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"Et main-tenant...?"

"Un certain regard" François Chayé 28/06 22:10

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30min |28/06/2025|

34

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Description

Un certain regard – François Chayé

Dans cet épisode, je retrouve François Chayé, autrefois mon élève. Depuis, les années ont passé… et son regard s’est enrichi. Photographe, réalisateur, aujourd’hui peintre, François a changé d’outil, plusieurs fois. Mais jamais d’élan intérieur.


Il ne parle pas de parcours « réussi ». Il parle de virages, de bifurcations, de ces moments où l’on se demande : Et main-tenant ?

À chaque réponse, un geste créatif : filmer, capter, peindre. Toujours avec pudeur. Toujours avec justesse.


Cet échange est un portrait, oui — mais c’est surtout une rencontre.

Une conversation sur la transmission, la liberté de choisir sa voie, et la beauté des chemins non tracés.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et à chacun, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir les étapes du changement. Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance d'un ami très cher, d'un artiste, François Ausha de La Rochelle. Je rencontre François fin des années 70 alors qu'il est encore élève au collège Fenelon. A l'époque, j'anime des ateliers d'initiation à l'audiovisuel pour le créave. Il se distingue aussitôt, regard précis, sens du montage et sens de l'humour. Cette gentillesse tranquille qui rend la relation facile. Il étudie le droit et découvre qu'il peut s'exprimer autrement. par l'image. Premier et maintenant. Il rejoint l'atelier que j'ai mis en place pour les élèves les plus motivés. Très vite, il entre au créave et réalise ses premiers films. Il comprend le sens de mon projet d'écrivain public audiovisuel destiné à donner la parole aux invisibles. Il emprunte sans l'importance sociale et s'y engage avec énergie et talent. De là naissent des films tels que Mireille fin 83, Peinture mûre et château d'eau, Lettres ouvertes aux enseignants ou L'intelligence mal placée et autres. Des films, juste de mon point de vue, incisifs, qui contribuent au début des années 80 à tenter de faire un pont entre les citoyens et leurs élus. Puis vient un autre moment de bascule. Et maintenant, il faut partir. François quitte la Rochelle pour Paris. Il explore d'autres formes. Il monte sur scène, fait du théâtre avec son ami de jeunesse Stéphane Mallard. Il laisse la ville portuaire pour la ville monde, sans jamais renier ses attaches. Sa carrière s'oriente vers la télévision. Canal+, France 3. François devient documentariste. Il voyage, capte... Assemble, il n'explique pas, il donne à voir. On se retrouve pour un film au Mali, autour d'un projet de coopération originale. Nouvelle étape, la parole documentaire devient exploration, rencontre, lien. Caméra au point, il parcourt le monde, Palerme, Buenos Aires. Puis plus tard, un « et maintenant » plus intime, celui du geste. À l'image numérique, François ajoute la matière. Il peint, il expose à Paris, à La Rochelle, dans l'île dorée. Il change encore, mais sans se renier. Son regard s'élargit, sa main devient miroir. Il peint des portraits de femmes qui regardent au-delà de ce qu'elles voient. Et maintenant ? Et maintenant, il n'abandonne pas le film. Aujourd'hui encore, il prépare pour France 5, dans la série des maisons d'artistes, un documentaire sur celle de Pierre Lottie, dont on célèbre l'ouverture, après cinq années de restauration. Voilà, François, j'ai brossé à grands traits ton parcours, tu vas pouvoir me corriger, me compléter, mais ce que je souhaite surtout, c'est que tu confies à nos auditeurs comment tu as réussi à donner à ce parcours plein de... Et maintenant, donc, de redécision, comment as-tu pu donner cette cohérence, ce côté stylé, ce signé chaillé ?

  • Speaker #1

    Ma première réaction c'est, je ne sais pas, je suis très fier, très honoré de ce que tu viens de dire et venant de toi, ça me touche beaucoup. Moi je reprendrais l'expression « main tenue » aussi, parce qu'en fait, tout au long de ce parcours, depuis La Rochelle jusqu'à Paris, j'ai beaucoup travaillé à Paris et beaucoup voyagé dans le monde pour aller filmer. d'autres cultures, d'autres civilisations, d'autres regards. J'ai toujours eu face à moi des mains tenues, qui m'ont tenu la mienne et qui m'ont montré. Donc mon travail était toujours de capter ces moments-là et de capter ces gens qui venaient, qui me montraient quelque chose, leur façon de vivre, leur façon de leur culture ou leur savoir. Quand j'étais face à Jean Mallory, quand j'étais face à Roger Planchon, quand j'étais face à tous ces gens-là, moi j'étais une éponge. Je pense que j'ai passé ma vie professionnelle à être une éponge. Et de temps en temps, essorais cette éponge pour faire couler dans l'assiette un liquide qui essayait le plus possible de ressembler à la pensée des gens qui s'étaient confiés à moi. Donc c'est vraiment la main tenue et j'ai retrouvé ça en fin de... j'ai 64 ans aujourd'hui donc un peu retiré des voitures on dit, des camions, des wagons, enfin un peu à moitié avec moins d'activité. Et quand des plus jeunes m'appellent, ça m'arrive relativement souvent, et bien j'essaye de rendre ça, de leur prendre la main et leur dire, regarde tu peux faire comme ça ou tu peux faire comme ci. tu peux aller dans ce sens là etc en essayant toujours comme tu as toi tu as su le faire et comme d'autres gens que j'ai rencontré en respectant toujours ce qu'ils sont et toi tu as respecté ce que j'étais au départ en me laissant en m'amenant en me tenant la main mais en donnant une grande liberté et moi j'ai jamais eu l'impression de de suivre un chemin pré établi j'ai toujours été là où je voulais aller sauf que ces chemins étaient quand même très balisés par ces gens qui m'ont guidé tout au long de mon chemin professionnel.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une caractéristique, c'est que tu as su saisir les mains tendues, tu as su les tenir, mais comment expliques-tu que dans ton parcours, il y ait eu autant de mains bienveillantes et de mains... quelquefois très célèbre de gens importants, comment expliques-tu que tu aies suscité leur attention, leur bienveillance ? Qu'est-ce qu'il y a chez toi qui fait que ça match, alors que plein de gens diront, moi j'ai traversé la vie et personne ne m'a tendu la main ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je retournerai la comparaison. Moi je dirais, qu'est-ce qu'il y a chez eux ? Parce que ces gens qui m'ont apporté quelque chose, moi je les ai regardés et je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'étonnant. Je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'un peu magique et ça m'a toujours attiré. Les personnages un peu froids, des gens que je crois le sentir tout de suite, je pense que les gens qui m'attirent le sentent tout de suite aussi. Il y a un rapport qui est un rapport magique. Il y a un rapport qui est comme dans le rapport amoureux, c'est-à-dire tout d'un coup on se sent. Je reprends Roger Planchon par exemple, parce que c'était une des belles rencontres de ma vie. Roger Planchon un jour il me dit, alors qu'on s'était vu, on avait travaillé un peu ensemble, j'avais fait un film sur lui, et la production ne voulait, on n'avait pas d'argent, donc on restait qu'en France, et puis il était joué son spectacle la première fois en Italie. Et moi je me suis débrouillé à trouver l'argent pour aller en Italie, avec mon ingénieur du son. Et quand il nous voit arriver dans son théâtre, il a des grands yeux. Il me dit, mais qu'est-ce que tu as ? Et on a passé trois jours où... Il me dit, vous ne me quittez plus. Donc on a passé les journées avec lui à le filmer pendant ses répétitions et pendant le spectacle. Il nous a emmenés le soir au restaurant. On était seul avec lui. Et il nous a raconté sa vie de théâtre. C'était génial. Il a senti quelque chose chez moi et puis chez mon copain, Généreux du son, qui m'accompagnait. Quelque chose... Je ne sais pas, il y a quelque chose qui fait que tout d'un coup ça attire et les aimants se collent. Comme moi, j'avais senti, c'est cet atome, une bienveillance, une écoute, une ouverture. Et ça, c'est la magie des rencontres. Et je crois qu'on peut vivre ça dans n'importe quel milieu, dans n'importe quel endroit, et dans n'importe quel lieu professionnel. Je crois qu'il suffit juste, alors peut-être si j'ai une qualité, c'est celle-là, d'avoir les yeux ouverts.

  • Speaker #0

    d'avoir les yeux ouverts de savoir voir les gens pour lesquels ça peut ça peut le faire la rencontre peut fonctionner mais tu as aussi un une qualité à les oui tu as une qualité à les détecter et une qualité aussi à te laisser approcher parce qu'autrement tu pourrais tu pourrais avoir peur dire C'est des gens trop intelligents, trop grands, trop célèbres, et dans ton parcours, quelles sont les personnalités connues que tu estimes avoir été des points de repère dans ta carrière ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, j'ai croisé des gens, j'ai beaucoup travaillé en télévision, donc j'ai croisé des gens de télé, beaucoup, pas forcément toujours des gens... passionnant, mais les gens qui m'ont attiré c'était des gens un peu ouais qui avaient un parcours un peu différent et puis en fait c'est l'empathie, c'est le regard, c'est des gens qui sont curieux et puis souvent des gens qui sont dans les rapports d'une simplicité déconcertante Il y a eu professionnellement à la télévision il y a eu Bernard Rapp il y a eu Claude Jean-Philippe, il y a eu puis d'abord il y a eu toi Patrice qui Voilà, je sentais que j'étais tout d'un coup, je pouvais m'exprimer, je pouvais... Parce que dans ces rencontres-là, quand j'étais gamin avec toi qui étais adulte, quand j'étais après réalisateur avec sa petite caméra, face à des monstres comme des monstres de théâtre, de télévision, etc., c'est très intimidant, mais ces gens font en sorte que tout se passe simplement et ont envie de partager. Et dans cette envie de partage, on est très très vite attrapé, et tout d'un coup ça devient très vite passionnant, parce que tout d'un coup on réalise que, bah oui, ok, il a vécu peut-être des choses différentes, mais en tout cas, il sait les entendre, il sait en parler, et il sait entendre ce que moi j'ai à dire. Donc tout d'un coup on se sent reconnu, valorisé, et puis le rapport s'équilibre. Donc moi ça m'a permis aussi, j'ai pas fait d'études secondaires, c'était un choix. parce que je voulais tout de suite vivre dans la passion qui m'attrapait, c'est-à-dire l'image et l'écriture de films.

  • Speaker #0

    Pas d'études supérieures, tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Pas d'études supérieures, oui. Enfin, après le bac, quoi.

  • Speaker #0

    Le secondaire, tu en as fait.

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai fait, oui. Péniblement, mais j'en ai fait. Mais après le bac, oui, c'était... Il faut que j'arrive à rentrer dans ce monde où il se passe des choses. Je restais sur les bancs d'une université. Ça m'a manqué, après, plus tard, mais... Je me disais mais non c'est pas là que ça se passe, c'est pas là, c'est ailleurs. Et mon arrivée à Paris comme tout petit provincial, découvrant des gens, j'ai forcé les portes de la SFP, je me suis retrouvé en fait assez vite face à des gens qui m'ont dit mais c'est pas mal ce que tu fais, mais c'est bien, montre-moi ça, etc. Donc des gens ouverts. Et tout d'un coup je me dis mais en fait on n'a pas à avoir peur. Et dès qu'on lâche la peur, on a des ailes, on vole.

  • Speaker #0

    Des gens qui avaient besoin de toi. Moi je considère que tu m'as rendu un grand service, un service que personne ne m'avait rendu, en comprenant le projet Éclairment Public et en réalisant des choses concrètement. Et je pense que beaucoup des gens que tu as rencontrés, tu leur as rendu service. C'était un échange de compétences.

  • Speaker #1

    Parce que ça correspondait pour moi, ce projet était un projet que j'ai trouvé. extraordinaire, magnifique. Je me dis mais c'est génial ça. C'est génial. Tu m'avais épaté d'avoir conçu ce projet-là. Moi, au lycée, j'étais très militant. J'étais viré du lycée Jean Dauté parce que j'étais délégué de tous les élèves et que j'arrêtais pas de revendiquer des choses, etc. Donc ils ont fini par me virer. Donc j'avais cette trame en moi. J'avais ce besoin de revendiquer, de... d'aller vers ceux qui se sentaient les plus fragiles. Et le projet Écrivain Public Audiovisuel, c'était ça, c'était donner la parole à des gens qui ne l'ont jamais. Donc on a fait des choses super intéressantes, et puis c'était des films qui se préparaient, il y avait six mois de travail, on donnait nos outils audiovisuels à des gens qui on leur apprenait aussi à s'en servir et à communiquer. Et ces projets-là, et moi je m'en suis servi toute ma vie, ça veut dire que dans tous les films que j'ai faits, C'était avec cette écoute, c'était avec la possibilité de me dire tout d'un coup, mais le type qui est au fin fond de l'Amazonie, qui ne s'est jamais vu en photo, ça m'est arrivé, un type qui était une famille, qui ne s'était jamais vu en photo, ils ont des choses à dire, ils avaient des choses à revendiquer, ils avaient des choses à partager, et bien moi j'entendais le micro et la caméra pour que cette parole existe. Alors c'était modeste, mais ça contribue je crois à... à faire que les individus se comprennent un peu mieux et Dieu sait qu'on a besoin de ça.

