cigogne, etc.

  • Speaker #1

    Non, non, non, pas Campas de Cigogne. C'était après, ça. Non, les escaliers... Oui, oui, voilà. Donc, les grands classiques du cinéma, mais tout d'un coup, ça me permettait d'aller vraiment dans une salle et de voir sur grand écran. On n'y allait pas à Alger parce qu'on avait peur des attentats, etc. Donc l'ordre régnait à Soukarras sous la protection des militaires, de l'armée française qui faisait des prises d'armes régulièrement et qui défilait sous les fenêtres de la banque d'Algérie où mon père devait hisser le drapeau français. Voilà, donc c'était tout à fait différent de ce que j'avais connu à Alger. accessoirement j'étais scolarisé donc à l'école communale de Soukarras où l'instituteur avait encore des méthodes aujourd'hui qui feraient hurler tout le monde, c'est-à-dire qu'il nous donnait des coups de règle sur les mains, dans la paume des mains si ce n'était pas grave, sur le dos des mains si c'était grave, et avec les doigts. Et sur le bout des doigts, si c'était encore plus grave. Voilà, ça fonctionnait. Donc, je découvrais un monde différent. Et ça a duré à peu près deux ans et demi. Et nous sommes partis ensuite à Mostaganem. Et c'est depuis Mostaganem que j'ai quitté l'Algérie. Bien sûr, j'en ai des souvenirs que je pourrais raconter pendant des heures, qui paraissent à beaucoup comme terribles, qui sont effectivement terribles. Je ne sais pas s'il faut que je les raconte ou pas, mais la fin de l'Algérie française a été quelque chose de très dur pour les deux communautés. J'insiste, pour les deux communautés. Mon père était... égoïste à l'époque, donc il n'était pas en odeur de sainteté du côté de l'OS, ce qui a amené à quelques moments d'angoisse particuliers, et en même temps, nous, on était gamins. Moi, j'avais 14-15 ans. Je côtoyais des voisins qui étaient proches de l'OS. Je jouais au foot avec des jeunes dont les parents étaient probablement engagés au FLN. C'était assez confus, tout ça. Je pense que ça m'a aidé ensuite. dans les situations les plus difficiles, à essayer de trouver les choses les plus simples, essayer de simplifier les problèmes, parce qu'il arrive qu'on ne sache plus exactement où on se situe dans un conflit. Moi, j'ai vécu ça, d'avoir le sentiment d'un maelstrom où plus personne ne maîtrisait quoi que ce soit. et ça pour moi c'est le souvenir que je garde des derniers mois de ma vie en Algérie.

  • Speaker #0

    Et donc tu dirais que cet épisode d'une quinzaine d'années, tu as appris à naviguer en eau trouble, si je puis dire, à gérer la complexité, tu as fait l'expérience de la peur, du danger physique, tu as... c'est pas rien. ça pour un enfant.

  • Speaker #1

    Oui, je m'en suis aperçu bien plus tard que j'avais fait l'expérience de la peur et du danger physique. Mais bien plus tard, peut-être 40 ans plus tard, quand je me suis aperçu que... certains avaient peur de choses qui, moi, ne m'impressionnaient plus. Et je me suis dit, ben oui, ça vient de là, bien sûr. Alors, il a fallu plus tard que je me gendarme un peu, parce que j'avais une tendance... naturelle à hausser les épaules en disant mais enfin tout ça c'est pas grave, il y a beaucoup plus grave et pour les gens qui vivaient ces angoisses c'était extrêmement grave donc j'ai compris plus tard que cette expérience de ces 15 années m'avait un peu endurci le cuir quoi D'abord, on a quitté Succaras, donc, en convoi, pas Succaras, pardon, Mostaganem, en convoi pour rejoindre le bateau. Sur le chemin, on a reçu des pierres, etc., etc. Et quand on a rejoint le bateau, mon père et mon frère n'ont pas pu embarquer. Alors pour mon père c'était prévu, il était prévu qu'il reste en Algérie, Il devait assurer la transition au sein de la Banque de l'Algérie. Pour mon frère, c'est parce qu'il était trop âgé et qu'à l'époque, l'OAS disait que les hommes doivent rester pour combattre. D'ailleurs, on avait reçu l'ordre. Des gens étaient passés à l'appartement en disant, vous prendrez le bateau tel jour à telle heure. Les femmes et les enfants et les hommes restent. restons là, voilà comment les choses sont passées. Et donc je suis parti avec ma mère, mes deux soeurs et mon jeune frère, on est parti, comme on dit, avec des valises, moi j'avais deux valises, une valise dans chaque main, dans l'une il y avait toutes les photos de famille, dans l'autre... Il y avait des affaires qu'on pouvait emporter et j'avais dans mon sac à dos des... une partie de l'argenterie que ma mère avait voulu absolument emporter. Quant à ma mère, elle avait sous le bras, alors elle nous avait dit, il ne faut pas dire que c'est des tableaux, il faut dire que c'est des portraits. Donc on avait les tableaux de famille, j'en ai encore quelques-uns ici, qu'on emportait. Donc on emportait ce qui nous semblait le plus précieux. Et bon, on était venus souvent en France, on venait pratiquement tous les deux ans. Et moi j'avais subi l'ascension sociale de mon père à travers le monde. à travers la classe dans laquelle nous étions.

  • Speaker #0

    La progression de sa carrière.