  • Speaker #0

    Bon, alors ça ne m'explique pas pourquoi, en fait, il y a quand même eu beaucoup de ruptures dans ton parcours professionnel, je ne parle que de ça, de ruptures et de changements. Et quand on voit ton itinéraire, on a l'impression que tu as suivi une ligne, je ne dirais pas une ligne droite, mais une ligne qui a du sens. Et tu penses que le fil conducteur de ton parcours c'est quoi ? Parce que le théâtre c'est pas la photo, c'est pas la vidéo, c'est pas la télé, c'est pas le créave, c'est pas... tout ça c'est quand même des métiers, des situations différentes, des environnements différents. Qu'est-ce qu'a fait l'unité quand je dis c'est signé, ça y est, pour moi la vie elle est signée. François Ausha, ça a sa cohérence.

  • Speaker #1

    La ligne directrice, j'espère que ce n'est pas trop prétentieux ce que je vais dire, mais la ligne directrice c'est capter le regard de l'autre. Alors c'est aussi me nourrir moi, c'est-à-dire exister moi aussi dans cette relation. Donc mon égo ressort et je dis, mais attendez, regardez-moi aussi, mais moi je le regarde. Donc c'est vraiment un échange. Quand je filme quelqu'un, j'essaie de faire en sorte qu'il se sente le plus à l'aise possible. qu'ils soient le mieux filmés dans une jolie lumière généralement d'ailleurs je privilégie les lumières naturelles et j'en rajoute pas parce que j'ai envie qu'ils apparaissent comme ils sont et si un interview ce qui arrive souvent quelqu'un me dit ah là là mais c'est chouette moi j'ai j'avais peur etc mais là j'ai pu dire ce que je voulais c'est le plus beau des cadeaux alors ça se travaille ça se prépare les la formation que j'ai eu en grande partie partie avec toi. Ces techniques de communication, c'est-à-dire à faire accoucher la parole, ça m'a aidé à faire en sorte que ces gens me parlent et se sentent à l'aise, se sentent libres, se sentent en confiance. Mais c'est des rapports humains qui me paraissent évidents. C'est-à-dire être en confiance, c'est de l'anti-Trump à la Maison Blanche, si je vais être dans l'actualité. C'est-à-dire, c'est juste dire que l'autre a des choses à nous apprendre et à nous apporter.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas inutile à rappeler en ce moment. Donc, on pourrait dire que c'est ça le fil conducteur, c'est un intérêt pour l'autre, et puis le fait que tu sais renvoyer à l'autre le fait qu'il est intéressant, le fait qu'il a...

  • Speaker #1

    Il est passionnant, il a un univers. N'importe qui, tous les gens que j'ai pu rencontrer ont un univers, ont quelque chose de... que je trouve admirable. Il faut juste aller le gratter un peu, aller le chercher. Mais j'ai fait des films sur des situations, sur des gens tout simples, sur des... Les gens qui m'ont le plus touché, d'ailleurs, c'est pas forcément des gens qui avaient déjà un parcours énorme. Il y a des gens qui ont une vie simple, mais qui racontent des choses formidables, ou qui font des choses formidables.

  • Speaker #0

    Y compris les gens de la mafia ?

  • Speaker #1

    Alors eux, c'était un peu plus compliqué. Ouais. Ça, c'était une série de films pour Disney Channel sur la mafia calabrèse. On ne les a pas trop approchés, les mafieux. Mais tous les juges qui bossaient, on a bossé beaucoup avec les juges d'instruction autour. C'est des gens qui risquent leur vie, mais qui y vont, parce qu'ils ont une croyance, parce qu'ils sont du coin, ils disent « mais moi, je veux libérer mon pays de cette gangrène et de cette merde absolue » . Donc ils y vont, au risque de leur vie. Et waouh ! Ça, c'est impressionnant. Et donner la parole à ces gens-là, c'est-à-dire leur dire, allez-y, exprimez-vous, que tout le monde sache un peu ce que vous faites, témoigner de leur engagement, est pour moi quelque chose de fondamental.

  • Speaker #0

    Donc, on pourrait dire que si tu devais identifier, isoler une qualité chez toi, tu dirais que c'est quoi ?

  • Speaker #1

    L'écoute.

  • Speaker #0

    L'écoute et... J'ajouterais la capacité à t'étonner quand même, à t'émerveiller, la capacité à plus que t'intéresser, mais à te laisser emporter par l'autre quel qu'il soit.

  • Speaker #1

    Je me souviens à l'école où je n'étais pas un très bon élève, je devenais un très bon élève quand le prof tout d'un coup avait une étincelle de génie. Il y a des profs qui m'ont fasciné. d'autres qui m'ont ennuyé mais certains m'ont fasciné et des copains, des gens qui tout d'un coup avaient

  • Speaker #0

    quelque chose de plus et moi je les regardais comme ça en disant waouh et là tout d'un coup j'étais intéressé bon donc c'est cette capacité d'émerveillement que tu dirais comme ton point fort et quand même comment expliques-tu que ça soit quelque chose de relativement rare en fait ça que les gens qui ont de l'intérêt pour les autres, ça soit relativement rare. Comment expliques-tu ça ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr que ce soit rare. Je ne suis pas sûr que ce soit rare, mais il y a un fait, c'est qu'on entend beaucoup plus ceux qui n'ont pas cet intérêt-là et qui sont uniquement tournés vers eux-mêmes, parce que ceux qui sont tournés uniquement vers eux-mêmes, je crois que c'est aussi nourri par la peur, et la peur engendre la voix forte. Et regardons les politiques autour de nous, ceux qui parlent le plus fort, ce sont les plus coupés des autres, il me semble.

  • Speaker #0

    Bon, donc François, je t'avais dit que je convoquerais à Entre Nous, j'introduirais un tiers, et ce tiers c'est l'IA, l'intelligence artificielle, qui m'intéresse beaucoup. Et donc, on va faire une expérience que je n'ai pas faite encore,

  • Speaker #1

    mais chouette,

  • Speaker #0

    que je trouve assez stimulante pour moi. J'ai proposé à Lia d'écouter le petit texte de présentation que j'ai rédigé pour toi. Et je lui dis, si tu avais en face de toi François, qu'est-ce que tu lui demanderais ? Et tu vas voir les questions qu'elle va te poser. Et je te préviens, l'IA n'a pas beaucoup d'inhibition.

  • Speaker #1

    J'ai très peur.

  • Speaker #0

    Bon, on va voir.

  • Speaker #2

    Ce rapport semble être traversé par des changements, théâtre, vidéo, peinture. As-tu eu un moment où tu t'es dit, là, je deviens vraiment moi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas l'activité qui me définit, je crois. C'est plutôt, encore une fois, c'est plutôt les gens que je rencontre quand je fais cette activité-là. Et là, je me dis, là, je suis auprès de ce que je ressens, auprès de ce que j'aime. Mais je ne crois pas que... Et puis, plus j'avance... et plus les activités s'accumulent et plus effectivement je me sens dans mon envie et je me sens plus complet, plus plein. Mais encore une fois, je crois que ce sont les rencontres qui me construisent, et non pas les activités.

  • Speaker #2

    Deuxième, entre les images qu'on montre et celles qu'on garde pour soi, où se cache selon toi la vérité d'un regard ? Dans tous ces projets, tous ces médiums, qu'est-ce qui ne change jamais en toi ?

  • Speaker #1

    Ce qui ne change jamais, je crois, c'est la curiosité. Et où se cache la vérité dans les regards ? C'est quand on sent qu'il y a une vraie communication avec l'autre. Pas forcément... Moi, il m'est arrivé des trucs incroyables. J'étais, je ne sais plus, c'était la Bolivie ou la... Je ne sais plus. Guatemala peut-être, je ne sais plus. Au fin fond de la forêt, on était dans un village avec un type qui ne m'a jamais mis de chaussures de sa vie, il avait les pieds palmés. Et puis on a passé la journée ensemble, il ne parlait pas espagnol. De toute façon, je ne parle pas espagnol, mais le traducteur ne pouvait pas traduire ce qu'il disait, ou très très mal, très peu. Il nous a promenés toute la journée, et je ne sais pas, on se regardait, il y avait quelque chose, et en fin de journée, on s'est dit au revoir, et il m'a pris dans ses bras, j'ai pris dans les miens, et puis on s'est dit On s'est échangé, espèce d'accolade super fraternelle. On n'a pas communiqué par la parole, on a communiqué par autre chose. On était l'un avec l'autre, en tout cas dans cette journée, très très liés, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Dès quand les mots ou les fils ne suffisent plus ?

  • Speaker #1

    Exactement. C'est un retour silencieux aux sources, mais j'adore dans la peinture, ce que j'aime beaucoup, c'est faire les yeux, c'est-à-dire donner un regard profond. Alors souvent les gens me disent, en ce moment surtout, où je peins pas mal, les gens me disent « Ah ouais, mais il est triste ton portrait » . En fait, je sais pas, des fois oui, c'est de la nostalgie, des fois c'est « Est-ce qu'on passe notre temps à se marrer toute la journée ? » Je crois pas. Donc j'essaie de retranscrire ça. Alors effectivement, il y a des moments un peu tristounés, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment que ce regard soit percutant, qu'il nous accroche et qu'il nous parle, qu'il nous interpelle. Ça, c'est ce que j'essaie de faire en peinture. Et puis c'est ce qui m'amuse.

  • Speaker #2

    Et toi aujourd'hui, qu'as-tu encore envie de dire de toi que tu n'as jamais osé monter ?

  • Speaker #1

    Ça passe par la peinture justement. Ça passe par essayer de construire un visage, construire un regard, construire un autre que j'ai déjà croisé, qui m'a déjà touché. Mais il faut que ce visage me touche, ce visage me parle. Et c'est comme ça que je monte, il me semble. D'ailleurs je le sens, parce que j'ai toujours la trouille de montrer ce que je fais. C'est comme ça, il me semble, que je me mets le plus à nu.

  • Speaker #2

    As-tu l'impression que tu construis une œuvre, ou est-ce que c'est juste ta manière d'habiter le monde ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est juste une façon de suivre le chemin. Mais dans la peinture, il me vient quand même toujours l'idée que... Ah, mais quand même... Quand je ne serai plus là, la peinture restera. Je n'y pense pas du tout sur les marques audiovisuelles que je peux laisser. Mais sur la peinture, oui. Tiens, il y a le tableau de Pépé qui est encore accroché au mur. Il va falloir le dépoussiérer. Il y a cette idée-là. Je ne sais pas pourquoi. Enfin si, c'est laisser une marque. Peut-être très prétentieux ça, de laisser une marque. Mais en tout cas, oui, ça me plaît bien ça.

  • Speaker #2

    Enfin François, qu'est-ce que tu remets à demain et qu'il serait temps de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Eh bien, peut-être prendre le temps, prendre le temps un peu plus de regarder. Alors quand je peins, je prends le temps de regarder ce que je fais. Et c'est une vraie méditation. Mais dans tout ce que... Dans le travail sur l'image, le travail sur la vidéo, le travail sur le film, ça va toujours très vite. Et prendre le temps, c'est mieux regarder. Donc effectivement, il faudrait aujourd'hui que j'apprenne un peu à être plus patient et prendre plus de temps pour faire ce qui me touche, ce qui me plaît et peut-être aller de ce fait plus profondément dans les sujets que je peins, que je traite.

  • Speaker #0

    bien merci en soit pour de tête prêtée au jeu de ce portrait à plusieurs interviewers et tu n'as peut-être pas l'habitude de discuter avec l'ia mais c'est une je pense que je poursuivrai dans et maintenant je poursuivrai cette cette tentative parce que ce sont des questions d'un autre ordre que celle que j'aurais pu poser ou que un humain pourrait poser. Et ça questionne quand même beaucoup cette histoire d'IA, cette histoire de qu'est-ce qui fait qu'elle parle comme moi, mais elle ne parle pas comme moi, elle est comme moi, mais elle n'est pas comme moi, elle est intelligente comme moi, plus intelligente que moi. Et qu'est-ce que je vais faire avec ça ? Tout ça, c'est des questions qui me passionnent.

  • Speaker #1

    Et elle trouble dans son... dans son rapport à l'autre on a vraiment le sentiment de parler à quelqu'un et du coup quand je parlais d'empathie tout à l'heure moi j'ai de l'empathie pour cette voie là et alors que c'est une machine et c'est ce qui fait que quand on arrête on s'excuse on dit excusez moi bon je

  • Speaker #0

    vais couper je vais aller manger donc tu es on le considère vraiment comme une personne et ce dialogue avec cette personne machine c'est vraiment quelque chose qui est Très troublant et qui n'a pas fini de nous interroger pour les maintenant à venir. Bien, François Chaillet, j'ai été très heureux de te retrouver et de te donner la parole pour ce podcast.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'y avoir invité.

  • Speaker #0

    À très bientôt, François.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Si ce podcast vous a intéressé, si d'aventure vous étiez tenté à l'idée de faire partager votre itinéraire, votre trajectoire peuplée de « et maintenant » , n'hésitez pas à me contacter patricemarcade.com. A très bientôt !

Description

Un certain regard – François Chayé

Dans cet épisode, je retrouve François Chayé, autrefois mon élève. Depuis, les années ont passé… et son regard s’est enrichi. Photographe, réalisateur, aujourd’hui peintre, François a changé d’outil, plusieurs fois. Mais jamais d’élan intérieur.


Il ne parle pas de parcours « réussi ». Il parle de virages, de bifurcations, de ces moments où l’on se demande : Et main-tenant ?

À chaque réponse, un geste créatif : filmer, capter, peindre. Toujours avec pudeur. Toujours avec justesse.


Cet échange est un portrait, oui — mais c’est surtout une rencontre.

Une conversation sur la transmission, la liberté de choisir sa voie, et la beauté des chemins non tracés.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et à chacun, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir les étapes du changement. Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance d'un ami très cher, d'un artiste, François Ausha de La Rochelle. Je rencontre François fin des années 70 alors qu'il est encore élève au collège Fenelon. A l'époque, j'anime des ateliers d'initiation à l'audiovisuel pour le créave. Il se distingue aussitôt, regard précis, sens du montage et sens de l'humour. Cette gentillesse tranquille qui rend la relation facile. Il étudie le droit et découvre qu'il peut s'exprimer autrement. par l'image. Premier et maintenant. Il rejoint l'atelier que j'ai mis en place pour les élèves les plus motivés. Très vite, il entre au créave et réalise ses premiers films. Il comprend le sens de mon projet d'écrivain public audiovisuel destiné à donner la parole aux invisibles. Il emprunte sans l'importance sociale et s'y engage avec énergie et talent. De là naissent des films tels que Mireille fin 83, Peinture mûre et château d'eau, Lettres ouvertes aux enseignants ou L'intelligence mal placée et autres. Des films, juste de mon point de vue, incisifs, qui contribuent au début des années 80 à tenter de faire un pont entre les citoyens et leurs élus. Puis vient un autre moment de bascule. Et maintenant, il faut partir. François quitte la Rochelle pour Paris. Il explore d'autres formes. Il monte sur scène, fait du théâtre avec son ami de jeunesse Stéphane Mallard. Il laisse la ville portuaire pour la ville monde, sans jamais renier ses attaches. Sa carrière s'oriente vers la télévision. Canal+, France 3. François devient documentariste. Il voyage, capte... Assemble, il n'explique pas, il donne à voir. On se retrouve pour un film au Mali, autour d'un projet de coopération originale. Nouvelle étape, la parole documentaire devient exploration, rencontre, lien. Caméra au point, il parcourt le monde, Palerme, Buenos Aires. Puis plus tard, un « et maintenant » plus intime, celui du geste. À l'image numérique, François ajoute la matière. Il peint, il expose à Paris, à La Rochelle, dans l'île dorée. Il change encore, mais sans se renier. Son regard s'élargit, sa main devient miroir. Il peint des portraits de femmes qui regardent au-delà de ce qu'elles voient. Et maintenant ? Et maintenant, il n'abandonne pas le film. Aujourd'hui encore, il prépare pour France 5, dans la série des maisons d'artistes, un documentaire sur celle de Pierre Lottie, dont on célèbre l'ouverture, après cinq années de restauration. Voilà, François, j'ai brossé à grands traits ton parcours, tu vas pouvoir me corriger, me compléter, mais ce que je souhaite surtout, c'est que tu confies à nos auditeurs comment tu as réussi à donner à ce parcours plein de... Et maintenant, donc, de redécision, comment as-tu pu donner cette cohérence, ce côté stylé, ce signé chaillé ?

  • Speaker #1

    Ma première réaction c'est, je ne sais pas, je suis très fier, très honoré de ce que tu viens de dire et venant de toi, ça me touche beaucoup. Moi je reprendrais l'expression « main tenue » aussi, parce qu'en fait, tout au long de ce parcours, depuis La Rochelle jusqu'à Paris, j'ai beaucoup travaillé à Paris et beaucoup voyagé dans le monde pour aller filmer. d'autres cultures, d'autres civilisations, d'autres regards. J'ai toujours eu face à moi des mains tenues, qui m'ont tenu la mienne et qui m'ont montré. Donc mon travail était toujours de capter ces moments-là et de capter ces gens qui venaient, qui me montraient quelque chose, leur façon de vivre, leur façon de leur culture ou leur savoir. Quand j'étais face à Jean Mallory, quand j'étais face à Roger Planchon, quand j'étais face à tous ces gens-là, moi j'étais une éponge. Je pense que j'ai passé ma vie professionnelle à être une éponge. Et de temps en temps, essorais cette éponge pour faire couler dans l'assiette un liquide qui essayait le plus possible de ressembler à la pensée des gens qui s'étaient confiés à moi. Donc c'est vraiment la main tenue et j'ai retrouvé ça en fin de... j'ai 64 ans aujourd'hui donc un peu retiré des voitures on dit, des camions, des wagons, enfin un peu à moitié avec moins d'activité. Et quand des plus jeunes m'appellent, ça m'arrive relativement souvent, et bien j'essaye de rendre ça, de leur prendre la main et leur dire, regarde tu peux faire comme ça ou tu peux faire comme ci. tu peux aller dans ce sens là etc en essayant toujours comme tu as toi tu as su le faire et comme d'autres gens que j'ai rencontré en respectant toujours ce qu'ils sont et toi tu as respecté ce que j'étais au départ en me laissant en m'amenant en me tenant la main mais en donnant une grande liberté et moi j'ai jamais eu l'impression de de suivre un chemin pré établi j'ai toujours été là où je voulais aller sauf que ces chemins étaient quand même très balisés par ces gens qui m'ont guidé tout au long de mon chemin professionnel.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une caractéristique, c'est que tu as su saisir les mains tendues, tu as su les tenir, mais comment expliques-tu que dans ton parcours, il y ait eu autant de mains bienveillantes et de mains... quelquefois très célèbre de gens importants, comment expliques-tu que tu aies suscité leur attention, leur bienveillance ? Qu'est-ce qu'il y a chez toi qui fait que ça match, alors que plein de gens diront, moi j'ai traversé la vie et personne ne m'a tendu la main ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je retournerai la comparaison. Moi je dirais, qu'est-ce qu'il y a chez eux ? Parce que ces gens qui m'ont apporté quelque chose, moi je les ai regardés et je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'étonnant. Je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'un peu magique et ça m'a toujours attiré. Les personnages un peu froids, des gens que je crois le sentir tout de suite, je pense que les gens qui m'attirent le sentent tout de suite aussi. Il y a un rapport qui est un rapport magique. Il y a un rapport qui est comme dans le rapport amoureux, c'est-à-dire tout d'un coup on se sent. Je reprends Roger Planchon par exemple, parce que c'était une des belles rencontres de ma vie. Roger Planchon un jour il me dit, alors qu'on s'était vu, on avait travaillé un peu ensemble, j'avais fait un film sur lui, et la production ne voulait, on n'avait pas d'argent, donc on restait qu'en France, et puis il était joué son spectacle la première fois en Italie. Et moi je me suis débrouillé à trouver l'argent pour aller en Italie, avec mon ingénieur du son. Et quand il nous voit arriver dans son théâtre, il a des grands yeux. Il me dit, mais qu'est-ce que tu as ? Et on a passé trois jours où... Il me dit, vous ne me quittez plus. Donc on a passé les journées avec lui à le filmer pendant ses répétitions et pendant le spectacle. Il nous a emmenés le soir au restaurant. On était seul avec lui. Et il nous a raconté sa vie de théâtre. C'était génial. Il a senti quelque chose chez moi et puis chez mon copain, Généreux du son, qui m'accompagnait. Quelque chose... Je ne sais pas, il y a quelque chose qui fait que tout d'un coup ça attire et les aimants se collent. Comme moi, j'avais senti, c'est cet atome, une bienveillance, une écoute, une ouverture. Et ça, c'est la magie des rencontres. Et je crois qu'on peut vivre ça dans n'importe quel milieu, dans n'importe quel endroit, et dans n'importe quel lieu professionnel. Je crois qu'il suffit juste, alors peut-être si j'ai une qualité, c'est celle-là, d'avoir les yeux ouverts.

  • Speaker #0

    d'avoir les yeux ouverts de savoir voir les gens pour lesquels ça peut ça peut le faire la rencontre peut fonctionner mais tu as aussi un une qualité à les oui tu as une qualité à les détecter et une qualité aussi à te laisser approcher parce qu'autrement tu pourrais tu pourrais avoir peur dire C'est des gens trop intelligents, trop grands, trop célèbres, et dans ton parcours, quelles sont les personnalités connues que tu estimes avoir été des points de repère dans ta carrière ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, j'ai croisé des gens, j'ai beaucoup travaillé en télévision, donc j'ai croisé des gens de télé, beaucoup, pas forcément toujours des gens... passionnant, mais les gens qui m'ont attiré c'était des gens un peu ouais qui avaient un parcours un peu différent et puis en fait c'est l'empathie, c'est le regard, c'est des gens qui sont curieux et puis souvent des gens qui sont dans les rapports d'une simplicité déconcertante Il y a eu professionnellement à la télévision il y a eu Bernard Rapp il y a eu Claude Jean-Philippe, il y a eu puis d'abord il y a eu toi Patrice qui Voilà, je sentais que j'étais tout d'un coup, je pouvais m'exprimer, je pouvais... Parce que dans ces rencontres-là, quand j'étais gamin avec toi qui étais adulte, quand j'étais après réalisateur avec sa petite caméra, face à des monstres comme des monstres de théâtre, de télévision, etc., c'est très intimidant, mais ces gens font en sorte que tout se passe simplement et ont envie de partager. Et dans cette envie de partage, on est très très vite attrapé, et tout d'un coup ça devient très vite passionnant, parce que tout d'un coup on réalise que, bah oui, ok, il a vécu peut-être des choses différentes, mais en tout cas, il sait les entendre, il sait en parler, et il sait entendre ce que moi j'ai à dire. Donc tout d'un coup on se sent reconnu, valorisé, et puis le rapport s'équilibre. Donc moi ça m'a permis aussi, j'ai pas fait d'études secondaires, c'était un choix. parce que je voulais tout de suite vivre dans la passion qui m'attrapait, c'est-à-dire l'image et l'écriture de films.

  • Speaker #0

    Pas d'études supérieures, tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Pas d'études supérieures, oui. Enfin, après le bac, quoi.

  • Speaker #0

    Le secondaire, tu en as fait.

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai fait, oui. Péniblement, mais j'en ai fait. Mais après le bac, oui, c'était... Il faut que j'arrive à rentrer dans ce monde où il se passe des choses. Je restais sur les bancs d'une université. Ça m'a manqué, après, plus tard, mais... Je me disais mais non c'est pas là que ça se passe, c'est pas là, c'est ailleurs. Et mon arrivée à Paris comme tout petit provincial, découvrant des gens, j'ai forcé les portes de la SFP, je me suis retrouvé en fait assez vite face à des gens qui m'ont dit mais c'est pas mal ce que tu fais, mais c'est bien, montre-moi ça, etc. Donc des gens ouverts. Et tout d'un coup je me dis mais en fait on n'a pas à avoir peur. Et dès qu'on lâche la peur, on a des ailes, on vole.

  • Speaker #0

    Des gens qui avaient besoin de toi. Moi je considère que tu m'as rendu un grand service, un service que personne ne m'avait rendu, en comprenant le projet Éclairment Public et en réalisant des choses concrètement. Et je pense que beaucoup des gens que tu as rencontrés, tu leur as rendu service. C'était un échange de compétences.

  • Speaker #1

    Parce que ça correspondait pour moi, ce projet était un projet que j'ai trouvé. extraordinaire, magnifique. Je me dis mais c'est génial ça. C'est génial. Tu m'avais épaté d'avoir conçu ce projet-là. Moi, au lycée, j'étais très militant. J'étais viré du lycée Jean Dauté parce que j'étais délégué de tous les élèves et que j'arrêtais pas de revendiquer des choses, etc. Donc ils ont fini par me virer. Donc j'avais cette trame en moi. J'avais ce besoin de revendiquer, de... d'aller vers ceux qui se sentaient les plus fragiles. Et le projet Écrivain Public Audiovisuel, c'était ça, c'était donner la parole à des gens qui ne l'ont jamais. Donc on a fait des choses super intéressantes, et puis c'était des films qui se préparaient, il y avait six mois de travail, on donnait nos outils audiovisuels à des gens qui on leur apprenait aussi à s'en servir et à communiquer. Et ces projets-là, et moi je m'en suis servi toute ma vie, ça veut dire que dans tous les films que j'ai faits, C'était avec cette écoute, c'était avec la possibilité de me dire tout d'un coup, mais le type qui est au fin fond de l'Amazonie, qui ne s'est jamais vu en photo, ça m'est arrivé, un type qui était une famille, qui ne s'était jamais vu en photo, ils ont des choses à dire, ils avaient des choses à revendiquer, ils avaient des choses à partager, et bien moi j'entendais le micro et la caméra pour que cette parole existe. Alors c'était modeste, mais ça contribue je crois à... à faire que les individus se comprennent un peu mieux et Dieu sait qu'on a besoin de ça.