  • Speaker #1

    La progression de sa carrière, oui, parce qu'au début, on était dans le bateau en classe touriste, avec des cabines qui donnaient de simples hublots, et puis après, on est passé en classe plus améliorée, où il y avait une salle de bain dans la cabine, et puis après, on a été en première classe, où on avait des fenêtres et non plus des hublots, etc. Et là, on s'est retrouvé en 3... troisième cal, en troisième cal, il faisait très chaud dans un bateau dont j'ai oublié le nom, il y avait beaucoup, évidemment, la traversée était toujours un peu difficile au moment où on rentrait dans le golfe vers Marseille, et là, beaucoup de vieilles dames étaient malades, et parler en espagnol, parce qu'on est partis d'Oran, donc Oran était une ville où tout le monde parlait espagnol. Elles criaient qu'elles allaient mourir, elles criaient, je me disais mais c'est terrible, effectivement pour elles, elles quittent l'endroit où elles sont nées, elles vont dans un endroit où elles ne sont jamais allées, où on leur a dit qu'il faisait froid, où il pleuvait toujours, etc. Et donc pour elles c'était vraiment la fin du monde. Donc c'était assez éprouvant comme retour. Néanmoins, même si j'ai le souvenir de la côte algérienne qui s'éloignait, de la ville d'Oran qui s'estompait, ça ne m'a pas ému plus que ça, parce que ce n'était pas Alger, tout simplement, qui partait. Et puis pour moi, c'était une aventure nouvelle qui s'annonçait en France. J'étais un peu inquiet parce que mon frère restait en Algérie. et qu'à l'époque, il était un peu aventureux, un peu inquiet parce que mon père était là. Mais en même temps, je devenais l'aîné de la famille, j'avais des responsabilités. Voilà, donc c'était bizarre comme sentiment.

  • Speaker #0

    Tu étais devenu provisoirement le chef de famille.

  • Speaker #1

    Le chef de famille, voilà, c'est ça. J'étais l'homme de la famille. L'homme de la famille. Oui, oui. C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    C'est pas banal comme expérience. expérience et comme point de... Et tu avais un projet en rentrant en métropole. Est-ce que tu avais un projet personnel ? C'était quoi ? Qu'est-ce que tu voulais faire ? Tu voulais faire des études ?

  • Speaker #1

    Tu voulais... Oui, je voulais continuer mes études. À l'époque, ça marchait plutôt bien. Donc voilà, je n'étais pas inquiet. Je n'ai pas le souvenir d'une véritable inquiétude. J'étais triste de quitter un pays où il y avait du soleil, de la plage, du beau temps, où la vie était finalement agréable. Je ne me rendais pas compte que je quittais la guerre. Je ne me rendais absolument pas compte. Quand je suis arrivé en France, je me suis dit, oh là là, quelle liberté, quelle liberté. J'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que ce n'était pas la liberté que je retrouvais, c'était la paix, tout simplement. Euh... Liberté aussi parce que mon père n'était pas là, que je manipulais un peu facilement ma mère et que j'avais réussi par exemple, on rejoignait une maison que mes parents avaient achetée pour leur retraite, une maison qui était dans le Gers mais qu'ils n'avaient jamais pensé habiter aussi vite. Donc c'est une maison où il y avait juste l'électricité, il n'y avait pas d'eau, donc il fallait chercher l'eau à la fontaine ou au puits. puis appartenait à un voisin, il était à peu près à 300 mètres, donc on remplissait des jéricanes d'eau en pompant l'eau du puits. La fontaine, l'eau était potable, mais elle était en ville, donc on avait réussi à persuader ma mère qu'il fallait nous acheter une mobilette, donc c'était formidable. Je retrouvais cette liberté, et j'avais ma mobilette, donc j'étais heureux. Et puis mes cousines nous avaient rejoints, donc mes cousines, ça veut dire qu'il y avait les amis de mes cousines, les petites amies, et... et je découvrais un petit peu les flirts d'adolescents. L'amour, c'est beaucoup dire. J'avais toujours connu l'amour.

  • Speaker #0

    Tu avais connu un... Oui, mais c'est un autre... Un autre de relation.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est la période de ta formation, on peut dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Oui. Qu'est-ce que tu peux dire ? Qu'est-ce que tu as emporté de cette période-là ?

  • Speaker #1

    D'abord, une grande découverte qui m'a beaucoup aidé par la suite, dans l'immédiat. Oui, il y avait mes cousines, leurs amis, des voisins qui avaient le même âge que moi, ils m'ont amené à un match de rugby. Et je suis tombé amoureux du rugby. Amoureux du rugby qui m'a permis de m'insérer totalement. Donc, je n'étais plus un pied noir. qui arrivait, j'étais un amoureux du rugby, qui parlait de rugby avec tous les gascons qui m'entouraient, ben voilà, ça m'a permis une intégration quasi immédiate, et quand on me demande d'où je suis, maintenant je dis, je suis né à Alger, j'ai passé mon adolescence dans le Gers, j'ai fait mes études à Toulouse, et maintenant je vis à La Rochelle, voilà, donc je me suis toujours adapté finalement au milieu auquel j'étais.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une de tes caractéristiques, ça. Bon, donc là on est dans les... on est dans quelles années là ?

  • Speaker #1

    Là c'est 62, de 62 à 68 quoi, à 66 plutôt dans le Gers. Et puis en 1966, je suis parti, après mon bac, je suis parti à Toulouse, où là j'ai découvert une autre forme de liberté, puisque j'avais quitté le nid familial.

  • Speaker #0

    Et là tu as fait d'éco, de l'économie là.

  • Speaker #1

    Oui, un peu d'économie et du droit surtout. Et du droit. Oui, j'ai fait la fac de droit avec une première année qui n'a pas été brillante, parce que découvrir la liberté, ça n'aide pas forcément pour la qualité des études. mais bon ensuite je me suis ressaisi et j'ai passé ma licence en droit avec des années très très agréables à Toulouse dans une ville que j'ai aimée finalement et que j'aime encore Avec, bon, quand j'ai eu ma première année de droit, ça semble incroyable aujourd'hui, mais à l'époque, personne ne voulait rentrer d'administration. Des carrières brillantes ou... ou tout au moins bien rémunérés, s'offraient facilement dans le privé. Et donc, quand j'ai réussi ma première année de droit, j'étais en train de prendre un bain, ma mère est venue me voir en me disant « il y a un monsieur qui veut des impôts » . qui veut te parler. Je suis descendu en Pays-Noir-de-Vin, et là j'ai vu quelqu'un qui m'a dit, « Vous venez d'avoir votre première année de droit, on peut vous proposer quelque chose qui peut vous intéresser. Si vous vous engagez à passer le concours d'inspecteur des impôts, on va vous payer 700 francs par mois. Simplement, vous vous engagez à présenter le concours, et puis vous suivrez, je crois que c'était 4 heures de cours par semaine. donc je me suis dit pour 700 euros par mois ça vaut le coup quoi c'était mieux payé que les champions qui devait passer trois nuits par semaine dans un établissement etc etc donc en plus j'avais envie de me débarrasser de ce type qui me faisait son baratin a pris par coeur donc j'ai signé j'ai signé et ça m'a permis de passer une première une deuxième année de droit en ayant quand même des moyens financiers Et puis... on est pris par le truc. Je n'avais pas du tout l'intention d'être inspecteur des impôts, mais ça m'embêtait d'échouer l'examen quand même. Donc au moment de l'examen, on fait une copie qui n'est pas trop mauvaise. Donc j'ai été reçu et puis on m'avait dit que j'aurais 1200 euros par euro franc à l'époque par mois si j'étais reçu. Donc j'ai été reçu et là, ça m'a permis de mener une vie... Bisance. Voilà, bisance. Je ne mangeais plus au restaurant universitaire. Donc j'ai fait des études agréables à Toulouse, sans soucis financiers. Les soucis financiers sont venus quand j'ai été inspecteur des impôts, parce que je me suis aperçu à ce moment-là que dans la rémunération que je touchais, il y avait une prime que je perdais, qui était une prime de scolarité, qui représentait à peu près le tiers de mon salaire. Donc voilà, et je suis devenu inspecteur des impôts nommé... à Normandie, dans un endroit merveilleux au printemps, mais où il y avait 300 jours de pluie, et moi qui suis une pile solaire et qui ai besoin de soleil, j'ai été extrêmement malheureux pendant 4 ans, jusqu'au jour où j'ai rejoint la Rochelle, qui a été a été pour moi une fenêtre ouverte sur l'espoir et sur l'avenir.

  • Speaker #0

    Et la suite de l'histoire va le prouver.

  • Speaker #1

    Peut-être, oui.

  • Speaker #0

    Donc, tu arrives à La Rochelle. et là tu vas un peu sortir de ton monde privé, de ton activité privée, pour rentrer dans une activité plus publique. Tu vas les faire par étapes.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, tout à fait. D'abord, je connaissais un peu La Rochelle, parce que quand on était en Algérie, on venait... on est en vacances à Cognac, dans une maison de famille qu'on avait à Cognac, et le dimanche, on venait à La Rochelle pour manger des fruits de mer, dans l'Ochkiss, on joue d'un ami de la famille qui était médecin. Voilà, donc j'avais cette image d'une ville un peu bourgeoise.

  • Speaker #0

    C'est pas la chanson de Jonas quand même, je voyais, on allait voir la mer.