  • Speaker #0

    Bon, alors ça ne m'explique pas pourquoi, en fait, il y a quand même eu beaucoup de ruptures dans ton parcours professionnel, je ne parle que de ça, de ruptures et de changements. Et quand on voit ton itinéraire, on a l'impression que tu as suivi une ligne, je ne dirais pas une ligne droite, mais une ligne qui a du sens. Et tu penses que le fil conducteur de ton parcours c'est quoi ? Parce que le théâtre c'est pas la photo, c'est pas la vidéo, c'est pas la télé, c'est pas le créave, c'est pas... tout ça c'est quand même des métiers, des situations différentes, des environnements différents. Qu'est-ce qu'a fait l'unité quand je dis c'est signé, ça y est, pour moi la vie elle est signée. François Ausha, ça a sa cohérence.

  • Speaker #1

    La ligne directrice, j'espère que ce n'est pas trop prétentieux ce que je vais dire, mais la ligne directrice c'est capter le regard de l'autre. Alors c'est aussi me nourrir moi, c'est-à-dire exister moi aussi dans cette relation. Donc mon égo ressort et je dis, mais attendez, regardez-moi aussi, mais moi je le regarde. Donc c'est vraiment un échange. Quand je filme quelqu'un, j'essaie de faire en sorte qu'il se sente le plus à l'aise possible. qu'ils soient le mieux filmés dans une jolie lumière généralement d'ailleurs je privilégie les lumières naturelles et j'en rajoute pas parce que j'ai envie qu'ils apparaissent comme ils sont et si un interview ce qui arrive souvent quelqu'un me dit ah là là mais c'est chouette moi j'ai j'avais peur etc mais là j'ai pu dire ce que je voulais c'est le plus beau des cadeaux alors ça se travaille ça se prépare les la formation que j'ai eu en grande partie partie avec toi. Ces techniques de communication, c'est-à-dire à faire accoucher la parole, ça m'a aidé à faire en sorte que ces gens me parlent et se sentent à l'aise, se sentent libres, se sentent en confiance. Mais c'est des rapports humains qui me paraissent évidents. C'est-à-dire être en confiance, c'est de l'anti-Trump à la Maison Blanche, si je vais être dans l'actualité. C'est-à-dire, c'est juste dire que l'autre a des choses à nous apprendre et à nous apporter.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas inutile à rappeler en ce moment. Donc, on pourrait dire que c'est ça le fil conducteur, c'est un intérêt pour l'autre, et puis le fait que tu sais renvoyer à l'autre le fait qu'il est intéressant, le fait qu'il a...

  • Speaker #1

    Il est passionnant, il a un univers. N'importe qui, tous les gens que j'ai pu rencontrer ont un univers, ont quelque chose de... que je trouve admirable. Il faut juste aller le gratter un peu, aller le chercher. Mais j'ai fait des films sur des situations, sur des gens tout simples, sur des... Les gens qui m'ont le plus touché, d'ailleurs, c'est pas forcément des gens qui avaient déjà un parcours énorme. Il y a des gens qui ont une vie simple, mais qui racontent des choses formidables, ou qui font des choses formidables.

  • Speaker #0

    Y compris les gens de la mafia ?

  • Speaker #1

    Alors eux, c'était un peu plus compliqué. Ouais. Ça, c'était une série de films pour Disney Channel sur la mafia calabrèse. On ne les a pas trop approchés, les mafieux. Mais tous les juges qui bossaient, on a bossé beaucoup avec les juges d'instruction autour. C'est des gens qui risquent leur vie, mais qui y vont, parce qu'ils ont une croyance, parce qu'ils sont du coin, ils disent « mais moi, je veux libérer mon pays de cette gangrène et de cette merde absolue » . Donc ils y vont, au risque de leur vie. Et waouh ! Ça, c'est impressionnant. Et donner la parole à ces gens-là, c'est-à-dire leur dire, allez-y, exprimez-vous, que tout le monde sache un peu ce que vous faites, témoigner de leur engagement, est pour moi quelque chose de fondamental.

  • Speaker #0

    Donc, on pourrait dire que si tu devais identifier, isoler une qualité chez toi, tu dirais que c'est quoi ?

  • Speaker #1

    L'écoute.

  • Speaker #0

    L'écoute et... J'ajouterais la capacité à t'étonner quand même, à t'émerveiller, la capacité à plus que t'intéresser, mais à te laisser emporter par l'autre quel qu'il soit.

  • Speaker #1

    Je me souviens à l'école où je n'étais pas un très bon élève, je devenais un très bon élève quand le prof tout d'un coup avait une étincelle de génie. Il y a des profs qui m'ont fasciné. d'autres qui m'ont ennuyé mais certains m'ont fasciné et des copains, des gens qui tout d'un coup avaient

  • Speaker #0

    quelque chose de plus et moi je les regardais comme ça en disant waouh et là tout d'un coup j'étais intéressé bon donc c'est cette capacité d'émerveillement que tu dirais comme ton point fort et quand même comment expliques-tu que ça soit quelque chose de relativement rare en fait ça que les gens qui ont de l'intérêt pour les autres, ça soit relativement rare. Comment expliques-tu ça ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr que ce soit rare. Je ne suis pas sûr que ce soit rare, mais il y a un fait, c'est qu'on entend beaucoup plus ceux qui n'ont pas cet intérêt-là et qui sont uniquement tournés vers eux-mêmes, parce que ceux qui sont tournés uniquement vers eux-mêmes, je crois que c'est aussi nourri par la peur, et la peur engendre la voix forte. Et regardons les politiques autour de nous, ceux qui parlent le plus fort, ce sont les plus coupés des autres, il me semble.

  • Speaker #0

    Bon, donc François, je t'avais dit que je convoquerais à Entre Nous, j'introduirais un tiers, et ce tiers c'est l'IA, l'intelligence artificielle, qui m'intéresse beaucoup. Et donc, on va faire une expérience que je n'ai pas faite encore,

  • Speaker #1

    mais chouette,

  • Speaker #0

    que je trouve assez stimulante pour moi. J'ai proposé à Lia d'écouter le petit texte de présentation que j'ai rédigé pour toi. Et je lui dis, si tu avais en face de toi François, qu'est-ce que tu lui demanderais ? Et tu vas voir les questions qu'elle va te poser. Et je te préviens, l'IA n'a pas beaucoup d'inhibition.

  • Speaker #1

    J'ai très peur.

  • Speaker #0

    Bon, on va voir.

  • Speaker #2

    Ce rapport semble être traversé par des changements, théâtre, vidéo, peinture. As-tu eu un moment où tu t'es dit, là, je deviens vraiment moi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas l'activité qui me définit, je crois. C'est plutôt, encore une fois, c'est plutôt les gens que je rencontre quand je fais cette activité-là. Et là, je me dis, là, je suis auprès de ce que je ressens, auprès de ce que j'aime. Mais je ne crois pas que... Et puis, plus j'avance... et plus les activités s'accumulent et plus effectivement je me sens dans mon envie et je me sens plus complet, plus plein. Mais encore une fois, je crois que ce sont les rencontres qui me construisent, et non pas les activités.

  • Speaker #2

    Deuxième, entre les images qu'on montre et celles qu'on garde pour soi, où se cache selon toi la vérité d'un regard ? Dans tous ces projets, tous ces médiums, qu'est-ce qui ne change jamais en toi ?

  • Speaker #1

    Ce qui ne change jamais, je crois, c'est la curiosité. Et où se cache la vérité dans les regards ? C'est quand on sent qu'il y a une vraie communication avec l'autre. Pas forcément... Moi, il m'est arrivé des trucs incroyables. J'étais, je ne sais plus, c'était la Bolivie ou la... Je ne sais plus. Guatemala peut-être, je ne sais plus. Au fin fond de la forêt, on était dans un village avec un type qui ne m'a jamais mis de chaussures de sa vie, il avait les pieds palmés. Et puis on a passé la journée ensemble, il ne parlait pas espagnol. De toute façon, je ne parle pas espagnol, mais le traducteur ne pouvait pas traduire ce qu'il disait, ou très très mal, très peu. Il nous a promenés toute la journée, et je ne sais pas, on se regardait, il y avait quelque chose, et en fin de journée, on s'est dit au revoir, et il m'a pris dans ses bras, j'ai pris dans les miens, et puis on s'est dit On s'est échangé, espèce d'accolade super fraternelle. On n'a pas communiqué par la parole, on a communiqué par autre chose. On était l'un avec l'autre, en tout cas dans cette journée, très très liés, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Dès quand les mots ou les fils ne suffisent plus ?

  • Speaker #1

    Exactement. C'est un retour silencieux aux sources, mais j'adore dans la peinture, ce que j'aime beaucoup, c'est faire les yeux, c'est-à-dire donner un regard profond. Alors souvent les gens me disent, en ce moment surtout, où je peins pas mal, les gens me disent « Ah ouais, mais il est triste ton portrait » . En fait, je sais pas, des fois oui, c'est de la nostalgie, des fois c'est « Est-ce qu'on passe notre temps à se marrer toute la journée ? » Je crois pas. Donc j'essaie de retranscrire ça. Alors effectivement, il y a des moments un peu tristounés, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment que ce regard soit percutant, qu'il nous accroche et qu'il nous parle, qu'il nous interpelle. Ça, c'est ce que j'essaie de faire en peinture. Et puis c'est ce qui m'amuse.

  • Speaker #2

    Et toi aujourd'hui, qu'as-tu encore envie de dire de toi que tu n'as jamais osé monter ?

  • Speaker #1

    Ça passe par la peinture justement. Ça passe par essayer de construire un visage, construire un regard, construire un autre que j'ai déjà croisé, qui m'a déjà touché. Mais il faut que ce visage me touche, ce visage me parle. Et c'est comme ça que je monte, il me semble. D'ailleurs je le sens, parce que j'ai toujours la trouille de montrer ce que je fais. C'est comme ça, il me semble, que je me mets le plus à nu.

  • Speaker #2

    As-tu l'impression que tu construis une œuvre, ou est-ce que c'est juste ta manière d'habiter le monde ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est juste une façon de suivre le chemin. Mais dans la peinture, il me vient quand même toujours l'idée que... Ah, mais quand même... Quand je ne serai plus là, la peinture restera. Je n'y pense pas du tout sur les marques audiovisuelles que je peux laisser. Mais sur la peinture, oui. Tiens, il y a le tableau de Pépé qui est encore accroché au mur. Il va falloir le dépoussiérer. Il y a cette idée-là. Je ne sais pas pourquoi. Enfin si, c'est laisser une marque. Peut-être très prétentieux ça, de laisser une marque. Mais en tout cas, oui, ça me plaît bien ça.

  • Speaker #2

    Enfin François, qu'est-ce que tu remets à demain et qu'il serait temps de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Eh bien, peut-être prendre le temps, prendre le temps un peu plus de regarder. Alors quand je peins, je prends le temps de regarder ce que je fais. Et c'est une vraie méditation. Mais dans tout ce que... Dans le travail sur l'image, le travail sur la vidéo, le travail sur le film, ça va toujours très vite. Et prendre le temps, c'est mieux regarder. Donc effectivement, il faudrait aujourd'hui que j'apprenne un peu à être plus patient et prendre plus de temps pour faire ce qui me touche, ce qui me plaît et peut-être aller de ce fait plus profondément dans les sujets que je peins, que je traite.

  • Speaker #0

    bien merci en soit pour de tête prêtée au jeu de ce portrait à plusieurs interviewers et tu n'as peut-être pas l'habitude de discuter avec l'ia mais c'est une je pense que je poursuivrai dans et maintenant je poursuivrai cette cette tentative parce que ce sont des questions d'un autre ordre que celle que j'aurais pu poser ou que un humain pourrait poser. Et ça questionne quand même beaucoup cette histoire d'IA, cette histoire de qu'est-ce qui fait qu'elle parle comme moi, mais elle ne parle pas comme moi, elle est comme moi, mais elle n'est pas comme moi, elle est intelligente comme moi, plus intelligente que moi. Et qu'est-ce que je vais faire avec ça ? Tout ça, c'est des questions qui me passionnent.

  • Speaker #1

    Et elle trouble dans son... dans son rapport à l'autre on a vraiment le sentiment de parler à quelqu'un et du coup quand je parlais d'empathie tout à l'heure moi j'ai de l'empathie pour cette voie là et alors que c'est une machine et c'est ce qui fait que quand on arrête on s'excuse on dit excusez moi bon je

  • Speaker #0

    vais couper je vais aller manger donc tu es on le considère vraiment comme une personne et ce dialogue avec cette personne machine c'est vraiment quelque chose qui est Très troublant et qui n'a pas fini de nous interroger pour les maintenant à venir. Bien, François Chaillet, j'ai été très heureux de te retrouver et de te donner la parole pour ce podcast.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'y avoir invité.

  • Speaker #0

    À très bientôt, François.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Si ce podcast vous a intéressé, si d'aventure vous étiez tenté à l'idée de faire partager votre itinéraire, votre trajectoire peuplée de « et maintenant » , n'hésitez pas à me contacter patricemarcade.com. A très bientôt !