  • Speaker #1

    Oui, c'est presque ça, c'est un peu ça. Voilà, j'avais un cousin qui était... qui était scolarisé à La Rochelle, à Fenelon, etc. Et quand j'étais en Normandie, fonctionnaire venant du sud-ouest, j'avais copiné avec, on trouvait plein de fonctionnaires qui venaient du sud-ouest à l'époque. Il y en avait un qui venait de La Rochelle, et un jour, rejoignant, puisque j'ai réussi l'exploit de faire mon service militaire à 23 ans en ayant deux enfants, rejoignant mon affectation, il m'a dit, écoute, si tu rejoins ton affectation à Hoche, fais donc un détour par La Rochelle, tu m'y laisseras. Donc j'avais fait le détour par La Rochelle, et j'ai redécouvert cette ville. Quand je suis arrivé... D'abord, les terrasses étaient sorties sur le port, c'était au mois de janvier. En Normandie, il passait 18 heures, tout était fermé. J'entendais la drague qui, à l'époque, le train de drague TD6, draguait le port avec cette espèce de bruit. Ça grattait, ça soufflait. Donc j'ai eu le coup de foudre. On s'est installés à la Grand-Rive. J'ai regardé le port. La nuit tombait et je me suis dit « Oh là là, mais quel bonheur ça doit être de vivre ici » . voilà et donc 2-3 ans après ou 4 ans après quand j'ai pu j'ai demandé Toulouse en premier évidemment et La Rochelle en deuxième position quand j'ai pu faire mes demandes de mutation et au bout de 15 jours après avoir été 15 jours à La Rochelle je me suis dit mais il n'y a aucune raison d'aller à Toulouse je suis vraiment trop bien ici c'est là que je veux vivre finalement moi qui avais toujours un peu cette cette pas cette nostalgie parce que je ne suis pas dans la nostalgie ce souvenir de jours heureux en algérie qui m'était toujours demandé où je pourrais vivre quelque part je me suis dit c'est là que je vais poser mon sac Et puis, quand on est inspecteur des impôts, puisque j'étais inspecteur des impôts à La Rochelle, et qu'on est dans une association, on vous propose toujours d'être trésorier, comme je m'étais toujours intéressé un peu aux trésors. au théâtre, la culture, etc., que j'avais adhéré au Parti Socialiste quelque temps avant, on m'avait proposé de rentrer au conseil d'administration de la Maison de la Culture, et là, évidemment, on m'a demandé d'être trésorier, donc je suis devenu trésorier de la Maison de la Culture, et c'est comme ça que j'ai approché Michel Crépeau, et puis de fil en aiguille, les choses se sont faites. Voilà. J'ai trouvé que ce type était intéressant, c'est... J'ai suivi ses campagnes et je trouvais qu'il avait un profil totalement atypique. Et puis voilà, et puis un beau jour, Bernard Mounier m'a dit, « La ville cherche un conseiller culturel, tu devrais postuler. » Je lui ai dit, « Attends, mais moi je ne suis pas un professionnel de la culture. » Il m'a dit, « Oui, oui, mais ce serait bien, tu connais un peu quand même le milieu, tu devrais en parler à Michel Crépeau. » Donc j'ai demandé une entrevue. et il m'a expliqué tout de suite que ce n'était pas possible parce que les syndicats n'accepteraient jamais qu'il avait recruté Alain Parent au musée du Nouveau Monde en dehors des statues, qu'il avait recruté un tel aussi en dehors des statues et que là recruter encore quelqu'un, non non, ce n'était vraiment pas possible. Je dis bon ben je comprends, je vais vous dire ce que j'ai fait et puis voilà, donc je lui avais expliqué un peu ce que j'avais fait à la création de Radio-Land. La Rochelle, tout ça, avec un ami...

  • Speaker #0

    Avec Dominique

  • Speaker #1

    Fournier. Voilà. Et que, bon, je dis, je pense que je ne vais pas rester à La Rochelle, parce que, malheureusement, je garderai sans doute ma maison, mais je vais probablement m'installer à Poitiers, puisqu'on me propose de... Je veux quitter l'administration fiscale, j'en ai fait le tour, ça ne correspond pas tout à fait à mon tempérament non plus, donc... On me propose de rentrer dans un cabinet fiscal à Poitiers, je vais à la Poitiers, il me dit « Ah, mais non, mais on va voir, prenez donc la présidence de la Maison de la Culture » . Je dis « Non, non, non, ça ne m'intéresse pas, moi je veux une activité professionnelle, j'ai besoin de gagner ma vie » . Et puis quand on s'est quitté, il m'a dit « Ah, mais le syndicat, je vais en faire mon avis, je vais en faire mon affaire, on va se débrouiller » . Enfin, il ne m'a pas dit ça comme ça, il m'a dit ça de façon un peu plus crue. Et puis effectivement, je suis rentré comme conseiller culturel à la ville de La Rochelle. Et finalement, ça a sans doute été les plus belles années de ma vie professionnelle, parce que je faisais quelque chose qui vraiment me plaisait, sauf qu'un jour il m'a dit « je monte un cabinet, j'aimerais bien que tu viennes avec moi » . Il vient donc dimanche soir dîner à la maison. Évidemment, tout le dimanche, j'ai fourbi tous les arguments pour lui expliquer que j'étais vraiment très heureux là où j'étais, que je n'avais pas envie de faire autre chose. Et évidemment, à la fin du repas, j'ai accepté la proposition qu'il me faisait. Et voilà comment... bien comme étant toujours intéressé à la politique malgré tout, et je pense que là aussi l'Algérie n'y a pas été pour rien, parce que ce n'est pas simple de se dire, il y a une population... qui est là depuis toujours et qui aujourd'hui vit finalement sous le joug d'une autre population qui est arrivée et qui lui impose ses règles de vie. Il y a aussi une population que... est venue là en toute bonne foi chercher un peu de sérénité, puisque tous les gens qui ont peuplé l'Algérie étaient des gens qui fuyaient finalement la misère, et qui venaient chercher un peu de stabilité, et puis cette deuxième population se sentait chez elle aussi, donc comment arbitrer entre les deux, c'est un débat tout à fait politique, donc ça m'a... Ça m'a éveillé à la difficulté de résoudre les difficultés de ce monde et de la vie en société. Donc ça m'avait orienté vers l'action politique. Et donc, voilà, je suis rentré au cabinet de Michel Crépeau. Puis j'ai dirigé le cabinet, puis j'ai été premier adjoint, puis j'ai succédé à Michel Crépeau. Tout ça dans à la fois la passion que j'avais pour cette ville et la passion que j'avais pour la population. la politique qui, pour moi, comme le disait Michel Grépeau, était la façon d'amener du bonheur à la société. Donc j'ai toujours considéré que faire de la politique... J'étais horrifié quand j'entends, et je le suis toujours, quand j'entends dire que c'est très politique, pour dire finalement que c'est un calcul, ou pour dire que c'est un politique, pour dire qu'il promet des choses... qu'il n'arrivera pas à faire. Pour moi, la politique, c'est tout l'inverse. C'est une tâche plutôt noble qui consiste à essayer de résoudre des contradictions sévères en essayant de rapprocher des points de vue et de trouver des compromis. Voilà.