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Description

Un certain regard – François Chayé

Dans cet épisode, je retrouve François Chayé, autrefois mon élève. Depuis, les années ont passé… et son regard s’est enrichi. Photographe, réalisateur, aujourd’hui peintre, François a changé d’outil, plusieurs fois. Mais jamais d’élan intérieur.


Il ne parle pas de parcours « réussi ». Il parle de virages, de bifurcations, de ces moments où l’on se demande : Et main-tenant ?

À chaque réponse, un geste créatif : filmer, capter, peindre. Toujours avec pudeur. Toujours avec justesse.


Cet échange est un portrait, oui — mais c’est surtout une rencontre.

Une conversation sur la transmission, la liberté de choisir sa voie, et la beauté des chemins non tracés.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et à chacun, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir les étapes du changement. Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance d'un ami très cher, d'un artiste, François Ausha de La Rochelle. Je rencontre François fin des années 70 alors qu'il est encore élève au collège Fenelon. A l'époque, j'anime des ateliers d'initiation à l'audiovisuel pour le créave. Il se distingue aussitôt, regard précis, sens du montage et sens de l'humour. Cette gentillesse tranquille qui rend la relation facile. Il étudie le droit et découvre qu'il peut s'exprimer autrement. par l'image. Premier et maintenant. Il rejoint l'atelier que j'ai mis en place pour les élèves les plus motivés. Très vite, il entre au créave et réalise ses premiers films. Il comprend le sens de mon projet d'écrivain public audiovisuel destiné à donner la parole aux invisibles. Il emprunte sans l'importance sociale et s'y engage avec énergie et talent. De là naissent des films tels que Mireille fin 83, Peinture mûre et château d'eau, Lettres ouvertes aux enseignants ou L'intelligence mal placée et autres. Des films, juste de mon point de vue, incisifs, qui contribuent au début des années 80 à tenter de faire un pont entre les citoyens et leurs élus. Puis vient un autre moment de bascule. Et maintenant, il faut partir. François quitte la Rochelle pour Paris. Il explore d'autres formes. Il monte sur scène, fait du théâtre avec son ami de jeunesse Stéphane Mallard. Il laisse la ville portuaire pour la ville monde, sans jamais renier ses attaches. Sa carrière s'oriente vers la télévision. Canal+, France 3. François devient documentariste. Il voyage, capte... Assemble, il n'explique pas, il donne à voir. On se retrouve pour un film au Mali, autour d'un projet de coopération originale. Nouvelle étape, la parole documentaire devient exploration, rencontre, lien. Caméra au point, il parcourt le monde, Palerme, Buenos Aires. Puis plus tard, un « et maintenant » plus intime, celui du geste. À l'image numérique, François ajoute la matière. Il peint, il expose à Paris, à La Rochelle, dans l'île dorée. Il change encore, mais sans se renier. Son regard s'élargit, sa main devient miroir. Il peint des portraits de femmes qui regardent au-delà de ce qu'elles voient. Et maintenant ? Et maintenant, il n'abandonne pas le film. Aujourd'hui encore, il prépare pour France 5, dans la série des maisons d'artistes, un documentaire sur celle de Pierre Lottie, dont on célèbre l'ouverture, après cinq années de restauration. Voilà, François, j'ai brossé à grands traits ton parcours, tu vas pouvoir me corriger, me compléter, mais ce que je souhaite surtout, c'est que tu confies à nos auditeurs comment tu as réussi à donner à ce parcours plein de... Et maintenant, donc, de redécision, comment as-tu pu donner cette cohérence, ce côté stylé, ce signé chaillé ?

  • Speaker #1

    Ma première réaction c'est, je ne sais pas, je suis très fier, très honoré de ce que tu viens de dire et venant de toi, ça me touche beaucoup. Moi je reprendrais l'expression « main tenue » aussi, parce qu'en fait, tout au long de ce parcours, depuis La Rochelle jusqu'à Paris, j'ai beaucoup travaillé à Paris et beaucoup voyagé dans le monde pour aller filmer. d'autres cultures, d'autres civilisations, d'autres regards. J'ai toujours eu face à moi des mains tenues, qui m'ont tenu la mienne et qui m'ont montré. Donc mon travail était toujours de capter ces moments-là et de capter ces gens qui venaient, qui me montraient quelque chose, leur façon de vivre, leur façon de leur culture ou leur savoir. Quand j'étais face à Jean Mallory, quand j'étais face à Roger Planchon, quand j'étais face à tous ces gens-là, moi j'étais une éponge. Je pense que j'ai passé ma vie professionnelle à être une éponge. Et de temps en temps, essorais cette éponge pour faire couler dans l'assiette un liquide qui essayait le plus possible de ressembler à la pensée des gens qui s'étaient confiés à moi. Donc c'est vraiment la main tenue et j'ai retrouvé ça en fin de... j'ai 64 ans aujourd'hui donc un peu retiré des voitures on dit, des camions, des wagons, enfin un peu à moitié avec moins d'activité. Et quand des plus jeunes m'appellent, ça m'arrive relativement souvent, et bien j'essaye de rendre ça, de leur prendre la main et leur dire, regarde tu peux faire comme ça ou tu peux faire comme ci. tu peux aller dans ce sens là etc en essayant toujours comme tu as toi tu as su le faire et comme d'autres gens que j'ai rencontré en respectant toujours ce qu'ils sont et toi tu as respecté ce que j'étais au départ en me laissant en m'amenant en me tenant la main mais en donnant une grande liberté et moi j'ai jamais eu l'impression de de suivre un chemin pré établi j'ai toujours été là où je voulais aller sauf que ces chemins étaient quand même très balisés par ces gens qui m'ont guidé tout au long de mon chemin professionnel.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une caractéristique, c'est que tu as su saisir les mains tendues, tu as su les tenir, mais comment expliques-tu que dans ton parcours, il y ait eu autant de mains bienveillantes et de mains... quelquefois très célèbre de gens importants, comment expliques-tu que tu aies suscité leur attention, leur bienveillance ? Qu'est-ce qu'il y a chez toi qui fait que ça match, alors que plein de gens diront, moi j'ai traversé la vie et personne ne m'a tendu la main ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je retournerai la comparaison. Moi je dirais, qu'est-ce qu'il y a chez eux ? Parce que ces gens qui m'ont apporté quelque chose, moi je les ai regardés et je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'étonnant. Je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'un peu magique et ça m'a toujours attiré. Les personnages un peu froids, des gens que je crois le sentir tout de suite, je pense que les gens qui m'attirent le sentent tout de suite aussi. Il y a un rapport qui est un rapport magique. Il y a un rapport qui est comme dans le rapport amoureux, c'est-à-dire tout d'un coup on se sent. Je reprends Roger Planchon par exemple, parce que c'était une des belles rencontres de ma vie. Roger Planchon un jour il me dit, alors qu'on s'était vu, on avait travaillé un peu ensemble, j'avais fait un film sur lui, et la production ne voulait, on n'avait pas d'argent, donc on restait qu'en France, et puis il était joué son spectacle la première fois en Italie. Et moi je me suis débrouillé à trouver l'argent pour aller en Italie, avec mon ingénieur du son. Et quand il nous voit arriver dans son théâtre, il a des grands yeux. Il me dit, mais qu'est-ce que tu as ? Et on a passé trois jours où... Il me dit, vous ne me quittez plus. Donc on a passé les journées avec lui à le filmer pendant ses répétitions et pendant le spectacle. Il nous a emmenés le soir au restaurant. On était seul avec lui. Et il nous a raconté sa vie de théâtre. C'était génial. Il a senti quelque chose chez moi et puis chez mon copain, Généreux du son, qui m'accompagnait. Quelque chose... Je ne sais pas, il y a quelque chose qui fait que tout d'un coup ça attire et les aimants se collent. Comme moi, j'avais senti, c'est cet atome, une bienveillance, une écoute, une ouverture. Et ça, c'est la magie des rencontres. Et je crois qu'on peut vivre ça dans n'importe quel milieu, dans n'importe quel endroit, et dans n'importe quel lieu professionnel. Je crois qu'il suffit juste, alors peut-être si j'ai une qualité, c'est celle-là, d'avoir les yeux ouverts.

  • Speaker #0

    d'avoir les yeux ouverts de savoir voir les gens pour lesquels ça peut ça peut le faire la rencontre peut fonctionner mais tu as aussi un une qualité à les oui tu as une qualité à les détecter et une qualité aussi à te laisser approcher parce qu'autrement tu pourrais tu pourrais avoir peur dire C'est des gens trop intelligents, trop grands, trop célèbres, et dans ton parcours, quelles sont les personnalités connues que tu estimes avoir été des points de repère dans ta carrière ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, j'ai croisé des gens, j'ai beaucoup travaillé en télévision, donc j'ai croisé des gens de télé, beaucoup, pas forcément toujours des gens... passionnant, mais les gens qui m'ont attiré c'était des gens un peu ouais qui avaient un parcours un peu différent et puis en fait c'est l'empathie, c'est le regard, c'est des gens qui sont curieux et puis souvent des gens qui sont dans les rapports d'une simplicité déconcertante Il y a eu professionnellement à la télévision il y a eu Bernard Rapp il y a eu Claude Jean-Philippe, il y a eu puis d'abord il y a eu toi Patrice qui Voilà, je sentais que j'étais tout d'un coup, je pouvais m'exprimer, je pouvais... Parce que dans ces rencontres-là, quand j'étais gamin avec toi qui étais adulte, quand j'étais après réalisateur avec sa petite caméra, face à des monstres comme des monstres de théâtre, de télévision, etc., c'est très intimidant, mais ces gens font en sorte que tout se passe simplement et ont envie de partager. Et dans cette envie de partage, on est très très vite attrapé, et tout d'un coup ça devient très vite passionnant, parce que tout d'un coup on réalise que, bah oui, ok, il a vécu peut-être des choses différentes, mais en tout cas, il sait les entendre, il sait en parler, et il sait entendre ce que moi j'ai à dire. Donc tout d'un coup on se sent reconnu, valorisé, et puis le rapport s'équilibre. Donc moi ça m'a permis aussi, j'ai pas fait d'études secondaires, c'était un choix. parce que je voulais tout de suite vivre dans la passion qui m'attrapait, c'est-à-dire l'image et l'écriture de films.

  • Speaker #0

    Pas d'études supérieures, tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Pas d'études supérieures, oui. Enfin, après le bac, quoi.

  • Speaker #0

    Le secondaire, tu en as fait.

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai fait, oui. Péniblement, mais j'en ai fait. Mais après le bac, oui, c'était... Il faut que j'arrive à rentrer dans ce monde où il se passe des choses. Je restais sur les bancs d'une université. Ça m'a manqué, après, plus tard, mais... Je me disais mais non c'est pas là que ça se passe, c'est pas là, c'est ailleurs. Et mon arrivée à Paris comme tout petit provincial, découvrant des gens, j'ai forcé les portes de la SFP, je me suis retrouvé en fait assez vite face à des gens qui m'ont dit mais c'est pas mal ce que tu fais, mais c'est bien, montre-moi ça, etc. Donc des gens ouverts. Et tout d'un coup je me dis mais en fait on n'a pas à avoir peur. Et dès qu'on lâche la peur, on a des ailes, on vole.

  • Speaker #0

    Des gens qui avaient besoin de toi. Moi je considère que tu m'as rendu un grand service, un service que personne ne m'avait rendu, en comprenant le projet Éclairment Public et en réalisant des choses concrètement. Et je pense que beaucoup des gens que tu as rencontrés, tu leur as rendu service. C'était un échange de compétences.

  • Speaker #1

    Parce que ça correspondait pour moi, ce projet était un projet que j'ai trouvé. extraordinaire, magnifique. Je me dis mais c'est génial ça. C'est génial. Tu m'avais épaté d'avoir conçu ce projet-là. Moi, au lycée, j'étais très militant. J'étais viré du lycée Jean Dauté parce que j'étais délégué de tous les élèves et que j'arrêtais pas de revendiquer des choses, etc. Donc ils ont fini par me virer. Donc j'avais cette trame en moi. J'avais ce besoin de revendiquer, de... d'aller vers ceux qui se sentaient les plus fragiles. Et le projet Écrivain Public Audiovisuel, c'était ça, c'était donner la parole à des gens qui ne l'ont jamais. Donc on a fait des choses super intéressantes, et puis c'était des films qui se préparaient, il y avait six mois de travail, on donnait nos outils audiovisuels à des gens qui on leur apprenait aussi à s'en servir et à communiquer. Et ces projets-là, et moi je m'en suis servi toute ma vie, ça veut dire que dans tous les films que j'ai faits, C'était avec cette écoute, c'était avec la possibilité de me dire tout d'un coup, mais le type qui est au fin fond de l'Amazonie, qui ne s'est jamais vu en photo, ça m'est arrivé, un type qui était une famille, qui ne s'était jamais vu en photo, ils ont des choses à dire, ils avaient des choses à revendiquer, ils avaient des choses à partager, et bien moi j'entendais le micro et la caméra pour que cette parole existe. Alors c'était modeste, mais ça contribue je crois à... à faire que les individus se comprennent un peu mieux et Dieu sait qu'on a besoin de ça.