  • Speaker #0

    Le binôme que tu vas faire avec Michel Grépeau, c'est un binôme que tu qualifierais de complémentaire ou de complémentaire. Est-ce que tu penses que c'est votre proximité ou votre différence qui a fait que ça a fonctionné ?

  • Speaker #1

    C'est notre différence qui a créé la proximité, peut-être aussi. Une grande proximité dans la façon d'approcher la vie, avec des vécus différents. Je suis au moins un dévoreur de vie qu'il ne l'était. Mais une conviction profonde et partagée qui était que... Alors, il avait à l'entrée de son bureau une phrase d'Épicure qui disait « Le bonheur n'est pas un droit, c'est un devoir » . Moi, j'en suis persuadé. Le bonheur, ça se construit et on doit être heureux. C'est un devoir que d'être heureux. et quand les choses vont mal on a le devoir de faire en sorte qu'elles aillent mieux et de ne pas se complaire dans le malheur donc voilà une philosophie de la vie identique et puis des modes de vie très différents, et c'est là que venait la complémentarité. Je pense que le binôme a bien fonctionné pour ça, oui, parce qu'on était assez complémentaires.

  • Speaker #0

    Oui, mais le côté fantasque de Michel Crépeau, le côté, je dirais presque artiste, qu'il avait de la politique... La première image que j'ai de lui, c'était quand il est candidat au municipal. Et je le revois dans la salle Émile Combe, axé à Califourchon sur une chaise. Mais je n'avais jamais vu... vu un maire assis à Califourchon, il avait la chaise qui était appuyée comme ça, et puis il avait dit, bon, ça sera ça ou ça sera rien, parce que vous ne pouvez pas vous imaginer que Michel Crépeau il va se présenter comme ça tous les ans. Donc, vous... vous y allez ou vous n'y allez pas. Et effectivement, il y avait, il a un côté artiste.

  • Speaker #1

    Oui, oui, absolument. C'est pas comme les artistes, c'est des séries. Bien sûr, mais moi, j'ai adoré ce côté, effectivement. Presque cabot, parfois. Mais au-delà de ça, le côté vraiment artistique... Moi, j'ai toujours considéré que la politique, ce n'était pas une science, mais c'était un art. C'est vraiment un art. Il faut s'y préparer comme un artiste. Moi, le matin, avant de partir au bureau, je me préparais comme un artiste qui se grime, qui s'habille. Je me mettais dans le personnage. Et donc, ça, c'est une chose qu'on a partagée, même si j'avais... Je n'avais pas le même talent d'artiste. La façon de l'exprimer, c'était très différent. Mais fondamentalement, je pense que c'est un art. Et lui, c'était un grand artiste de la politique. Il faut savoir... effectivement jusqu'où on peut aller, parfois reculer pour mieux sauter, enfin bon voilà tout ça, c'est pas une science qu'on apprend, moi ça m'a toujours fait rire quand j'attendais que des gens diraient je fais science politique, bon oui on fait science tout ce qu'on veut mais pas science politique, si c'était une science il y a longtemps que ça se saurait, il y a longtemps que le monde vivrait en paix, dans l'harmonie. grâce aux certitudes et aux théorèmes et aux axiomes que la science politique nous aurait révélés. Mais ce n'est pas le cas. Ça reste une alchimie.

  • Speaker #0

    Ça reste une alchimie, ça reste un art. Et effectivement, dans cette collaboration, je ne sais pas, le mot n'est pas propre, comment tu qualifierais ? votre relation. Est-ce que tu avais l'impression d'être dans une relation avec... Est-ce que tu considères que Michel Crapeau était ton mentor ?

  • Speaker #1

    Ah, c'est compliqué. Ça m'a beaucoup aidé. bien sûr, il m'a énormément appris, bien sûr, j'ai eu le sentiment qu'il m'aidait à révéler certaines de mes convictions. J'aurais probablement eu moins conscience d'un certain nombre de choses si je ne l'avais pas côtoyé. En même temps, j'avais le sentiment que profondément, j'avais confusément ces idées ou ces convictions au fond de moi. Mais non, il m'a énormément apporté. J'ai beaucoup partagé beaucoup de ses convictions. J'ai trouvé qu'il les exprimait parfaitement bien. J'ai toujours été admiratif du fait qu'il créait lui-même sa propre doctrine politique. Alors que moi, j'ai toujours besoin de m'appuyer sur ce que d'autres ont écrit, dit, etc. je n'arrive pas à exprimer profondément ma profonde conviction spontanément j'ai besoin de m'appuyer sur des lectures lui aussi évidemment je pense qu'il a vraiment créé Une nouvelle façon de concevoir la ville, par exemple. Quand il est arrivé, c'était une petite révolution, de faire des rues piétonnes, d'amener des vélos. A l'époque, on ne parlait même pas de vélos, on parlait de bicyclettes encore. C'était un objet désuet. Non, non,

  • Speaker #0

    il avait des intuitions.

  • Speaker #1

    Oui, il avait des intuitions. Il savait aussi saisir les intuitions des autres, ce qui est une grande qualité. Je pense à quelqu'un comme André Dubosc, qu'il a beaucoup éclairé aussi. Mais Michel Crépeau a su se saisir de ça, le porter, le faire partager. C'est important de le faire partager. Donc moi, j'ai beaucoup d'admiration pour son action politique, puis pour le bonhomme tel qu'il était. Et puis au-delà de l'admiration, j'ai beaucoup d'amitié, d'affection, pour ce qu'il a représenté. Oui,

  • Speaker #0

    ça c'est sûr. Bon. Je ne reviendrai pas sur notre histoire commune sur l'écrivain public, mais bon, ça reste une blessure du fait qu'il n'ait pas compris l'intérêt que ça avait.

  • Speaker #1

    C'est certain. Il n'a pas compris du tout. Il a même sans doute vécu comme une menace. Ah,

  • Speaker #0

    il a vécu comme une menace. menace,

  • Speaker #1

    il me l'a dit clairement.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, c'est à cause de ça que Dubedoux est parti. C'est à cause de gens comme vous que Dubedoux a été battu.

  • Speaker #1

    Oui. C'est sans doute parce que Dubedoux... Oui, c'est pas faux. Mais c'est sans doute parce que aussi Dubedoux n'avait pas saisi l'importance que ça pouvait avoir. Et sans doute parce que... Au lieu de... Ouais, ouais, ouais, ouais,

  • Speaker #0

    ouais... Pétez pas l'heure.

  • Speaker #1

    C'était pas l'heure, oui. C'est dommage, parce qu'il aurait pu s'appuyer là-dessus, justement. Bien sûr. Mais il en a eu peur, et il a éliminé le problème. C'est toujours pareil, c'est pas une science. C'est un art, on l'exerce comme on peut.

  • Speaker #0

    Il m'avait dit, ma communication, moi, je m'en charge. Je n'ai pas besoin de personne. Bon. Alors, lui, il a fait avancer l'écologie. Il a fait avancer le... Il a donné à La Rochelle une image moderne. Enfin, vous, vous avez donné, tous les deux, vous avez contribué à donner de La Rochelle une image moderne. Et puis, il y a eu cet accident. Et là, j'ai beaucoup pensé à toi quand tu t'es retrouvé en 99 avec... ton mentor qui était mort, et toi, tu as été confronté à ça. Et j'ai été très admiratif de ta sérénité, de ton calme, et tu as repris les manettes, tu as repris le flambeau, alors qu'il y avait quoi ? Il y avait de quoi paniquer quand même.

  • Speaker #1

    Oui. Alors, on m'a souvent dit, oh là là, ça n'a pas dû être facile après Michel Crépeau, etc. Non, finalement, politiquement, ça a été... Ça a été facile pour des raisons objectives, qui étaient que la ville était en bon état financier, qu'elle était dans une dynamique, qu'il y avait des projets. Donc, après tout, c'était facile. La deuxième chose, c'est que j'avais quand même été au cœur du dispositif, donc que je connaissais tout ça, je découvrais peu de choses. Sauf l'hôpital, que je ne connaissais pas du tout, parce que Michel Crépos y était beaucoup. beaucoup investi, et voilà. Là où c'était plus compliqué, c'était l'Assemblée, même si j'étais suppléant, parce que c'est un monde particulier, que je n'ai pas spécialement aimé, d'ailleurs. Mais... J'avais pas envie ni de faire du crépeau, ce qui est une erreur, ni de... Non, le plus dur pour moi, c'était qu'il y avait plus compagnonnage avec... Tu parlais de collaboration, c'est plus un... compagnonnage quoi il y avait plus compagnonnage avec quelqu'un que j'aimais beaucoup quoi c'est ce qui m'a le plus le oui le plus affecté voilà c'est pas pas la difficulté de la tâche pour gérer la ville, ça j'avais assez confiance dans la possibilité de le faire, c'était plus l'absence de quelqu'un avec qui j'avais l'habitude de travailler et que j'aimais bien, voilà, donc c'était plus une blessure qu'une difficulté. Et je me souviens d'une première fois où je revenais de Paris avec... Oui, qu'elle avait une personnalité nationale. Je venais d'être maire, député. Elle venait faire une visite à Paris. Elle me dit, raconte-moi des choses drôles. Et puis, je n'avais pas envie de dire des choses drôles parce que j'étais encore dans le deuil, tout simplement. Donc, je m'étais forcé un peu à trouver des choses drôles. Mais j'ai vécu ça plus comme un deuil qu'une difficulté. Avec aussi le délai. désir de continuer à faire vivre un peu cet état d'esprit, que la Rochelle soit une ville chaleureuse, voilà.

  • Speaker #0

    C'était le deuil. J'ai pas l'impression que c'était plus le deuil d'un frère aîné que d'un père.

  • Speaker #1

    Oui, oui, sans doute. Je m'étais jamais posé la question comme ça, mais c'est vrai que pour moi, c'était pas le deuil d'un père. d'un père, c'est sûr. Et souvent, on m'a dit, Michel Crépeau, c'était ton père. J'ai dit, non, mon père, c'est mon père. Je n'ai pas trois pères. Oui, d'un frère aîné, oui. Plutôt.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. C'est vrai. Bon.