  • Speaker #0

    Bon, alors ça ne m'explique pas pourquoi, en fait, il y a quand même eu beaucoup de ruptures dans ton parcours professionnel, je ne parle que de ça, de ruptures et de changements. Et quand on voit ton itinéraire, on a l'impression que tu as suivi une ligne, je ne dirais pas une ligne droite, mais une ligne qui a du sens. Et tu penses que le fil conducteur de ton parcours c'est quoi ? Parce que le théâtre c'est pas la photo, c'est pas la vidéo, c'est pas la télé, c'est pas le créave, c'est pas... tout ça c'est quand même des métiers, des situations différentes, des environnements différents. Qu'est-ce qu'a fait l'unité quand je dis c'est signé, ça y est, pour moi la vie elle est signée. François Ausha, ça a sa cohérence.

  • Speaker #1

    La ligne directrice, j'espère que ce n'est pas trop prétentieux ce que je vais dire, mais la ligne directrice c'est capter le regard de l'autre. Alors c'est aussi me nourrir moi, c'est-à-dire exister moi aussi dans cette relation. Donc mon égo ressort et je dis, mais attendez, regardez-moi aussi, mais moi je le regarde. Donc c'est vraiment un échange. Quand je filme quelqu'un, j'essaie de faire en sorte qu'il se sente le plus à l'aise possible. qu'ils soient le mieux filmés dans une jolie lumière généralement d'ailleurs je privilégie les lumières naturelles et j'en rajoute pas parce que j'ai envie qu'ils apparaissent comme ils sont et si un interview ce qui arrive souvent quelqu'un me dit ah là là mais c'est chouette moi j'ai j'avais peur etc mais là j'ai pu dire ce que je voulais c'est le plus beau des cadeaux alors ça se travaille ça se prépare les la formation que j'ai eu en grande partie partie avec toi. Ces techniques de communication, c'est-à-dire à faire accoucher la parole, ça m'a aidé à faire en sorte que ces gens me parlent et se sentent à l'aise, se sentent libres, se sentent en confiance. Mais c'est des rapports humains qui me paraissent évidents. C'est-à-dire être en confiance, c'est de l'anti-Trump à la Maison Blanche, si je vais être dans l'actualité. C'est-à-dire, c'est juste dire que l'autre a des choses à nous apprendre et à nous apporter.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas inutile à rappeler en ce moment. Donc, on pourrait dire que c'est ça le fil conducteur, c'est un intérêt pour l'autre, et puis le fait que tu sais renvoyer à l'autre le fait qu'il est intéressant, le fait qu'il a...

  • Speaker #1

    Il est passionnant, il a un univers. N'importe qui, tous les gens que j'ai pu rencontrer ont un univers, ont quelque chose de... que je trouve admirable. Il faut juste aller le gratter un peu, aller le chercher. Mais j'ai fait des films sur des situations, sur des gens tout simples, sur des... Les gens qui m'ont le plus touché, d'ailleurs, c'est pas forcément des gens qui avaient déjà un parcours énorme. Il y a des gens qui ont une vie simple, mais qui racontent des choses formidables, ou qui font des choses formidables.

  • Speaker #0

    Y compris les gens de la mafia ?

  • Speaker #1

    Alors eux, c'était un peu plus compliqué. Ouais. Ça, c'était une série de films pour Disney Channel sur la mafia calabrèse. On ne les a pas trop approchés, les mafieux. Mais tous les juges qui bossaient, on a bossé beaucoup avec les juges d'instruction autour. C'est des gens qui risquent leur vie, mais qui y vont, parce qu'ils ont une croyance, parce qu'ils sont du coin, ils disent « mais moi, je veux libérer mon pays de cette gangrène et de cette merde absolue » . Donc ils y vont, au risque de leur vie. Et waouh ! Ça, c'est impressionnant. Et donner la parole à ces gens-là, c'est-à-dire leur dire, allez-y, exprimez-vous, que tout le monde sache un peu ce que vous faites, témoigner de leur engagement, est pour moi quelque chose de fondamental.

  • Speaker #0

    Donc, on pourrait dire que si tu devais identifier, isoler une qualité chez toi, tu dirais que c'est quoi ?

  • Speaker #1

    L'écoute.

  • Speaker #0

    L'écoute et... J'ajouterais la capacité à t'étonner quand même, à t'émerveiller, la capacité à plus que t'intéresser, mais à te laisser emporter par l'autre quel qu'il soit.

  • Speaker #1

    Je me souviens à l'école où je n'étais pas un très bon élève, je devenais un très bon élève quand le prof tout d'un coup avait une étincelle de génie. Il y a des profs qui m'ont fasciné. d'autres qui m'ont ennuyé mais certains m'ont fasciné et des copains, des gens qui tout d'un coup avaient

  • Speaker #0

    quelque chose de plus et moi je les regardais comme ça en disant waouh et là tout d'un coup j'étais intéressé bon donc c'est cette capacité d'émerveillement que tu dirais comme ton point fort et quand même comment expliques-tu que ça soit quelque chose de relativement rare en fait ça que les gens qui ont de l'intérêt pour les autres, ça soit relativement rare. Comment expliques-tu ça ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr que ce soit rare. Je ne suis pas sûr que ce soit rare, mais il y a un fait, c'est qu'on entend beaucoup plus ceux qui n'ont pas cet intérêt-là et qui sont uniquement tournés vers eux-mêmes, parce que ceux qui sont tournés uniquement vers eux-mêmes, je crois que c'est aussi nourri par la peur, et la peur engendre la voix forte. Et regardons les politiques autour de nous, ceux qui parlent le plus fort, ce sont les plus coupés des autres, il me semble.

  • Speaker #0

    Bon, donc François, je t'avais dit que je convoquerais à Entre Nous, j'introduirais un tiers, et ce tiers c'est l'IA, l'intelligence artificielle, qui m'intéresse beaucoup. Et donc, on va faire une expérience que je n'ai pas faite encore,

  • Speaker #1

    mais chouette,

  • Speaker #0

    que je trouve assez stimulante pour moi. J'ai proposé à Lia d'écouter le petit texte de présentation que j'ai rédigé pour toi. Et je lui dis, si tu avais en face de toi François, qu'est-ce que tu lui demanderais ? Et tu vas voir les questions qu'elle va te poser. Et je te préviens, l'IA n'a pas beaucoup d'inhibition.

  • Speaker #1

    J'ai très peur.

  • Speaker #0

    Bon, on va voir.

  • Speaker #2

    Ce rapport semble être traversé par des changements, théâtre, vidéo, peinture. As-tu eu un moment où tu t'es dit, là, je deviens vraiment moi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas l'activité qui me définit, je crois. C'est plutôt, encore une fois, c'est plutôt les gens que je rencontre quand je fais cette activité-là. Et là, je me dis, là, je suis auprès de ce que je ressens, auprès de ce que j'aime. Mais je ne crois pas que... Et puis, plus j'avance... et plus les activités s'accumulent et plus effectivement je me sens dans mon envie et je me sens plus complet, plus plein. Mais encore une fois, je crois que ce sont les rencontres qui me construisent, et non pas les activités.

  • Speaker #2

    Deuxième, entre les images qu'on montre et celles qu'on garde pour soi, où se cache selon toi la vérité d'un regard ? Dans tous ces projets, tous ces médiums, qu'est-ce qui ne change jamais en toi ?

  • Speaker #1

    Ce qui ne change jamais, je crois, c'est la curiosité. Et où se cache la vérité dans les regards ? C'est quand on sent qu'il y a une vraie communication avec l'autre. Pas forcément... Moi, il m'est arrivé des trucs incroyables. J'étais, je ne sais plus, c'était la Bolivie ou la... Je ne sais plus. Guatemala peut-être, je ne sais plus. Au fin fond de la forêt, on était dans un village avec un type qui ne m'a jamais mis de chaussures de sa vie, il avait les pieds palmés. Et puis on a passé la journée ensemble, il ne parlait pas espagnol. De toute façon, je ne parle pas espagnol, mais le traducteur ne pouvait pas traduire ce qu'il disait, ou très très mal, très peu. Il nous a promenés toute la journée, et je ne sais pas, on se regardait, il y avait quelque chose, et en fin de journée, on s'est dit au revoir, et il m'a pris dans ses bras, j'ai pris dans les miens, et puis on s'est dit On s'est échangé, espèce d'accolade super fraternelle. On n'a pas communiqué par la parole, on a communiqué par autre chose. On était l'un avec l'autre, en tout cas dans cette journée, très très liés, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Dès quand les mots ou les fils ne suffisent plus ?

  • Speaker #1

    Exactement. C'est un retour silencieux aux sources, mais j'adore dans la peinture, ce que j'aime beaucoup, c'est faire les yeux, c'est-à-dire donner un regard profond. Alors souvent les gens me disent, en ce moment surtout, où je peins pas mal, les gens me disent « Ah ouais, mais il est triste ton portrait » . En fait, je sais pas, des fois oui, c'est de la nostalgie, des fois c'est « Est-ce qu'on passe notre temps à se marrer toute la journée ? » Je crois pas. Donc j'essaie de retranscrire ça. Alors effectivement, il y a des moments un peu tristounés, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment que ce regard soit percutant, qu'il nous accroche et qu'il nous parle, qu'il nous interpelle. Ça, c'est ce que j'essaie de faire en peinture. Et puis c'est ce qui m'amuse.

  • Speaker #2

    Et toi aujourd'hui, qu'as-tu encore envie de dire de toi que tu n'as jamais osé monter ?

  • Speaker #1

    Ça passe par la peinture justement. Ça passe par essayer de construire un visage, construire un regard, construire un autre que j'ai déjà croisé, qui m'a déjà touché. Mais il faut que ce visage me touche, ce visage me parle. Et c'est comme ça que je monte, il me semble. D'ailleurs je le sens, parce que j'ai toujours la trouille de montrer ce que je fais. C'est comme ça, il me semble, que je me mets le plus à nu.

  • Speaker #2

    As-tu l'impression que tu construis une œuvre, ou est-ce que c'est juste ta manière d'habiter le monde ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est juste une façon de suivre le chemin. Mais dans la peinture, il me vient quand même toujours l'idée que... Ah, mais quand même... Quand je ne serai plus là, la peinture restera. Je n'y pense pas du tout sur les marques audiovisuelles que je peux laisser. Mais sur la peinture, oui. Tiens, il y a le tableau de Pépé qui est encore accroché au mur. Il va falloir le dépoussiérer. Il y a cette idée-là. Je ne sais pas pourquoi. Enfin si, c'est laisser une marque. Peut-être très prétentieux ça, de laisser une marque. Mais en tout cas, oui, ça me plaît bien ça.

  • Speaker #2

    Enfin François, qu'est-ce que tu remets à demain et qu'il serait temps de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Eh bien, peut-être prendre le temps, prendre le temps un peu plus de regarder. Alors quand je peins, je prends le temps de regarder ce que je fais. Et c'est une vraie méditation. Mais dans tout ce que... Dans le travail sur l'image, le travail sur la vidéo, le travail sur le film, ça va toujours très vite. Et prendre le temps, c'est mieux regarder. Donc effectivement, il faudrait aujourd'hui que j'apprenne un peu à être plus patient et prendre plus de temps pour faire ce qui me touche, ce qui me plaît et peut-être aller de ce fait plus profondément dans les sujets que je peins, que je traite.

  • Speaker #0

    bien merci en soit pour de tête prêtée au jeu de ce portrait à plusieurs interviewers et tu n'as peut-être pas l'habitude de discuter avec l'ia mais c'est une je pense que je poursuivrai dans et maintenant je poursuivrai cette cette tentative parce que ce sont des questions d'un autre ordre que celle que j'aurais pu poser ou que un humain pourrait poser. Et ça questionne quand même beaucoup cette histoire d'IA, cette histoire de qu'est-ce qui fait qu'elle parle comme moi, mais elle ne parle pas comme moi, elle est comme moi, mais elle n'est pas comme moi, elle est intelligente comme moi, plus intelligente que moi. Et qu'est-ce que je vais faire avec ça ? Tout ça, c'est des questions qui me passionnent.

  • Speaker #1

    Et elle trouble dans son... dans son rapport à l'autre on a vraiment le sentiment de parler à quelqu'un et du coup quand je parlais d'empathie tout à l'heure moi j'ai de l'empathie pour cette voie là et alors que c'est une machine et c'est ce qui fait que quand on arrête on s'excuse on dit excusez moi bon je

  • Speaker #0

    vais couper je vais aller manger donc tu es on le considère vraiment comme une personne et ce dialogue avec cette personne machine c'est vraiment quelque chose qui est Très troublant et qui n'a pas fini de nous interroger pour les maintenant à venir. Bien, François Chaillet, j'ai été très heureux de te retrouver et de te donner la parole pour ce podcast.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'y avoir invité.

  • Speaker #0

    À très bientôt, François.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Si ce podcast vous a intéressé, si d'aventure vous étiez tenté à l'idée de faire partager votre itinéraire, votre trajectoire peuplée de « et maintenant » , n'hésitez pas à me contacter patricemarcade.com. A très bientôt !