  • Speaker #0

    Donc, maintenant que tu es dans la phase post-activité, tu as fait, et maintenant tu as fait le choix de ne plus quitter la République. Ça, c'est quand même pas de la tarte d'abandonner le pouvoir. On n'a pas parlé du pouvoir, mais c'est ce que tu as abandonné d'une certaine façon. Et ça, il n'y a pas beaucoup de gens qui décrochent de cette drogue dure.

  • Speaker #1

    Oui. Oui. Le pouvoir, c'est vrai que moi j'appartiens à une génération où on se méfie du pouvoir, quoi. Oui, en 1968. Voilà. Et puis, bon, je me suis aperçu quand même que le pouvoir, c'était le pouvoir de faire des choses, quoi. et c'est vrai que ça dépend de la conception qu'on a du pouvoir. Moi, le pouvoir pour faire des mondanités, ça ne m'intéresse absolument pas. Mais le pouvoir de faire ce qu'on aimerait que les choses soient, c'est quelque chose de très gratifiant. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé être maire, j'ai beaucoup moins aimé être député. Parce qu'on m'avait dit, tu vas voir, quand tu es député, tu as du pouvoir, tu peux prendre un sujet, puis l'approfondir, puis le porter. Et oui, c'est vrai en théorie, dans la réalité, il y a tellement d'obstacles que c'est un peu une chambre vide. On a l'impression qu'on ouvre une porte, derrière cette porte il y a le pouvoir, on rentre dans une pièce où il y a une porte au fond, qu'il s'agit d'ouvrir pour avoir la porte où il y a le pouvoir, et puis ça n'en finit plus. Donc le pouvoir c'est quand même un peu ça, c'est une série de chambres vides où une porte est au fond. Mais... Mais, dans l'action municipale, c'est un peu différent, parce qu'Amer, c'est à la fois le président de la République, c'est à la fois le Premier ministre, c'est aussi le ministre des Finances, c'est un peu tout ça à la fois, il concentre beaucoup de pouvoirs. Et ça permet, si on est bien entouré, si on le fait amicalement avec des adjoints en qui on a confiance et à qui on... on donne des responsabilités, des adjoints qu'on écoute, si on a un exercice collectif du pouvoir, mais un exercice collectif ne veut pas dire qu'on dilue le pouvoir, parce qu'en dernier ressort, c'est le maire qui dit oui ou non, et ça, ça me semble important. Donc on peut avoir un exercice collectif, consulter d'abord son cercle proche, les adjoints, etc., consulter aussi les citoyens, mais il faut que la règle soit claire, et au dernier moment, il y a toujours un individu qui décide. Voilà, c'est ma conviction. Je ne crois pas aux commissions, aux comités, aussi. Les commissions, c'est bien pour éclairer. Au dernier moment, il faut que quelqu'un choisisse. Voilà, c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé l'action municipale, parce que si on le fait en confiance, si on le fait finalement sereinement, on arrive à agréger autour de la décision pas mal d'accords. Voilà.

  • Speaker #0

    Et de quoi tu dirais maintenant que tu es le plus fier, le plus content ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis le plus fier, c'est quand les gens m'interpellent dans la rue et qu'ils me disent « Ah ben c'était bien quand vous étiez là » . Des fois ils me disent pire que ça, mais bon, je m'en tiendrai là. Oui.