Description

Un certain regard – François Chayé

Dans cet épisode, je retrouve François Chayé, autrefois mon élève. Depuis, les années ont passé… et son regard s’est enrichi. Photographe, réalisateur, aujourd’hui peintre, François a changé d’outil, plusieurs fois. Mais jamais d’élan intérieur.


Il ne parle pas de parcours « réussi ». Il parle de virages, de bifurcations, de ces moments où l’on se demande : Et main-tenant ?

À chaque réponse, un geste créatif : filmer, capter, peindre. Toujours avec pudeur. Toujours avec justesse.


Cet échange est un portrait, oui — mais c’est surtout une rencontre.

Une conversation sur la transmission, la liberté de choisir sa voie, et la beauté des chemins non tracés.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et à chacun, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir les étapes du changement. Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance d'un ami très cher, d'un artiste, François Ausha de La Rochelle. Je rencontre François fin des années 70 alors qu'il est encore élève au collège Fenelon. A l'époque, j'anime des ateliers d'initiation à l'audiovisuel pour le créave. Il se distingue aussitôt, regard précis, sens du montage et sens de l'humour. Cette gentillesse tranquille qui rend la relation facile. Il étudie le droit et découvre qu'il peut s'exprimer autrement. par l'image. Premier et maintenant. Il rejoint l'atelier que j'ai mis en place pour les élèves les plus motivés. Très vite, il entre au créave et réalise ses premiers films. Il comprend le sens de mon projet d'écrivain public audiovisuel destiné à donner la parole aux invisibles. Il emprunte sans l'importance sociale et s'y engage avec énergie et talent. De là naissent des films tels que Mireille fin 83, Peinture mûre et château d'eau, Lettres ouvertes aux enseignants ou L'intelligence mal placée et autres. Des films, juste de mon point de vue, incisifs, qui contribuent au début des années 80 à tenter de faire un pont entre les citoyens et leurs élus. Puis vient un autre moment de bascule. Et maintenant, il faut partir. François quitte la Rochelle pour Paris. Il explore d'autres formes. Il monte sur scène, fait du théâtre avec son ami de jeunesse Stéphane Mallard. Il laisse la ville portuaire pour la ville monde, sans jamais renier ses attaches. Sa carrière s'oriente vers la télévision. Canal+, France 3. François devient documentariste. Il voyage, capte... Assemble, il n'explique pas, il donne à voir. On se retrouve pour un film au Mali, autour d'un projet de coopération originale. Nouvelle étape, la parole documentaire devient exploration, rencontre, lien. Caméra au point, il parcourt le monde, Palerme, Buenos Aires. Puis plus tard, un « et maintenant » plus intime, celui du geste. À l'image numérique, François ajoute la matière. Il peint, il expose à Paris, à La Rochelle, dans l'île dorée. Il change encore, mais sans se renier. Son regard s'élargit, sa main devient miroir. Il peint des portraits de femmes qui regardent au-delà de ce qu'elles voient. Et maintenant ? Et maintenant, il n'abandonne pas le film. Aujourd'hui encore, il prépare pour France 5, dans la série des maisons d'artistes, un documentaire sur celle de Pierre Lottie, dont on célèbre l'ouverture, après cinq années de restauration. Voilà, François, j'ai brossé à grands traits ton parcours, tu vas pouvoir me corriger, me compléter, mais ce que je souhaite surtout, c'est que tu confies à nos auditeurs comment tu as réussi à donner à ce parcours plein de... Et maintenant, donc, de redécision, comment as-tu pu donner cette cohérence, ce côté stylé, ce signé chaillé ?

  • Speaker #1

    Ma première réaction c'est, je ne sais pas, je suis très fier, très honoré de ce que tu viens de dire et venant de toi, ça me touche beaucoup. Moi je reprendrais l'expression « main tenue » aussi, parce qu'en fait, tout au long de ce parcours, depuis La Rochelle jusqu'à Paris, j'ai beaucoup travaillé à Paris et beaucoup voyagé dans le monde pour aller filmer. d'autres cultures, d'autres civilisations, d'autres regards. J'ai toujours eu face à moi des mains tenues, qui m'ont tenu la mienne et qui m'ont montré. Donc mon travail était toujours de capter ces moments-là et de capter ces gens qui venaient, qui me montraient quelque chose, leur façon de vivre, leur façon de leur culture ou leur savoir. Quand j'étais face à Jean Mallory, quand j'étais face à Roger Planchon, quand j'étais face à tous ces gens-là, moi j'étais une éponge. Je pense que j'ai passé ma vie professionnelle à être une éponge. Et de temps en temps, essorais cette éponge pour faire couler dans l'assiette un liquide qui essayait le plus possible de ressembler à la pensée des gens qui s'étaient confiés à moi. Donc c'est vraiment la main tenue et j'ai retrouvé ça en fin de... j'ai 64 ans aujourd'hui donc un peu retiré des voitures on dit, des camions, des wagons, enfin un peu à moitié avec moins d'activité. Et quand des plus jeunes m'appellent, ça m'arrive relativement souvent, et bien j'essaye de rendre ça, de leur prendre la main et leur dire, regarde tu peux faire comme ça ou tu peux faire comme ci. tu peux aller dans ce sens là etc en essayant toujours comme tu as toi tu as su le faire et comme d'autres gens que j'ai rencontré en respectant toujours ce qu'ils sont et toi tu as respecté ce que j'étais au départ en me laissant en m'amenant en me tenant la main mais en donnant une grande liberté et moi j'ai jamais eu l'impression de de suivre un chemin pré établi j'ai toujours été là où je voulais aller sauf que ces chemins étaient quand même très balisés par ces gens qui m'ont guidé tout au long de mon chemin professionnel.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une caractéristique, c'est que tu as su saisir les mains tendues, tu as su les tenir, mais comment expliques-tu que dans ton parcours, il y ait eu autant de mains bienveillantes et de mains... quelquefois très célèbre de gens importants, comment expliques-tu que tu aies suscité leur attention, leur bienveillance ? Qu'est-ce qu'il y a chez toi qui fait que ça match, alors que plein de gens diront, moi j'ai traversé la vie et personne ne m'a tendu la main ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je retournerai la comparaison. Moi je dirais, qu'est-ce qu'il y a chez eux ? Parce que ces gens qui m'ont apporté quelque chose, moi je les ai regardés et je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'étonnant. Je trouvais qu'ils avaient quelque chose d'un peu magique et ça m'a toujours attiré. Les personnages un peu froids, des gens que je crois le sentir tout de suite, je pense que les gens qui m'attirent le sentent tout de suite aussi. Il y a un rapport qui est un rapport magique. Il y a un rapport qui est comme dans le rapport amoureux, c'est-à-dire tout d'un coup on se sent. Je reprends Roger Planchon par exemple, parce que c'était une des belles rencontres de ma vie. Roger Planchon un jour il me dit, alors qu'on s'était vu, on avait travaillé un peu ensemble, j'avais fait un film sur lui, et la production ne voulait, on n'avait pas d'argent, donc on restait qu'en France, et puis il était joué son spectacle la première fois en Italie. Et moi je me suis débrouillé à trouver l'argent pour aller en Italie, avec mon ingénieur du son. Et quand il nous voit arriver dans son théâtre, il a des grands yeux. Il me dit, mais qu'est-ce que tu as ? Et on a passé trois jours où... Il me dit, vous ne me quittez plus. Donc on a passé les journées avec lui à le filmer pendant ses répétitions et pendant le spectacle. Il nous a emmenés le soir au restaurant. On était seul avec lui. Et il nous a raconté sa vie de théâtre. C'était génial. Il a senti quelque chose chez moi et puis chez mon copain, Généreux du son, qui m'accompagnait. Quelque chose... Je ne sais pas, il y a quelque chose qui fait que tout d'un coup ça attire et les aimants se collent. Comme moi, j'avais senti, c'est cet atome, une bienveillance, une écoute, une ouverture. Et ça, c'est la magie des rencontres. Et je crois qu'on peut vivre ça dans n'importe quel milieu, dans n'importe quel endroit, et dans n'importe quel lieu professionnel. Je crois qu'il suffit juste, alors peut-être si j'ai une qualité, c'est celle-là, d'avoir les yeux ouverts.

  • Speaker #0

    d'avoir les yeux ouverts de savoir voir les gens pour lesquels ça peut ça peut le faire la rencontre peut fonctionner mais tu as aussi un une qualité à les oui tu as une qualité à les détecter et une qualité aussi à te laisser approcher parce qu'autrement tu pourrais tu pourrais avoir peur dire C'est des gens trop intelligents, trop grands, trop célèbres, et dans ton parcours, quelles sont les personnalités connues que tu estimes avoir été des points de repère dans ta carrière ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, j'ai croisé des gens, j'ai beaucoup travaillé en télévision, donc j'ai croisé des gens de télé, beaucoup, pas forcément toujours des gens... passionnant, mais les gens qui m'ont attiré c'était des gens un peu ouais qui avaient un parcours un peu différent et puis en fait c'est l'empathie, c'est le regard, c'est des gens qui sont curieux et puis souvent des gens qui sont dans les rapports d'une simplicité déconcertante Il y a eu professionnellement à la télévision il y a eu Bernard Rapp il y a eu Claude Jean-Philippe, il y a eu puis d'abord il y a eu toi Patrice qui Voilà, je sentais que j'étais tout d'un coup, je pouvais m'exprimer, je pouvais... Parce que dans ces rencontres-là, quand j'étais gamin avec toi qui étais adulte, quand j'étais après réalisateur avec sa petite caméra, face à des monstres comme des monstres de théâtre, de télévision, etc., c'est très intimidant, mais ces gens font en sorte que tout se passe simplement et ont envie de partager. Et dans cette envie de partage, on est très très vite attrapé, et tout d'un coup ça devient très vite passionnant, parce que tout d'un coup on réalise que, bah oui, ok, il a vécu peut-être des choses différentes, mais en tout cas, il sait les entendre, il sait en parler, et il sait entendre ce que moi j'ai à dire. Donc tout d'un coup on se sent reconnu, valorisé, et puis le rapport s'équilibre. Donc moi ça m'a permis aussi, j'ai pas fait d'études secondaires, c'était un choix. parce que je voulais tout de suite vivre dans la passion qui m'attrapait, c'est-à-dire l'image et l'écriture de films.

  • Speaker #0

    Pas d'études supérieures, tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Pas d'études supérieures, oui. Enfin, après le bac, quoi.

  • Speaker #0

    Le secondaire, tu en as fait.

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai fait, oui. Péniblement, mais j'en ai fait. Mais après le bac, oui, c'était... Il faut que j'arrive à rentrer dans ce monde où il se passe des choses. Je restais sur les bancs d'une université. Ça m'a manqué, après, plus tard, mais... Je me disais mais non c'est pas là que ça se passe, c'est pas là, c'est ailleurs. Et mon arrivée à Paris comme tout petit provincial, découvrant des gens, j'ai forcé les portes de la SFP, je me suis retrouvé en fait assez vite face à des gens qui m'ont dit mais c'est pas mal ce que tu fais, mais c'est bien, montre-moi ça, etc. Donc des gens ouverts. Et tout d'un coup je me dis mais en fait on n'a pas à avoir peur. Et dès qu'on lâche la peur, on a des ailes, on vole.

  • Speaker #0

    Des gens qui avaient besoin de toi. Moi je considère que tu m'as rendu un grand service, un service que personne ne m'avait rendu, en comprenant le projet Éclairment Public et en réalisant des choses concrètement. Et je pense que beaucoup des gens que tu as rencontrés, tu leur as rendu service. C'était un échange de compétences.

  • Speaker #1

    Parce que ça correspondait pour moi, ce projet était un projet que j'ai trouvé. extraordinaire, magnifique. Je me dis mais c'est génial ça. C'est génial. Tu m'avais épaté d'avoir conçu ce projet-là. Moi, au lycée, j'étais très militant. J'étais viré du lycée Jean Dauté parce que j'étais délégué de tous les élèves et que j'arrêtais pas de revendiquer des choses, etc. Donc ils ont fini par me virer. Donc j'avais cette trame en moi. J'avais ce besoin de revendiquer, de... d'aller vers ceux qui se sentaient les plus fragiles. Et le projet Écrivain Public Audiovisuel, c'était ça, c'était donner la parole à des gens qui ne l'ont jamais. Donc on a fait des choses super intéressantes, et puis c'était des films qui se préparaient, il y avait six mois de travail, on donnait nos outils audiovisuels à des gens qui on leur apprenait aussi à s'en servir et à communiquer. Et ces projets-là, et moi je m'en suis servi toute ma vie, ça veut dire que dans tous les films que j'ai faits, C'était avec cette écoute, c'était avec la possibilité de me dire tout d'un coup, mais le type qui est au fin fond de l'Amazonie, qui ne s'est jamais vu en photo, ça m'est arrivé, un type qui était une famille, qui ne s'était jamais vu en photo, ils ont des choses à dire, ils avaient des choses à revendiquer, ils avaient des choses à partager, et bien moi j'entendais le micro et la caméra pour que cette parole existe. Alors c'était modeste, mais ça contribue je crois à... à faire que les individus se comprennent un peu mieux et Dieu sait qu'on a besoin de ça.

  • Speaker #0

    Bon, alors ça ne m'explique pas pourquoi, en fait, il y a quand même eu beaucoup de ruptures dans ton parcours professionnel, je ne parle que de ça, de ruptures et de changements. Et quand on voit ton itinéraire, on a l'impression que tu as suivi une ligne, je ne dirais pas une ligne droite, mais une ligne qui a du sens. Et tu penses que le fil conducteur de ton parcours c'est quoi ? Parce que le théâtre c'est pas la photo, c'est pas la vidéo, c'est pas la télé, c'est pas le créave, c'est pas... tout ça c'est quand même des métiers, des situations différentes, des environnements différents. Qu'est-ce qu'a fait l'unité quand je dis c'est signé, ça y est, pour moi la vie elle est signée. François Ausha, ça a sa cohérence.

  • Speaker #1

    La ligne directrice, j'espère que ce n'est pas trop prétentieux ce que je vais dire, mais la ligne directrice c'est capter le regard de l'autre. Alors c'est aussi me nourrir moi, c'est-à-dire exister moi aussi dans cette relation. Donc mon égo ressort et je dis, mais attendez, regardez-moi aussi, mais moi je le regarde. Donc c'est vraiment un échange. Quand je filme quelqu'un, j'essaie de faire en sorte qu'il se sente le plus à l'aise possible. qu'ils soient le mieux filmés dans une jolie lumière généralement d'ailleurs je privilégie les lumières naturelles et j'en rajoute pas parce que j'ai envie qu'ils apparaissent comme ils sont et si un interview ce qui arrive souvent quelqu'un me dit ah là là mais c'est chouette moi j'ai j'avais peur etc mais là j'ai pu dire ce que je voulais c'est le plus beau des cadeaux alors ça se travaille ça se prépare les la formation que j'ai eu en grande partie partie avec toi. Ces techniques de communication, c'est-à-dire à faire accoucher la parole, ça m'a aidé à faire en sorte que ces gens me parlent et se sentent à l'aise, se sentent libres, se sentent en confiance. Mais c'est des rapports humains qui me paraissent évidents. C'est-à-dire être en confiance, c'est de l'anti-Trump à la Maison Blanche, si je vais être dans l'actualité. C'est-à-dire, c'est juste dire que l'autre a des choses à nous apprendre et à nous apporter.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas inutile à rappeler en ce moment. Donc, on pourrait dire que c'est ça le fil conducteur, c'est un intérêt pour l'autre, et puis le fait que tu sais renvoyer à l'autre le fait qu'il est intéressant, le fait qu'il a...

  • Speaker #1

    Il est passionnant, il a un univers. N'importe qui, tous les gens que j'ai pu rencontrer ont un univers, ont quelque chose de... que je trouve admirable. Il faut juste aller le gratter un peu, aller le chercher. Mais j'ai fait des films sur des situations, sur des gens tout simples, sur des... Les gens qui m'ont le plus touché, d'ailleurs, c'est pas forcément des gens qui avaient déjà un parcours énorme. Il y a des gens qui ont une vie simple, mais qui racontent des choses formidables, ou qui font des choses formidables.

  • Speaker #0

    Y compris les gens de la mafia ?

  • Speaker #1

    Alors eux, c'était un peu plus compliqué. Ouais. Ça, c'était une série de films pour Disney Channel sur la mafia calabrèse. On ne les a pas trop approchés, les mafieux. Mais tous les juges qui bossaient, on a bossé beaucoup avec les juges d'instruction autour. C'est des gens qui risquent leur vie, mais qui y vont, parce qu'ils ont une croyance, parce qu'ils sont du coin, ils disent « mais moi, je veux libérer mon pays de cette gangrène et de cette merde absolue » . Donc ils y vont, au risque de leur vie. Et waouh ! Ça, c'est impressionnant. Et donner la parole à ces gens-là, c'est-à-dire leur dire, allez-y, exprimez-vous, que tout le monde sache un peu ce que vous faites, témoigner de leur engagement, est pour moi quelque chose de fondamental.

  • Speaker #0

    Donc, on pourrait dire que si tu devais identifier, isoler une qualité chez toi, tu dirais que c'est quoi ?

  • Speaker #1

    L'écoute.

  • Speaker #0

    L'écoute et... J'ajouterais la capacité à t'étonner quand même, à t'émerveiller, la capacité à plus que t'intéresser, mais à te laisser emporter par l'autre quel qu'il soit.

  • Speaker #1

    Je me souviens à l'école où je n'étais pas un très bon élève, je devenais un très bon élève quand le prof tout d'un coup avait une étincelle de génie. Il y a des profs qui m'ont fasciné. d'autres qui m'ont ennuyé mais certains m'ont fasciné et des copains, des gens qui tout d'un coup avaient

  • Speaker #0

    quelque chose de plus et moi je les regardais comme ça en disant waouh et là tout d'un coup j'étais intéressé bon donc c'est cette capacité d'émerveillement que tu dirais comme ton point fort et quand même comment expliques-tu que ça soit quelque chose de relativement rare en fait ça que les gens qui ont de l'intérêt pour les autres, ça soit relativement rare. Comment expliques-tu ça ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr que ce soit rare. Je ne suis pas sûr que ce soit rare, mais il y a un fait, c'est qu'on entend beaucoup plus ceux qui n'ont pas cet intérêt-là et qui sont uniquement tournés vers eux-mêmes, parce que ceux qui sont tournés uniquement vers eux-mêmes, je crois que c'est aussi nourri par la peur, et la peur engendre la voix forte. Et regardons les politiques autour de nous, ceux qui parlent le plus fort, ce sont les plus coupés des autres, il me semble.

  • Speaker #0

    Bon, donc François, je t'avais dit que je convoquerais à Entre Nous, j'introduirais un tiers, et ce tiers c'est l'IA, l'intelligence artificielle, qui m'intéresse beaucoup. Et donc, on va faire une expérience que je n'ai pas faite encore,

  • Speaker #1

    mais chouette,

  • Speaker #0

    que je trouve assez stimulante pour moi. J'ai proposé à Lia d'écouter le petit texte de présentation que j'ai rédigé pour toi. Et je lui dis, si tu avais en face de toi François, qu'est-ce que tu lui demanderais ? Et tu vas voir les questions qu'elle va te poser. Et je te préviens, l'IA n'a pas beaucoup d'inhibition.

  • Speaker #1

    J'ai très peur.

  • Speaker #0

    Bon, on va voir.

  • Speaker #2

    Ce rapport semble être traversé par des changements, théâtre, vidéo, peinture. As-tu eu un moment où tu t'es dit, là, je deviens vraiment moi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas l'activité qui me définit, je crois. C'est plutôt, encore une fois, c'est plutôt les gens que je rencontre quand je fais cette activité-là. Et là, je me dis, là, je suis auprès de ce que je ressens, auprès de ce que j'aime. Mais je ne crois pas que... Et puis, plus j'avance... et plus les activités s'accumulent et plus effectivement je me sens dans mon envie et je me sens plus complet, plus plein. Mais encore une fois, je crois que ce sont les rencontres qui me construisent, et non pas les activités.

  • Speaker #2

    Deuxième, entre les images qu'on montre et celles qu'on garde pour soi, où se cache selon toi la vérité d'un regard ? Dans tous ces projets, tous ces médiums, qu'est-ce qui ne change jamais en toi ?

  • Speaker #1

    Ce qui ne change jamais, je crois, c'est la curiosité. Et où se cache la vérité dans les regards ? C'est quand on sent qu'il y a une vraie communication avec l'autre. Pas forcément... Moi, il m'est arrivé des trucs incroyables. J'étais, je ne sais plus, c'était la Bolivie ou la... Je ne sais plus. Guatemala peut-être, je ne sais plus. Au fin fond de la forêt, on était dans un village avec un type qui ne m'a jamais mis de chaussures de sa vie, il avait les pieds palmés. Et puis on a passé la journée ensemble, il ne parlait pas espagnol. De toute façon, je ne parle pas espagnol, mais le traducteur ne pouvait pas traduire ce qu'il disait, ou très très mal, très peu. Il nous a promenés toute la journée, et je ne sais pas, on se regardait, il y avait quelque chose, et en fin de journée, on s'est dit au revoir, et il m'a pris dans ses bras, j'ai pris dans les miens, et puis on s'est dit On s'est échangé, espèce d'accolade super fraternelle. On n'a pas communiqué par la parole, on a communiqué par autre chose. On était l'un avec l'autre, en tout cas dans cette journée, très très liés, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Dès quand les mots ou les fils ne suffisent plus ?

  • Speaker #1

    Exactement. C'est un retour silencieux aux sources, mais j'adore dans la peinture, ce que j'aime beaucoup, c'est faire les yeux, c'est-à-dire donner un regard profond. Alors souvent les gens me disent, en ce moment surtout, où je peins pas mal, les gens me disent « Ah ouais, mais il est triste ton portrait » . En fait, je sais pas, des fois oui, c'est de la nostalgie, des fois c'est « Est-ce qu'on passe notre temps à se marrer toute la journée ? » Je crois pas. Donc j'essaie de retranscrire ça. Alors effectivement, il y a des moments un peu tristounés, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment que ce regard soit percutant, qu'il nous accroche et qu'il nous parle, qu'il nous interpelle. Ça, c'est ce que j'essaie de faire en peinture. Et puis c'est ce qui m'amuse.

  • Speaker #2

    Et toi aujourd'hui, qu'as-tu encore envie de dire de toi que tu n'as jamais osé monter ?

  • Speaker #1

    Ça passe par la peinture justement. Ça passe par essayer de construire un visage, construire un regard, construire un autre que j'ai déjà croisé, qui m'a déjà touché. Mais il faut que ce visage me touche, ce visage me parle. Et c'est comme ça que je monte, il me semble. D'ailleurs je le sens, parce que j'ai toujours la trouille de montrer ce que je fais. C'est comme ça, il me semble, que je me mets le plus à nu.

  • Speaker #2

    As-tu l'impression que tu construis une œuvre, ou est-ce que c'est juste ta manière d'habiter le monde ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est juste une façon de suivre le chemin. Mais dans la peinture, il me vient quand même toujours l'idée que... Ah, mais quand même... Quand je ne serai plus là, la peinture restera. Je n'y pense pas du tout sur les marques audiovisuelles que je peux laisser. Mais sur la peinture, oui. Tiens, il y a le tableau de Pépé qui est encore accroché au mur. Il va falloir le dépoussiérer. Il y a cette idée-là. Je ne sais pas pourquoi. Enfin si, c'est laisser une marque. Peut-être très prétentieux ça, de laisser une marque. Mais en tout cas, oui, ça me plaît bien ça.

  • Speaker #2

    Enfin François, qu'est-ce que tu remets à demain et qu'il serait temps de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Eh bien, peut-être prendre le temps, prendre le temps un peu plus de regarder. Alors quand je peins, je prends le temps de regarder ce que je fais. Et c'est une vraie méditation. Mais dans tout ce que... Dans le travail sur l'image, le travail sur la vidéo, le travail sur le film, ça va toujours très vite. Et prendre le temps, c'est mieux regarder. Donc effectivement, il faudrait aujourd'hui que j'apprenne un peu à être plus patient et prendre plus de temps pour faire ce qui me touche, ce qui me plaît et peut-être aller de ce fait plus profondément dans les sujets que je peins, que je traite.

  • Speaker #0

    bien merci en soit pour de tête prêtée au jeu de ce portrait à plusieurs interviewers et tu n'as peut-être pas l'habitude de discuter avec l'ia mais c'est une je pense que je poursuivrai dans et maintenant je poursuivrai cette cette tentative parce que ce sont des questions d'un autre ordre que celle que j'aurais pu poser ou que un humain pourrait poser. Et ça questionne quand même beaucoup cette histoire d'IA, cette histoire de qu'est-ce qui fait qu'elle parle comme moi, mais elle ne parle pas comme moi, elle est comme moi, mais elle n'est pas comme moi, elle est intelligente comme moi, plus intelligente que moi. Et qu'est-ce que je vais faire avec ça ? Tout ça, c'est des questions qui me passionnent.

  • Speaker #1

    Et elle trouble dans son... dans son rapport à l'autre on a vraiment le sentiment de parler à quelqu'un et du coup quand je parlais d'empathie tout à l'heure moi j'ai de l'empathie pour cette voie là et alors que c'est une machine et c'est ce qui fait que quand on arrête on s'excuse on dit excusez moi bon je

  • Speaker #0

    vais couper je vais aller manger donc tu es on le considère vraiment comme une personne et ce dialogue avec cette personne machine c'est vraiment quelque chose qui est Très troublant et qui n'a pas fini de nous interroger pour les maintenant à venir. Bien, François Chaillet, j'ai été très heureux de te retrouver et de te donner la parole pour ce podcast.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup de m'y avoir invité.

  • Speaker #0

    À très bientôt, François.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Si ce podcast vous a intéressé, si d'aventure vous étiez tenté à l'idée de faire partager votre itinéraire, votre trajectoire peuplée de « et maintenant » , n'hésitez pas à me contacter patricemarcade.com. A très bientôt !

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