  • Speaker #0

    Bon, mais là tu insistes sur la relation.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Et ce qui me frappe, c'est justement... que je dirais en conclusion pour moi, tu es Maxime, tu es un mélange d'une dimension très empathique, très sensible aux gens, etc. Et en même temps... Tu peux être d'une grande... une capacité à prendre la distance par rapport à l'émotion. Je pense que le décès brutal de Michel Grépeau t'a confronté à ça. C'est-à-dire qu'un empathique pur jus, il aurait été dévasté par ça, il aurait pleuré. Et toi, là, tu passes sur un autre côté de toi, dans lequel tu tiens bon, tu tiens le cap, et il y a ce mélange. Et peut-être que la solution... L'origine de ça, c'est le fait que tu as parlé des gens qui étaient morts, qui étaient affichés dans le village où tu étais. Tu as connu la mort, tu l'as vécue. Et ça, ça a fait ton baptême du feu, d'une certaine façon.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, oui. Je souscris tout à fait à ça. C'est vrai que je suis dans l'empathie, etc. Mais... mais que quand la difficulté se présente, oui, je prends du recul par rapport à l'événement, je pense que ça provient effectivement de mes années d'enfance où j'ai connu le danger, tout simplement. Et voilà, il m'est arrivé d'être en vélo avec des amis dans mes jeunes années et de tomber sur un barrage agressif qu'on a pu voir depuis suffisamment longtemps. loin pour pouvoir s'en échapper. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas de paniquer, il s'agit de faire demi-tour et de pédaler très vite. J'ai gardé toujours un peu cette image. Quand on est face au danger, il faut pédaler très vite et s'éloigner du danger. Le danger, c'est aussi l'émotion dans ces cas-là. Je m'en suis aperçu aussi dans un moment difficile, quand il y a eu l'incendie de l'hôtel de ville. moi j'ai tout de suite compris qu'on allait perdre la salle des fêtes quand j'ai vu l'incendie gagner le toit du bâtiment principal j'ai compris que ça ne servira à rien de regarder je suis passé derrière, j'ai demandé à des pompiers de venir de casser la vitre en haut et de sortir tout ce qui était dans ce qu'on appelait nous le petit musée le trésor, le masque portuaire d'Henri IV, les seaux de la Rochelle le... le... Voilà, toutes les œuvres d'art qu'on pouvait sauver, voilà, c'était pas la peine de regarder l'événement. D'ailleurs, à ce niveau, il y a une anecdote que je raconte toujours, j'avais dit aux pompiers, vous rentrez, vous cassez la vitre, sur la droite, vous allez voir, il y a une vitrine, dans cette vitrine, il y a les sceaux de la Rochelle. Les premiers sceaux, bon, si on perdait ça, on perdait tout, quoi. Je veux dire, on peut toujours refaire un bâtiment, ça, le bâtiment... Ça ne m'inquiétait pas, je savais qu'on referait le bâtiment, même si c'était groulé, à la limite, on aurait toujours eu la mairie identique à celle qu'on a connue. En revanche, à l'intérieur, il y avait des objets symboliques qu'on n'aurait jamais pu reconstituer, une toile du XVIIe, on ne la refait pas. Voilà. Et donc le pompier rentre, et je le vois revenir avec un seau dans les bras, et c'est vrai que sur la droite, il y avait un seau. un seau en argent qui venait de Tiffany, un seau de Tiffany, qui nous avait été offert après la guerre de 1914 par la ville de New Rochelle. Et je me dis, il n'a pas compris, il a descendu le seau, qui était intéressant, mais sans plus. Et en fait, il avait tout compris, et dans le seau, il avait mis les seaux. Donc on a sauvé les seaux de la Rochelle, le masque mortuaire d'Henri IV, tous les objets symboliques. Et ça, c'est une de mes plus grandes fiertés. Et... Et on doit aussi une grande chandelle, bien sûr, aux pompiers, aux services publics, etc. Et à Géraldine Gilardo, qui avait un inventaire très précis de toutes les œuvres d'art et d'importance symboliques qui étaient dans la mairie. Et ce qui a permis aux pompiers d'intervenir de façon très systématique. Mais oui, dans ces cas-là, il faut garder la tête froide, il faut avoir du recul. Et souvent, on me dit, oh là là, vous deviez être catastrophé quand vous avez vu ça. Ben non, je n'étais pas catastrophé, j'étais surtout soucieux de savoir ce qu'on pouvait sauver. et j'avais le souci de sauver tout ce qu'on pourrait sauver.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que là, on tient la vraie dimension de... Tu as fait la carrière que tu as faite à cause de ça. Pas parce que tu as fait les impôts, pas parce que tu étais pied-noir, mais parce que tu as cette capacité en toi à... à être proche des gens et établir des rapports, et surtout à débrayer quand il est nécessaire de prendre de la distance et de faire le pas de côté par rapport au réel. Et ça, c'est quelque chose que tu as su faire. et je suis très admiratif que tu aies su faire ça, parce que je crois que, bon, donc tu étais notre élu, et bien c'est très bien, tu le restes pour...

  • Speaker #1

    Je ne le suis plus, je ne le suis plus. Tu ne l'es plus,

  • Speaker #0

    maintenant tu es citoyen, et bon, pour conclure, si tu avais, par rapport à la... par rapport aux élections qui vont venir, est-ce que tu aurais une qualité que tu mettrais en avant pour le futur maire de La Rochelle ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est d'avoir bien sûr plus le souci de créer du lien entre les gens.

  • Speaker #0

    Mais il y a une qualité. Ah,

  • Speaker #1

    oui, un mot. Une qualité. Une qualité. C'est difficile parce que, tu viens de le dire, il faut des qualités parfois antinomiques. Il faut de l'empathie et du recul. Non, je crois qu'une ville, c'est une succession de projets qui sont souvent différents et qui tiennent à la personnalité du maire. Alors, les citoyens... éliront le maire qui pense devoir élire. Il fera ce qu'il pense devoir faire et la ville sera ce qu'il en résultera.

  • Speaker #0

    Ça, là, tu fais de la politique.

  • Speaker #1

    Oui, je fais de la politique parce que... Une qualité, alors allez, c'est qu'il soit comme moi. Voilà.

  • Speaker #0

    Ce qui te ressemble. Bon.

  • Speaker #1

    C'est une boutade, mais ce n'est qu'une demi-boutade.

  • Speaker #0

    Je l'entends bien. Écoute, je te remercie infiniment pour cet entretien. Et je trouve que ça... Ça donne une bonne image de toi, de La Rochelle et de ce que nous avons pu vivre ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, merci. J'espère aussi que ça donne une bonne image de ce que sont les femmes et les hommes politiques, parce que c'est ce que sont la grande majorité d'entre eux, et non pas la caricature qu'on en voit parfois parmi les plus médiatiques.

  • Speaker #0

    Oui, bon, donc gardons l'espoir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Gardons l'espoir. Bien, merci beaucoup, M. le maire. Maxime Bonneau, cher Maxime, merci.

  • Speaker #1

    Merci, Patrice. C'était très sympa.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté notre podcast jusqu'au bout. Si vous avez été intéressé, merci de le partager autour de vous. Si vous voulez réagir sur tel ou tel point de notre entretien, écrivez-moi. patricemarcade.com Si, à votre tour, vous voulez témoigner de vos « et maintenant » , écrivez-moi. à la même adresse à bientôt bon printemps à tous je vous embrasse

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Maxime

    02:15

  • Algérie

    08:13

  • Toulouse

    22:59

  • La Rochelle

    31:11

  • Michel Crépeau

    38:34

  • Danger

    51:59

  • Et main-tenant ?

    52:28

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